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317 - Les phraséologismes sous l’angle de la variation, de l’innovation et du changement

linguistique
Du lundi 8 au mercredi 10 mai 2023

Les phraséologismes (aussi appelés unités phraséologiques ou phrasèmes) sont des


séquences :
– polylexicales, c’est-à-dire qu’elles sont formées d’au moins deux unités utilisées, avec une
certaine récurrence, en contiguïté ou à proximité dans les textes (p. ex. au Québec, coûter une
beurrée, en France et en Suisse, coûter bonbon, en Belgique, coûter un os; Lamiroy et al.,
2010, p. 33-34);
– préfabriquées d’un point de vue cognitif. Il y a mémorisation « connectée » des unités
figurant dans leur signifiant;
– contraintes sur le plan paradigmatique. Les unités en présence ne commutent pas librement
avec d’autres unités de sens proche (p. ex. : *coûter une tranche). D’autres contraintes
peuvent s’ajouter, notamment d’ordre syntaxique (p. ex. : impossibilité de passiver,
d’introduire une négation) et pragmatique (p. ex. : l’affiche apportez votre vin sera placée bien
en vue à l’entrée d’un restaurant au Québec).
La vaste classe des phraséologismes n’est pas unifiée. À titre indicatif, Iordanskaja et Mel’čuk
(2017) proposent une typologie des phrasèmes qui compte, à son extrémité inférieure, 10
sous-classes aux propriétés sémantico-pragmatiques clairement délimitées (cf. locutions
fortes, semi-locutions, locutions faibles, collocations standard, collocations non standard,
nominèmes, pseudo-nominèmes, termèmes, formulèmes, sentencèmes).
Le colloque est l’occasion de réfléchir aux phraséologismes, dans toute leur complexité, en
établissant un lien explicite avec la problématique de la variation, de l’innovation et du
changement linguistique – en français ou dans une autre langue. Cette problématique, centrale
dans les annales linguistiques depuis plusieurs décennies, est demeurée dans le champ de
vision périphérique des phraséologues – du moins des phraséologues spécialistes du français –
à l’exception de quelques cas notables (p. ex. : Lamiroy et al., 2010 et Lamiroy, 2020 sur les
expressions verbales de la francophonie; voir aussi Cahiers de lexicologie, no 116, 2020).

Remerciements
- Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ)
- Région Auvergne-Rhône-Alpes
Responsables
Gaétane Dostie U de S - Université de Sherbrooke
Agnès Tutin Université Grenoble Alpes

Résumé des communications du colloque


********************|Lundi 8 mai 2023|*******************
Session 1
Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant Local : B-3295
Présidence/Animation : Gaétane Dostie (UdeS - Université de Sherbrooke)
08 h 50
Mot de bienvenue
09 h 00
Quand les nouvelles générations créent des expressions : l’émergence de nouveaux
phraséologismes à l’oral ordinaire
Antonio Garcia Fernandez (Universidad Nacional de Educación a Distancia (UNED))
Le lexique a expérimenté un renouvellement rapide et de nouvelles pratiques de
communication grâce à l’accessibilité des réseaux sociaux et les nouvelles technologies. Ces
changements linguistiques se produisent non seulement au niveau morphologique et
syntaxique, mais aussi au niveau lexical et pragmatique. Les jeunes locuteurs « forcent » le
langage en apportant de nouvelles expressions et, en particulier, de nouvelles formules de
discours à travers des mécanismes de créativité lexicale, comme l’emploi de mots à formes
variables, la troncation, le verlan et la réutilisation de termes anciens, et des procédés
sémantiques, comme la métaphore, la comparaison et l’emprunt par l’influence des chansons,
des langues d’immigration et de l’anglais.
D’ailleurs, les phraséologismes varient conformément à un ensemble de paramètres
variationnels, comme : le lieu (variation diatopique), le média (diamodale), le registre
(diastratique) et la chronologie (diachronique). Ces paramètres ont conduit à l’émergence de
nouveaux phraséologismes. C’est le cas de séquences préfabriquées telles que c’est le ghetto,
c’est quoi les bails, ça passe crème, faire un prank, y a r[1]. Le but de notre proposition est le
repérage des paramètres qui provoquent un changement dans l’émergence de ces expressions.
Ces paramètres font également partie de l’enrichissement de la langue à différents niveaux et
registres.
[1] Ces expressions sont extraites du corpus Multicultural Paris French (MPF).
09 h 30
Discussion
09 h 40
La construction [V. sa race ] Étude d’un phraséologisme émergent
Irina Ghidali (Sorbonne Nouvelle)
Cette communication propose une analyse d’un phraséologisme du français contemporain,
observable dans les exemples suivants :
(1) Je lui insulte sa race ou pas ? (Twitter, jan. 2023)
(2) J’en connais un qui va kiffer sa race.(Twitter, juin 2021)
(3) lentretien d’embauche h-1 je stresse sa race mais j’ai mon amoureux donc ça va (non)
(Twitter, déc. 2022)
(4) Oh sa race faut que je re adhère à la JC moi (Twitter, jan. 2023)
Dans la construction [V. sa race] le syntagme nominal sa race apparaît tantôt comme
complément des verbes transitifs (1 et 2), tantôt comme syntagme apposé à des verbes
intransitifs (3), sans pour autant modifier la valence de ces verbes. Dans les deux cas, le
syntagme est complètement désémantisé et fonctionne comme un intensif. Il peut commuter
avec des adverbiaux, car il est glosable par « beaucoup », « très fort ». Notre hypothèse est
que la construction [V. sa race] est un point d’observation des étapes progressives de la
pragmaticalisation du syntagme sa race, qui aboutit à des emplois isolés à valeur purement
interjective (4). La construction relève de l’oral familier, ou de l’écrit à forte dimension orale,
propre aux réseaux sociaux. Notre analyse s’appuiera sur un corpus de tweets et interrogera
l’influence du processus de pragmaticalisation sur le fonctionnement syntaxique de la
construction, avec une focalisation sur le rapport entre la désémantisation du syntagme
nominal sa race et les limites de sa dépendance rectionnelle par rapport aux verbes.
10 h 10
Discussion
10 h 20
Pause
10 h 40
Emploi du phrasème "comme quoi" en français écrit au Congo
Davh Patchelly Mayena (Université Marien Ngouabi)
Cette communication porte sur l’emploi du phrasème comme quoi en tant que terme ténu de
validation ou de focalisation des configurations syntaxiques antéposées et/ou postposées.
Cette expression s’envisage concrètement comme un « auxiliaire sémantique » et se
singularise, entre autres, par ces trois points cruciaux : comme quoi assumant la valeur
focalisationnelle en début de discours, comme quoi régisseur et zone de clarification d’un
énoncé proverbial et comme quoi survenant après une ponctuation faible. Le caractère
focalisationnel, voire validationnel du phrasème comme quoi n’est certes pas facile à cerner,
mais il est plausible que la langue française s’est dotée d’une belle expression d’introduction
des propositions à valeur énonciative. Le suremploi de cette combinatoire dans le corpus de la
presse écrite s’explicite par le fait que cette dernière est envisagée, en langue, comme l’une
des structures à laquelle recourt généralement le locuteur-scripteur pour rendre
compréhensible sa pensée. Et les formes négatives dont ce phrasème clarifie le sens ne
concernent pas uniquement les outils de négation absolue tels que ne…pas et jamais, mais
portent également sur quelques unités linguistiques dégageant les mêmes sèmes.
11 h 10
Discussion
11 h 20
"C’est clair" : de la grammaire de la phrase à la grammaire des thétiques
Danh-Thành Do-Hurinville (Université de Franche-Comté (Besançon, France)), Huy-Linh
DAO (INALCO & CRLAO – CNRS UMR 8563)
Cette communication a pour objectif d’examiner le pragmatème c’est clair, au sens de Blanco-
Escoda & Mejri, 2018, une brachylogie d’énoncés polylexicaux comme : « C’est bien vrai ! »,
ou « Tu l’as dit, bouffi ! ». Ce pragmatème semble s’imposer au début des années 2000 dans
les médias. Selon ‘Wikidictionnaire’, c’est clair peut fonctionner comme :
(i) une « locution adverbiale » appartenant à la grammaire de la phrase, qui se situe sur le
plan référentiel, et participe au contenu propositionnel de l’énoncé.
(ii) une « locution interjective », servant à exprimer une approbation franche, sans
équivoque, qui relève de la grammaire des thétiques au sens de Heine (2013), et se situe sur le
plan pragmatique (cf. Dostie, 2004), pour relier un énoncé à la situation discursive.
En vue d’étudier c’est clair, on s’appuiera sur la typologie de Iordanskaja et Mel’čuk (2017),
en dialogue avec la « cooptation » de Heine (2013), et la transcatégorisation schématisée sous
la forme d’un triangle (Lexème-Grammème-Pragmatème).
Références bibliographiques
Blanco-Escoda X. & Mejri S., 2018, Les pragmatèmes, Classiques Garnier.
Dostie G., 2004. Pragmaticalisation et marqueurs discursifs, De Boeck Supérieur.
Heine B., 2013. “On discourse markers: Grammaticalization, pragmaticalization, or
something else?”, Linguistics, 51, 1205-1247.
Iordanskaja L. & Mel’čuk I., 2017, Le mot français dans le lexique et dans la phrase, Paris,
Hermann.
11 h 50
Discussion

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