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Parcours associé : Le voyage de monsieur Perrichon, Labiche, II, 10, 1860.

& Texte du parcours associé : Le voyage de Monsieur Perrichon, II, 10,


Labiche, 1860.

Éléments pour l’introduction :

- L’acte II a pour objectif d’agencer les épisodes et l’évolution des personnages de façon à
ménager le suspense et la montée en tension de l’intrigue ;
- Si jusqu’à présent le spectateur a été occupé par le voyage de M Perrichon et l’arrivée à la
mer de glace de sa famille, cet épisode constitue une péripétie importante qui donne le ton
véritablement à la rivalité amoureuse entre les deux amis.
- Le registre burlesque (de l'italien burlesco, venant de burla, « farce, plaisanterie ») est un
genre littéraire en vogue au XVIIe siècle. Le burlesque est caractérisé par l'emploi de termes
comiques, familiers voire vulgaires pour évoquer des choses nobles et sérieuses. «
Burlesque » se dit aujourd'hui couramment pour désigner un comique exagéré, extravagant
qui repose généralement sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité dans un texte. Ce
terme est nécessaire pour la caractérisation du récit que fera Monsieur Perrichon dans cette
scène qui tient du pastiche burlesque.
- Le Pastiche : De l’italien pasticcio (« pâté, affaire embrouillée, »). Le sens étymologique
est ici «mélange, pot-pourri » entre une œuvre originale et une réinterprétation.
- Le pastiche est un exercice de style : il s'agit d'un travestissement qui consiste à imiter un
modèle, soit par jeu soit pour suggérer la critique des éléments que l’on contrefait. L'auteur
s'attache le plus souvent à imiter le style d'un écrivain, ce qui suppose de savoir identifier
puis reproduire les caractéristiques uniques de son écriture
- Le pastiche n'a d'intérêt pour le lecteur que s'il est d'emblée reconnaissable : il doit donc
accentuer un peu les singularités d'un auteur, souligner ses « tics » d'écriture.

Mouvements de l’extrait :

1er mouvement : une scène d’agitation

2ème mouvement : l’exploit d’un héros ridicule

3ème mouvement : l’orgueil gonflé de Perrichon et la manipulation de Daniel

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Parcours associé : Le voyage de monsieur Perrichon, Labiche, II, 10, 1860.

1er mouvement : une scène d’agitation

à L’accident de Daniel apparaît comme le premier coup de théâtre ménagé par l’intrigue :
arrivée fracassante :
- la scène s’ouvre par l’apparition de Daniel, porté par l’aubergiste et par le guide et
qui semble être à l’article de la mort ;
- les phrases exclamatives, le groupe ternaire « vite ! de l’eau ! du sel, du vinaigre ! »
marquent l’émotion et la surprise des personnages
- l’étonnement et d’autant plus grand qu’il reprend à l’identique les répliques qui
ouvre l’acte II, scène 3.
à La didascalie « Daniel entre », démontre que Daniel est sujet de l’action : il est au centre
de l’attention.
à Perrichon cependant se place au centre de l’action comme le démontre la didascalie « Il fait
asseoir Daniel ». Perrichon est le sujet de cette didascalie alors que Daniel devient l’objet
du verbe d’action accompli par Perrichon.
à L’emploi des stichomythies démontre la rapidité de l’action.
à Les modalités interrogatives expriment la surprise et l’inquiétude des personnages.
à Perrichon retarde le récit de la mésaventure : emploi des modalités exclamatives + emploi
de l’impératif démontrent qu’il cherche à attirer l’attention sur lui.
à Daniel recourt à l’aposiopèse, figure de style qui marque l’interruption du discours : volonté
de flatter Perrichon, Daniel laisse entendre sans le dire que Perrichon lui a sauvé la vie,
l’emploi du lexique lié au courage le démontre.

2ème mouvement : l’exploit d’un héros ridicule

Mise en scène de l’exploit.


à Perrichon recourt lui aussi à l’aposiopèse : couplé avec la modalité exclamative, il vise deux
objectifs : provoquer le rire et maintenir le suspense. Ce comportement démontre la volonté
de Perrichon de se tenir au centre de l’attention.
à Aparté de Daniel : emploi de l’ironie, Daniel apparaît comme un personnage calculateur.
à Modalité exclamative Madame Perrichon et Henriette : effet d’impatience provoquée par
le récit de Perrichon.
à Le récit de Perrichon constitue un coup de théâtre : Perrichon a sauvé la vie de Daniel qui
était tombé dans une crevasse selon lui.
à La structure du récit sert la prouesse de Perrichon :
- Situation initiale : cadre majestueux, atmosphère pesante « le mont Blanc nous
regardait, tranquille et majestueux » : personnification du Mont-Blanc, sujet de la
phrase apparaît comme l’opposant des personnages, en position d’objet.
- Élément perturbateur : évocation de la dangerosité des lieux : compléments
circonstanciels de lieu « un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses… de

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glace ! » : Accumulation de termes qui évoquent le danger. Intervention d’un


élément naturel qui menace la vie des personnages « un éboulement ».
- Péripéties : tentative de Perrichon pour sauver la vie de Daniel : accumulations de
verbe de mouvement.
- Résolution : Perrichon sauve Daniel : emploi du lexique de la mort.
- Situation finale : arrivée à l’auberge et remerciements : renversement de situation
par rapport à la situation initiale, Daniel devient le favori de Perrichon.

Le récit burlesque des exploits de Perrichon.


à Ce récit se veut avant tout tragique et pathétique :
- Emploi des exclamations et des phrases nominales qui marquent l’émotion du
personnage.
- Une situation douloureuse qui suit un schéma narratif bâti de façon à susciter la
terreur et la pitié de l’auditoire : « sur le bord du précipice … je l’arrache au néant
et le ramène à la face du soleil, notre père à tous !... ».
- Recours au lexique de la mort : « masse informe, repoussante, ensevelie sous les
frimas ».
- Présence du vocabulaire de la terreur : « un événement affreux », « c’est horrible ».
- Termes et procédés grammaticaux employés par Perrichon pour amplifier son récit.
à Mais le récit est avant tout comique et devient un pastiche burlesque du récit de Théramène :
- Le burlesque est caractérisé par l'emploi de termes comiques, familiers voire
vulgaires pour évoquer des choses nobles et sérieuses. « Burlesque » se dit
aujourd'hui couramment pour désigner un comique exagéré, extravagant qui
repose généralement sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité dans un texte.
Ce terme est nécessaire pour la caractérisation du récit que fera M Perrichon dans
cette scène qui tient du pastiche burlesque.
- Le pastiche est un exercice de style : il s'agit d'un travestissement qui consiste à
imiter un modèle, soit par jeu soit pour suggérer la critique des éléments que l’on
contrefait. L'auteur s'attache le plus souvent à imiter le style d'un écrivain, ce qui
suppose de savoir identifier puis reproduire les caractéristiques uniques de son
écriture : il s’agit ici de l’écriture comique du récit de Théramène, récit de la mort
du héros Hippolyte, qui doit affronter un monstre marin envoyé pour le tuer par le
dieu des mers Neptune, à la demande de son propre père, Thésée, qui pensait que
son fils, Hippolyte avait essayé de séduire sa femme, Phèdre.
- Le récit commence d’ailleurs par des termes qui reprennent quasiment mot à mot
les premiers vers de la tirade de Théramène : « À peine nous sortions des portes de
Trézène // Il était sur son char. Ses gardes affligés // Imitaient son silence, autour
de lui rangés ; // Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes … » devient dans cette
scène « Depuis cinq minutes nous suivions, tous pensifs, un sentier abrupt… ».

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Parcours associé : Le voyage de monsieur Perrichon, Labiche, II, 10, 1860.

- La référence à « notre père à tous », comme lié « à la face du soleil », renvoie au


dieu soleil de la mythologie, grand-père de Phèdre.
à Le récit de Perrichon bascule dès lors dans le comique :
- Recours aux exagérations.
- Nombreuses interruptions qui marquent la volonté du personnage de créer le
suspense et de marquer son auditoire.
- Emploi de temps et différentes valeurs des temps verbaux : emploi du présent de
narration qui actualise le procès et à la manière de l’hypotypose veut mettre sous les
yeux de son interlocuteur la scène vécue : « Je m’élance … je lui tends mon bâton
ferré … je tire, il tire, nous tirons … ».
- Interruption de son seul témoin Daniel.
- Mélange de style soutenu et familier : « Un instant, que diable ! Depuis cinq
minutes, nous suivions tous pensifs …».
- Effets obtenus sur ses interlocuteurs :
§ agacement et critiques de la part de Mme Perrichon
§ raillerie de la part de Daniel
à Le récit de Perrichon provoque une scène pathétique :
- Daniel à genoux remercie Perrichon
- Daniel pleure et provoque les pleurs de Perrichon
- Les femmes présentes sont émues
- Armand s’inquiète de la santé Daniel

3ème mouvement : l’orgueil gonflé de Perrichon et la manipulation de Daniel

Or, les suites pathétiques du récit provoquent le rire des spectateurs qui assistent au triomphe de la
vanité des personnages.
Une scène qui marque la vanité de Perrichon.
à L’économie de paroles : Perrichon monopolise la parole.
à Plaisir de Perrichon d’être au centre de l’attention :
- « il fait asseoir Daniel » , comme cela il diminue son importance et cela lui permet
de rester debout et de dominer la scène.
- Il obtient l’attention de tous les personnages : « Tous : Qu’y a-t-il ? », la didascalie
qui fait référence à une prise de parole commune signale que Perrichon a réussi à
mobiliser leur attention .
à Perrichon fait son propre éloge :
- Il est le sujet de nombreuses phrases.
- Il donne des ordre à l’impératif : « Faites-le boire ; frottez-lui les tempes ! ».
- Il apparaît à l’initiale des phrases et se place lui-même comme le héros de l’action
qu’il décrit : « Je marchais le premier. ».

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- Il se gargarise de ses propres exploits rendant Daniel redevable à vie, procédé


d’accumulation par l’énumération : « d’un fils à sa mère », « d’un frère à sa sœur »
« Et un homme à la société » l.37.
- Posture du héros « Sans moi, vous ne seriez qu’une masse informe et repoussante,
ensevelie sous les frimas » ligne 46, tournure négative restrictive qui dresse le
portrait de Daniel réduit à une « masse » + termes négatifs.
- Procédés de d’emphase et de dislocation : « Alors, n’écoutant que mon courage,
moi, père de famille, je m’élance… ».
- Interrompt à de nombreuses reprises Daniel et finit ses phrases à sa place.
- Didascalies « majestueusement », « avec noblesse ».
à Critique de la vanité :
- Il manque de reconnaissance à l’égard d’Armand « Ah vous ne savez pas ce le
plaisir qu’on éprouve à sauver son semblable. » ligne 48
Ø Un portrait satirique du bourgeois vaniteux qui se gargarise de ses propres exploits.
Les intérêts personnels des personnages.
à Les femmes apparaissent comme un groupe à part qui sont les spectateurs premiers des
agissements des personnages masculins : c’est pour elles que les personnages agissent,
qu’ils veulent impressionner ou obtenir leur approbation et consentement :
- Les rapports des femmes avec le chef de famille sont ambigus:
§ Affection : elles semblent affectées par le danger subi par les personnages :
« Quelle imprudence ! », « Mon père ! »
§ Agacement : elles ne sont pas dupes de leurs défauts, les didascalies
trahissent les sentiments de Mme Perrichon qui sait que son mari à une
tendance à l’enflure lyrique : « Impatientée ».
Ø De ce point de vue, les femmes apparaissent comme un radar moral car elles font preuve
de lucidité et de bon sens à l’égard de Perrichon et des deux prétendants.

à Mise en place de la stratégie de Daniel :


- la scène dévoile le jeu du personnage qui apparaissait jusqu’à présent comme un
personnage honnête et un bon compétiteur : il n’avait pas accompagné les Perrichon
à la Mer de glace (acte II, scène 2 et 3) et pensait que sa situation et sa personnalité
allaient suffire.
- cette scène dévoile le stratagème de Daniel : faire semblant de tomber dans une
crevasse afin de donner l’opportunité à M. Perrichon de le sauver et ainsi de s’attirer
ses faveurs et au final la main de sa fille, comptant sur la vanité du personnage :
§ les apartés signalent le double jeu du personnage
§ Les apartés signalent également l’esprit de compétition du personnage, sa
volonté de prendre sa revanche sur Armand
§ Daniel flatte l’égo de Perrichon
§ Il sait agir de sorte à le séduire : il lui donne la main.

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Parcours associé : Le voyage de monsieur Perrichon, Labiche, II, 10, 1860.

à Armand incarne le personnage honnête et généreux, contre le modèle du personnage


calculateur de Daniel.
à Renversement des rôles :
- Perrichon, de victime devient héros (cf. scène du sauvetage par Armand, Acte II,
scène 3)
- Daniel apparaît sous un jour nouveau, comme un personnage manipulateur et un
froid calculateur :
§ Apartés de Daniel
à Renversement de situation : les sentiments de Perrichon changent :
- Daniel devient son favori :
§ Termes par lesquels Perrichon désigne Daniel « mon ami, mon enfant » l.43,
signe de grande familiarité au 19e siècle.

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