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Fiche 6

Les demandes

I. Les différents types de demandes


II. La classification des demandes
III. la forme des demandes

Définitions
Demandes initiales : prétentions formulées par le demandeur dans son acte de saisine.
Demandes reconventionnelles : prétentions propres au défendeur, autres que le seul rejet des prétentions du
demandeur.
Demandes additionnelles : demandes s’ajoutant aux demandes initiales quelles proviennent du demandeur ou
du défendeur.
Intervention volontaire : participation d’un tiers dans un procès en vue de soutenir une partie ou de faire valoir
ses propres demandes.
Intervention forcée : mise en cause d’un tiers dans un procès en cours.

La demande est la matérialisation en justice du droit d’agir. Elle se définit comme « l’acte juridique par lequel
une personne soumet au juge une prétention » (G. Couchez, n° 158). La demande doit permettre au justiciable
de faire reconnaître son droit contesté ou de faire déclarer son droit. Dès lors, la demande doit être distinguée
de l’action qui est le fait de pouvoir saisir la justice et du droit substantiel. La croyance en un droit substantiel
peut conduire à avoir un droit d’agir qui se matérialisera par une demande. La réalité du droit substantiel doit
donc être détachée de celle de la recevabilité de la demande.
Les demandes concernent en premier lieu celui qui introduit l’instance et qui prend dès lors le qualificatif de
demandeur. Mais les demandes visent également le défendeur qui a tout autant vocation à faire valoir ses droits.
Les demandes sont donc évolutives lors d’un procès, d’où une pluralité d’aspects qu’il convient d’expliciter (I).
Par ailleurs, les demandes portent sur des droits de natures différentes nécessitant d’opérer une classification
(II). Enfin, nous présenterons les obligations formelles de présentation des demandes dans les conclusions (III).

I. Les différents types de demandes

L’objectif est ici de distinguer les différents types de demandes selon l’avancement du procès.

A. Les demandes initiales


La première catégorie est celle des demandes initiales. Elles introduisent l’instance, saisissent le juge et le
lient par l’objet du litige. C’est à leur égard que devront s’apprécier la compétence du juge et la recevabilité de
l’action.
Mais si la demande faite au juge exige qu’il se prononce, cela ne signifie pas qu’il doive nécessairement
trancher le fond du litige. Il doit d’abord se prononcer sur sa compétence ce qui peut le conduire à la décliner.
La demande initiale fixe également l’état du litige même si cette règle reçoit une dérogation importante
concernant la responsabilité puisque c’est au moment où il tranche que le juge appréciera l’étendue du
préjudice.
B. Les demandes incidentes
L’état du litige se limite rarement aux demandes initiales. On constate généralement le prononcé de
demandes incidentes qui, comme leur nom l’indique, vont venir s’ajouter aux premières demandes.
À ce titre, on observe tout d’abord les demandes reconventionnelles. Il s’agit des demandes du défendeur qui
vont au-delà du simple rejet des prétentions du demandeur. Le défendeur fait également une demande positive
au juge. Il devient alors également demandeur à l’instance. Cette attitude participe souvent à une technique de
défense. En effet, ce faisant le défendeur vient opposer aux demandes du demandeur ses propres demandes qui
peuvent amener l’adversaire à reconsidérer l’intérêt de maintenir le procès. Il convient surtout de retenir
l’incidence de ses demandes sur les modalités de désistement. En effet, le désistement du demandeur n’est pas
forcément favorable au défendeur puisqu’il est lui-même demandeur. Ainsi en première instance, si le
demandeur doit pour se désister avoir l’accord du défendeur, ce dernier ne peut le faire qu’avec un motif valable.
Or, en l’absence de demandes reconventionnelles, on voit mal l’intérêt que le défendeur pourrait faire valoir au
maintien d’une instance dont l’objet se limite à sa condamnation. L’existence de demandes reconventionnelles
justifie à l’inverse une telle opposition. En outre, l’accord n’est pas demandé lors que le défendeur n’a pas encore
formulé de défense au fond ou soulevé de fin de non-recevoir. En appel, le demandeur peut se désister sans
l’accord de son adversaire sauf si celui-ci a formé des demandes incidentes, c’est-à‑dire reconventionnelles.
Cette catégorie comprend aussi les demandes additionnelles qui sont des demandes pouvant émaner de
chaque partie et modifier les demandes précédentes.
Enfin, il convient de relever le cas spécifique de l’intervention, des interventions puisque deux situations
distinctes sont possibles. On distingue l’intervention volontaire de l’intervention forcée. L’intervention volontaire
consiste en ce qu’une tierce personne vienne se greffer à une instance existante car elle y a des intérêts
à défendre. Elle fera alors valoir ses propres demandes. L’intervention forcée représente l’hypothèse où l’une
des parties décide en cours de procès d’agir contre un tiers, l’incorporant à l’instance. Des demandes sont alors
formulées contre ce tiers, devenant partie au procès.

C. Intérêt de la distinction
Il est important de distinguer entre les demandes initiales et celles incidentes, tant sur le fond que sur la
forme.
Sur le fond, ce sont les demandes initiales qui vont déterminer la compétence de la juridiction saisie. Les
demandes incidentes seront alors traitées par la juridiction même si elles ne ressortent normalement pas de sa
compétence. Mais si la demande incidente peut être d’une nature assez différente de celle initiale, elle doit tout
de même se rattacher à celle initiale par « un lien suffisant » selon l’article 70 du Code de procédure civile. Cette
règle ne s’applique pas et ce fort logiquement pour les demandes de compensation, mais le juge peut décider
de disjoindre les demandes s’il y a un risque de retarder excessivement l’instance en cours. Toutefois, si le
domaine de la demande incidente est de la compétence exclusive d’une autre juridiction, celle saisie devra poser
une question préjudicielle à celle compétente et surseoir à statuer dans l’attente de la réponse.
Sur la forme, les demandes incidentes sont présentées comme les moyens de défense, c’est-à‑dire par
conclusions, donc sans assignation à la différence des demandes initiales, du moins devant le tribunal de grande
instance. Cette souplesse connaît une limite lorsqu’une partie est défaillante ou encore lorsque la demande
consiste en une intervention forcée. L’article 68 alinéa 2 prévoit alors de recourir aux formes prévues pour
l’introduction de l’instance donc comme s’il s’agissait de demandes initiales.

D. Les moyens de défense


L’étude des demandes ne se limite pas à ce qui est demandé positivement au juge, il s’agit aussi des moyens
de défense. À cet égard, nous avons pu déjà observer les demandes reconventionnelles. Mais avant d’envisager
de faire ses propres demandes, le défendeur doit d’abord s’atteler à poser ses arguments en défense contre les
demandes du demandeur. Cette argumentation s’appelle la défense au fond, car elle se distingue des arguments
visant à contester la régularité de l’action que nous étudierons dans un second temps. La défense au fond
consiste pour le défendeur à faire valoir les éléments de discussion s’opposant aux demandes. Elle peut être faite
tant qu’il est possible de conclure, afin de permettre à la partie adverse de répondre et d’éviter les procédés
dilatoires. Les arguments sont susceptibles d’évoluer entre les deux degrés de juridiction afin de s’adapter à la
motivation du jugement de première instance. Ainsi l’article 71 du Code de procédure civile précise qu’ils
peuvent être proposés « en tout état de cause ».
Comme précédemment indiqué, la défense s’organise également au travers de techniques visant à faire
reconnaître l’action comme irrégulière. Il s’agit des exceptions de procédure et des fins de non-recevoir. Ces deux
techniques suivent la même finalité mais ont des origines distinctes. L’exception de procédure s’applique à la
procédure en cours, afin d’établir qu’elle est irrégulière ou éteinte. L’exception peut encore avoir pour objet de la
suspendre. C’est donc un moyen purement processuel. À l’inverse, la fin de non-recevoir s’intéresse au droit d’agir
pour faire déclarer l’action irrecevable. Il en ressort une nature mixte, mêlant questions de fond et de procédure.
Ces deux types de demandes feront l’objet de développements plus approfondis (v. Fiches 11 et 12).

II. La classification des demandes

Qu’elles soient principales ou incidentes, les demandes portent sur des objets de natures très diverses qui
imposent d’établir une classification afin de les appréhender. Classiquement, on distingue entre les actions
personnelles, réelles et mixtes. Une autre division s’opère selon la nature mobilière ou immobilière de l’objet de
l’action. Enfin, les actions immobilières se répartissent entre celles possessoires et celles pétitoires.

A. Les catégories
L’action personnelle comme son nom l’indique a vocation à sanctionner un droit personnel, c’est-à‑dire un
droit de créance. Les actions liées à la personne peuvent se décliner entre les actions patrimoniales et celles
extrapatrimoniales. Ces actions sont menées devant la juridiction du lieu où demeure le défendeur.
L’action réelle porte sur un droit réel, donc un droit sur un bien. La juridiction compétente est celle du lieu
de l’immeuble.
L’action mixte est mêlée des deux autres, comme en cas de vente d’immeuble, le contrat ayant une nature
personnelle mais associé à la nature réelle de l’immeuble. Le demandeur bénéficie d’un droit d’option pour le
choix de la juridiction.

B. La distinction entre les actions mobilières et immobilières


On distingue, par ailleurs, les actions mobilières et immobilières. Leurs noms indiquent clairement leur objet
et il serait tentant de les considérer comme des subdivisions des actions réelles, ces dernières portant sur des
biens qu’ils soient meubles ou immeubles. Mais telle n’est pas la réalité du découpage. Les actions mobilières sont
essentiellement personnelles et ce du fait de l’article 2276 du Code civil qui vient entraver les possibilités de
revendication. En outre, les actions immobilières sont à l’inverse essentiellement réelles, directement rattachées
à la chose. L’assimilation ne doit pas pour autant se faire. Par ailleurs, la liste des immeubles étant limitative, tout
ce qui n’y figure pas entre alors dans la catégorie mobilière. Il en est ainsi pour les obligations de faire ou de ne
pas faire relativement à des immeubles.

C. Les actions immobilières


Les actions immobilières se composent des actions pétitoires et du référé possessoire.
L’action pétitoire est celle qui protège le propriétaire d’un immeuble. Elle lui permet, par exemple, de
revendiquer l’immeuble. La recevabilité de l’action suppose donc que le juge ait vérifié le titre du demandeur.
À l’inverse, le référé possessoire s’adresse au possesseur, celui-ci se comportant comme le titulaire de droits
réels mais n’étant pas nécessairement le propriétaire du bien. Avant la loi du 16 février 2015, il existait des
actions possessoires.
Les actions possessoires suivaient un régime particulier. Elles se composaient de trois actions qui suivaient
des règles communes et certaines règles propres. Il s’agissait de la complainte, de la dénonciation de nouvel
œuvre et la réintégrante.
La complexité de ces actions et surtout leur délicate combinaison avec les actions pétitoires puisque les
actions n’étaient pas cumulables avait conduit à leur préféré le recours au référé. La loi de 2015 entérine cet état
de fait permettant d’agir rapidement à l’encontre des troubles faits à la possession.

III. La forme des demandes

Selon l’article 768 du Code de procédure civile, les conclusions doivent formuler expressément les prétentions
des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec
indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les
pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des
prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été
formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal
ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions
que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués
dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue
que sur les dernières conclusions déposées.

À retenir
• On distingue les demandes initiales des demandes additionnelles.
• Les demandes initiales fixent le cadre du litige, le lien d’instance et contraignent le juge à répondre. Elles vont
permettre d’apprécier la compétence de la juridiction saisie et la recevabilité de l’action.
• Les demandes incidentes comprennent toutes les demandes qui vont se greffer à celles initiales. Il peut s’agir de
demandes reconventionnelles, c’est-à‑dire des demandes du défendeur autres qu’une simple défense ou de
demandes additionnelles de chaque partie.
• Les demandes incidentes doivent avoir un lien suffisant avec l’objet initial du litige.
• Les actions se divisent entre les actions personnelles qui portent sur les obligations et celles réelles portant
directement sur un bien.
• Au sein des actions immobilières, il convient de distinguer les actions pétitoires, qui visent le titre sur le bien, du
référé possessoire qui permet à tout possesseur voire détenteur de prévenir ou faire cesser un trouble à une
possession.

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