Vous êtes sur la page 1sur 7

UNITÉ 4

La narration séquentielle

SÉANCE 1
La narration séquentielle

Objectifs

• Expérimenter, produire, créer ;


• Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques.

Maintenant que tu sais ce qu’est une image narrative, nous allons voir comment on peut développer une narration qui se
déroule en plusieurs moments.

DIFFÉRENTS MOMENTS DANS UNE MÊME IMAGE


Tu connais certainement la légende d’Icare. Tu te rappelles comment, enfermé dans le labyrinthe avec son père
Dédale, ce dernier fabrique des ailes pour s’échapper par les airs. Icare, imprudent, vole trop près du soleil : la cire
de ses ailes fond. Il tombe dans la mer.

Dans le cadre ci-dessous, le personnage à gauche est Icare prêt à s’envoler. Complète le dessin en le montrant en
train de voler, puis de tomber dans la mer. Ne fais pas de séparation dans le cadre : les différents moments de l’his-
toire cohabitent dans la même image. N’oublie pas de représenter le soleil et la mer.

Tu as réalisé une première forme de narration séquentielle, dans laquelle plusieurs moments d’une histoire sont
représentés à différents endroits dans une même image.

26 CNED – Collège 5   ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 1


e
DIFFÉRENTS MOMENTS DANS PLUSIEURS IMAGES
Tu vas maintenant réaliser une petite bande dessinée qui raconte l’histoire d’Icare. Complète les cases manquantes
en t’aidant du texte placé en-dessous.

La bande dessinée que tu as réalisée développe la même histoire, mais en plusieurs cases ou images. C’est un récit
séquentiel qui se développe en plusieurs images. On retrouve le même principe au cinéma dans le story-board :
avant de filmer, on réalise des dessins montrant les différents plans des unités.

JE RETIENS

Une narration séquentielle peut se développer dans une même image, ou en plusieurs images. Dans le premier
cas, les différents moments du récit cohabitent dans un même arrière-plan ; dans le second, chaque case pré-
sente un moment du récit.

SÉANCE 2
Un récit en une seule image

Voici deux phrases importantes pour résumer ce qu’est une histoire :


• C’est mettre des événements les uns à la suite des autres.
• Une histoire a (généralement) un début et une fin.

Ces deux phrases indiquent que représenter une histoire c’est s’attacher au temps qui passe. Or, si un artiste peint
(ou sculpte) un récit, il est obligé de choisir un moment précis dans son déroulement car il ne peut figurer le même
personnage à des instants différents. La représentation du temps a toujours été un problème pour les artistes

CNED – Collège 5e  ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 2  27


et c’est pour cette raison que les récits sont généralement découpés en plusieurs images, chacune relatant un
moment permettant de résumer la chronologie (= succession dans le temps des événements). Pour que le récit soit
compréhensible, ces images doivent se suivre dans l’ordre chronologique, nous verrons cela dans la séance suivante.

C’est l’invention de la photographie (1839) qui a permis de mettre sur une même image des évènements se suc-
cédant rapidement. Dans les années 1880, deux scientifiques, Edward MUYBRIDGE et Etienne-Jules MAREY, se
livrent à des expériences permettant de photographier très rapidement la décomposition d’un mouvement. Leur
invention s’appelle la « chronophotographie », tu peux en voir un exemple ici.

Si tu suis le déplacement, de gauche à droite comme dans le sens de lecture occidental, tu peux raconter ce que tu vois :
un personnage saute, aidé d’une perche.

— Jules-Etienne MAREY, Le Saut à la perche, entre 1887 et 1890, chronophotographie sur


plaque fixe. Copie positive sur verre au bromure d’argent, 8,4 x 10 cm, Strasbourg, Musée d’art
moderne et contemporain

Ce récit, simple, indique bien qu’il s’agit d’un mouvement et suppose donc qu’il a duré un certain temps (quelques
secondes). Pourtant, tout est sur la même image et c’est d’ailleurs pour cette raison que l’on comprend ce qu’il se
passe. Imagine une seule de ces photographies isolées et la compréhension du « récit » serait tout autre… Cette
invention a permis de comprendre des mouvements dont on ne pouvait pas percevoir le détail auparavant, par
exemple le galop d’un cheval : depuis la chronophotographie, on ne le représente plus comme avant.

Cette manière de décomposer le temps, et donc l’histoire, anticipe sur une forme de récit en plusieurs images : le
cinéma (inventé peu de temps après, en 1896) est l’art de représenter le temps le plus efficace.

Une invention comme la photographie


remet en question la manière de représen-
ter et donc, de voir. Mais l’histoire de l’art
comporte quelques énigmes, comme celle
qui guida BRUEGEL à représenter cette
décomposition d’un récit dès le XVIe siècle,
trois cents ans avant la photographie !
Comme chez Marey, on peut suivre les
étapes d’un mouvement, de gauche à
droite. Ici, il s’agit de la chute d’un aveugle,
même si le personnage représenté n’a
pas les mêmes traits, c’est bien de cela
qu’il s’agit… Rares sont les peintres à avoir
représenté une histoire dans une seule
image avant la découverte de la photogra-
phie, ce tableau est un vrai mystère !
— Pieter Bruegel l’Ancien, La Parabole des aveugles, 1568, tempéra sur toile,
86 x 154 cm, Museo Nazionale di Capodimonte, Naples
© Archives Alinari, Florence, Dist. RMN/Raffaelo Bencini

28 CNED – Collège 5   ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 2


e
À propos de ce tableau, une petite parenthèse : le titre indique « Parabole » des aveugles. Attardons-nous quelques
instants sur ce terme. Une parabole est une manière de s’exprimer en disant quelque chose qui recèle un sens
caché (ou différent de ce que l’on voit). Si l’on se penche sur la signification de cette œuvre, nous trouverons la
confirmation de l’idée de décomposition du mouvement. Cette parabole est tirée de l’Évangile. On y trouve le texte
suivant : « Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle guide un aveugle, tous les deux
tomberont dans un trou ». Cela signifie que si nous suivons quelqu’un sans réfléchir, nous pouvons nous laisser
entraîner vers une catastrophe. On comprend alors la signification du tableau : le personnage de gauche va suivre le
mouvement et se retrouver à la place de celui de droite. C’est donc bien un récit qui décompose le temps et
assemble toutes les étapes dans la même image, comme le permettra l’invention de MAREY.

Les exemples de ce type sont exception-


nels bien que les artistes aient essayé
différentes manières de mettre plu-
sieurs moments dans une même image.
Au Moyen Âge, les enlumineurs devaient
faire preuve d’inventivité pour illus-
trer des textes riches en événements
importants. Un des récits les plus
célèbres de cette époque met en scène
l’écrivain Christine de PISAN, auteure
de La Cité des Dames. Sur l’illustration,
on peut l’identifier au livre posé devant
elle. À gauche, elle reçoit trois nobles
dames : Raison, Honnêteté, Justice, on
les reconnaît à leurs effigies. À droite,
elle construit sa fameuse Cité idéale
avec une des nobles dames, Honnêteté.
Pour que l’on comprenne les différents — La Cité des Dames de Christine de Pisan, ca. 1410, Enluminure sur parchemin,
moments de l’histoire, l’artiste a utilisé 12 x 18 cm, Bibliothèque Nationale, Paris
un stratagème (= ruse) : il a placé un
pilier vers le milieu de l’image, ce qui permet de la découper en deux parties tout en restant dans le même espace
(le ciel et le sol se prolongent de part et d’autre).

Ce découpage rapproche l’image de la méthode traditionnelle de représentation du récit, celle qui a débouché sur la
bande dessinée. C’est l’objet de la séance suivante…

JE RETIENS

Une chronophotographie montre plusieurs moments successifs sur la même image.


Les artistes à représenter un mouvement décomposé avant cette invention sont très rares.

CNED – Collège 5e  ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 2  29


SÉANCE 3
Une histoire en plusieurs images ; le temps comme matériau de l’œuvre

— Christophe, Comme quoi le sapeur Camember n’a plus froid aux pieds,
Le Petit Français illustré, n° 45, du 4 janvier 1890, Bibliothèque nationale de France

La planche de bande dessinée reproduite ci-dessus est une des premières de l’histoire à avoir été publiée à peu près
comme celles que nous connaissons aujourd’hui. Elle raconte, à travers de nombreuses pages, la vie imaginaire
d’un militaire pas très malin mais attachant. Avant que les personnages ne s’expriment dans des bulles (le nom
savant est « phylactère »), un texte très court était imprimé sous chaque dessin. Les images pouvaient donc encore
être considérées comme des illustrations d’un texte, ce qui ne sera plus le cas par la suite.

Ce qui nous intéresse ici c’est la décomposition du temps à travers des images différentes, autre méthode que ce que
nous avons étudié dans la séance précédente. En lisant simplement cette B.D., tu peux imaginer approximativement com-
bien de temps dure l’histoire qu’elle raconte.

La décomposition en cases permet, en fixant un moment précis pour chacune d’entre elles, de « découper » le
temps comme le permet la chronophotographie, mais en utilisant une case différente pour chaque moment. C’est le
même objectif qui est visé mais la forme est différente.

30 CNED – Collège 5   ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 3


e
L’étude de ces différents moyens de représenter une histoire permet de comprendre que l’objectif de nombreux
artistes est de donner à celui qui regarde l’impression qu’il assiste au déroulement d’un récit, donc qu’il représente
le temps qui passe. Un artiste contemporain s’est attaché depuis plus de cinquante ans à montrer le temps de sa
propre vie. C’est comme s’il faisait un autoportrait temporel. Son œuvre se manifeste de deux manières complé-
mentaires :
• À partir de 1965, il peint en blanc sur des toiles noires des lignes de nombres qui se succèderont jusqu’à sa mort.
• Dès qu’une toile est recouverte, il se prend en photo.

Depuis le début de ce travail, il a recouvert énormément de


toiles et s’est pris des dizaines de fois en photo. Toute son
œuvre est donc consacrée à la représentation du temps qui
passe et pour cela, il utilise de nombreux supports qui se
succèdent un peu comme les cases d’une bande dessinée.
Les trois photographies qui sont reproduites ici ont été
prises à des moments assez éloignés. Elles permettent de
comprendre sa démarche (= manière d’agir) et d’imaginer
le rapport entre ce qu’il montre et le temps qui passe. Peu — Roma OPALKA, Autoportraits, Galleria Melesi Lecco, Italie
d’artistes ont montré, dans leurs autoportraits,
les effets de l’âge et du vieillissement. L’un
des plus célèbres de l’histoire s’est livré à cet
exercice, il s’agit de REMBRANDT. Mais c’est un
autre sujet…

Nous l’avons vu, la chronophotographie conduit


à l’invention du cinéma. À l’origine, un film était
constitué d’une série de photographies enregistrées
sur un négatif. Une fois le film développé sur une
pellicule transparente, on pouvait le projeter à la
même vitesse qu’il avait été enregistré. Pour que
notre œil ne perçoive pas la limite entre les photo-
graphies (on appelle cela des « photogrammes »
au cinéma), il ne doit pas y en avoir moins de 24 par
secondes.

Les images assemblées dans une unité de récit


forment un plan ou une unité. Avant de réaliser
un film, il faut prévoir comment vont s’organiser
ces unités entre elles, dans quel ordre elles
vont se succéder, combien de temps elles vont
durer, etc. Cette étape est souvent rédigée, on
appelle cela un « scénario ». Parfois, pour rendre
le scénario plus parlant, certains réalisateurs
le dessinent. Ils fabriquent alors quelque chose
qui ressemble à une bande dessinée, excepté le
fait qu’il n’y a pas de bulles et que c’est plutôt un
document de l’ordre du croquis préparatoire.

L’image reproduite ci-contre montre un très beau


travail préparatoire de découpage du film « Les
Oiseaux » d’Alfred Hitchcock. C’est un document
intéressant car on peut comparer le dessin et la
partie du film qui lui correspond. Les scénarios
(au pluriel, on peut aussi dire « scenarii »)
dessinés de cette manière s’appellent des
« storyboards ».

— Alfred Hitchcock, Storyboard du film « Les Oiseaux », Universal films, 1963

CNED – Collège 5e  ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 3  31


Le coin des curieux

Ce lien conduit à un site sur lequel tous les autoportraits de Rembrandt sont reproduits. Tu peux vérifier les
effets du temps sur l’image de l’artiste, ce qui est exceptionnel puisque la plupart des autoportraits nous laissent
une image flatteuse de l’artiste qui ne nous renseigne que très peu sur son âge réel. http://art.mygalerie.com/
les%20maitres/rembrandt/autoportraits.html

JE RETIENS

La bande dessinée permet le découpage d’un récit en plusieurs images.


Un « storyboard » est un scénario dessiné.

J’ÉVALUE MES ACQUIS


Tu peux à présent faire le bilan de tes compétences grâce à la grille d’auto-évaluation ci-dessous. Pour cela, fais une croix
dans les colonnes 1, 2 ou 3, en face de chacune des compétences du tableau selon ce que tu penses avoir acquis, presque
acquis ou pas acquis du tout ; dans ce dernier cas, tu pourras donc revoir le cours afin de t’améliorer.

1 = acquis
2 = en cours d’acquisition
3 = non acquis

Connaissances et compétences pour l’unité 4 1 2 3


Je sais faire cohabiter plusieurs moments
d’une histoire dans une même image.
Je sais réaliser une courte bande dessinée.
Je sais ce qu’est une narration séquentielle.
Je sais ce qu’est la chronophotographie.
Je sais ce qu’est un storyboard.

32 CNED – Collège 5   ARTS PLASTIQUES – Unité 4 – Séance 3


e

Vous aimerez peut-être aussi