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Des recommandations pour le traitement de l’hypercalcémie maligne

Publié le 03/03/2023

L’hypercalcémie maligne (HM) est une urgence métabolique qui affecte 2 à 30 % des
malades souffrant d’un cancer. Elle est associée à une morbidité et à une mortalité
considérables. Ses symptômes sont variés, pouvant associer fatigue, constipation, polyuro-
polydypsie, atteinte cognitive sévère, insuffisance rénale ou encore arythmie cardiaque. Sur le
plan physiopathologique, elle peut être due à la la sécrétion de peptides proches de la
parathormone, ou à des métastases osseuses avec libération de facteurs ostéoblastiques ou
encore à un excès de calcitriol. Son traitement comporte une hydratation par voie veineuse
(IV), le recours à des agents anti résorption puissants, tels les bisphophonates (BP) ou le
dénosumab (Dmab) ou encore à la calcitonine en cas d’HM sévère. Dans tous les cas, le
traitement de l’affection maligne sous-jacente est indispensable afin de contrôler l’HM et de
prévenir les récidives.

Un panel d’experts multidisciplinaires a été constitué par l’Endocrine Society afin de procéder
à un examen systématique de la littérature et de développer des recommandations
thérapeutiques dans l’hypercalcémie maligne, en tenant compte de la survie, la qualité de vie,
la résolution de l’HM et le délai avant retour à la normo calcémie. Huit préconisations ont été
émises, dont une seule forte, concernant la réhydratation IV et sa combinaison avec le Dmab.

Hydratation intra-veineuse systématique, associée à…

En cas d’hypercalcémie maligne, l’hydratation IV ou couplée à un bisphosphonate ou au


dénosumab est recommandée (niveau de recommandation élevé, très faible niveau de
preuves). 4 études contrôlées contre placebo ont analysé l’impact de la réhydratation IV en
combinaison avec un BP (étidronate ou clodronate) vs la simple réhydratation. Les taux de
résolution de l’HM ont été respectivement de 61,3 vs 27,5%, soit un RR calculé à 2,22
(CI :1,51-3,14). Dans 2 autres essais randomisés, en double aveugle, il a été montré que 8 mg
d’acide zolédronique étaient plus efficaces que 50 mg de pamidronate, le taux de résolution
étant de 56,5 vs 33,3 %, avec une efficacité plus prolongée dans le temps. En cas de
métastases osseuses ou de myélome multiple, le Dmab a semblé plus efficace que l’acide
zolédronique, avec un taux de récidive plus faible, de l’ordre de 1,7 vs 3,5 %, et moins
d’effets osseux ou d’hypocalcémie iatrogènes. Enfin, le panel d’experts a confirmé qu’il
existait sous acide zolédronique une diminution du turn-over osseux chez des femmes
atteintes de cancer du sein avec métastases osseuses.

Et si cela ne suffit pas

Dans les hypercalcémies sévères (calcémie dépassant les 14 mg/dl) la recommandation est de
recourir à la calcitonine en sus de l’emploi des BP ou du Dmab (recommandation
conditionnelle, très bas niveau de preuves). En présence d’une HM réfractaire ou récidivante
malgré les BP, 3 études recommandent l’emploi du Dmab ou de son association avec un BP
(là encore, il s’agit d’une recommandation conditionnelle, avec un très bas niveau de
preuves). Selon les experts la corticothérapie n’a pas démontré son efficacité en cas d’HM
tumorale par production ectopique de calcitriol. En règle générale, la préconisation d’emploi
préférentiel des BP ou du Dmab est fondée sur les mécanismes d’action de ces agents
médicamenteux qui inhibent la résorption osseuse ostéoclastique.

Enfin, les malades porteurs d’un carcinome parathyroïdien peuvent recevoir une thérapeutique
par molécules calcimimétiques et/ou antirésorptives, en fonction de la sévérité de l’HM et de
sa réponse au traitement initial (recommandation conditionnelle, très bas niveau de preuves).

Des traitements non dénués d’effets secondaires

Au total, l’hydratation IV, la calcitonine, les BP, le Dmab, voire dans des indications limitées,
les corticostéroïdes et le cinacalcet, constituent la pierre angulaire du traitement de l’HM. Il
faut toutefois se rappeler que l’hydratation peut conduire à une surcharge volémique, l’emploi
de la calcitonine ne saurait dépasser 48-72 h, de par le risque de tachyphylaxie. Le cinacalcet
a montré son efficacité dans les cancers parathyroïdiens mais entraine des effets secondaires
gastro-intestinaux limitant son utilisation.

Les BP et le Dmab sont efficaces, parfois de façon durable, mais sont associés à un risque
d’ostéonécrose de la mâchoire et à la survenue de fractures fémorales atypiques. Les BP
peuvent également être associés à une insuffisance rénale, à des réactions aigues ou à une
hypocalcémie iatrogène. Quant au Dmab, des hypocalcémies ont été observés sous traitement
ainsi qu’un risque important de perte osseuse et de fracture à l’arrêt de celui-ci. Il est plus
couteux que l’hydratation IV mais a pour avantage l’administration sous-cutanée.

Dans l’avenir, des études devront comparer les effets des BP et du Dmab ainsi que le risque
de rebond, celui de résorption osseuse et de fracture, et enfin analyser les coûts globaux des
différents traitements.

Dr Pierre Margent
Référence

Dickens LT, Derman B, Alexander JT. Endocrine Society Hypercalcemia of Malignancy


Guidelines. JAMA Oncol. 2023 Jan 13. doi: 10.1001/jamaoncol.2022.7941.

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