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L’Union européenne et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales (CEDH)

Problématique : Est-ce que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales fait partie des valeurs de l’Union européenne ?

« Soyez unis et vous serez invincibles » affirmait Victor Hugo au fin du XVIIIe siècle. Ses
mots restent toutefois actuels si on soutient le fait que les mêmes visions, les valeurs partagées peuvent
conduire vers la réalisation des objectifs communs. En tenant compte du contexte actuel européen,
comment est-ce qu’on peut traduire les valeurs qui conduisent aujourd’hui l’Europe et, plus
particulièrement, l’Union Européenne (UE) ?
Le Traité de Lisbonne a précisé les valeurs de l’Union, à savoir le respect de la dignité humaine,
la liberté, la démocratie, l’égalité, l’ État de droit, le respect des droits de l’homme, y compris des
droits des personnes appartenant à des minorités 1. Ces valeurs ont été affirmées pour la première fois
par le traité sur l’Union européenne (TUE), signé à Maastricht en 1992, et complétées par le Traité
d’Amsterdam (1997). Elles ont été par la suite confirmées et complétées par la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne (2000). Mais ce n’est qu’avec le Traité de Lisbonne (2007) que
la Charte s’est vu reconnaître la même valeur juridique que les traités et qu’elle a acquis un caractère
obligatoire pour les États membres2.
Toutefois, pour trouver les fondements de ces valeurs, il faudra souligner qu’elles sont liées
avec le concept des droits de  l’homme, qui a été premièrement rendu effectif par la Convention et la
Cour européenne des droits de l’Homme, après la Seconde Guerre Mondiale.
Il convient aussi d’expliquer que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales a été ouverte à la signature à Rome, le 4 novembre 1950, et est entrée en vigueur
en 1953. Elle a été le premier instrument concrétisant et rendant contraignants certains des droits
énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. De plus, pour le contexte européen,
c’est fondamental de préciser que l’Union Européenne est l’association volontaire d’États européens,
dans les domaines économique et politique, afin d’assurer le maintien de la paix en Europe et de
favoriser le progrès économique et social. On observera qu’une liaison entre eux se fera par l’intermède
des valeurs, c’est-à-dire, par leurs idées directrices.

1
Article 2, Traité sur l'Union européenne.
2
Article 6, Traité sur l'Union européenne.
Ci-dessous, on se limitera à analyser la compatibilité de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales avec les valeurs de l’UE, en considérant que c’est tant une
question d’actualité, plus particulièrement avec le Traite de Lisbonne, et que la direction dans laquelle
l’Union évolue est tout à fait liée aux valeurs qu’elle respecte.
La problématique qui se pose donc est de savoir si la Convention européenne des droits de
l’homme fait partie des valeurs de l’Union Européenne, ayant en vue que les valeurs exprimées dans
l’article 2 du Traité sur  l’Union Européenne ont une portée similaire aux droits proclamés dans la
Convention.
Pour répondre à cette problématique de manière globale, on observera que la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) est déjà un instrument
constitutionnel de l’ordre public européen (I) et que la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (la Charte), réflexion des valeurs de l’UE, apparait comme un point de liaison avec la
CEDH (II)

I. La CEDH, « instrument constitutionnel de l’ordre public européen »3

On envisagera que la CEDH a une valeur plus que symbolique dans le TUE et la
Charte (A), puis on analysera l’interaction entre le droit de l’UE et la CEDH en matière des
droits fondamentaux (B)

A. Une valeur plus que symbolique de la CEDH consacrée par le TUE et la Charte des
droits fondamentaux

Après une simple lecture des actes fondateurs de l’UE, on peut immédiatement
remarquer la volonté d’intégrer dans l’ordre juridique européenne la richesse de la CEDH.
Dans le TUE, il est prévu expressément que « les droits fondamentaux, tels qu'ils sont
garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales, font partie intégrante du droit de l'Union, en tant que principes généraux »4.
Cela signifie que les droits consacrés par la CEDH sont des instruments extérieurs au droit de
l'Union, mais, dans le même temps, ils constituent une source qui donne substance aux
principes généraux sur lesquels se fonde l’UE. Par la suite, la dimension extérieure de la
CEDH est plutôt apparente, lorsqu’elle est intégrée indirectement, par l’intermède des

3
Cour EDH, 30 juin 2005, Bosphorus Airways c. Irande.
4
Article 6, paragraphe 3, Traité sur l'Union européenne.
principes généraux, qui seront interprétés dans sa lumière. L’article 6 paragraphe 3 du TUE
consacre la jurisprudence que la Cour Européenne de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a
dégagée dans ses arrêts Nold5 et Rutili6.
De plus, la Charte des droits fondamentaux prévoit « qu’aucune disposition de la
présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de
l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d'application respectif, par la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » 7.
Cette disposition vise à préserver le niveau de protection offert actuellement par la CEDH, qui
est mentionnée dans l’article 53 en raison de son importance - point de repère pour la défense
de droits fondamentaux. De plus, la disposition vise à harmoniser les différents systèmes de
protection existantes au niveau européen.

B. L’interaction entre le droit de l’UE et la CEDH en matière des droits fondamentaux

En ce qui concerne l’adhésion de l’UE à la CEDH, la CJUE a statué dans l’avis 2/13
sur l’incompatibilité du projet d’accord d’adhésion avec le droit primaire de l’Union sur cinq
points : l’atteinte portée aux spécificités de l’Union, la violation de l’article 344 TFUE, le
mécanisme du codéfendeur et l’implication préalable, l’implication préalable et le contrôle de
la PESC8. Par conséquent, l’UE ne peut pas adhérer à la CEDH.
En revanche, les États membres de l’Union sont déjà Parties contractants de la CEDH,
ayant des obligations spécifiques qui découlent du cet engagement. Les États membres doivent
donc respecter la CEDH même dans l’exécution des obligations issues du droit de l’UE. Dans
ce contexte, le risque de conflit entre la CEDH et le droit de l’Union est presque inévitable.
Comment le résoudre ?
Par son arrêt Bosphorus9, la Cour EDH a institué une présomption d’équivalence entre
la protection des droits fondamentaux offris par le droit de l’Union et celle relevant du système
de la CEDH. En autres mots, lorsqu’un État membre exécute une obligation imposée par le
droit de l’Union, cette exécution est présumée respecter la CEDH. La présomption est relative
et peut être renversée en cas d’une violation manifeste de la Convention.

5
CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73.
6
CJCE, 28 oct. 1975, Rutili, aff. 36-75.
7
Article 53, Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
8
F. Martucci, Droit de l’Union européenne, Dalloz, 2017, paragraphe 1094.
9
Cour EDH, 30 juin 2005, Bosphorus Airways c. Irande.
Comme la doctrine10 a bien remarqué, tant les dispositions du TUE et de la Charte,
mais aussi cette jurisprudence de la Cour EDH s’inscrivent dans une tendance d’une
interprétation convergente du droit de l’Union et de la CEDH en matière de droits
fondamentaux.

Après avoir analysé l’impact de la CEDH sur l’UE, on envisagera comment la Charte
des droits fondamentaux de l’UE réfléchit tant les valeurs de l’UE, que les idées de la CEDH.

I. La Charte des droits fondamentaux, réflexion des valeurs de l’UE, point de liaison
avec la CEDH

Ci-dessous, on envisagera la relation entre les droits prévus par Charte et par la CEDH,
en observant des articles de la Charte similaires aux articles correspondants de la CEDH (A) et
une portée plus étendue des certains articles de la Charte, en gardant toutefois la sens conférée
par la CEDH (B)

A. Des articles de la Charte similaires aux articles correspondants de la CEDH

Les droits que la Charte consacre ne sont pas nouveaux : elle regroupe les droits
fondamentaux déjà reconnus par les traités de l’Union, les principes constitutionnels communs
aux États membres, la Convention européenne des Droits de l’homme et les Chartes sociales de
l’Union européenne et du Conseil de l'Europe.
Grace à sa vocation généraliste d’application, la CEDH a eu un rôle central dans
l’élaboration de la Charte. Quelques exemples pourraient être utiles pour comprendre
l’influence de la CEDH sur la Charte :
 L’article 2 de la Charte correspond à l'article 2 de la CEDH, complété par l’article 1
du Protocole n.6 : le droit à la vie est consacré et la peine de mort est interdite ;
 L'article 4 de la Charte correspond à l'article 3 de la CEDH : l’interdiction de la
torture ;
 L'article 5, paragraphes 1 et 2 de la Charte, correspond à l'article 4 de la CEDH :
l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé ;
10
F. Martucci, Droit de l’Union européenne, Dalloz, 2017, paragraphe 1134.
 L'article 11 de la Charte correspond à l'article 10 de la CEDH : liberté d’expression.
Toutefois, la Charte n’a pas seulement le mérite de synthétiser des droits proclamés
antérieurement. Elle nuance leur contenu, pour les rendre plus adaptables aux besoins de l’UE.

B. Une portée plus étendue des certains articles de la Charte, en gardant toutefois le sens
conféré par la CEDH

Il convient de comparer les articles qui ont les mêmes fondements dans la Charte et dans
la CEDH, pour observer quelques particularités des droits prévus par la Charte, en
harmonisation avec du droit de l’UE.
Même si tant la Charte que la CEDH ont une vocation généraliste, la première met
l’accent, en plus, sur les droits fondamentaux en matière sociale (droits fondamentaux des
travailleurs, le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux, la
protection des consommateurs). La différence s’explique par les spécificités de l’UE,
auxquelles la Charte cherche à s’adapter : les droits sociaux sont le corolaire des libertés
fondamentales communautaires – la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des
personnes.
En plus, étant plus nouvelle, la Charte est plus adaptée aux développements
technologiques et aux réalités sociales, ce qu’on peut déduire de la consécration du droit à la
protection des données à caractère personnel11. Toutefois, ce droit représente une forme
particulière du droit à la vie privée.
On peut distinguer une autre différence entre l’article 9 de la Charte et l’article 12 de la
CEDH – le droit au mariage. Le cœur du contenu du droit est presque le même. Cependant, si la
CEDH fait référence aux mariages hétérosexuels, la Charte est plus neutre et son champ
d’application peut être étendu à d'autres formes de mariages dès lors que la législation nationale
les institue.
Les exemples peuvent continuer, mais la clé de l’analyse est la suivante : la Charte ne
fait que développer et adapter ce qui la CEDH avait antérieurement consacré. La liaison entre
eux est si forte, qu’on ne peut pas négliger le rôle de la CEDH dans l’architecture de l’UE,
même sans une adhésion formelle.

11
Article 8, Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

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