Vous êtes sur la page 1sur 18

Politique étrangère

Le IIIe Reich et le capitalisme


John Brech

Citer ce document / Cite this document :

Brech John. Le IIIe Reich et le capitalisme. In: Politique étrangère, n°6 - 1937 - 2ᵉannée. pp. 503-519;

doi : https://doi.org/10.3406/polit.1937.6325

https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1937_num_2_6_6325

Fichier pdf généré le 11/04/2018


LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

Historique

Pour comprendre les rapports entre l'Empire allemand et le capitalisme


il est nécessaire de tenir compte des deux facteurs caractéristiques suivants :
1) la découverte scientifique du capitalisme est l'œuvre de Karl Marx;
2) le débat sur le sens exact de cette notion dogmatique et historique
s'est poursuivi sans interruption tant sur le terrain scientifique que dans
la lutte politique des partis. Ce débat a préoccupé avant tout la critique
économique allemande et ce sont les économistes allemands eux-mêmes,
bien plus que ceux d'autres pays, qui lui ont donné sa forme littéraire,
en orientant leurs recherches vers les origines de ce phénomène
essentiellement moderne de l'économie, appelé par Marx « processus de
production du capital ». Il importe peu dans ce débat que Werner Sombart ait
cru pouvoir fixer la date exacte de la naissance du capitalisme en 1203, ou
que d'autres savants ne l'aient fait naître qu'aux XIVe et XVe siècles, c'est-
à-dire à l'époque où l'esprit humain commençait à se dégager des liens
imposés par la religion et l'état féodal; en réalité, les premières formes
capitalistes de l'économie ont existé bien antérieurement. Max Weber,
dans ses recherches sur l'histoire agraire de l'Antiquité, a démontré avec
preuves à l'appui que non seulement le commerçant romain dirigeait
ses affaires en calculateur habile, mais en outre que les manifestations
de l'esprit de profit individuel, favorisées par la liberté de mouvement
économique et politique, permettent également de déterminer sans
équivoque le point de départ de l'action primitive du capitalisme.
Dès le début, et relativement aux caractères du capitalisme, il est résulté
dans les opinions des économistes allemands deux conceptions
diamétralement opposées : l'une d'elles, la conception marxiste proprement dite,
ne voit dans le capitalisme que le processus évolutif inévitable de l'économie
moderne, son début consisté dans la libération de la force économique
de l'individu, et son but dans la socialisation des moyens de production;
l'autre conception voit dans le capitalisme prendre corps, indépendamment
de l'époque et de la raison économique, une exigence conforme à la nature
des choses et sous sa forme la plus rationnelle et la plus caractéristique.
504 . LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

Marx lui-même a mieux que tout autre discerné et exposé dans son œuvre
principale les lois fondamentales de l'économie libérale, en dégageant
de la loi prépondérante la notion particulière du capital privé et
profiteur. Ce faisant, il a découvert à la fois son dynamisme et son côté
révolutionnaire, tant au point de vue politique que social. C'est cette découverte
qui donna l'impulsion essentielle aux investigations des savants
spécialisés en économie sociale, tels que Sombart, Max Weber, Schmoller, dont
les œuvres maîtresses sont consacrées à l'histoire sociale et morale du
capitalisme.
En présence de cette direction prise par l'économie allemande, la science
étrangère, en particulier celle des pays anglo-saxons continuateurs du
système classique, n'a pas pris position dans ce domaine — du moins avant
la guerre — car le capitalisme n*a pas été le centre attractif de ses
préoccupations.
La France, dont la littérature socialiste fut si abondante au cours de
la première moitié du XIXe siècle, n'a, aux dires de Charles Gide, guère
contribué par la suite à l'investigation du problème socialiste; elle s'est
plutôt consacrée à l'étude de questions d'ordre économique, soit de
l'économie sociale considérée surtout au point de vue juridique. La raison
de l'attachement si frappant des savants allemands aux problèmes de
l'essence et de l'évolution capitalistes est en connexion directe avec la
situation politique de l'Allemagne au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
L'évolution si considérable de la législation sociale allemande resterait
incompréhensible si on faisait abstraction de sa préparation scientifique due
aux savants dénommés par leurs adversaires « socialistes universitaires »
(Katheder Socialisten). D'autre part, l'Allemagne économique d'après-
guerre, fortement influencée par les idées anticapitalistes, se fonde sur
les bases de l'économie sociale et de la politique générale posées par l'Ancien
Régime. Pour établir sa législation sociale elle n'eut par conséquent qu'à
reprendre intégralement l'héritage des conceptions politiques léguées
par son prédécesseur. Seul le domaine restreint du droit ouvrier fut
l'objet de créations législatives nouvelles.
Examinons les rapports entre la politique et le capitalisme en Allemagne.

L'évolution des idées anticapitalistes

Sous l'influence de Rodbertus les « socialistes universitaires »


préconisèrent l'intervention de l'État dans l'économie et se mirent à la disposition
de Bismarck. Dès 1842, date de son premier écrit, Rodbertus avait
condamné l'égoïsme originel de l'homme et avait déclaré que la distinction
LE ÎÏIe ÏÏEKM ET LE CMTTALISME . 585

faite entre l'économie théorique reconnaissant le règne de Tégoïsme, et


la politique économique visant au salut public, équivalait
nécessairement à la destruction de toute économie politique. C'est pourquoi aux
yeux de Rodbertus les socialistes étaient dignes de respect. Les professeurs,
eux, en exigeant que toutes les décisions économiques s'appuient sur
l'échelle des valeurs morales, s'écartaient sans contredit du socialisme.
Theodor Lohmann, collaborateur de Bismarck en matière sociale et
rapporteur au ministère du Commerce, n'était point satisfait des «
socialistes universitaires». Il leur reprochait de ne pas faire de distinction claire
entre les lois naturelles de l'économie et les devoirs de la personnalité
individuelle et nationale. Rodbertus lui-même n'épargnait pas ses
critiques aux partisans de sa propre doctrine.
Ce groupe universitaire n'était pas anticapitaliste, mais plutôt et surtout
antimanchestérien, et son représentant le plus marquant, le professeur
Adolf Wagner, en arriva à ne retenir du socialisme de Rodbertus qu'un
programme limité à l'impôt sur le revenu et à la nécessité de l'intervention
croissante de l'État.
Au fond, le socialisme de ces hommes était une politique de protection
de classe, et par là un système d'idées sociales moins bien étayé que
celui des socialistes disciples de Marx. Ces derniers exigeaient, comme
minimum, une réglementation nouvelle des deux facteurs essentiels de
la production, et pour cette raison s'attaquaient à la situation
prépondérante que le capital occupait en fait.
Les réformateurs sociaux allèrent plus loin que les « socialistes
universitaires ». En critiquant le capitalisme, ils ne tirèrent pas leurs arguments
de la misère de la classe ouvrière, mais bien de l'essence même du système
capitaliste. Theodor Lohmann était convaincu que la question sociale
serait résolue par la création d'un système social nouveau, équivalant à
une modification totale de l'ordre social existant, plutôt que par des mesures
isolées et inopérantes. Lohmann considérait comme dangereux le concept
libéral de la centralisation du pouvoir et sa notion abstraite de la liberté.
Cette argumentation en faveur d'une politique économique anticapitaliste
ne perdait rien de sa vitalité dans l'Allemagne d'avant-guerre. Les partisans
de Stocker d'abord, de Naumann ensuite, qui tous deux ajoutèrent à
leurs tendances socialistes une forte note nationale, eurent de solides
attaches avec la jeunesse universitaire. Leurs idées n'ont pas été sans
influence sur les programmes de socialisation de 1919 et 1920. On a donné
le nom de « socialisme conservateur » aux idées exprimées dans les travaux
de Richard von Mollendorf.
Ce qui précède explique que la question sociale n'avait pas trouvé sa
solution définitive avant la guerre. La législation sociale avait bien évolué
POLITIQUE ÉTRANGÈRE. 33
506 LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

de façon très satisfaisante, elle prévoyait un grand nombre de mesures


destinées à protéger l'ouvrier contre tout abus, mais, malgré cela, le
problème proprement dit de l'ordre social était demeuré sans solution, parce
que la législation n'avait pas attaqué de front le problème économique
dans son ensemble. La question de la distribution et de la direction du
revenu national, de même que celle de la fortune nationale, avaient
totalement été passées sous silence. D'ailleurs, les partis sociaux et politiques
traditionnels, si nuancés que fussent leurs programmes, ne voyaient
dans le capitalisme et le socialisme que deux expressions différentes d'un
même point de vue de classes économiques. Ni les théoriciens,
économistes de l'avant-guerre, ni les progressistes sociaux qui, la guerre terminée,
tentèrent d'aboutir à un résultat par la voie de la « Socialisation froidel »
(pacifique-intégrale) ou de l'extension du droit ouvrier, n'ont rien
changé à cette situation de fait. Quant à la politique sociale d'après-
guerre, elle vécut sur les principes établis par les économistes d'avant-
guerre. C'est ainsi que M. Brauns, député du centre catholique,
l'homme qui a tenu le record de durée ministérielle (il fut ministre
du Travail dans tous les Cabinets de 1921 à 1931), a été un élève de Gustav
Schmoller. Ce dernier, fondateur de l'Association pour la politique sociale,
a eu l'influence la plus grande en matière de législation économique,
influence s'étendant bien au delà de ce que supposaient ses amis et ses
adversaires.
Quant au sort du capitalisme en Allemagne d'après-guerre, il est lié au
fait que toute discussion était toujours limitée à la politique sociale au lieu
de s'étendre à l'ensemble de l'économie. Cette dernière demeurant libre,
devait autant que possible rester soustraite à toute intervention de l'Etat,
tandis qu'on cherchait à endiguer la politique sociale, à la réduire à une
simple réglementation des entreprises et du travail. Quelles sont les raisons
qui dictaient cette attitude? Le professeur Otto von Zwiedineck-Sûden-
horst, le premier théoricien de la politique sociale, les a formulées : « Toute
politique sociale vise à paralyser la puissance du capitalisme ».
Ces discussions qu'elles se fussent produites dans les milieux des
théoriciens ou des politiciens — les deux milieux ne différant que par
la façon de présenter leurs arguments — ne purent que demeurer
stériles. La raison de cette stérilité réside dans le fait que, comme l'ont
démontré les travaux sociologiques de Max Weber d'une part et les études
des socialistes chrétiens d'autre part, l'opposition entre le socialisme et
le capitalisme reposait sur des fondements idéologiques. Socialisme et
capitalisme avaient chacun leur éthique propre. Or, si l'un et l'autre
étaient réellement l'expression de deux états d'âme différents, comment
une synthèse aurait-elle pu se réaliser? Le partisan du capitalisme croyait
LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME 507

à la possibilité de libérer l'homme des entraves provenant de ses attaches


politiques et de classe, il croyait au progrès d'un ordre juridique, ayant fait
de la propriété une affaire privée. Le socialiste, par contre, ne voyait dans
cette liberté qu'une résurrection des privilèges des possédants,- provenant
cette fois, non pas d'une société féodale, mais bien de l'abandon des
moyens de production à la propriété privée. La morale capitaliste reposait
sur l'idée d'un système universel économiquement réglé; la morale
socialiste se basait sur la foi en une solidarité internationale des classes
opprimées, fondée en droit à prétendre primer tous les intérêts économiques
et politiques des peuples de l'univers. Richard von Môllendorf, décédé
récemment, collaborateur du premier ministre lors de la socialisation de la
République weimarienne, a étudié dans plusieurs écrits cette économie
transitoire, destinée à faire passer immédiatement l'empire capitaliste à
l'état de démocratie socialisante. Il a caractérisé la situation comme suit :

« On se dispute à propos de choses accessoires pour le socialisme : en réalité il


ne s'agit point du droit du plus fort ou du plus faible, de la puissance du nombre
ou de quelques-uns, du prix de beauté disputé entre l'avarice et l'envie; ce qui
importe surtout c'est le devoir des forts et des faibles, du nombre et de quelques-
uns des avares et des envieux, donc de leur devoir envers la communauté. Les
deux plateaux de la balance, celui de l'idéologie capitaliste intégrale et celui
de l'idéologie socialiste intégrale, n'arrivent pas à l'équilibre, parce qu'on les
charge à qui mieux mieux des jugements de valeur émanant de leurs prétentions »'.

Économie dirigée
et socialisation des moyens de production

Le problème capitaliste dans l'Allemagne d'après-guerre n'a pas


seulement fait l'objet de simples disputes théoriques et politiques, mais a trouvé
aussi son expression concrète dans la transformation du système capitaliste
en un système socialiste réalisé, notamment, par l'incorporation du parti
social-démocrate au gouvernement.
Dès lors, deux voies s'ouvraient dans cet ordre d'idées :
1) L'économie capitaliste pouvait être organisée selon un plan
déterminé, sans que pour autant soit abandonné, de prime abord, le principe
de la propriété privée. C'est là le chemin que pensait pouvoir suivre la
commission de socialisation, sous la direction du ministre Wissel. C'est
du reste la méthode adoptée par l'économie dite de transition. Cependant
l'inflation a dévoilé, plus vite qu'on ne le pensait, les tares inhérentes
508 LE IIIe REICH ET LE CMUALBME

a cette méthode, par ailleurs sans intérêt pour les sphères capitalistes
redevenues conscientes de leur force.
2) On pouvait, après l'écroulement politique, décréter par voie légale
l'extension des droits de propriété de la société, c'est-à-dire de l'État,
sur les moyens de production. Cette méthode présentait, par contre,
d'innombrables difficultés, suite de la situation instable dans la structure
économique de l'Allemagne. Toute économie dirigée suppose, pour être
rationnelle, que l'État soit lui-même propriétaire d'entreprises. Un
socialisme bien compris tend nécessairement à l'absolu. De plus, la condition
sine qua non de l'organisation du système économique, par la création d'un
office central d'économie dirigée ou d'un état-major économique par
exemple, nécessitait, pour le moins, l'appui d'un État fort. Or ce caractère
indispensable lui faisait défaut. La structure politique du Reich basée sur
un régime parlementaire avait au contraire renforcé l'opposition et la
rivalité des partis entre eux, des groupes économiques et des classes. Il eût fallu
en premier lieu créer une autorité, avant d'opérer une réforme à caractère
socialiste du système économique de l'Allemagne. Cette forme de
démocratie en fut d'autant moins capable qu'elle avait proclamé le principe de
l'expression libre de la volonté, à un moment où il importait surtout
d'obtenir une unité dans les opinions au lieu de les disperser.
Les tentatives pour vaincre le capitalisme par la politique étaient
condamnées d'avance, parce que toutes les conditions nécessaires à l'éclosîon d'une
forme d'entreprise publique capable de se substituer à l'économie privée
faisaient défaut; et faisait défaut également la base politique susceptible
d'insuffler au peuple l'enthousiasme nécessaire à sa collaboration dans
l'expression nouvelle de la vie en commun.

L' anticapitalisme sous le mouvement nationaUsocialiste

Dans cette Allemagne où l'économie avait des intérêts purement matériels


et égoïstes, ce ne fut point un hasard que l'ambiguïté des buts politiques
et la désagrégation croissante des valeurs morales aient eu pour
conséquence la naissance dans le peuple de mouvements rénovateurs tendant
à une refonte totale de la vie politique du Reich. L'Allemagne voulait
se libérer du capitalisme, parce qu'elle était décidée a ne pas admettre
une « révolution des valeurs ». Ce fut par une logique immanente que
es hommes intéressés au renouvellement de l'État tombèrent d'accord
quant aux principes anticapitalistes à adopter. En réalité, dès avant 1933,
les sentiments anticapitalistes étaient tellement forts qu'un abîme semblait
séparer les Allemands, même à l'intérieur des partis bourgeois. On
pouvait dire, sans exagération, que la majorité des Allemands était opposée
LE m« raCB ET LE CAPITALISME 51»

au capitalisme en tant qu'expression de l'ordre économique en vigueur.


Je citerai deux témoignages afin de démontrer qu'à ses débuts déjà le
national-socialisme a eu conscience de l'importance politique de ces
questions.
Le programme du parti ouvrier national-socialiste du 24 février 1920
exige dans son § 11 : « l'abolition des revenus provenant de sources
autres que le travail et l'effort; la rupture avec la servitude du taux
d'intérêt. » (Zinsknechtschaft.)
Cette idée de G. Feder, exprimée par les mots « rupture avec la
servitude du taux d'intérêt », signifie que toute exploitation exagérée d'une
puissance économique au moyen du taux d*intérêt doit être aboKe.
Transporté dans le domaine pratique, cet axiome signifie que, tant et
aussi longtemps que le capital aura encore un prix, le taux d'intérêt devra
être réduit. Adolf Hitler dans Mein Kampf constate que Feder a eu ce
mérite d'établir le caractère spéculatif et économique chi capital investi
dans les affaires de bourse et de prêt, et ce faisant a signalé l'origine du
taux d'intérêt. En commentant les idées de Feder, relatives au capital
boursier et au capital de prêt, Hitler discerne deux acceptions différentes
de la notion « capital ». Il distingue le capital, résultat final du travail
producteur r et le capital qui doit son existence et sa nature à la spéculation.
D'après Hitler, tel qu'il s'exprime dans Mein Kampf, le capital ne devrait
être que le produit du travail. Le rôle national du capital consiste dans son
asservissement absolu à la grandeur» la liberté et la puissance de l'Etat,
donc à la nation, et cela à un tel degré que cette interdépendance doit
aboutir à l'accroissement de la force de l'État et de la nation par le capital,.
L'attitude de l'État envers le capital sera donc simple et claire : il devra
s'employer à ce que le capital soit le serviteur de l'État et non son maître.
La tâche du capital se trouvera donc limitée, d'une part au maintien d'une
économie viable, nationale et indépendante,, et d'autre part à une garantie
des droits sociaux des travailleurs. Dans ses discours postérieurs, Hitler
a formulé et précisé les idées que nous venons de citer, à dessein, dans leur
forme primitive de Mein Kampf, Nous ajouterons ici, afin de rendre plus,
claires ces principes, un passage du discours prononcé par le chef de la
presse du parti national-socialiste, M. Dietrich, à l'occasion d'une
manifestation du Front du Travail, à Essen, le 30 janvier 1936 :

«)Le système économique national-socialiste a opposé à l'axiome économique du


capitalisme : « le capital doit produire le capital », cette vérité : « c'est le travail
qui produit le travail ». Le capital n'est qu'un revenu du travail, économisé, et
non consommé. Le capital est lui aussi un produit du travail ; par conséquent,
créé par le travail, son rôle est de servir le travail. Un système dont l'abus du
capital est ïa condition préalable et intrinsèque, nous l'appelons capitalisme ».
510 LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

Prééminence du Travail

Dans cette opposition du capital et du travail s'exprime l'idée que le


travail prime le capital. Les passages de Mein Kampf que nous avons cités
prouvent que le national-socialisme n'est pas en principe adversaire du
capital, bien au contraire il en reconnaît la valeur pour autant que le capital
soit le produit du travail et le serviteur de ce travail. Par contre, le national-
socialisme s'oppose au capitalisme là où il n'a pas dans le travail son
origine et sa justification. II en résulte que pour le national-socialisme les
discussions théoriques sur l'essence du capital sont secondaires, ce qui
importe c'est la valeur qu'on lui accorde. Le capital est le serviteur du
travail, non point du travail proprement dit, mais bien du travail du
peuple, donc du travail national. On reconnaît là clairement une différence
fondamentale avec l'appréciation marxiste du travail.
Le socialisme marxiste voit dans le travail un facteur anonyme de
production, il est socialisé et son résultat n'est pas la propriété, mais bien
la dissolution de la propriété. Ce n'est point l'homme qui se trouve au
centre de la doctrine marxiste, mais bien la matière. Marx considère d'une
manière abstraite le travail comme « l'émanation de l'utilisation de la force
du travail ». Cette négation de la valeur du travail est la conséquence du
but que se propose le livre fondamental du socialisme marxiste : une critique
de l'économie politique. Il se proposait de révéler la loi dynamique de
l'économie de la société moderne, c'est-à-dire, pour son époque, de la
bourgeoisie montante. Un historien allemand a dit que le processus du capital
préconisé par Marx, compris et analysé, a pour fin unique la foi en la
rédemption du prolétariat et la foi en la révolution absolue.
Pour Marx, l'action vitale du capitalisme c'est l'abolition de toutes les
iniquités. Sa première manifestation en est l'auto-dissolution, et son
aboutissement, l'anéantissement de toutes les classes, la classe bourgeoise
en particulier. Au terme de cette étape s'ouvre, avec une inexorabilité
hégélienne, la voie conduisant à l'accomplissement de la destinée humaine.
Cette œuvre, ainsi conçue, vise avant tout à porter des accusations et à lutter
contre l'ordre établi. Presque toutes les prédictions contenues dans le
système élaboré par Marx se sont avérées, par la suite, comme autant
d'erreurs. Ceci est vrai aussi bien pour le dogme marxiste de la supériorité de
la grande entreprise, que pour la théorie dite de l'appauvrissement et la
prophétie d'une cité de l'Avenir aux richesses infinies. L'ouvrage est un
livre dogmatique, livre de doctrine, dû à une époque qui a donné naissance
à des possibilités insoupçonnées d'exploitation économique de l'espace
LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME 511

terrestre. Lénine, tout en restant attaché avec esprit de suite à la doctrine,


a brutalement repoussé ces dogmes au cours de la révolution, dès que la
réalité le demandait.
Pour le national-socialisme, le travail n'a jamais eu comme fin première
la matière, mais par contre une valeur intrinsèque et absolue ;
« En principe, tout travail aune valeur double : matérielle et idéale. La valeur
matérielle consiste dans l'importance que, du point de vue matériel, ce travail
a pour la vie de la communauté. Plus grand est le nombre des citoyens tirant un
profit direct ou indirect de l'exécution d'un travail déterminé, plus grande
sera sa valeur matérielle. Cette évaluation trouve son expression plastique dans le
salaire matériel décerné à l'individu pour son travail. Mais la valeur matérielle
a sa contre-partie dans la valeur idéale. Cette dernière ne consiste pas dans
l'importance matérielle du travail fourni, mais dans sa nécessité même. S'il est
certain que l'utilité matérielle d'une invention est supérieure à celle du travail
anonyme d'un manœuvre, il n'est pas moins certain que la communauté ne
saurait pas plus se passer du travail infime du manœuvre que de celui de l'inventeur.
Elle est libre de faire entre les deux une distinction matérielle lorsqu'il s'agit
d'évaluer l'intérêt de chacun de ces travaux pour la communauté et d'exprimer
cette évaluation par la différence des salaires de l'un et de l'autre; mais elle devra
constater l'égalité idéale de tous, dès que tout individu qui a la place qui lui
échoit s'efforce à faire de son mieux. C'est là ce sur quoi doit reposer l'estime à
laquelle a droit un homme, et non sur son salaire l ».

Le national-socialisme et la propriété

Cette conception trouve son fondement logique dans l'attitude du


national-socialisme vis-à-vis de la propriété. Dans ce domaine plus que
dans celui de la notion du travail, la conception s'écarte du socialisme
marxiste. Aucun travail ne peut être fourni si certains outils ou moyens de
production font défaut, ou bien si leur détenteur particulier en empêche
l'emploi. C'est pourquoi le travail économisé, représenté dans l'outil ou
dans le moyen de production, doit primer le travail à accomplir. Cette
constatation nous conduit au centre même de la conception économique
nationale-socialiste, car c'est d'elle que découle l'attitude prise par la
politique allemande envers le capitalisme.
Pour la doctrine marxiste la propriété c'est le vol. Il fallait l'abolir en
« transmettant à la société les moyens de production ». Le
national-socialisme reconnaît dans la propriété une partie intégrante de l'ordre social
de la nation. Pourtant il fait une distinction fondamentale entre sa
conception de la propriété privée et celle du libéralisme. La propriété privée de
l'ordre économique libéral représente pour le socialisme allemand un

l. Mdn Kampf, XIIe Édition, 125-134 mille, 1932, p. 483.


5J2 LE DP RHCH ET LE CAPITALISME

contre-sens, elle est l'opposé de ce qu'est en réalité la propriété authentique,


le libéralisme autorise son détenteur à user à son gré de son bien* hérité ou
acquis, sans tenir compte des intérêts de la communauté* Kurt Seesemann
a insisté sur une importante distinction à faire dans les termes employés
par les uns et les autres. Dans « propriété privée » l'adjectif qualificatif
provient du latin « privare », c'est-à-dire dépouiller. Cette étymologie ne
permet pas au national-socialisme l'emploi de ce terme. Evidemment
jadis le butin de guerre appartenait à la communauté. Le partage une fois
fait entre les membres de la communauté, la propriété privée était soustraite
à l'emprise de la société. La communauté du peuple étant l'essence même
du national-socialisme, ce dernier ne saurait reconnaître intégralement
un pareil état de choses.
C'est pourquoi le national-socialisme au lieu de parler de propriété
privée (Privateigentum) préfère le terme de propriété individuelle (person-*
lichen Etgentwn), tout individu étant dans l'obligation de servir la
communauté. On pourrait se demander si la propriété de la société anonyme ne
s'oppose pas à cette conception? Non, car dès l'époque libérale, la société
anonyme fut considérée comme personnalité juridique. De plus, le national-
socialisme a modifié la structure de la société par actions en lui imposant
un chef d'entreprise responsable devant la communauté. La nouvelle loi
sur les actions a aboli l'anonymat de la société par actions en établissant
par voie légale sa responsabilité vis-à-vis de la communauté.
La notion de propriété du libéralisme avait été fixée juridiquement tant
par le Code Civil que par la Constitution de ÎVeimar. Il est dit au paragraphe
903 dujCode civil:
« Le propriétaire d'un objet peut, pour autant que ni la loi ni les droits d'un tiers
ne s'y opposent, disposer à son gré de cet objet et exclure toute autre personne
de son utilisation 1 ».
«
La Constitution de Weimar contenait au paragraphe 153, alinéa 3, une
« réserve sociale ». Mais elle n'était que théorique. Et le commentaire de
Gerhard Anschûtz explique :
« L'alinéa 3 est conçu comme une règle de conduite à observer par le législateur
au moment de la réglementation du droit privé ou public de la propriété privée.
Aucune obligation immédiate de propriétaire n'en découle et par voie de
conséquence aucun pouvoir du magistrat s'y afférent ».

La « réserve sociale » ne jouait donc que le rôle d'une règle de conduite


destinée au législateur et non celui d'une obligation quelconque du
propriétaire.

1. « Verfassung von E. R. Huber 1937 (Hambourg) »•


LE III* REICH ET LE CÂffTÀLBME 513

Pour le national-socialisme toute propriété appartient à la communauté.


Le propriétaire est l'administrateur de ses biens, responsable devant le
peuple et devant le Reich. C'est cette responsabilité vis-à-vis de la
communauté qui détermine la situation juridique du propriétaire. Ce rattachement
à la communauté n'est point une limitation appliquée d'une manière
extrinsèque à la propriété, il est inhérent à la substance même de la
propriété. La propriété est donc, de par sa nature, un droit dépendant de la
communauté. Le paragraphe 1 7 du programme du parti ouvrier national-
socialiste avait exigé la promulgation d'une loi permettant l'expropriation
sans indemnité de terrains aux fins d'utilité publique. Adolf Hitler a donné,
le 13 avril 1928, l'explication de ce paragraphe 17 :
« La N. S. D. A. P. reconnaissant le droit à la propriété privée, il est évident que
les mots « expropriation sans indemnité » ne visent que la possibilité
d'expropriation, si besoin en estr des terrains acquis illégalement ou administrés au
mépris du salut public ».

Cette conception nationale-socialiste de la propriété a trouvé une


réalisation énergique dans la loi sur les fermes héréditaires, du 29 septembre
1933. La ferme héréditaire n'est pas la propriété privée d\m individu
isolé, mais elle a une tâche publique à accomplir. En outre, cette
conception trouve son expression dans le fait que l'exploitation économique
des biens est susceptible d'être réglée par des décrets émanant de l'Etat ou
des Corporations. Ceci concerne la promulgation des interdictions
d'importation ou d'exportation, la fixation de prix obligatoires, les interdictions
d'investissements, ainsi que le devoir imposé de faire certains
investissements, telles celles décrétées pour l'économie du lignite en 1934. Tout
récemment, les mesures prises en vue d'un contrôle des investissements
ont joué un rôïe important. Par ailleurs, à aucun moment la propriété
n'a dû sa naissance à la seule activité individuelle, car l'État et la société y
ont toujours collaboré; il en découle pour l'Etat, non seulement un droit de
contrôle de la propriété, mais aussi un pouvoir d'annulation de ce droit
de propriété privée pour certains objets.

Éléments dynamiques de la politique économique

nationale-socialiste

Ces exemples suffiront à prouver la profonde modification de principe


que la notion de propriété a subi dans l'ordre national-socialiste. On
pourrait démontrer, par d'autres exemples encore, que l'emprise de l'État
n'est phis limitée à une certaine sphère, mais qu'elle s'étend à tout ce qui se
514 LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

rapporte à la réalisation de la communauté de la nation. Il est faux


d'affirmer que la propriété personnelle n'est en Allemagne qu'une notion
théorique, ou que seul l'Etat a effectivement le droit d'en disposer. Les entraves
imposées à la propriété sont une exigence de la communauté, car, ainsi que
cela existe dans le droit oral et traditionnel anglais, la puissance
économique privée est obligée de se mettre à la disposition de l'intérêt politique
national, si les exigences du moment l'imposent. Et, par suite de
l'incorporation delà propriété dans l'économie nationale, la législation allemande
admet des interventions plus énergiques, dans le domaine de l'ordre
économique, que celles tolérées dans les autres pays ; cela provient uniquement
de la structure même de l'économie allemande. L'espace vital limité a
réduit les sources de richesses et modifié en faveur de l'État les rapports
entre l'État et l'individu. Ces rapports diffèrent donc essentiellement de
ceux établis en Angleterre, aux États-Unis et en France. Mais les entraves
imposées à la propriété en Allemagne n'ont rien à voir avec le régime
bolchéviste. On ne peut mieux s'en convaincre qu'en consultant les sources
qui toutes soulignent l'estime du travail personnel, estime allant à
l'entrepreneur comme au simple ouvrier.

L'erreur marxiste

Le national-socialisme voit une des erreurs les plus lourdes de conséquences


de la doctrine marxiste dans l'affirmation que la valeur d'un produit est en
fonction du temps employé à sa fabrication. C'est de cette conception de la
valeur que Marx a tiré la fameuse doctrine de la plus-value, et c'est en raison
de cette plus-value que l'ouvrier serait privé par l'entrepreneur d'une partie
de son travail. D'après Marx, la théorie de l'exploitation de l'ouvrier se
rattache indissolublement à la loi de l'économie capitaliste. Cette théorie
est devenue pour lui la base de la doctrine pour la lutte des classes. Or, en
réalité, la valeur d'un produit n'est pas déterminée uniquement par le
temps de travail employé, car ni le travail de l'ouvrier, ni celui de
l'entrepreneur, ni le capital investi ne déterminent à eux seuls la valeur d'une
denrée, mais bien la conjugaison de ces trois facteurs.
Le produit pourra-t-il ou non être vendu? Telle est la question décisive.
Mais la vente d'un produit, la vente à un prix équitable, dépend d'une
masse de facteurs économiques et extra-économiques : pouvoir d'achat
de la population, qualité du produit, progrès technique, organisation de
la vente, traités de commerce, bref de facteurs variés dont l'ensemble
représente le travail économique fourni par une nation. Or, ce travail n'est
pas le résultat final de l'effort de quelques entrepreneurs ou de quelques
ouvriers isolés, mais bien celui de la collaboration de la communauté.
LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME 515

Le salut de cette communauté, voilà donc la première et la seule


condition préalable de la réussite économique de tous ses membres. C'est
pourquoi s'inscrit en tête de l'économie allemande un principe qui est
en même temps un ordre social : « L'intérêt de tous prime l'intérêt
particulier \ » A quoi l'économiste libéral a l'habitude de répondre que lui aussi
n'a jamais vu autrement les choses, car un égoïsme sain et réfléchi sert
l'intérêt de la communauté, et, en général, une opposition entre les deux
s'avère impossible. Mais cette harmonie des intérêts est loin de toujours
se réaliser, car cet homo œconomicus dont la poitrine, comme on a dit,
renferme un grand livre à la place du cœur, n'existe pas. L'homme est en
réalité un être appartenant à une communauté et c'est à elle qu'il devra
s'adapter dans tous les domaines de la vie.
La conception nationale-socialiste se distingue encore de la doctrine
marxiste et bolchéviste, parce qu'elle érige en postulat le remplacement
de la lutte des classes, due aux conditions économiques, par la
communauté de la nation (Volksgemeinschaft) dont la proclamation n'est pas une
pure question de forme, mais bien le résultat d'une volonté énergique de
travail national et social. Certes, l'économie n'est point d'abord une
question de morale. Mais comment serait-il possible d'assurer l'existence
d'un peuple, dont l'espace vital est limité, sans faire appel à ses énergies
morales? Wilhelm von Humboldt, l'un des pères intellectuels du
libéralisme allemand disait : « La fin dernière et suprême de tout homme
c'est l'expansion la plus grande et la plus proportionnée de sa force dans
toute sa particularité individuelle ».
L'Anglais John Stuart Mill a fait de cette phrase l'épigraphe de son
écrit Sur la liberté, parce que « la liberté d'action » et « la variété des
situations » sont considérées comme les conditions permettant
d'atteindre le but fixé par Humboldt. Il est indubitable que la liberté, principe
de base de l'évolution historique du XIXe siècle, est une prémice de l'état
actuel de la civilisation humaine. Il n'est pas moins certain que la liberté
reste aujourd'hui même encore la vraie base de l'activité humaine. En
Allemagne on est d'autant plus convaincu de la justesse de ce jugement
que le caractère socialiste de notre politique n'est pas dû à l'examen d'une
situation de faits fortuits, d'une situation due aux circonstances d'une
époque, donc éphémère, mais que ce caractère socialiste est l'expression
d'un but qui s'est fait jour, grâce à l'idéal grandiose de la communauté :
« Que l'Allemagne ne vienne jamais à croire qu'on puisse entrer dans
une phase nouvelle de la vie sans avoir un nouvel idéal ».

1. Gemeinnutz geht vor Eigennutz.


516 LE M« ROCK ET LE CAPITALISME

Faisons suivre cette phrase de Paul de Lagarde par une autre, empruntée
à Karl Diehl, économiste distingué et maître d'une génération antérieure :
« C'est la seule volonté consciente des hommes qui inaugure des époques
économiques nouvelles ».

L'État VÉconomie. UIndiviêu.

Actuellement en Allemagne tous les établissements destinés à la


production des biens, toutes les formes d'organisation économique portent
l'empreinte de l'esprit national-socialiste; il s'ensuit que l'économie n*est
plus sujette à la loi d'un contrôle ne venant que d'elle-même, rejetant
conformément à l'évangile libéral toute ingérence du dehors, qualifiant
d'indésirable celle de l'Etat en particulier. C'est l'immense effondrement
de l'économie qui a amené la possibilité même de sa renaissance et qui
a entraîné l'intervention de l'État.
L'État par là devint le soutien d'une politique de conjoncture et il
s'attacha dès lors à établir un judicieux équilibre économique. Ce rôle, nous
l'avons dit, sous le national-socialisme seul l'État pouvait s'en charger.
Là où, à notre époque, régnent en maîtres l'entrepreneur et le capital,
se manifeste une tendance vers des profits illimités qu'on a appelée avec
raison : Objektivierung des Geschafts i. C'est ici que nous rencontrons
le capitalisme dans sa forme la plus forte. Sa contre-partie est une économie
purement étatiste, telle celle de la Russie, où toute l'économie est
assujettie à l'administration et aux directives de l'État.
En Allemagne ce n'est pas l'économie qui, en raison d'une autonomie
qui lui est propre, détermine la production nécessaire à la consommation,
maïs ce sont les besoins vitaux du peuple qui déterminent la production
.nécessaire à l'économie. L'État est le représentant de la volonté politique
et c'est à elle que l'activité économique est soumise, comme d'ailleurs
les autres questions vitales du peuple» II y a parallélisme entre l'économie
et la politique et, l'activité économique dépendant de la force et de la
solidité du fondement politique du peuple, aucune opposition n'est
possible entre les intérêts de l'économie et ceux de la politique. L'État, d'autre
part — différence profonde avec le marxisme — n'étant pas
entrepreneur lui-même, aucun différend ne saurait surgir entre les intérêts publics
et privés. Là où un processus économique est assujetti à l'État, il ne s'agit
pas en Allemagne de considérations de principe, mais bien de
considérations purement utilitaires. L'entrée en jeu de l'État en tant que sujet

1. Les affaires considérées dans le sens le plus matérialiste.


LE ÎII« REICH ET LE CAHTAUSME 517

économique est-elle utile à la totalité du peuple"? Voilà toute la question.


C'est le Plan 4e quatre ans qui dernièrement a rendu actuelles ces questions.
Il est évident que pour la politique économique nationale-socialiste
le capital est, lui aussi, soumis à ce principe du primat de la volonté
politique. Cela ne signifie point l'institution d'un capitalisme d'État, car
l'État n'a aucune tendance à créer pour lui-même de nouvelles industries
ou de nouvelles usines; il s'agit de la nécessité de soumettre le capital
au droit de l'État, afin de justifier sa fonction par rapport à la communauté.
En fixant des tâches à longues échéances, telles que l'approvisionnement
en matières premières ou l'adaptation du commerce extérieur aux
possibilités de payement, il ne s'agit point de profits accessoires, mais d'un
résultat à obtenir pour l'ensemble de la production. L'entrepreneur capitaliste
est habitué à ne tenir compte que de ses chances de profit, c'est là ce qui
détermine son action. Raisonnant en capitaliste, il n'investira pas son capital
dans une entreprise d'utilité publique, à moins que l'État ne lui ofïre
certaines garanties financières. L'opposition réelle existant entre la façon
de penser en capitaliste ne visant qu'au profit, et l'économie nationale-
socialiste visant à la sécurité politique de la communauté au sens le plus
large du terme, a eu deux résultats : l'Empire allemand a d'une part
reconnu le droit à la propriété personnelle et le droit pour l'individu de
jouir dans son activité économique d'une large liberté; mais d'autre part
la formation et la direction du capital ont été soumises au contrôle de
l'État national-socialiste.
Les conséquences qui découlent de cette situation, tant pour l'ouvrier
que pour l'entrepreneur, déterminent le dynamisme de la politique
économique nationale-socialiste. Le contrôle du capital est la condition
préalable d'une politique durable de création d'occasions de travail. La première
phase de cette tentative a prouvé que la croyance dans le rôle du capital
en tant que base d'une lutte efficace contre le chômage avait été une
illusion. Tant qu'il existe des possibilités de travail non réalisées, une
augmentation de la production et du travail est possible. Le principe national-
socialiste « du droit au travail » veut garantir à tout membre de la
communauté la possibilité de mettre en valeur sa force productrice au profit de
la communauté. Ce droit ne saurait se heurter à des circonstances émanant
du principe de la propriété et de la détention de capital; ce sont ces
derniers qui devront s'adapter à ce « droit au travail ». D'après la loi sur la
réglementation du travail national, le terme « travailleur » ne s'applique
pas seulement à l'ouvrier proprement dit, mais bien aussi aux employés
et aux entrepreneurs, c'est-à-dire à toutes les personnes travaillant dans
l'entreprise. Si le droit au travail signifie pour l'individu une obligation
plutôt qu'un titre, la loi précitée, en proclamant chef d'entreprise l'entre-
518 LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME

preneur, lui impose, vu l'étendue de sa tâche, une obligation encore plus


importante qu'à l'ouvrier. Certes, la politique économique de l'État a
imposé à la fonction d'entrepreneur nombre d'entraves et de limites,
aussi bien en Allemagne que dans les pays touchés par la destruction
de l'économie mondiale; mais il n'est pas moins certain que les
modifications de structure et les bouleversements qui se sont produits dans
l'édifice social ont procuré à l'entrepreneur de nouveaux champs d'activité.
La tâche de ce dernier n'a jamais été de tout repos, son activité l'avait
toujours mis devant de graves dangers, devant des obstacles infranchissables
en apparence. Pour autant que l'entrepreneur ne s'est pas affranchi de
la conception de la mise en valeur libre et illimitée de sa puissance
économique, qu'il ne se sent responsable que vis-à-vis de son entreprise, il ne
saura trouver un champ durable d'activité productrice dans une économie
primée par la politique; au contraire, il verra dans ce nouveau monde
politique dominé par des principes d'utilité publique, la ruine de son
existence.
Mais l'Allemagne nationale-socialiste ne manque pas d'accorder sa
protection entière au travail des seuls entrepreneurs qui reconnaissent
le vrai sens de leur activité économique dans la réalisation des travaux
imposés par l'incorporation de leur puissance d'entrepreneur à
l'évolution politique du pouvoir créateur de l'Etat. Le national-socialisme a
toujours répété qu'il ne peut ni ne veut se passer de l'entrepreneur — « ce
créateur (pour citer l'économiste Gottl-Ottlilienfeld) de vie en commun,
humaine dans son esprit du profit durable ».
Et il en est de même pour tous les autres sujets économiques,
juridiquement autonomes, producteurs ou distributeurs des biens produits,
industriels, commerçants, agriculteurs. Il s'ensuit pour tout entrepreneur
qu'il est le mandataire de l'économie nationale et de la politique
économique. La place de l'importateur et de l'exportateur correspond dans leur
domaine à celle de l'entrepreneur. L'importation et l'exportation ne sont
pas un champ ouvert aux affaires particulières, mais restent deux fonctions
de l'économie nationale. Mussolini s'exprime en idéologue fasciste en
disant : « Le commerce extérieur est une fonction de l'État ».

Conclusion

La politique de l'Empire allemand déterminée par le national-socialisme


aspire à abolir, dans l'intérêt de la nation, la lutte entre l'idéologie
marxiste et l'idéologie capitaliste. Le national-socialisme, à l'encontre du
fascisme, n'est pas une théorie de gouvernement, mais une conception
LE IIIe REICH ET LE CAPITALISME 519

nouvelle du monde, valable pour l'homme allemand seul. Cette prétention,


il doit la maintenir, car, plus que tout autre pays, l'Allemagne depuis plus
de cinquante ans a été le champ de bataille sur lequel se sont livrées les
luttes politiques entre le marxisme et le capitalisme.
L'évaluation des facteurs de production, du sol et du travail, comme
celle du facteur capital, s'effectue en vertu d'une hiérarchie nouvelle
réglant les rapports entre l'homme, l'État et l'économie; cette hiérarchie
se rattache à l'héritage spirituel légué par l'idéalisme et le romantisme
allemands. Le dynamisme de l'économie nationale-socialiste voit dans la
substance humaine et surtout morale du peuple, et non dans une
quelconque autonomie économique, l'origine et l'essence d'un progrès social
capable de surmonter les conséquences pernicieuses d'une opposition
des classes, et capable de créer les bases d'une collaboration durable et
réellement pacifique entre les peuples.
De même qu'il préconise, à l'intérieur, la primauté de l'ordre politique
sur tout but économique, le national-socialisme voit dans le règlement
des problèmes extérieurs, encore en suspens, l'unique prémice d'un ordre
nouveau et authentique de l'économie mondiale. Il accueille avec sympathie,
et par principe, toute possibilité favorisant les échanges internationaux;
il est convaincu que le renforcement des bases économiques nationales,
et quel que soit le système économique des peuples intéressés, sert en
même temps une économie mondiale qui reçoit ses impulsions
décisives de la somme des différentes économies nationales, fortement
constituées.
John BRECH

Vous aimerez peut-être aussi