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Manuel Mark 2006

CHAPITRE SECOND.
SYSTEME URO-GENITAL
I. LES TROIS REINS DE L'EMBRYON
II. LA PATHOGENIE DES UROPATHIES MALFORMATIVES

(Cours du Prof. Manuel Mark)

Remarque préliminaire. Un embryon se définit par


rapport à 3 axes : antéro-postérieur (ou crânio-
caudal), dorso-ventral et gauche-droite.

D’après Sadler. Langman's Essential Medical


Embryology, 2004

D’après Moore. L’être humain en développement, I. LES 3 REINS DE L’EMBRYON HUMAIN


1974
L'appareil urinaire dérive, pour l’essentiel, du
mésoderme intermédiaire (ou cordon
néphrogène), situé entre le mésoderme somitique
(dérivé de la plaque interne) et celui de la plaque
latérale. La partie antérieure du mésoderme
intermédiaire subit un découpage, une
métamérisation, à l’origine de blocs cellulaires pairs
et symétriques appelés néphrotomes, plus petits et
plus nombreux que les somites. Alors que la
segmentation de la plaque interne, s'étend de la
région occipitale à l'extrémité caudale, celle de la
plaque intermédiaire n'intéresse que sa portion
antérieure qui est à l'origine du pronéphros. Dans les
parties moyenne et caudale de l'embryon, le
mésoderme intermédiaire forme une colonne
continue.

Le mésoderme intermédiaire donne les 3 reins de


l'embryon, dont les ébauches se succèdent dans le
D’après Sadler. Langman's Essential Medical temps et l'espace.
Embryology, 2004 - Le pronéphros (ou rein antérieur), formé dans la
région cervicale est une simple esquisse qui
disparaît rapidement ;
- Le mésonéphros (ou rein moyen) atteint un
développement complet, mais régresse en
majeure partie. Il participe cependant à

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l’édification du testicule et de ses voies - la différenciation de glomérules du côté médial
excrétrices. (interne) de chaque tubule, au contact de
- Le métanéphros (ou rein postérieur) est le rein branches latérales de l'aorte dorsale
définitif des mammifères.
Le canal de Wolff ou canal excréteur du
Note : La succession des reins embryonnaires dans mésonéphros apparaît (au jour 24) sous la forme
le temps est calquée sur l'histoire évolutive des d'une condensation du mésoderme intermédiaire
vertébrés (« l'ontogenèse récapitule la ayant l'apparence d'une tige pleine allongée dans le
phylogenèse ») : sens antéropostérieur et localisée à l'extérieur des
- Chez les céphalocordés qui sont les ancêtres tubes urinaires mésonéphrotiques. Cette tige pousse
immédiats des vertébrés, le pronéphros constitue le en direction postérieure, jusqu'à atteindre le cloaque
rein définitif. (le carrefour génito-urinaire et ano-rectal de
- Chez les agnathes (vertébrés primitifs dépourvus l'embryon). Lors de sa progression vers le cloaque,
de mâchoire, comme la lamproie), ainsi que chez la elle se creuse d’une lumière et ses cellules adoptent
plupart des poissons et amphibiens (= les un agencement épithélial. Le canal de Wolff reçoit les
anamniotes), qui correspondent aux vertébrés les tubes urinaires mésonéphrotiques.
plus primitifs dans l'échelle évolutive, le pronéphros
est bien développé et fonctionnel aux stades Dans l'espèce humaine, les tubes urinaires
embryonnaire et larvaire , le mésonéphros contribue mésonéphrotiques sont longs et très contournés. Par
au rein définitif. conséquent, le mésonéphros devient un organe
Chez les amniotes (reptiles, oiseaux, mammifères) volumineux dans toutes ses dimensions (longueur et
• Le pronéphros n'est jamais fonctionnel épaisseur). Il forme une saillie importante dans la
• Le mésonéphros n'est fonctionnel que cavité péritonéale embryonnaire. On lui distingue :
durant la vie embryonnaire, et uniquement - une face externe au contact des canaux de Wolff et
chez certaines espèces de Müller
• Le métanéphros constitue le rein définitif - une face interne où se développe l'ébauche
(ou rein adulte). gonadique
- une face dorsale attachée à la paroi dorsale de
A) Le pronéphros l'embryon par une masse mésenchymateuse située
près de la racine du mésentère. Cette masse, le
Il se constitue dans la région cervicale de l'embryon méso du corps de Wolff, est large et se prolonge en
(correspondant à l'étendue du 7è au 11è somites) à direction antérieure ainsi qu’en direction caudale, par
partir de néphrotomes. Son existence est brève : 2 cordons mésenchymateux appelés respectivement
chez l'Homme, il apparaît au début de la 4è semaine ligament diaphragmatique et ligament inguinal. Le
et aura complètement régressé à la fin de cette second relie le pôle caudal du mésonéphros à la
même semaine. Il correspond à un vestige évolutif. future région inguinale.

B) Le mésonéphros (ou corps de Wolff) et le canal de Wolff

Le mésonéphros apparaît à la 4è semaine. Il est


achevé chez l'embryon de 7 semaines, puis il
régresse et disparaît au 4è mois.

Le mésonéphros est beaucoup plus volumineux que


le pronéphros : il se constitue sur une étendue de
l’axe antéro-postérieur allant de la région cervicale
basse à la région lombaire, à partir d'une quarantaine
de vésicules mésonéphrotiques. Celles-ci sont issues D’après Sadler. Langman's Essential Medical
d’une transformation en épithélium d’une partie du Embryology, 2004
cordon néphrogène.

A partir de la 4è semaine, le mésoderme


mésonéphrotique passe par les stades suivants :
- la constitution de cavités (vésicules
mésonéphrotiques) bordées d’un épithélium, par
transformation du mésenchyme du cordon
néphrogène.
- l’allongement de chaque vésicule en tubule
mésonéphrotique
- l’ouverture de l'extrémité latérale (externe) du tubule
dans le canal de Wolff, ou canal excréteur du
mésonéphros, ou canal mésonéphrotique.
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Lorsque la jonction entre le diverticule et le blastème
est réalisée débute l’arborisation du diverticule
urétéral qui est à l'origine de la totalité du système
excréteur du rein définitif. En schématisant, cette
arborisation se réalise de la manière suivante :

- L'extrémité libre du diverticule urétéral se dilate


pour donner l'ébauche du bassinet.
- Le long du bassinet, s'établit un
bourgeonnement primaire qui correspond aux
grands calices.
- Un bourgeonnement secondaire s'opère au
niveau de chaque grand calice donnant des
Devenir du mésonéphros petits calices.
- A leur tour, les petits calices bourgeonnent pour
Le mésonéphros est fonctionnel chez le singe et donner les tubes collecteurs du rein (ou tubes
donc peut être aussi chez l’Homme. de Bellini). Chaque tube collecteur s'arborise de
A partir de la 7è semaine, le mésonéphros régresse manière dichotomique formant plusieurs (environ
jusqu'au 4è mois. Cette régression est variable selon 15) générations successives de tubes collecteurs.
le sexe de l’embryon. Chez le mâle, une partie des
tubes urinaires mésonéphrotiques contribue à la
formation des voies excrétrices du testicule en
donnant les canaux efférents. Par ailleurs, les
cellules du mésenchyme mésonéphrotique entourant
les cordons séminifères (voir le cours consacré au
développement du testicule) donneront, à la puberté,
les cellules myoépithéliales des tubes séminifères.
Par contre, la régression des structures
mésonéphrotique est complète chez l'embryon
femelle, où seuls persisteront des vestiges (i.e. des
structures non fonctionnelles), sous la forme de
kystes (l'époophore et le paroophore) localisés dans
les ligaments larges.
- Pendant ce processus d’arborisation du diverticule
C) Le métanéphros ou rein définitif urétéral, les cellules mésenchymateuses du blastème
se condensent autour des extrémités borgnes du
Son développement débute à la 5è semaine et diverticule urétéral formant des coiffes
s'achève à la naissance : aucun néphron ne sera métanéphrogènes (fragments condensés de
donc formé après la naissance. Il résulte de blastème). Ces condensations (ou régions de plus
l'interaction entre 2 structures embryonnaires : forte densité cellulaire) se creusent de lumières et
- le blastème métanéphrogène subissent une transformation épithéliale donnant
- le diverticule urétéral naissance à des vésicules rénales puis, en
s’allongeant, à des tubules rénaux. Ces tubules, au
1) Le blastème métanéphrogène ou blastème rénal contact de capillaires issus des artères rénales,
forment des glomérules. Ensuite, les tubules rénaux
Il dérive de la partie de la plaque intermédiaire non s'allongent et se déforment donnant naissance aux
métamérisée, correspondant à la région sacrée de néphrons, qui sont les unités sécrétrices du rein.
l'embryon (29è, 30è, 31è somites). Le métanéphros
sera donc, initialement, beaucoup plus petit que le
mésonéphros, mais il continuera à proliférer pendant
toute la vie embryonnaire et fœtale, contrairement au
mésonéphros qui régresse.

2) Le diverticule urétéral

Le canal de Wolff juste avant d’atteindre le cloaque,


donne naissance à un bourgeon latéral, le
diverticule urétéral, qui se dirige vers le blastème
métanéphrogène homolatéral, en se creusant d'une
lumière

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sécréteur issu du blastème métanéphrogène l’est
également.

3) Devenir du métanéphros

La migration du rein. Le métanéphros, formé dans


la cavité pelvienne, se déplace ensuite jusqu'en
position lombaire haute (pôle supérieur = T12 ; pôle
inférieur = L3; Le rein droit est situé une 1/2 vertèbre
plus bas que le rein gauche). Cette ascension du
métanéphros qui s'opère en arrière du péritoine est
due à une diminution de la courbure du corps de
l'embryon.

L'histogenèse du rein s'achève à la naissance. A ce


moment, environ 1 million de néphrons ont été
D’après Larsen. Human Embryology, 2001
produits dans chaque rein. Les dernières générations
de néphrons se forment sous la capsule du rein.
En résumé
L’augmentation post-natale de la taille du rein
Le diverticule urétéral donne l'ensemble du système
résulte d'une hypertrophie des néphrons, et non d'un
excréteur du rein : uretère, bassinet, grands et
accroissement de leur nombre.
petits calices et tubes de Bellini.
4) Embryologie causale
Le blastème métanéphrogène donne toute la partie
sécrétrice du rein, dont l'unité fonctionnelle est le
Le blastème métanéphrogène est l'élément inducteur
néphron comportant: glomérule, tube contourné
de la morphogenèse rénale. Il produit une cytokine, le
proximal, branches ascendantes et descendantes
GDNF (Glial cell line-Derived Neurotrophic Factor),
de l'anse de Henlé et tube contourné distal. qui induit : (1) la formation du diverticule urétéral à
partir du canal de Wolff et (2) ses ramifications
successives. Chez la souris, l’inactivation du GDNF
conduit à une agénésie du rein. L’inactivation du
récepteur tyrosine kinase du GDNF, c-ret, qui est
exprimé par les cellules du diverticule urétéral,
conduit au même phénotype pathologique. Le GDNF
est donc le signal mésenchymateux nécessaire à
l’arborisation du diverticule urétéral. En contrepartie,
si le diverticule urétéral n’établit pas de contact avec
le blastème, celui-ci ne produit aucun néphron et
dégénère par apoptose.
La morphogenèse du rein définitif est un modèle
bien établi d'interactions épithélio-
mésenchymateuses qui interviennent dans le
développement de très nombreux organes.

3, glomérule ; 4 tube contourné distal ; 5 tube


contourné proximal ; 6 anse de Henlé ; 7 tube
collecteur.

On notera qu’au début de l’histogenèse, il n'y a pas


de continuité : le système excréteur qui provient du
diverticule urétral est entièrement fermé et le système

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des yeux écartés, nez en bec de perroquet,
micrognathie et oreilles plates et mal implantées).
Pour des raisons inconnues, 75% des enfants
atteints d'agénésies rénales sont de sexe masculin.
Bien entendu, l’agénésie rénale bilatérale est létale à
la naissance.

- L'agénésie rénale unilatérale (fréquence estimée :


1/600) est sans conséquence fonctionnelle, en raison
d’une hypertrophie compensatrice du rein restant.

2) Rein surnuméraire et duplications urétérales

L'anomalie primaire est une duplication du diverticule


urétéral d'où formation de 2 reins d'un même côté

- La duplication du diverticule peut-être complète :


uretère double.

- La duplication du diverticule peut être partielle :


uretère bifide.
Progression de l’histogenèse du rein vers le cortex de
l’organe durant la vie fœtale. - La duplication urétérale peut être isolée, c'est-à-dire
sans duplication rénale associée. Elle est parfois
II. LES MALFORMATIONS URINAIRES asymptomatique. Parfois, elle est partiellement
rétrécie, d'ou obstruction à l'écoulement de l'urine et
Les uropathies malformatives, surtout celles qui hydronéphrose (voir plus loin). Enfin, dans les cas de
s'accompagnent de dilatations ou, au contraire, duplication complète, l'une des ouvertures urétérales
d'absences d'éléments de l'appareil urinaire, sont peut se localiser ectopiquement au niveau de la
souvent diagnostiquées avant la naissance grâce à vessie, de la vésicule séminale, de l'urètre ou du
l’échographie foetale. vagin.

1) Agénésie rénale uni- ou bilatérale 3) Ectopies rénales : ectopie pelvienne du rein et rein en
fer à cheval
Cause
Ectopie pelvienne du rein. De leur position initiale
Il s’agit soit d’une agénésie du diverticule urétéral, dans la région sacrée, les reins migrent normalement
soit d’une insuffisance de sa croissance, d'où dans la région lombaire haute. L’absence de
absence de contact avec le blastème, et absence migration conduit à une ectopie pelvienne du rein.
d'induction de la néphrogenèse. Dans ces conditions,
le blastème rénal disparaît par apoptose. Rein en fer à cheval (1 cas/400 naissances). Au
cours de la migration des métanéphros en direction
Conséquences antérieure, leurs pôles inférieurs peuvent venir au
contact l'un de l'autre et fusionner sur la ligne
- Le métanéphros devient fonctionnel à 10 semaines médiane donnant un rein en fer à cheval dont
de grossesse et l'urine est excrétée dans la cavité l’ascension est bloquée par la racine de l'artère
amniotique. Les reins contribuent pour une large part mésentérique inférieure et qui, pour cette raison, est
à la production de liquide amniotique. À partir de 18 habituellement situé en position lombaire basse.
semaines, le liquide amniotique est constitué à 80%
par de l'urine fœtale. Néanmoins, le fœtus n'a pas Ectopie rénale et rein en fer à cheval sont souvent
besoin de ses reins, puisque l'élimination de ses asymptomatiques.
déchets métaboliques est assurée par le placenta qui
fonctionne à la manière d'un rein artificiel. 4) Les kystes primaires du rein
- En cas d'agénésie rénale bilatérale, le fœtus survit
jusqu'au terme, mais le volume du liquide amniotique a) La maladie polykystique hépato-rénale ou
est diminué (oligohydramnios ou oligoamnios). polykystose rénale de type infantile
L’oligohydramnios conduit à une compression du
fœtus par la paroi utérine entraînant un syndrome - C'est une maladie à transmission autosomique
polymalformatif, le syndrome de Potter, comprenant récessive, létale par insuffisance rénale, caractérisée
un RCIU, une hypoplasie des poumons, des par une atteinte uniforme des tubes collecteurs des 2
déformations des membres, une peau sèche et ridée reins, et fréquemment associée à des kystes
et des anomalies faciales (faciès asymétrique avec
5
hépatiques (dérivés des canalicules biliaires intra- - Elles conduisent à une dilatation de la vessie
hépatiques) et à une fibrose du foie. (mégavéssie), ou à une vessie dont les parois sont
- Elle est rare : 1 naissance sur 50 000. épaissies à l'échographie ("vessie de lutte"), à une
- Elle est souvent associée à un oligohydramnios. dilatation des uretères (méga-uretères) et des
cavités rénales (hydronéphrose).
b) La polykystose rénale de type adulte - Les valves de l'urètre postérieur peuvent justifier,
lorsqu'elles sont détectées suffisamment tôt, la mise
- Transmission autosomique dominante. en place d'une dérivation vésico-amniotique
- Fréquente : 1/1000 ; responsable de 10% des cas
d'insuffisance rénale chronique. On notera que toutes les lésions obstructives
- Révélation prénatale rare ; elle ne devient bilatérales du tractus urinaire peuvent
habituellement symptomatique qu'entre 30 et 50 s'accompagner d'oligohydramnios.
ans.

c) Autres kystes primaires du rein

- Tous les kystes du rein ne sont pas héréditaires.


- Unique (kyste solitaire du rein), en petit nombre,
voire nombreux mais unilatéraux, ils n'ont pas de
répercussion sur la fonction rénale. Ils peuvent rester
asymptomatiques à vie. Rarement, ils sont à l'origine
de douleurs, et se pose alors un problème de
diagnostic différentiel avec une tumeur.

5) Les kystes rénaux secondaires à une obstruction

a) Le syndrome de la jonction ou hydronéphrose


congénitale

- C’est la plus fréquente des anomalies obstructives


du tractus urinaire.
- Le rétrécissement siège entre le bassinet et
l'uretère (jonction pyélo-urétérale)
- Il entraîne une distension du bassinet, des calices,
voire des tubes collecteurs (hydronéphrose) et peut
conduire à une destruction complète, par
compression, du parenchyme rénal.

La découverte d'une petite dilatation pyélo-calicielle


au décours d'une échographie prénatale de routine
est une éventualité fréquente. La plupart de ces
lésions sont spontanément régressives, mais d'autres
s'aggravent. Un suivi postnatal est donc
indispensable.

b) Les méga-uretères

- L'obstacle se situe au niveau de l'uretère terminal


(uretère juxta-vésical) ou à la jonction urétéro-
vésicale. Il peut s'agir d'une atrésie, d'une sténose,
d'une valve ou d'une torsion de l'uretère.
- Les signes échographiques sont un méga-uretère,
associé ou non à une dilatation pyélocalicielle
(hydronéphrose).

c) Les valves de l'urètre postérieur et les atrésies


de l'urètre

- Les valves correspondent à des replis tissulaires


anormaux s'opposant à l'évacuation de l'urine.
- Ces 2 anomalies affectent presque exclusivement
les garçons.
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