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Le droit

de la sécurité
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sociale
SYSTÈME ET FINALITÉS
Gilles Huteau

2e édition

2021
PRESSES DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE
Collection
FONDAMENTAUX
Dirigée par Gilles Huteau
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La collection « Fondamentaux » rassemble des ouvrages
pédagogiques de référence à destination des étudiants et
des professionnels en formation pour assimiler facilement
les notions du champ sanitaire et social.

Le photocopiLLage met en danger L’équiLibre économique des circuits du Livre.


Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans
autorisation de l’Éditeur (loi du 11 mars 1957, code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992).

© 2019 Presses de l’EHESP, pour la 1re édition.


© 2021 Presses de l’EHESP pour la 2e édition, 2 av. Gaston Berger – CS 41119 – 35011 Rennes
Cedex
www.presses.ehesp.fr
ISBN : 978‑2‑8109‑0891‑2
Introduction

Le droit de la sécurité sociale invite tout d’abord à considérer l’objet


auquel il se rapporte, pour mieux en comprendre la conception d’ensemble
et les caractéristiques essentielles.
❚ Un premier aperçu de la notion de sécurité sociale
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S’il n’existe aucune définition légale de la notion elle-même, le premier
article du code de la sécurité sociale (L.111-1) en livre néanmoins quelques
éléments constitutifs : « La sécurité sociale est fondée sur le principe de
solidarité nationale », et concerne « toute personne travaillant ou résidant
en France de façon stable et régulière ». « Elle assure la prise en charge des
frais de santé, du soutien à l’autonomie, le service des prestations d’assu-
rance sociale, notamment des allocations vieillesse [retraites], le service des
prestations d’accidents du travail et maladies professionnelles, ainsi que le
service des prestations familiales ».
Contrairement à une opinion répandue, la notion de sécurité sociale n’est
pas circonscrite à la seule assurance maladie. Comme il est indiqué ci-dessus,
elle se réfère à un champ d’éventualités plus vaste, étendu aux autres prin-
cipaux risques de la vie humaine et aux charges de famille.
Selon Pierre Laroque, qui fut l’architecte du Plan français de sécurité
sociale de 1945, c’est « la garantie donnée à chacun, qu’en toutes circons-
tances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et
celle de sa famille dans des conditions décentes ». Il s’agit au-delà de concou-
rir au respect de la dignité humaine en libérant les individus de l’humiliation
de faire appel à l’assistance ou à la charité pour répondre aux vicissitudes de
l’existence.
Cette approche ambitieuse de la solidarité au service de l’Homme est celle
qui caractérise l’idée de sécurité sociale, non seulement en France, mais aussi
dans le monde. S’étant concrétisée au sortir de la Seconde Guerre mondiale,
elle constitue dans de nombreux pays l’épine dorsale des projets de société
voués à promouvoir la justice sociale et la cohésion nationale.
❚ Les différents angles d’approche de la sécurité sociale
Compte tenu de son fondement et de ses finalités, la notion de sécurité
sociale est à appréhender selon une triple approche. C’est à la fois :
– un droit à la protection de la personne humaine, érigé en objectif
politique ;
– une technique originale de prise en charge des risques de l’existence ;
– une institution gestionnaire. 3
Introduction

Appréhendée au sens conceptuel, la sécurité sociale s’entend comme un


droit à la protection de l’individu. Aux termes de l’article 22 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, « Toute personne,
en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée
à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indis-
pensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité ». Au
plan national, le Préambule de la Constitution française s’inscrit d’ailleurs
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dans cette perspective en 1946 en faisant mention d’un droit à la santé et
d’un droit à la sécurité matérielle.
Au vu de l’objectif politique visé, la sécurité sociale correspond à un droit
à la protection reconnu à toute personne, considérée non pas isolément,
mais en vertu de son appartenance à une collectivité d’individus. Comprise
comme une responsabilité mutuelle, la solidarité sur laquelle est fondée la
sécurité sociale, marque au sein d’une société donnée un lien d’inter-
dépendance économique entre les individus face aux risques de la vie
humaine.
Envisagée de la sorte la sécurité sociale serait susceptible de couvrir un
vaste champ d’intervention incluant par exemple le logement social ou la
formation professionnelle, au point de se confondre avec la notion extensive,
aux contours d’ailleurs mal cernés, de protection sociale. Aussi, afin de déli-
miter le périmètre du « droit à » la sécurité sociale, la Convention n° 102 de
l’Organisation internationale du travail (1952) liste les éventualités à prendre
en compte. On y retrouve les risques répertoriés dans le système français
(maladie, maternité, invalidité, etc.) et les charges de famille, auxquels elle
ajoute le risque chômage.
Si les textes internationaux ou constitutionnels contribuent à en éclairer
les fondements politiques, l’effectivité du droit à protection auquel renvoie
la sécurité sociale, ne saurait se satisfaire du seul caractère incantatoire
d’« un droit à ». Il revient dès lors aux diverses législations nationales de sécu-
rité sociale de définir les conditions de sa réalisation effective.
Appréhendée au sens fonctionnel, la sécurité sociale désigne une tech-
nique originale de prise en charge des risques de l’existence. C’est en s’ap-
puyant à la fois sur des mécanismes d’assurances sociales et sur des
mécanismes d’assistance, et ainsi en estompant le clivage traditionnel entre
assurance et solidarité, que la sécurité sociale procède à une socialisation
des risques de l’existence, en les métamorphosant en risques sociaux.

Le risque social est une éventualité de la vie humaine saisie par la sécu-
rité sociale dans sa dimension économique – qu’elle soit malheureuse
(maladie, accident, perte d’autonomie, décès, etc.) ou heureuse (mater-
nité, charges de famille) – à partir du moment où elle est susceptible
4 d’impacter les ressources ou les charges des intéressés.
Introduction
Par ce mode de prise en charge, la sécurité sociale assure la couverture
des risques au moyen de prestations assorties ou non de conditions de res-
sources, et elle en déporte la charge financière sur la collectivité, en faisant
contribuer chaque individu, non pas en fonction de la probabilité des risques
qu’il encourt, comme dans la technique de l’assurance privée, mais en pro-
portion de ses ressources.
Cette socialisation des risques donne lieu à une redistribution de revenus
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plus ou moins accentuée, en fonction des objectifs de solidarité et de justice
sociale poursuivis. Or, au travers des prestations et cotisations qu’il met en
jeu, un tel processus occasionne des transferts sociaux faisant des gagnants
et des perdants, et sauf à remettre en cause l’économie générale de la sécu-
rité sociale, il ne doit pas être permis à un individu de s’y soustraire. C’est
pourquoi, la sécurité sociale est indissociable d’une organisation structurelle
à même d’en garantir l’effectivité.
Appréhendée au sens organisationnel, la sécurité sociale désigne une
institution gestionnaire ou un ensemble d’institutions créées par l’État afin
de couvrir contre les risques sociaux les groupes de personnes qui y sont
obligatoirement affiliées ; à charge pour les organisations administratives
et financières mises en place de verser les prestations sociales et de collecter
les contributions servant à leur financement.
❚ L’esquisse d’une définition de synthèse
de la sécurité sociale
Susceptible d’être appréhendée sous différents prismes, la notion de sécu-
rité sociale évoque à la fois une idée ambitieuse de solidarité face aux risques
de la vie et les moyens techniques et matériels voués à la mettre en œuvre.
Il en résulte que toute tentative pour en formaliser une définition générale
se trouve confrontée à cette ambivalence.
Ayant pour objet de conférer un contenu réel au droit à la sécurité sociale,
le droit de la sécurité sociale amène en la matière à retenir une acception qui
mette l’accent sur les approches fonctionnelle et organisationnelle de la
sécurité sociale, c’est-à-dire sur le système constitué à cette fin (organes de
gestion, prestations et financement), sans que l’approche conceptuelle ne
s’en trouve perdue de vue.
Ainsi la sécurité sociale peut être définie comme une institution ou un
ensemble d’institutions ayant pour fonction de garantir un droit à la protec-
tion face aux risques de la vie humaine auxquels la société attache une impor-
tance particulière, et ce, à travers une technique de prise en charge originale
alliant mécanismes d’assurance et de solidarité.

5
Introduction

❚ Les caractéristiques du droit de la sécurité sociale


C’est l’objet même auquel il se rapporte qui confère au droit de la sécurité
sociale toute sa richesse et sa singularité. Loin d’être un droit seulement
technique laissant une large place au règlement (décret, arrêté), comme
pourrait le laisser croire son caractère détaillé, le droit de la sécurité sociale
est un droit vivant. Il concerne toutes les étapes de la vie humaine, de la
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naissance à la mort, que les personnes soient confrontées à des éventualités
malheureuses (ex. : maladie, accident…) ou heureuses (ex. : maternité,
charge d’enfants).
Prenant en compte l’individu dans un cadre collectif et solidaire, le droit
de la sécurité sociale se détourne d’une analyse individualiste centrée sur le
sujet de droit et sur son patrimoine saisi au travers de ses droits et obliga-
tions. Se référant à la sécurité sociale en tant que patrimoine commun de ses
bénéficiaires, il est structuré en grands volets (institutions, prestations, finan-
cement) en lien avec sa fonction de redistribution au sein d’un ensemble
d’individus, sachant que ses dispositions sont, pour l'essentiel, d’ordre public.
Branche du Droit en perpétuel mouvement, car appelée à évoluer en fonc-
tion des représentations que la société se fait de la solidarité, le droit de la
sécurité sociale est influencé par son environnement social, démographique,
économique, de sorte qu’il invite à faire des liens avec les autres sciences
sociales (science politique, économie, sociologie, démographie, etc.).
❚ La conception et la construction de l’ouvrage
Compte tenu de l’opportunité d’une approche pluridisciplinaire de la
matière, cet ouvrage n’a pas seulement pour ambition d’exposer les règles
du droit de la sécurité sociale (organisation administrative et financière, cou-
verture des risques sociaux, questions contentieuses et européennes). Il vise
également à montrer les logiques sous-jacentes au système de sécurité
sociale et à en rendre les finalités explicites au regard des politiques sociales
et de santé.

6
Chapitre 1
Origines et principes

S’inscrivant à la suite de formes de protection sociale plus anciennes


comme l’assistance ou la mutualité, la sécurité sociale constitue une notion
relativement récente. Si le chancelier allemand Bismarck en est le précur-
seur avec la création des assurances sociales dans les années 1880, l’expres-
sion même de « sécurité sociale » n’apparaît dans un texte juridique qu’en
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1935 aux États-Unis, avec le vote du Social Security Act dans le cadre de la
politique du New Deal. Mais c’est surtout avec le Plan du britannique
Beveridge (1942) que la conception moderne de la sécurité sociale prend
naissance. À la différence des assurances sociales, elle est fondée sur la soli-
darité nationale, et non plus sur les seules solidarités socioprofessionnelles.
Afin de répondre à l’aspiration des peuples à plus de justice sociale, la plupart
des États mettent en place des systèmes de sécurité sociale au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi le Plan français de sécurité sociale
adopté en 1945 illustre cette entrée dans une nouvelle ère de la protection
sociale caractérisée par l’objectif d’universalité de la couverture des risques
sociaux.

1 Les formes de protection antérieures


à la sécurité sociale

L’idée d’une protection collective face aux vicissitudes de la vie humaine


(accidents, maladies…) voit le jour dès la plus haute Antiquité. Cependant,
jusqu’à la seconde moitié du xixe siècle, elle ne se concrétise guère, hormis
sous les formes de la charité religieuse et de l’assistance communale les-
quelles sont vouées à couvrir les besoins des indigents inaptes au travail.
C’est seulement à partir de la révolution industrielle, avec l’essor du prolé-
tariat ouvrier, que la protection sociale collective et solidaire prend nais-
sance dans les pays d’Europe occidentale, à la faveur de la prise de
conscience de la Question sociale.

La Question sociale est indissociable de l’histoire de la classe ouvrière.


Bien qu’ils contribuent par leur force de travail à la richesse économique,
les ouvriers de l’industrie sont confrontés à des conditions de vie misé-
rables comme le soulignent dès 1840 les rapports du Dr Villermé ou de
Villeneuve-Bargemont. C’est alors que commence la prise de conscience
du « paupérisme » des travailleurs, sachant que jusqu’à cette époque,
les préoccupations sociales ne concernent que l’indigence traditionnelle
des infirmes ou des vagabonds. Or, les causes et les caractéristiques de
leurs situations de pauvreté sont bien différentes de celles des ouvriers 7
1. Origines et principes

de l’industrie. N’ayant pour seules ressources que leur force de travail,


ces derniers se trouvent confrontés à une insécurité économique du len-
demain, n’étant exposés à la pauvreté qu’en cas de maladie ou d’accident
affectant leur capacité de gain ; d’où la nécessité à partir de la seconde
moitié du xixe siècle, d’un renouvellement de l’approche des problèmes
sociaux qui soit tourné vers la prise en compte de la notion de risque.
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Après avoir été tout d’abord indifférents au sort des ouvriers de l’industrie,
les pouvoirs publics vont prendre conscience dans la seconde moitié du
xixe siècle de la nécessité de leur accorder une protection collective contre
les risques de l’existence, pour une double raison :

– La société industrielle étant basée sur le salariat, il faut pouvoir garan-


tir les travailleurs contre les risques professionnels et physiologiques
auxquels ils sont exposés, sauf à laisser se multiplier parmi eux des situa-
tions de pauvreté qui seraient de nature à remettre en cause les fonde-
ments du capitalisme ;
– Les revendications des salariés étant de plus en plus fortes, il apparaît
nécessaire d’y apporter une réponse afin d’éviter que les « classes labo-
rieuses » ne deviennent des « classes dangereuses », sous l’influence de
la propagation des doctrines socialistes et communistes.
Toutefois, eu égard à la prégnance de la pensée libérale en France, l’action
de l’État en faveur de la protection sociale collective et solidaire y est rela-
tivement tardive. Les premières grandes lois préfigurant la sécurité sociale
ne sont adoptées qu’à la fin du xixe siècle puis au siècle suivant, dans les
années trente.

A - L’émergence de la protection sociale collective


au xixe siècle
❚ L’inadaptation des formes traditionnelles
de couverture des risques
Face à une grande insécurité économique, elle-même due à la gravité et
à la fréquence des risques (accident, maladie, chômage, etc.) auxquels ils
sont confrontés au xixe siècle, les ouvriers de l’industrie n’ont pas la capacité
pécuniaire de faire un effort de prévoyance individuelle comme l’épargne
ou l’assurance, sachant par ailleurs que l’assistance des communes, vouée
traditionnellement à répondre aux besoins des indigents, s’avère inadaptée
à la condition ouvrière.

L’épargne consiste à renoncer à une consommation actuelle en vue


8 d’une consommation future. L’individu peut ainsi constituer des réserves
financières qui seront à même d’être sollicitées pour faire face aux consé-
1. Origines et principes
quences dommageables des risques de la vie. En dépit de ses avantages
(source de financement pour l’investissement, effort de prévoyance
individuelle), l’épargne présente néanmoins des inconvénients réels.
Tout d’abord, les catégories de population défavorisées ne sont guère
en mesure d’épargner à hauteur des risques auxquels elles sont confron-
tées. En outre, le recours à l’épargne expose au risque d’une déprécia-
tion monétaire, et plus fondamentalement, c’est une démarche en
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principe individuelle en discordance avec l’idée de solidarité.

L’assurance repose sur le principe suivant : la charge financière d’un


préjudice affectant un membre d’un groupe est répartie sur l’ensemble
de ses membres, et afin de garantir cette indemnisation, chacun d’eux
acquitte une contribution dite prime d’assurance, dont le montant est
fonction du coût du risque, auquel s’adjoignent les frais d’administra-
tion et le profit de l’assureur. Le lien de corrélation entre la tarification
de la prime et l’importance du risque auquel est exposé le souscripteur,
est la caractéristique majeure de l’assurance. Or, si elle constitue un
instrument répandu pour couvrir des risques de toutes natures, le
recours à la technique de l’assurance comporte un inconvénient subs-
tantiel au regard de la prise en charge solidaire des risques de la vie
humaine : plus le risque est élevé, plus la prime augmente, de sorte
que ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont amenées à sup-
porter les efforts financiers les plus conséquents. En outre, les assu-
reurs peuvent pratiquer une « sélection des risques » afin d’écarter
certaines personnes susceptibles d’occasionner des charges d’indem-
nisation conséquentes, parce qu’étant en proie à des facteurs de
risques élevés.

Par ailleurs, l’assistance publique se révèle mal adaptée à la condition


matérielle des ouvriers et plus généralement, à celle des salariés rémunérés
en échange de leur force de travail. Procédant d’une laïcisation de la charité
religieuse dont elle est l’héritière, elle est traditionnellement destinée aux
indigents dénués de ressources. Aussi le recours à l’assistance est-il de nature
à heurter la dignité des ouvriers, d’autant plus que ceux-ci entendent bénéfi-
cier du fruit de la richesse économique à laquelle ils contribuent. De surcroît,
mise en œuvre par les bureaux de bienfaisance des communes créés en 1796,
elle reste parcellaire et aléatoire jusqu’à la fin du xixe siècle. Ce n’est qu’à par-
tir de cette période que sont adoptées les premières lois posant un droit à
l’assistance en vue de couvrir les besoins sociaux de catégories de population
démunies : loi sur l’assistance médicale gratuite (1893), loi sur l’assistance à
l’enfance (1904), loi sur l’assistance aux vieillards infirmes et incurables (1905),
loi sur l’assistance aux familles nombreuses (1913). Le législateur préfigure
alors le cadre juridique contemporain de l’aide et de l’action sociales. 9
1. Origines et principes

❚ Les initiatives mutualistes du mouvement ouvrier


À partir des années 1820, des sociétés de secours mutuels commencent
à voir le jour dans les pays européens à l’initiative du mouvement ouvrier. Il
s’agit de groupements de personnes à but non lucratif qui adaptent la tech-
nique de l’assurance afin de répartir de façon solidaire entre leurs membres
la charge financière des risques d’accident ou de maladie.
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En France, après s’être d’abord heurtées à l’hostilité des pouvoirs publics,
les sociétés de secours mutuels sont encouragées par ceux-ci dans la
seconde moitié du xixe siècle. Leur statut juridique et leur autonomie sont
consacrés dans la Charte de la mutualité de la loi du 1er avril 1898. Alors que
l’adhésion de ses membres reste facultative, la mutualité enregistre une
forte expansion (5 millions de sociétaires en 1914) parmi de nombreuses
couches de la population. Elle ne concerne plus seulement les ouvriers et
employés mais s’élargit à d’autres salariés et à la petite bourgeoisie, d’autant
plus que c’est la seule forme de prévoyance collective sans but lucratif et
que la France n’est pas encore munie d’une législation sur les assurances
sociales.
Même si elle revêt un caractère solidaire, la mutualité n’en laisse pas
moins à l’écart de nombreuses personnes à revenus modestes, compte tenu
de leur impossibilité d’acquitter les cotisations correspondantes. La réparti-
tion de la charge financière des risques à laquelle elle procède repose en effet
sur les seules cotisations des membres du groupement. Étant d’application
restreinte et surtout facultative, la mutualité ne peut garantir qu’une solida-
rité limitée face aux risques susceptibles d’affecter leur sécurité économique.
C’est pourquoi les États se trouvent contraints d’intervenir de manière
plus directe en vue d’instituer des systèmes de couverture des risques sociaux
à caractère obligatoire, notamment au profit des ouvriers de l’industrie et
plus généralement, des salariés les plus modestes. Le développement de la
protection sociale est alors étroitement corrélé à la mise en place des assu-
rances sociales.
❚ La naissance des assurances sociales en Allemagne
Les assurances sociales voient le jour en Allemagne dans les années 1880,
ayant été créées par le chancelier Bismarck à des fins politiques : elles
doivent permettre de contrecarrer une forte opposition socialiste et de
contenir des revendications de plus en plus fortes de la classe ouvrière.
Destiné aux seuls salariés ayant des rémunérations inférieures à un certain
seuil appelé plafond d’affiliation, le système mis en place repose sur une
série de lois adoptées dans les années 1880. Elles concernent l’assurance
maladie (1883), l’assurance accident du travail (1886) et les assurances vieil-
10 lesse et invalidité (1889).
1. Origines et principes
Les assurances sociales consistent en un aménagement en profondeur de
la technique classique de l’assurance. Elles s’en différencient d’un quadruple
point de vue :

– la vulnérabilité personnelle face au risque est écartée : au lieu d’être


calculées en fonction de la probabilité du risque et de la valeur de la chose
assurée, les cotisations sont fixées proportionnellement aux salaires des
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personnes affiliées et sont partagées entre l’employeur et le salarié. Une
subvention de l’État fournit un complément de ressources ;
– l’affiliation aux assurances sociales est une obligation à la fois pour
les salariés les plus modestes, ainsi soustraits à leur propre impré-
voyance, et pour leurs employeurs. À la faveur de leur caractère obliga-
toire, il est prévu d’assortir les assurances sociales de mécanismes
redistributifs et de justice sociale. Plus précisément, ceux-ci apportent
au profit des salariés à faibles rémunérations, certains correctifs au lien
de proportionnalité entre cotisation et prestation
– l’attribution de droits propres et de droits dérivés aux prestations :
en contrepartie des cotisations acquittées, l’assuré social ouvre droit au
bénéfice des prestations des assurances sociales non seulement pour
lui-même, mais aussi pour les membres de sa famille (conjoint, enfants)
dénommés les ayants droit (les ayants du droit) parce qu’ils se voient
reconnaître un droit dérivé du droit propre de l’assuré social ;
– la gestion des assurances sociales est dénuée de but lucratif : elle
est confiée aux représentants des employeurs et des salariés dans le
cadre de caisses de droit privé soumises au contrôle de l’État.

Les assurances sociales de Bismarck constituent donc une révolution


conceptuelle au point de devenir un modèle de référence dont de nombreux
pays vont s’inspirer. C’est notamment le cas de la France après la Première
Guerre mondiale.

B - Les premières grandes lois


de protection sociale en France
Presque inexistante jusqu’à la fin du xixe siècle, excepté en faveur de
quelques rares catégories professionnelles (ex. : création de l’Établisse-
ment national des invalides en 1674 en faveur des marins), l’intervention
de l’État dans la protection sociale marque à cette époque un tournant
significatif. Outre l’adoption d’une série de lois d’assistance préfigurant
l’aide sociale moderne (➦ voir supra), elle donne tout d’abord lieu à la
législation de 1898 sur les accidents du travail, puis entre les deux guerres,
à celles sur les assurances sociales et sur la compensation des charges de 11
1. Origines et principes

famille. Ce sont là des étapes majeures de la construction historique de la


sécurité sociale.

❚ La loi du 9 avril 1898 sur la réparation


des accidents du travail
Au cours du xixe siècle, l’expansion du machinisme s’accompagne d’une
forte progression des accidents du travail parmi les ouvriers de l’industrie.
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Ainsi presque toutes les législations sociales européennes visent-elles en
priorité à couvrir ce risque. C’est particulièrement le cas en Italie (1884), en
Allemagne (1884), en Grande-Bretagne (1897) mais aussi en France avec
l’adoption de la loi du 9 avril 1898.
Antérieurement, les victimes d’un accident du travail pouvaient seule-
ment obtenir réparation de leur préjudice corporel en faisant jouer la res-
ponsabilité civile de leur employeur. En réalité, elles ne bénéficiaient que
rarement d’une indemnisation, étant le plus souvent dans l’impossibilité de
prouver une faute de leur employeur ou de l’un de ses préposés. De surcroît,
le salarié était alors lui-même fréquemment à l’origine de son propre acci-
dent sous l’effet de la fatigue ou de la négligence.
À la différence d’autres législations européennes, la loi du 9 avril 1898
renonce à faire valoir la responsabilité pour faute dans ce domaine. Elle
bouleverse la conception traditionnelle du droit de la responsabilité, telle
que posée depuis le Code civil de 1804, en instituant une responsabilité de
l’employeur fondée sur le risque professionnel : c’est à lui d’assumer la
réparation de l’accident du travail dès lors que le salarié qui en est victime
a accompli une tâche sous sa subordination juridique. Peu importe que
l’employeur ou le salarié ait commis une faute à l’origine du dommage.
Cette loi se place toutefois sous le signe d’un compromis : la responsabilité
personnelle et pécuniaire de l’employeur est automatiquement mise en jeu
mais le salarié ne peut prétendre qu’à une indemnisation forfaitaire et
partielle, et non pas intégrale comme en droit de la responsabilité civile.
Elle accorde l’immunité civile à l’employeur, de sorte que la victime ne peut
en principe ester en justice pour obtenir une réparation complémentaire
de son préjudice.
À l’occasion de la mise en œuvre de cette législation, de nombreux
employeurs choisissent de souscrire une assurance auprès de compagnies
privées. La loi du 31 mars 1905 consacre cette pratique en faisant de la
compagnie d’assurances le débiteur direct de la victime, ce qui offre l’avan-
tage de garantir le paiement de sa créance. Elle prévoit l’institution au sein
de chaque compagnie d’assurances d’un fonds de garantie en vue de faire
face à des défaillances d’employeurs dans l’acquittement de leurs primes
12 (contributions dues aux compagnies). Cette loi substitue à la relation bila-
térale employeur-salarié une relation faisant intervenir un organisme tiers
1. Origines et principes
dont la place s’avère indispensable pour assurer la sécurité économique du
salarié victime.
Ce cadre législatif sur lequel repose l’assurance accident du travail
annonce déjà les garanties sociales modernes :

– elle introduit la notion de risque social en organisant la prise en charge


automatique d’un risque sans autre préoccupation que celle de garantir
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la sécurité économique de l’intéressé ;
– elle prévoit une assurance obligatoire et un fonds de garantie géré
par un organisme tiers en vue de garantir le paiement des sommes dues
à la victime.

Au début du xxe siècle, la législation sur les accidents du travail s’étend


progressivement à d’autres catégories que les ouvriers de l’industrie, pour
couvrir en vertu d’un décret-loi du 1er juillet 1938 toutes les personnes liées
par un contrat de travail.
En outre, la loi du 25 octobre 1919 prend en compte dans le cadre de l’assurance
accident du travail un nouveau type de risque : les maladies professionnelles.
❚ La loi du 30 avril 1930 sur les assurances sociales
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France accuse un retard
important vis-à-vis des autres grands pays d’Europe dans le domaine des
assurances sociales. La Grande-Bretagne, par exemple, a mis en place depuis
le National Insurance Act de 1911 une assurance maladie-invalidité. Cet
écart est surtout marqué vis-à-vis de l’Allemagne, qui est considérée comme
le « berceau » des assurances sociales depuis la fin du xixe siècle. Dans le
contexte de l’époque, le retour à la France de l’Alsace et de la Moselle incite
les pouvoirs publics à mettre en chantier un projet d’assurances sociales dès
1920. Après le retrait d’une première loi votée en 1928, qui a suscité un front
d’oppositions, l’adoption de la loi du 30 avril 1930 institue un système d’as-
surances sociales dont l’inspiration bismarckienne persiste, même si elle est
moins prononcée que dans le précédent texte.
Selon cette nouvelle loi, les assurances sociales concernent exclusivement
les salariés de l’industrie du commerce à condition que leur salaire soit infé-
rieur à un plafond d’affiliation, c’est-à-dire à un certain seuil de rémunéra-
tion, ce qui a notamment pour effet d’en écarter les cadres. De leur côté, les
salariés agricoles doivent être protégés par une organisation distincte aux
cotisations réduites ; c’est le début du long particularisme du régime de la
mutualité sociale agricole. Sont par ailleurs conservés les systèmes de garan-
ties sociales propres à certaines catégories professionnelles, dont l’existence
est antérieure : les marins (1674), les officiers de l’armée (1831), les mineurs
(1894), les cheminots (1909), etc. 13
1. Origines et principes

La loi du 30 avril 1930 concerne tous les risques couverts par les assu-
rances sociales (assurance maladie-maternité-invalidité-décès et assurance
vieillesse). Elle prévoit :

– le remboursement des frais de soins et biens médicaux par le biais


de prestations dites « prestations en nature », mais fait supporter à l’as-
suré social une participation financière de 20 % appelée ticket modéra-
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teur. Cette prise en charge s’inscrit dans le respect des principes de la
médecine libérale ;
– le versement de plusieurs types de revenus de remplacement par le
biais de prestations dites « prestations en espèces » : indemnité journa-
lière pour maladie et maternité (50 % du salaire), pension d’invalidité
(40 % du salaire si incapacité des deux tiers) et capital décès ;
– un financement par une double cotisation de l’employeur et du sala-
rié qui s’élève, pour chacun d’eux, à 4 % de la rémunération brute dans
la limite d’un plafond dit précisément plafond de cotisations. En outre,
l’État alloue une subvention.
L’organisation des assurances sociales repose sur les deux grandes catégories
d’organismes ci-dessous :
Les caisses primaires d’assurances sociales : ce sont des organismes de
droit privé munis de conseils d’administration où sont représentés les
salariés et les employeurs. Les assurés sociaux y sont affiliés à titre obli-
gatoire et y sont rattachés pour le service des prestations sauf s’ils ont
fait le choix d’une caisse dite d’affinité (➦ voir infra). Par la suite, l’arrêt
du Conseil d’État « Caisse primaire Aide et protection » du 13 mai 1938
leur confère la qualification juridique d’organisme de droit privé chargé
de l’exécution d’un service public.

Les caisses dites caisses d’affinité : ce sont des organismes mutualistes,


professionnels, syndicaux ou même religieux qui sont laissés au libre
choix des assurés sociaux. Elles sont soumises aux mêmes règles en
matière de prestations et de cotisations que les caisses primaires d’assu-
rances sociales.

La loi du 30 avril 1930 constitue un événement majeur car, pour la pre-


mière fois en France, la plus grande masse des salariés est couverte obliga-
toirement contre la maladie et la vieillesse.
❚ La loi du 11 mars 1932 sur la compensation
des charges de famille
Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la couverture financière des charges
14
de famille apparaît, dans de nombreux pays d’Europe, comme un volet
1. Origines et principes
presque inexistant de la protection sociale. Cette situation tient certes à l’ina-
daptation des techniques de l’assurance et de l’épargne face à ce risque
« heureux ». Mais en réalité l’explication est davantage politique que tech-
nique : le principe même des allocations familiales contrevient à la doctrine
du libéralisme économique. Pourtant, en France, c’est sous l’impulsion du
patronat que se développe la compensation des charges de famille dans
l’après Première Guerre mondiale.
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La première initiative privée dans ce domaine remonte à 1884, date à
laquelle une entreprise de l’Isère avait décidé de verser de premiers complé-
ments de salaire aux ouvriers en charge d’enfants. Cependant, cette pratique
à connotation paternaliste est restée circonscrite, dans un premier temps, à
un petit nombre d’employeurs influencés par l’encyclique papale Rerum
Novarum (1891). Il faut attendre les années 1920 pour voir se multiplier les
sursalaires familiaux en vue de fidéliser, au moyen de ces avantages indivi-
duels, une main-d’œuvre de plus en plus sollicitée. À l’épreuve des faits cette
pratique se heurte d’ailleurs moins à l’opposition de certaines organisations
syndicales, plutôt enclines à revendiquer des augmentations générales de
salaires, qu’à la menace de distorsions de concurrence entre les entreprises.
C’est pourquoi les employeurs se mettent à créer au cours de cette période
des caisses de compensation dans de nombreux bassins d’emploi en vue de
mutualiser les charges financières correspondantes. Organismes de droit
privé à gestion patronale, elles recouvrent les cotisations des entreprises
– celles-ci étant fixées à hauteur d’un pourcentage de leur masse sala-
riale – et servent, s’il y a lieu, des prestations à leurs salariés.
Au moment où la crise économique des années trente touche la France,
les pouvoirs publics sont face un choix décisif : soit ils admettent que toute
une partie des salariés se trouve exclue des aides financières aux familles,
soit ils en décident la généralisation. Ils se prononcent pour cette seconde
alternative, d’autant plus qu’il est constaté depuis 1921 une baisse constante
de la natalité. Ainsi la loi du 11 mars 1932 fait obligation à tous les
employeurs de l’industrie du commerce de s’affilier aux caisses de compen-
sation agréées par l’État.
Alors qu’elles relèvent depuis l’origine d’une politique des revenus, les
prestations en faveur des familles voient leur rôle évoluer dans le courant
des années 1930, pour tenter de contrecarrer le déclin de la démographie
française. Aussi le gouvernement s’engage-t-il dans une politique nataliste
en étendant le bénéfice des prestations familiales à de nouvelles catégories
d’actifs salariés (artisans, exploitants agricoles, etc.). Cette orientation est
consacrée dans le code de la famille créé par le décret-loi du 29 juillet 1939 :
il en généralise le champ d’application à l’ensemble de la population active,
qu’elle soit salariée ou non. Cependant la survenance de la Seconde Guerre 15
mondiale empêche son entrée en vigueur.
1. Origines et principes

2 L’institution et le développement
de la sécurité sociale

L’idée de solidarité face aux risques sociaux est appréhendée de manière


différenciée selon qu’elle renvoie à la conception bismarckienne des assu-
rances sociales ou à la conception moderne de la sécurité sociale. Apparue
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avec le rapport Beveridge (1942), cette nouvelle approche marque l’entrée
dans une nouvelle ère de la protection sociale dans la mesure où elle met en
avant l’universalité de la couverture des risques sociaux en vue de couvrir
non plus seulement les travailleurs et leurs familles mais l’ensemble des
citoyens contre tous les risques, qu’ils soient actifs ou inactifs. L’accent est
mis sur la reconnaissance d’un droit à la sécurité sociale pour tout individu
en vertu de son appartenance à la collectivité nationale et non plus en fonc-
tion de sa catégorie socioprofessionnelle.
S’il reprend les principes d’universalité et d’unité affirmés trois ans plus
tôt par Lord Beveridge, le Plan français de sécurité sociale ne fait pas pour
autant table rase de l’héritage des assurances sociales préexistantes, notam-
ment en maintenant un lien de proportionnalité entre les prestations et les
cotisations. Il entend de la sorte atteindre l’objectif de Beveridge avec les
moyens de Bismarck. Au-delà de l’effet d’étonnement qu’elle peut susciter,
cette démarche s’explique par la nécessité d’une mise en place rapide de la
sécurité sociale afin de profiter du contexte sociopolitique exceptionnelle-
ment favorable de la Libération. Elle est rendue possible par le fait que les
notions de citoyen et de travailleur ou membre de la famille d’un travailleur,
tendent à se confondre dans cette période de plein-emploi.
Cependant, au fil de son développement, le système français de sécurité
sociale va dévoiler les limites inhérentes au caractère hybride de sa construc-
tion. Ainsi, les principes d’universalité et d’unité, indissociables l’un de l’autre
afin de garantir la solidarité nationale, vont se heurter à la prégnance de la
logique des assurances sociales et plus fondamentalement, au poids des
corporatismes socioprofessionnels.
A - L’avènement du concept moderne
de sécurité sociale
❚ L’influence du Plan de Lord Beveridge (1942)
En 1941, le gouvernement Churchill confie à Lord Beveridge la mission
d’analyser le système britannique d’assurances sociales et de faire des
recommandations. Au mois de novembre 1942, le rapport remis préconise
un renouvellement en profondeur des conceptions jusqu’alors en vigueur en
16 matière de protection sociale.
1. Origines et principes
L’objectif du Plan Beveridge est l’élimination de la pauvreté dans la
société, et dans cette perspective, il suggère de garantir à tout individu les
moyens de son existence. Préalablement, cette conception était déjà per-
ceptible avec le Social Security Act adopté le 11 août 1935 aux États-Unis au
titre de la politique du New Deal ainsi que dans le système de protection
sociale institué en Nouvelle-Zélande depuis 1938. Avec son plan d’ensemble
marqué par l’influence de l’économiste Keynes, Lord Beveridge entend ins-
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crire la sécurité sociale dans le cadre plus général d’une politique écono-
mique, destinée à soutenir la consommation des ménages et le plein-emploi.
Concrètement, le plan Beveridge définit trois principes essentiels énoncés
ci-dessous – les fameux trois « U » (universalité, uniformité, unité) – qui
caractérisent la mise en place d’un système de sécurité sociale.

Le principe d’universalité représente la contribution essentielle


de Beveridge à la conception moderne de la sécurité sociale. Il s’agit de
dépasser la logique des assurances sociales selon laquelle seuls les tra-
vailleurs et leurs familles sont couverts, en vue de couvrir toute la popu-
lation active et inactive contre tous les risques sociaux.
Le principe d’uniformité signifie que les prestations en espèces, celles
destinées à fournir un revenu de remplacement, sont d’un même mon-
tant pour tous. Il ne s’agit plus, comme en matière d’assurances sociales,
d’établir un lien de proportionnalité entre les prestations et les cotisa-
tions acquittées, mais seulement de garantir à l’individu la prise en
charge de ses besoins élémentaires face aux risques de l’existence. Dans
le même esprit, Il est prévu la gratuité des soins et biens médicaux.
En corollaire, le financement correspondant repose principalement sur
l’impôt au lieu de l’être sur des cotisations assises sur les seules rémuné-
rations du travail.
Le principe d’unité signifie que la sécurité sociale constitue un seul
service public placé sous l’égide de l’État, en vertu duquel une cotisation
unique doit être versée à un système unifié d’assurance nationale, sauf
pour les allocations familiales financées par l’État, et les accidents du
travail.
Selon Lord Beveridge le système de sécurité sociale doit être assorti
d’une politique de plein-emploi et d’une politique de santé. Pour réaliser
cette dernière, il prévoit l’instauration d’un Service national de santé
financé par l’impôt et dont le rôle concerne aussi bien la dispense de soins
que la prévention. Le système de sécurité sociale proprement dit se limite
au versement de prestations en espèces.
Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Plan 17
Beveridge exerce à partir de cette époque une influence considérable dans
1. Origines et principes

le monde entier, alors même qu’un fort mouvement d’opinion se développe


en faveur de la sécurité sociale.
❚ La consécration du droit à la sécurité sociale
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements des
principaux États du monde, conscients que l’effort de guerre suscite chez
les peuples l’espoir d’une société plus juste, rangent la sécurité sociale parmi
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leurs priorités. Au cours de l’année 1941, les Alliés affirment dans la Charte
de l’Atlantique la nécessité d’une extension de la sécurité sociale à tous.
Puis la Déclaration de Philadelphie adoptée en 1944 par l’Organisation
internationale du travail (OIT) préconise « l’extension des mesures de sécu-
rité sociale en vue d’assurer un revenu de base à ceux qui ont besoin d’une
telle protection, ainsi que des soins médicaux complets ».
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le droit à la sécurité sociale
est consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adop-
tée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Elle
proclame à l’article 22 le droit à la sécurité sociale : « toute personne, en
tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ». L’article 25
ajoute : « le droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité,
de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de
subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté » et pré-
cise que « la maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance
spéciales ».
Sous l’impulsion de cette dynamique, un grand nombre d’États vont alors
reconnaître à leurs ressortissants un droit à la sécurité sociale assorti d’une
couverture des risques plus ou moins étendue.
S’agissant de la France, le Préambule de la constitution du 27 octobre
1946 proclame un certain nombre de « droits à » parmi les droits éco-
nomiques et sociaux. Ils visent à garantir à tous, notamment à l’enfant, à la
mère et aux vieux travailleurs, le droit à la protection de la santé et le droit à
la sécurité matérielle. Certes, l’expression de sécurité sociale n’est pas
expressément mentionnée à l’alinéa 11 de ce Préambule, mais la nature des
risques auxquels il est fait référence ne laisse aucun doute sur le fait qu’il pose
un droit à la sécurité sociale en vue de promouvoir une société plus juste et
plus solidaire.
Sauf à ramener le droit à la sécurité sociale à l’état de droit incantatoire,
encore faut-il créer un système juridique qui soit à même de lui conférer une
existence effective. C’est l’objet des ordonnances et des lois sur lesquelles
s’appuie le Plan français de 1945 afin de substituer un système de sécurité
sociale cohérent et global aux organisations et législations éparses anté-
18 rieures (celle sur les accidents du travail de 1898, celle sur les assurances
sociales de 1930 et celle sur la compensation des charges de famille de 1932).
1. Origines et principes
B - L’élaboration et la mise en place
du Plan français de sécurité sociale
Contrairement à ce qu’elle pourrait laisser croire, l’expression « Plan fran-
çais de sécurité sociale » ne renvoie pas à un document unique mais fait
référence à un ensemble de textes de nature et de portée différentes.
Elle fait référence aux deux textes-cadres suivants :
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– l’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945 : c’est essen-
tiellement un texte à connotation politique qui met en exergue les
principes fondateurs de la sécurité sociale ;
– l’ordonnance du 4 octobre 1945 : elle fixe les règles de l’organisation
de la sécurité sociale et peut être en retrait du texte précédent, compte
tenu de difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des principes fon-
dateurs, ce qui explique d’ailleurs que l’ordonnance a été publiée sans
l’exposé des motifs.
Mais il s’y ajoute également d’autres textes importants, en particulier :
– l’ordonnance du 19 octobre 1945 sur les assurances sociales qui déter-
mine les règles applicables en matière de prestations et de cotisations ;
– la loi du 22 mai 1946 portant généralisation de la sécurité sociale.

❚ L’ambition de promouvoir un ordre social nouveau


Comme les autres peuples au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les
Français aspirent à une société plus juste et plus solidaire. Le programme
économique et social du Conseil national de la résistance incarne cette
volonté générale et comprend un « plan complet de sécurité sociale visant
à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils
sont incapables de se les procurer par leur travail ». Il traduit ainsi clairement
la volonté de faire jouer à la sécurité sociale un rôle important dans la
construction d’un nouveau projet de société.
Une telle démarche apparaît d’autant plus nécessaire qu’à la Libération,
le contexte sanitaire et social de la France invite à la refonte du système de
garanties sociales. En effet, les mauvaises conditions de vie sous
l’Occupation ont aggravé la mortalité, notamment du fait de la tuber-
culose ; d’où l’opportunité de favoriser l’accès aux soins médicaux. En outre,
la condition matérielle des personnes âgées ou des grands malades appelle
une amélioration de leurs prestations sociales, ainsi que celles des familles
d’autant plus que la situation démographique se dégrade. Cependant, la
conjoncture économique difficile de l’après Seconde Guerre mondiale
contraint les pouvoirs publics à la prudence quant à l’ampleur et au rythme 19
des réformes à conduire.
1. Origines et principes

Chargé dès 1944 par le gouvernement provisoire de la République fran-


çaise présidé par le général de Gaulle, d’élaborer un plan de sécurité sociale,
Pierre Laroque (1907-1997) remet en juin suivant un projet reprenant en
partie les orientations du Conseil national de la résistance. Selon l’ambition
de l’époque, le Plan de sécurité sociale est une pièce essentielle d’un projet
global de refondation du modèle social. Dans cette perspective, il a pour
fondement la solidarité nationale et est structuré autour des principes d’uni-
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versalité, d’unité et de démocratie sociale :

– Le principe d’universalité renvoie à un principe beveridgien et se


décline sous deux volets :
• l’universalité de la population protégée : il s’agit de rompre avec la
logique socioprofessionnelle des assurances sociales, telle que posée
à l’époque de Bismarck, pour assurer la protection de l’ensemble de
la population. Il est dès lors possible de répartir la charge financière
des risques sociaux sur l’ensemble de la collectivité nationale, et ainsi
de permettre une redistribution des ressources entre les diverses
catégories sociales.
• l’universalité des risques sociaux couverts : il s’agit de prendre en
charge l’ensemble des risques de la vie humaine qui sont susceptibles
de remettre en cause la sécurité économique des individus.
Cependant, le risque chômage est écarté par le Plan français, compte
tenu de sa quasi-inexistence dans l’après Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, l’universalité de la couverture des risques de santé ne conduit
pas à la création en France d’un Service national de santé comme le pré-
voit le Plan Beveridge. La prise en charge des soins et biens médicaux
continue de relever d’une assurance remboursement laissant une parti-
cipation financière à la charge de l’assuré social.
– Le principe d’unité renvoie aussi à un principe beveridgien et est à
entendre au sens large :
• l’unité sous la forme d’un régime unique : il s’agit de mettre en place
une organisation générale de la sécurité sociale regroupant les divers
organismes et les législations préexistants. Il s’ensuit une équiva-
lence de droits aux prestations et d’efforts contributifs entre tous les
ressortissants de la sécurité sociale ;
• l’unité sous la forme d’une caisse unique : il s’agit de s’appuyer sur
une seule caisse de sécurité sociale dans une même circonscription
géographique pour l’ensemble des risques.
– Le principe de démocratie sociale tranche avec le modèle beveridgien
puisqu’il consiste à reconnaître aux intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire
aux bénéficiaires, un rôle dans l’administration des caisses de sécurité
20
sociale. Portant l’empreinte d’une longue tradition mutualiste, un tel
1. Origines et principes
principe confère au service public de la sécurité sociale un caractère
original. Selon les concepteurs du Plan français de 1945, il s’agit ainsi
de donner à l’ensemble des assurés sociaux le sentiment de leurs res-
ponsabilités à l’égard d’une institution qui est appelée à constituer
« une propriété commune », financée par leurs cotisations.
Par ailleurs, s’il est inscrit dans le rapport Beveridge, le principe d’unifor-
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mité est largement écarté par les concepteurs du Plan français de sécurité
sociale. Selon la logique des assurances sociales, les prestations en espèces
(indemnités journalières, pensions) demeurent corrélées aux revenus du
travail. Il est néanmoins prévu d’en limiter le montant au moyen d’un plafond
de la sécurité sociale (les cotisations ne s’appliquent que sur la partie de la
rémunération inférieure à un certain seuil, ce qui limite à même hauteur la
base de calcul des prestations) et de tempérer la proportionnalité entre les
cotisations et les prestations en introduisant des mécanismes correctifs au
profit des travailleurs aux rémunérations les plus modestes.
❚ L’ordonnance du 4 octobre 1945 : la pierre angulaire
du Plan français
Acte de naissance de la Sécurité sociale en France, l’ordonnance du
4 octobre 1945 reprend certes les orientations générales du Plan français,
telles qu’elles figurent dans son exposé des motifs, mais elle peut être en
retrait de ceux-ci, compte tenu de difficultés rencontrées dans leur mise en
place, ce qui explique d’ailleurs que l’ordonnance a été publiée sans l’exposé
de ses motifs.
Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 4 octobre 1945, « il est ins-
titué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travail-
leurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de
réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de mater-
nité et de famille qu’ils supportent […] ».
S’il vise à l’universalité de la couverture, eu égard au contexte écono-
mique de l’après Seconde Guerre mondiale, le texte de l’ordonnance n’envi-
sage plus qu’un élargissement progressif de la sécurité sociale à de nouvelles
catégories de bénéficiaires, avec néanmoins la visée de protéger à terme la
population inactive.
En matière de risques couverts, seuls sont pris en compte ceux couverts
antérieurement. Pour autant, l’ordonnance du 4 octobre 1945 ouvre la pos-
sibilité de prendre en compte de nouveaux risques sociaux. C’est d’ailleurs ce
qui vient de se passer en vertu de la loi du 7 août 2020 avec l’extension de la
sécurité sociale au soutien de la perte d’autonomie.
Concernant l’unité d’organisation, l’ordonnance du 4 octobre 1945
21
est également en retrait de l’ambition initiale. Elle déroge d’emblée à cet
1. Origines et principes

autre principe en autorisant le maintien du régime de la mutualité sociale


agricole ainsi que la survie provisoire de la plupart des régimes spéciaux
de salariés. Sous la pression de leurs ressortissants, notamment des che-
minots et des mineurs, ces derniers sont sauvegardés, ce qui leur permet
de conserver des avantages supérieurs à ceux du régime général, avant
que le décret du 8 juin 1946 ne reconnaisse un caractère définitif à ces
régimes.
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Par ailleurs, si elle crée un ensemble de caisses en charge des différentes
catégories de risques, au sein d’un régime général qui… ne l’est déjà plus
vraiment, la nouvelle organisation de la sécurité sociale laisse néanmoins
subsister à titre provisoire les caisses d’allocations familiales, ex-caisses de
compensation des charges de famille. Elles-mêmes verront leur maintien
consacré par le législateur en 1949.
Quant au principe de démocratie sociale, il est aménagé dès 1946 en
vue de permettre aux organisations syndicales de disposer d’un monopole
de représentation des assurés sociaux dans les conseils d’administration
des caisses de sécurité sociale, tout en maintenant la règle de l’élection
des administrateurs. En réalité, dès l’origine, ces conseils élus sont seule-
ment appelés à assumer un rôle de gestion interne des organismes, tout
en étant soumis au cadre législatif et réglementaire fixé par l’État, et à son
contrôle tutélaire.
En vertu du principe de démocratie sociale, les caisses de sécurité
sociale ne sauraient être constituées sous la forme d’administrations de
l’État ; d’où le choix de les constituer sous la forme d’organismes de droit
privé chargés de l’exécution d’un service public. Calqué sur celui des
caisses d’assurances sociales des années 1930, ce statut juridique permet
d’accorder une certaine autonomie de gestion aux organismes, et de lais-
ser une certaine latitude aux organisations syndicales. Leur place est alors
prépondérante dans les conseils d’administration des caisses primaires
de sécurité sociale (3/4 des sièges contre 1/4 pour les organisations d’em-
ployeurs).
Le choix des « Pères fondateurs » du Plan français de sécurité sociale de
1945 consiste donc à s’appuyer sur l’organisation et la législation pré-
existantes ce qui contrecarre l’ambition initiale d’un système universel et
unitaire propice à garantir la solidarité nationale face aux risques sociaux. La
sécurité sociale s’inscrit certes à l’origine dans le prolongement des assu-
rances sociales mais elle est surtout appelée à s’en émanciper pour en consti-
tuer le dépassement en vertu du principe d’universalité.

22
1. Origines et principes
C - L’universalité du système de sécurité sociale
et ses limites
❚ La complémentarité entre les principes d’universalité
et d’unité
S’ils renvoient à deux notions distinctes, les principes d’universalité et
d’unité sont néanmoins imbriqués l’un à l’autre, à telle enseigne qu’ils
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peuvent être confondus, en vue de promouvoir la solidarité nationale.
Autrement dit, la notion d’universalité est susceptible d’être entendue
dans une double acception :
– au sens étroit, elle signifie que le champ d’application de la sécurité
sociale est étendu à toute la population et à tous les risques sociaux. C’est
cette conception qui a surtout prévalu dans l’application contemporaine du
Plan français de sécurité sociale de 1945 ;
– au sens large, elle reprend le sens précédent tout en assortissant la sécu-
rité sociale d’une unité d’organisation et de législation allant à l’encontre de
la diversité des régimes. Cette autre conception tend à s’affirmer au cours
de la période récente, au nom de l’équité sociale, comme l’illustre le projet
de régime universel des retraites.
❚ La généralisation de la sécurité sociale
à la population active
Objectif ambitieux, l’universalité de la sécurité sociale amène tout d’abord
à en étendre la couverture à la population active. Processus impulsé à partir
de la logique des assurances sociales, sa généralisation aux travailleurs et à
leurs familles s’est effectuée à un rythme différent pour les salariés et les
non-salariés.
L’universalité des prestations familiales se dessine rapidement au sein du
régime général de la sécurité sociale à la faveur de la loi du 22 août 1946,
celle-ci entraînant leur quasi-généralisation non seulement aux salariés mais
aussi aux travailleurs indépendants.
En revanche, la généralisation de la sécurité sociale a donné lieu à la
création de nouveaux régimes pour les non-salariés en matière d’assu-
rance maladie et d’assurance vieillesse. Dans le prolongement de la loi du
22 mai 1946 sur les assurances sociales, celle du 13 septembre suivant
vise à étendre l’assurance vieillesse à toute la population active, avec les
professions non salariées comme principales cibles. Or, cette mesure se
heurte à une forte opposition de leur part, en vertu de considérations
sociologiques et surtout économiques : elles étaient tenues d’acquitter
une double cotisation (à la fois celle du salarié et celle de l’employeur) 23
jugée trop lourde. Un compromis est conclu quant à la couverture du
1. Origines et principes

risque vieillesse mais il consacre l’abandon du principe d’unité pour débou-


cher en 1948 sur la création de régimes autonomes propres à chacune
des catégories de travailleurs indépendants concernées (artisans, com-
merçants, professions libérales), et munis de moindres prestations et coti-
sations. Mais c’est seulement en 1966 qu’est institué un régime d’assurance
maladie commun cette fois à l’ensemble des professions indépendantes.
De leur côté, les exploitants agricoles bénéficient d’un régime d’assurance
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vieillesse à partir de 1952 puis d’un régime d’assurance maladie dès 1961,
avant de se voir dotés en 2001 d’une couverture contre les risques d’acci-
dent du travail et de maladie professionnelle. Voués à permettre l’univer-
salité de la sécurité sociale, ces nouveaux régimes se sont juxtaposés au
régime général et aux régimes spéciaux préexistants.

Un régime de sécurité sociale est une organisation munie d’une auto-


nomie financière et le plus souvent, d’institutions de gestion qui lui sont
propres dont l’objet est de garantir solidairement une ou plusieurs caté-
gories de population contre tout ou partie des risques sociaux, en sou-
mettant les personnes assujetties à un ensemble de règles relatives aux
prestations et aux cotisations.
Au terme de cette définition, également valable pour les régimes de pro-
tection sociale autres que de sécurité sociale, tels le régime d’assurance
chômage ou les régimes de retraites complémentaires, la notion de
régime est susceptible le cas échéant, d’être comprise selon deux accep-
tions distinctes :
– au sens d’une organisation financière et administrative ;
– au sens d’un système de prestations et de cotisations (ou cotisations).
Il importe de garder à l’esprit cette distinction entre le sens organique et
le sens fonctionnel de la notion de régime, comme l’y invite la sécurité
sociale des indépendants. Ainsi l’intégration du régime social des indé-
pendants dans l’organisation structurelle du régime général a laissé sub-
sister la spécificité des règles du régime antérieur en matière de
prestations et de financement.
La généralisation de la sécurité sociale aux travailleurs salariés ou non-
salariés, ainsi qu’aux membres de leurs familles, s’effectue dans une moindre
proportion à partir d’un autre axe : le rattachement de certains actifs à des
régimes préexistants. Ainsi, une série de mesures législatives prévoit l’affi-
liation au régime général de diverses catégories de professions pour leur
accorder le bénéfice des prestations en nature de l’assurance maladie et
maternité : les écrivains non-salariés (1949), les journalistes pigistes (1963),
les présidents directeurs généraux de société anonyme (1966), etc. De façon
plus générale, la loi du 24 décembre 1974 réaffirme le principe de la généra-
24
lisation de la sécurité sociale à l’ensemble des actifs mais il faut attendre la loi
1. Origines et principes
du 4 juillet 1975 pour qu’il trouve une nouvelle traduction. Cette loi permet
d’assujettir quelques rares catégories de personnes actives encore non cou-
vertes à l’un des régimes. Parallèlement, en vue d’élargir le droit aux presta-
tions au profit des veufs, des personnes divorcées ou séparées et de leurs
éventuels enfants à charge, elle apporte des assouplissements aux conditions
du maintien de la qualité d’ayant droit d’un assuré social. Suivie d’autres lois
dans le même sens à partir de la fin des années 1970, elle étend aussi cette
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couverture aux primo demandeurs d’emploi, de plus en plus nombreux, à
partir du milieu des années 1970, sous l’effet de la crise économique et de
l’accroissement du chômage.

L’ayant droit est la personne qui bénéficie du versement de prestations,


non pas au titre d’un droit propre, mais au titre d’un droit dérivé du droit
propre à prestation d’un assuré social, ceci en vertu d’un lien familial (ex. :
enfants mineurs), ou parfois, de dépendance économique.

Au cours de ses trente premières années d’existence, la sécurité sociale


s’est donc étendue à la quasi-totalité de la population active ainsi qu’à toute
une partie des inactifs par le biais de la notion d’ayant droit. On constate
néanmoins jusqu’à cette époque que la généralisation de la sécurité sociale
à la population inactive reste inachevée.
❚ Le problème de l’élargissement de la sécurité sociale
aux inactifs
Il s’avère délicat, surtout à partir des évolutions socio-économiques des
années 1970 (montée du chômage, accroissement du nombre de parents
isolés sans emploi, etc.) de réaliser l’universalité de la sécurité sociale au pro-
fit de la population inactive à partir du socle préexistant des assurances
sociales, d’atteindre l’objectif de Beveridge. En effet, la généralisation de la
sécurité sociale à l’ensemble des inactifs entre en contradiction intrinsèque
avec la logique des assurances sociales laquelle subordonne le droit aux pres-
tations sociales à une condition préalable de cotisations ou d’activité profes-
sionnelle. C’est à l’aune de cette contradiction qu’il convient pourtant
d’envisager le problème de la généralisation de la sécurité sociale à la popu-
lation inactive.
La volonté d’achever ce processus en faveur des inactifs a amené à greffer
au socle originel des assurances sociales des mécanismes d’assistance de
nature beveridgienne, c’est-à-dire à introduire, aux côtés des prestations
contributives, attribuées sous condition préalable de cotisation et/ou d’acti-
vité professionnelle, un autre type de prestations de sécurité sociale, les
prestations non contributives. Afin de garantir la solidarité nationale,
celles-ci ne sont pas dues en contrepartie de cotisations sur les revenus du
travail, mais sont financées par l’impôt afin de mettre à contribution d’autres 25
1. Origines et principes

catégories de revenus (ex. : revenus du patrimoine), ce qui s’avère en cohé-


rence avec le type de solidarité mis en œuvre.
Une étape significative dans ce sens est franchie dès 1956 avec la création
du « minimum vieillesse » (aujourd’hui dénommé allocation de solidarité
aux personnes âgées) destiné à lutter contre la pauvreté des personnes âgées.
Il consiste en une garantie de ressources minimales pour toute personne âgée
de 65 ans et plus, financée par une contribution fiscale, ce qui entraîne de fait
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la généralisation de l’assurance vieillesse de la sécurité sociale.
S’agissant des prestations familiales, leur généralisation à la population
inactive est largement inscrite dans les faits dès la loi du 22 août 1946 à la
faveur d’assouplissements substantiels apportés à la condition d’activité
professionnelle, il faut néanmoins attendre la loi du 4 juillet 1975 pour que
la suppression de celle-ci soit consacrée à compter du 1er janvier 1978.
Singularisée par un processus tardivement achevé, la généralisation de
l’assurance maladie-maternité aux inactifs est à rapporter aux seules pres-
tations en nature, c’est-à-dire celles correspondant à la prise en charge des
frais de soins et biens de santé. Il s’agit plus fondamentalement de concré-
tiser le droit à l’accès aux soins pour tous. Venant après une longue succession
d’étapes intermédiaires, marquée notamment par la création, à effet du
1er janvier 2000, de la couverture maladie universelle (CMU) de base, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2016 institue la protection univer-
selle maladie (PUMA). À la différence de la CMU de base, qui, en réalité,
constituait une couverture maladie généralisée parce que laissant subsister
la distinction entre assuré et ayant droit (attribution de la CMU à un seul
membre du foyer), la PUMA bénéficie indifféremment à toute personne de
18 ans et plus exerçant une activité professionnelle ou, à défaut, résidant en
France de manière stable et régulière. Elle aboutit à reconnaître à toute per-
sonne majeure un droit personnel à la prise en charge de ses frais de santé
par l’assurance maladie, ce qui entraîne la disparition de la qualité d’ayant
droit hormis pour les enfants à charge de moins de 18 ans.
À la faveur de l’achèvement du processus de généralisation, l’universalité
du système français de la sécurité sociale est quasiment réalisée hormis pour
les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.
❚ L’universalité de la sécurité sociale à l’épreuve
de la diversité des régimes
Jugées contradictoires avec l’idée de solidarité nationale, les disparités
de couvertures sociales et de cotisations entre régimes de sécurité sociale
tendent à s’atténuer de façon très progressive, même s’il est constaté une
inflexion plus sensible dans ce sens depuis le début des années 2000. Sous
26 l’effet de la prégnance des solidarités socioprofessionnelles, la tendance à
leur rapprochement, voire à leur unification, révèle encore des limites.
1. Origines et principes
Après l’alignement des salariés agricoles en 1963, au début des années
1970 diverses lois concourent à harmoniser la couverture de la sécurité
sociale des artisans et des commerçants sur celle en vigueur dans le régime
général. En particulier, la loi du 3 juillet 1972 prévoit un alignement de leur
assurance vieillesse de base sur les règles du droit commun. Plus générale-
ment, la loi du 24 décembre 1974 pose un objectif d’harmonisation des
régimes de sécurité sociale mais sa mise en œuvre reste encore inachevée
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de nos jours.
C’est en matière d’assurance vieillesse, c’est-à-dire de retraite que les
disparités entre régimes sont demeurées les plus notables malgré les
réformes intervenues depuis le début des années 2000. Les comparaisons
entre régimes révèlent le caractère moins favorable de ceux des profes-
sions libérales et des exploitants agricoles alors qu’elles mettent clairement
en évidence les avantages consentis par les régimes spéciaux , que ce soit
en matière d’âge de la retraite, de durée de cotisation ou encore de mode
de calcul des pensions directes (taux de remplacement, salaire de réfé-
rence) ou des pensions de réversion, c’est-à-dire celles versées aux
conjoints survivants.
S’agissant de l’assurance maladie, les différents régimes de sécurité
sociale sont munis d’une prise en charge largement uniforme des soins et
biens médicaux. En particulier, le régime des professions indépendantes est
aligné sur le régime général depuis 1977, seuls de rares régimes spéciaux
demeurent aujourd’hui plus favorables (ex. : celui des cheminots). En
revanche, tel n’est pas le cas pour les indemnités journalières d’assurance
maladie et maternité, ainsi que pour les prestations en espèces de l’assurance
invalidité-décès et de l’assurance accident du travail, lesquelles sont nette-
ment plus avantageuses pour les ressortissants des régimes spéciaux . De
leur côté, les artisans et les commerçants disposent depuis 2001 d’un régime
moins favorable en matière d’indemnisation des arrêts de travail maladie,
de même que les professions libérales qui ne peuvent y prétendre que depuis
le 1er janvier 2021. Par ailleurs, au contraire des exploitants agricoles qui
bénéficient d’une assurance accident du travail depuis 2001, les professions
indépendantes (artisans, commerçants, professions libérales), restent
encore dépourvues d’une assurance obligatoire contre les risques d’accidents
du travail et de maladies professionnelles.
Vouée à promouvoir l’unité d’organisation de la sécurité sociale, la réforme
intégrant à partir du 1er janvier 2018 le régime social des indépendants (RSI)
– issu lui-même du regroupement en 2005 du régime d’assurance vieillesse
des commerçants, du régime d’assurance vieillesse des artisans (créés en
1948) et du régime d’assurance maladie des professions indépendantes (créé
en 1966) – dans les structures de gestion du régime général, ne pourrait que
favoriser à terme une harmonisation plus avancée de sa couverture sociale 27
1. Origines et principes

avec celle du régime général. Il n’en demeure pas moins que les ressortissants
de l’ex-RSI conservent encore, tout en étant désormais affiliés aux caisses du
régime général, leurs propres règles en matière de prestations et de cotisa-
tions de sécurité sociale.
Enfin, à un moment prévu à l’horizon 2025, la perspective du passage à
un régime universel des retraites, est désormais mise en suspens même si
cette réforme reste envisagée à moyen terne.
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Élément significatif de cette tendance à l’unité de la sécurité sociale, la loi
organique et la loi ordinaire du 7 août 2020 ont créé la nouvelle branche
autonomie dans le cadre du régime général de la sécurité sociale, alors même
qu’elle concerne l’ensemble de la population sans distinction d’appartenance
socioprofessionnelle.
Par ailleurs, les mécanismes de l’intégration financière et de la compen-
sation financière participent à l’unification de l’organisation financière de la
sécurité sociale (➦ voir chapitre 3, p. 70).
❚ La solution palliative de la coordination inter-régimes
En dehors de l’absorption de régimes socio-professionnels dans le régime
général, voire dans un autre régime, ce qui reste d’ailleurs des opérations ponc-
tuelles, la rationalisation de l’organisation de la sécurité sociale s’est traduite
par la recherche d’une meilleure coordination entre les régimes de base.
Outre des réformes parfois substantielles de la couverture sociale dans ce
sens (ex. : amélioration du mode de calcul des pensions d’assurance vieillesse
pour les polyactifs [2014] ; création de la PUMA [2016]), la rationalisation de
l’organisation administrative de la sécurité sociale a aussi abouti à la mise en
place de plates-formes de services inter-régimes comme le groupement
d’intérêt public « Info Retraite » en 2004 aujourd’hui dénommé « Union
Retraite », de services ou actions mutualisés inter-régimes concernant des
fonctions support (ex. : systèmes d’information) ou des actions spécifiques
(ex. : campagne de prévention). De plus, depuis 2017, est mise en place « la
liquidation unique des régimes alignés d’assurance vieillesse (LURA) », ce
qui permet de simplifier les démarches du futur retraité ayant été affilié au
cours de sa carrière professionnelle à deux ou plusieurs des régimes concer-
nés (régime général [travailleurs salariés et travailleurs indépendants] et de
la mutualité sociale agricole) : l’organisme saisi par l’intéressé (CARSAT,
MSA) doit procéder à l’instruction et au traitement de l’ensemble du dossier
tous régimes confondus et lui attribuer une pension unique.
Enfin, s’agissant des organismes de sécurité sociale, l’institution de
l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) par la loi du
13 août 2004 s’inscrit dans la même perspective, en vue de donner un inter-
28 locuteur unique aux professions libérales de santé.
1. Origines et principes
Conclusion

Alors que les grandes législations adoptées avant la Seconde Guerre mon-
diale font le lien entre travail et protection sociale, à partir de 1945 la sécurité
sociale vise un objectif plus ambitieux. Il ne s’agit plus seulement de mettre
en œuvre des solidarités socio-professionnelles, mais d’instituer une orga-
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nisation fondée sur la solidarité nationale, et ayant vocation à couvrir l’en-
semble de la population contre les risques sociaux. Composante majeure du
développement contemporain de la protection sociale, la sécurité sociale ne
saurait d’ailleurs être figée dans le temps. Ainsi au fil des décennies, de nou-
veaux risques sociaux sont répertoriés comme tels, ainsi que l’illustre à comp-
ter de 2020 la prise en compte de la perte d’autonomie. Plus encore, les
modes d’intervention de la sécurité sociale sont appelés à se diversifier en
vue de mieux accompagner les personnes dans leurs parcours de vie et de
santé. Au-delà, une vision universaliste de la sécurité sociale pourrait amener
à retenir, comme critère d’appréciation, l’existence d’une prise en charge,
sinon complète, tout au moins suffisante des risques sociaux. Or, force est
de constater que le système français de sécurité sociale comporte des
lacunes et des insuffisances, ce qui aboutit à le faire coexister avec d’autres
formes de protection sociale : aide et action sociales, assurance chômage et
protection sociale complémentaire.

29
1. Origines et principes

Annexe 1
Les compléments à la sécurité sociale

C’est autour de la sécurité sociale que s’articulent selon une approche systémique
les autres pièces du « puzzle » (aide sociale, protection sociale complémen-
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taire…) constitué par le système de protection sociale (➦ voir tableau synop-
tique ci-après) ; de sorte que leur place est largement déterminée par les lacunes
et les insuffisances de la sécurité sociale.
L’aide et l’action sociales
Héritière des anciennes lois d’assistance adoptées à partir de la fin du xixe siècle,
l’aide sociale, ainsi dénommée depuis 1953, met en œuvre un ensemble de pres-
tations non contributives en vertu d’une obligation législative à la charge des
collectivités publiques. Elle concerne surtout les départements puisque ceux-ci
disposent en la matière d’une compétence de droit commun depuis la loi de
décentralisation du 22 juillet 1983.
L’objet de l’aide sociale est de répondre à certains besoins élémentaires de la vie
humaine, lorsque les individus sont dans l’impossibilité économique d’y pourvoir
par eux-mêmes. Ainsi l’aide sociale a un caractère spécialisé et comporte diffé-
rentes composantes : l’aide médicale, l’aide sociale aux handicapés, l’aide sociale
aux personnes âgées, l’aide sociale à l’hébergement et à l’insertion sociale
regroupées sous l’appellation globale d’aide sociale générale, et auxquelles
s’ajoute l’aide sociale à l’enfance.
L’accès aux prestations d’aide sociale est fondé sur l’appréciation de la situation
personnelle du demandeur et sauf pour l’aide sociale à l’enfance, l’aide sociale
revêt traditionnellement un caractère subsidiaire. Elle n’intervient que lorsque
les ressources du demandeur et les autres formes de solidarités se révèlent
défaillantes pour couvrir le besoin auquel il est confronté. Aussi, la généralisation
de la sécurité sociale depuis 1945 a considérablement réduit le champ de l’aide
sociale dans leurs domaines d’intervention communs (ex. : prise en charge des
frais de santé).
Pourtant, malgré son déclin, l’aide sociale reste encore une composante indis-
pensable du système de protection sociale. À la faveur des défis sociaux des
dernières décennies, elle connaît même un renouveau dans les domaines d’inter-
vention qui lui sont propres. Mise en œuvre par les collectivités territoriales,
notamment les départements depuis les premières lois de décentralisation des
années 1980, l’aide sociale est devenue le socle des politiques sociales locales.
Ainsi elle s’affirme comme un support privilégié de la protection de l’enfance en
difficulté, de la compensation du handicap ou de la dépendance des personnes
âgées, ou encore, de la lutte contre la pauvreté et les exclusions.
S’agissant du soutien des personnes en perte d’autonomie (handicapées ou
dépendantes), le paysage de la protection sociale vient de connaître une évolu-
tion substantielle avec la création par les lois organiques et ordinaires du 7 août
30 2020, de la 5e branche « Autonomie » de la sécurité sociale. Pour autant, la nou-
1. Origines et principes
velle organisation de la prise en charge de la dépendance et du handicap, qui se
profile, sans être complètement stabilisée à ce jour, révèle d’ores et déjà un mon-
tage institutionnel orignal estompant les lignes de partages traditionnelles entre
la sécurité sociale et l’aide sociale. Vouée à relever des dispositions du code de la
sécurité sociale, et non plus celles du code de l’action sociale et des familles (code
de l’aide sociale), la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie se singularise
néanmoins des autres caisses nationales. Étant dépourvue d’un réseau de caisses
régionales et locales, elle est amenée à exercer son activité en lien fonctionnel
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avec les agences régionales de santé et surtout, avec les départements lesquels
restent en charge du service des prestations de l’aide sociale aux personnes han-
dicapées et aux personnes dépendantes. Ce caractère hybride est d’ailleurs révé-
lateur d’une tendance contemporaine de la protection sociale au dépassement
de ses clivages historiques.
Souvent qualifié de dernier filet de sécurité de la protection sociale, le dispositif
du revenu de solidarité active est lui aussi géré par les départements depuis
« l’acte II de la décentralisation » posé par la loi du 13 août 2004, tout en étant
versé par les CAF c’est-à-dire par des organismes de sécurité sociale…
Ayant de plus en plus souvent pour objet d’accompagner les parcours de vie des
personnes vulnérables, l’aide sociale a connu des évolutions en profondeur
depuis le milieu des années 1970, lesquelles ont d’ailleurs conduit à changer
l’appellation du code de l’aide sociale, devenu le code de l’action sociale et des
familles en vertu de la loi du 2 janvier 2002. Un tel intitulé présente néanmoins
l’inconvénient d’être source de confusion quant à la signification à donner à
l’expression d’action sociale. En réalité, l’action sociale ne saurait être restreinte
au seul périmètre des dispositifs légaux figurant dans le code du même nom. Il
s’avère, en effet, que l’expression action sociale est couramment employée dans
un sens allant au-delà de sa signification légale pour désigner une grande diver-
sité d’actions complémentaires aux prestations légales d’aide sociale et de sécu-
rité sociale (ex. : aides alimentaires, secours financiers ponctuels, bons de
transports, services aux familles). Pouvant être mise en place à titre facultatif, et
à leurs initiatives, par des acteurs institutionnels (ex. : centres communaux ou
intercommunaux d’action sociale) ou associatifs, l’action sociale est susceptible
de couvrir un champ d’interventions extrêmement vaste.
L’assurance chômage et la protection sociale
complémentaire
Par ailleurs, les lacunes et insuffisances de la sécurité sociale ont conduit les
partenaires sociaux à mettre en place par voie de conventions interprofession-
nelles d’autres formes de protection sociale comme le régime d’assurance chô-
mage en 1958 ou des régimes de retraites complémentaires dès 1947. À partir
des années 1970, il y a eu également un fort développement de la mutualité et
des institutions de prévoyance dans le champ de la couverture complémentaire
santé.
Si elle était à l’origine clairement posée, au fil du temps la distinction entre la
sécurité sociale et la protection sociale complémentaire s’estompe désormais
en partie. Sous l’impulsion de l’État, il tend à s’instaurer un deuxième étage de 31
1. Origines et principes

protection sociale obligatoire en sus de celui constitué par la sécurité sociale,


même si les logiques de solidarité qui fondent chacun d’eux peuvent être de
nature différente. Il s’agit certes d’un phénomène déjà ancien dans le domaine
de l’assurance vieillesse et des retraites puisqu’il remonte à 1972, date à laquelle
le législateur a généralisé les régimes de retraites complémentaires à l’ensemble
des salariés hormis à ceux ressortissants des régimes spéciaux de sécurité sociale.
Cependant, il connaît depuis les années 2000 une nouvelle dynamique dans le
champ de l’assurance maladie complémentaire. Ainsi une étape dans ce sens a
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été franchie avec la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi
laquelle a permis la généralisation des complémentaires santé au 1er janvier
2016, sous forme de contrats de groupe relevant d’une logique d’assurances
sociales, en faveur de l’ensemble des salariés du secteur privé. Plus récemment,
l’ordonnance du 17 février 2021 a retenu la même formule pour les fonctionnaires
et agents publics à l’horizon 2026, mais avec une mise en place progressive dès
2022. En outre, afin de faciliter l’accès aux soins des personnes à faibles res-
sources et plus souvent inactives, les pouvoirs publics ont créé dans le cadre de
l’organisation de la sécurité sociale, la couverture maladie universelle complé-
mentaire à effet au 1er janvier 2000, ainsi que l’aide à l’acquisition d’une complé-
mentaire santé en 2004, dispositifs auxquels la complémentaire santé solidaire
s’est substituée à compter du 1er novembre 2019.
On constate donc de plus en plus un brouillage des frontières traditionnelles
entre la sécurité sociale, l’aide sociale et la protection sociale complémentaire,
Les rapprochements constatés entre ces différentes composantes de la protec-
tion sociale qui subsistent néanmoins, procèdent de finalités communes. C’est
pourquoi, plutôt que de les envisager d’une façon séparée, les chapitres relatifs
à l’assurance maladie et à l’accès aux soins (chapitre 4), à l’assurance vieillesse
et aux régimes de retraites (chapitre 6), ainsi qu’aux soutiens à l’autonomie (cha-
pitre 8) exposent les articulations entre ces composantes au sein du système
français de protection sociale.

32
1. Origines et principes
Tableau 1. Panorama général du système de protection sociale

Risques couverts et charges compensées

Perte d’emploi, chômage
maladie professionnelle

Vieillesse, dépendance
Accident du travail et
Maladie, maternité, 

Handicap Invalidité

Charges de famille
Vieillesse, retraite
Formes de protection
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sociale

et de l’enfance

Pauvreté
décès

Sécurité sociale
Ass. maladie X X
Ass. AT/MP* X X
Ass. vieillesse X
All. familiales X X
Aide sociale
Aide médicale X
aux personnes âgées (**) X
aux personnes handicapées
X
(**)
à l’hébergement
X
et à la réinsertion
à l’enfance X
Revenu de solidarité active X
Indemnisation du chômage X
Protection sociale
X X X X X
complémentaire***

* Accident du travail et maladie professionnelle


** Au 1er janvier 2021 les prestations correspondantes sont toujours inscrites dans le code de l’action
sociale et des familles
*** Mutuelles, institutions de prévoyance, assurances privées
Source : l’auteur.

33
Chapitre 2
Institutions et gouvernance

Née de la volonté d’instaurer un ordre social nouveau, l’organisation de la


sécurité sociale constitue un modèle original de service public. Selon le prin-
cipe de démocratie sociale, la gestion des caisses était initialement confiée
aux « intéressés eux-mêmes ». Corollaire de cet ancrage mutualiste, la plupart
des organismes de sécurité sociale sont dotés d’un statut de droit privé bien
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qu’étant chargés d’une mission de service public. Pour autant, ils ne disposent
que d’une autonomie de gestion limitée, hormis dans le champ de l’adminis-
tration interne, et leurs conseils d’administration, majoritairement constitués
de partenaires sociaux, ne leur confèrent que l’apparence d’une gestion pari-
taire en l’absence de pouvoirs significatifs. Dès l’origine, l’État a précisé le
cadre juridique dans lequel devait s’exercer leur activité, et l’a soumise à une
étroite tutelle administrative. De surcroît, au fil des réformes institutionnelles,
notamment depuis celles intervenues depuis 1996, l’emprise des pouvoirs
publics sur la gouvernance de la sécurité sociale s’est encore accrue.

1 Les organismes de gestion


de la sécurité sociale

La généralisation de la sécurité sociale est devenue une réalité mais elle


s’est en partie effectuée en dehors du régime… général. C’est pourquoi l’or-
ganisation mise en place à partir de 1945 se caractérise par la juxtaposition,
à côté de celui-ci, de différents régimes comme le régime agricole, le régime
de la SNCF, le régime des employés et clercs de notaires, etc. Il n’en reste pas
moins que le régime général occupe une place centrale dans l’organisation
de la sécurité sociale. Il s’agit du régime auquel sont assujetties les personnes
ne relevant pas expressément d’un autre régime de sécurité sociale.

L’assujettissement est une situation de droit qui place une personne


dans le champ d’application d’un régime, en vertu d’une législation obli-
gatoire de sécurité sociale, dont il découle des obligations, notamment
celle de cotiser, et le cas échéant, des droits à prestations. Elle est définie
par un ensemble de critères légaux et jurisprudentiels (nature de l’activité
exercée, lien de subordination éventuel et degré d’autonomie dans le
travail, modalités de rémunération, etc.), permettant de rattacher une
personne à tel ou tel régime de sécurité sociale. Le terme d’assujettisse-
ment est régulièrement employé en équivalent de celui d’affiliation.
Le régime général constitue le régime de droit commun pour les salariés
et aussi pour les non-salariés non agricoles depuis la suppression du régime 35
social des indépendants (RSI) au 1er janvier 2018.
La prééminence du régime général est d’autant plus marquée qu’il couvre
l’ensemble des grandes catégories de risques de la sécurité sociale.
2. Institutions et gouvernance

A - Le régime général : une structure


en cinq branches
❚ L’architecture des caisses nationales
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et organismes de base
L’organisation administrative du régime général n’est plus unitaire comme
c’était le cas en 1945 avec la création de la caisse nationale de sécurité sociale
et des caisses primaires de sécurité sociale. Depuis la réforme Jeanneney
posée dans l’ordonnance du 21 août 1967, elle est structurée autour de la
notion de branche, c’est-à-dire par grandes catégories de risques sociaux
(CSS, art. L.200-2), en référence à son organisation financière (sur la notion, 
➦ voir chapitre 3, p. 68).
Aux quatre branches distinguées en vertu de la réforme précitée – branche
maladie, branche accident du travail, branche vieillesse, branche famille –,
s’ajoute désormais la branche autonomie créée par la loi organique du 7 août
2020, et la loi ordinaire de la même date, dont l’organisation interne est
particulière compte tenu du rôle traditionnellement dévolu aux départe-
ments dans ce domaine.
La branche maladie comprend les risques sociaux couverts par :

– l’assurance maladie et l’assurance maternité qui prévoient des presta-


tions en vue de couvrir les frais de santé (honoraires des professions
médicales et des auxiliaires médicaux, dépenses de pharmacie, coûts
d’hospitalisation…). Elles permettent aussi le versement de prestations
en espèces, sous la forme d’indemnités journalières en cas d’incapacité
temporaire de travail du fait de la maladie ou de la maternité ;
– l’assurance invalidité et l’assurance décès qui ont pour objet unique
de servir des prestations en espèces, respectivement sous la forme de
pensions d’invalidité en cas d’incapacité permanente de travail et de
capitaux décès.

36
La branche accident du travail comprend les risques sociaux couverts
par :

2. Institutions et gouvernance
– l’assurance accident du travail et maladie professionnelle qui prend en
charge les frais de santé correspondants et verse des indemnités journa-
lières ou des rentes d’accident du travail en cas de séquelles.
La branche vieillesse comprend les risques sociaux couverts par :
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– l’assurance vieillesse qui permet d’accorder une retraite aux personnes
assurées (pension de droit direct) lorsqu’elles ont exercé une activité pro-
fessionnelle pendant une durée déterminée, ou au conjoint survivant
(pension de réversion) ;
– l’assurance veuvage qui permet d’accorder une allocation veuvage au
conjoint d’un assuré décédé.
La branche famille concerne :

– la compensation des charges de famille supportées pour élever des


enfants, laquelle s’effectue par l’attribution des prestations familiales.
La branche autonomie concerne :

– la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et des


personnes en situation de handicap, ainsi que le soutien à leurs proches
aidants.
L’activité recouvrement, au contraire des branches précédentes, n’est
pas destinée à couvrir telle ou telle catégorie de risques par l’entremise de
prestations sociales, mais est vouée à en garantir le financement. Pour ce
faire, elle consiste à collecter les cotisations et autres contributions sociales
affectées aux différentes branches, ainsi qu’à assurer la gestion de trésorerie
de celles-ci afin de faire face, au fur et à mesure des demandes de prise en
charge, au paiement des prestations dues.

37
Branche Branche
AT Maladie
2. Institutions et gouvernance

Activité Branche Branche Branche


Recouvrement Famille Vieillesse Autonomie

Établissements publics
UNCAM(1)
Organismes de gestion
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ACOSS CNAF CNAV CNAM CNSA
Échelon
national

UCANSS

Organismes de droit privé


Régional
URSSAF CARSAT

Local CAF CGSS(2) CPAM


(1) Organisme interrégime
(2) Caisse générale de sécurité sociale (département d’Outre-mer)

Figure 1. Organisation du régime général


de la sécurité sociale (au 1er janvier 2021)

L’organisation structurelle des différentes branches du régime général fait


ressortir deux catégories d’organismes :
– les caisses nationales qui sont les interlocuteurs directs de l’État, et
jouent un rôle de « tête de réseau » vis-à-vis des organismes de base, affir-
mant de la sorte une prééminence qui n’a cessé de s’accroître depuis leur
création par l’ordonnance du 21 août 1967 ;
– les organismes de base, c’est-à-dire les organismes régionaux ou
locaux dont l’activité est opérationnelle, puisqu’ils sont principalement char-
gés du service des prestations ou du recouvrement des cotisations. S’il s’agit
de caisses prestataires, elles ont également en commun d’exercer une action
sociale à destination de leurs bénéficiaires.
À partir des fonds nationaux qu’elles gèrent au titre de leurs branches
38 respectives (ex. : Fonds national des prestations, Fonds national de gestion
administrative, Fonds national d’action sociale), les caisses nationales attri-
buent aux organismes de base relevant de leurs branches, des dotations
techniques permettant de financer les dépenses de prestations et des dota-

2. Institutions et gouvernance
tions budgétaires pour financer les dépenses de gestion administratives ou
d’action sociale.
Au total les organismes du régime général de la sécurité sociale emploient
120 000 employés et cadres, ce qui représente un montant de dépenses de
gestion administrative d’environ 8 milliards d’€ (à rapporter à une masse de
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prestations de 450 milliards d’€).
❚ L’organisation structurelle de la branche maladie
Placée sous l’égide de la Caisse nationale de l’assurance maladie, elle
s’appuie sur le réseau opérationnel des caisses primaires d’assurance
maladie.

La Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM)


La gestion de la branche maladie constitue l’objet principal de l’existence
de la CNAM, même si elle assume également celle de la branche accident du
travail (CSS, art. L.221-1 et s.). En particulier, elle impulse en articulation
étroite avec l’UNCAM (➦ voir infra) une politique dite de « gestion du risque ».

La gestion du risque est définie comme l’ensemble des actions et pro-


cédures conduisant à : optimiser la réponse du système de soins aux
besoins de santé ; inciter la population à recourir, de manière pertinente,
aux soins et à la prévention ; amener les professionnels à respecter les
critères d’utilité et de qualité des soins, ainsi que de modération des
coûts dans le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance
maladie voté par le Parlement, dans le cadre des lois de financement de
la sécurité sociale.
La CNAM exerce également une action propre et coordonne celles des
organismes de son réseau d’organismes dans deux domaines :

– l’action sanitaire et sociale ;


– la prévention, l’éducation et l’information sanitaires.

S’agissant de la gestion interne de la branche maladie, la Caisse nationale


joue un rôle clé puisqu’elle assume les fonctions ci-après :

– la gestion centralisée du service du contrôle médical. L’indépendance
technique du contrôle médical a conduit à rattacher directement la caisse
nationale à l’ensemble des praticiens-conseils pour les soustraire à l’auto-
rité des directeurs des caisses primaires auprès desquels ils exercent leurs
fonctions (CSS, art. L.224-7). 39
À l’instar des autres caisses nationales, la CNAM assume en cette qualité :
2. Institutions et gouvernance

– le pilotage des organismes de base du réseau de l’assurance maladie,


essentiellement les caisses primaires d’assurance maladie, vis-à-vis des-
quels elles disposent d’importantes prérogatives (nomination de leurs
directeurs, pouvoir d’injonction, contrôle de leur fonctionnement, certi-
fication des comptes, etc.). Elles fixent également leurs objectifs de ges-
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tion et leurs moyens de fonctionnement interne à travers les contrats
pluriannuels de gestion (➦ voir infra) ;
– un rôle consultatif vis-à-vis des pouvoirs publics : elle est invitée à
émettre un avis sur tous les projets de lois et de règlements intéressant
la branche maladie. Elle a également la possibilité de proposer des
mesures réglementaires et législatives.

L’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM)


Instituée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’UNCAM
(CSS, art. L.182-2 et s.) est en grande partie une émanation de la CNAM dont
elle partage le même directeur général, même si elle regroupe aussi la Caisse
centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA). Elle a notamment les mis-
sions suivantes :

– la négociation et signature de l’accord-cadre, des conventions et 
autres accords conventionnels, de leurs avenants et annexes avec les
différentes catégories de professions libérales de santé ;
– la révision dans la limite de 5 % du taux du ticket modérateur, c’est-
à-dire la part de frais de santé non remboursable par l’assurance maladie ;
– la fixation du montant de la participation forfaitaire et des fran-
chises à la charge des assurés sociaux pour chaque acte médical ;
– la décision d’inscription ou de radiation à la nomenclature des
actes et prestations remboursables, après avis de la Haute autorité de
santé (HAS) et de l’Union nationale des organismes complémentaires
d’assurance maladie (UNOCAM).
Par ailleurs, afin de concourir à la politique de santé, l’UNCAM conclut
avec l’État une fois tous les deux ans un plan national de gestion du risque
et d’efficience du système de soins.
À l’instar d’une caisse nationale, l’UNCAM doit rendre un avis sur tous les
projets de lois et de règlements relatifs à l’assurance maladie. Mais au-delà
de cette simple fonction consultative, elle doit remettre chaque année au
ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement un rapport relatif à l’évo-
lution des charges et des produits de l’assurance maladie au titre de l’année
40 suivante et aux mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre prévu par
le cadrage pluriannuel des dépenses d’assurance maladie (CSS, art. L.111-11).
Elle dispose à cette fin des contributions de la CNAM et de la CCMSA.

2. Institutions et gouvernance
Les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM)
Couvrant pour la plupart des circonscriptions départementales, les caisses
primaires dont le rôle s’étend aussi à l’assurance accident du travail (➦ voir
infra), ont traditionnellement pour rôle d’effectuer quatre grands types
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d’opérations :

– l’immatriculation des assurés sociaux dont le domicile est situé dans


leur circonscription ;
– la liquidation des droits (traitement du dossier) et le paiement des
prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès ;
– l’accueil et l’information des assurés sociaux ;
– une action sanitaire et sociale correspondant aux risques gérés,
notamment par l’octroi de prestations supplémentaires et de secours.
Au titre du dispositif de la complémentaire santé solidaire, les caisses
primaires assument la charge de l’instruction des demandes ainsi que la liqui-
dation et le paiement des prestations lorsque le bénéficiaire fait le choix de
la caisse primaire comme organisme prestataire plutôt que celui d’un orga-
nisme conventionné (mutuelle, institution de prévoyance ou compagnie
d’assurances).
Si le service des prestations et l’accueil des assurés sociaux sont des
missions fondamentales de chacune des caisses primaires, elles exercent
également d’autres d’activités à forts enjeux de gestion pour la branche
maladie :

– l’animation et le suivi des relations conventionnelles locales avec


les professions libérales de santé, notamment par l’entremise des
commissions conventionnelles paritaires locales ;
– la mise en œuvre d’actions de gestion du risque afin de sensibiliser
les assurés et les professionnels de santé à la lutte contre les abus et les
gaspillages en matière de consommation médicale. Cette activité
s’exerce éventuellement en lien avec le service médical de l’assurance
maladie et l’agence régionale de santé ;
– la prévention, l’éducation et l’information sanitaires.
❚ L’organisation de la branche accident du travail
La gestion de la branche accident du travail et maladie professionnelle est
confiée à la CNAM (CSS, art. L.221-1 et s.). La loi du 25 juillet 1994 relative à
la sécurité sociale en a toutefois affirmé l’identité propre avec la création 41
au sein de celle-ci d’une instance spécialisée : la commission des accidents
du travail et maladies professionnelles.
2. Institutions et gouvernance

À cet effet, elle exerce deux missions principales :

– la tarification des cotisations à la charge des employeurs ;


– la détermination et la conduite d’une politique de prévention des
risques professionnels.
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Enfin, comme le conseil de la CNAM (conseil d’administration avant 2004),
la commission des accidents du travail et maladies professionnelles donne
son avis sur les projets de lois et de règlements relatifs à son champ d’attri-
bution et peut faire des propositions au Parlement et au gouvernement.
La distinction organique ainsi opérée entre les deux branches rattachées
à la CNAM – celle de l’assurance maladie et celle de l’assurance accident du
travail – mérite toutefois d’être tempérée dans la mesure où, au plan local,
elles s’appuient sur une même catégorie d’organismes : les caisses primaires
d’assurance maladie ont également l’attribution d’instruire les demandes de
reconnaissance d’accident du travail ou de maladie professionnelle et de
verser les prestations afférentes à la réparation des risques professionnels.
En revanche, sur le plan régional, les 16 caisses d’assurance retraite et
de la santé au travail (CARSAT) exercent des attributions étrangères à la
branche maladie sauf lorsqu’il s’agit de leur service social dont l’activité est
partagée entre les branches maladie, accident du travail et vieillesse. Pour
la branche accident du travail, elles ont pour missions de promouvoir auprès
des entreprises la prévention des risques professionnels auxquels sont expo-
sés les salariés, ainsi que d’appliquer les règles de tarification des cotisations
dues par les employeurs.
❚ L’organisation structurelle de la branche vieillesse
La gestion de la branche vieillesse (retraites) repose sur la Caisse nationale
d’assurance vieillesse (CNAV) (CSS, art. L.222-1 et s.). Selon les ordonnances
du 21 août 1967, la CNAV devait effectuer le service des prestations de
retraite pour l’ensemble des ressortissants du régime général. En réalité, elle
ne joue son rôle d’organisme prestataire qu’en région Île-de-France
puisqu’elle confie aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail
(CARSAT) les deux attributions suivantes :

– la tenue des comptes individuels des assurés sociaux (comptes où


sont enregistrés les droits à pension acquis en contrepartie des cotisa-
tions acquittées au cours de la vie professionnelle) ;
– la liquidation des droits et le paiement des prestations de l’assurance
42 vieillesse ainsi que de l’assurance veuvage.
L’ensemble de ces organismes met également en œuvre une action
sociale en faveur des personnes âgées couvertes par le régime général.

2. Institutions et gouvernance
Par ailleurs, comme caisse nationale, la CNAV joue un rôle de « tête de
réseau » vis-à-vis des organismes de la branche vieillesse. Elle est également
invitée, en cette qualité, à émettre un avis sur les projets de lois et de règle-
ments touchant à son champ d’attribution ainsi qu’à faire des propositions
de mesures au gouvernement et au Parlement.
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❚ L’organisation structurelle de la branche autonomie
La gestion de la branche autonomie relève de la compétence de la Caisse
nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA) qui avait été instituée par
la loi du 30 juin 2004 avant la création de cette nouvelle branche de la sécurité
sociale par les lois du 7 août 2020 (CASF, art. L.14-10-1). Si elle constitue à
ce titre une caisse nationale de sécurité sociale, la CNSA n’est pas toutefois
à la tête d’un réseau d’organismes de base, compte tenu de la persistance
des rôles des départements et des agences régionales de santé dans la prise
en charge de la perte d’autonomie.
Elle a notamment pour attributions de :
– veiller à l’équilibre financier de la branche autonomie ;
– piloter et assurer l’animation et la coordination, dans le champ des poli-
tiques d’autonomie des personnes âgées et handicapées, des différents
acteurs participant à leur mise en œuvre ;
– contribuer, en assurant une répartition équitable sur le territoire natio-
nal, au financement de la perte d’autonomie des établissements et services
sociaux et médico-sociaux, des prestations individuelles d’aide à l’autonomie
et des proches aidants, et de contribuer au financement de l’investissement
dans le champ du soutien à l’autonomie ;
– contribuer à l’information des publics concernés, à la recherche et à
l’innovation dans le champ du soutien à l’autonomie, ainsi qu’à la réflexion
prospective sur les politiques de l’autonomie, et proposer toute mesure
visant à améliorer la couverture du risque.
❚ L’organisation structurelle de la branche famille
La gestion de la branche famille relève de la compétence de la Caisse
nationale des allocations familiales (CNAF) (CSS, art. L.223-1 et s.). Outre
le service des prestations familiales, elle offre la particularité de comporter
une action sociale et familiale importante, qu’elle déploie dans les terri-
toires par l’entremise des caisses d’allocations familiales dont elle coor-
donne les interventions. En tant que caisse nationale, elle détient
d’importantes prérogatives vis-à-vis de ces dernières. En outre, la CNAF
43
est amenée à émettre un avis sur tous les projets de lois et de règlements
intéressant les matières de sa compétence ainsi qu’à faire des propositions
au gouvernement et au Parlement.
2. Institutions et gouvernance

Implantées dans chacun des départements, les caisses d’allocations


familiales (CAF) servent traditionnellement des allocations aux familles,
mais leur rôle s’est progressivement élargi au versement d’autres presta-
tions pour le compte de l’État (aides au logement, allocation aux adultes
handicapés, prime d’activité) et des conseils départementaux (revenu de
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solidarité active). Au plan territorial, elles mettent également en œuvre
l’action sociale et familiale de la branche. En outre, elles apportent un
concours opérationnel à l’agence de recouvrement des impayés de pen-
sions alimentaires.
❚ L’activité du recouvrement
Organisme national concourant à la préservation de l’unité du régime
général, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) (CSS,
art. L.225-1 et s.), chapeaute les unions de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF). Elle est dénommée
dans la pratique institutionnelle (et non pas en droit) « Urssaf Caisse natio-
nale » depuis janvier 2021, et a pour missions :

– la gestion de la trésorerie des cinq branches qui reste commune,


même s’il en assure le suivi individualisé par branche ;
– le recouvrement de certaines taxes (ex. : celles sur l’industrie phar-
maceutique) et la réception du produit d’autres impositions affectées à
la Sécurité sociale (ex. : la contribution sociale généralisée sur les revenus
du patrimoine) et collectées par les services fiscaux, ainsi que les contri-
butions budgétaires de l’État.
S’agissant de la gestion interne, l’ACOSS dispose, elle aussi, en tant que
caisse nationale des Urssaf de prérogatives importantes vis-à-vis des orga-
nismes de son réseau administratif. En outre, en cette qualité, elle est invitée
à émettre un avis sur tous les projets de lois et de règlements intéressant les
matières de sa compétence. Elle a également la possibilité de faire des pro-
positions aux pouvoirs publics.
Sur le plan territorial, la « branche » recouvrement comprend 21 URSSAF1
selon un découpage régional (en principe circonscription des anciennes
régions administratives). Ces organismes jouent un rôle de percepteur social :
immatriculation des cotisants, encaissement des cotisations, recouvrement
amiable, recouvrement forcé, contrôle de l’assiette salariale…

44 1. Le nombre des URSSAF est passé de 22 à 21 à la suite de la fusion au 1er janvier 2022
de l’URSSAF de Basse-Normandie et de l’URSSAF de Haute-Normandie.
Leur champ de compétence s’étend aux cotisations étrangères au régime
général de la sécurité sociale (ex. : les cotisations afférentes au versement

2. Institutions et gouvernance
transport ou au fonds national d’aide au logement, les cotisations d’assu-
rance chômage et à compter du 1er janvier 2023, celles des régimes de
retraites complémentaires) ainsi qu’aux contributions de nature fiscale
(contribution sociale généralisée, contribution au remboursement de la dette
sociale) sur les revenus du travail.
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❚ Les autres structures de gestion
En vertu de la loi du 31 juillet 1968, les organismes nationaux des diffé-
rentes branches ont délégué des tâches d’intérêt commun à l’Union des
caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) (CSS, art. L.224-5). Elle a
notamment reçu compétence pour assurer les tâches mutualisées de la ges-
tion des ressources humaines du régime général, en particulier :

– négocier et conclure les conventions collectives nationales du person-


nel ainsi que leurs avenants ;
– évaluer, coordonner et participer à la mise en œuvre des politiques de
formation du personnel et exercer une tutelle sur l’Institut national de
formation – l’institut 4.10, ainsi dénommé en référence à la date de créa-
tion de la sécurité sociale (4 octobre 1945) – sous réserve des missions
dévolues à l’École nationale supérieure de la sécurité sociale en matière
de formation des cadres dirigeants (EN3S).

B - Le mode de fonctionnement
des organismes du régime général
L’ancrage mutualiste de la sécurité sociale et surtout la volonté de ses
« Pères fondateurs » d’en confier la gestion aux représentants des « intéres-
sés eux-mêmes », en l’occurrence les partenaires sociaux censés les repré-
senter, ont contribué à asseoir l’autonomie de gestion des organismes de
sécurité sociale. Bien qu’elle soit devenue surtout formelle au fil des réformes
institutionnelles de la sécurité sociale, cette autonomie de gestion sous-tend
encore le régime juridique des organismes, en particulier celui des orga-
nismes de base.
❚ Le régime juridique des organismes nationaux et locaux
Les caisses nationales du régime général ainsi que l’UNCAM sont des
établissements publics de l’État à caractère administratif et munis de la
personnalité administrative et financière (CSS, art. L.221-2, L.222-4,
L.223-2 et L.225-2). Leurs décisions ou instructions ont le caractère d’actes
administratifs et seules les juridictions administratives peuvent en apprécier
45
la légalité. À la différence notable des caisses nationales, les organismes
de base de la sécurité sociale sont des organismes de droit privé chargés
d’une mission de service public (CE, 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et
2. Institutions et gouvernance

Protection ») comme l’a encore confirmé le Conseil constitutionnel (Cons.


const. n° 82-148 DC, 14 déc. 1982). Ils sont dotés de la personnalité morale
et de l’autonomie administrative et financière.
Ce caractère hybride appelle à distinguer parmi les actes des organismes
de sécurité sociale deux grandes catégories :
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– les décisions individuelles relatives à l’application de la législation de
sécurité sociale (assujettissement, prestations, cotisations), lesquelles
sont susceptibles de donner lieu à un contentieux judiciaire ;
– les actes réglementaires de portée collective (ex. : les conventions
médicales), entrant dans le champ du contentieux administratif, qu’ils
émanent des caisses nationales constituées sous la forme d’établisse-
ment public dans le régime général, ou exceptionnellement, des orga-
nismes de base à statut de droit privé.
Organismes de droit privé chargés d’une mission de service public, les
organismes de sécurité sociale sont liés par des conventions collectives à
leurs personnels. De leur côté, les relations contractuelles des organismes
de base avec les tiers (fournisseurs…) relèvent également du droit privé.
Il n’en reste pas moins que les organismes de sécurité sociale sont soumis
aux grands principes du service public (principe d’égalité, de continuité, de
neutralité, d’adaptabilité). De même, ils doivent respecter les textes législa-
tifs applicables aux administrations publiques ; en particulier ils sont soumis
aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration (CSS,
art. L.115-3).
❚ L’assise politique de l’autonomie de gestion
des organismes
Même si elle s’est amoindrie au fil des réformes institutionnelles, l’auto-
nomie de gestion des organismes de sécurité sociale repose sur l’existence
dans chacun d’eux d’un organe politique, en l’occurrence le conseil d’admi-
nistration ou le conseil (conseil stricto sensu dans les organismes de la
branche maladie du régime général) où siègent majoritairement les par-
tenaires sociaux en vertu du principe de démocratie sociale.
Inscrit au fronton du Plan français de sécurité sociale de 1945, ce prin-
cipe fondateur exprime alors la légitimité des syndicats de salariés et, dans
une moindre mesure, celle du patronat à assumer la gestion d’une organi-
sation à l’origine destinée aux travailleurs et financée par les cotisations
des employeurs et des salariés. L’élection par les assurés sociaux de leurs
46 représentants dans les conseils d’administration des caisses contribuait à
l’origine à fonder de manière indiscutable cette légitimité. Or, depuis la
Libération, la sécurité sociale s’est généralisée à la population inactive et

2. Institutions et gouvernance
ses ressources sont de plus en plus fiscalisées, excepté pour la branche
accident du travail. Plus encore, outre l’impact de leur perte d’audience
dans la société française, l’affaiblissement du positionnement des organi-
sations syndicales dans le régime général s’est trouvé favorisé par l’aban-
don de fait des élections des administrateurs dès la fin des années 1980 ;
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elles souffraient d’une large désaffection parmi le corps électoral et
n’avaient guère la faveur de la plupart des syndicats de salariés. Soucieuse
de privilégier la démocratie politique, l’ordonnance du 24 avril 1996 relative
à l’organisation de la sécurité sociale a supprimé dans le régime général les
élections des administrateurs du collège « salariés » (représentations syn-
dicales) au profit de leur désignation par leurs organisations d’apparte-
nance, sachant qu’elles l’avaient déjà été une première fois par les
ordonnances du 21 août 1967 avant leur retour en vertu d’une loi du
17 décembre 1982.
La gouvernance instituée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance
maladie a substitué aux conseils d’administration préexistants des conseils
stricto sensu, en ce qui concerne la CNAM et les CPAM ; cette même règle
s’applique pour la structure interrégimes de l’UNCAM. Assimilables à des
conseils d’orientation et de contrôle, ces instances politiques d’un genre
nouveau ne sont plus constituées en conséquence d’administrateurs mais
de conseillers.
Selon l’ordonnance du 24 avril 1996 confirmée sur ce point par la loi du
13 août 2004, le collège « salariés » et le collège « employeurs » siègent à
nombre égal de représentants selon la répartition précisée ci-dessous. La
répartition des sièges entre organisations syndicales et entre organisations
d’employeurs/travailleurs indépendants est pondérée en fonction de leur
audience nationale (➦ voir tableau 2 infra).
Les conseils d’administration (ou conseils stricto sensu) donnent néan-
moins l’illustration d’une composition paritaire avec un « faux nez » dans
la mesure où en dehors des représentants des salariés et des employeurs,
d’autres catégories d’administrateurs (ou de conseillers) sont également
présents en vue de représenter l’ensemble des bénéficiaires. Il s’agit, selon
les organismes, de représentants de la mutualité, des associations fami-
liales, des institutions intervenant dans le domaine de l’assurance maladie,
ou encore, de personnalités qualifiées.
L’intégration dans le régime général de l’ex-régime social des indépen-
dants (RSI) s’est accompagnée d’un élargissement des conseils d’adminis-
tration (ou conseil dans la branche maladie) à un représentant avec voix
consultative des professions indépendantes concernées (➦ voir infra,  47
p. 52).
Tableau 2. Composition des conseils d’administration
et des conseils dans les organismes du régime général
2. Institutions et gouvernance

Administrateurs ou conseillers (1)


avec voix délibérative (2) représentant :

administrateurs

Assurés sociaux
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indépendants

Associations
Employeurs

Travailleurs

institutions
Personnes

Mutualité

familiales
qualifiées

Certaines
Nombre

Organismes

CNAM 35 13 13 2 3 4 (3)

CARSAT 21 8 8 4 (2) 1

CPAM 23 8 8 2 5

CNAV 30 13 13 4 (2)

CNAF 35 13 10 3 4 5

CAF 24 8 5 3 4 4

ACOSS 30 13 10 3 4

URSSAF 20 8 5 3 4

(1) Membres des conseils des CPAM et de la CNAM


(2) Siègent, en outre, avec voix consultative :
– 1 représentant des associations familiales dans les conseils d’administration de la CNAV et des
CARSAT et de la CRAM d’Île-de-France (CRAMIF) ;
– 3 représentants du personnel (2 pour les employés, 1 pour les cadres)
(3) Institutions intervenant dans le domaine de l’assurance maladie auxquelles est attribué un
siège : la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés ; l’Union nationale des
syndicats autonomes ; l’Union nationale des associations familiales ; le Conseil de la protection
sociale des indépendants (hormis pour les organismes de la branche Famille) ; l’Union nationale des
associations agréées d’usagers du système de santé.

La composition des conseils de la CNAM et de l’UNCAM, des conseils


d’administration de la CNAF, de la CNAV et de l’ACOSS, ainsi que celle de la
Commission des accidents du travail doivent comporter autant de femmes
que d’hommes, un écart de un étant admis en cas de nombre impair de
conseillers ou d’administrateurs.

48
❚ Les compétences du conseil d’administration
et du directeur

2. Institutions et gouvernance
Selon le principe de démocratie sociale, à l’origine le conseil d’administra-
tion jouait un rôle prééminent dans la gouvernance interne des organismes
alors que le directeur n’était qu’un simple exécutant de ses décisions.
Cependant, en vue d’aboutir à une organisation plus rationnelle, un décret du
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12 mai 1960 a reconfiguré au profit du second la répartition des compétences.
Le directeur se voit alors reconnaître un domaine d’attribution « réservé »
précédemment dévolu au conseil d’administration : l’organisation des services
et la gestion du personnel. Plus tard, en vertu de l’ordonnance du 24 avril 1996
relative à l’organisation de la sécurité sociale, le rôle du directeur est à nou-
veau élargi (représentation de l’organisme dans tous les actes de la vie civile,
présidence du comité social et économique, etc.), à telle enseigne que l’ex-
pression « le conseil d’administration règle par ses délibérations les affaires
de l’organisme » se trouve en grande partie vidée de sa substance. Compte
tenu des règles particulières à la branche maladie introduites par la loi du
13 août 2004, ce constat est encore plus prononcé pour les caisses d’assu-
rance maladie et leurs organes politiques qui portent désormais la dénomi-
nation de conseil (stricto sensu) et non plus de conseils d’administration.

Le rôle du conseil d’administration


Instance à vocation politique, le conseil d’administration (CSS,
art. L.121-1 ; art. L.231 et s.), ne conserve plus aujourd’hui qu’un rôle res-
treint. Il lui incombe seulement :

– d’adopter les statuts et le règlement intérieur de l’organisme à partir


de statuts types et d’un règlement intérieur type fixés par arrêté minis-
tériel ;
– d’élire le président du conseil d’administration (ou conseil dans les
organismes d’assurance maladie depuis 2004), ses vice-présidents ainsi
que de désigner les membres des commissions constituées en son sein,
qu’elles soient obligatoires (ex. : commission de recours amiable) ou
facultatives (ex. : commission de l’action sociale) ;
– d’émettre un avis sur la candidature au poste de directeur de l’orga-
nisme, qui est retenue par le directeur de caisse nationale. Il ne peut
s’opposer à la nomination du postulant qu’à une majorité des deux tiers ;
– de voter le contrat pluriannuel de gestion (CPG) lequel détermine les
objectifs et les moyens budgétaires de l’organisme ;
– de voter le budget de la gestion administrative, et le cas échéant, le
budget de l’action sociale et le budget de la prévention, sachant que dans
les faits, ce vote est déterminé au préalable par celui du volet budgétaire 49
du CPG ;
– de contrôler l’application des dispositions législatives et réglemen-
taires par le directeur, ainsi que l’exécution de ses propres délibérations ;
2. Institutions et gouvernance

– d’exercer un contrôle général de l’activité de l’organisme. À cet effet, le


conseil d’administration est invité à prendre connaissance et à débattre des
rapports annuels qui lui sont soumis par le directeur, en ce qui concerne :
• le fonctionnement administratif et financier de l’organisme,
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• les relations avec les usagers,
• l’action sociale.
Le pouvoir de contrôle dont dispose le conseil d’administration d’un orga-
nisme de sécurité sociale sur son fonctionnement général ne l’autorise pas
à se substituer ou à donner des injonctions au directeur dans l’exercice des
pouvoirs propres de celui-ci, ni à réformer les décisions prises à ce titre.

Le rôle du directeur
Occupant une place centrale, le directeur dirige l’organisme (CSS,
art. L.122-1 et s.) tout en devant inscrire son action en conformité avec les
orientations nationales de la branche (ou des branches s’il s’agit d’une
CARSAT). Il dispose néanmoins d’une marge d’autonomie, tout au moins en
ce qui concerne la gestion administrative et technique de l'organisme, et est
responsable de son bon fonctionnement. Il a les attributions suivantes :

– préparer les travaux du conseil (ou conseil d’administration), mettre


en œuvre les orientations et délibérations que celui-ci adopte, en rendre
compte à cette instance, et établir le rapport annuel d’activité de ges-
tion ;
– négocier et signer le contrat pluriannuel de gestion (CPG) qui est éga-
lement signé par le directeur général de l’organisme national ;
– prendre toute décision et assurer les opérations relatives à l’orga-
nisation et au fonctionnement de la caisse, à sa gestion administrative,
financière et immobilière ;
– nommer aux emplois, procéder aux licenciements, régler l’avance-
ment, assurer la discipline ; seul le directeur a autorité sur le personnel
et prend toutes les décisions d’ordre individuel que comporte la gestion
des ressources humaines ;
– présider en tant qu’employeur le comité social et économique (ex-
comité d’entreprise) de l’organisme ;
– nommer les agents de direction autres que le directeur comptable et
financier. Doté de compétences propres en qualité de comptable de
fonds publics, ce dernier est nommé par le directeur de l’organisme natio-
50 nal de rattachement. Les candidats aux emplois de direction sont choisis
parmi les personnes inscrites sur une liste d’aptitude établie par l’État.
Le directeur d’une caisse nationale de sécurité sociale détient des pouvoirs
spécifiques. En particulier, il nomme les directeurs des organismes de base

2. Institutions et gouvernance
relevant de son réseau administratif, bien que ceux-ci soient liés par un
contrat de travail avec leur organisme employeur, c’est-à-dire celui où ils
exercent leurs fonctions.

C - L’organisation de la sécurité sociale


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au prisme des autres régimes
L’organisation structurelle des autres régimes de sécurité sociale apparaît
d’une grande simplicité par rapport à celle du régime général, dans la
mesure où elle repose sur des organismes compétents pour l’ensemble des
branches.
❚ La mutualité sociale agricole (MSA)
Le principe du « guichet unique » s’applique notamment à la mutualité
sociale agricole (C. rur., art. L.721-1 à L.783-1), laquelle couvre contre les
différents risques sociaux à la fois des professions non salariées et salariées
(7 % de la population). Elle ne comprend qu’un seul organisme national,
ayant cette fois un statut d’organisme de droit privé : la Caisse centrale de
la mutualité sociale agricole (CCMSA). Ses missions consistent, en plus de
la gestion des différentes catégories de risques, à coordonner l’activité des
35 caisses départementales ou plus souvent pluri-départementales en
charge du service des prestations et de la collecte des contributions.
Les organismes de mutualité sociale agricole présentent l’originalité de
couvrir l’ensemble des risques gérés par la sécurité sociale, tout en englobant
deux régimes distincts :

– le régime des personnes non-salariées des professions agricoles


(exploitants agricoles) ;
– le régime des personnes salariées des professions agricoles (salariés
agricoles).
Ce sont deux régimes dotés chacun de leur autonomie financière et
comptable, ainsi que de leurs propres règles en matière de prestations et
de contributions.
Autre particularité, en sus des fonctions classiques d’un organisme de
sécurité sociale, les caisses de mutualité sociale agricole ont pour mission
d’organiser la médecine du travail et de contribuer au développement sani-
taire et social des territoires ruraux.
Enfin, il s’agit d’une organisation de la sécurité sociale où la démocratie
sociale reste encore vivante à la faveur de l’élection de ses organes poli- 51
tiques. Selon un schéma puisant ses racines dans la tradition mutualiste,
les représentants des professions concernées sont élus pour une durée de
cinq ans sur la base de trois collèges : les exploitants agricoles non
2. Institutions et gouvernance

employeurs, les salariés agricoles et les exploitants agricoles employeurs. La


procédure électorale distingue entre les deux niveaux d’organismes :

– les trois collèges élisent des délégués cantonaux qui forment l’assem-
blée générale départementale, laquelle élit à son tour le conseil d’admi-
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nistration de la caisse départementale ou interdépartementale de MSA ;
– les conseils d’administration de chacune des caisses de MSA élisent
leurs délégués à l’assemblée générale centrale de la MSA puis élisent à
leur tour les membres du conseil central d’administration de la MSA
répartis par collèges.
À la faveur d’une légitimité politique plus forte, le conseil d’administra-
tion de la caisse centrale de la MSA et, dans une moindre mesure, celui des
caisses de base disposent de pouvoirs plus étendus que dans le régime
général pour la gestion interne du régime. En particulier, c’est lui qui nomme
le directeur et les autres cadres de direction.
❚ La sécurité sociale des indépendants
La persistance de régimes propres aux professions libérales
Sous l’effet de l’intégration au 1er janvier 2018 de l’ex-régime social des
indépendants (RSI) dans les structures de gestion du régime général, la
sécurité sociale des indépendants ne comprend plus désormais que deux
régimes de base :

– le régime de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions


libérales (CNAVPL) : il est scindé en dix sections professionnelles : méde-
cins, vétérinaires, agents généraux d’assurance, etc., à la tête de chacune
desquelles se trouve une caisse autonome professionnelle (ex. : Caisse
autonome de retraite des médecins de France). La CNAVPL coordonne
l’ensemble et effectue une compensation financière entre les sections ;
– le régime de la Caisse nationale des barreaux français en charge de
l’assurance vieillesse des avocats.
Les caisses de ces régimes sont munies de conseils d’administration
composés de représentants élus des intéressés.

La place spécifique des indépendants dans le régime général


Outre le maintien de règles antérieures en matière de prestations et de
cotisations, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu que
les ressortissants de l’ancien RSI conservent, dans le cadre organisationnel
52 du régime général, leurs propres règles en matière de prestations et de coti-
sations sociales.
Afin de préserver une certaine spécificité à la sécurité sociale des indé-
pendants en dépit de son intégration dans le régime général, la loi susmen-

2. Institutions et gouvernance
tionnée a créé le Conseil de la protection sociale des travailleurs
indépendants (CPSTI) (CSS, art. L.612-1 et s.).
Soumis aux règles ordinairement applicables aux organismes de sécu-
rité sociale (régime financier et comptable, tutelle, etc.), cet organisme
de droit privé est doté d’un directeur et d’une assemblée générale délibé-
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rante qui est constituée principalement de représentants des travailleurs
indépendants désignés par leurs organisations représentatives au plan
national.
Il a notamment pour attributions de :

– veiller à la bonne application aux travailleurs indépendants des règles


relatives à leur protection sociale et à la qualité du service qui leur est
rendue par les organismes du régime général ;
– déterminer des orientations générales relatives à l’action sanitaire et
sociale déployée en faveur des travailleurs indépendants ;
– piloter le régime complémentaire d’assurance vieillesse obligatoire et
le régime invalidité-décès des travailleurs indépendants ;
– animer, coordonner et contrôler l’action des instances régionales de
la protection sociale des travailleurs indépendants.

Il est saisi de toute question relative à la protection sociale des indépen-


dants et pour avis des projets de lois et de règlements correspondants.
Le CPSTI est doté d’instances régionales auxquelles incombent l’attribu-
tion des aides et prestations individuelles d’action sanitaire et sociale, ainsi
que la désignation d’un médiateur chargé d’accompagner les travailleurs
indépendants amenés à former une réclamation vis-à-vis d’un organisme du
régime général (CSS, art. L.612-4).
Au sein des conseils et conseils d’administration des CPAM, des URSSAF,
des CARSAT, et des CGSS, un membre de l’instance régionale du CPSTI siège
avec voix consultative.

❚ Les régimes spéciaux


Les régimes spéciaux de salariés peuvent comporter une organisation
administrative propre. Les institutions chargées d’en assurer la gestion ont
le statut d’organisme de sécurité sociale, d’établissements publics (ex. :
Caisse des dépôts et Consignation) ou sont des services de l’État (ex. : service
des pensions des fonctionnaires de l’État) ou de l’employeur concerné,
sachant qu’il peut y avoir un partage des compétences entre la sécurité 53
sociale et l’employeur.
C’est ainsi le cas pour le régime des personnels de la SNCF : il existe une
caisse de prévoyance autonome pour la prise en charge des frais de santé
2. Institutions et gouvernance

des assurances maladie et maternité, une caisse des retraites et une organi-
sation dite de médecine de caisse comprenant des médecins libéraux
conventionnés avec la caisse de prévoyance en vue de dispenser des soins
aux agents. Les risques accident du travail et maladie professionnelle sont,
de leur côté, directement pris en charge par l’entreprise publique.
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En dépit d’une organisation morcelée, le système de sécurité sociale
révèle depuis les années 2000 une tendance lourde à l’unification des modes
de fonctionnement des régimes, sous l’effet d’une emprise de plus en plus
forte de l’État, que caractérisent les lois de financement de la sécurité
sociale et les conventions d’objectifs et de gestion comme nous allons le
voir ci-après.

2 Les rapports entre l’État


et la sécurité sociale

Même s’il n’assume pas la gestion directe des régimes, l’État joue néan-
moins un rôle primordial dans le système de sécurité sociale puisqu’il inter-
vient : « en amont » pour déterminer le cadre juridique et financier dans
lequel s’exerce cette gestion et « en aval », comme autorité de tutelle, pour
en contrôler et en évaluer la mise en œuvre.

A - La conception et l’orientation du système


❚ La détermination des politiques
Eu égard aux dispositions constitutionnelles (alinéa 11 du préambule de
la Constitution), l’État joue depuis toujours un rôle crucial dans la détermi-
nation du système de sécurité sociale et de ses objectifs, en lien avec la
conduite de politiques sociales ou publiques plus globales (politique fami-
liale, politique de santé, politique de l’emploi, politique des revenus…). Ainsi,
l’État est à l’origine des principaux régimes de base de la sécurité sociale et
notamment du régime général créé par l’ordonnance du 4 octobre 1945. Il
est également à l’initiative des grandes évolutions dans ce domaine, qu’il
s’agisse de réformes institutionnelles comme celles survenues en 1967 et
1996, ou encore des réformes des dispositifs de prestations ou de cotisa-
tions sociales. En revanche, l’État ne participe guère à la gestion directe de
la sécurité sociale, il se limite surtout à assurer la gestion de la protection
sociale des fonctionnaires et, en particulier, celle des pensions de retraite
civiles et militaires.
54
D’une façon générale, l’intervention de l’État s’articule autour de quatre
axes majeurs :

2. Institutions et gouvernance
– il pose l’existence des régimes de base, en définit le champ d’appli-
cation et l’organisation structurelle ;
– il fixe le niveau de la protection offerte à travers la création de
diverses prestations de sécurité sociale dont il précise les conditions
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d’attribution, le mode de calcul et les barèmes de référence ;
– il prévoit le mode de financement correspondant, lequel peut résulter
de recettes fiscales ou parafiscales ;
– il veille à l’équilibre financier des régimes de base avec l’adoption
chaque année d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Par ailleurs, l’État participe au financement de certains régimes et de
quelques prestations sociales spécifiques que les organismes de sécurité
sociale sont amenés à verser pour son compte.
Pour mettre en œuvre ses orientations en matière de sécurité sociale,
l’État est naturellement amené à utiliser son pouvoir normatif pour les tra-
duire sous forme de lois et de règlements.

❚ L’élaboration des normes législatives et réglementaires


Aux termes de l’article 34 de la Constitution de 1958, la loi votée par le
Parlement détermine seulement les principes fondamentaux de la sécurité
sociale (création d’un régime, d’une prestation ou d’une cotisation). A contra-
rio, aux termes de l’article 37 de la Constitution, l’exercice du pouvoir régle-
mentaire par le gouvernement consiste à compléter et à préciser la loi pour
en permettre l’application sans en dénaturer les principes, ainsi qu’à édicter
l’ensemble des règles de droit ne relevant pas du champ législatif. Cependant,
la séparation des domaines de la loi et du règlement s’avère quelquefois
délicate à l’épreuve des faits. La technicité de la matière suscite en effet une
forte imbrication entre les différentes normes juridiques. C’est pourquoi, les
jurisprudences du Conseil constitutionnel (Cons. const.) et du Conseil d’État
(CE) sont venues préciser le rôle du pouvoir réglementaire. Il lui appar-
tient de :

– fixer le montant des prestations (CE, 14 fév. 1964, Haberstroh) ;


– déterminer l’âge d’ouverture du droit aux pensions d’assurance vieil-
lesse (Cons. const., 10 juin 2004) tandis que le législateur pose le principe
d’une condition d’âge ;
– déterminer la liste des affections de longue durée ouvrant droit à l’exo-
nération du ticket modérateur (CE, 22 nov. 1963, Féd. nat. des malades,
55
infirmes et paralysés) tandis que le pouvoir législatif édicte le principe de
l’exonération pour ces affections ;
2. Institutions et gouvernance

– fixer le taux des cotisations sociales (CE, 13 juill. 1965, Lagey et


synd. nat. des méd., chirurgiens, spécialistes des hôpitaux) tandis qu’en
vertu de l’article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant
[…] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des imposi-
tions de toutes natures » pour les recettes fiscales affectées directe-
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ment au régime de sécurité sociale, par exemple la contribution
sociale généralisée.
Au regard du champ de la loi, plutôt restreint en matière de sécurité
sociale, compte tenu de la conception extensive du domaine réglemen-
taire, le Parlement n’a longtemps joué qu’un rôle de second plan face au
gouvernement.
Par ailleurs, les pouvoirs publics ont la faculté de déléguer par la loi une
partie de leur pouvoir réglementaire aux organismes de sécurité sociale. En
vertu de la loi du 13 août 2004, l’UNCAM dispose de pouvoirs relatifs à la
fixation de la participation financière des assurés ou à la détermination des
biens et services de santé remboursables. En outre, les conventions conclues
entre l’UNCAM et les professions de santé s’accompagnent d’effets à portée
réglementaire.
Quelles que soient les modalités de la répartition des pouvoirs norma-
tifs, l’État s’affirme depuis toujours comme le « maître des horloges » de
la sécurité sociale, étant seul en capacité d’en rythmer l’évolution dans le
temps.
Quant à la régulation des dépenses et des recettes de la sécurité sociale,
le Parlement a été tenu écarté de cette question pourtant cruciale jusqu’à la
révision constitutionnelle du 22 février 1996. Cette réforme fondamentale
préserve certes une certaine autonomie des organismes de sécurité sociale
tout au moins dans le champ de leur administration interne ainsi que la repré-
sentation des partenaires sociaux dans les conseils d’administration.
Toutefois, en instituant les lois de financement de la sécurité sociale, elle
transfère au Parlement la responsabilité de la régulation des dépenses et des
recettes (➦ voir chapitre 3).

B - La tutelle et les contrôles de l’État


sur les organismes
L’objet de la tutelle et des contrôles (CSS, art. L.281-1) porte sur de
larges domaines puisqu’il s’étend non seulement aux personnes et aux
actes des organismes, mais aussi aux contentieux et à la gestion budgétaire
56 et comptable.
❚ Les notions de tutelle et de contrôle

2. Institutions et gouvernance
Tutelle et contrôle sont deux notions ambivalentes. Sous l’expression géné-
rique de « contrôle », le code de la sécurité sociale vise à la fois les pouvoirs
de tutelle proprement dits (pouvoir d’approbation, pouvoir d’annulation, de
suspension de décisions, pouvoir d’agrément) et diverses formes de contrôle
de l’État sur les organismes de sécurité sociale.
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Le pouvoir de tutelle n’existe que dans la mesure où la loi l’organise et
l’autorise. Il s’agit donc d’un pouvoir de nature différente du pouvoir hiérar-
chique qui permet en principe au supérieur de toucher inconditionnellement
aux décisions prises par son subordonné.
❚ Les autorités de tutelle et de contrôle
Compte tenu de leur mission de service public et de l’ampleur des fonds
redistribués, les organismes de sécurité sociale sont soumis à la tutelle des
ministères en charge de ce secteur. L’intervention des pouvoirs publics s’ef-
fectue surtout par l’entremise de la direction de la sécurité sociale (DSS) et
est destinée à vérifier que l’activité des organismes s’effectue en conformité
avec les règles juridiques auxquelles ils sont soumis, et selon des règles de
bonne gestion. S’agissant des organismes de base, la tutelle de la DSS
s’exerce depuis le 1er janvier 2010 par le biais de la Mission nationale de
contrôle et d’audit (MNC) et de ses antennes interrégionales.
Par ailleurs, les organismes de sécurité sociale entrent dans le périmètre
de ceux soumis aux contrôles de l’Inspection générale des affaires sociales
(IGAS), de l’Inspection générale des finances (IGF) et de la Cour des
comptes.
❚ La tutelle sur les personnes
Elle s’exerce principalement sur les agents de direction des organismes
de base par le biais d’une liste nationale d’aptitude, sachant que leur ins-
cription sur celle-ci conditionne dans une large mesure l’évolution de leur
carrière. L’établissement de cette liste relève d’une commission indépen-
dante, instituée auprès du ministre chargé de la sécurité sociale après ins-
truction préalable des demandes d’inscription par la Mission nationale de
contrôle et d’audit.
L’autorité administrative de tutelle exerce en outre un droit d’agrément
par lequel elle rend les nominations d’agents de direction effectives après
leur prise de fonction. Le retrait d’agrément en réalité rarissime appartient
au ministre chargé de la sécurité sociale et entraîne pour l’intéressé la ces-
sation des fonctions mais pas forcément le licenciement.
Cet ensemble de moyens d’action de la tutelle administrative sur les
agents de direction pourrait évoquer tout au moins en partie un statut 57
de type « fonction publique ». Il semble néanmoins plus judicieux, à
l’aune du régime juridique qui les caractérise, d’employer une expression
2. Institutions et gouvernance

plus nuancée comme celle d’« agents du troisième type2 » pour désigner
les directeurs et autres personnels de direction dans la mesure où ils
relèvent aussi des dispositions du droit du travail et d’une convention
collective.
La tutelle sur les personnes s’étend également aux conseils d’administra-
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tion ou encore aux conseils. S’il constate des irrégularités graves, une mau-
vaise gestion ou la carence de cette instance, le ministre chargé de la sécurité
sociale peut en prononcer la dissolution ou la suspension par arrêté ministé-
riel ; il lui revient alors de nommer un administrateur provisoire.
❚ La tutelle sur les actes
L’exercice de la tutelle sur les actes impose, au préalable, la transmission
aux autorités administratives compétentes des décisions prises par les orga-
nismes de sécurité sociale dès lors qu’elles doivent faire l’objet d’une tutelle
a priori ou d’une tutelle a posteriori.

2. C.A. Garbar, « Les directeurs des caisses locales et régionales du régime général :
des agents du troisième type », Droit social, sept.- oct. 1996, p. 803-807. Sans aucun doute
cette expression est-elle encore plus pertinente un quart de siècle plus tard au vu des
changements législatifs et réglementaires intervenus dans le processus de nomination
des directeurs des organismes de base du régime général : sous réserve d’être inscrit sur
la liste d’aptitude aux emplois de direction établie par une commission indépendante pré-
sidée par un membre du Conseil d’État, de la Cour des comptes ou de l’Inspection générale
des affaires sociales, et arrêtée par le ministre de tutelle, le directeur d’un organisme de
base est nommé par le directeur de la caisse nationale de rattachement (ou des caisses
nationales s’il s’agit d’une CARSAT) après avis du Comité des carrières institué auprès de
l’UCANSS, constitué majoritairement de représentants des caisses nationales et présidé
par un inspecteur général des affaires sociales, puis aussi après avis du conseil d’adminis-
tration (ou conseil) de l’organisme où le poste est à pourvoir, sachant que celui-ci ne peut
s’opposer qu’à la majorité des deux tiers au candidat sélectionné par le directeur de la
caisse nationale (ou les directeurs des caisses nationales s’il s’agit d’une CARSAT ou d’une
CGSS). Le directeur de l’organisme de base est nommé par décision administrative du
directeur de l’organisme national, mais il n’en demeure pas moins qu’il reste un salarié de
droit privé soumis à une convention collective, et que son employeur est le conseil d’admi-
nistration dont relève l’organisme en cause, et non pas la caisse nationale… De surcroît,
le directeur de l’organisme de base ne peut exercer ses fonctions qu’à la condition, une
fois nommé, d’avoir obtenu l’agrément de l’autorité de tutelle de l’État, en l’occurrence
l’antenne interrégionale de la mission nationale de contrôle (MNC) de la direction de la
sécurité sociale. Il y a en la matière un bel exemple de complexité lié à l’enchevêtrement
des pouvoirs des caisses nationales et des organes de tutelle administrative ! De son côté,
le directeur de la caisse nationale ou le directeur général de la CNAM et de l’UNCAM sont
58 « simplement » nommés par décret du président de la république pris en Conseil des
ministres, après recueil de l’avis du conseil d’administration (ou du conseil).
L’exercice de la tutelle a priori

2. Institutions et gouvernance
Certains actes assortis d’une portée générale et particulièrement impor-
tants sont soumis à une tutelle ministérielle exercée a priori par la Direction
de la sécurité sociale. Elle consiste notamment en une procédure d’agrément
ministériel applicable aux statuts et règlements intérieurs des organismes
et aux conventions collectives des personnels des régimes de sécurité
sociale.
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Ce type de tutelle peut aussi prendre la forme d’une approbation des
ministres de tutelle lorsqu’elle concerne les conventions entre l’UNCAM et
les professions libérales de santé.

L’exercice de la tutelle a posteriori


Cependant, pour la majorité des actes des organismes, la tutelle s’exerce
a posteriori et le mécanisme est celui de l’approbation implicite. Ainsi, les
décisions des caisses nationales ne deviennent exécutoires que si, dans un
délai de 20 jours à compter de leur communication au ministre chargé de la
sécurité sociale et à celui du budget, il n’y a pas opposition à exécution de
l’un ou l’autre de ces ministres.
Vis-à-vis des organismes de base, la tutelle administrative, en l’occurrence
celle des antennes interrégionales de la Mission nationale de contrôle et
d’audit de la Direction de la sécurité sociale, s’exerce à travers le contrôle de
légalité et le contrôle d’opportunité financière.

Le contrôle de légalité prévoit que l’autorité administrative a le pou-


voir d’annuler, sous les 8 jours, si elle les estime illégales, les décisions
à caractère individuel et les décisions de portée collective ne soulevant
pas de « difficulté majeure » de principe. Elle a aussi la faculté dans le
même délai de les suspendre et de les transmettre aux fins d’annulation
éventuelle au ministre chargé de la sécurité sociale. La suspension est
obligatoire pour les mesures à caractère général qui lui paraissent
contraires à la loi.
Le ministre chargé de la sécurité sociale doit se prononcer dans les
40 jours suivant la date de suspension après avoir consulté la caisse nationale
compétente dont l’avis ne le lie pas ; à défaut de réponse ministérielle, la
décision de l’organisme est exécutoire de plein droit.

Le contrôle de l’opportunité financière prévoit que l’autorité adminis-


trative peut dans un délai de 8 jours suspendre toute décision d’un orga-
nisme de nature à compromettre l’équilibre financier des risques et
demander au conseil d’administration (ou conseil) de revoir sa position.
Si elle la maintient, la caisse intéressée doit saisir la caisse nationale
compétente dont le conseil d’administration (ou conseil) a seul le pouvoir 59
de la confirmer ou de l’infirmer sans être tenue par un quelconque délai.
Au final, les pouvoirs publics sont en mesure d’imposer leur position
2. Institutions et gouvernance

puisqu’en vertu de son pouvoir de tutelle, le ministre peut dans les


20 jours annuler partiellement ou totalement, ou, au contraire, ne pas
annuler cette décision de la caisse nationale.
On constate dans la pratique que le contrôle de l’opportunité financière
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n’est que rarement employé, d’autant que le contrôle de légalité permet le
plus souvent d’aboutir au même résultat.
L’annulation par l’autorité de tutelle d’une décision d’un organisme de
sécurité sociale peut faire l’objet d’une contestation de ce dernier devant les
juridictions administratives. À côté de ce contentieux administratif, l’exercice
de la tutelle peut également susciter un contentieux judiciaire de la part d’un
usager (assuré social, allocataire, cotisant) dès lors qu’elle entraîne l’annula-
tion d’une décision d’un organisme de sécurité sociale qui lui est à l’origine
favorable.

La tutelle sur le contentieux


➦ voir le chapitre 9 relatif au contentieux.

La tutelle budgétaire et comptable


Sous l’effet de l’institution des conventions d’objectifs et de gestion, la
tutelle budgétaire de l’État sur les organismes de base s’est trouvée
dépourvue de substance parce que transférée aux caisses nationales
(➦ voir infra).
Par ailleurs, la Cour des comptes est en charge de la certification des
comptes des caisses nationales du régime général, ce qui lui permet de se
prononcer non seulement sur la régularité, la sincérité et la fidélité de
ceux-ci, mais aussi sur les comptes combinés de chacune des branches,
lesquels regroupent ceux des organismes de base et de leurs réseaux.
Au titre de son activité de contrôle, la Cour des comptes assume le
pilotage d’un comité ayant pour objet d’animer et de coordonner les
contrôles de différentes administrations et organismes nationaux de sécu-
rité sociale. Ce comité pilote aussi un « réseau d’alerte » destiné à détec-
ter, aux fins d’un contrôle éventuellement sur place, l’existence
d’organismes de base révélant des défaillances dans les performances de
gestion. Dans ce cadre, elle peut solliciter la Mission nationale de contrôle
et d’audit.
❚ La rénovation de l’exercice de la tutelle de l’État
Les autorités de tutelle de l’État se sont longtemps vues reprocher un
60 contrôle trop tatillon sur les organismes de sécurité sociale, celui-ci étant
apparu trop axé sur la conformité aux règles juridiques et comptables, et
guère soucieux de se préoccuper de l’opportunité ou de l’efficacité de leurs

2. Institutions et gouvernance
actes de gestion. Sous l’effet de la loi du 25 juillet 1994 et surtout de l’or-
donnance du 24 avril 1996 relatives à l’organisation de la sécurité sociale,
ces pratiques semblent désormais appartenir à une autre époque.
Sans renoncer au contrôle de conformité, la tutelle de l’État tend désor-
mais à privilégier un contrôle a posteriori destiné à évaluer la qualité de la
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gestion des organismes de sécurité sociale ainsi que leurs contributions à
la mise en œuvre des politiques publiques. Pour autant, s’il a vu sa place se
restreindre, le contrôle de légalité s’avère toujours indispensable compte
tenu de la nature des fonds gérés et de la mission de service public de la
sécurité sociale. Entendue au sens du « contrôle a posteriori et évalua-
tion », la tutelle de l’État met désormais l’accent sur les performances et
les résultats obtenus par les gestionnaires des organismes de sécurité
sociale. Cette évolution se trouve consacrée avec la mise en place depuis
1996 des conventions d’objectifs et de gestion entre l’État et les caisses
nationales des différents régimes, ou dans le régime général, des diffé-
rentes branches.

C - La contractualisation des relations


entre l’État et les organismes gestionnaires
Si elle est timidement apparue à partir de la fin des années 1980 pour
la fixation des moyens de fonctionnement des organismes, cette concep-
tion renouvelée des relations entre le gouvernement et les institutions
gestionnaires de la sécurité sociale, a franchi une étape majeure avec la
réforme institutionnelle de 1996.
S’inscrivant dans le prolongement des lois de financement de la sécurité
sociale, en vertu desquelles l’État affirme sa prééminence, les conventions
d’objectifs et de gestion (COG) créées par l’ordonnance du 24 avril 1996
(CSS, art. L.227-1) ont pour objet de laisser une marge d’autonomie aux
caisses nationales dans leur gestion interne, mais dans le respect des
orientations stratégiques et du cadre financier définis par les pouvoirs
publics. Elles permettent de clarifier les rôles et responsabilités entre le
gouvernement et les gestionnaires des organismes, et surtout, de promou-
voir l’efficience du service public de la sécurité sociale (amélioration de la
qualité de services aux bénéficiaires, maîtrise des coûts de gestion
interne, etc.).

61
Parlement
2. Institutions et gouvernance

Loi de financement de la sécurité sociale


et rapport annuel
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Gouvernement

Convention d’objectifs et de gestion


(COG)

Caisse nationale

Contrats pluriannuels de gestion

Organismes de base

Figure 2. La chaîne des responsabilités


dans l’organisation de la sécurité sociale

❚ La négociation, la signature et la durée des COG
Eu égard à leur nature contractuelle, les COG sont issues de négociations
plus ou moins âpres selon les rapports de force que les caisses nationales,
notamment leurs conseils d’administration (ou conseils), entretiennent avec
le gouvernement. Elles formalisent les engagements réciproques des deux
parties, et à défaut d’accord, aucun acte unilatéral de l’État ne peut venir s’y
substituer.
Les COG sont conclues pour une période de cinq ans et sont signées par
le président et le directeur de la caisse nationale concernée ainsi que par les
ministres de tutelle. Une fois adoptées, les COG sont communiquées aux
commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat en charge des affaires
sociales.
Si elles revêtent un caractère pluriannuel, les COG sont néanmoins révi-
sables sous forme d’avenants, afin de traduire les priorités fixées par le
Parlement dans les lois de financement de la sécurité sociale et de tenir
62 compte des évolutions législatives et réglementaires.
❚ La nature, le contenu et l’évaluation des engagements 
contractuels

2. Institutions et gouvernance
Suivant un dispositif très encadré par l’ordonnance du 24 avril 1996 rela-
tive à l’organisation de la sécurité sociale, les COG fixent, pour chacune des
caisses nationales, un ensemble d’objectifs de gestion touchant à tous les
aspects du fonctionnement des caisses, ainsi que les moyens de fonction-
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nement dont elles disposent pour les atteindre :

– les objectifs liés à la mise en œuvre des dispositions législatives et


réglementaires qui régissent la gestion du risque, le service des presta-
tions ou le recouvrement des cotisations et des impôts affectés ;
– les objectifs liés à l’amélioration de la qualité du service aux usagers ;
– les objectifs d’amélioration de la productivité du réseau (ensemble des
organismes de la branche) et de son organisation territoriale, ou, pour la
branche autonomie, les objectifs d’amélioration de la coordination des
acteurs participant à la mise en œuvre des politiques en faveur de l’auto-
nomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
– les objectifs de l’action sociale, de prévention, de lutte contre l’exclu-
sion et de soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes
handicapées ;
– les règles de calcul et d’évolution des budgets de gestion administrative
et, s’il y a lieu, des budgets d’action sanitaire et sociale, de prévention et de
soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
– le cas échéant, et à l’exception de la branche autonomie, les conditions de
constitution ou d’amélioration et d’évolution du réseau des caisses locales.
À l’occasion de la reprise des objectifs communs énumérés ci-dessus, les
COG contribuent à faire converger les différentes branches et régimes de sécu-
rité sociale autour d’un fonctionnement commun, et à renforcer les transver-
salités inter-régimes, et ainsi participent à l’unification de la gestion de la
sécurité sociale. Il est également prévu depuis la loi de financement de la sécu-
rité sociale pour 2018 l’existence d’une convention-cadre de performance du
service public de la sécurité sociale, conclue pour une durée de quatre ans entre
l’État et l’ensemble des caisses nationales de sécurité sociale, en vue de fixer
des actions dans les domaines suivants : simplification et amélioration de la
qualité de service, mutualisation d’activités entre les organismes pour les fonc-
tions support (gestion immobilière, achats, ressources humaines, etc.), pré-
sence territoriale et évaluation de la performance des différents régimes. Pour
autant, les COG conclues entre l’État et les différentes caisses nationales
intègrent dans leurs contenus des axes stratégiques propres à leurs branches.
Elles constituent un levier important pour la mise en œuvre des politiques de
63
sécurité sociale, et même au-delà, des politiques sociales et de santé.
Les COG précisent les indicateurs à retenir pour apprécier la performance
de gestion des « opérateurs »3 du service public de la sécurité sociale, ainsi que
2. Institutions et gouvernance

les modalités de l’évaluation des résultats obtenus au regard des objectifs


fixés. La réalisation des engagements prévus dans les COG donne lieu lors de
la dernière année de la période quinquennale couverte à une évaluation
contradictoire par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en lien
avec la Mission nationale de contrôle et d’audit (MNC). Le rapport remis à cette
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occasion contribue à éclairer le dialogue partenarial entre les caisses natio-
nales de sécurité sociale et le ministère de tutelle, dans la mesure où c’est non
seulement un moyen d’apprécier les performances de gestion de la sécurité
sociale, mais aussi de préparer avec la négociation de la convention suivante.
❚ Le renforcement du rôle des caisses nationales 
à la faveur des COG
La capacité d’une caisse nationale à mettre en œuvre les COG est fonction
pour une large part, de la mobilisation des organismes de son réseau pour
l’atteinte des objectifs fixés dans la mesure où ils ont un premier rôle dans ce
domaine, compte tenu de leur rôle opérationnel. C’est pourquoi, les compé-
tences de tête de réseau des caisses nationales ont été renforcées à partir de
la réforme « Juppé » de 1996 à telle enseigne que leurs relations avec les
organismes de base sont devenues tutélaires, voire aussi quasi-hiérarchiques.
Dès leur création par l’ordonnance du 21 août 1967, les caisses nationales
du régime général disposent de pouvoirs de contrôle et d’inspection vis-à-vis
des organismes de leurs branches. Elles peuvent aussi préconiser aux orga-
nismes de base des mesures de redressement et en cas de carence, exercer
un pouvoir de substitution.
Sous l’impact de la réforme de la sécurité sociale intervenue en 1996, la
place des caisses nationales s’est encore accrue, sachant qu’elles s’étaient
vues reconnaître à partir des années 1980 le pouvoir d’approuver les opéra-
tions informatiques ou immobilières des caisses, et depuis une loi du 25 juil-
let 1994 leurs budgets de gestion administrative (charges de personnel et
autres charges de fonctionnement interne). Amplifiant ce mouvement,
l’ordonnance du 24 avril 1996 attribue aux directeurs des caisses nationales
le pouvoir de nommer les directeurs des organismes relevant de leurs
branches respectives, et le cas échéant, de mettre fin à leurs fonctions, étant
précisé que les derniers cités jouent un rôle clé dans la négociation et surtout,
dans la mise en œuvre des contrats pluriannuels de gestion (CPG) institués
par la même ordonnance (CSS, art. L.227-3).

3. La notion d’opérateur est seulement à entendre ici au sens du langage des sciences
64 de gestion, et non pas au sens du vocabulaire juridique. Elle est d’ailleurs couramment
employée dans le langage institutionnel de la sécurité sociale.
Instruments-clés de l’impulsion d’une « dynamique de réseau », les CPG
ont en effet pour objet de décliner de façon opérationnelle auprès des orga-

2. Institutions et gouvernance
nismes de base, les axes des COG. Conclus et signés entre ceux-ci et les
caisses nationales, les CPG précisent à l’instar des COG, par domaines d’acti-
vité et au moyen d’indicateurs quantifiés, les actions à réaliser au plan local
ou régional en vue de l’atteinte des objectifs nationaux de la COG ainsi que
la hauteur des résultats attendus.
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De surcroît, les caisses nationales ont reçu au cours des vingt dernières
années, notamment à la suite de la loi du 13 août 2004 sur l’assurance mala-
die, d’autres prérogatives. Celles-ci peuvent être communes à l’ensemble
d’entre elles, comme celles relatives à l’organisation des réseaux d’orga-
nismes de base (ex. : désignation d’une caisse-pivot pour la mise en place de
services mutualisés), ou au contraire, propres à certaines d’entre elles (ex. :
autorisation par la CNAM ou l’ACOSS de former un pourvoi en cassation).
❚ La portée et les limites de la contractualisation
Sous couvert d’une référence affichée au partenariat, à l’épreuve des faits
les COG apparaissent surtout comme un habillage contractuel de l’exercice
de la tutelle de l’État sur les organismes de sécurité sociale. Même si ces
derniers constituent toujours des entités distinctes des administrations de
l’État, les COG participent à l’étatisation de la gestion de la sécurité sociale
dans la mesure où l’État et les pouvoirs publics sont en mesure par leur tru-
chement d’exercer une emprise sur tous les aspects du fonctionnement des
organismes de sécurité sociale. D’autant plus que les relations entre les deux
parties s’inscrivent dans un rapport de force favorable au gouvernement au
détriment des organisations gestionnaires.
Au plan opérationnel, les COG ont largement participé à l’amélioration au
moindre coût de la qualité du service aux usagers. Elles ont fait entrer dans
les organismes de sécurité sociale une démarche de performance avec des
objectifs assortis d’indicateurs chiffrés, dans un contexte de maîtrise des
coûts de gestion. À travers leurs déclinaisons en CPG, les COG ont permis à
l’ensemble des caisses régionales et locales de s’approprier les objectifs leurs
branches et régimes de rattachement, ce qui a contribué à une plus grande
égalité de traitement des usagers face au service public de la sécurité sociale.
Si les générations successives de COG révèlent au fil du temps une meil-
leure définition des objectifs, des progrès doivent encore être réalisés pour
améliorer leur hiérarchisation et leur pertinence compte tenu du foisonne-
ment de ceux-ci. Sous l’effet d’un accroissement de la volumétrie des COG,
leurs objectifs ont vu leur nombre se multiplier, au point d’en affaiblir la por-
tée effective, à défaut d’identification de cibles prioritaires.
Il est permis de s’interroger, par ailleurs, sur la portée juridique des COG 65
dont le caractère contractuel s’est trouvé confirmé à plusieurs reprises par la
jurisprudence administrative. Ainsi un arrêt du Conseil d’État (CE, 3 avr. 2002,
CAF d’Eure et Loire, n° 241132) rendu à propos d’un litige entre la CNAF et
2. Institutions et gouvernance

une caisse locale a fait ressortir que le juge administratif ne s’interdit pas de
sanctionner, le cas échéant, la méconnaissance par l’une ou l’autre des parties
de ses engagements. Mais encore faudrait-il qu’il soit saisi en cas de litige
opposant un ministre à une caisse nationale à propos d’une COG… En pra-
tique, les manquements aux obligations nées de ces conventions ne sont donc
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pas réellement assortis de sanctions à l’encontre de la partie défaillante.
Il existe néanmoins des mesures d’incitation financière (par exemple les
mécanismes d’intéressement des personnels) à destination des gestion-
naires des caisses pour qu’ils s’attachent à atteindre les objectifs des COG à
travers leurs déclinaisons dans les CPG. De surcroît, la mise en œuvre des
conventions par le gouvernement et les caisses nationales est régulièrement
abordée dans différents rapports (ex. : rapports annuels de la Cour des
comptes sur l’exécution des LFSS, rapports d’évaluation de l’IGAS) au vu
desquels le Parlement peut interpeller le gouvernement au plan politique en
cas de non-respect des engagements souscrits.
En tout état de cause, s’agissant de la gestion interne des organismes, les
COG ont largement participé à l’amélioration de la performance de gestion
du service public de la sécurité sociale.

Conclusion

L’organisation de la sécurité sociale se singularise depuis l’origine par son


caractère hybride. Quelles que soient leurs places respectives dans la gou-
vernance du système, l’État et les institutions gestionnaires doivent partager
la même stratégie. À partir du moment où le système de sécurité sociale
s’inscrit dans le cadre plus général de la détermination et de la mise en œuvre
des politiques sociales et au-delà des politiques publiques, iI pourrait être
tentant d’éluder la place des partenaires sociaux, notamment celle des
conseils d’administration des organismes de sécurité sociale. Or, la nécessité
de faire évoluer la sécurité sociale en permanence, invite à associer les corps
intermédiaires (ex. : syndicats, associations, acteurs territoriaux) aux choix
des réformes à opérer, à la fois pour faciliter l’adhésion à celles-ci et éviter
une dérive technocratique. Cette exigence s’avère d’autant plus forte que
l’ampleur des défis à relever et des réformes à entreprendre, appelle une
complémentarité entre l’action des pouvoirs publics et celle des organismes
de sécurité sociale. Le temps de la décision politique et le temps des actes
de gestion obéissent certes à des échéances et à des rythmes distincts mais
les deux méritent d’être toujours mieux articulés pour répondre à l’exigence
66 d’efficience des politiques de sécurité sociale.
Chapitre 3
Comptes sociaux et financement

C’est à l’annonce des déficits du régime général que le problème du finan-


cement de la sécurité sociale est le plus souvent évoqué. Or, un tel prisme
s’avère trop réducteur pour en cerner les différentes dimensions, alors même
que les masses financières en jeu (25 % du produit intérieur brut) sont nette-
ment supérieures à celles du budget de l’État. Seule la référence à l’organisa-
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tion financière de la sécurité sociale et à son mode de pilotage permet de
rendre intelligibles les déficits voire les excédents constatés, ainsi que la dette
sociale. Au-delà, et sans éluder par ailleurs la nécessité de maîtriser les
dépenses, le défi de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale soulève un
sujet connexe du précédent, mais distinct, celui de la réforme de la structure
des ressources de ses différentes branches plus que de ses régimes. Il s’agit
d’un chantier de réformes permanent depuis les années 1990, dont la
conduite est indissociable non seulement des évolutions du système de sécu-
rité sociale lui-même, mais aussi des transformations de l’environnement
économique. Il tend à accorder une place croissante aux recettes fiscales par
rapport aux cotisations sur les rémunérations du travail, en vue de tendre vers
un mode de financement à la fois plus juste et plus efficace.

1 Le cadre comptable et financier


de la sécurité sociale

L’analyse des soldes du régime général est révélatrice de l’état des


finances de l’ensemble du système de la sécurité sociale, à charge pour la
gouvernance financière instituée dans ce cadre d’établir les conditions de
l’équilibre des comptes, en dépit des fluctuations conjoncturelles.

A - La structure des comptes et les transferts


financiers
Il n’y a pas d’équilibre spontané entre les charges de prestations et les
recettes de la sécurité sociale compte tenu de la nature de leurs détermi-
nants respectifs (conjoncture économique et marché de l’emploi pour les
recettes, facteurs démographiques et besoins sociaux pour les dépenses).
La récurrence des déficits du régime général – qui représente à lui seul
80 % des dépenses de la sécurité sociale – en est la manifestation, tout en
tranchant avec l’équilibre des comptes de la plupart des autres régimes.
Bien qu’elle soit de prime abord surprenante, cette situation contrastée
s’explique au vu des relations financières entre régimes et de certaines
subventions de l’État au financement de la sécurité sociale. Elle invite 67
d’ailleurs à relativiser les résultats du régime général dans la mesure où
une partie des transferts financiers ainsi occasionnés l’amène à supporter
la charge de déficits d’autres régimes. Il n’en demeure pas moins que le
régime général demeure soumis au principe de l’équilibre comptable : les
3. Comptes sociaux et financement

charges de prestations doivent être couvertes par les cotisations et autres


contributions collectées au cours de la même période.
❚ Une situation différenciée selon les branches
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Confronter sur un même plan l’ensemble des dépenses et recettes du
régime général n’a guère de signification. Cette approche aboutit à
confondre dans un solde comptable unique cinq grandes catégories de
risques et charges (maladie, accident du travail, vieillesse [retraites], famille,
autonomie) alors même que leurs dépenses et recettes obéissent à des dyna-
miques qui leur sont propres. C’est pourquoi, l’ordonnance du 21 août 1967
a refondé l’organisation comptable et financière du régime général à partir
de la notion de branche, afin de pouvoir confronter les dépenses et les
recettes de chacune des catégories de risques, ce qui permet d’en affiner les
résultats comptables.
Il existe depuis la réforme Jeanneney de 1967 quatre branches dans le
régime général, auxquelles s’est ajoutée une cinquième branche, en l’occur-
rence la branche autonomie en vertu de la loi organique du 7 août 2020.
L’équilibre de chaque branche est assuré par la caisse nationale chargée de
la gérer (CSS, art. L.200-2).

La branche maladie couvre les risques de maladie, maternité, invalidité,


décès.
La branche accidents du travail englobe aussi le risque de maladie pro-
fessionnelle.
La branche vieillesse englobe aussi le risque de veuvage.
La branche famille correspond à la compensation des charges de famille.
La branche autonomie correspond à la compensation des charges de
soutien à l’autonomie (handicap, dépendance).

Confortée dans le régime général par la loi du 25 juillet 1994 relative à


l’organisation de la sécurité sociale, la notion de branche est également mise
en avant depuis 1996 par les lois organiques relatives aux lois de financement
de la sécurité sociale puisque celles-ci fixent des objectifs de dépenses par
branche englobant l’ensemble des régimes (➦ voir infra).
La notion de branche est d’autant plus cruciale à considérer qu’elle renvoie
à des situations comptables différenciées au sein du régime général comme
68 l’indique la figure ci-après :
)
(p
06

09
04

08
00

20
02

05

16

19
03

14

18
01

10

12
07

15
13
11

17

21
20
20

20

20
20
20

20

20

20

20

20

20
20
20

20
20

20

20

20

20
20

20
6
En milliards d’euros

–4

3. Comptes sociaux et financement
–14
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–24

–34 Régime général


RG + FSV
–44 CNAM maladie
CNAV
CNAF
–54

Source : Les comptes de la sécurité sociale, Rapport 2020 – Prévisions 2021, juin 2021.
Figure 3. Soldes du régime général et de ses branches

Plus précisément, l’analyse des comptes au cours de la période récente4


fait ressortir, abstraction faite de l’impact de la crise de la Covid-19, que :
– la branche maladie est confrontée de façon récurrente à un déséqui-
libre de ses comptes, en dépit d’une atténuation régulière des déficits de
2010 à 2019, sous l’effet d’un effort prolongé de maîtrise des dépenses ;
– la branche accident du travail affiche traditionnellement un léger excédent,
ce qui correspond en réalité à la marge de sécurité que requiert le processus
d’ajustement des recettes et des dépenses en vigueur dans celle-ci. Corollaire
de son caractère assurantiel, le particularisme de son mode de financement
(système de cotisations apparenté à celui du « bonus-malus » en fonction du
coût de l’indemnisation des risques professionnels) créé les conditions d’un
équilibrage des comptes de cette branche (➦ voir infra annexe) ;
– la branche vieillesse à laquelle s’adjoint le Fonds de solidarité vieillesse
(➦ voir chapitre 6) enregistre à nouveau un déficit depuis 2019 après
avoir retrouvé l’équilibre à partir de 2016, notamment sous l’effet des
réformes des retraites menées depuis 2003 ;
– la branche famille enregistre une tendance au retour à l’équilibre de
ses comptes, contrarié en 2020 par la survenance de la pandémie de la
Covid-19 ;

4. Il ne peut encore être fait mention des comptes de la branche autonomie dans la 69
mesure où elle a été créée en août 2020.
– la branche autonomie dont les comptes correspondent à ceux de la
Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA), devrait accuser un
léger déficit (– 0,6 Md€ en 2020, – 1,2 Md€ en 2021) à rapporter essen-
tiellement à l’impact de la crise sanitaire sur les dépenses et les recettes
3. Comptes sociaux et financement

de la branche.
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L’examen des comptes de la sécurité sociale révèle une situation variable
selon les branches : deux d’entre elles sont confrontées à un important désé-
quilibre structurel, en l’occurrence les branches maladie et vieillesse, tandis
que la branche accident du travail est structurellement équilibrée.
❚ Les mécanismes de solidarité financière entre régimes
Pour assurer l’équilibre financier de certains régimes en proie à un déclin
démographique fragilisant leur existence (par exemple, la diminution du
nombre d’agriculteurs dans le régime des exploitants agricoles sous l’effet
des mutations de l’économie, sans que les actifs restent en nombre suffisant
pour financer les prestations des retraités), et aussi, prendre en compte les
disparités de capacités contributives entre régimes de salariés, l’État a
déployé les deux mécanismes suivants de solidarité financière entre
régimes dont l’impact sur les comptes du régime général est significatif.

L’intégration financière (CSS, art. L.134-6) est la formule de solidarité


financière la plus simple. Elle consiste en la mise en commun des recettes
et des dépenses de deux ou plusieurs régimes.

Par ce dispositif, leurs soldes comptables – qu’il s’agisse d’excédents ou


de déficits – se trouvent confondus, mais les populations concernées conti-
nuent à être rattachées aux organismes relevant de leur régime d’apparte-
nance (salariés agricoles, membres des congrégations religieuses, etc.).
Inhérente à l’unité d’organisation de la branche famille autour du régime
général, l’intégration financière est aussi quasiment généralisée pour l’assu-
rance maladie depuis la création de la protection universelle maladie par la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Elle vaut également entre
le régime général et le régime des salariés agricoles en matière d’assurance
vieillesse-veuvage.

La compensation financière (CSS, art. L.134-1) est un mécanisme de soli-


darité financière plus complexe. À la différence de l’intégration, elle s’ap-
plique à des régimes pouvant être munis de règles différentes en matière
de cotisations et de prestations, et distingue entre les régimes de salariés
et de non-salariés. Hormis quelques compensations bilatérales spécifiques
(ex. : entre le régime général et le régime des mines pour l’assurance acci-
70
dent du travail), elle concerne essentiellement l’assurance vieillesse.
Sauf à sacrifier l’équité sociale et à introduire une solidarité à rebours, la
compensation vieillesse ne saurait faire financer les avantages de certains
régimes structurellement déséquilibrés, tels les régimes spéciaux, à partir
de transferts financiers de régimes moins favorables. C’est pourquoi la com-

3. Comptes sociaux et financement
pensation a pour objet, non pas de couvrir les déficits de certains régimes,
mais de corriger les écarts de situations démographiques entre régimes
d’assurance vieillesse ainsi que les écarts de capacité contributive des res-
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sortissants des seuls régimes de salariés (non prise en compte des capacités
contributives des ressortissants de ces régimes supposées insuffisamment
connues). Il résulte de ce double objet un dispositif à deux étages :
– niveau 1 : une compensation entre les seuls régimes d’assurance vieil-
lesse de salariés dont les régimes spéciaux, basée sur le double critère de
la situation démographique et des capacités contributives ;
– niveau 2 : une compensation uniquement démographique cette fois,
entre les régimes de salariés pris dans leur ensemble, d’une part, et les
régimes de non-salariés, d’autre part.

Le premier niveau repose sur la construction d’un régime fictif versant une
prestation de référence égale à la pension moyenne la plus faible (celle du
régime des salariés agricoles). Le régime ainsi créé génère une charge finan-
cière qui correspond au produit du montant de la pension de référence par
le nombre de titulaires d’une pension âgés d’au moins 65 ans. Cette charge
globale divisée par la masse salariale sous plafond (sur la notion de plafond,
➦ voir infra) des régimes concernés permet d’obtenir un taux de cotisations
moyen à partir duquel sont déterminées les recettes.
À partir à la fois du montant de la pension de référence et du taux de
cotisations moyen, il est calculé pour chaque régime entrant dans le champ
de ce premier niveau de compensation : la masse des prestations fictives qu’il
verserait en vertu du régime fictif, ainsi que celle des cotisations qu’il rece-
vrait. Le solde différentiel entre les dépenses et les ressources correspond
au transfert de compensation : s’il est positif, le régime concerné enregistre
un excédent à reverser ; au contraire, s’il est négatif, il est déficitaire et reçoit
une compensation à due concurrence du solde constaté.
Le deuxième niveau repose encore sur un régime fictif versant une presta-
tion de référence, c’est cette fois la pension moyenne la plus faible pour les
non-salariés (pension d’assurance vieillesse des commerçants) qui est prise
en compte. Surtout, le calcul des ressources de ce régime, qui ne peut être
effectué ici que sur une base strictement démographique, se fait à partir
d’une cotisation moyenne d’équilibre correspondant exclusivement à la cou-
verture des charges. Cette cotisation est obtenue par le rapport entre la
masse des prestations et le nombre des cotisants actifs du régime fictif. Pour
71
le calcul des transferts à opérer, les régimes de salariés forment un seul bloc
débiteur et le montant global du transfert est réparti entre chacun des
régimes de salariés au prorata de leurs masses salariales plafonnées.
Sous l’effet des mécanismes de solidarité financière ainsi mis en place, le
régime général, bien que déficitaire, supporte la plus grosse part des transferts
3. Comptes sociaux et financement

à ce titre au profit d’autres régimes de sécurité sociale, à l’instar des régimes


des mines ou des exploitants agricoles qui en sont les principaux bénéficiaires.
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S’ils consistent en des échanges à somme nulle, c’est-à-dire qu’ils ne créent
pas de ressources supplémentaires pour les régimes de sécurité sociale pris
dans leur ensemble, les transferts de compensation effectués au titre de l’inté-
gration et de la compensation inter-régimes aboutissent à concentrer sur le
régime général la plus grosse part des déficits de la sécurité sociale.
Compte tenu de la hauteur des masses financières qu’il met en jeu, le
régime général détermine à lui seul l’excédent ou le déficit des comptes de
la sécurité sociale.
❚ Les relations financières entre les régimes, 
l’État et d’autres contributeurs publics
Outre les cotisations qu’il verse en tant qu’employeur, en particulier au
régime général pour l’emploi de contractuels de la fonction publique, l’État
apporte certains concours financiers aux régimes de sécurité sociale, lesquels
ont un impact variable selon les régimes en fonction de leur objet et de leur
affectation. On en distingue trois grandes catégories, sachant que seules les
subventions d’équilibre fournissent un complément de ressources :

– les remboursements de prestations de solidarité, autres que des


prestations de sécurité sociale, que les organismes gestionnaires des
régimes versent, mais mises à la charge du budget de l’État (ex. : alloca-
tion aux adultes handicapés, aide médicale) ;
– la prise en charge des exonérations de cotisations : jusqu’au 1er jan-
vier 2019 la loi faisait obligation à l’État de compenser la perte de recettes
correspondante, date à partir de laquelle cette obligation a été assouplie.
Cette opération revêt le plus souvent la forme de l’affectation d’une res-
source fiscale, en particulier désormais d’une fraction du produit de la
taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
– les subventions d’équilibre accordées par l’État à de nombreux
régimes autres que le régime général (régime des exploitants agricoles,
régime des marins, régime de la SNCF, etc.). Comme leur dénomination
l’indique, ces subventions visent précisément à garantir l’équilibre comp-
table de ceux-ci. Pour la plupart des régimes spéciaux (ex. : régime de la
SNCF), les subventions de l’État ne font le plus souvent que compléter
72 les subventions des entreprises publiques concernées, celles-ci
revêtent la forme de « cotisations fictives ».
Établissement public de l’État, aux ressources essentiellement constituées
d’une fraction de la contribution sociale généralisée et de diverses autres
recettes (ex. : part du produit de la taxe sur les salaires), le Fonds de solida-
rité vieillesse institué par la loi du 22 juillet 1993 contribue également au

3. Comptes sociaux et financement
financement de la sécurité sociale en remboursant aux différents régimes
d’assurance vieillesse les dépenses correspondant aux avantages non contri-
butifs servis à leurs ressortissants : allocation de solidarité aux personnes
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âgées, validation de certaines périodes d’assurance non cotisée, etc.
Sous l’effet de l’intégration financière, des transferts de compensation
inter-régimes, notamment ceux en provenance du régime général, ainsi que
des subventions d’équilibre de l’État, la plupart des autres régimes se singu-
larisent par des comptes artificiellement équilibrés alors même qu’au regard
de leur déclin démographique, ils devraient être structurellement défici-
taires. Aussi les mécanismes de rééquilibrage mis en place en faveur de ces
régimes sont-ils à prendre en compte pour apprécier la portée du déficit du
régime général, lequel tend dès lors à se confondre avec le déficit global de
la sécurité sociale.
En tout état de cause, au-delà de la situation propre à chacun des régimes,
il ne peut être contesté que le solde global des comptes de la sécurité sociale
accuse chaque année un déficit principalement structurel. Or, ce phénomène
récurrent a donné lieu à la formation d’une dette sociale considérable. À telle
enseigne qu’il révèle les limites de la gouvernance financière de la sécurité
sociale face à l’ampleur du défi de la régulation des dépenses et des recettes.

B - Les instruments du pilotage financier


Instrument privilégié de la régulation des dépenses et des recettes, les
lois de financement de la sécurité sociale (CSS, art. L.O.111-3 et s.) visent
à construire l’équilibre des comptes de l’ensemble des régimes, même si elles
révèlent des limites intrinsèques.
❚ L’institution des lois de financement de la sécurité sociale
Jusqu’à la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1996,
lorsqu’un déficit prévisionnel était annoncé, le gouvernement décidait,
généralement dans l’urgence, de mesures de réduction de prestations ou
d’augmentation des cotisations pour le résorber. Adoptés dans un contexte
de dramatisation des déficits, ces plans de redressement financier mis en
place « au fil de l’eau » concernaient essentiellement l’assurance maladie
et permettaient, ne serait-ce que temporairement, un retour à l’équilibre
comptable, voire parfois à la surprise générale, une métamorphose des
déficits annoncés en excédents dans les comptes définitifs.
Une aussi longue absence de gouvernance financière de la sécurité sociale
73
et cette faiblesse du contrôle parlementaire peuvent sembler étonnantes.
Pourtant, elles se comprennent au regard d’un des principes fondateurs du Plan
français de sécurité sociale de 1945, celui de démocratie sociale. Abondés par
des cotisations sur les rémunérations du travail, les fonds des régimes de
sécurité sociale (régime général, régime agricole…) sont à l’origine soustraits
3. Comptes sociaux et financement

au droit de regard du Parlement, au motif qu’ils constituent la propriété des


travailleurs : c’est leur patrimoine commun, abondé par le fruit de leur travail.
À telle enseigne que les ordonnances du 21 août 1967 avaient attribué aux
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organisations syndicales et patronales la tâche d’assurer l’équilibre des comptes
du régime général, en particulier ceux de la branche maladie. Cependant, au
vu du large échec de cette gestion paritaire, le gouvernement a exercé par la
suite une emprise croissante sur le fonctionnement de la sécurité sociale.
Afin de renforcer le pilotage des finances de la sécurité sociale et de per-
mettre le contrôle du Parlement, la loi constitutionnelle du 22 février 1996 
a posé l’existence des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) en
introduisant un nouvel alinéa à l’article 34 de la Constitution selon lequel :
« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions
générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de
recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les
réserves prévues par une loi organique ». Cette rédaction est évocatrice de
l’impossibilité d’assimiler les finances sociales aux finances de l’État, dès lors
que les recettes et les dépenses de la sécurité sociale ont un caractère éva-
luatif, et ne peuvent être enfermées dans un cadre budgétaire strict. Elles
ont donc une portée normative beaucoup plus faible que les lois de finances
de l’État hormis en matière d’avance de trésorerie. Cette différence s’ex-
plique par le fait que les prestations de sécurité sociale ont un fondement
légal, de sorte que les organismes ne peuvent en cesser le paiement au motif
que l’enveloppe de crédits correspondante aurait été consommée.
❚ La présentation et le contenu des lois de financement
D’une façon formelle, les LFSS peuvent se définir comme les lois votées
par le Parlement, d’après un projet de loi élaboré par le gouvernement
(art. 39 de la Constitution), selon la procédure prévue à l’article 47-1 de la
Constitution.
Afin de renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale, la loi orga-
nique du 2 août 2005 a redéfini de façon substantielle le contenu et la pré-
sentation des LFSS. Substituée à celle du 22 juillet 1996, elle s’inscrit alors
dans le prolongement de la réforme de l’assurance maladie de 2004 et de la
loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) de l’État.

La présentation des lois de financement


La loi organique du 2 août 2005 introduit en la matière deux innovations
74 majeures :
– elle est pluriannuelle, ce qui conduit à structurer les LFSS en quatre
parties :
• la première partie comprend les résultats du dernier exercice clos
(année N-2, c’est-à-dire 2019 s’il s’agit de la LFSS pour 2021),

3. Comptes sociaux et financement
• la deuxième partie comprend les mesures rectificatives de l’exercice
en cours (année N-1), ce qui explique pourquoi le gouvernement ne
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recourt que rarement à des lois de financement rectificatives alors qu’il
peut néanmoins le faire,
• la troisième partie comprend les prévisions de recettes et d’équilibre
général pour l’année à venir (année N, celle de l’année pour laquelle la
LFSS est adoptée),
• la quatrième partie comprend les objectifs prévisionnels de dépenses
pour l’année à venir (année N) ainsi qu’un autre objectif à distinguer
des précédents : l’objectif national des dépenses d’assurance maladie
(ONDAM) (➦ voir infra) ;
– elle distingue branche par branche, en vue de permettre le vote des
soldes de tableaux d’équilibre. Destinés à rapprocher prévisions de
recettes et objectifs de dépenses, ceux-ci distinguent trois niveaux : pour
le régime général, pour l’ensemble des régimes de sécurité sociale et
pour les organismes concourant à leur financement comme le Fonds de
solidarité vieillesse. Il s’agit de permettre un vote sur les soldes (équilibre
ou déséquilibre) par branche, tels qu’ils ressortent des tableaux.

Afin d’améliorer l’information des parlementaires les lois de financement


sont accompagnées d’une série de dix annexes parmi lesquelles figurent
notamment les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale,
dénommés programmes de qualité et d’efficience jusqu’en 2020 (➦ voir
encadré 2), les objectifs et les moyens des organismes de sécurité sociale,
les recettes des régimes par catégories et par branches, les mesures d’exo-
nération des cotisations et leur compensation par l’État, etc.
Tableau 3. Tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes
de la loi de financement pour l’année 2021 (en milliard d’€)

Prévisions Objectifs 
Solde
et recettes de dépenses

Maladie 195,5 219,1 − 23,7

Accidents du travail et maladies


14,4 14,1 0,3
professionnelles

Vieillesse 242,9 251,9 − 9,0 75


Prévisions Objectifs 
Solde
et recettes de dépenses

Famille 49,6 49,3 0,3


3. Comptes sociaux et financement

Autonomie 31,2 31,6 − 0,4

Toutes branches (hors transferts


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519,5 552,0 − 32,5
entre branches)

Toutes branches (hors transferts


entre branches), y compris 517,5 552,4 − 34,9
Fonds de solidarité vieillesse
Source : Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Encadré 1. Les Rapports d’évaluation


des politiques de sécurité sociale (REPSS)

L’annexe 1 des LFSS présente les rapports d’évaluation des politiques de sécurité
sociale de chacune des branches. Ceux-ci comportent un diagnostic de situation,
des objectifs retracés au moyen d’indicateurs de performance, les moyens mis
en œuvre pour atteindre ces objectifs et les résultats atteints. Chaque pro-
gramme d’action détaille l’impact attendu de la politique menée sur plusieurs
exercices, au regard des dépenses engagées ou des recettes recouvrées, en
termes d’efficacité de la politique sociale. Sont également fixés des objectifs
quantifiés en matière de gestion du risque, de contrôle des indus et de lutte
contre la fraude, de qualité de service rendu, d’évolution des coûts de gestion de
chacune des branches.

Le contenu des lois de financement


Par-delà les aspects formels évoqués ci-dessus, le contenu obligatoire
des LFSS se rapporte à quatre objets :
– les prévisions de recettes par catégories : cotisations, impôts et taxes
affectés, contributions publiques, etc. ;
– les objectifs prévisionnels de dépenses par branche ;
– l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui
est à distinguer de l’objectif prévisionnel des dépenses de la branche
maladie susmentionné (➦ voir infra) ;
– le plafond autorisé des avances de trésorerie, autrement dit, des
découverts bancaires : il s’agit de la seule rubrique des lois de finance-
ment à avoir une portée normative.
76
La signification de ces objectifs, désormais votés par le Parlement, se
trouve amplifiée par l’extension de leur périmètre à l’ensemble des régimes
de base de la sécurité sociale, ainsi qu’aux fonds concourant à leurs finance-
ments (Fonds de solidarité vieillesse, Fonds de réserve des retraites) et à la

3. Comptes sociaux et financement
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).
En dehors de leur contenu légal, les LFSS comportent un contenu facul-
tatif qui n’en reste pas moins important puisqu’il comprend des mesures
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ayant, pour l’année à venir, un impact sur les dépenses, les recettes, l’amor-
tissement de la dette, la trésorerie et la comptabilité des régimes, ou encore
des mesures concernant la gestion des risques, la lutte contre les fraudes et
les règles d’organisation interne dès lors qu’elles ont un impact sur les condi-
tions générales de l’équilibre financier. Enfin, elles peuvent inclure toute
mesure relative à l’amélioration de l’information et du contrôle du Parlement
sur l’application des LFSS.
Cependant, toute disposition n’entrant pas dans ce cadre constitue un
« cavalier social » et est censurée par le Conseil constitutionnel.
❚ L’objectif national des dépenses d’assurance maladie
(ONDAM)
L’institution des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) a per-
mis la création de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie
(ONDAM).
Chaque année, ce dispositif permet au Parlement de fixer un objectif
général de prévision de dépenses pour l’ensemble des régimes d’assurance
maladie (225,4 Md€ pour 2021). Il couvre un champ de dépenses plus restric-
tif que celui correspondant à l’objectif prévisionnel des dépenses d’assurance
maladie fixé dans le tableau précité, puisqu’il se rapporte principalement aux
prestations afférentes à la prise en charge des frais de santé, ainsi qu’aux
indemnités journalières maladie, tout en excluant certaines prestations en
espèces (indemnités journalières maternité, pensions d’invalidité, capitaux-
décès). Il s’agit d’une rubrique essentielle des LFSS : elle correspond au taux
d’évolution des dépenses d’assurance maladie qui caractérise la marge de
manœuvre financière opposable aux professionnels et établissements de
santé pour l’année à venir, et est décomposé en six sous-objectifs :

– dépenses de soins de ville ;


– dépenses relatives aux établissements de santé ;
– dépenses relatives aux établissements et services pour personnes
âgées ;
– dépenses relatives aux établissements et services pour personnes han-
dicapées ; 77
– dépenses relatives au Fonds d’intervention régional ;
– dépenses relatives aux autres prises en charge.

Afin de faciliter le respect de l’ONDAM, la loi du 13 août 2004 a créé le


3. Comptes sociaux et financement

Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, lequel est
chargé de rendre un avis au plus tard le 1er juin, s’il en est besoin, sur la proba-
bilité de respect de l’objectif ainsi fixé. Au cas où cette instance envisagerait
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un éventuel dépassement de l’enveloppe de dépenses de 0,50 % de la masse
financière prévue, ce qui correspond à une marge de tolérance destinée à
prendre en compte les aléas (épidémies par exemple), elle rend un avis d’alerte
qui contraint l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et
le gouvernement à prendre les mesures de redressement nécessaires.
❚ L’examen du projet de loi et le contrôle de l’exécution 
des lois de financement de la sécurité sociale
par le Parlement
À partir de la date de dépôt du projet de loi de financement à l’Assemblée
nationale, fixée au plus tard le 15 octobre, les députés ont vingt jours pour
débattre et adopter le texte, avant qu’il ne soit transmis au Sénat qui doit le
voter dans les quinze jours, ces délais pouvant être allongés. Toutefois, si
dans les cinquante jours à compter de son dépôt, le projet n’a pas été adopté,
le gouvernement peut mettre en œuvre ses dispositions par voie d’ordon-
nance. Au cours de la discussion du texte, les parlementaires peuvent faire
valoir un droit d’amendement, de même que le gouvernent lors de son exa-
men devant l’Assemblée nationale.
Afin de fournir aux parlementaires, une information leur permettant
d’exercer leur contrôle sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale, la Cour des comptes est tenue de remettre chaque année un rapport
sur ce thème au Gouvernement et au Parlement afin d’accompagner le pro-
jet de loi de financement pour l’année suivante.
Enfin, comme le permet la loi organique du 2 août 2005 afin de renforcer
le contrôle parlementaire sur le financement de la sécurité sociale, l’Assem-
blée nationale et le Sénat ont créé au sein de leurs commissions des affaires
sociales une mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale 
(MECSS) qui a pour rôle d’évaluer les conditions de mise en œuvre des LFSS.
Cette mission dispose de pouvoirs d’investigation et peut solliciter l’assis-
tance technique de la Cour des comptes.
❚ La réforme des lois de financement de la sécurité sociale
À plusieurs reprises depuis 2012, la Cour des comptes a préconisé un élar-
gissement du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale pour
78
l’étendre aux comptes hospitaliers et aux régimes complémentaires rendus
légalement obligatoires (ex. : régime AGIRC-ARRCO) ou encore au régime
d’assurance chômage. Plus récemment (janvier 2020), le Haut Conseil du
financement de la protection sociale s’est inscrit dans le même sens.
Il n’est guère contestable que cette orientation aurait une double perti-

3. Comptes sociaux et financement
nence :
– au vu de l’imbrication croissante entre la sécurité sociale et les autres
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composantes de la protection sociale, compte tenu des politiques sociales
menées, laquelle nécessite de disposer d’une vision large de la sécurité
sociale ;
– au vu du cadre européen, puisque la loi de programmation des finances
publiques est présentée en se référant au périmètre des administrations de
sécurité sociale, lequel comprend non seulement la sécurité sociale mais
aussi les autres régimes sociaux.
Cependant, l’éventuelle substitution de lois de financement de la protec-
tion sociale aux lois de financement de la sécurité sociale se heurte à un
obstacle politique dans la mesure où une telle formule serait de nature à
remettre en cause l’autonomie des régimes d’assurance chômage et les
régimes de retraites complémentaires dont la gestion relève de la compé-
tence des partenaires sociaux.

C - La gestion de la dette sociale


La dette sociale correspond, d’une part, aux déficits cumulés retracés dans
les comptes des régimes de sécurité sociale et couverts le plus souvent au
moyen d’avances de trésorerie, et d’autre part, aux déficits transférés vers
la Caisse d’amortissement de la dette sociale et non encore amortis.
❚ L’incapacité de la sécurité sociale de recourir à l’emprunt
À partir des années 1990, sous l’effet de l’accumulation des déficits
annuels de la sécurité sociale, le problème de savoir comment faire face à
l’alourdissement de la dette sociale s’est posé de façon cruciale. Alors que
l’État a régulièrement recours à l’emprunt à moyen et long terme pour cou-
vrir ses déficits, les régimes de sécurité sociale se voient privés de cette
faculté. Cette impossibilité procède de la nature de leurs dépenses lesquelles,
étant constituées pour l’essentiel de prestations sociales, ont la nature comp-
table de dépenses de fonctionnement mais pas d’investissement.
❚ La gestion de trésorerie et le traitement de la dette
À défaut de pouvoir recourir à l’emprunt, l’Agence centrale des orga-
nismes de sécurité sociale (ACOSS), à laquelle incombe la gestion de tréso-
rerie du régime général, ne dispose normalement que de la faculté de
recourir à des avances de trésorerie auprès de la Caisse des dépôts et 79
consignations, c’est-à-dire à des découverts bancaires, en vue de faire face
à des décalages momentanés entre les décaissements de dépenses et les
encaissements de recettes. Elle peut néanmoins être autorisée par l’État,
depuis 2012, à souscrire des emprunts pour une durée inférieure à un an et
3. Comptes sociaux et financement

à émettre des titres de créances sur les marchés financiers pour la même
durée.
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La gestion de trésorerie consiste à mettre chaque jour à disposition des
organismes prestataires des cinq branches (maladie, accident du travail,
vieillesse, famille, autonomie) les fonds nécessaires au paiement des
prestations sollicitées (CSS, art. D.225-1 et s.).

En théorie, ces moyens de gestion de trésorerie ne sauraient être utilisés


durablement comme un substitut à l’emprunt. Pourtant face à la nécessité
de couvrir des déficits toujours plus accentués, les pouvoirs publics sont régu-
lièrement amenés à recourir et même à abuser de cette formule. Or, sur le
principe, comme l’a relevé à plusieurs reprises la Cour des comptes, cette
pratique est contestable puisqu’elle consiste à répondre à des besoins de
financement structurel de long terme par des ressources de trésorerie à très
court terme.
❚ L’apurement de la dette sociale
Aussi est-il apparu davantage opportun de répondre au problème de la
gestion de la dette sociale par une autre voie. C’est précisément l’objet de la
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) créée par l’ordonnance
du 24 janvier 1996. Il ne s’agit pas d’un organisme de sécurité sociale mais
d’un établissement public de l’État dont l’objet consiste à recourir à l’emprunt
en vue de couvrir les déficits des comptes de la sécurité sociale qui lui sont
transférés.
Pour rembourser les emprunts souscrits et les intérêts correspondants, la
CADES dispose d’une ressource spécifique avec la contribution au rembour-
sement de la dette sociale (CRDS), également créée par l’ordonnance du
24 avril 1996, ainsi que d’une fraction du produit de la contribution sociale
généralisée (CSG) (sur ces contributions, ➦ voir infra). Instituée initialement
pour 13 ans, la CADES a vu sa durée de vie prorogée à plusieurs reprises, dans
la mesure où il lui a été transféré une succession de déficits supplémentaires,
sans qu’elle ait été dotée du supplément de ressources correspondant. Or,
la banalisation de cette pratique aurait conduit à endetter toujours davan-
tage les générations futures. Afin de prévenir cette perspective, la loi orga-
nique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale
a imposé la règle selon laquelle tout nouveau transfert de déficits vers la
CADES doit s’accompagner d’un surplus de ressources à hauteur du supplé-
80 ment de dette sociale à amortir.
Encadré 2. La dette sociale après la crise de la Covid-19

Munie d’une durée de vie de 13 ans au moment de sa création en 1996, la CADES

3. Comptes sociaux et financement
a vu son existence prolongée jusqu’en 2033 par une loi organique et une loi ordi-
naire, en date du 7 août 2020, relatives à la dette sociale et à l’autonomie, dans
la mesure où il lui sera transféré 136 Md€ de dette selon un échelonnement de
quatre ans (de 2020 à 2023) afin de décharger la trésorerie de l’ACOSS qui dans
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cet intervalle, se trouve sollicitée temporairement en vue de couvrir le déficit
consécutif à la crise sanitaire. Sur ce montant global, 31 Md€ proviennent de
déficits déjà constatés au 31 décembre 2019, auxquels se sont ajoutés 13 Md€
de reprise de dette des hôpitaux en vertu de la loi « Ma santé 2022 » et… 92 Md€
de déficits créés en 2020 et anticipés pour 2021 voire les années suivantes.
Afin de permettre cette reprise de dette, la plus importante depuis sa création
en 1996, la CADES a prévu des programmes d’emprunts de moyen et long
terme, à hauteur de 20 Md€ en 2020, 40 Md€ en 2021, 40 Md€ en 2022 et 36 Md€
en 2023. Elle devrait ainsi devenir un des principaux émetteurs de dette non-
souveraine de l’Union européenne.
Pour effectuer ce remboursement des emprunts souscrits (plus des deux tiers
portent sur des durées égales ou supérieures à cinq ans), les recettes de cet orga-
nisme s’élèvent à environ 17 Md€ chaque année. Elles sont principalement consti-
tuées d’une recette spécifique, la contribution au remboursement de la dette
sociale (CRDS), et d’une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG).
Source : CADES.

Il serait illusoire de penser que l’efficacité du pilotage financier de la sécu-


rité sociale puisse à elle seule solutionner de manière durable le problème
de son équilibre financier. En effet, la dégradation des comptes sociaux
découle d’un décalage structurel entre le rythme d’évolution des dépenses
de prestations et celui des recettes, particulièrement marqué en période de
croissance économique faible. Il est dès lors opportun de s’interroger, non
seulement sur la façon la plus pertinente de maîtriser les premières, à travers
la poursuite des réformes de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse,
mais aussi sur celles à même de rendre le mode de financement de la sécurité
sociale mieux adapté au contexte contemporain.

2 L’évolution de la structure
des ressources

Héritage du modèle des assurances sociales dont la logique a longtemps


imprégné le système mis en place en 1945, le mode de financement de la
sécurité sociale repose encore de façon prépondérante sur des cotisations 81
assises sur les rémunérations du travail. Pour autant, ce constat ne saurait
faire oublier le déclin sensible de la place des cotisations depuis les années
1990 face à la tendance lourde à la fiscalisation massive des ressources de la
sécurité sociale.
3. Comptes sociaux et financement

Ainsi dans le régime général la part des impôts et des taxes affectés


est-elle passée de 2 % à 41 % de 1987 à 2018 sachant que la contribution
sociale généralisée en représente les trois quarts. A contrario, la part des
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cotisations a reculé de 90 % à 54 % au cours de la même période. Ce sont
toutefois des pourcentages moyens qui masquent des disparités parfois
accentuées entre les branches de la sécurité sociale : les cotisations repré-
sentent respectivement 96 % et 72 % des recettes de la branche accident du
travail et de la branche vieillesse du régime général contre seulement 35 %
et 60 % pour la branche maladie et la branche famille.

Transferts Autres produits


1% 2%
Taxes et autres
contributions
sociales

12 %

Cotisations sociales
CSG 54 %
29 %

2%
Cotisations
prises en charge
par l’État
Source : Les comptes de la sécurité sociale, Rapport 2020 – Prévisions 2021, juin 2021.

82 Figure 4. Répartition des recettes du régime général


en 2020 par catégorie
Au-delà des évolutions significatives auxquelles il a déjà donné lieu, le
mode de financement de la sécurité sociale est appelé à évoluer en perma-
nence. Il s’agit plus fondamentalement d’assurer sa soutenabilité financière
dans un contexte de faible croissance économique et de chômage élevé. Or,

3. Comptes sociaux et financement
une telle question invite à s’interroger sur l’évolution de la structure des res-
sources de la sécurité sociale : quel pourrait être un mode de financement
non seulement plus juste, mais aussi plus efficace, tout en demeurant com-
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patible avec les contraintes de la compétitivité économique et du soutien à
l’emploi ? La question soulevée s’inscrit en tout état de cause dans un
contexte de stabilisation des prélèvements sociaux, sachant que ceux-ci
représentent déjà 25 % du produit intérieur brut pour la seule sécurité sociale
et 32 % pour l’ensemble de la protection sociale (2019).

A - Les cotisations sur les rémunérations


du travail
À l’origine, le financement de la sécurité sociale était exclusivement
constitué de cotisations. Dues par les employeurs et/ou les salariés, ou
encore par les travailleurs non-salariés, elles étaient basées sur les rémuné-
rations du travail. Comme le souligne Pierre Laroque, la sécurité sociale est
alors comprise comme étant la propriété commune des travailleurs et les
fonds qu’elle mobilise comme le fruit de leur travail. Constituant un prélève-
ment obligatoire sui generis n’obéissant à aucune définition légale, les coti-
sations de sécurité sociale offrent des caractéristiques originales par rapport
aux contributions fiscales.
❚ La nature juridique des cotisations
Les cotisations de sécurité sociale sont définies par la jurisprudence du
Conseil constitutionnel comme des prélèvements obligatoires ouvrant
droit à des prestations et avantages versés par les régimes de sécurité
sociale. En effet, si le lien de commutativité entre prestations et cotisations
s’est relâché sous l’effet de l’universalisation de la sécurité sociale, la notion
de contrepartie demeure toutefois essentielle dans la conception qu’en
retient le juge constitutionnel : les cotisations sociales sont de nature contri-
butive car elles ouvrent droit à prestations (Cons. const., décision DC
n° 2014-698,6 août 2014). Elles se différencient de la sorte des impositions
de toutes natures à l’exemple de la contribution sociale généralisée (CSG)
(Cons. const., décision DC n° 93-325, 13 août 1993).
Le régime juridique des cotisations est plus souple que celui des imposi-
tions fiscales. Alors que la fixation des grandes composantes de l’assiette
(base de calcul) des cotisations relève de la loi, parce qu’entrant dans les
principes fondamentaux de la sécurité sociale (Cour cass., Ass. Plén. 10 juill.
1996), il incombe en revanche au pouvoir réglementaire de préciser les 83
modalités de l’assiette et de déterminer les taux des cotisations. De même,
la perception des cotisations n’a pas à être autorisée chaque année par la
loi de financement de la sécurité sociale ou la loi de finances de l’État. Le
régime des cotisations doit toutefois respecter le principe de l’égalité
3. Comptes sociaux et financement

devant les charges publiques (Cons. const., décision DC n° 97-393 du


18 déc. 1997).
Le fait générateur à prendre en compte pour déterminer les règles appli-
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cables en matière d’assiette ou de taux est la période d’emploi ou d’activité
professionnelle.
❚ L’assiette des cotisations
L’inclusion dans l’assiette
Elle repose sur une conception extensive des sommes à intégrer dans la
base de calcul des cotisations. Selon l’ancienne rédaction de l’article L.242-1
du code de la sécurité sociale, la détermination de l’assiette s’étend à toutes
les sommes versées en contrepartie ou à l’occasion du travail. S’inscrivant
toujours dans ce sens, le nouvel article L.242-1 renvoie depuis 2019 aux dis-
positions de l’article L.136-1-1, qui sont celles relatives à l’assiette de la
contribution sociale généralisée, sous réserve de la seule prise en compte
des revenus professionnels.
L’assiette des cotisations est la même quelle que soit la branche de la
sécurité sociale concernée, en ce qui concerne le régime général de la sécu-
rité sociale.
Plus précisément, les éléments constitutifs de l’assiette des cotisations
sont les suivants :

– Les rémunérations monétaires, c’est-à-dire :


• le salaire de base proprement dit,
• les compléments de salaire : primes, gratifications, etc.,
• les substituts de salaire : allocations complémentaires aux indemnités
journalières maladie, indemnités de congés payés, etc.
– Les avantages en nature sont également à prendre en compte dans
l’assiette des cotisations, dans la mesure où il s’agit d’éléments de rému-
nération, même s’ils se présentent sous une forme non monétaire. Ils
soulèvent néanmoins une question délicate, celle de leur évaluation. En
la matière, le principe est de retenir leur valeur réelle, mais certains
d’entre eux (ex. : logement, repas, véhicule de fonction) admettent aussi
une valorisation forfaitaire.
– Les sommes reçues de la part de tiers sont également incluses dans
84 l’assiette des cotisations dès lors qu’elles constituent pour les salariés
bénéficiaires un complément de rémunération. C’est à ce titre que les
avantages servis par les comités sociaux et économiques, qu’ils soient en
espèces ou en nature, sont pris en compte dans l’assiette des cotisations,
hormis ceux ayant un caractère social et culturel (ex. : bons d’achat,

3. Comptes sociaux et financement
chèques vacances) ou de secours en espèce (ex. : aide financière à la
famille en cas de décès du salarié).
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Afin de garantir la sécurité juridique du cotisant, l’URSSAF est tenue par
les circulaires et instructions publiées par le ministère en charge de la
sécurité sociale. Par ailleurs, la procédure du rescrit social (CSS,
art. L.243-6-3) permet à un cotisant d’interroger l’URSSAF sur l’interpré-
tation de certaines règles d’assiette (ex. : avantages en nature et frais
professionnels) et la réponse ainsi obtenue sera opposable à l’occasion
d’un contrôle ultérieur de l’URSSAF.

L’exclusion de l’assiette
Il existe toutefois certaines sommes et avantages qui échappent à l’as-
siette des cotisations étant communément désignées sous l’appellation de
« niches sociales » :

– les indemnités de rupture de contrat de travail parce qu’elles ont pour


objet d’indemniser un préjudice : indemnité de licenciement, indemnité
transactionnelle, etc., ceci dans la limite de montants maximaux ;
– les frais professionnels lorsqu’ils correspondent à des rembourse-
ments de frais (ex. : frais de transports, d’hôtel, de restauration) expo-
sés par le salarié, sous certaines limites, pour l’exercice de son activité
professionnelle ;
– les contributions des employeurs aux régimes complémentaires d’entre-
prise et de retraites supplémentaires sous certaines conditions ;
– certaines aides directes (ex. : titres-restaurants, chèques vacances) ou
formes de rémunération différée que les pouvoirs publics entendent pro-
mouvoir (ex. : primes d’intéressement et épargne salariale5, etc.).

Les limites de l’assiette


L’assiette des cotisations ne peut, sauf dans certains cas particuliers (per-
sonne handicapée, jeune de moins de 18 ans, apprenti, etc.) être inférieure
à une assiette plancher égale au montant du SMIC (1 554,58 € brut mensuel
au 1er janvier 2021, sur la base de la durée légale de travail), ou le cas échéant,

5. Les sommes versées à ce titre sont toutefois soumises à un prélèvement dénommé 85


forfait social au taux de 20 % (CSS, art. L.137-15 à L.137-17).
au montant de celui fixé par les conventions et accords collectifs de travail
applicables dans l’entreprise.
À l’inverse, l’assiette peut être assortie d’un plafond limitant la hauteur
des rémunérations à intégrer dans la base de calcul des cotisations, d’où
3. Comptes sociaux et financement

l’expression d’assiette plafonnée. Couramment désigné sous l’expression


de plafond de la sécurité sociale (41 136 € bruts par an, avant déduction des
cotisations et contributions supportées par le salarié, soit 3 428 € ramenés à
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un mois au 1er janvier 2021), ce seuil conduit à ne pas soumettre à cotisations
toute la partie des rémunérations se situant au-dessus.
Sous l’effet de mesures successives de déplafonnement des cotisations
ayant été adoptées pour les branches maladie, accident du travail et famille
dans les années 1980 et au début des années 1990, notamment en vue d’al-
léger le coût du travail sur les bas salaires (baisse du taux des cotisations
déplafonnées corrélatives), l’application du plafond ne concerne plus
aujourd’hui que les cotisations d’assurance vieillesse en raison des incidences
du plafond sur le financement des régimes complémentaires de retraites.
Encore convient-il de préciser que les cotisations d’assurance vieillesse sont-
elles aussi très partiellement déplafonnées (➦ voir tableau ci-dessous).
❚ Les taux de cotisation par branche
Conformément à la gestion de la sécurité sociale en branches, les taux de
cotisations sont fixés pour chaque grande catégorie de risques. Les règles
relatives à l’assiette sont les mêmes mais les taux diffèrent en fonction de la
hauteur des charges à couvrir et distinguent, le cas échéant, entre la part de
l’employeur et la part du salarié, comme l’indique le tableau ci-dessous.
Tableau 4. Taux de cotisations du régime général
(au 1er janvier 2021)

Taux
Branche Assiette Taux salarié Taux global
employeur
Maladie Totale 13,00 0,00 13,00
ou 7,00 % (1) ou 7 %
Accident Totale variable — variable
du travail (notifié
par la CARSAT)
Vieillesse Plafonnée 8,55 % 6,90 15,45 %
(≤ plafond
mensuel : 3 428 €)
Vieillesse Totale (= assiette 1,90 % 0,40 2,30 %
déplafonnée) (2)
86
Taux
Branche Assiette Taux salarié Taux global
employeur
Famille Totale 5,25 — 5,25

3. Comptes sociaux et financement
ou 3,45 % (2) ou 3,45 %
Autonomie Totalité 0,30 % (4) 0,30 %
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(1) Abattement de 6 points si les rémunérations annuelles des salariés n’excèdent pas 2,5 SMIC (CSS,
art. L.241-2-1).
(2) Assiette déplafonnée : assiette correspondant à la totalité de la rémunération brute, c’est-à-dire
non seulement celle correspondant à la part sous plafond, mais également s’il y a lieu celle supérieure
au plafond.
(3) Abattement de 1,8 point si les rémunérations annuelles des salariés n’excèdent pas 3,5 SMIC (CSS,
art. L.241-6-1).
(4) La contribution de solidarité pour l’autonomie (CASA) est une contribution de 0,3 % à la charge de
l’employeur, affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au titre de la branche
Autonomie. Elle est due en réalité par les salariés qui en compensent le coût pour l’employeur en
effectuant une journée supplémentaire de travail non rémunérée, la Journée de solidarité (à l’origine,
le lundi de Pentecôte). Elle est également due au même taux sur les pensions de retraite et les pensions
d’invalidité, sauf pour les personnes ayant de modestes ressources.

❚ Les allégements ou exonérations de cotisations


Sous l’effet de la crise économique, la montée des critiques sur le « poids
des charges sociales » s’est faite plus pressante au motif de leurs effets néga-
tifs sur le coût du travail et la compétitivité des entreprises. Aussi, pour les
besoins de la politique de l’emploi, les pouvoirs publics ont-ils développé de
façon croissante des dispositifs d’exonération des cotisations patronales de
sécurité sociale : leur apparition remonte à la fin des années 1970. Initialement
ciblés sur certains secteurs d’activité (textile) ou sur certaines catégories de
salariés (apprentis), ils ont pris au cours des trente dernières années un essor
substantiel. Il existe certes encore des exonérations ciblées, notamment pour
certains types de contrats (ex. : contrat d’apprentissage), mais le phénomène
le plus notable consiste dans la mise en place d’une politique d’exonération
des cotisations patronales massive (28 Md€ en 2019)6. Initialement
centrées sur les bas salaires (1,3 SMIC), les mesures correspondantes ont été
étendues au début des années 2000 pour compenser la hausse du coût du

6. Il s’ensuit que la progression du coût du travail constitué des rémunérations brutes


et des cotisations sociales a été moindre en France entre 2009 et 2019 : l’indice correspon-
dant a progressé de 18 points en France, contre 22 points pour l’ensemble de l’Union euro-
péenne. Pour autant, le coût horaire de la main-d’œuvre (36,6 €) y reste plus élevé que
dans la moyenne des pays de la zone euro (31,4 €), la France occupant la 2e place derrière
la Belgique (40,5 €) et avant les Pays-Bas (36,4 €) et l’Allemagne (35,5 €) (Sources : INSEE
et Eurostat). Sur le débat relatif aux allégements de cotisations sociales, voir notamment :
Y. L’Horty, Ph. Martin et Th. Mayet, « Baisses de charges : stop ou encore ? », Notes du 87
Conseil d’analyse économique, janvier 2019.
travail qui était consécutive à la réduction du temps de travail (passage aux
35 heures), puis élargies de façon dégressive par la réforme « Fillon » en 2005
aux rémunérations jusqu’à 1,6 SMIC. Par la suite, le Pacte de responsabilité
et de solidarité, engagé par le Président Hollande à partir de 2014, a conduit
3. Comptes sociaux et financement

à une baisse des cotisations d’allocations familiales (− 1,8 point, soit 3,45 %
contre 5,25 % auparavant) jusqu’à 3,5 SMIC depuis 2016. La transformation
en baisse de cotisations patronales du Crédit d’impôt pour la compétitivité
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et l’emploi par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a permis
de renforcer les allégements généraux : les cotisations d’assurance maladie
des employeurs ont été réduites de 6 points, passant de 13 % à 6 %, pour les
rémunérations inférieures à 2, 5 SMIC (➦ voir tableau sur les taux).
B - La fiscalisation des sources de financement
La préoccupation d’alléger le coût du travail pour les employeurs amène,
avec une insistance croissante, à privilégier l’idée selon laquelle les ménages
doivent supporter une part plus importante du financement des prestations
de sécurité sociale à la faveur d’une fiscalisation de leur financement. Il s’agit
d’une tendance d’autant plus marquée que, sous l’effet de sa généralisation
à l’ensemble de la population, la sécurité sociale comporte de plus en plus de
prestations de solidarité nationale.
❚ Le recours déjà ancien à des impôts et taxes affectés
Le mouvement de fiscalisation a tout d’abord consisté dans l’instauration
de taxes spécifiques, au produit directement affecté au financement de la
sécurité sociale. Qualifiés par le Conseil constitutionnel d’impositions de
toutes natures, ces impôts et taxes affectés (ITAF) ont surtout pour objet de
soumettre à contribution sociale des activités et comportements ayant des
conséquences coûteuses pour l’assurance maladie. Ainsi la taxe sur les primes
d’assurance automobile a été instaurée en 1967, compte tenu du coût des frais
de santé occasionnés par les accidents de la circulation. Au début des années
1980, se sont ajoutées un certain nombre de taxes comportementales sur les
boissons alcoolisées (1983) puis plus tard sur les boissons sucrées (2012) jugées
néfastes pour la santé, ainsi qu’une taxe sur la publicité pharmaceutique et, en
1991, une contribution des grossistes répartiteurs en médicaments. Par ail-
leurs, les sociétés commerciales acquittent depuis 1970 une contribution
sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), assise sur leur chiffre d’affaires, afin
de concourir au financement de la sécurité sociale des indépendants.
❚ Le tournant de la création en 1991 de la contribution
sociale généralisée
Une inflexion autrement plus significative vers la fiscalisation est fournie
avec l’institution par la loi de finances pour 1991 de la contribution sociale
88
généralisée (CSG) (CSS, art. L.136-1 et s.). Même si elle est constituée à hau-
teur de 87 % par une assiette constituée de rémunérations du travail, elle
offre néanmoins trois caractères originaux :

– une contribution affectée aux régimes de sécurité sociale, pour l’es-

3. Comptes sociaux et financement
sentiel au régime général, ce qui explique que le juge européen l’assimile
à une cotisation sociale (CJCE, aff. 14/98 et 169/98, 15 févr. 2000), alors
que le juge français y voit un impôt, car, contrairement à la cotisation
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sociale, son versement n’a aucune incidence sur les droits aux prestations
de celui qui l’acquitte (Cons. const. décision DC n° 90-285, 28 déc. 1990 ;
CE, n° 237395, 7 janv.2004) ;
– une contribution à assiette élargie qui, à la différence des cotisations
de sécurité sociale, ne s’applique pas seulement aux revenus d’activité
professionnelle mais presque à toutes les formes de revenus des
ménages. Toutefois, pour des raisons d’efficacité (éviter de créer de nou-
veaux services, permettre la retenue à la source ou le paiement spontané
de plus de 95 % du produit) et, pour éviter le reproche juridique d’une
rupture d’égalité devant l’impôt, la CSG a été scindée en plusieurs contri-
butions juridiquement distinctes :
• la CSG sur les revenus d’activité laquelle porte sur une assiette plus
large que celles de l’impôt sur le revenu (dont elle exclut la plupart des
abattements) et des cotisations sociales,
• la CSG sur les revenus de remplacement (pensions de retraite, indemnités
journalières maladie, allocations de chômage…), sachant que celle-ci est
assortie d’exonérations en faveur de certains revenus (bourses, RSA,
remboursements maladie…) et/ou de certaines personnes (invalides
ou non redevables de l’impôt sur le revenu),
• la CSG sur les revenus de la propriété constituée, d’une part, de la
contribution sociale sur les revenus du patrimoine et, d’autre part, sur
les produits de placement, étant précisé qu’elle est perçue en même
temps que le prélèvement libératoire sur ces produits,
• la CSG sur les mises ou gains de jeux ;
– une contribution proportionnelle dont le taux varie en fonction de la
catégorie de revenus (« plusieurs crédules »). Initialement fixé à 1,1 %,
il a été porté successivement à 7,5 % (1997), puis à 9,2 % sur les revenus
d’activité salariée et non salariée depuis le 1er janvier 2019 en substitution
de cotisations salariales. Mais il est en fait variable selon le revenu qu’il
touche : il est de 8,3 % pour les pensions de retraite et d’invalidité, mais
de 6,6 % pour les plus modestes ; 6,2 % pour les allocations chômage et
les indemnités journalières maladie. De leur côté, les revenus du patri-
moine sont soumis à une contribution au taux de 9,9 %, et les produits
sur les jeux, à un prélèvement d’une hauteur variable selon leur nature
(de 8,6 % à 13,7 %). Le produit annuel de la CSG s’élève désormais à plus 89
de 120 Md€ (2020), sachant qu’un point de cotisation sur les revenus
d’activité permet de collecter 12,7 Md€ contre seulement 8,7 pour un
point de cotisation déplafonnée. L’imposition des revenus d’activité four-
nit environ 70 % du produit, celle des revenus de remplacement 20 %,
3. Comptes sociaux et financement

celle des revenus de la propriété 10 % ;


– une contribution non-déductible en partie de l’impôt sur le revenu,
tout au moins à hauteur de 2,4 % (sur un taux global de 9,2 %) en vertu
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du principe habituel de la non-déductibilité du produit d’un impôt de
l’assiette d’un autre impôt.

❚ L’adjonction de la contribution au remboursement


de la dette sociale
Créée par l’ordonnance du 24 janvier 1996, la contribution au rembour-
sement de la dette sociale (CRDS) dont le taux est de 0,5 % s’applique à une
assiette encore plus large que celle de la CSG, s’élargissant aux prestations
familiales ce qui explique qu’un point de CRDS permet de collecter 14 Md€.
❚ La place grandissante de la taxe sur la valeur ajoutée
dans les recettes de la sécurité sociale
Afin de compenser les pertes de ressources de la sécurité sociale dues à la
politique d’exonération des cotisations de sécurité sociale, il y a une affectation
d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui concerne
pour l’essentiel la branche maladie dont elle représente désormais 20 % des
recettes (2019) après une nette progression sur la période récente (5 % des
recettes en 2017). Au total, les prélèvements sur la consommation des ménages
représentent 10 % de la structure du financement de la sécurité sociale.
La fiscalisation des ressources de la sécurité sociale a permis de clarifier
l’effort contributif à la charge des ménages et de lui donner davantage de cohé-
rence : les cotisations sur les rémunérations du travail continuent de financer
la plupart des prestations d’assurances sociales destinées à fournir un revenu
de substitution (ex. : pension d’assurance vieillesse) ; tandis que la CSG est
surtout destinée, quant à elle, à financer des prestations de solidarité nationale
déconnectées de l’activité professionnelle telles les prestations pour frais de
santé de l’assurance maladie ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

C - Le recouvrement et le contrôle des cotisations


et autres contributions sociales
Le recouvrement des cotisations et autres contributions sociales sur les
rémunérations du travail (ex. : CSG sur les salaires) relève de la compétence
des URSSAF (sur leur place dans l’organisation de la sécurité sociale, ➦ voir
90 chapitre 2), également compétentes en matière de contrôle des cotisations.
❚ Les obligations de paiement et déclaratives
de l’employeur
Les cotisations et autres contributions sociales sont dues au titre de

3. Comptes sociaux et financement
chaque période de travail.
Leur encaissement se trouve facilité, s’agissant des salariés, par la mise
en œuvre du prélèvement à la source. L’employeur est tenu au versement
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à l’organisme du recouvrement non seulement de la part patronale des coti-
sations mais aussi de la part due par le salarié : en vertu de la règle du pré-
compte, il doit retenir sur la rémunération qu’il paie, dite rémunération
brute, le montant de la part « ouvrière » des cotisations.
À l’appui du versement, il doit faire la déclaration du nombre de salariés
et de l’assiette salariale à soumettre à cotisations et contributions sociales.
Les cotisations sont exigibles selon des échéances fixées en fonction de
la taille de l’entreprise. Leur paiement doit intervenir :
– le 5 du mois suivant la période d’emploi pour les entreprises ayant au
moins 50 salariés, ou seulement le 15 si les salaires sont versés au début
du mois suivant ;
– le 15 du mois suivant la période d’emploi pour les entreprises de moins de
50 salariés. Toutefois, celles ayant moins de 11 salariés peuvent opter pour
un paiement trimestriel, soit le 15 du mois suivant le trimestre d’emploi.

La dette de cotisations de l’employeur vis-à-vis de l’URSSAF se prescrit


par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont
dues (cinq ans en cas d’infraction au travail illégal) (CSS, art. L.244-3).
Le paiement des cotisations est garanti par un privilège sur les biens
meubles et d’une hypothèque légale sur les immeubles.
❚ Le droit à l’erreur et le droit à la régularisation du cotisant
Lorsque pour la première fois, le cotisant a méconnu involontairement une
règle relative à l’assiette des cotisations ou a commis une erreur matérielle dans
l’accomplissement de ses formalités déclaratives vis-à-vis de l’URSSAF, il peut
désormais éviter d’être sanctionné. À cet effet, et de sa propre initiative, il doit
effectuer la rectification nécessaire et verser à l’organisme de recouvrement le
complément correspondant, étant précisé que celui-ci doit être inférieur à 5 %
du montant des sommes cotisations et contributions dues initialement.
Le droit à l’erreur ne joue donc qu’en cas de bonne foi du cotisant et ne
saurait être assimilé à un droit permissif au profit de cotisant sinon peu scru-
puleux, tout au moins frappé d’une négligence chronique.
91
❚ Les sanctions civiles et pénales à l’encontre du cotisant
Parce que l’employeur est responsable du versement des cotisations et
des déclarations sociales à l’URSSAF, et sauf s’il peut faire valoir son droit à
3. Comptes sociaux et financement

l’erreur, il s’expose à deux catégories de sanctions :


– les sanctions civiles : elles consistent principalement en des majora-
tions de retard (CSS, art. R.243-16). Leur taux est fixé à 5 % du montant
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des cotisations à défaut du versement à la date d’exigibilité ; plus 0,2 % au
titre de majoration de retard complémentaire par mois ou fraction de mois
de retard écoulé hormis en cas de redressement suite à un contrôle (0,4 %
susceptible d’être abaissé à 0,1 % en cas de paiement dans les 30 jours
suivant la mise en demeure). Outre les cas de remise automatique des
majorations de retard (aucun retard de paiement dans les 24 mois précé-
dents), elles peuvent être remises par le directeur de l’URSSAF si l’em-
ployeur débiteur prouve sa bonne foi. Il s’y ajoute le cas échéant des
pénalités financières, également rémissibles, en cas de non-fourniture
des déclarations sociales à l’URSSAF, ou d’erreurs dans celles-ci, à raison
de 1,5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, par salarié et par mois
(ou fraction de mois) de retard avec une limite fixée à 150 % de ce plafond ;
– les sanctions pénales : hormis en cas de fraude aux cotisations, elles
sont surtout utilisées en vue de punir la retenue indue du précompte (part
du salarié) par l’employeur. Celui-ci est passible de l’amende prévue pour
les contraventions de 3e classe pour chaque salarié concerné.

❚ Les procédures de recouvrement amiable et forcé


Pour que l’employeur s’acquitte des cotisations sociales, l’URSSAF peut
recourir à :

– une procédure de recouvrement amiable : elle consiste notamment


dans l’envoi au cotisant débiteur d’une mise en demeure (CSS,
art. L.244-2).Celle-ci détermine le montant des sommes réclamées, les
périodes de cotisations correspondantes et interrompt la prescription
quinquennale de l’action en recouvrement (à distinguer de la prescription
triennale de la dette de cotisation) ;
– une procédure de recouvrement forcé : si la mise en demeure reste
sans effet au terme d’un délai d’un mois, l’URSSAF peut délivrer une-
contrainte (CSS, art. L.244-9) qui, si elle n’est pas contestée par le coti-
sant, produit tous les effets d’un jugement, et notamment peut donner
lieu à la mise en œuvre par un huissier des voies d’exécution afin de per-
mettre la récupération de la créance de cotisations. Pour empêcher son
exécution, le redevable peut former une opposition à contrainte devant
92 le tribunal judiciaire sachant qu’elle doit être motivée.
❚ Le contrôle des services de l’URSSAF
Parce que les cotisations et autres contributions sociales sur les salaires
relèvent du système auto-déclaratif, les employeurs font périodiquement

3. Comptes sociaux et financement
l’objet de contrôles de la part des services des URSSAF, et il en est de même
des travailleurs indépendants pour leurs revenus professionnels à soumettre à
cotisations (CSS, art. L.243-7). Ils consistent à vérifier la concordance de l’as-
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siette des cotisations avec les éléments comptables s’y rapportant. Pour tenir
compte de la prescription de la dette de cotisations, les opérations de contrôle
portent sur les trois dernières années civiles et l’année en cours, de sorte que
les éventuels redressements ne peuvent remonter sur des périodes antérieures.
Les URSSAF peuvent procéder à un contrôle sur pièces, dans leurs services,
ou sur place, c’est-à-dire au siège de l’entreprise. S’agissant de ces derniers,
elles s’appuient sur des équipes d’agents spécialisés, notamment sur les ins-
pecteurs du recouvrement. Tenus au secret professionnel et agréés par
l’ACOSS, ces agents disposent de pouvoirs étendus (ex. : communication de
la comptabilité, du livre de paye et de tous les éléments utiles au contrôle,
interrogation de salariés dans l’entreprise). En l’absence de la fourniture d’élé-
ments comptables par le cotisant, ou en cas de comptabilité insuffisante pour
établir l’assiette des cotisations, l’inspecteur peut être amené à procéder à une
taxation d’office pour déterminer le montant des cotisations dues.
Le contrôle sur place doit être précédé d’un avis de passage, hormis en cas
de recherche de travail dissimulé. Une fois les opérations de vérification finies,
les inspecteurs doivent communiquer leurs observations aux employeurs
concernés en respectant le principe du contradictoire, ce qui conduit à leur
laisser trente jours pour répondre aux chefs de redressement relevés lors du
contrôle. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai, qu’une mise en demeure notifiant le
montant de cotisations redressé pourra être envoyée à l’employeur.

D - Les pistes de réformes du mode


de financement  de la sécurité sociale
❚ Le passage à la progressivité de la CSG et sa fusion 
avec l’impôt sur le revenu
Il a été tenté à plusieurs reprises d’assortir la CSG d’un mode de prélève-
ment progressif, comme ce fut notamment le cas avec la ristourne dégres-
sive de cette contribution instituée par la LFSS pour 2001 (Cons. Const.,
n° 2000-437 DC, 19 déc. 2000). Cependant, le Conseil constitutionnel a cen-
suré à chaque fois les mesures adoptées dans ce sens : il a jugé que le légis-
lateur ne pouvait rendre progressif le barème d’un impôt, catégorie juridique
à laquelle la CSG se rattache, sans que son assiette ne prenne en compte la
capacité contributive du contribuable, en l’occurrence le nombre et les mon- 93
tants des revenus des autres membres de son foyer fiscal.
L’introduction d’une plus grande progressivité dans le financement a éga-
lement donné lieu à l’idée d’une fusion de la CSG avec l’impôt sur le revenu.
Elle a été impulsée entre autres auteurs par Thomas Piketty dans l’ouvrage
Pour une révolution fiscale (2011). Elle consiste à regrouper dans un seul
3. Comptes sociaux et financement

impôt, l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS, en prenant pour assiette celle
de la CSG et en y appliquant un taux progressif. Il s’agit selon ses promoteurs
de parvenir de la sorte à un mode de prélèvement non seulement plus redis-
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tributif mais aussi plus lisible.
Un pourcentage du produit de ce nouvel impôt auquel serait soumise la plus
grande partie de la population serait affecté à la sécurité sociale. Plus précisé-
ment, le pourcentage des recettes à sa destination serait calculé en pourcen-
tage de la base fiscale en appliquant les mêmes taux que l’actuelle CSG, en vue
de garantir le même niveau de ressources aux régimes de sécurité sociale.
Or, la mise en place d’une telle réforme supposerait tout d’abord de par-
venir à rapprocher deux types de prélèvement aux caractéristiques fonda-
mentalement différentes :
– la CSG comporte un taux proportionnel et constitue un prélèvement
individualisé ;
– l’impôt sur le revenu se distingue par de multiples dispositions déroga-
toires (« niches fiscales ») et par les mécanismes du quotient « conjugal » et
« familial », en vertu desquels le taux d’imposition du contribuable, en prin-
cipe progressif, est fonction de la taille et de la composition de son foyer.
Un autre obstacle à surmonter tient au fait que la fusion de l’impôt sur le
revenu et de la CSG conduirait à remettre à plat la gouvernance des finances de
l’État et de la sécurité sociale. Or, une telle orientation ne va pas de soi : le prin-
cipe de l’autonomie de financement de la sécurité sociale par rapport à l’État
est profondément ancré et il serait nécessaire de définir les règles d’affectation
aux régimes sociaux d’une partie du produit du nouveau prélèvement unique.
Au-delà, et c’est sans doute l’interrogation la plus inquiétante dans un
contexte de crise des finances publiques et de remise en cause des prélève-
ments obligatoires, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG pourrait
laisser entrevoir celle des lois de finances et des lois de financement de la
sécurité sociale, et ainsi faire craindre que les fonds sociaux ne deviennent
une variable d’ajustement des finances publiques.
❚ L’hypothèse du recours à la taxe
sur la valeur ajoutée sociale
L’institution d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale, qui est à distin-
guer de l’actuelle affectation d’une fraction du produit de la TVA au finance-
ment de la sécurité sociale (➦ voir supra B), reviendrait en fait à augmenter
94 le taux de TVA en vue de substituer cette fraction de taux supplémentaire à
une partie des cotisations sociales dues par les employeurs.
Maintes fois évoquée au cours de la période récente, cette piste de
réforme comporte des avantages auxquels il semble d’emblée difficile de
résister :

3. Comptes sociaux et financement
– il s’agit tout d’abord d’une imposition productrice de ressources impor-
tantes (un point de TVA représente 5,7 milliards d’euros) et ayant un
caractère plus « indolore » que les cotisations ;
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– plus fondamentalement, un transfert des cotisations des employeurs
sur la TVA sociale apparaît comme un moyen d’améliorer la compétitivité
internationale des entreprises françaises : la TVA pèse sur les importa-
tions mais pas sur les exportations, alors qu’actuellement, les cotisations
patronales sont incorporées dans le coût des produits exportés et ceux
qui sont importés y échappent.

L’économie générale du passage à ce type de financement est la suivante :


pour les entreprises, la suppression d’une partie des cotisations des
employeurs permet une baisse du prix de revient des biens et des services
tandis que, pour les consommateurs, cette baisse est contrebalancée par
une hausse de la TVA. Par ailleurs, à la faveur de la baisse des charges sociales
et donc du coût du travail, les exportations sont vendues à un moindre prix,
tandis que les importations de biens de consommation voient leurs prix
s’accroître sous l’effet de la TVA sociale.
Attractif en apparence, le passage à la TVA sociale est néanmoins d’un
apport incertain sur la durée, une fois qu’il aura entraîné un effet temporaire
comparable à celui d’une dévaluation monétaire. Ce type de réforme est
aussi susceptible de soulever des réserves :

– sur le plan de l’efficacité, elle est fortement dépendante des compor-


tements des acteurs économiques. Les entreprises devraient certes
reporter l’intégralité de la baisse des cotisations patronales sous la
forme d’une baisse de leurs prix mais l’amélioration de leur compétitivité
n’est pas garantie pour autant. Elle suppose également que les salariés
ne récupèrent pas sous forme d’augmentation de salaire la perte de pou-
voir d’achat subi sous l’effet du surenchérissement des produits impor-
tés. Il s’agit donc d’une piste de réforme qui porte en germe un risque
inflationniste réel ;
– sur le plan de l’équité, le recours à la TVA comme source de financement
de la sécurité sociale est insatisfaisant dans la mesure où elle est assortie
dans les faits d’un barème plutôt régressif. Il s’avère en effet que la part de
la TVA dans les dépenses de consommation des ménages est inversement
proportionnelle à leurs revenus. Aussi la substitution de la TVA sociale à
une fraction des cotisations patronales de sécurité sociale pourrait-elle être
supportée assez fortement par les ménages les plus modestes. 95
À ces inconvénients qui tiennent à la nature de cette imposition s’ajoutent
des obstacles pratiques majeurs comme le niveau de fraude à la TVA, incon-
testablement supérieur à celui qui touche les cotisations sociales. Surtout, il
est permis de s’interroger sur l’opportunité de faire le choix de cette réforme :
3. Comptes sociaux et financement

elle ne concerne plus guère aujourd’hui les cotisations patronales dues sur
les salaires compris entre le SMIC et 1,6 SMIC, voire 3,5 SMIC, compte tenu
de l’ampleur des mécanismes d’exonération mis en place.
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La perspective d’une fiscalisation accrue du financement de la sécurité
sociale, qui serait à la charge des ménages, suppose, en vue d’en garantir la
cohérence, de mener une réflexion d’ensemble sur l’architecture des prélè-
vements obligatoires qui les concernent.

Conclusion

Il n’existe pas d’« assiette miracle » pour garantir le financement de la


sécurité sociale, dans la mesure où en matière de prélèvements sociaux, les
différentes assiettes produisent sur le moyen terme les mêmes effets, en
ce qui concerne les rentrées de ressources. Elles sont largement détermi-
nées par les évolutions du produit intérieur brut (PIB) et donc, sensibles à
la conjoncture économique. Aussi surmonter le défi du financement
suppose-t-il de faire des choix plus cruciaux qui soient guidés non seulement
par le souci de l’équilibre des comptes, mais également par le modèle de
solidarité que la société entend promouvoir. Pour autant quels que soient
les choix stratégiques effectués vis-à-vis du financement de la sécurité
sociale, ils ne doivent pas éluder une constante nécessité, celle de faire en
sorte que les ressources collectées soient utilisées au mieux des intérêts des
individus protégés, d’autant plus qu’ils en sont, d’une façon ou d’une autre
(cotisations, CSG, TVA, taxes comportementales, etc.), des contributeurs
obligés. La question de la performance de la sécurité sociale et de la perti-
nence de ses interventions se trouve dès lors immanquablement posée.

96
Annexe 2
La tarification et la prévention
de l’assurance accident du travail

3. Comptes sociaux et financement
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La tarification des cotisations
L’assurance accident du travail (AT) et maladie professionnelle (MP) est assortie
d’une tarification des cotisations destinée à favoriser la prévention de ces
risques. Inspiré par la logique assurantielle du bonus-malus, le mode de fixation
des cotisations, qui sont à la seule charge de l’employeur, peut être individualisé
en tout ou partie, afin de tenir compte du coût des risques professionnels sur-
venus aux salariés.
Le mode de tarification est déterminé par référence à l’effectif global de l’entre-
prise (totalisation de l’ensemble de l’effectif pour savoir quel mode de tarification
s’applique), mais l’unité de tarification, celle pour laquelle est calculé le cas
échéant le taux individualisé ou le taux mixte, n’est plus l’entreprise, mais chacun
des établissements qui la composent :

Effectif  Type Taux applicable à l’établissement


de l’entreprise de taux

150 salariés Individuel Cotisation individualisée calculée d’après le coût


et plus des AT et MP survenus lors des 3 dernières années.

De 20 Mixte Taux mixte calculé à partir du taux collectif


à 149 salariés applicable à l’activité principale exercée (APE)
corrigé par le taux individuel, étant précisé
que ce dernier joue dans une proportion
d’autant plus importante que le nombre de salariés
se rapproche de 150.

Moins Collectif Taux collectif qui diffère selon l’activité principale


de 20 salariés exercée.

Le taux collectif est d’une certaine façon partiellement individualisé : chaque


établissement est classé en fonction du risque professionnel auquel il se rapporte.
La caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) procède à ce classement
en se référant à l’activité principale exercée (APE).
À la cotisation d’assurance accident du travail (dont le taux brut est calculé en
fonction des règles ci-dessus), s’ajoutent quatre majorations assorties de taux
distincts (valeurs au 1er janvier 2021) au titre des :
– accidents de trajet – M1 : 0,20 % ;
– charges générales – M2 : 51 % du taux brut augmenté de la majoration trajet
ci-dessus. Cette majoration sert à couvrir les charges de gestion administrative, 97
de rééducation et d’alimentation de fonds spéciaux, ainsi que le reversement
annuel à la branche maladie d’une somme (1 Md €) pour les prestations qu’elle
supporte indûment du fait de la sous-déclaration des accidents du travail par les
employeurs ;
– charges spécifiques – M3 : 0,37 % ;
3. Comptes sociaux et financement

– départs anticipés en retraite pour pénibilité du travail – M4 : 0,03 %.


Les taux collectifs des cotisations et des majorations sont fixés chaque année
par le ministre en charge de la sécurité sociale, sur proposition de la Commission
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des accidents du travail de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Ils sont
déterminés de façon à garantir l’équilibre financier de la branche.
Des cotisations supplémentaires peuvent être imposées aux entreprises qui
refusent d’adopter les mesures de sécurité souhaitées. Elles peuvent atteindre
jusqu’à 25 % du taux normal (triplée en cas de mesures non mises en œuvre dans
les délais). En cas de faute inexcusable, une cotisation supplémentaire est impo-
sée. Des ristournes peuvent être accordées aux entreprises en mode de tarifica-
tion mixte ou collectif ayant accompli un effort soutenu de prévention des
accidents du travail ou maladies professionnelles.
L’action directe de prévention AT-MP
Outre la tarification des cotisations, les CARSAT conduisent sous l’égide de la
CNAM et de la Commission des accidents du travail et des maladies profession-
nelles, une action directe de prévention. Pour cette action de prévention, elles
disposent d’équipes d’ingénieurs-conseils et de contrôleurs de sécurité lesquels
effectuent des visites dans les entreprises. L’activité de ces équipes est certes
tout d’abord tournée vers le conseil aux entreprises, mais elles disposent aussi
du pouvoir de mettre en demeure tout employeur de prendre des mesures de
sécurité indispensables, et si celui-ci n’y donne pas suite, elles peuvent lui impo-
ser une cotisation supplémentaire (CSS, art. L.422-1 à L. 422-4).
De surcroît, les CARSAT ont la possibilité de conclure des contrats de prévention
avec les petites et moyennes entreprises de moins de 200 salariés relevant de
certains secteurs d’activité à risques professionnels élevés. Dans ce type de
contrat, un véritable plan de prévention prenant en compte la totalité des risques
de l’entreprise est établi. Il consiste à déterminer les objectifs et les programmes
d’actions, d’en fixer le délai de réalisation, ainsi que les moyens financiers néces-
saires et la participation de la CARSAT (maximum de 25 000 €). Pour les entre-
prises de moins de 50 salariés, il existe aussi le dispositif Subvention Prévention
Très petites entreprises.
Enfin, avec le concours de leurs comités techniques régionaux, les CARSAT
peuvent élaborer des recommandations générales à destination des
employeurs qui dans leurs circonscriptions, exercent les mêmes activités ou uti-
lisent un matériel similaire, pour les soumettre à des mesures de prévention. Pour
être applicables ces dispositions générales doivent obtenir l’homologation du
directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités
(DREETS).

98
Chapitre 4
Assurance maladie et accès aux soins

Outre l’existence d’un système de soins de qualité, la protection de la


santé suppose de garantir le droit à l’accès aux soins pour tous. Dans cette
perspective, l’assurance maladie, celle de la sécurité sociale, vise à concilier
socialisation des risques de santé et offre libérale des soins, ce qui en
détermine les caractéristiques fondamentales. Désormais généralisée à
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l’ensemble de la population, elle joue un rôle majeur dans la couverture finan-
cière des risques de santé et ainsi, concourt à l’égalité sociale d’accès aux
soins. La hauteur de la prise en charge de l’assurance maladie est fonction
du périmètre des soins et biens de santé couverts, ainsi que des tarifs et des
taux de remboursement. Pouvant faire supporter à l’assuré social une frac-
tion de ses frais de santé dite reste à charge, les prestations de l’assurance
maladie s’articulent le plus souvent avec celles de couvertures complémen-
taire pour y faire face.

1 Les caractères fondamentaux


de l’assurance maladie

S’inscrivant à l’origine dans la tradition bismarckienne des assurances


sociales, le système français d’assurance maladie tend néanmoins à s’en
émanciper depuis les années 2000. S’il se rapproche par certains aspects du
modèle de sécurité sociale de Lord Beveridge (ex. : mise en place d’un « gate
keeper » sous la forme du médecin traitant, développement de la rémunéra-
tion au forfait des professions de santé), il s’en distingue toutefois sur deux
points essentiels : il n’est pas assorti d’un Service national de santé (National
Health Service au Royaume-Uni) et l’organisation de l’assurance maladie est
distincte de celle de l’offre de soins. C’est pourquoi, à la différence d’autres
volets de la sécurité sociale (branche vieillesse, branche famille), l’assurance
maladie met en jeu une relation triangulaire : en sus de la relation entre les
assurés sociaux et les organismes prestataires, elle implique d’établir un
mode de relations entre les caisses d’assurance maladie et les professions et
établissements de santé. Le corpus de règles juridiques applicables à chacune
de ces deux relations bilatérales interfère sur la relation entre le patient et le
praticien libéral, sur leurs droits et obligations respectifs vis-à-vis du bon
usage des soins et biens médicaux, d’autant plus que le premier a quasiment
toujours la qualité d’assuré social, et le second, celle d’un praticien conven-
tionné avec l’assurance maladie.

99
Système
de soins Tarifs conventionnels
Tarifs réglementaires
4
1
4. Assurance maladie et accès aux soins
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Tarifs conventionnels 5
Tarifs réglementaires
2
AMB
Patient
Assuré AMC
3

Légendes :
1. Relations de soins 5. Relation conventionnelle
2. Relation statutaire*
AMB : assurance maladie de base
3. Relation contractuelle
AMC : assurance maladie complémentaire
4. Relation statutaire*
* Relation fixée par la loi et le règlement (décret, arrêté)

Figure 5. La relation triangulaire entre l’assuré


social-patient, les professions et établissements de santé,
les caisses d’assurance maladie

A - La conciliation d’une organisation libérale


des soins et de la socialisation des risques
de santé
Il s’agit de l’un des problèmes les plus complexes auxquels se trouve
confronté le système français d’assurance maladie. Il s’est d’ailleurs posé
dès l’annonce de la création des assurances sociales à la fin des années
1920. Alors soucieuse de préserver l’exercice libéral, la Confédération syn-
dicale des médecins français a adopté en 1927 la Charte de la médecine
libérale qui en fixe les principes, aujourd’hui érigés en principes déonto-
logiques fondamentaux dans le code de la sécurité sociale (CSS,
art. L.162-2) :

ȃ libre choix du professionnel ou de l’établissement de santé ;


ȃ liberté de prescription ;
ȃ principe de l’entente directe ;
100 ȃ liberté d’installation.
Or, les contraintes inhérentes à l’efficacité et, au-delà, à l’efficience du
système d’assurance maladie, s’accommodent mal de la mise en œuvre de
tels principes. Si l’organisation de la sécurité sociale instituée en 1945 a pré-
servé l’organisation libérale des soins, elle a dû en aménager voire en
remettre en cause certains principes, ce qui a eu davantage d’incidence pour
les professions libérales de santé que pour les assurés sociaux.

4. Assurance maladie et accès aux soins
❚ La liberté de l’assuré social vis-à-vis de l’accès aux soins
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Elle est tout d’abord entendue au sens de la liberté de choix du médecin,
des autres professionnels de santé (auxiliaires médicaux, pharmaciens, trans-
porteurs sanitaires…) et des établissements hospitaliers publics ou privés.
Elle peut néanmoins être assortie de quelques restrictions, en particulier
dans le cadre du parcours de soins coordonnés, même si là encore l’assuré
social reste libre du choix du médecin traitant ou du médecin correspondant
(sur ce point, ➦ voir infra).
La liberté de l’assuré social vis-à-vis de l’accès aux soins invite plus fonda-
mentalement à s’interroger sur sa portée. Doit-elle ne concerner que les
soins à visée thérapeutique en lien avec une pathologie, ou peut-elle s’ouvrir
sur un champ pus large ? Si la question ne soulève guère la discussion lorsqu’il
s’agit de prévention sanitaire, il en est tout autre pour certaines catégories
de soins sans justification thérapeutique, tels ceux afférents à l’interruption
volontaire de grossesse (IVG) ou à la procréation médicale assistée (PMA).
Sous réserve du respect du cadre bioéthique fixé par la loi, il a été admis après
d’âpres débats d’accompagner le droit à l’IVG ou à la PMA d’une prise en
charge totale des traitements correspondants par l’assurance maladie. C’est
d’ailleurs une condition nécessaire pour que la liberté reconnue à la personne
ne soit pas entravée par une contrainte pécuniaire.
La liberté de l’assuré social ne doit pas être confondue avec une liberté
consumériste qui consisterait à lui laisser la possibilité d’accéder à n’importe
quels soins ou biens médicaux. Outre le fait que ceux-ci doivent être admis
au remboursement, la prise en charge de l’assurance maladie n’est déclen-
chée que s’il y a une prescription médicale ou un acte effectué par un méde-
cin, voire un auxiliaire médical, seul qualifié pour en apprécier le bien-fondé
au regard de l’état de santé de la personne en cause.
L’accord préalable, aussi dénommé entente préalable, constitue en outre
une procédure dérogatoire à la liberté d’accès aux soins pour certains soins
et biens médicaux (ex. : actes d’orthopédie dentofaciale, transports sanitaires
en série ou de longue distance, certains appareils médicaux) : elle a pour
objet d’en contrôler l’adéquation avec le besoin de santé de l’assuré social.
Les frais prévus à ce titre ne sont pris en charge que si, avant leur délivrance,
la caisse a donné son accord après avis favorable du service du contrôle médi-
cal de l’assurance maladie, excepté en cas d’urgence. 101
❚ La liberté des professions de santé à l’épreuve
du compromis conventionnel
Eu égard à la nature des enjeux qu’elles soulèvent, les relations entre la
médecine libérale et les caisses d’assurance maladie sont à même de sus-
citer des tensions entre les deux parties. Plus grave encore, comme ce fut
le cas après la création de la sécurité sociale en 1945, elles peuvent être
4. Assurance maladie et accès aux soins
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parcellaires ou inexistantes et laisser place à une simple coexistence entre
les caisses d’assurance maladie et les professions libérales de santé.
En effet, l’effectivité de la socialisation des risques de santé suppose, d’une
part, que les honoraires pratiqués correspondent aux tarifs de rembourse-
ment, tout décalage étant forcément préjudiciable à l’égal accès aux soins
des assurés sociaux. D’autre part, et c’est une préoccupation apparue à
partir des années 1990, les professions libérales de santé, tout particuliè-
rement les médecins en leur qualité de prescripteurs de soins et biens
médicaux, sont invitées à participer à l’effort de maîtrise de l’évolution des
dépenses de santé afin de concourir au respect de l’objectif national des
dépenses d’assurance maladie (ONDAM) (➦ voir chapitre 3). Or, si elles se
comprennent au regard du fonctionnement du système, les orientations
de la politique d’assurance maladie sont susceptibles d’entrer en confron-
tation avec les principes de la médecine libérale comme ceux de l’entente
directe ou de la liberté de prescription.
Instituées en vertu de la loi du 3 juillet 1971, les conventions entre les
caisses d’assurance maladie et les diverses professions libérales de santé
(médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, etc.) visent précisément à conci-
lier socialisation des risques de santé et offre libérale des soins. Elles offrent
en effet un cadre juridique à même de permettre une négociation et un
accord de volontés entre les deux parties. Pour autant, si elles entendent
sauvegarder l’exercice libéral, ces conventions n’en restent pas moins des
compromis et peuvent comporter des dispositions affectant certains de ses
principes.

Le régime juridique du système conventionnel


Face à la nécessité de prendre en compte les évolutions de la politique de
santé, la loi du 6 mars 2002 portant rénovation des rapports conventionnels
puis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie ont profondément
réformé le système conventionnel.
Ayant vu son champ et son objet d’élargir, il repose désormais sur une archi-
tecture structurée en plusieurs composantes (CSS, art. L.162-14-1 et s.) :

ȃ l’accord-cadre interprofessionnel (ACIP) passé entre l’Union nationale


des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et l’Union nationale des pro-
102 fessions de santé (UNPS). Applicable à un grand nombre de celles-ci
(médecins, chirurgiens-dentistes, biologistes responsables, pharmaciens
d’officine, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes,
pédicures-podologues, audioprothésistes, transporteurs sanitaires) et
conclu pour une durée maximale de cinq ans, il fixe les lignes directrices
des futurs conventions et accords conventionnels interprofessionnels.
C’est précisément l’objet de l’ACIP en date du 10 octobre 2018 ;

4. Assurance maladie et accès aux soins
ȃ les conventions par profession de santé, lesquelles constituent
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« l’épine dorsale » du système conventionnel.
Négociées entre l’UNCAM et les organisations syndicales des professions
libérales de santé reconnues représentatives, les conventions sont norma-
lement conclues pour une durée de cinq ans (à titre dérogatoire, la conven-
tion médicale de 2016 a vu sa durée de validité prolongée jusqu’en 2023), et
elles donnent lieu à des avenants et annexes. Les accords conventionnels
doivent être revêtus, en vertu de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance
maladie, de la signature d’organisations représentant la majorité des
membres de la profession concernée. Pour obtenir force exécutoire, ils
doivent être approuvés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la
sécurité sociale, ce qui leur confère pour la majeure partie de la doctrine
juridique la qualité d’acte réglementaire à élaboration contractuelle.
À défaut d’adoption d’une nouvelle convention, à la date d’échéance de
celle venant à expiration, selon la loi du 13 août 2004, les dispositions
conventionnelles antérieures continuent de produire leurs effets jusqu’à
l’entrée en vigueur d’un règlement arbitral, c’est-à-dire d’un règlement éta-
bli par un arbitre choisi par les deux parties.
Les conventions prévoient des instances paritaires, les commissions
conventionnelles paritaires (nationales, régionales et départementales)
associant des représentants de l’assurance maladie et des organisations de
médecins signataires. Elles ont pour rôle de suivre la mise en œuvre des
conventions, de régler les difficultés qu’elles peuvent susciter, et de suivre
les actions conventionnelles de maîtrise des dépenses.

ȃ les accords conventionnels interprofessionnels (ACI), à distinguer de


l’ACIP, sont conclus entre l’UNCAM et les organisations syndicales repré-
sentatives des professions de santé, pour une durée de cinq ans. Il s’agit
d’accords s’appliquant à un ensemble donné de professions libérales de
santé en fonction de leur champ d’application (ex. : médecins, infirmiers
et masseurs-kinésithérapeutes). Comme leur intitulé le laisse supposer,
ils se rapportent à des dispositifs voués à promouvoir la coordination et
la continuité des soins (ex. : ACI sur les communautés professionnelles
territoriales de santé [2019]).
103
L’impact de l’objet des conventions sur les principes
de la médecine libérale
Objet historique des conventions nationales, la fixation de tarifs oppo-
sables à la fois aux professions libérales de santé et aux caisses d’assurance
maladie porte atteinte au principe de l’entente directe, encore qu’il
convienne d’opérer une différenciation entre les deux volets de ce principe de
4. Assurance maladie et accès aux soins

la médecine libérale :
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ȃ le paiement à l’acte est remis en cause puisque les conventions avec
chacune des professions de santé fixent des tarifs de responsabilité,
c’est-à-dire opposables à la fois aux caisses d’assurance maladie et aux
médecins ou auxiliaires médicaux libéraux (sur le mécanisme de fixation
des honoraires conventionnels, ➦ voir infra) ;
ȃ le paiement direct est en fort déclin. L’assurance maladie a tout
d’abord pris la forme d’une assurance de remboursement des frais de
santé acquittés directement par l’assuré social. Mais à partir des années
1980 et surtout 1990, le tiers-payant s’est développé avec l’essor des
échanges de données informatisées : les frais de santé engagés sont de
plus en plus souvent payés par un tiers, en l’occurrence l’organisme d’as-
surance maladie de l’assuré. Cette procédure s’est étendue à de nom-
breux auxiliaires médicaux (infirmières libérales, masseurs
kinésithérapeutes, etc.). Or, si la loi de modernisation de notre système
de santé du 26 janvier 2016 s’est inscrite dans le prolongement de ce
mouvement pour les honoraires médicaux, elle a toutefois rencontré une
forte opposition des médecins libéraux. En la matière, le tiers-payant n’a
pu être élargi qu’aux seuls assurés couverts à 100 % par l’assurance mala-
die de base (femmes enceintes, assurés reconnus en affection de longue
durée), ce qui correspond néanmoins au total à 15 millions de personnes
et à la moitié des actes médicaux réalisés.
À partir des années 1990, le système conventionnel s’est profondément
transformé. L’objet des conventions consiste toujours à déterminer une tari-
fication des actes médicaux et d’auxiliaires médicaux, qui soit opposable à
la fois aux caisses d’assurance maladie et aux professionnels de santé libé-
raux, mais il s’est aussi élargi à d’autres préoccupations ayant trait à la régu-
lation médico-économique de la médecine de ville : respect de référentiels
de bonnes pratiques, parcours de soins du patient, répartition de la démo-
graphie médicale, etc. À cette fin, les conventions, notamment celles avec
les professions médicales, revêtent une fonction directive sur les compor-
tements de leurs membres, s’inscrivant dans le prolongement des textes
légaux pour s’en faire les relais et en préciser les modalités d’application.
Cette dimension s’est nettement affirmée par rapport à la fonction
104 d’échange initiale des conventions en vertu de laquelle les pouvoirs publics
s’engagent aujourd’hui encore à sauvegarder le mode d’exercice libéral en
contrepartie de l’acceptation par les professionnels concernés de pratiquer
des honoraires conventionnels.
Cette autre orientation des conventions et accords conventionnels a un
impact sur :

4. Assurance maladie et accès aux soins
ȃ la liberté de prescription : elle est tempérée par l’article L.162-4 du
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CSS selon lequel « les médecins sont tenus dans leurs prescriptions
d’observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en
vigueur, la plus stricte économie compatible avec l’efficacité du traite-
ment ». Dans le même sens, les conventions médicales sont d’un apport
plus opérationnel puisqu’elles rendent opposables aux praticiens
conventionnés les références médicales établies par la Haute Autorité
de santé en vue d’encadrer leur autonomie thérapeutique dans des
normes précises ;
ȃ la liberté d’installation : elle n’est limitée que pour les infirmières et
les masseurs kinésithérapeutes sachant que leurs conventions respec-
tives prévoient un mécanisme de conventionnement sélectif tenant
compte de la densité démographique des professions concernées. En
revanche, les conventions médicales ne comportent que des mesures
incitatives en ce qui concerne la régulation de la démographie médicale
sur les territoires. Ainsi il est prévu l’introduction, dans les conventions
nationales, de contrats-types nationaux relatifs à la démographie des
professionnels de santé libéraux, en particulier des médecins, qui ont
vocation à être adaptés au plan régional par les agences régionales de
santé, pour favoriser leur installation dans les zones insuffisamment
pourvues (CSS, art. L.162-14-4).

B - L’universalité du champ des bénéficiaires


de l’assurance maladie
Selon la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, « La Nation
affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de la
prise en charge des frais de santé » et « La protection contre le risque et les
conséquences de la maladie est assurée à chacun, indépendamment de son
âge et de son état de santé », étant précisé que chaque personne couverte
contribue au financement de l’assurance maladie en fonction de ses moyens.
❚ Le passage à la protection universelle maladie
Comme le suggère son appellation, le régime général de la sécurité sociale
constitue le socle de l’universalisation de l’assurance maladie de base. Bien
qu’il laisse subsister un certain nombre d’autres régimes auxquels incombe 105
également la couverture du risque maladie (régime agricole, régime de la
SNCF, etc.), il couvre à lui seul 93 % de la population.
Substituée à la couverture maladie universelle (CMU) de base par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2016, la protection universelle maladie
(PUMA) (CSS, art. L.160-1) est emblématique de l’universalité des prestations
ayant pour objet de couvrir les frais de santé, celles-ci étant encore souvent
4. Assurance maladie et accès aux soins

dénommées prestations en nature par distinction avec les prestations en espèces


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(indemnités journalières pour arrêt de travail) non concernées. À cet effet, la
PUMA repose sur le principe selon lequel toute personne qui travaille ou réside
en France de manière stable et régulière ouvre droit à la couverture de ses frais
de santé en cas de maladie ou de maternité. Antérieurement, le bénéfice des
prestations correspondantes dépendait du statut (salarié, ayant droit, etc.), à
défaut duquel il était nécessaire de solliciter la CMU de base. Dorénavant, en
matière d’assurance maladie, l’affiliation au régime général dépend de deux cri-
tères : l’exercice d’une activité professionnelle en France, ou en l’absence de
celui-ci, la résidence stable et régulière sur le territoire français.
L’institution de la PUMA a entraîné la réduction de la place de la notion
d’ayant droit de l’assuré social sachant que les personnes ayant atteint l’âge
de 18 ans ont désormais un droit propre à la qualité d’assuré social. En
revanche, sauf à exercer une activité professionnelle, les enfants à charge
n’ayant pas atteint cet âge demeurent ayants droit de leurs parents, ce qui
souligne la dimension familiale de l’assurance maladie.
Au-delà de l’assurance maladie, la PUMA permet aussi au titre de l’assu-
rance maternité, de bénéficier dans les mêmes conditions de la prise en
charge des frais couverts à ce titre.

L’assurance maternité prend en charge l’ensemble des frais de santé


occasionnés au cours d’une période comprise entre quatre mois avant la
date présumée de l’accouchement et 12 jours après celui-ci, ainsi que les
frais spécifiques rattachables à la maternité, notamment les examens
pré et postnataux (CSS, art. L.160-9).

❚ La prise en compte de la situation des étrangers


Compte tenu du principe de non-discrimination applicable en matière
d’assurance maladie et d’assurance maternité , les ressortissants de l’Union
européenne et la plupart des étrangers peuvent également bénéficier de la
prise en charge de leurs frais de santé, sous réserve de pouvoir justifier de la
régularité de leur séjour en France. Seuls les étrangers en situation irrégu-
lière s’en trouvent donc exclus. Ils sont néanmoins susceptibles d’être cou-
verts contre les risques de santé par l’aide médicale d’État à titre supplétif.
Cette forme d’aide sociale leur garantit une prise en charge à 100 % pour les
106 biens médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.
C - L’articulation entre l’assurance maladie
de base et l’assurance maladie complémentaire
À partir du moment où elle comporte des lacunes et insuffisances, l’assu-
rance maladie de base laisse une place à l’assurance maladie complémen-
taire, sachant que leurs couvertures respectives se réfèrent communément
au même périmètre des frais de soins et biens.

4. Assurance maladie et accès aux soins
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L’assurance maladie complémentaire est mise en œuvre par les mutuelles
(49 % des prestations versées en 2019), les institutions de prévoyance
(32 %) et les sociétés d’assurance (20 %), régies respectivement par les
codes de la mutualité, de la sécurité sociale et des assurances.
Même si elles ont le même domaine d’activités, et sont regroupées dans
l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie
(UNOCAM) pour leurs rapports avec l’UNCAM, les organisations concernées
n’en diffèrent pas moins du point de vue de leurs buts et mécanismes de prise
en charge, tout en s’inscrivant sur le même marché de l’assurance maladie
complémentaire lequel est ouvert à la concurrence en vertu du droit européen.
N’occupant encore qu’une place secondaire au début des années 1960,
l’assurance maladie complémentaire a vu l’effectif de ses bénéficiaires s’ac-
croître progressivement, notamment depuis les années 1980. Actuellement,
les garanties ainsi offertes concernent 97 % de la population dont les béné-
ficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S).
Si elle était traditionnellement facultative et individuelle, l’assurance
maladie complémentaire tend de plus en plus à devenir collective et obliga-
toire sous l’effet de sa généralisation progressive dans le cadre de la protec-
tion sociale d’entreprise. Parallèlement, l’État s’est attaché à partir des
années 2000, à mieux protéger les personnes inactives ou à faibles ressources
en créant des dispositifs spécifiques de couverture complémentaire.
Il se constitue de la sorte, une généralisation de l’assurance maladie com-
plémentaire qui tend de plus en plus à constituer un deuxième étage de prise
en charge des risques de santé.
❚ La superposition d’un deuxième étage d’assurance
maladie solidaire
L’extension progressive de l’assurance maladie complémentaire est encou-
ragée par les pouvoirs publics. Une réforme significative dans ce sens a été
posée avec la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, elle-même issue
de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui en a étendu le
bénéfice à tous les salariés du secteur privé à compter du 1er janvier 2016.
De surcroît, l’ordonnance du 17 février 2021 relative à la protection sociale
complémentaire dans la fonction publique en prévoit l’extension d’ici 2026 107
aux fonctionnaires et contractuels selon un modèle calqué sur celui des sala-
riés du secteur privé.
Institués en faveur de ces derniers, dans le cadre d’un accord de branche,
ou à défaut, d’un accord d’entreprise négocié entre les partenaires sociaux,
les régimes de complémentaire santé améliorent le contenu et le niveau de
la couverture des frais de soins et biens médicaux. Leur financement est
4. Assurance maladie et accès aux soins

supporté par l’employeur dans une proportion d’au moins 50 % et par le sala-
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rié, au moyen de cotisations proportionnelles au salaire. Ils s’accompagnent
de la mise en place de contrats collectifs dits contrats de groupe entre les
entreprises concernées et les opérateurs de l’assurance maladie complémen-
taire. Ils doivent comporter un bloc de solidarité, notamment pour l’action
sociale et la constitution de droits non contributifs. Il est également permis
aux anciens salariés de conserver leur complémentaire santé pendant un an
après leur départ de l’entreprise. Sous certaines restrictions, l’entreprise
demeure libre de choisir l’organisme opérateur du régime (mutuelle, institu-
tion de prévoyance, assurance privée).
Surtout, la mise en place de ces complémentaires santé d’entreprise abou-
tit à faire prévaloir dans l’assurance maladie complémentaire une logique
d’assurances sociales alors même qu’elle a désormais disparu dans l’assu-
rance maladie de base pour la prise en charge des soins. Le mode de fonc-
tionnement des régimes collectifs correspondants repose sur la mise en
œuvre des solidarités socioprofessionnelles face aux risques de santé.
Compte tenu de ces évolutions dans le paysage de l’assurance maladie
complémentaire, il se produit un phénomène de basculement progressif des
contrats individuels vers les contrats de groupe. Une telle mutation est de
nature à provoquer une hausse des cotisations des contrats individuels
puisque ceux-ci se voient vidés des « bons risques » au sens assurantiel (les
salariés en âge de travailler, moins touchés par les risques de santé), ce qui
limite dès lors les possibilités de péréquation financière entre les bons et les
mauvais risques. Aussi, en vue d’éviter une « démutualisation » des per-
sonnes âgées à faibles revenus ou des chômeurs, du fait du renchérissement
des contrats individuels frappant ces catégories, les pouvoirs publics ont
procédé à une recomposition des dispositifs de couverture complémentaire
aux individus sans ou à faibles ressources.
❚ Le particularisme de la complémentaire santé solidaire
(C2S)
Instituée au 1er novembre 2019 en remplacement de la couverture mala-
die universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide au paiement d’une
complémentaire santé (ACS), la complémentaire santé solidaire (C2S)
permet de couvrir l’ensemble des frais de soins et biens médicaux des per-
108 sonnes défavorisées. Elle est accordée pour un an renouvelable sans limita-
tion de durée, sous réserve de remplir, outre une condition de résidence,
une condition de ressources appréciée en fonction d’un plafond (au 1er avril
2021, 9 041 € pour une personne seule, modulable en fonction de la taille du
foyer). On distingue en la matière deux cas de figure :

ȃ si les ressources sont inférieures au plafond, la complémentaire santé


solidaire est attribuée à titre gratuit ;

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ȃ si les ressources sont comprises entre le plafond et le plafond majoré de
35 % (au 1er avril 2021, 12 205 € pour une personne seule), la complémen-
taire santé solidaire est attribuée en contrepartie d’une cotisation dont le
montant est gradué en fonction de la tranche d’âge du bénéficiaire (de 8 €
par mois si elle a 29 ans et moins, à 30 € si elle est âgée de 70 ans et plus).
Au nombre de 7,7 millions en 2020, les bénéficiaires de la complémen-
taire santé solidaire n’ont à supporter aucun frais de santé, sauf à avoir des
exigences particulières non dictées par des considérations de santé.

Encadré 3. L’effectivité du droit à l’accès aux soins


des personnes défavorisées

Selon une étude de la DREES (décembre 2015), l’ancienne CMU-C réduisait le


risque de renoncement aux soins pour raisons financières à la même hauteur
qu’une couverture complémentaire standard. Le problème de l’accès aux soins
des publics les plus défavorisés soulève des difficultés de toutes sortes, y
compris d’ordre socio-psychologique. Ce constat appelle du reste une interpré-
tation extensive de l’expression polysémique d’accès aux soins, laquelle désigne
tout autant la possibilité d’accès aux soins, notamment en termes de droits
sociaux, que le recours ou l’usage qui en est fait ou pas. Il débouche sur la ques-
tion connexe de la structuration des interventions des différents acteurs du
champ sanitaire et social pour l’accompagnement des bénéficiaires de la C2S
dans leurs droits à l’accès aux soins. Outre leurs actions de communication et de
prospection sociale pour faire adhérer à ce dispositif ses bénéficiaires potentiels,
les caisses primaires d’assurance maladie apportent au moyen de plates-formes
départementales d’accès aux soins (PFIDASS) un soutien personnalisé aux assu-
rés sociaux lorsqu’elles identifient une difficulté pour ce faire.

2 La prise en charge des dépenses


de soins et biens médicaux

À partir du moment où il dispose de la liberté d’accéder à un vaste périmètre


de soins et biens médicaux, l’assuré social peut être amené à commettre, en 109
tant que patient, des abus de consommation de soins et biens médicaux7. Afin
de dissuader ce type de comportements, la législation d’assurance maladie
pose le principe de la participation financière de l’assuré social à ses frais de
santé (CSS, art. L.160-13). Or, le reste à charge de dépenses qui en résulte est
susceptible d’être neutralisé par l’assurance maladie complémentaire, d’autant
plus que celle-ci s’est étendue à une fraction croissante de la population. C’est
4. Assurance maladie et accès aux soins

pourquoi, la loi du 13 août 2004 a innové en assortissant le parcours de soins


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coordonnés et le dispositif du médecin traitant d’une modulation de la parti-
cipation financière qui ne peut être couverte par une complémentaire afin de
garantir son caractère incitatif. Hormis pour les bénéficiaires de la complémen-
taire santé solidaire (C2S), le problème du reste à charge des frais de santé
continue néanmoins de se poser, notamment parce qu’il existe des décalages
entre les tarifs pratiqués par certains professionnels et établissements de santé
et les tarifs de remboursement de l’assurance maladie. Or, la résolution de ce
problème suscite de plus en plus la recherche d’une solution conjointe asso-
ciant l’assurance maladie de base et l’assurance maladie complémentaire. Pour
certaines catégories de soins et biens de santé (ex. : prothèses dentaires, lunet-
terie), les opérateurs de ce secteur de la protection sociale (mutuelles, institu-
tions de prévoyance, assurances privées) peuvent d’ailleurs assumer une part
de dépenses supérieure à celle de l’assurance maladie de base.
Appréhender les différentes facettes de la prise en charge de l’assurance
maladie invite à se replacer dans le cadre de la relation tripolaire – assurance
maladie/assuré social-patient/professionnels de santé – caractéristique de l’orga-
nisation du système de santé en France. Cette perspective amène à envisager la
prise en charge de l’assurance maladie, plus précisément de son dispositif de
prestations, à l’aune de la relation de soins entre l’assuré social/patient et le pro-
fessionnel de santé, et au-delà, du parcours de soins de la personne.

A - Le périmètre des soins et biens médicaux


pris en charge
S’il est classique de traiter de façon distincte la prise en charge des soins
curatifs et celle de la prévention, cette dissociation ne saurait faire oublier
l’unité profonde de l’assurance maladie face aux risques de santé.

7. Il existe une large concordance de périmètres entre le panier de biens et services


médicaux remboursable par l’assurance maladie et l’agrégat consommation de soins et
biens médicaux (CSBM) retracé dans les Comptes nationaux de la santé. C’est pourquoi
cet agrégat des Comptes de la santé est pris en compte. Il mesure la valeur des services
médicaux hospitaliers et assimilés, des services médicaux ambulatoires et des biens médi-
caux utilisés pour la satisfaction des besoins individuels (208 Md€ en 2019). Pour une vision
110 complète de la CSBM, voir les publications annuelles des Comptes de la santé, disponible
sur le site internet de la DREES.
Ainsi sous couvert de soins à finalité curative, l’assurance maladie assume
dans de nombreux cas la prise en charge d’actes en tout ou partie préventifs,
faute de pouvoir les isoler des actes curatifs. Une illustration typique de cette
situation est fournie par la consultation médicale qui, recouvrant des moyens
de diagnostic courants (prise de tension, auscultation…), est susceptible de
procéder d’une démarche individuelle de prévention. De même, bon nombre

4. Assurance maladie et accès aux soins
de médicaments, s’ils sont dotés de propriétés curatives, sont prescrits avec
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une finalité préventive (ex. : médicaments hypocholestérolémiants).

Encadré 4. Prestations de l’assurance maladie


et crise sanitaire

Le cadre législatif de l’assurance maladie offre la possibilité d’adapter les règles


de prise en charge des frais de santé et de certaines prestations en espèces
(indemnités journalières maladie) lorsque la protection de la santé de la popu-
lation le justifie, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment
d’épidémie (CSS, art. L.16-10-1).
C’est à ce titre que la pandémie de la Covid-19 a conduit les pouvoirs publics à
introduire temporairement des prises en charge dérogatoires dans l’assurance
maladie (assouplissement des conditions d’attribution des prestations, finance-
ment à 100 % des tests de dépistage, etc.), en lien avec le risque sanitaire en
cause, pour les seules personnes exposées à celui-ci.

❚ L’ancrage de l’assurance maladie dans une tradition


curative
Tournée traditionnellement vers la couverture des soins curatifs, l’assu-
rance maladie permet de couvrir des dépenses de santé de toutes natures :
honoraires des praticiens et auxiliaires médicaux, frais d’hospitalisation, de
pharmacie, d’appareillage, d’optique, de transports sanitaires, frais d’héber-
gement et de traitement des enfants et adolescents handicapés dans les
établissements spécialisés, etc. (CSS, art. L.160-8). Sont toutefois écartées
de ce champ celles engagées pour convenance personnelle (ex. : honoraires
médicaux de chirurgie esthétique), ou encore, celles correspondant à des
soins ou biens de santé dont le service médical rendu est insuffisant selon
l’avis de la Haute autorité de santé (ex. : depuis le 1er janvier 2021, les médi-
caments homéopathiques).

Au contraire de l’assurance maladie proprement dite, l’assurance mater-


nité concerne un champ d’intervention plus restreint puisqu’elle prend
en charge, dans leur quasi-totalité, les dépenses de santé liées à la gros-
sesse et à l’accouchement. Cependant, les suites pathologiques éven-
tuelles relèvent du domaine de l’assurance maladie. 111
❚ L’émergence du rôle de l’assurance maladie 
dans la prévention
Jusqu’à la fin des années 1980, l’intervention de l’assurance maladie dans
la prévention sanitaire était essentiellement circonscrite à la seule prise en
charge d’un examen de santé à périodicité quinquennale et de vaccinations
contre une dizaine d’affections (tétanos, poliomyélite, rougeole, diphtérie,
4. Assurance maladie et accès aux soins
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hépatite B, etc.).
Au cours de la période récente, la couverture de l’assurance maladie s’est
étendue à davantage de services et biens médicaux en lien avec la préven-
tion individuelle : patch anti-tabac, ostéodensitométrie, puis à d’autres
examens : consultation de prévention des cancers du sein et de l’utérus pour
les femmes de 25 ans et plus. Il est également prévu la prise en charge d’une
consultation à fort enjeu de santé publique au tarif majoré à hauteur de 46 €
(ex. : consultation de suivi et de coordination de la prise en charge des enfants
de 3 à 12 ans en risque avéré d’obésité).
En revanche, l’assurance maternité met depuis toujours l’accent sur la
prévention, contribuant ainsi à la protection maternelle et infantile. Elle
prend notamment en charge les séances préparatoires à l’accouchement, et
surtout les examens pré et postnataux afin de détecter les risques suscep-
tibles de menacer la vie de la mère et de l’enfant. Le bilan de ces examens
est porté sur le carnet de maternité remis à la future mère, à l’occasion de sa
déclaration de sa grossesse.
D’une façon générale, l’efficacité de la prévention suppose qu’elle ne se
limite pas à de simples prises en charge financières d’actions individuelles,
mais qu’elle mette en œuvre des programmes collectifs.
Cette démarche a donné lieu à la création en 1988 d’un fonds national de
prévention, d’éducation et d’information sanitaires géré par la CNAM (0,3 %
des dépenses curatives de l’assurance maladie). Il finance des programmes
de prévention collective ciblés sur telle ou telle catégorie d’âge (ex. : cam-
pagne de prévention bucco-dentaire pour les jeunes) ou tel ou tel type de
risques de santé (ex. : campagne de dépistage du cancer du sein ou cancer
colorectal). Plus récemment, elle a mis en place des structures d’appui à des
actions de prévention tertiaire, notamment en vue de favoriser l’éducation
thérapeutique du patient (ex. : plate-forme de service Sophia pour les
patients diabétiques).
S’en tenir à ce seul constat reviendrait néanmoins à appréhender le
rôle de l’assurance maladie dans la prévention sous un prisme réducteur.
Il convient également, afin de l’envisager sous ses différentes dimen-
sions, de le replacer dans le cadre de la relation tripolaire – assurance
112 maladie/assuré social-patient/professionnels de santé – qui caractérise
l’organisation du système de santé et d’assurance maladie en France.
Cette perspective révèle le rôle de l’assurance maladie en faveur de l’im-
plication des professions libérales de santé, notamment des médecins
libéraux, dans la prévention des risques de santé auxquels sont exposés
leurs patients.
À la faveur du parcours de soins coordonnés institué par la loi du 13 août
2004 relative à l’assurance maladie, le médecin traitant a non seulement

4. Assurance maladie et accès aux soins
pour missions le diagnostic et le traitement des pathologies mais aussi leur
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prévention et l’éducation à la santé. Instauré dans le cadre de l’assurance
maladie complémentaires en vue de tenir compte de ce parcours de soins,
le contrat responsable (➦ voir infra) permet une prise en charge totale
pour au moins deux soins de prévention considérés comme prioritaires
pour les pouvoirs publics.
De surcroît, le dispositif de rémunération sur objectifs de santé
publique (ROSP) des médecins généralistes (➦ voir encadré 5), instauré
dans la convention médicale, prévoit des items de prévention (ex. : pour
un médecin traitant, pourcentage de ses patientes de 50 à 74 ans partici-
pant au dépistage du cancer du sein, pourcentage de ses patient·e·s de 50
à 74 ans pour lesquels un dépistage du cancer colorectal a été réalisé au
cours des deux dernières années).

B - Les tarifs de prise en charge des soins


et biens médicaux
Ils déterminent, combinés avec les taux de prise en charge de l’assurance
maladie, la hauteur de la couverture de l’assurance maladie. Mais c’est aussi
un moyen d’orienter l’offre de soins en faisant en sorte que l’exercice de telle
ou telle spécialité médicale soit plus au moins attractif sur le plan financier,
ou encore que telle ou telle pratique de soins soit encouragée (ex. : dévelop-
pement de la chirurgie ambulatoire).
❚ Les honoraires médicaux et d’auxiliaires médicaux
La mise en place d’une tarification commune à l’assurance maladie et aux
professions de santé libérales suppose au préalable de définir les actes
concernés avec une précision suffisante et d’en mesurer la valeur : tel est
l’objet, pour les actes cliniques, de la nomenclature générale des actes pro-
fessionnels (NGAP), ainsi que la classification commune des actes médi-
caux (CCAM), substituée à la précédente pour les actes techniques. C’est à
partir des indications fournies par celles-ci que les praticiens et auxiliaires
médicaux effectuent la tarification des actes dispensés, en vue de leur prise
en charge par l’assurance maladie.

113
Un acte désigne la segmentation de la pratique d’un professionnel de
santé en différentes phases techniques ou cliniques. Sans doute, plus
aisément identifiable pour les gestes techniques, qui nécessitent des
équipements matériels importants (ex. : radiographie ou anesthésie), la
notion d’acte concerne aussi les activités cliniques fondées sur l’examen
du patient, comme la médecine générale ou la psychiatrie. Les actes
4. Assurance maladie et accès aux soins

cliniques représentent les 3/4 des actes réalisés contre le 1/4 pour les
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actes techniques.
S’agissant des actes cliniques répertoriés dans la NGAP, la fixation des
tarifs opposables à la fois aux professions libérales de santé et aux caisses
d’assurance maladie, dits tarifs de responsabilité, s’opère à partir de deux
éléments : la lettre clé et sa valeur monétaire.

La lettre clé désigne la nature de l’acte (ex. : consultation, visite) et la


qualification de l’exécutant (ex. : médecin généraliste, chirurgien-
dentiste).
Il existe de nombreuses lettres clés : le C pour la consultation de médecine
générale, le CS pour celle d’un médecin spécialiste, le CNPSY pour celle d’un
psychiatre ou un neurologue, les V, VS et VNPSY pour les visites, le K pour
les actes de spécialité notamment de chirurgie, les ID et IK pour les indem-
nités de déplacement ou kilométriques… Le cas échéant, la lettre clé est
assortie d’un coefficient multiplicateur, qui exprime l’importance de l’acte
en fonction de sa technicité. Il est mentionné immédiatement derrière la
lettre clé (ex. : K 50 ou B 75).
La valeur monétaire de la lettre clé concernée est fixée par voie d’accord
conventionnel entre l’UNCAM et les organisations syndicales représentatives
de la profession concernée.
Le montant des honoraires conventionnels s’obtient en multipliant cette
valeur par le coefficient de l’acte, ce qui correspond au tarif de responsabilité
de l’assurance maladie (ex. : la valeur d’une consultation de généraliste, qui
est cotée « C » avec un coefficient multiplicateur de 1, s’élève à 25 € au
1er septembre 2021).
S’agissant des actes techniques répertoriés dans la CCAM (12 233 actes
au 1er avril 2021), la fixation de tarifs opposables relève dans le principe de la
même démarche que celle applicable à la NGAP, dans la mesure où la codi-
fication qu’elle prévoit est assortie d’une valorisation tarifaire par l’UNCAM.
C’est une décision de l’UNCAM qui fixe la liste des actes techniques concer-
nés, lesquels doivent être validés au préalable par la Haute autorité de santé.
La CCAM relève d’un mode de fonctionnement ayant pour principales
114 caractéristiques d’être :
ȃ exhaustive : elle a vocation à répertorier l’ensemble des actes pris en
charge par l’assurance maladie. Il est d’ailleurs prévu qu’elle soit étendue
à terme non plus seulement aux actes techniques, mais également aux
actes cliniques en remplacement de la NGAP ;
ȃ bijective : à un libellé de la CCAM correspond un code et un seul, et
réciproquement ;

4. Assurance maladie et accès aux soins
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ȃ évolutive : elle est susceptible de s’adapter à l’évolution des pratiques
et techniques médicales ;
ȃ structurée autour de l’acte global : chaque libellé comprend implici-
tement l’ensemble des gestes nécessaires à la réalisation de l’acte dans
le respect des règles de bonnes pratiques.
En la matière, la tarification des actes techniques repose sur deux critères :
l’activité du praticien (la prestation intellectuelle) et le coût de la pratique 
(charges professionnelles : charges d’amortissement du matériel, par
exemple). Le classement des actes correspond à une logique médicale et se
fait par grand appareil du corps humain (système respiratoire, système ner-
veux…) et non par spécialité médicale. La fixation des tarifs des actes s’effec-
tue par voie d’accord conventionnel entre l’UNCAM et les organisations
syndicales représentatives des médecins libéraux.
Initialement destinée à la mise en place d’une tarification plus cohérente
des actes médicaux, la CCAM a surtout permis une meilleure connaissance
de l’activité médicale dans la mesure où elle est assortie d’un codage détaillé
des actes dispensés.

Encadré 5. Les autres formes de rémunération


des médecins

Afin de prendre en compte certaines activités des professionnels de santé libé-


raux pour lesquelles le paiement à l’acte se révèle mal adapté, le système
conventionnel a prévu à titre accessoire des dispositifs de paiement au forfait
inspirés du paiement à la capitation. C’est notamment le cas pour les médecins,
lesquels perçoivent aussi une rémunération à la performance :
ȃ la rémunération au forfait concerne certains types d’activités comme : la
coordination des soins. Ainsi la convention médicale du 25 août 2016 prévoit le
versement annuel d’un forfait constitué de deux éléments :
• le forfait patientèle médecin traitant : il s’agit d’un forfait par patient modulé
en fonction de ses caractéristiques : par ex., 7 à 79 ans hors ALD, 5 € ; plus de
80 ans avec ALD, 70 €.
• le forfait structure, lui-même scindé en deux volets : le premier comprend un
ensemble d’indicateurs relatifs à l’équipement du cabinet (ex. : utilisation d’un


logiciel d’aide à la prescription certifié et compatible avec le dossier médical 115

partagé) ; le deuxième volet, seulement accessible s’il y a atteinte par le méde-
cin des indicateurs précités, vise à développer les démarches d’appui au
patient dans le parcours de soins (ex. : déploiement de la télémédecine ; orga-
nisation de la prise en charge médico-sociale). Le montant du forfait structure
(volet 1 et volet 2) est déterminé en fonction du nombre de points acquis
(montant maximal de 6 185 € pour 2020). De son côté, le troisième volet est
4. Assurance maladie et accès aux soins

dédié à l’aide financière des caisses d’assurance maladie pour le recrutement


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d’un assistant médical en vue de permettre aux médecins de se libérer d’une
partie de leurs tâches administratives de leurs cabinets pour consacrer davan-
tage de temps aux soins et à la pratique médicale.
En outre, pour l’accomplissement de certaines missions, le médecin peut être
rétribué sous la forme d’un forfait ; tel est notamment le cas pour la rémunéra-
tion des gardes et astreintes dans le cadre de la permanence des soins.
ȃ la rémunération à la performance est la plus récente puisqu’elle a été intro-
duite en 2009 pour les médecins généralistes sous l’appellation de rémunéra-
tion sur objectif de santé publique (ROSP). Elle concerne certes les médecins
généralistes, mais a aussi été étendue à certaines spécialités médicales (ROSP
cardiologue, ROSP gastro-entérologue, ROSP endocrinologue). Elle revêt la
forme d’une prime annuelle qui est destinée à impliquer davantage les prati-
ciens dans la démarche de qualité des soins et dans l’efficience des pratiques
médicales, en conformité avec les référentiels établis par la Haute Autorité de
santé, ceux-ci servant de base à la fixation des objectifs assortis d’indicateurs
dans trois grands domaines : suivi des pathologies chroniques, efficience des
prescriptions, au travers notamment du recours aux génériques, et prévention.
Désormais, ce mode de rémunération constitue pour le médecin de ville une
incitation financière forte (prime de 5 091 € en moyenne au titre de 2020 pour
les médecins généralistes) à atteindre les objectifs individuels de bon usage
des soins et de prévention sanitaire.

❚ Les frais d’hospitalisation


La couverture de ces frais s’effectue à partir de deux dispositifs aux
logiques fondamentalement différentes :

ȃ la prise en charge sur la base d’une facturation par patient. Elle est
établie à partir de la tarification à l’activité (T2A), applicable à la fois aux
établissements publics et privés. Reposant sur des tarifs déterminés par
pathologie à partir de groupes de séjours homogènes, cette tarification
doit couvrir l’ensemble des soins (sauf les honoraires des médecins libé-
raux en clinique privée qui sont pris en charge comme en médecine de
ville) et médicaments, exception faite de certains d’entre eux, notam-
ment ceux répertoriés dans une « liste en sus », pris en charge de façon
séparée par l’assurance maladie ;
116
ȃ le financement des missions d’intérêt général (ex. : permanence
d’accès aux soins de santé [PASS] pour les personnes démunies) s’effec-
tue au moyen d’une enveloppe budgétaire financée par l’assurance mala-
die au titre des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation
(MIGAC).

❚ Les médicaments et spécialités pharmaceutiques

4. Assurance maladie et accès aux soins
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Seuls sont pris en compte les médicaments ayant reçu une autorisation
de mise sur le marché délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médi-
cament et des produits de santé. L’admission au remboursement a pour
objet d’en permettre la prise en charge par l’assurance maladie, sous réserve
qu’ils soient prescrits par un praticien médical. Elle est accordée en fonction
de l’évaluation du service médical rendu du médicament (intérêt sur le plan
de la thérapeutique) et précise les conditions de sa prescription et son utili-
sation ainsi que son prix. Cette procédure associe le Comité économique des
produits de santé, l’UNCAM et l’État. La fixation du prix donne lieu à une
convention avec le laboratoire fabriquant le médicament ou à défaut, à un
arrêté ministériel.
Par ailleurs, les relations entre l’assurance maladie et les pharmaciens
d’officine s’inscrivent également dans le cadre d’une convention nationale
négociée et conclue entre leurs organisations syndicales et l’UNCAM en vertu
de laquelle les pharmaciens perçoivent des honoraires de dispensation à
l’occasion de la délivrance de chaque médicament remboursé.

C - La participation financière de l’assuré social


L’impression de gratuité des soins et biens de santé à laquelle renvoie la
prise en charge de l’assurance maladie, peut amener ses bénéficiaires, non
seulement à en faire un usage abusif, mais aussi selon la théorie de l’aléa
moral à négliger la prévention des risques de santé. C’est pourquoi, en
contrepartie de la liberté qui lui est accordée, l’assuré social et ses ayants
droit supportent une fraction de leur coût. Érigée au rang de principe légis-
latif dans l’assurance maladie (CSS, art. L.160-13), la participation financière
de l’assuré social revêt différentes formes qui peuvent s’articuler entre elles.
En sus des mécanismes de participation financière à application indifféren-
ciée, c’est-à-dire pesant d’une façon uniforme sur les assurés sociaux, la loi
du 13 août 2004 a ajouté des dispositifs qui modulent le taux de prise en
charge de l’assurance maladie en fonction du comportement des assurés
vis-à-vis de l’accès aux soins.
❚ Le ticket modérateur et les cas d’exonération
Le ticket modérateur constitue un pourcentage de chaque dépense d’acte
ou de bien de santé restant à la charge de l’assuré social après intervention 117
de l’assurance maladie de base. Il est destiné à dissuader les abus de
demandes de soins de la part d’assurés sociaux, tout en étant assorti d’exo-
nérations pour tenir compte des situations particulières de certaines caté-
gories d’entre eux. C’est le principal mécanisme de la responsabilisation
financière de l’assuré social.
Le ticket modérateur varie en fonction de la nature des soins et biens
4. Assurance maladie et accès aux soins

médicaux inclus dans le périmètre de l’assurance maladie. Plus précisément,


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il existe un taux de ticket modérateur pour chacune des grandes catégories
de frais de santé, sachant que l’UNCAM peut le moduler de plus ou moins
5 %. Pour les soins hospitaliers, jugés moins susceptibles d’abus, ce taux
s’abaisse à 20 % de la dépense. En revanche, pour les soins de ville, le taux
du ticket modérateur est non seulement plus élevé, mais il connaît des varia-
tions importantes, allant de 30 % pour les honoraires médicaux à 75 % ou
même 85 % pour les médicaments à service médical rendu (SMR) faible. Une
telle place du ticket modérateur ne vise pas seulement à contrecarrer la pro-
pension de l’assuré social à solliciter des prescriptions médicales pouvant
être superflues. Elle procède aussi des nombreux relèvements auxquels a
donné lieu le ticket modérateur face aux difficultés financières de l’assurance
maladie de base, afin de transférer des fractions de dépenses vers l’assurance
maladie complémentaire ou les ménages.
Pour prendre en compte les situations particulières de certains assurés
sociaux touchant à la gravité de leur état de santé ou au fait générateur de
l’indemnisation, la liste des cas d’exonération du ticket modérateur s’est sen-
siblement allongée au fil du temps. Il est possible de distinguer trois types
d’exonération du ticket modérateur :

ȃ l’exonération liée à la nature de certains actes et traitements. Elle


concerne ceux qui, du fait même de leur objet, ne sont pas susceptibles
de susciter une demande de soins injustifiée de la part des assurés
sociaux (ex. : hospitalisation à compter du 31e jour, médicaments recon-
nus comme irremplaçables et particulièrement coûteux), ceux que les
pouvoirs publics veulent promouvoir ( ex. : frais de dépistage ou de
prévention, téléconsultations) et ceux correspondant à la prise en
compte accrue de certaines situations particulières (frais liés à l’inter-
ruption volontaire de grossesse ou à la procréation médicale assistée) ;
ȃ l’exonération liée au coût et à la durée du traitement. Il s’agit du
principal motif d’exonération, lequel concerne à lui seul 18 % de la popu-
lation, soit 11,4 millions de personnes (2019) sachant que celles-ci
concentrent à elles seules 60 % des dépenses de santé (en lien ou non
avec une ALD) admises au remboursement (2017). Sont concernés les
actes ou séries d’actes médicaux ou chirurgicaux se caractérisant par
118
une certaine importance. Entrent dans le cadre de cette exonération les
soins et traitements correspondant à l’une des trente maladies regroupées
sous l’appellation d’affection de longue durée (ALD), puisque celles-ci com-
portent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement
coûteuse (ex. : accident vasculaire cérébral, diabète de type 1 et de type 2,
mucoviscidose, tumeur maligne [cancer], maladie de Parkinson). Peuvent

4. Assurance maladie et accès aux soins
également donner lieu à ce type d’exonération les affections ne figurant
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pas sur la liste précitée s’il s’agit d’une forme évolutive ou invalidante d’une
affection grave (ALD 31), ou de plusieurs affections entraînant un état
pathologique invalidant grave (ALD 32), dont la durée prévisible de traite-
ment est supérieure à six mois ;
ȃ l’exonération liée au fait générateur de l’indemnisation de l’assuré.
Elle se rapporte selon des modalités variables à quelques catégories
d’assurés sociaux auxquelles l’assurance maladie accorde une prise en
charge plus favorable, compte tenu de la nature de l’événement ayant
déclenché la demande de soins : femmes enceintes, titulaires d’une rente
d’assurance accident du travail ou d’une pension d’invalidité…
Alors que la démarche de responsabilisation de l’assuré social repose tra-
ditionnellement sur des incitations financières indifférenciées, de nouveaux
dispositifs, introduits par la loi du 13 août 2004, visent à différencier la prise
en charge de l’assuré social en fonction de son comportement en matière
d’accès aux soins.
❚ Les franchises et autres participations forfaitaires
En vue d’en corriger certains effets quant à la contribution à la charge de
l’assuré social, le ticket modérateur est articulé avec deux autres formes de
participation financière : le forfait hospitalier de 20 € (15 € en service de
psychiatrie) destiné à couvrir les frais d’hôtellerie lors du séjour dans un éta-
blissement de santé. Celui-ci a pour caractéristique de ne pas s’ajouter au
ticket modérateur relatif aux frais d’hospitalisation (taux de 20 % si hospita-
lisation de 30 jours au plus) mais au contraire, de venir s’y imputer. Autrement
dit, au cas où le forfait hospitalier est dû, la participation financière globale
acquittée par l’assuré social est plafonnée à une somme égale à 20 % des
frais d’hospitalisation.
À partir de la réforme de la loi du 13 août 2004, et à l’occasion de lois de
financement de la sécurité sociale ultérieures, les participations financières
mises à la charge de l’assuré social se sont diversifiées dans l’objectif de res-
ponsabiliser les assurés sociaux en tant qu’usagers du système de soins. Ainsi
se sont juxtaposées :

ȃ une participation forfaitaire de 24 € pour les actes diagnostiques ou


thérapeutiques « lourds » dont le tarif est supérieur ou égal à 120 € ; 119
ȃ un forfait de 1 € pour chaque acte ou consultation médicale, analyse
biologique ou examen radiologique ;
ȃ une franchise de 0,50 € sur chaque boîte de médicament ou sur
chaque acte d’auxiliaire médical (ex. : infirmier, kinésithérapeute) et de
2 € par transport sanitaire ;
ȃ un forfait patient urgence de 18 € pour chaque passage aux urgences
4. Assurance maladie et accès aux soins
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hospitalières non suivi d’une hospitalisation (8 € en cas d’ALD).
Alors que la démarche de responsabilisation de l’assuré social repose tra-
ditionnellement sur des incitations financières indifférenciées, de nouveaux
dispositifs, introduits par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie,
visent à différencier la prise en charge de l’assuré social en fonction de son
comportement en matière d’accès aux soins.
❚ La prise en compte des parcours et protocoles de soins
Marquée par une volonté de rationalisation de l’accès aux soins, la réforme
de la loi du 13 août 2004 a instauré le parcours de soins coordonnés et le
dispositif du médecin traitant, et a rénové le protocole de soins pour les
affections de longue durée (ALD).
L’idée d’inscrire l’assuré social dans un parcours de soins s’est accompa-
gnée de l’institution du dispositif du médecin traitant : afin de favoriser la
coordination des soins, tout assuré ou ayant droit (la loi de modernisation
du système de santé de janvier 2016 prévoit le choix d’un médecin traitant
pour les enfants de moins de 16 ans) est tenu d’indiquer à sa caisse d’assu-
rance maladie de rattachement le nom du médecin traitant qu’il a choisi, en
accord avec celui-ci.

Le médecin traitant a pour rôle de dispenser les soins de première


intention et d’orienter le parcours du patient au sein du système de
soins.
S’il ne fait pas le choix d’un médecin traitant, ou s’il ne respecte pas les
règles du parcours de soins coordonnés, l’assuré social s’expose à une
majoration du ticket modérateur de 40 % en ce qui concerne les frais d’ho-
noraires médicaux. Toutefois, cette forme de sanction ne s’applique pas en
cas d’accès direct à certains spécialistes (gynécologues, ophtalmologues,
psychiatres dans certaines situations) ou dans certaines circonstances par-
ticulières (urgence, éloignement du domicile…). En outre, les médecins
spécialistes peuvent pratiquer des dépassements d’honoraires autorisés
lorsqu’ils sont consultés en dehors du parcours de soins coordonnés.
Compte tenu du rôle qu’il joue au sein du parcours de soins coordonnés,
le médecin traitant se voit confier la mission d’établir le protocole de
120
soins applicable aux patients en cas d’ALD, lequel est néanmoins soumis
à accord du médecin-conseil de l’assurance maladie. C’est seulement à
cette condition que l’assuré social peut prétendre à l’exonération du ticket
modérateur pour les soins en rapport avec cette affection. Le médecin
traitant doit naturellement considérer l’état de santé du patient et les
données acquises de la science, et notamment s’appuyer sur les référen-
tiels de traitement établis par la Haute Autorité de santé. La conclusion

4. Assurance maladie et accès aux soins
d’un protocole de soins ALD s’accompagne pour l’assuré social d’un ren-
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forcement de ses devoirs en matière de suivi des soins et d’observance
des prescriptions.

D - La combinaison des assurances maladie


pour réduire le reste à charge
Par la masse des prestations qu’elle verse en vue de couvrir les frais de
santé, la sécurité sociale constitue le principal financeur de la consommation
de soins et biens médicaux (78,2 % du financement en 2019) mais la place
qu’elle occupe dans la prise en charge des frais de santé est à mettre en
regard de l’assurance maladie complémentaire (13,4 % du financement)
d’autant plus que depuis les années 2000, leurs couvertures respectives sont
de plus en plus articulées l’une à l’autre pour diminuer le reste à charge.

Le reste à charge est la fraction de frais de santé laissée à la charge finan-


cière du consommateur de soins et biens médicaux. Il peut être entendu :
ȃ après intervention de l’assurance maladie de base : il procède de
diverses participations financières (ticket modérateur, forfait de 1 € sur
chaque consultation de médecin, forfait hospitalier, forfait de 18 € sur
les actes « lourds », franchises de 0,50 € sur chaque boîte de médica-
ment ou de 2 € sur chaque transport sanitaire, forfait patient urgence,
➦ voir supra), mais aussi des dépassements d’honoraires auxquels se
livrent certains médecins conventionnés ainsi que des décalages entre
les tarifs de facturation de certains biens de santé (optique, prothèses,
appareillage) et les bases de remboursement de l’assurance maladie
de base. Au plan collectif, le reste à charge s’élève à 23 % de la consom-
mation de soins et biens médicaux, après intervention de l’assurance
maladie de base, sachant que ce taux global masque d’importantes
disparités ;
ȃ après intervention de l’assurance maladie complémentaire : il reste
constitué des dépenses non susceptibles d’être couvertes par les
complémentaires de santé dans le cadre du contrat responsable (➦ voir
infra) : une fraction des dépassements d’honoraires médicaux lorsqu’ils
dépassent un certain seuil, et les dépenses de confort ou d’esthétique,
par exemple en matière de fauteuil médicalisé ou de lunetterie.
121
Encadré 6. Le problème du reste à charge

Selon une étude du ministère des solidarités et de la santé, après couverture


de l’assurance maladie de base, en 2017, 1 % des personnes ont eu un reste
à charge (RAC) annuel supérieur à 3 700 € pour une moyenne de 5 400 € dont
près de 3 000 € de liberté tarifaire (Drees, études et résultats, n° 1171,
4. Assurance maladie et accès aux soins

novembre 2020). Il est encore plus significatif de constater que le RAC annuel
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est inférieur à 240 € pour la moitié des patients ayant consommé des soins
remboursables. D’une façon générale, l’âge en constitue le principal déter-
minant : le RAC atteint 1 000 € en moyenne par an chez les plus de 85 ans,
alors qu’il n’est que de 450 € que pour les 36-40 ans et de 200 € pour les
6-10 ans. Pour autant, le RAC des personnes âgées augmente corrélativement
moins vite que leurs dépenses de santé dans la mesure où il y a parmi elles
une proportion plus importante de personnes exonérées du ticket modérateur
au titre des affections de longue durée : leur pourcentage s’élève aux deux
tiers pour les plus de 85 ans contre 11 % de la population des 41-45 ans. Cette
différence tient également au fait que les personnes âgées sont de plus
grandes consommatrices de soins hospitaliers lesquels sont mieux pris en
charge par l’assurance maladie (Drees, études et résultats, n° 1171,
novembre 2020).
Le reste à charge laissé à l’assuré social n’est pas supporté avec la même inten-
sité par tous les individus, dans la mesure où il pèse en fonction non seulement
de leur état de santé mais aussi de leur situation pécuniaire. Même si elle est
restée lettre morte, l’idée d’un « bouclier sanitaire » avait d’ailleurs été envi-
sagée en 2007 en vue de garantir aux assurés sociaux, qu’au-delà d’un certain
seuil, leurs dépenses de soins et biens médicaux seraient intégralement prises
en charge par l’assurance maladie. À défaut d’un tel dispositif, le problème de
l’accessibilité des soins amène à rechercher une réponse du côté de la protec-
tion sociale complémentaire. Après intervention des différentes formes de
couverture complémentaire (y compris la complémentaire santé solidaire), le
reste à charge reste plus faible en France que dans les autres pays de l’Orga-
nisation de coopération et de développement économique (6,9 % en 2019
contre 15 % en moyenne dans l’OCDE).
Il subsiste un reste à charge résiduel dû en plus grande partie aux dépasse-
ments d’honoraires médicaux et aux décalages entre les tarifs de rembourse-
ment et les prix pratiqués pour certains biens de santé.

❚ La couverture complémentaire dans le cadre du contrat


responsable
L’assurance maladie complémentaire concerne principalement les
dépenses de médecine de ville non prises en charge par l’assurance maladie
de base, qu’elle couvre à hauteur de 16,5 % en 2019 contre 5,2 % pour les
122 dépenses hospitalières.
Proposant des contrats individuels ou collectifs l’assurance maladie com-
plémentaire (hors couverture santé solidaire) repose essentiellement sur le
modèle du contrat responsable (98 % des contrats), quels qu’en soient les
dénominations commerciales.
Afin que les mécanismes d’incitation financière destinés à favoriser l’adhé-
sion au dispositif du médecin traitant et au parcours de soins coordonnés ne

4. Assurance maladie et accès aux soins
soient pas annihilés par l’assurance maladie complémentaire, la loi du
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13 août 2004 a institué le « contrat responsable » (CSS, art. L.871-1). Pour
recevoir cette appellation, un contrat de complémentaire santé ne doit cou-
vrir ni la majoration de ticket modérateur en cas de non-adhésion ou de non-
respect du parcours de soins coordonnés ni les dépassements d’honoraires
autorisés pour les spécialistes à ce dernier titre ni enfin le forfait de 1 € par
consultation médicale et les franchises sur les actes d’auxiliaires médicaux,
les boîtes de médicaments et les transports sanitaires. En revanche, le
contrat responsable doit couvrir le ticket modérateur (sauf pour les médica-
ments remboursés à hauteur de 35 % ou 15 % par l’assurance maladie de
base et pour les cures thermales, dont la prise en charge est facultative), le
forfait journalier hospitalier, les dépassements d’honoraires maîtrisés (➦ voir
infra) et le dispositif du 100 % santé (➦ voir infra). Ils doivent aussi proposer
la prise en charge de deux actions de prévention chaque année (ex. : vacci-
nations, détartrage).
À l’occasion de la généralisation de la complémentaire santé d’entre-
prise au 1er janvier 2016, le gouvernement a dénommé contrat « solidaire
et responsable », les contrats collectifs d’entreprise, en fixant pour eux des
planchers de garanties identiques à ceux des contrats responsables, en vue
de resserrer les niveaux de couverture proposés par les organismes
complémentaires.
❚ La prise en charge des dépassements d’honoraires
médicaux
Au contraire des conventions avec les autres professions de santé libé-
rales, la convention médicale autorise des dépassements d’honoraires. Cette
faculté s’exerce dans des conditions fondamentalement différentes, suivant
que le médecin conventionné relève du secteur 1 ou du secteur 2 :

ȃ le secteur 1 comprend les médecins tenus de respecter les tarifs


conventionnels hormis dans les éventualités où certains dépassements
sont admis : tel est le cas du dépassement justifié par des circonstances
exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du
malade (ex. : visite à domicile sans motif sérieux en dehors des heures
normales) ; ou encore, du dépassement autorisé pour le médecin spécia-
liste « correspondant » en l’absence de passage par le médecin traitant ; 123
ȃ le secteur 2 regroupe les médecins conventionnés à honoraires libres,
autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires avec « tact et
mesure », hormis pour certaines catégories de patients (ex. : les bénéfi-
ciaires de la complémentaire santé solidaire) ; sachant que les assurés
sociaux demeurent remboursés sur la base des tarifs conventionnels.
En contrepartie de l’adhésion au secteur 1, plutôt qu’au secteur 2, les
4. Assurance maladie et accès aux soins
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médecins conventionnés bénéficient du financement par l’assurance maladie
de la plus grosse partie de leurs cotisations sociales, ainsi que de leur forma-
tion professionnelle continue.
Selon les données de la CNAM, les dépassements d’honoraires de médecins
libéraux se sont élevés globalement à 2,66 Md€ en 2016 et surtout, les niveaux
de dépassement ont augmenté : le taux de dépassement global des spécialistes
(total des dépassements rapporté au total des honoraires sans dépassement)
est passé de 23 % en 1985 à 51,9 % montrant cependant un repli au cours de la
période récente. Il est seulement de 35 % pour les médecins généralistes.
Or, ce phénomène de dépassement d’honoraires est de nature à contrarier
l’égalité sociale d’accès aux soins, tout au moins dans certaines régions ou
pour certaines spécialités médicales. C’est pourquoi, les pouvoirs publics ont
tenté de le maîtriser, notamment à la faveur des dernières conventions médi-
cales. Ainsi, un avenant à la convention médicale datant de 2013, a tout
d’abord institué un contrat d’accès aux soins. En échange d’avantages finan-
ciers, les médecins du secteur 2 qui décidaient d’adhérer à ce type de contrat,
s’engageaient à limiter leur taux moyen de dépassement à 100 % du tarif
conventionnel, ainsi qu’à stabiliser leurs tarifs et à avoir une part d’activité à
tarifs opposables supérieure ou égale à celle pratiquée avant l’adhésion.
S’inscrivant dans la même voie, la convention médicale du 25 août 2016
(en vigueur jusqu’en 2023) a substitué au contrat d’accès aux soins (CAS) une
option tarifaire maîtrisée (OPTAM) applicable au 1er janvier 2017, qui renoue
avec les contraintes du CAS tout en étant assortie d’un avantage financier
plus incitatif, en l’occurrence une rémunération spécifique calculée sur l’acti-
vité réalisée à tarif opposable ; d’où une plus grande adhésion des médecins
du secteur 2 d’ores et déjà perceptible. Au même effet, la convention de 2016
a également créé l’OPTAM chirurgie et obstétrique (OPTAM-CO) qui, égale-
ment en contrepartie d’engagements sur la part des actes à tarif opposable
et sur le taux de dépassement, autorise la majoration de 20 % de forfaits
applicables aux actes de chirurgie et d’accouchement.
En outre, la rémunération des professionnels de santé libéraux, essentiel-
lement celle des médecins, laisse désormais place, à côté de la rémunération
à l’acte, à de nouvelles formes de rémunération (passage de 6 à 15 % de la
rémunération des médecins généralistes de 2010 à 2019, lesquels sont
124 davantage concernés que les médecins spécialistes).
❚  Le 100 % Santé ou zéro reste à charge
Pour éviter les renoncements à certaines catégories de biens médicaux
(optique, prothèse dentaire, audioprothèse), le dispositif du « reste à charge
zéro » ou du « 100 % Santé », qui est entré en vigueur à compter du
1er novembre 2019, associe plus étroitement l’assurance maladie complé-
mentaire à l’assurance maladie de base.

4. Assurance maladie et accès aux soins
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Le zéro reste à charge ou 100 % Santé est un des axes de la Stratégie
nationale de santé pour la période 2018-2022 en vue de « parvenir à un reste
à charge nul sur les prothèses dentaires, l’optique, les audioprothèses ». Il
suppose de définir un panier de soins indispensables, de qualité, à prix régle-
mentés, et un partage de la prise en charge entre assurance maladie obliga-
toire et assurance maladie complémentaire.
Pour y parvenir, il est nécessaire de faire reposer le 100 % santé sur un
triple mécanisme :

ȃ le relèvement des bases de remboursement de la sécurité sociale ;


ȃ la fixation de prix limites de vente par l’État ;
ȃ la couverture obligatoire du reste à charge par les contrats d’assurance
complémentaire.
Ainsi les assurés pourront prétendre au titre du 100 % Santé à une offre
de biens de santé sans reste à charge, parce que jugée nécessaire. Pour
autant, les frais occasionnés au titre de ces dispositifs prothétiques ou d’op-
tique n’ont pas vocation à être entièrement couverts : une part des choix
opérés en la matière relève de considérations personnelles (esthétique,
confort), et les coûts supplémentaires sont encore à assumer par les intéres-
sés eux-mêmes.
Désormais, tous les contrats de complémentaire santé répondant aux
critères des contrats dits « responsables et solidaires » (98 % des contrats),
qu’ils soient souscrits pour la première fois ou renouvelés, doivent intégrer
le panier de soins « 100 % Santé » dans leurs garanties de sorte de ne laisser
aucun reste à charge pour des équipements de qualité dans les trois
domaines considérés (optique, dentaire, audioprothèse).

Conclusion

Sous l’effet des réformes posées par la loi du 27 juillet 1999 portant créa-
tion de l’ancienne CMU-C, ou encore de la loi du 13 août 2004 relative à
l’assurance maladie, il s’est produit une sorte de « brouillage » des frontières
entre l’assurance maladie de base et l’assurance maladie complémentaire 125
au point qu’elles apparaissent de plus en plus indissociables en vue de garan-
tir l’égalité sociale de tous face à l’accès aux soins. Pour autant, à la différence
de l’assurance maladie de base, qui couvre tous les assurés sociaux selon les
mêmes règles, l’assurance maladie complémentaire dont la mise en place
s’est faite d’une façon parcellaire au fil du temps, laisse subsister une frange
de laissés pour compte parmi des catégories de population vulnérables. De
4. Assurance maladie et accès aux soins

surcroît, les complémentaires de santé individuelles et collectives font res-


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sortir des différences dans la hauteur des couvertures des risques de santé,
au mépris de la volonté de promouvoir la solidarité nationale dans ce
domaine. En tout état de cause, le problème du non-recours aux soins pro-
cède désormais moins de considérations financières que de difficultés terri-
toriales, compte tenu de l’existence de zones sous dotées en professionnels
de santé (8 % de la population vit dans un territoire entrant dans ce zonage),
notamment en médecins généralistes et certaines autres spécialités (oph-
talmologues, gynécologues, etc.).

126
Annexe 3
Les prestations en espèces
de l’assurance maladie

Les prestations en espèces de l’assurance maladie sont constituées par les

4. Assurance maladie et accès aux soins
indemnités journalières (IJ) d’arrêt de travail (CSS, art. L.321-1). Or, l’incapacité
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temporaire de travail, qui constitue le fait générateur du droit aux indemnités
journalières, peut être d’appréhension délicate. En corollaire, la possibilité de
contrôler le bien-fondé de leur versement peut s’en trouver entravée. C’est pour-
quoi, afin de dissuader en amont les arrêts de travail abusifs, le système d’indem-
nisation laisse à la charge de l’assuré social une fraction parfois substantielle de
la perte de revenu ainsi occasionnée.

La difficulté intrinsèque de garantir le bien-fondé


des arrêts de travail
◗ La notion d’incapacité temporaire du travail
À défaut de l’existence de normes juridico-médicales permettant d’en détermi-
ner clairement les contours, la notion d’incapacité temporaire de travail n’est
guère commode à cerner. L’article L.321-1 du code de la sécurité sociale prévoit
simplement que l’assurance maladie comporte « l’octroi d’indemnités journalières
à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique constatée par le médecin traitant
selon les règles définies par l’article L.162‑4‑1, de continuer ou de reprendre le tra-
vail ». En vertu de ces règles, le médecin prescripteur doit simplement indiquer
sur le volet de l’avis d’arrêt de travail à destination du service du contrôle médical
de l’assurance maladie, les éléments d’ordre médical justifiant cette prescription.
Selon la pratique générale, d’ailleurs « officialisée », l’appréciation médicale de
l’état de santé de l’assuré social s’effectue en tenant compte des modalités d’exé-
cution de sa prestation de travail, c’est-à-dire du type d’emploi qu’il occupe au
moment de la survenance de sa maladie ou de son accident. Cependant, l’inter-
prétation stricte de l’article L.321-1 du code de la sécurité sociale à laquelle se
livre la jurisprudence de la Cour de cassation, assimile l’incapacité de continuer
ou de reprendre le travail à l’impossibilité de reprendre une activité profession-
nelle quelconque. De son côté, la notion de maladie prise en compte par la légis-
lation de sécurité sociale apparaît assortie de contours relativement flous : elle
est entendue au sens de toute altération de la santé constatée par une autorité
médicale compétente, et peut s’étendre aux affections psychiques. Eu égard à
ce premier constat, le problème soulevé de la justification de l’arrêt de travail
maladie reste donc entier. À côté des pathologies les plus graves interdisant sans
discussion possible toute activité professionnelle de la part de l’assuré social, il
existe bon nombre de cas de figure moins tranchés. De plus, au-delà de la perti-
nence du bien-fondé d’un arrêt de travail, une autre question d’importance se
pose : quelle est la durée nécessaire de cette interruption ? Sachant que par son
comportement et ses déclarations, l’assuré social peut chercher à influer sur la 127
décision du médecin prescripteur de l’arrêt de travail, lequel peut se montrer plus
ou moins réceptif. L’assuré social peut être d’autant plus tenté de s’adonner à ce
genre de manœuvre que le médecin n’est pas toujours en mesure de pouvoir la
contrecarrer, même s’il est muni de référentiels indicatifs de prescriptions d’arrêt
de travail élaborés par la CNAM et validés par la Haute Autorité santé.

◗ Le contrôle administratif et le contrôle médical
Le même genre de difficulté vaut d’ailleurs pour la mise en œuvre du service du
4. Assurance maladie et accès aux soins

contrôle médical de l’assurance maladie (CSS, art. L.315-1), qui est effectué pour
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dissuader ou détecter les arrêts de travail injustifiés. Il peut certes être d’ordre
administratif et consister en la visite d’agents enquêteurs assermentés au domi-
cile de l’assuré social en arrêt de travail pour vérifier sa présence en dehors des
heures de sortie autorisées. Cependant, l’arrêt de travail étant avant tout une
prescription à visée thérapeutique, voire occasionnellement diagnostique, le
contrôle à effectuer est surtout destiné à apprécier le bien-fondé médical de
l’incapacité de travail.
Or, la mise en œuvre du contrôle médical de l’arrêt de travail pour cause de mala-
die se heurte à des limites intrinsèques. À côté des pathologies interdisant toute
activité salariée, il existe en effet un certain nombre de cas de figure moins tran-
chés : soit parce que des maladies à guérison rapide permettent de passer dans
un court délai d’un état d’incapacité de travail à la capacité d’exercer une activité
professionnelle ; soit encore, parce que les symptômes ne se manifestent pas de
façon clairement apparente en dépit de l’existence de la maladie (ex. : lombalgie,
dépression nerveuse). Plus encore, le médecin-conseil du service du contrôle
médical de l’assurance maladie peut-il, dans ce contexte, quelques semaines
après, ou même, seulement plusieurs jours, contredire le diagnostic initial de son
confrère de ville et établir le caractère injustifié de l’arrêt de travail ? Si tel est
précisément le cas, c’est seulement à compter de la date de l’examen médical de
contrôle, que l’organisme débiteur des prestations peut prononcer la suppression
du versement des indemnités journalières d’assurance maladie.
En tout état de cause, en cas d’arrêt de travail non justifié ou si l’assuré exerce
une activité non autorisée par le médecin, la caisse d’assurance maladie peut
retenir tout ou partie des indemnités journalières. En cas de fraude, il peut aussi
se voir infliger par le directeur de la caisse une pénalité financière, en tant que
sanction administrative (CSS, art. L.114-17).
Eu égard à la difficulté de détecter et même, de dissuader par les seuls contrôles,
les abus en matière d’arrêt de travail, l’indemnisation de l’incapacité temporaire
de travail (conditions d’ouverture de droits, mode de calcul) est conçue depuis
l’ordonnance du 19 octobre 1945 et au-delà depuis la loi du 30 avril 1930 sur les
assurances sociales, autour de l’idée prégnante de responsabilisation financière
de l’assuré social vis-à-vis de l’absentéisme maladie.

La solution de la responsabilisation financière de


l’assuré social
Suspectée d’être à même de favoriser des abus de la part de certains assurés
128 sociaux, qui seraient désireux d’obtenir à bon compte des congés supplémentaires,
l’indemnisation de l’incapacité temporaire de travail par l’assurance maladie est
marquée par « un esprit de défiance ». Les indemnités journalières correspon-
dantes se caractérisent par un mode d’attribution plutôt restrictif. Elles sont assor-
ties de mécanismes qui sont destinés, non seulement à éviter des effets d’aubaine,
mais aussi et surtout, à faire supporter à l’assuré social une fraction substantielle
de la perte de sa rémunération d’activité. Il s’agit ainsi d’éviter qu’il ne fasse usage
de quelconques feintes auprès du médecin prescripteur pour tenter d’obtenir

4. Assurance maladie et accès aux soins
indûment un arrêt de travail ou une durée d’arrêt nettement supérieure à ce que
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nécessite son incapacité réelle.

◗ Les conditions d’ouverture de droits


Pour prétendre au bénéfice des indemnités journalières maladie, les assurés
sociaux doivent tout d’abord remplir, à la date de l’interruption de travail, cer-
taines conditions d’activité salariée ou de cotisations au cours d’une période
dite de référence, lesquelles sont distinctes selon que l’arrêt dure moins de
6 mois ou au-delà ; elles s’accompagnent aussi d’une condition d’affiliation de
12 mois pour les arrêts supérieurs à 6 mois (CSS, art. L.323-6). Même si cer-
taines périodes d’inactivité sont assimilées à des périodes de travail, ces condi-
tions administratives se montrent relativement sélectives, notamment en cas
d’arrêt de plus de 6 mois. Elles sont censées éliminer tout effet d’aubaine au
profit de salariés nouvellement affiliés, ou n’ayant qu’une activité profession-
nelle réduite.
Tableau 5. Les conditions d’ouverture de droits
aux indemnités journalières

Conditions minimales de
Prestations cotisations ou d’activité Période de référence
et de durée d’affiliation

I.J. au cours des Avoir cotisé sur 1 015 fois Au cours des 6 mois civils
6 premiers mois le SMIC précédents
Ou

Avoir effectué 150 heures de Au cours des 3 mois civils


travail ou assimilé* ou des 90 jours précédents

I.J. au-delà Avoir cotisé sur 2 030 fois Au cours des 12 mois civils
de 6 mois le SMIC précédents
Nécessité dont 1 015 SMIC Dans les 6 premiers mois
de 12 mois Ou des 12 mois civils
d’affiliation
au cours duquel Avoir effectué 600 heures de Au cours des 12 mois civils
survient l’arrêt travail ou assimilé* ou des 365 jours précédant
de travail l’arrêt
* Sont notamment assimilées à des périodes de travail, les périodes de chômage

129
◗ Le mode de calcul des indemnités journalières
Afin de dissuader un absentéisme de courte durée abusif, les indemnités journa-
lières maladie ne sont dues qu’à compter du 4e jour d’arrêt de travail, soit un délai
de carence de 3 jours. Il peut être ajouté, dans le même ordre d’idée, que la durée
de versement ne s’effectue que dans la limite de 360 indemnités journalières sur
une période quelconque de trois années consécutives (CSS, art. L.323-4). Seules
les indemnités versées à l’assuré social entrant dans le cadre du dispositif des
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affections de longue durée, peuvent être servies pendant une période continue
de trois années (CSS, art.L.324-1).
Autre illustration du caractère restrictif de cette prise en charge, les indemnités
journalières de l’assurance maladie garantissent communément un taux de rem-
placement qui n’est que de la moitié du revenu d’activité, ce qui correspond a
contrario à un ticket modérateur de 50 %. Leur mode de calcul consiste à déterminer
le gain journalier de base fixé à 1/91,25 du montant des salaires cotisés au cours des
trois derniers mois précédant l’arrêt de travail, puis l’indemnité elle-même qui cor-
respond à la moitié du gain journalier dans la limite de 1,8 SMIC (CSS, art. R.323-4).
Supposée de ne pas susciter d’abus eu égard à la nature des risques couverts,
l’indemnisation de l’incapacité temporaire de travail pour cause de maternité ou
d’accident du travail et maladie professionnelle, s’avère toutefois plus favorable
pour l’assuré social en matière de compensation de perte du revenu d’activité.
Les indemnités journalières correspondant à ces éventualités, non seulement ne
sont pas assorties d’un délai de carence, mais se singularisent par un taux de
remplacement du revenu d’activité nettement plus élevé, que ce soit en matière
d’assurance maternité8 ou d’assurance accident du travail ; ce qui atténue d’au-
tant la perte de revenu professionnel subie par l’assuré social.
Sous l’effet des mécanismes de responsabilisation financière voués à dissuader
les arrêts de travail maladie abusifs, la couverture de l’incapacité temporaire de
travail expose au risque de n’attribuer qu’un revenu insuffisant, voire inexistant,
aux salariés fragilisés par la dégradation du marché de l’emploi, en particulier les
salariés aux parcours professionnels discontinus ou en emplois atypiques. De leur
côté, les salariés en emploi durable bénéficient en vertu du droit du travail et
surtout de conventions collectives, d’allocations complémentaires aux indem-
nités journalières de la sécurité sociale qui leur garantissent le plus souvent le
maintien de leur revenu d’activité professionnelle au cours des arrêts de travail.

8. Les indemnités journalières de l’assurance maternité sont servies à l’assuré social à


la condition de justifier de 10 mois d’affiliation et de cesser toute activité professionnelle
pendant au moins 8 semaines. Elles sont versées pendant le congé de maternité dont la
durée est variable en fonction du rang de naissance de l’enfant, et éventuellement de la
survenance de naissances multiples. Leur mode de calcul correspond à la multiplication
du salaire de référence par le taux de remplacement :
ȃ le salaire de référence est constitué par le salaire dans la limite du plafond de la sécurité
sociale ;
130 ȃ le taux est de 100 % moins une déduction de 19,68 % au titre des cotisations et contri-
butions sociales.
Chapitre 5
Assurance accident du travail
et maladie professionnelle

Le régime juridique de la couverture des risques professionnels fait


encore référence à la loi fondatrice du 9 avril 1898. Posant l’existence d’une
responsabilité de l’employeur fondée sur le risque professionnel, elle vise
à garantir la sécurité économique du salarié même s’il a lui-même commis
une faute à l’origine de l’évènement dommageable. Plus précisément, elle
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institue une présomption d’imputabilité de l’accident ou de la maladie au
travail, en vertu de laquelle la victime peut facilement prétendre à une
réparation du préjudice subi. Il est possible pour l’employeur de renverser
cette présomption en faisant la preuve d’une cause étrangère au travail
mais dans les faits, la probabilité qu’il puisse y parvenir est faible. Toutefois,
en contrepartie de la quasi-automaticité de la prise en charge à laquelle ils
peuvent prétendre, les salariés victimes ne peuvent bénéficier que d’une
indemnisation forfaitaire, et donc partielle, hormis dans certaines situa-
tions spécifiques. Placé sous le signe du compromis, l’édifice législatif ori-
ginel révèle aujourd’hui quelques lézardes au profit du développement d’un
droit à réparation complémentaire. Si l’économie générale du dispositif
subsiste depuis son intégration dans la sécurité sociale par la loi du
30 octobre 1946, l’assurance accident du travail et maladie professionnelle
a néanmoins été soumise à des changements en profondeur.

1 La réparation forfaitaire
du dommage corporel

L’assurance accident du travail et maladie professionnelle est assortie de


prestations plus favorables que celles de l’assurance maladie-invalidité
décès. C’est pourquoi l’enjeu attaché à la reconnaissance d’un accident
comme un accident du travail ou un accident de trajet, ou encore, d’une
maladie comme une maladie professionnelle, est d’importance pour le sala-
rié victime. De façon incidente, il l’est également pour l’employeur dès lors
que la tarification des cotisations d’assurance accident du travail et maladie
professionnelle est fonction du coût des prestations servies à ce titre à ses
salariés victimes (➦ voir annexe chapitre 2).

131
A - La reconnaissance des risques professionnels
❚ La notion d’accident du travail
Un accident du travail est considéré « quelle qu’en soit la cause, comme
l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne
salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que
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ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise » (CSS,
art. L.411-1).
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

Si elle a le mérite d’être extensive, tout en ne concernant que les travail-


leurs salariés – parmi les travailleurs indépendants, seuls les exploitants agri-
coles bénéficient depuis 2003 d’une assurance accident du travail et maladie
professionnelle – cette formulation soulève en revanche un double problème
d’interprétation. D’une part, quelle définition faut-il donner à la notion
« d’accident » ? D’autre part, le sens de l’expression « par le fait du travail »
est certes aisé à circonscrire (ex. : l’ouvrier blessé par une machine ou chutant
d’un échafaudage) mais comment déterminer si l’accident est survenu « à
l’occasion du travail » ? Faut-il comprendre que le travail n’en est pas forcé-
ment la cause exclusive ? La réponse à ces questions est apportée par la
jurisprudence laquelle se réfère aux deux éléments constitutifs de la notion
d’accident du travail, c’est-à-dire le fait accidentel lui-même et le lien de cau-
salité entre l’accident et le travail :

ȃ Le fait accidentel : à défaut de précision légale, la jurisprudence appré-


hende le fait accidentel comme un événement soudain ayant entraîné
une lésion.
• La soudaineté de l’événement : c’est une composante centrale de la
définition de l’accident. Elle est moins à entendre au sens du langage
courant d’un évènement impromptu (ex. : choc, chute, noyade, etc.)
que comme la possibilité de rapporter l’événement causal à un instant
précis dans le temps, même si la lésion n’apparaît qu’ultérieurement.
Le critère de soudaineté permet ainsi de distinguer l’accident du travail
de la maladie professionnelle, puisque l’origine de celle-ci ne peut être
localisée dans le temps, car résultant d’une exposition continue à des
facteurs de risques (ex. : exposition aux poussières d’amiante). Une
maladie peut d’ailleurs être reconnue comme un accident du travail,
et non pas comme une maladie professionnelle, lorsqu’elle trouve son
origine dans un événement soudain (ex. : surdité consécutive à une
explosion) ou une série d’évènements soudains (ex. : maladie consé-
cutive à plusieurs injections vaccinales).
• La provocation d’une lésion corporelle : la lésion est à comprendre
132 dans un sens extensif de toute forme d’atteinte à l’intégrité de la per-
sonne du salarié. Il peut s’agir d’une lésion physique externe
(ex. : blessures, fractures) ou interne (ex. : infarctus du myocarde)
lorsque l’effort inhérent au travail a soudainement révélé ou aggravé
un état pathologique préexistant chez la victime. La lésion psy-
chique est également susceptible d’être prise en considération (ex. :
stress post-traumatique consécutif à une séquestration violente,
dépression nerveuse consécutive à un entretien d’évaluation parti-
culièrement éprouvant).
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• Conséquence de l’accident du travail, la lésion est à distinguer de la
rechute, qui correspond à l’aggravation de la lésion initiale ou à

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
l’apparition d’une nouvelle lésion, après guérison ou consolidation
[stabilisation] de la première lésion. Sous réserve d’un lien de causa-
lité avec l’accident initial, la rechute est prise en charge comme un
accident du travail.
ȃ Le caractère professionnel : plus que celle « par le fait du travail »,
l’expression « à l’occasion du travail » interroge sur la portée à lui confé-
rer, notamment lorsque le salarié n’effectue pas une prestation de travail
à proprement parler sans pour autant avoir retrouvé sa complète indé-
pendance vis-à-vis de son employeur. En la matière, la jurisprudence de
la Cour de cassation fournit un éclairage utile quant au lien de causalité
entre l’accident et le travail. Elle se réfère sans surprise à l’autorité de
l’employeur, compte tenu du lien de subordination entre celui-ci et le
salarié, mais tient compte également de la présomption d’imputabilité
existant dans la législation sur les accidents du travail. Il est ainsi possible
de distinguer deux situations en fonction des circonstances de surve-
nance de l’accident du travail.
• s’il survient au temps et lieu de travail, l’accident est présumé consti-
tuer un accident du travail, y compris s’il se produit au cours de la
pause ou dans les dépendances de l’entreprise (ex. : parking) ou par
extension, s’il survient au lieu du télétravail. Il s’agit certes d’une
présomption simple mais à l’épreuve des faits, elle reste difficile à
renverser par l’employeur ou par la caisse. Quelques situations par-
ticulières méritent toutefois d’être évoquées : le suicide n’est pas un
accident du travail s’il est avéré qu’il tient à une cause personnelle
complètement étrangère à l’activité professionnelle, mais il l’est dans
le cas contraire. Par ailleurs, la simple désobéissance ne suffit pas à
caractériser la soustraction à l’autorité de l’employeur.
• s’il survient hors du lieu et/ou du temps de travail, il appartient à la
victime de rapporter la preuve non seulement de l’accident, mais
également de l’imputabilité au travail de ce dernier.
S’agissant de l’accident de mission, selon la Cour de cassation, il est pré-
sumé imputable au travail pendant tout le temps de l’accomplissement de 133
celle-ci, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte
professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf à l’employeur ou à la caisse
de rapporter la preuve que le salarié a, lors de sa survenance, interrompu sa
mission pour un motif d’ordre personnel (Cass. 2 e civ., 19 juill. 2001,
n° 99-20.603 et n° 99-21.536).
❚ La notion d’accident de trajet
L’extension de la législation sur les accidents du travail aux victimes d’ac-
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cidents de trajet est apparue avec la loi du 30 octobre 1946. Selon l’article
L.411-2 du code de la sécurité sociale, est présumé être un accident du travail
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

l’accident survenu à un travailleur pendant le trajet d’aller et retour entre :

ȃ le lieu de travail et la résidence principale, la résidence secondaire pré-


sentant un certain caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur
se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial ;
ȃ le lieu du travail et la cantine ou d’une manière plus générale le lieu où
le travailleur prend habituellement ses repas.
Le parcours protégé est le plus court et doit se situer dans un délai normal
compte tenu du moyen de transport utilisé. La jurisprudence admet toutefois
des détours ou interruptions motivés par les nécessités de la vie courante
(ex. : détour pour acheter du pain ou faire du covoiturage avec un collègue
de travail). D’une façon générale, les détours et interruptions doivent être
les plus brefs possible et sont neutralisés pour déterminer l’amplitude du
temps de trajet, lequel doit se situer dans un délai normal compte tenu du
moyen de transport utilisé.

Boucherie
Jardin ou
Ateliers immeuble
1 2
Résidence
du salarié

Bureaux

Bar
Légendes :
Zone de l’accident du travail proprement dit
Zone de l’accident du trajet
Zone de l’accident de droit commun
1. Porte extérieure de l’entreprise
2. Porte de l’habitation proprement dite du salarié
Source : UCANSS.
134
Figure 6. Le parcours protégé par l’accident de trajet
Si l’accident survient hors du trajet habituel et/ou du temps normal de
trajet, la victime doit démontrer qu’il s’agit d’un accident du trajet à partir
des circonstances précises de l’accident.
❚ La notion de maladie professionnelle
En comparaison de celle d’accident du travail, la notion de maladie pro-
fessionnelle soulève plus de difficulté en ce qui concerne l’établissement du
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lien de causalité entre la maladie et le travail. Procédant d’une exposition
continue à des facteurs de risques, elle nécessite de surmonter le problème

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
de l’éventuelle origine multifactorielle de la maladie dont le salarié pourrait
être victime.
C’est pourquoi la loi du 25 octobre 1919 qui a étendu l’assurance accident
du travail aux maladies professionnelles, en a tout d’abord retenu une
conception limitative, en instituant un système de tableaux destiné à faci-
liter l’imputation de la maladie à l’activité professionnelle.

Le système des tableaux de maladies professionnelles


Selon ce procédé, seules sont considérées comme telles les maladies
mentionnées dans les tableaux de maladies professionnelles figurant en
annexe du code de la sécurité sociale, dès lors que les conditions cumulatives
posées par ceux-ci sont remplies.
Il existe aujourd’hui une centaine de tableaux. Chacun d’eux regroupe des
maladies professionnelles de même origine et se présente sous la forme de
trois colonnes mentionnant respectivement :

ȃ la liste de chacune des maladies indemnisables ;


ȃ les délais de prise en charge correspondant à ces maladies (délai
entre la date de la dernière exposition au facteur de risques et la date
de l’engagement de la procédure de reconnaissance de la maladie
professionnelle) ;
ȃ les travaux spécifiques devant avoir été effectués.

135
Tableau 6. Exemple de tableau de maladie professionnelle :
Tableau n° 30 bis. – Cancer broncho-pulmonaire provoqué
par l’inhalation des poussières de l’amiante

Délai
Désignation Liste limitative des travaux susceptibles
de prise
de la maladie de provoquer cette maladie
en charge
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Cancer 40 ans (sous Travaux directement associés à la production
broncho- réserve des matériaux contenant de l’amiante.
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

pulmonaire d’une durée Travaux nécessitant l’utilisation d’amiante


primitif. d’exposition en vrac.
de 10 ans).
Travaux d’isolation utilisant des matériaux
contenant de l’amiante.
Travaux de retrait d’amiante.
Travaux de pose et de dépose de matériaux
isolants à base d’amiante.
Travaux de construction et de réparation navale.
Travaux d’usinage, de découpe et de ponçage
de matériaux contenant de l’amiante.
Fabrication de matériels de friction contenant
de l’amiante.
Travaux d’entretien ou de maintenance effectués
sur des équipements contenant des matériaux
à base d’amiante.
Source : décret du 14 avril 2000, annexe du code de la sécurité sociale.

Selon ce dispositif originel, la présomption d’imputabilité ne vaut que si


la victime répond aux stipulations prévues dans chacune des colonnes.
Pour éviter l’existence d’« angles morts » (maladie due au travail non
répertoriée, défaut d’une ou de deux conditions) dans la protection des tra-
vailleurs, la loi du 27 janvier 1993 est venue compléter le système originel
des tableaux en introduisant un système complémentaire de reconnais-
sance des maladies professionnelles.

Le système de reconnaissance complémentaire


Il a pour objet de prendre en compte deux types de situations distinctes :

ȃ les maladies mentionnées dans les tableaux de maladies profession-


nelles, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge,
à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas
remplies ;
136
ȃ les maladies non désignées dans les tableaux de maladies profession-
nelles, mais gravement invalidantes, s’il est établi qu’elles sont essentiel-
lement et directement causées par le travail habituel des victimes et
qu’elles entraînent le décès de celles-ci ou une incapacité permanente au
moins égale à 25 % (appréciée par référence au barème indicatif des
accidents du travail).
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Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
(C2RMP) constitue l’organe central de ce système. Il a moins pour mission

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
d’identifier la pathologie elle-même que de se prononcer sur la relation de
causalité essentielle et directe entre la maladie déclarée et le travail habituel
de la victime. Présidé par un professeur des universités praticien hospitalier,
particulièrement qualifié en matière de pathologies professionnelles, et com-
posé de deux autres membres, le médecin-conseil régional de l’assurance
maladie et le médecin inspecteur régional du travail, il se prononce au vu
notamment du dossier constitué par l’organisme d’assurance maladie. L’avis
du comité s’impose à la caisse même si celle-ci a seule compétence pour
prendre la décision de reconnaissance de la pathologie comme maladie pro-
fessionnelle.

Encadré 7. La prise en charge des risques psycho-sociaux

Les psychopathologies du travail (stress, burn-out, syndrome d’épuisement


professionnel, etc.) soulèvent un problème récurrent de prise en charge. N’étant
prévues dans aucun tableau de maladies professionnelles, elles sont renvoyées,
pour leur reconnaissance, au système complémentaire de reconnaissance des
maladies professionnelles. Or, le seuil de 25 % d’incapacité permanente, qui
conditionne l’accès à ce dispositif, se révèle difficile à atteindre : les états
dépressifs avec asthénie donnent lieu le plus souvent un taux d’incapacité oscil-
lant entre 10 à 25 %. Outre l’absence de barème d’incapacité adapté, cette
situation tient à la difficulté d’établir la preuve des lésions et au fait que le
médecin-conseil du contrôle médical est amené, selon les directives de la
CNAM, à fixer le taux d’incapacité permanente « prévisible » à partir des élé-
ments de gravité propres à la maladie (ex. : nombre et durée des arrêts de tra-
vail, tentatives de suicide, prise de psychotropes, etc.) avant même une
hypothétique stabilisation de l’état du malade. La loi du 17 août 2015 relative
au dialogue social et à l’emploi a certes prévu un mode dérogatoire de recon-
naissance des pathologies psychiques par le C2RMP, mais elle ne comporte que
des dispositions de portée limitée, à défaut d’abaisser le taux d’incapacité per-
manente à 10 % pour ces affections. Une réforme significative pourrait consis-
ter dans la création d’un tableau des maladies professionnelles de nature
psychique, mais une telle perspective suppose d’être en mesure de définir clai-
rement les pathologies concernées et d’identifier les activités professionnelles
exposées, sans même parler du délai de prise en charge…
137
❚ Les garanties procédurales du caractère professionnel
Il s’agit de règles destinées à garantir d’une part les droits de la victime et
de ses ayants droit et d’autre part, les intérêts de l’employeur (CSS,
art. L.441-1).
La victime est tenue d’effectuer une déclaration selon des modalités dis-
tinctes selon qu’il s’agit d’un accident du travail ou d’une maladie profession-
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nelle :
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

ȃ s’agissant d’un accident du travail et d’un accident de trajet : la victime


doit en informer ou en faire informer son employeur dans les 24 heures
(sauf force majeure, motif légitime ou incapacité absolue) ; à charge
pour l’employeur de procéder à la déclaration dans les 48 heures auprès
de la caisse primaire d’assurance maladie. À compter de cette déclara-
tion, il dispose d’un délai de 10 jours pour transmettre ses réserves moti-
vées à la caisse s’il estime que l’accident est étranger au travail de la
victime ;
ȃ s’agissant d’une maladie professionnelle, c’est à la victime (ou à défaut
ses ayants-droit) de faire la déclaration à la caisse à partir du certificat
médical remis par le médecin. Cette spécificité s’explique par le fait que
la maladie peut se manifester dans une période ultérieure à l’exercice
de l’activité professionnelle, par exemple au cours de la retraite.
La caisse d’assurance maladie doit instruire la demande de prise en charge
en respectant le principe du contradictoire et en procédant le cas échéant
à une enquête, en particulier si l’employeur a formulé des réserves au
moment de la déclaration. Elle doit informer non seulement le salarié victime
mais aussi l’employeur sur la procédure d’instruction et les points suscep-
tibles de leur faire grief. Le non-respect de cette procédure par la caisse
entraîne l’inopposabilité de sa décision vis-à-vis de l’employeur, alors même
que la victime peut être indemnisée.
L’organisme doit prendre sa décision dans un certain délai (30 jours en cas
d’accident du travail, 120 jours en cas de maladie professionnelle, avec la
possibilité de prolonger ces délais à des fins d’instruction complémentaire,
notamment de 120 jours à compter de la saisine du C2RMP) et la notifier à
l’employeur et au salarié victime. À défaut de notification d’une décision
expresse dans le délai imparti, le silence gardé par la caisse vaut reconnais-
sance implicite du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie en
faveur de la victime.
La prise en charge des accidents du travail et des maladies profession-
nelles au titre des prestations légales est assortie d’une prescription de
deux ans.
138
B - L’apparence d’une indemnisation favorable
Le différentiel d’indemnisation en faveur de l’assurance accident du travail
et maladie professionnelle par rapport à l’assurance maladie, invalidité et
décès est en général d’autant plus marqué que le préjudice subi par la victime
est élevé.
Même si elle comporte des prestations en nature, le caractère favorable
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de cette législation repose essentiellement sur les prestations en espèces
lesquelles indemnisent l’incapacité temporaire de travail, l’incapacité per-

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
manente ou les ayants droit de salariés décédés.
Au contraire de ce que prévoient les législations d’assurance maladie et
d’assurance invalidité, l’ouverture du droit aux prestations en espèces n’est
assortie d’aucune condition préalable de cotisations, de durée d’emploi ou
d’affiliation. La victime y ouvre droit dès le premier jour d’activité : il suffit
que l’accident ou la maladie en cause revête un caractère professionnel.
S’agissant de l’indemnisation au titre des prestations en espèces, juste
après l’accident (ou la constatation de la maladie) commence la période
d’incapacité temporaire, laquelle prend fin soit par la guérison de la victime
en l’absence de séquelle, soit par la consolidation des lésions, c’est-à-dire
par le constat médical de la stabilisation de son état. Dans cette dernière
éventualité, s’ouvre la période d’incapacité permanente (➦ voir infra).
❚ Les prestations en nature
Elles comprennent la prise en charge à la fois des frais de santé entraînés
par le traitement médical de la victime et des frais de réadaptation et de réé-
ducation engagés pour lui rendre son aptitude physique et sa capacité de gain.

La prise en charge des frais de santé


L’assurance accident du travail et maladie professionnelle comporte une
prise en charge des frais de santé, un peu plus avantageuse que celle de
l’assurance maladie : elle s’en distingue par l’exonération du ticket modéra-
teur et le droit au tiers-payant pour les honoraires médicaux, ainsi que par
une prise en charge nettement supérieure de certaines prothèses, en parti-
culier les prothèses dentaires. En revanche, la victime est soumise au forfait
d’un euro par acte médical ainsi qu’aux franchises sur chaque boîte de médi-
cament ou transport sanitaire.

Les dispositifs de réinsertion professionnelle


La réadaptation fonctionnelle vise à restituer à la victime une aptitude
physique aussi complète que possible alors que la rééducation profession-
nelle doit lui permettre d’exercer soit son ancienne profession avec une capa-
cité physique réduite, soit une nouvelle profession adaptée à son état. 139
Il s’agit donc de deux dispositifs indépendants l’un de l’autre même si sou-
vent, la réadaptation professionnelle suppose une rééducation profession-
nelle préalable. Au regard de l’objectif de réinsertion professionnelle, leurs
finalités peuvent se cumuler et elles sont soumises à des règles similaires :
remboursement des frais de séjour et de transport en cas d’admission dans
un établissement spécialisé, versement des indemnités journalières dans la
limite du cumul autorisé avec un salaire ou une rente.
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À l’issue d’un stage de rééducation professionnelle, les victimes peuvent
prétendre à des primes de fin de rééducation ou des prêts d’honneur s’ils
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

souhaitent poursuivre une activité comme travailleur indépendant.


❚ L’indemnisation de l’incapacité temporaire de travail
Elle prend la forme d’indemnités journalières ayant pour objet de com-
penser la perte de salaire de la victime dès le lendemain de l’arrêt de travail.
La journée au cours de laquelle celui-ci survient est intégralement à la charge
de l’employeur.
L’indemnisation est nettement supérieure à celle accordée au titre de
l’assurance maladie :
ȃ le délai de carence n’existe pas ;
ȃ le taux de l’indemnité journalière est fixé à 60 % du gain journalier de
base jusqu’au 28e jour consécutif d’arrêt de travail, puis passe à 80 % dès
le 29e jour, quelle que soit la charge de famille du bénéficiaire ;
ȃ le gain journalier de base est pris en considération jusqu’à concurrence,
non du plafond journalier de cotisations, mais de 0,834 % du plafond annuel
(343,07 € en 2021), ce qui est bien plus avantageux que le plafond journalier
des cotisations retenu en assurance maladie (189,00 € en 2021).
Comme en matière d’assurance maladie, l’indemnité journalière ne fait
plus l’objet de revalorisations périodiques en cas d’arrêt de travail supérieur
à trois mois. Elle est en principe subordonnée à l’arrêt du travail, mais est
cumulable dans les mêmes conditions avec un travail dit « léger » et de
nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure. Elle est payée
pour chaque journée ouvrable ou non jusqu’à la date de la reprise de l’activité
salariée, ou encore, de la date de la guérison ou la consolidation. La date de
cette dernière fixe le point de départ de la rente d’incapacité permanente.
❚ L’indemnisation de l’incapacité permanente de travail
Elle prend essentiellement la forme d’une rente d’incapacité permanente
totale ou partielle qui constitue en général une prestation nettement plus favo-
rable que la pension d’invalidité (➦ voir annexe infra). Cette disparité résulte
140 à la fois de la détermination du taux d’incapacité et du salaire de référence
retenu.
Le taux d’incapacité réelle et le taux d’incapacité corrigé
L’incapacité de travail est évaluée par le service du contrôle médical de
l’assurance maladie auquel il incombe de fixer le taux d’incapacité réelle de
la victime en fonction de la profession antérieurement exercée par la victime.
Pour ce faire, le médecin-conseil se réfère à un barème très détaillé, mais qui
n’a que valeur indicative. Il prend en considération la nature de l’infirmité,
l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que
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ses aptitudes et sa qualification professionnelle. Comme en invalidité, la
décision de la caisse est fonction de l’avis du médecin-conseil.

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
Si le préjudice professionnel de l’assuré est important, le médecin-conseil
peut aussi faire application d’un coefficient professionnel, c’est-à-dire sura-
jouter un pourcentage (rarement supérieur à 5 %) au taux d’incapacité pré-
cédent, bien que celui-ci prenne déjà en compte cette forme de préjudice.
Le taux d’incapacité réelle qui peut varier de 1 à 100 % est donc déterminé
d’une façon beaucoup plus précise qu’en matière d’assurance invalidité (où
les taux ont des valeurs prédéterminées de 30 ou de 50 %).
En cas d’accidents successifs, le taux est fixé en considération du taux
global d’incapacité atteint par l’intéressé.
Afin de permettre le calcul de la rente, le taux d’incapacité est ensuite
corrigé : il est réduit de moitié pour la fraction inférieure à 50 %, la fraction
supérieure à 50 % étant au contraire augmentée de moitié.

EXEMPLE
Un taux d’incapacité réelle de 80 % (50 % + 30 %)
donne un taux d’incapacité corrigé de :
50/2 % + (30 % x 1,5) = 25 + 45 % = 70 %

On constate, en conséquence, que plus l’incapacité permanente est grave,


et plus l’indemnisation de la perte de gain se rapproche de l’indemnisation
intégrale puisqu’en cas d’incapacité permanente totale, le taux corrigé coïn-
cide avec le taux réel (100 %).

Le salaire utile
Le salaire utile est obtenu à partir du dernier salaire annuel de la victime
en le prenant en considération dans les conditions suivantes :
ȃ il ne peut être inférieur à un minimum annuel désigné M (18 649,91 € au
1er avril 2021) ce qui permet ainsi de calculer la rente à partir d’une base supé-
rieure à celle du SMIC ;
ȃ jusqu’à 2 M, le salaire annuel de la victime est retenu pour la totalité de sa 141
valeur ;
ȃ entre 2 et 8 M, le salaire annuel de la victime n’est retenu qu’à raison d’un
tiers.
Il n’est tenu aucun compte de la fraction de salaire supérieure à 8 M (limite
trois fois supérieure à celle de la pension d’invalidité qui est fixée à 50 % du
plafond de la sécurité sociale).

La détermination de la rente
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Si le taux d’incapacité réelle est inférieur à 10 %, il y a obligatoirement
conversion de la rente en capital libératoire (ex. : 2 987,19 € en 2021 pour
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

un taux d’incapacité de 7 %).


Si le taux d’incapacité réelle est supérieur à 10 %, la rente due à la victime
est donnée par la formule ci-dessous :

Salaire utile x Taux d’incapacité corrigé

Cette rente est révisée en cas d’amélioration ou d’aggravation de l’état de


la victime.
Enfin, et contrairement à la pension d’invalidité, la rente d’incapacité est
une rente viagère : elle continue d’être versée à son bénéficiaire lorsqu’il lui
est attribué une pension d’assurance vieillesse.
Elle peut être complétée par le versement d’une prestation complémen-
taire pour recours à tierce personne lorsque la victime est atteinte d’une
incapacité au moins égale à 80 % et que son état nécessite l’assistance
constante d’une tierce personne pour l’accomplissement des actes de la vie.
❚ L’indemnisation en cas de décès de la victime
Le particularisme de la législation des accidents du travail et maladies
professionnelles s’accentue encore en cas de décès de la victime, lequel
ouvre droit à des rentes viagères aux ayants droit :

ȃ le conjoint survivant, le concubin et la personne liée à la victime par un


pacte civil de solidarité (PACS) a droit à une rente égale à 40 % du salaire
utile de la victime, 60 % s’il a 55 ans, sous réserve d’une durée de mariage
de deux années ou de la naissance d’un enfant ;
ȃ les enfants à charge jusqu’à l’âge de 20 ans ont droit à une rente fixée
à 25 % du salaire utile pour chacun des deux premiers enfants, et à 20 %
pour chacun des suivants ;
ȃ les ascendants à la charge de la victime, en l’absence de conjoint survi-
vant ou de descendant(s), ont droit de recevoir chacun une rente égale
142 à 10 % du salaire utile, dans la limite d’un plafond global de 30 %.
La somme des rentes versées à l’ensemble des survivants ne peut dépas-
ser 85 % du salaire utile de la victime ; à défaut, le montant de chacune des
rentes est réduit à due concurrence.
À titre de comparaison, le capital décès de l’assurance décès (CSS,
art. L.361-1) versé aux ayants droit d’un assuré par l’assurance décès corres-
pond à une somme forfaitaire de 3 400 €.
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L’indemnisation forfaitaire de la législation sur les accidents du travail et
maladies professionnelles apparaît d’autant plus favorable, en comparaison

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
de la législation de droit commun – celle de l’assurance maladie-invalidité-
décès –, que le dommage qu’elle entend réparer est élevé. Pour autant, ce
mode de réparation forfaitaire issu de la loi du 9 avril 1898 a vu sa pertinence
remise en cause à l’épreuve du temps, notamment depuis le début des
années 2000.

2 L’extension du droit à réparation


complémentaire

Accordant une immunité civile à l’employeur, le compromis de la loi du


9 avril 1898 a introduit un régime de responsabilité ne laissant guère de
place au droit à réparation complémentaire, dans la mesure où il fait obs-
tacle à la mise en cause de sa responsabilité civile (CSS, art. L.452-1).
Cependant, à la faveur des évolutions jurisprudentielles et législatives,
notamment sous l’effet de la crise de l’amiante, la victime d’un accident du
travail ou d’une maladie professionnelle, ou ses ayants droit, peut souvent
prétendre à une réparation complémentaire en sus des prestations de sécu-
rité sociale. Elle peut notamment faire valoir, le cas échéant devant le juge,
la faute inexcusable de l’employeur dont la jurisprudence a largement
étendu la portée depuis 2002. En outre, quelques législations sociales adop-
tées lors des dernières décennies concourent à l’extension du droit à répa-
ration complémentaire.

A - L’incidence de la faute intentionnelle


et de la faute inexcusable
Simplement évoquée par la loi du 9 avril 1898, la faute inexcusable consti-
tuait alors une réminiscence du droit de la responsabilité civile, sans qu’une
définition en soit donnée. Elle était néanmoins distinguée de la faute inten-
tionnelle mentionnée par la même loi. À l’instar de la faute intentionnelle, la
faute inexcusable de l’employeur n’a longtemps occupé qu’une place rési-
duelle dans la réparation des accidents du travail et maladies profession-
nelles. Cependant, à l’occasion d’une série d’arrêts relatifs à l’indemnisation 143
des victimes de l’amiante, la Cour de cassation a opéré en 2002 un revirement
de jurisprudence qui a assoupli considérablement la notion de faute inexcu-
sable en vue d’élargir le droit des victimes à réparation complémentaire.
❚ La réparation intégrale au titre de la faute intentionnelle
Selon la définition communément admise en droit de la sécurité sociale :
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La faute intentionnelle consiste en un acte ou une omission volontaire
ayant causé sciemment des lésions corporelles (ex. : à l’occasion d’une
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

rixe sur le lieu de travail).


Aussi s’agit-il d’une faute peu fréquente dans le champ de l’assurance acci-
dent du travail et maladie professionnelle.
Dans ce cas, l’employeur ou son préposé (le premier est garant de la sol-
vabilité du second) supporte la charge entière de la réparation intégrale du
dommage de la victime, laquelle est appréhendée comme en matière de
responsabilité civile. Plus précisément, l’organisme d’assurance maladie
exerce son recours contre l’employeur ou le préposé afin d’obtenir le rem-
boursement des prestations qu’il verse à la victime. De son côté, celle-ci a la
possibilité d’agir contre l’auteur de son préjudice pour obtenir le complément
de réparation correspondant à la différence entre le préjudice total et les
prestations d’accident du travail servies par la caisse.
Au cas où la faute intentionnelle lui est imputable, la victime n’ouvre droit
qu’aux seuls remboursements de soins de l’assurance maladie, sachant
qu’elle est privée du droit aux prestations en espèces. L’exemple le plus cou-
rant est celui où la victime se blesse volontairement en vue de bénéficier du
service d’une rente au titre de la législation sur les risques professionnels.
❚ La réparation étendue au titre de la faute inexcusable
La faute inexcusable (CSS, art. L.452-1) est elle aussi simplement évoquée
par la loi alors même qu’elle est spécifique au droit de la sécurité sociale. À
la différence de la faute intentionnelle de l’employeur, elle ne permet pas
une réparation intégrale du préjudice de la victime mais une majoration de
la rente d’accident du travail et un complément d’indemnisation afin d’assu-
rer la réparation des chefs de préjudice autres que ceux couverts par la sécu-
rité sociale.

L’assouplissement de la notion de faute inexcusable


Jusqu’à l’entrée dans le xxie siècle, la définition de la faute inexcusable
était fournie par le fameux arrêt « Dame Veuve Villa » de la Cour de cassa-
tion (Ch. réun., 15 juill. 1941, n° 00-26.836), selon lequel la faute inexcusable
était « une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou
144
d’une omission volontaire, de la conscience que devait en avoir son auteur
du danger qui pouvait en résulter et en l’absence de toute autre cause jus-
tificative, ayant été par elle-même la cause déterminante de l’accident ».
Ainsi définie, la faute inexcusable se différenciait surtout de la faute inten-
tionnelle par l’absence d’intention de son auteur de provoquer un dom-
mage. Une conception aussi restrictive aboutissait d’ailleurs à ce qu’elle ne
puisse guère être invoquée par la victime en vue d’obtenir de l’employeur
un complément de réparation.
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Plus d’une soixantaine d’années plus tard, la Cour de cassation a retenu
une toute autre conception de la faute inexcusable avec les arrêts

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
« amiante » du 28 février 2002 (Cass. soc., 28 fév. 2002, n° 00-11.1793 et s.
[huit arrêts]). Celle-ci a été consacrée par un arrêt d’assemblée plénière de
la Cour en date du 24 juin 2005 :
« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu
envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui
concerne les accidents du travail, et […] le manquement à cette obligation a
le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du Code de
la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience
du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures né-
cessaires pour l’en préserver. »

En estimant que l’employeur a vis-à-vis du salarié une obligation de sécu-


rité de résultat, la Cour de cassation a assoupli de façon substantielle la
notion de faute inexcusable. Au vu de la jurisprudence ultérieure, qui a permis
d’affiner la portée de cette obligation, il peut néanmoins se prémunir contre
la faute inexcusable en veillant tout particulièrement à la mise en place de
mesures de sécurité suffisantes, à l’état du matériel utilisé et à l’existence
d’une formation suffisante du salarié à son poste de travail.
Sans que soient remis en cause les deux éléments substantiels de la faute
inexcusable (la conscience par l’employeur du danger ; la carence de l’em-
ployeur à prendre les mesures nécessaires pour préserver ce salarié du dan-
ger), la notion de faute inexcusable issue des arrêts « amiante » du 28 février
2002 a été redéfinie en 2020 par deux arrêts de la Cour de cassation (Cass.
2e civ., 8 oct. 2020, n° 18-25.021 et n° 18-26.677) lesquels se réfèrent au
manquement à l’obligation légale de sécurité de l’employeur, et non plus
à son obligation contractuelle de sécurité de résultat.
De surcroît, l’évolution de la jurisprudence sur la faute inexcusable a éga-
lement pris en compte l’hypothèse du concours de fautes entre l’employeur
et le salarié :
« il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été
la faute déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit
une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée 145
alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage » (Cass.
soc., 31 oct. 2002, n° 00‑18.359).
Cette nouvelle approche jurisprudentielle est certes plus conforme aux
principes directeurs du droit du travail, mais elle s’inscrit aussi dans le
contexte général de l’évolution du droit de la responsabilité civile, qui invite
à atténuer les disparités entre les réparations résultant de la vie courante et
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celles, forfaitaires, des risques professionnels.
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

La portée de la faute inexcusable sur l’indemnisation


L’article L.452-1 du CSS énonce le principe général selon lequel, lorsque
l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime
ou ses ayants droit ont droit à une « indemnisation complémentaire », sans
qu’il s’agisse pour autant d’une réparation intégrale des préjudices.
Concrètement, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie profes-
sionnelle résultant de la faute inexcusable commise par l’employeur peut
prétendre à :

ȃ une majoration de la rente accident du travail : elle est déterminée


en appliquant le taux d’incapacité réelle au salaire annuel sans pouvoir
néanmoins excéder certains plafonds (CSS, art. L.452-2) ;
ȃ une indemnité forfaitaire égale au salaire minimum légal en vigueur
à la date de la consolidation si la victime est atteinte d’un taux d’incapa-
cité permanente de 100 % ;
ȃ la réparation d’autres chefs de préjudice énumérés par la loi : souf-
frances physiques et morales, préjudices esthétiques et d’agrément et
préjudices résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de
promotion professionnelle. Il s’agit de chefs de préjudice non couverts
de façon forfaitaire par les prestations de sécurité sociale, mais indem-
nisés selon les règles du droit de la responsabilité. Cette liste des chefs
de préjudice extrapatrimoniaux est une liste limitative (CSS, art. L.452-3),
ce qui ne permet qu’une réparation incomplète du préjudice de la victime.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce dernier
point, le Conseil constitutionnel a certes conclu à la conformité à la
Constitution des dispositions de l’article L.452-3 mais les a interprétées
comme ouvrant à la victime la faculté de demander la réparation, non seu-
lement des préjudices qu’elles énumèrent, mais également « de l’ensemble
des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale
(partie relative aux accidents du travail et maladie professionnelle) » (Cons.
const.,18 juin 2010, décis., n° 2010-8 QPC).
S’appuyant d’abord sur cette réserve d’interprétation, la Cour de cassation
146 a jugé que la victime d’une faute inexcusable ne pouvait se voir opposer le
caractère limitatif des préjudices énumérés à l’article L.452-3 du code de la
sécurité sociale, alors qu’elle sollicitait l’indemnisation des frais d’aménage-
ment de son logement et l’acquisition d’un véhicule adapté à son état (Cass.
Civ. 2e, 30 juin 2011, n° 10-19.475).
Puis se fondant sur la distinction des chefs de préjudice retenue par la
nomenclature « Dintilhac », la Cour de cassation a ensuite reconnu, plus lar-
gement, le droit pour la victime et ses ayants droit d’obtenir la réparation de
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nouveaux chefs de préjudice autres que ceux énumérés par la loi et non
pris en charge, en tout ou partie, en vertu de la législation d’assurance acci-

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
dent du travail et maladie professionnelle (Cass. Civ. 2 e, 4 avr.2012,
n° 11-14.311 et 11.14-594) : préjudice sexuel, déficit fonctionnel temporaire,
préjudice d’établissement, etc.
Plus récemment, dans un arrêt du 5 avril 2019, la Cour de cassation a jugé
qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, le salarié, lorsqu’il a été exposé
à des substances toxiques, a la possibilité d’agir contre son employeur en
réparation de son préjudice d’anxiété sur le fondement des règles de droit
commun régissant l’obligation de sécurité de résultat (Cass. Ass. Plén.,
5 avr. 2019, n° 15-23.334).
Aux termes de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, il appartient
à la caisse de sécurité sociale de faire l’avance à la victime ou à ses ayants
droit, des réparations complémentaires dues au titre de la faute inexcusable,
charge à elle d’en récupérer le montant auprès de l’employeur sous la forme
d’un capital représentatif lorsqu’il s’agit d’une majoration de rente ou d’une
indemnité forfaitaire, et à hauteur de leur montant réel lorsqu’il s’agit de
l’indemnisation des préjudices énumérés ci-dessus.
Il n’en reste pas moins que l’indemnisation des préjudices subis en cas de
faute inexcusable n’est pas intégrale. En particulier, elle exclut toute indem-
nisation d’un chef de préjudice qui fait l’objet d’une couverture, même
réduite, par les prestations et indemnisations forfaitaires prévues par le
livre IV du code de la sécurité sociale. En outre, les ayants droit de la victime
non décédée n’ont aucun droit à réparation de leur préjudice personnel,
comme cela est pourtant possible dans le droit commun de la responsabilité.
L’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa
propre faute inexcusable ou de celle de ses préposés. Il a d’autant plus intérêt
à le faire qu’il doit en assumer la charge sur son patrimoine personnel.

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable


Hormis les situations spécifiques de faute inexcusable présumée (affec-
tation d’un salarié intérimaire ou en contrat à durée déterminée sur un poste
de travail comportant des risques sans avoir au préalable suivi une formation
renforcée à la sécurité) ou de faute inexcusable de droit (signalement 147
à l’employeur du risque encouru par le salarié victime ou le comité d’hygiène,
de sécurité et des conditions de travail), il n’existe pas de présomption de
faute inexcusable, alors qu’il existe, comme on l’a vu (➦ voir supra), une
présomption simple, difficile à renverser en matière de reconnaissance des
accidents du travail et maladies professionnelles.
Il convient donc de démontrer la faute inexcusable de l’employeur et la
procédure prévue à cet effet comporte deux phases (CSS, art. L.452-4) :
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ȃ une phase de conciliation entre la caisse primaire d’assurance maladie
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

et l’employeur : la caisse, de sa propre initiative ou à la demande de la


victime ou de ses ayants droit en cas de décès, lance une conciliation avec
l’employeur en vue d’aboutir à un accord sur l’existence de la faute inex-
cusable et le montant de la majoration de la rente et des indemnités
complémentaires ;
ȃ une phase judiciaire devant le juge du contentieux de la sécurité
sociale, en cas d’échec de la conciliation.

La conception restrictive de la faute inexcusable du salarié


Au contraire de celle de l’employeur, la faute inexcusable de la victime n’a
pas vu son champ s’élargir, comme le souligne la jurisprudence : présente un
tel caractère « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité,
exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir
conscience » (Cass. Plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038). Compte tenu de cette
définition, la faute inexcusable du salarié n’est que très rarement établie.
La faute inexcusable commise par la victime ne fait pas obstacle à la prise
en charge de l’accident ou de la maladie professionnelle. Elle peut néanmoins
donner lieu à une réduction de la majoration de la rente d’incapacité perma-
nente par la caisse primaire, sans que celle-ci soit tenue de l’appliquer.

B - Les mesures légales en faveur de la réparation


complémentaire
Au cours de la période contemporaine, un certain nombre de lois ont ins-
tauré divers dispositifs dérogeant aux règles de l’immunité civile de l’em-
ployeur et de la réparation forfaitaire posées dans le compromis de la loi du
9 avril 1898. Il peut s’agir de législations externes au champ de la sécurité
sociale, comme celle relative aux accidents de circulation, ou au contraire,
de législations spécifiques portant création de fonds d’indemnisation à des-
tination des victimes de l’amiante.

148
❚ L’incidence des législations sur les accidents
de la circulation
L’indemnisation complémentaire des accidents du travail résultant
d’un accident de la circulation
S’inscrivant dans une tendance plus générale à la création de systèmes
d’indemnisation spécifiques pour certaines catégories de victimes (ex. :
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infractions pénales, accidents médicaux imputables à un aléa thérapeutique),
la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation, dite loi

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
« Badinter », a mis en place une indemnisation plus favorable que celle de la
législation d’assurance accident du travail dans la mesure où celle-ci n’ouvre
droit qu’à une réparation forfaitaire. Or, l’une et l’autre sont susceptibles de
concerner les salariés victimes d’un accident de la circulation dans l’exercice
de leur activité professionnelle, et donc, en même temps d’un accident du
travail (à distinguer d’un accident du trajet, ➦ voir infra).
Hormis si l’accident est dû à un tiers étranger à l’entreprise, sachant dans
ce cas que la victime peut obtenir de celui-ci la réparation de son entier dom-
mage en vertu des règles de la loi du 5 juillet 1985, la question se pose de
savoir à laquelle des deux législations il convient de se référer – celle sur les
accidents de la circulation ou celle sur les accidents du travail ? – si l’accident
de la circulation survenu au salarié victime est imputable à l’employeur ou à
ses préposés.
Depuis la loi du 27 janvier 1993, la victime d’un accident du travail survenu
sur la voie publique bénéficie d’un complément de réparation sur le fonde-
ment de la loi du 5 juillet 1985 dès lors qu’elle est transportée dans un véhi-
cule à moteur conduit par l’employeur, un préposé ou une personne
appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L.455-1-1). Cette
loi garantit aux victimes d’accidents de la circulation une indemnisation qui,
pour être quasi automatique, n’en est pas moins en principe intégrale.

L’indemnisation complémentaire des accidents de trajet


En vertu de la loi du 6 août 1963, la victime d’un accident de trajet peut
obtenir la réparation intégrale du préjudice en exerçant un recours contre
tiers, conformément aux règles du droit de la responsabilité civile. L’action
de la victime ou de ses ayants droit peut être conduite à l’encontre de tout
tiers responsable de l’accident : l’employeur ou un de ses préposés ou une
personne appartenant à la même entreprise que la sienne (CSS, art. L.455-1).
❚ L’institution de Fonds spécifiques en faveur des victimes
de l’amiante
Afin d’améliorer l’indemnisation des personnes concernées, sans pour
149
autant remettre en cause l’économie générale de l’assurance accident
du travail et maladie professionnelle, les pouvoirs publics ont institué par la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 un établissement public
de l’État : le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).
Abondé par des contributions du budget de l’État et de la branche accident
du travail de la sécurité sociale, il a pour objet de compléter les prestations
de l’assurance accident du travail et maladie professionnelle pour que tout
salarié victime de l’amiante puisse obtenir une réparation intégrale de son
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préjudice. En conséquence, doivent être pris en compte :
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

ȃ les préjudices patrimoniaux (ou économiques) : indemnisation de l’inca-


pacité fonctionnelle, du préjudice professionnel (perte de gains) et de tous
les frais induits par la pathologie laissés à la charge de la victime ;
ȃ les préjudices extra-patrimoniaux (ou personnels) : préjudice moral
et physique, préjudices d’agrément, préjudice esthétique.
Le FIVA procède à l’instruction des demandes et se substitue notamment
aux indemnisations que la victime pourrait recevoir au titre de l’assurance
accident du travail et maladie professionnelle. Il formule une offre d’indem-
nisation qu’il évalue à partir de deux critères déterminants : la pathologie de
la victime et son degré de gravité ainsi que l’âge de la victime au moment de
la constatation du dommage. Il précise l’évaluation retenue pour chaque chef
de préjudice, et déduit poste par poste les prestations de sécurité sociale. Il
s’ensuit deux cas de figure :
ȃ si l’offre d’indemnisation est acceptée, la victime renonce à toute action
en responsabilité, même à l’encontre de son employeur pour faute
inexcusable. Le FIVA est alors subrogé dans ses droits et peut former
une action contre l’employeur, et contre les tiers-payeurs, principale-
ment les caisses primaires ;
ȃ si l’offre d’indemnisation est refusée, la victime peut aussi en contester
le caractère insuffisant en assignant le Fonds devant une cour d’appel
dans un délai de deux mois à compter de la réception de son offre.
Le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante
(FCAATA) créé par ailleurs par la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, finance l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de
l’amiante (ACAATA) au moyen d’une contribution de l’État et surtout, d’un
concours financier de la branche accident du travail et maladie profession-
nelle. Cette allocation est servie aux salariés et anciens salariés des établis-
sements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, âgés de plus
de 50 ans qui cessent leur activité avant de pouvoir obtenir une pension de
retraite à taux plein.
Versée par les caisses de retraite et de santé au travail (CARSAT) à environ
150 11 000 bénéficiaires (2019), cette prestation est fonction de la durée d’expo-
sition au risque et est égale à une fraction du salaire mensuel moyen perçu
par le salarié au cours des douze derniers mois d’activité salariée (65 % du
salaire dans la limite du plafond annuel des cotisations et, le cas échéant,
50 % pour la part du salaire comprise entre une et deux fois le montant du
plafond).

Conclusion
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5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
Même si les avancées en faveur d’une réparation intégrale des risques
professionnels en cas de faute inexcusable de l’employeur sont à conforter
par une intervention du législateur, comme le préconise la Cour de cassation
dans ses rapports annuels, il n’apparaît pas souhaitable en revanche d’ins-
taurer de façon globale une réparation intégrale de tous les accidents du
travail et maladies professionnelles. Une telle formule comporterait le dan-
ger d’entraîner la sortie de l’assurance accidents du travail et maladies pro-
fessionnelles de l’organisation de la sécurité sociale. Elle aboutirait à une
remise en cause du fameux « deal en béton » de la loi de 1898, selon l’expres-
sion fameuse de Jean-Jacques Dupeyroux, au détriment de la quasi-
automaticité d’indemnisation due aux victimes. Surtout il apparaît opportun
de ne pas perdre de vue que l’objectif premier de la prise en charge des acci-
dents du travail et maladies professionnelles ne doit pas être la réparation
financière des préjudices, mais de prévenir les risques professionnels. Aussi
le triptyque réparation-tarification-prévention, qui caractérise la législation
d’assurance accident du travail et maladie professionnelle, a-t-il encore toute
sa pertinence.

151
Annexe 4
L’invalidité et le handicap
dans la législation de sécurité sociale

L’origine du handicap (accident du travail, invalidité, etc.), détermine quelle est


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la législation de sécurité sociale applicable en la matière.
La loi du 11 février 2005 définit le handicap comme le fait pour une personne de
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

se trouver durablement limitée dans ses activités ou restreinte dans sa partici-


pation à la vie en société en raison d’une altération d’une fonction physique,
sensorielle, mentale ou psychique ou de plusieurs d’entre elles.
Outre la compensation et la prévention de la perte d’autonomie, qui constitue
l’objet de la cinquième branche de la sécurité sociale créée par les lois organique
et ordinaire du 7 août 2020 (➦ voir chap. 8), les législations de sécurité sociale
garantissent un revenu de remplacement ou de subsistance aux personnes en
situation de handicap. À côté de la législation de l’assurance accident du travail,
la législation d’assurance invalidité joue un rôle clé dans ce domaine.

La législation d’assurance invalidité au service


de l’indemnisation du handicap
Créée par la loi du 30 avril 1930 sur les assurances sociales, puis confortée par
l’ordonnance du 19 octobre 1945, l’assurance invalidité a pour objet de couvrir
l’insuffisance fonctionnelle d’un ou de plusieurs organes physiologiques s’accom-
pagnant d’une réduction permanente de la capacité de travail de l’assuré. Ainsi,
la notion d’invalidité est entendue dans un sens technique qui est forcément
réducteur au regard de la définition générale du handicap. Elle ouvre le droit à
une pension d’invalidité (CSS, art. L.341-1) aux seules personnes handicapées
ayant travaillé au préalable, ou travaillant encore, qui sont victimes d’une inca-
pacité permanente de travail d’origine non professionnelle.
La pension d’invalidité est assortie des conditions d’ouverture de droits sui-
vantes :
ȃ les durées d’activité ou les montants de cotisations, ou encore la durée d’affi-
liation, sont les mêmes que pour l’ouverture des droits aux indemnités journa-
lières de l’assurance maladie servies pour une durée de 6 mois et plus (➦ voir
annexe du chapitre 4) ;
ȃ la réduction de la capacité de travail ou de gain doit être d’au moins les deux
tiers.
Le montant de la pension d’invalidité correspond à un taux de 30 ou 50 % du 
salaire annuel moyen dans la limite du plafond de la sécurité sociale :
ȃ le salaire annuel moyen (SAM) correspond à la moyenne des rémunérations
cotisées au cours d’une période de référence, celle des dix années les plus favo-
152 rables ;
ȃ le taux d’invalidité distingue selon trois catégories : la 1re catégorie (taux de
30 % du SAM) comprend les invalides encore capables d’exercer une quelconque
activité professionnelle et la 2e catégorie (taux de 50 % du SAM), ceux dans
l’incapacité de le faire ; quant à la 3e catégorie (taux de 50 % et majoration de
40 %), elle désigne les invalides qui, à la différence de la précédente, sont dans
l’obligation d’avoir recours à une tierce personne pour effectuer les actes ordi-
naires de la vie courante.
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La pension d’invalidité prend fin à l’âge légal de la retraite et est alors remplacée
par une pension de vieillesse.

5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle
L’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) (CSS, art. L.815-24) constitue un
minimum social en faveur des personnes atteintes d’une incapacité de travail
d’au moins les deux tiers et disposant des ressources les plus modestes.
S’ajoutant à d’autres prestations (ex. : pension d’invalidité, pension de réversion),
elle revêt la forme d’une allocation différentielle tout en étant assortie d’un mon-
tant maximal : elle est destinée à garantir un revenu mensuel de 800 € pour une
personne seule et 1 400 € pour un couple. Elle prend fin dès que son titulaire
remplit la condition d’âge pour prétendre à l’allocation de solidarité aux per-
sonnes âgées (ASPA).

L’assurance invalidité en comparaison des autres


législations sur le handicap
Il existe deux autres législations de sécurité sociale qui ont pour objet de garan-
tir un revenu de remplacement aux personnes handicapées :
ȃ la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail a institué une réparation du
handicap due à une cause professionnelle, qui revêt depuis lors la forme d’une
rente d’incapacité de travail dans l’assurance accident du travail et maladie pro-
fessionnelle ;
ȃ la loi du 31 mars 1919 sur les anciens combattants et victimes de guerre, a
marqué la reconnaissance de la nation envers ceux-ci dans le code des pensions
militaires d’invalidité ;
On peut y ajouter dans une certaine mesure la loi du 30 juin 1975 d’orientation
du handicap qui n’est pas à proprement parler une législation de sécurité sociale.
Pour autant, elle a créé une prestation non contributive versée par les caisses
d’allocations familiales (CAF) : l’allocation aux adultes handicapés (AAH). L’AAH
est un minimum social relevant d’une logique d’aide sociale (CASF, art. L.244-1 ;
CSS, art. L.821-1) : elle est à la fois non contributive, financée par l’État et sub-
sidiaire par rapport aux avantages d’invalidité perçus au titre des législations de
sécurité sociale. Soumise à une condition de ressources, elle est attribuée par la
Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)
de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) aux personnes
de 20 ans et plus atteintes d’une incapacité permanente d’au moins 80 % (taux
plein) ou d’une incapacité comprise entre 50 et 80 % justifiant d’une restriction
substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. Reposant sur la technique de
l’allocation différentielle, l’AAH vise à garantir un revenu mensuel de 903,60 € 153
(au 1er avril 2021) pour une personne seule au taux plein. Elle peut être assortie
d’une majoration pour la vie autonome de 104,75 € pour faire face aux dépenses
liées au handicap (au 1er avril 2021).
Cette diversité de législations s’accompagne de disparités de couverture, dans
la mesure où c’est la nature du fait générateur de l’incapacité qui détermine le
caractère plus ou moins favorable de l’indemnisation sociale. Or, la comparaison
des taux d’incapacité à prendre en compte et des modes de calcul de la pension
d’invalidité révèle la modicité de la couverture du risque d’invalidité :
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ȃ le taux d’incapacité permanente : le code des pensions militaires d’invalidité
ne prévoit aucun seuil minimum d’incapacité, de même que la législation d’assu-
5. Assurance accident du travail et maladie professionnelle

rance accident du travail et maladie professionnelle. En revanche, l’attribution


d’une pension d’invalidité est subordonnée à un taux d’incapacité des deux tiers.
Ce taux est porté à 80 % pour l’allocation aux adultes handicapés (50 % si activité
professionnelle impossible) ;
ȃ les montants et durées d’indemnisation :
• pour les pensions militaires d’invalidité : pas de seuil minimum ni maximum
d’indemnisation et attribution à titre viager,
• pour les rentes accidents du travail : une assiette de calcul minimum et maxi-
mum, et attribution à titre viager avec une révision périodique,
• pour les pensions d’invalidité : garantie d’un minimum invalidité (800 € pour
une personne seule) et les pensions maximales correspondent à un taux du
plafond de la sécurité sociale (30 % pour 1re catégorie, 50 % pour 2e caté-
gorie) et sont attribuées à titre temporaire jusqu’à 60 ans,
• pour l’allocation aux adultes handicapés : elle est attribuée sous conditions
de ressources pour une durée renouvelable de 1 à 5 ans minimum.

154
Chapitre 6
Assurance vieillesse
et régimes de retraite

Les régimes d’assurance vieillesse, plus communément appelés


régimes de retraite, reposent sur une technique de financement, celle de
la répartition, en vertu de laquelle les cotisations recouvrées servent à
payer les pensions versées au cours de la même période. Il s’ensuit que
leur équilibre financier est déterminé par leur taux de dépendance démo-
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graphique, c’est-à-dire par le rapport entre le nombre d’actifs cotisants
et le nombre de retraités. Jusqu’au début des années 1980, à la faveur de
« l’âge d’or des retraites », la législation de l’assurance vieillesse a fait
l’objet de réformes consistant à abaisser l’âge de la retraite et à augmen-
ter le niveau des pensions. Cependant, à partir des années 1990, les
régimes de retraite de base et de retraite complémentaire se sont trou-
vés confrontés au vieillissement de la population et à la persistance d’un
taux de chômage élevé. Eu égard à ce retournement de contexte, la sau-
vegarde financière du système des retraites est devenue un défi récurrent.
Même si elle a déjà suscité plusieurs réformes depuis 1993, le mouvement
impulsé dans ce sens reste encore inachevé. Vouées à rendre le système
des retraites davantage contributif, de telles réformes nécessitent, pour
des raisons d’acceptabilité politique, la recherche d’une plus grande équité
sociale.

1 La structure à étages des régimes


de retraite

Composée d’une pluralité de régimes obligatoires, de base et complé-


mentaires, auxquels s’ajoutent des régimes supplémentaires facultatifs,
l’organisation des retraites montre une architecture à trois étages. Au-delà,
la complexité du système se retrouve dans la diversité et la technicité des
règles afférentes aux pensions.

A - L’organisation générale des régimes de retraite


Le système des retraites est constitué de trois étages :

ȃ les régimes d’assurance vieillesse de la sécurité sociale dits régimes de


base ;
ȃ les régimes complémentaires de retraite ;
ȃ les régimes supplémentaires ou sur-complémentaires de retraite.

155
❚ La segmentation des régimes de base
Objectif originel du Plan français de sécurité sociale de 1945, la générali-
sation de l’assurance vieillesse à toute la population est devenue une réalité,
mais l’unité d’organisation envisagée à l’origine est restée incomplète.
Couvrant les artisans et commerçants depuis le 1er janvier 2018, en sus
des salariés qui y sont traditionnellement affiliés, le régime général verse
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désormais plus de la moitié des pensions de retraite de base (57 % en 2020)
, tandis que la fraction restante relève du régime agricole, du régime des
professions libérales ou enfin, des régimes spéciaux, même si la plupart
d’entre eux accusent un déclin régulier de leurs effectifs respectifs.
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

D’une façon générale, les régimes de base reposent sur la technique de


la répartition en annuités (➦ voir infra) en vue de garantir la solidarité face
au risque vieillesse.

Le régime général, géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse


(CNAV), constitue le régime de droit commun sur les règles duquel sont
alignés certains autres régimes en matière de cotisations et de droits à
pension.
Ces « régimes alignés » sur le régime général sont :

ȃ le régime des salariés agricoles ;


ȃ le régime des artisans et commerçants, aligné en vertu d’une loi de
1972, soit une date antérieure à son rattachement à la CNAV par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2018.
Les régimes spéciaux de salariés (régime de la SNCF, régime des marins,
régime de l’Opéra, etc.) se caractérisent normalement par des règles plus
avantageuses (âge de départ à la retraite plus précoce, prise en compte
d’une période de référence plus favorable pour le calcul de la pension tels
les salaires des six derniers mois ou des trois dernières années, etc.).
Les spécificités les plus fortes se rapportent aux quelques régimes de tra-
vailleurs indépendants encore existants malgré la suppression du régime
social des indépendants (RSI) au 1er janvier 2018. Rarement avantageuses
pour leurs ressortissants, tout au moins en ce qui concerne les droits à pen-
sion, elles procèdent d’une conception minimaliste de la solidarité face au
risque vieillesse. Entrent dans cette catégorie :

ȃ le régime des exploitants agricoles dont les pensions de base sont scin-
dées deux éléments : une pension forfaitaire, proratisée selon la durée
de l’assurance, et une pension calculée en fonction du nombre de points
156 acquis proportionnellement aux revenus professionnels cotisés ;
ȃ le régime des professions libérales lequel se singularise vis-à-vis des
autres régimes de base dans la mesure où il s’appuie sur la technique de
la retraite par points.

❚ La superposition des régimes complémentaires


Afin de compléter les pensions d’assurance vieillesse de base s’ajoute un
deuxième étage qui est constitué des régimes complémentaires de retraite
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(leurs pensions correspondent à 28 % de l’ensemble des prestations vieillesse
servies par les régimes obligatoires). Ce sont eux aussi des régimes par répar-
tition mais ils se distinguent des régimes de base par le fait qu’ils fonc-
tionnent selon la technique de la répartition par points (➦ voir infra).

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
S’agissant des salariés du secteur privé, les régimes de retraite complé-
mentaire ont été mis en place par les partenaires sociaux par voie d’accord
national interprofessionnel. Créés postérieurement à la sécurité sociale, ils
ont pour objet d’en compléter les pensions d’assurance vieillesse. C’est en
particulier le cas des régimes de l’Association générale des institutions de
retraite des cadres (AGIRC) et de l’Association pour le régime de retraite
complémentaire des salariés (ARRCO) lesquels sont unifiés depuis le 1er jan-
vier 2019 en un régime AGIRC-ARRCO (86 % des dépenses des régimes
complémentaires). Compte tenu de l’origine conventionnelle de leur créa-
tion, les institutions correspondantes se singularisent vis-à-vis des orga-
nismes de sécurité sociale par leur gestion paritaire entendue au sens plein
puisque leurs conseils d’administration, où siègent des représentants des
organisations syndicales et patronales, disposent du pouvoir d’en fixer les
règles, notamment celles relatives aux pensions et cotisations. Une loi du
29 décembre 1972 a étendu à tous les salariés et employeurs du secteur privé
l’obligation d’affiliation aux régimes complémentaires de retraite : ce sont
des régimes d’origine conventionnelle mais rendus obligatoires en vertu de
la loi (CSS, art. L.921-1).
Par ailleurs, à l’instar des autres catégories de salariés, les personnels
contractuels de la fonction publique sont obligatoirement affiliés depuis
1972 au régime de l’Institution de retraite complémentaire des agents non
titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC). De surcroît, la
plupart des travailleurs non-salariés ont progressivement bénéficié eux aussi
d’un régime complémentaire obligatoire.

157
Tableau 7. Le système français des retraites

Catégories
Régimes de base Régimes complémentaires
professionnelles
Salariés du secteur Régime général-salariés Régimes complémentaires
privé et contractuels obligatoires :
de la fonction • ARRCO (salariés
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publique d’employeurs privés) et
AGIRC (cadres) fusionnés
au 1er janvier 2019
• IRCANTEC (agents non
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

titulaires de l’État et des


collectivités publiques)
Salariés agricoles Régime agricole aligné sur Régime complémentaire
le régime général obligatoire
Artisans et Régime général- Régime complémentaire
commerçants non salariés obligatoire
Professions • Régime de Régimes complémentaires
libérales- base (10 sections obligatoires
professionnelles regroupées
au sein de la Caisse
nationale d’assurance
vieillesse des professions
libérales [CNAVPL])
• Caisse nationale des
barreaux français (avocats)
Exploitants agricoles Régime agricole-règles Régime complémentaire
spécifiques distinctes obligatoire
de celles applicables
aux salariés agricoles
Fonctionnaires civils Régime spécial géré par le service des pensions + Régime
et militaires de l’État additionnel de la fonction publique (1)
Fonctionnaires Régime spécial géré par la Caisse nationale de retraite
des hôpitaux et des agents des collectivités locales (CNRACL) + Régime
des collectivités additionnel de la fonction publique
locales
Salariés des Régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, des marins, etc.
entreprises
publiques et autres
régimes spéciaux

158 (1) Sans constituer à proprement parler un régime complémentaire de retraite, le régime additionnel
des retraites de la fonction publique (RAFP) apporte aux fonctionnaires de l’État, hospitaliers et des
collectivités territoriales, un complément de pensions afin de prendre notamment en compte, dans
la limite de 20 % de leur traitement indiciaire, les primes des intéressés sachant qu’elles ne le sont pas
dans les régimes de base de la fonction publique pour le calcul des droits à pension. Ce régime addi-
tionnel est un régime obligatoire par répartition provisionnée et par points, financé à parité par une
double cotisation de 5 % sur les primes, à charge l’employeur et du salarié.

❚ La place accessoire des régimes supplémentaires


ou sur-complémentaires
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Les régimes de retraite supplémentaires (CSS, art. L.911-2), encore appe-
lés régimes sur-complémentaires, reposent sur la technique de la capitali-
sation, c’est-à-dire que leur financement repose sur la constitution d’une
épargne retraite collective à l’image des fonds de pension anglo-saxons

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
(➦ voir infra). Ils peuvent s’inscrire dans le cadre de la protection sociale
d’entreprise tout en restant le plus souvent facultatifs (Ordonnance du 3 juil-
let 2019 relative aux régimes professionnels de retraite supplémentaire). Les
régimes collectifs ainsi mis en place sont à distinguer des dispositifs indivi-
duels de retraites supplémentaires (ex. : plan d’épargne retraite populaire).
Quelles qu’en soient les variantes, leur place reste mineure dans le système
français (2,5 % de la masse totale des pensions tous régimes et dispositifs
confondus) faute d’une attractivité suffisante compte tenu de la hauteur des
garanties offertes à la fois par les pensions des régimes de base et
des régimes complémentaires fonctionnant en répartition.

B - Les pensions du régime général


et autres régimes de base
L’alignement des règles relatives aux pensions d’assurance vieillesse de
certaines catégories socio-professionnelles (artisans, commerçants, salariés
agricoles) sur celles en vigueur dans le régime général pour les salariés
concerne les conditions d’ouverture des droits à pension (âge d’accès à la
retraite, durée d’assurance préalable), ainsi que les modalités de calcul des
pensions (revenu professionnel de référence, taux de remplacement, majo-
ration et minoration du montant de la pension).

❚ L’ouverture du droit à la pension dans le régime général


L’assuré social peut prétendre à une pension d’assurance vieillesse s’il
atteint l’âge légal de la retraite et justifie d’une certaine durée d’assurance.

La condition d’âge de la retraite


Avec la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’âge légal
de la retraite est passé progressivement de 60 ans pour les personnes nées
avant le 1er juillet 1951 à 62 ans pour les personnes nées après le 1er janvier
1955. 159
Seules les catégories d’assurés entrant dans les cas de figure ci-dessous
ouvrent encore droit à une retraite à l’âge de 60 ans :

ȃ pour carrières longues : peuvent y prétendre les personnes ayant


commencé à travailler avant 20 ans, et justifiant d’une carrière profes-
sionnelle complète, dont un nombre minimal de trimestres avant cet
âge ;
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ȃ pour emplois pénibles : à ce titre, les salariés ont droit eux aussi à
une retraite anticipée, sans condition de durée d’assurance cette fois,
lorsqu’ils sont affectés d’une incapacité permanente de travail d’au
moins 20 % en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

de travail. Sous certaines conditions plus restrictives, ce taux d’incapa-


cité peut être abaissé à 10 %. En plus de ce dispositif, l’ordonnance du
22 septembre 2017 a institué le compte professionnel de prévention,
lequel, s’il a remplacé le compte de prévention de la pénibilité créé en
2014, en a conservé le principe : chaque facteur de pénibilité (travail de
nuit, travail répétitif, travail en horaires alternant, travail en milieu
hyperbare, bruit et températures extrêmes) permet au salarié d’accu-
muler des points en vue de permettre un départ anticipé à la retraite
de deux ans maximum ;
ȃ pour cause de handicap : lorsqu’une personne est atteinte d’une
incapacité permanente au moins égale à 50 %.
Corollaire du relèvement de l’âge minimal légal de la retraite, de 60 à
62 ans, l’âge légal « taquet » permettant d’obtenir une retraite à taux plein
en cas de durée d’assurance vieillesse incomplète est repoussé lui aussi de
deux ans, passant de 65 à 67 ans.
La condition de durée de l’assurance
Arrivés à l’âge de 62 ans, les assurés sociaux ne peuvent bénéficier d’une
pension à taux plein (taux de remplacement du revenu d’activité égal à 50 %
du salaire annuel moyen) que s’ils justifient d’une certaine durée d’assurance
oscillant entre 163 et 172 trimestres en fonction de l’année de naissance
(CSS, art. L.351-1 et s.) (➦ voir tableau 8 infra).
S’agissant de la durée d’assurance, les trimestres ne sont pas décomptés
de date à date ou par trimestres entiers travaillés mais à partir du montant
des cotisations versées. Pour valider un trimestre au compte individuel de
l’assuré, il faut avoir perçu un salaire minimum représentant 150 fois le SMIC
horaire en vigueur au 1er janvier (1 537, 50 € bruts pour 2021).
Pour le décompte de la durée d’assurance de trimestres acquis, certains
trimestres sont pris en compte non plus en contrepartie d’une cotisation,
mais au titre de mécanismes de solidarité en vue de compenser les aléas de
160
la carrière personnelle :
ȃ périodes assimilées : elles correspondent à certaines périodes d’inacti-
vité assimilées à une période travaillée à hauteur de 6 heures par journée
(ex. : périodes d’arrêt de travail maladie ou maternité, accident du travail,
chômage indemnisé, etc.) ;
ȃ majoration pour enfant(s) : initialement accordée aux seules femmes,
à hauteur de 8 trimestres par enfant, il s’agissait en quelque sorte d’une
discrimination positive en faveur des femmes puisqu’elle revenait à com-
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penser l’incidence de l’éducation des enfants sur leur carrière profession-
nelle et par suite, sur leurs droits à pension. Or, selon le juge européen,
cette règle s’inscrivait en faux avec le principe de non-discrimination
entre travailleurs des deux sexes (CJCE 29 nov. 2001, aff. C-366/99,

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
Griesmar). C’est pourquoi, aujourd’hui, la législation a évolué : la femme
conserve une majoration de 4 trimestres et en fonction du choix option-
nel des parents, 4 autres trimestres sont attribués au père ou à la mère.
En l’absence d’accord, il y a imputation en fonction de la charge effective
de l’enfant et à défaut, il s’opère entre les parents une répartition moitié-
moitié des 4 trimestres en cause. S’il n’y a pas d’exercice du droit d’option,
c’est à la femme que reviennent ces 4 trimestres (CSS, art. L.351-4).
Tableau 8. Conditions d’ouverture des droits à pension

Âge Âge Durée


Année
(ouverture (garantie d’assurance
de naissance
des droits) du taux plein) (taux plein)

1951 (1er semestre) 60 ans 65 ans 163 trimestres

1951 (2e semestre) 60 ans et 4 mois 65 ans et 4 mois 163 trimestres

1952 60 ans et 9 mois 65 ans et 9 mois 164 trimestres

1953 61 ans et 2 mois 66 ans et 2 mois 165 trimestres

1954 61 ans et 7 mois 66 ans et 7 mois 165 trimestres

1955 62 ans 67 ans 166 trimestres

1956 62 ans 67 ans 166 trimestres

1957 62 ans 67 ans 166 trimestres

1958 à 1960 62 ans 67 ans 167 trimestres

1961 à 1963 62 ans 67 ans 168 trimestres

1964 à 1966 62 ans 67 ans 169 trimestres

1967 à 1969 62 ans 67 ans 170 trimestres


161
Âge Âge Durée
Année
(ouverture (garantie d’assurance
de naissance
des droits) du taux plein) (taux plein)

1970 à 1972 62 ans 67 ans 171 trimestres

1973 62 ans 67 ans 172 trimestres


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Source : CSS, art. D.351-1-1 ; Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012.

À défaut de totaliser la durée d’assurance requise, les assurés sociaux qui


décident malgré tout de partir en retraite à l’âge légal doivent supporter une
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

minoration du taux de leur pension, appelée décote, qui s’élève à 1,25 % par
trimestre manquant. Au contraire, s’ils poursuivent une activité profession-
nelle au-delà de l’âge légal de la retraite alors qu’ils totalisent déjà la durée
d’assurance requise pour prétendre à une pension de retraite à taux plein
(50 %), ils peuvent se voir appliquer une majoration du taux de la pension,
appelée surcote, de 1,25 % par trimestre supplémentaire cotisé.
Cette double condition d’un âge légal de la retraite et d’une durée mini-
male d’assurance est donc déterminante pour l’ouverture du droit à une pen-
sion d’assurance vieillesse à taux plein.

Exemples :

ȃ une personne née en 1958 voit son âge légal de départ à la retraite à taux plein
(50 %) fixé à 62 ans sous réserve de justifier de 167 trimestres d’assurance ;
ȃ une personne née en 1973 devra justifier de 172 trimestres d’assurance mais
son âge légal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans.

La cessation d’activité
Le cumul d’une pension de retraite et d’une activité est possible dans les
régimes de base et complémentaires mais ne permet pas l’acquisition de
nouveaux droits à pension.
Un dispositif de retraite progressive, ouvert à l’âge de 60 ans, permet de
cumuler pension de retraite et salaire au prorata de la durée travaillée.
❚ Les mécanismes de calcul d’une pension dans le régime
général
Lorsqu’ils satisfont aux conditions requises, le régime général accorde aux
assurés sociaux une pension d’assurance vieillesse selon la technique de la
répartition en annuités, sachant qu’elle est en vigueur dans la quasi-totalité
162 des régimes de base. La formule ci-dessous en récapitule les paramètres
et le mode de calcul (CSS, art. L.351-1-1), étant précisé que les paramètres
d’âge de la retraite et de durée d’assurance sont fonction de la date de nais-
sance des intéressés (➦ voir tableau 8 supra).

Encadré 8. Formule de calcul d’une pension


dans un régime par répartition en annuités
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P = SAM x T x N
D
P : pension avec un mode de revalorisation faisant référence à l’évolution de
l’indice des prix

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
SAM : salaire annuel moyen calculé sur une période de référence correspon-
dant aux 25 meilleures années du point de vue du montant des rémunérations
cotisées
T : taux de remplacement à l’âge de la retraite à taux plein : c’est un taux de
50 % soumis le cas échéant à décote ou à surcote de 1,25 % par trimestre
manquant ou 1,25 % par trimestre supplémentaire au-delà de la durée d’assu-
rance requise
N : durée d’assurance validée en nombre de trimestres au titre des périodes
de travail ou assimilées (périodes de chômage, de maladie ou d’invalidité
indemnisées)
D : durée d’assurance requise pour l’attribution d’une pension à taux plein et
validée sur le compte individuel retraite
Le rapport N/D constitue le coefficient de proratisation

Le montant de la pension fait l’objet, en principe chaque année, d’une


revalorisation conformément à l’indice des prix à la consommation hors
tabac.
Le montant de la pension est également susceptible d’être assorti d’une
bonification et d’une majoration :
ȃ bonification pour enfant à charge : elle est de 10 % du montant de la pen-
sion lorsque l’assuré a eu ou a élevé au moins trois enfants, pendant au moins
9 ans jusqu’à leur 16e anniversaire ;
ȃ majoration pour tierce personne : elle est de 40 % du montant de la pension,
lorsque celle-ci est accordée pour inaptitude au travail ou qu’elle est substi-
tuée à une pension d’invalidité, au cas où l’assuré est dans l’obligation d’avoir
recours à une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie.

163
❚ Les règles particulières aux pensions
des régimes spéciaux
En matière de retraite, la situation des fonctionnaires et autres agents de
la fonction publique est à distinguer de celle des ressortissants des autres
régimes spéciaux.
Au sein de la fonction publique, il convient de distinguer entre les agents
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titulaires ou stagiaires, c’est-à-dire les fonctionnaires et les agents contrac-
tuels, qui, à la différence des premiers, ne sont pas soumis aux règles statu-
taires de la fonction publique, mais sont liés par un contrat à l’Administration.
Chacune de ces catégories relève de règles qui lui sont propres en matière
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

de pensions de retraite.
Les fonctionnaires relèvent de régimes spéciaux, aux origines souvent
anciennes (ex. : celui des fonctionnaires civils créé en 1853). Ils sont rattachés
à deux régimes de base différents, ceux mis en œuvre par le Service des
retraites de l’État et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivi-
tés territoriales. Il s’agit également de régimes fonctionnant selon le principe
de la répartition en annuités. Financées par les cotisations des actifs et sur-
tout des employeurs, les pensions de retraite servies à leurs bénéficiaires
s’analysent comme un élément de rémunération s’inscrivant dans le prolon-
gement de celle de la période d’activité.
Les contractuels dépendent, à l’instar de leurs homologues du secteur privé,
du régime général d’assurance vieillesse, étant obligatoirement affiliés par
ailleurs à un régime de retraite complémentaire obligatoire : celui chapeauté
par l’Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État
et des collectivités publiques (IRCANTEC).
Les pensions de retraite des régimes spéciaux sont généralement plus
avantageuses que celles du régime général dans la mesure où elles corres-
pondent à 75 % de la rémunération (hors primes) perçue au cours de la der-
nière période d’activité (les six derniers mois pour les fonctionnaires) ; de
surcroît, aucun plafonnement de montant ne s’applique dans la mesure où
les cotisations d’assurance vieillesse portent sur la totalité de la rémunération
(hors primes). Ces caractéristiques expliquent pourquoi les ressortissants des
régimes spéciaux restent hors du champ d’affiliation des régimes de retraite
complémentaire. Enfin, si l’âge de la retraite y est progressivement relevé à
62 ans, certaines catégories professionnelles dites « actives » (policiers, che-
minots non sédentaires…) peuvent obtenir leur retraite dès 57 ans, voire
52 ans.
Dans un souci d’harmonisation, la durée de cotisation requise dans ces
régimes pour prétendre à une retraite à taux plein a été alignée sur celle du
régime général. Les mécanismes de décote et de surcote s’appliquent éga-
164 lement pour ces régimes.
C - Les pensions des régimes de retraite
complémentaire
S’ils reposent eux aussi sur le principe de la répartition, les régimes com-
plémentaires de retraite, à la différence des régimes de base, n’utilisent pas
la technique de la répartition en annuités, mais la technique de la répartition
en points ce qui permet de prendre plus finement en compte, dans le calcul
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des pensions, l’effort contributif des assurés sur toute la durée de leur carrière
professionnelle.
❚ Les paramètres de calcul d’une pension dans un régime
en points

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
La technique de la répartition en points implique que les cotisations ver-
sées au cours de la période d’activité professionnelle soient converties
chaque année en un nombre de points, en fonction de la valeur d’achat du
point fixée par le conseil d’administration du régime de retraite complé-
mentaire : elles sont ainsi traduites en un nombre de points sur l’ensemble
de la carrière professionnelle. Au moment du départ à la retraite, les points
ainsi accumulés, et positionnés sur un compte individuel, sont valorisés à
partir de la valeur d’une autre valeur de point, distincte de la précédente :
la valeur de service du point ou valeur de calcul de la pension de retraite.
La formule ci-dessous en récapitule les paramètres et le mode de calcul :

Encadré 9. Formule simplifiée de calcul d’une pension


dans un régime par répartition en points

P = NP × VP
P : pension avec un mode de revalorisation faisant référence à l’indice des prix
NP : nombre de points acquis tout au long de la carrière
VP : valeur du point fixée pour le calcul de la pension

Néanmoins l’effort contributif demandé au titre des régimes de retraites


complémentaires n’est pas intégralement voué à l’acquisition de points de
retraites et donc, à la constitution de pensions.

❚ Le taux contractuel et le taux d’appel des cotisations


Il convient de distinguer, s’agissant des cotisations des régimes complé-
mentaires de retraite entre le taux contractuel et le taux d’appel :
ȃ le taux contractuel est celui retenu pour la conversion en points du montant
des cotisations ; 165
ȃ le taux d’appel est celui effectivement appliqué à l’assiette des cotisations.
Il est égal à 127 % du taux contractuel depuis 2019.Or, cette majoration de
27 % ne génère aucune acquisition de point de retraite complémentaire mais
est destinée à couvrir les charges du régime en vue de son équilibre financier.
Il s’y ajoute des contributions d’équilibre qui ne créent pas non plus de droits
à pension complémentaire.
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Ainsi les valeurs de chacun des deux points, de même que les taux d’appel
et contributions d’équilibre, constituent des variables d’ajustement de l’équi-
libre financier des régimes complémentaires de retraite puisqu’il est possible
de faire évoluer à un rythme différent la valeur d’achat du point « retraite »
de la valeur du point retenue pour le calcul des pensions.
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

❚  Le taux de remplacement du régime AGIRC-ARRCO
Pour prétendre à l’attribution d’une pension, le ressortissant du régime
complémentaire AGIRC-ARRCO doit avoir atteint l’âge légal de la retraite.
Néanmoins, en vertu de l’accord interprofessionnel du 30 octobre 2015, s’il
souhaite partir à 62 ans au lieu de 63 ans dit « âge-pivot », il se voit appliquer
en vertu d’un coefficient de solidarité de 0,90, un abattement de 10 % sur
le montant de sa pension complémentaire pendant trois ans. Cet abattement
est réduit, voire nul pour les pensions les plus modestes. À l’inverse, un bonus
est instauré pour les salariés prolongeant leur activité jusqu’à trois ans après
avoir atteint les conditions du taux plein. Ce bonus s’élève à 10 % pour une
année supplémentaire, 20 % pour deux ans et 30 % pour trois ans, mais ne
s’applique que sur une durée d’un an contre trois pour l’abattement des sala-
riés partant à la retraite à 62 ans contre 63.
Sous l’effet de l’application du plafond de la sécurité sociale (plafond men-
suel de 3 428 € au titre de l’année 2021), les régimes de retraites complémen-
taires contribuent d’autant plus au revenu de remplacement des personnes
retraitées que leur rémunération d’activité était élevée. C’est particulière-
ment le cas pour les cadres pour lesquels les régimes complémentaires
peuvent fournir 40 à 70 % du montant global de la retraite. Ils sont d’ailleurs
soumis à un taux global de cotisation relevé sur la tranche de salaire supé-
rieure au plafond (21,59 % contre 7,87 %), c’est-à-dire celle pour laquelle le
régime complémentaire assure la totalité du revenu de remplacement. Pour
les ouvriers et employés en retraite, la part de la pension de l’ARRCO ne
représente plus en moyenne que 20 % de l’ensemble.
Les régimes de retraites complémentaires sont beaucoup plus contri-
butifs que les régimes de base de la sécurité sociale et n’accordent qu’une
place restreinte à l’attribution de droits à pension sans contrepartie de
cotisations (le poids des dispositifs de solidarité est limité à environ 7 %
des dépenses).
166
D - La garantie d’une pension minimale
Elle se rapporte à deux dispositifs dont la confrontation permet d’en cer-
ner plus précisément les caractéristiques.
❚ Le minimum vieillesse contributif
Il vise à créer les conditions d’une pension « plancher » d’assurance vieil-
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lesse dans le régime général (ou les régimes alignés) au profit des assurés
qui ont eu tout au long de leur carrière professionnelle une rémunération
égale au SMIC ou proche du SMIC (CSS, art. L.351-10).
Accordé aux assurés justifiant des conditions requises pour ouvrir droit

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
à une pension à taux plein, le minimum vieillesse contributif correspond
à une allocation différentielle de pension en faveur de ses bénéficiaires.
Il leur garantit mensuellement (20 % des nouveaux retraités chaque
année) une pension d’assurance vieillesse d’un montant de 645,50 €, ou
encore, d’un montant majoré de 705,36 € (au 1er janvier 2021) pour ceux
justifiant d’au moins 120 trimestres de cotisation. Si la pension contribu-
tive est inférieure, elle est assortie d’une majoration différentielle à due
hauteur.
Le versement du minimum contributif ne peut avoir pour conséquence
de porter le total des pensions (régimes de base et complémentaires,
régimes français et étrangers) au-dessus de 1 174,44 € par mois au 1er janvier
2021 sinon son montant est réduit à due proportion. De fait, les bénéficiaires
de ce dispositif peuvent prétendre, avec le concours de leur pension complé-
mentaire, à une pension globale oscillant le plus souvent entre 70 et 80 % du
Smic net.
❚ L’allocation de solidarité aux personnes âgées
S’inscrivant à la suite de l’ancien dispositif du minimum vieillesse non
contributif mis en place en 1956, l’allocation de solidarité aux personnes
âgées (ASPA) créée par l’ordonnance du 24 juin 2004 (CSS, art. L.815-2 et
s.) et entrée en vigueur en 2007, constitue une garantie minimale de res-
sources. Elle est destinée à toute personne de 65 ans, ou de 60 ans en cas
d’inaptitude au travail, justifiant d’une résidence stable et régulière sur le
territoire, notamment lorsqu’elle n’a pas ou que peu cotisé à l’assurance
vieillesse à défaut d’activité professionnelle. De moindre montant, attri-
buée sous la forme d’une allocation différentielle à 560 000 bénéficiaires
(2021), son montant maximal s’élève à 906,81 € pour une personne seule
(1 407,82 € pour un couple marié). Toutefois, son montant peut être
moindre si la personne qui en bénéficie dispose de son côté de ressources
propres à retrancher (ex. : une pension de retraite ou une pension de réver-
sion inférieure au seuil précité). 167
Caractéristique d’un dispositif à logique assitancielle, l’ASPA qui est pour-
tant rattachée à la sécurité sociale et versée par les CARSAT (ou les caisses
de MSA) donne lieu, à l’instar de certaines prestations de l’aide sociale aux
personnes âgées, à récupération des sommes versées sur l’actif successo-
ral tout au moins sur la partie dépassant 39 000 €.
❚ Les pensions minimales dans les mécanismes
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de solidarité
À la logique contributive dans laquelle les droits à pension sont détermi-
nés en contrepartie de cotisations, les régimes de base combinent une
logique non contributive qui permet d’attribuer à l’assuré des droits « gra-
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

tuits » à l’instar des garanties minimales de ressources. À telle enseigne qu’ils


représentent à eux seuls 20 % de la masse financière des régimes de base.
Sans aucun doute la distinction entre contributivité et solidarité est-elle
parfois délicate à fixer en matière d’assurance vieillesse, dans la mesure où la
sécurité sociale est vouée du fait de sa fonction de redistribution, à mêler les
deux logiques. En effet, certains mécanismes de solidarité internes aux règles
des pensions contributives sont dits implicites (ex. : règle des 150 heures au
Smic pour la validation d’un trimestre d’assurance dans le régime général). Ce
type de mécanisme, est dit implicite, par opposition aux mécanismes de soli-
darité dits explicites qui poursuivent, comme les garanties minimales de pen-
sions, un objectif de redistribution de revenus : les validations pour la retraite
de périodes non travaillées, les majorations de pensions, etc.
Afin de ne plus faire porter le financement de l’ASPA, du minimum contri-
butif et d’autres avantages non contributifs (ex. : validation de certaines
périodes d’inactivité à titre gratuit) sur les cotisations des seuls salariés et
employeurs au motif qu’ils ne relèvent pas de la solidarité socioprofession-
nelle mais de la solidarité nationale, la loi du 22 juillet 1993 a créé le Fonds
de solidarité vieillesse (FSV). Institué sous la forme d’un établissement
public de l’État, il est alimenté par une fraction de la CSG ainsi que par
d’autres recettes fiscales (ex. : une fraction du prélèvement social sur les
revenus financiers).

E - Les droits à prestation du conjoint survivant


Le conjoint survivant d’un assuré décédé peut prétendre en vertu d’un
droit dérivé d’un droit propre de l’assuré acquis par ses propres cotisations,
à la pension de réversion ou l’allocation veuvage. Il s’agit de prestations
caractérisant tout particulièrement, à côté d’autres avantages évoqués pré-
cédemment (majoration de la durée d’assurance, bonification de 10 % du
montant de la pension), le caractère familial de l’assurance vieillesse : le droit
du conjoint survivant naît du report à son profit de droits contributifs acquis
168
par l’assuré avant son décès.
❚ Le droit dérivé à pension : la pension de réversion
À partir du moment où ils peuvent prétendre de leur vivant à une pension
d’assurance vieillesse, s’ils décèdent les retraités ou futurs retraités ouvrent
droit à une pension de réversion à leurs conjoints survivants ou ex-conjoints
(auquel cas la pension est divisée entre les bénéficiaires), âgés d’au moins
55 ans (CSS, art. L.353-1). Il s’agit impérativement du conjoint marié ou des
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anciens conjoints dont le droit est ouvert au prorata de la durée de chacun
des mariages. Dans le régime général, cette pension s’élève à hauteur de
54 % du montant de la pension directe de l’assuré mais ce taux est abaissé à
50 % dans la fonction publique et dans la plupart des régimes spéciaux. Son
montant ne peut être inférieur à un minimum (291,03 € par mois au 1er jan-

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
vier 2021) si le conjoint décédé totalisait 15 ans d’assurance, ou à défaut est
proratisé.
Cet avantage est accordé sous conditions de ressources (plafond annuel
de 21 320 € [2021]), ce qui n’est pas le cas dans les régimes spéciaux. Les
ressources prises en compte écartent notamment les pensions de réversion
servies par les régimes complémentaires légalement obligatoires (ex. :
régimes AGIRC-ARRCO et IRCANTEC), les revenus des biens mobiliers ou
immobiliers acquis du chef du conjoint décédé, étant également précisé que
les revenus d’activité du conjoint survivant font l’objet d’un abattement de
30 % s’il est âgé de 55 ans ou plus.
Aussi les pensions de réversion peuvent-elles être accordées au conjoint
survivant sous la forme d’une pension de réversion exclusive, faute de droit
propre à pension, mais aussi en complément d’un droit à une pension directe.
Elles bénéficient très majoritairement aux femmes (89 % des 4,4 millions de
bénéficiaires dont 1,1 million ne perçoit pas par ailleurs de pensions de droit
direct), et leur part dans la pension moyenne des femmes s’élève à 18,7 %
(2018) ce qui contribue à réduire les écarts de pension entre les hommes et
les femmes.
Les régimes complémentaires de retraite prévoient aussi l’attribution de
pensions de réversion à hauteur de 60 % de la pension de droit direct aux
conjoints non remariés âgés d’au moins 55 ans.
❚ L’aide temporaire aux survivants : l’allocation veuvage
L’allocation veuvage est attribuée au titre de l’assurance veuvage (CSS,
art. L.356-1). Elle concerne le conjoint survivant d’un assuré décédé ayant
été affilié à l’assurance vieillesse (régime général ou des salariés agricoles),
âgé de moins de 55 ans (âge d’ouverture du droit à la pension de réversion)
et n’ayant pas repris de vie maritale. Soumise à condition de ressources
(3,75 fois le montant mensuel de l’allocation), elle s’élève à 625,30 € par mois
(au 1er janvier 2021) et est servie mensuellement pendant une période maxi- 169
male de deux ans.
2 Le mouvement de réforme
des régimes de retraite

L’amélioration du système des retraites et la sauvegarde de son équilibre


financier ont certes déjà donné lieu à une série de réformes paramétriques
des régimes de retraite par répartition en annuités et en points. Toutefois, la
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nécessité d’en garantir l’avenir et de conforter la solidarité intergénération-
nelle face au risque vieillesse invite désormais à envisager des voies de
réformes plus novatrices.
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

A - Un système de retraites à améliorer


et à sauvegarder
❚ Le caractère à la fois favorable et inéquitable du système
À la faveur de la superposition des régimes de base et des régimes com-
plémentaires, le système français des retraites permet aux personnes titu-
laires de pensions directes (16,4 millions) ou de réversion (4,4 millions) de
disposer de ressources en substitution de leur revenu professionnel.
À titre indicatif, tous régimes confondus, en moyenne, le taux de rem-
placement des pensions directes est de 64,4 % du revenu net d’activité après
prélèvements sociaux (en 2020, pour un salarié né en 1955), sachant que leur
montant mensuel s’élève à 1 537 € y compris les majorations et réversions
éventuelles. Pour les retraités non-cadres justifiant d’une carrière complète,
ce taux atteint même 75 à 80 % du revenu d’activité professionnelle. Compte
tenu de ce constat, les pensions concourent, à côté d’autres types de res-
sources qui représentent à elles seules le quart de celles des intéressés (pro-
priété du logement, revenus du patrimoine, allocations logement, etc.), à ce
que les retraités aient un niveau de vie en moyenne légèrement supérieur
(+2,9 %) à celui des actifs : il s’élève en 2018 à 2 100 € par mois et unité de
consommation. Cette situation est à mettre en regard du taux de pauvreté
des retraités (8,7 %) qui est sensiblement inférieur à celui de l’ensemble de
la population (14,8 %).
L’amélioration générale du niveau de pensions des retraités ne saurait mas-
quer la persistance de disparités de montants. Elles procèdent tout d’abord du
principe de contribution sur lequel repose l’acquisition de droits à pension, en
vertu duquel le montant des retraites est proportionnel à l’effort contributif,
et donc des rémunérations perçues au cours de la période d’activité. Pour
autant, ces disparités tiennent également aux différences de règles entre
régimes, expliquant ainsi pourquoi les pensions des régimes spéciaux sont d’un
montant nettement plus élevé que dans le régime des exploitants agricoles,
170
celles-ci étant les moins favorables du système des retraites.
Par ailleurs, les écarts de montants de pensions peuvent résulter de fac-
teurs d’ordre individuel. C’est certes le cas pour les femmes dont les pen-
sions restent en moyenne inférieures de 29 % à celles des hommes (y
compris les majorations et réversions éventuelles) à défaut de pouvoir justi-
fier aussi souvent que les hommes d’une carrière complète même si ce dif-
férentiel tend à se réduire au point de disparaître pour les générations nées
après 1970. En revanche, la durée de perception d’une pension de retraite
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est plus longue pour les femmes dans la mesure où leur espérance de vie à
l’âge de 60 ans (27,8 ans) est nettement supérieure à celle des hommes
(23,4 ans)1.
Toutefois le caractère le plus inégalitaire du système de retraites procède

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
des écarts d’espérance de vie à l’âge de la retraite entre les différentes
catégories socioprofessionnelles. Ils peuvent aller jusqu’à 6 ans et pénalisent
des personnes ne pouvant prétendre, eu égard à leurs rémunérations d’acti-
vité, qu’aux pensions les plus modestes (manœuvres, ouvriers agricoles), au
profit d’autres plus favorisées (cadres supérieurs, professions libérales) à la
durée de vie plus longue.
Quant aux pensions de réversion, elles participent également aux inéga-
lités en matière de retraites auxquelles renvoie la diversité des régimes.
Ainsi s’il est actuellement de 50 % de la pension directe et n’est pas assorti
d’une condition d’âge ou de ressources dans la fonction publique, le taux de
la pension de réversion est de 60 % à partir de 55 ans dans le régime AGIRC-
ARRCO et de 54 % dans le régime général lequel en subordonne l’attribu-
tion à la fois à une condition d’âge et de ressources. Certains régimes
imposent en outre une condition de non-remariage (fonction publique,
régimes complémentaires).
❚ La soutenabilité financière du système de retraite
Depuis l’entrée dans le xxie siècle, les régimes de retraite se trouvent
confrontés frontalement au retournement de contexte démographique
amorcé à partir des années 1990. Plus encore que des facteurs comme la
montée du chômage et l’arrivée à maturité des régimes2, le phénomène
démographique alimente le spectre d’une impasse financière des régimes
de retraite, compte tenu à la fois de l’arrivée massive à l’âge de la retraite des
générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale
(750 000 nouveaux retraités par an pour les générations nées à partir de 1946
contre 500 000 pour les générations des années antérieures) et de

1. Arnaud F. (dir.), Les retraites et les retraités, Drees, 2021 (données 2018).
2. Au contraire des premières décennies de vie des régimes, la plupart des pensions
d’assurance vieillesse sont désormais servies à taux plein dans la mesure où les assurés 171
sociaux justifient le plus souvent d’une durée complète de cotisations.
l’allongement sensible de l’espérance de vie3. D’ores et déjà, ce phénomène
identifié sous l’expression de « papy-boom » s’accompagne d’une dégrada-
tion significative du ratio de dépendance démographique ; ainsi, au 1er jan-
vier 2019, le nombre de retraités du régime général s’élevait à 14,3 millions
de personnes pour 18,7 millions de cotisants, soit 1,4 actif par retraité
(1,7 pour l’ensemble des régimes avec des variations spectaculaires comme
l’illustre le taux de dépendance de 3,5 pour le régime d’assurance vieillesse
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des professions libérales) alors que ce ratio, supérieur à 4 au début des années
1960, pourrait tomber à 1,2 à l’horizon 2035 avec 23 millions de retraités.
Quelles que soient les variables démographiques retenues (pyramide des
âges, population active, solde migratoire, espérance de vie, taux de fécon-
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

dité) et, à titre accessoire, les variables économiques (taux de croissance du


produit intérieur brut [PIB], taux d’activité, taux de chômage, productivité
du travail), les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) tirent
la conséquence de la dégradation du taux de dépendance démographique :
selon les scénarios médians, le besoin de financement des régimes de
retraite oscillerait à partir de l’horizon 2020 entre 0,9 % et 1 % du PIB, soit
entre 20 et 30 milliards d’euros. Pour autant, eu égard aux prévisions de crois-
sance économique établies en novembre 2020, la part des dépenses de
retraites à rapporter au PIB devrait se stabiliser à 14 % dans les années 2020,
et diminuer entre 11,6 et 13,4 % à l’horizon 2020.
La question du financement des retraites dont la charge repré-
sente 330,7 Md€ (2019) tous régimes confondus, constitue un sujet de préoc-
cupation récurrent pour sauvegarder le modèle de solidarité entre les
générations face au risque vieillesse. Elle est d’ailleurs porteuse de tensions parce
qu’elle suscite la confrontation de contraintes contradictoires. D’une part, il y a
la nécessité de maintenir un taux de remplacement suffisant de la rémunéra-
tion d’activité, ce qui conduit à proscrire toute baisse significative des pensions
de base et des pensions complémentaires. D’autre part, les prélèvements
sociaux affectés au financement des retraites, peuvent certes être augmentés,
mais pas à hauteur des besoins de financement, sauf à affecter le pouvoir d’achat
des actifs de manière substantielle et à freiner la consommation des ménages.
Aussi la sauvegarde de l’équilibre des retraites invite à poursuivre le mouvement
de réformes paramétriques déjà entrepris, et dont les effets sont d’ores et déjà
perfectibles, voire à envisager des réformes plus novatrices. Il ne s’agit d’ailleurs
pas seulement de garantir à terme l’équilibre financier des régimes, mais aussi
de promouvoir l’équité entre les générations et au sein des mêmes générations.

3. À partir de 1997, les gains d’espérance de vie sont surtout dus à la baisse de la mor-
talité aux âges élevés alors qu’ils étaient surtout dus à la baisse de la mortalité infantile
172 entre 1947 et 1997. Ainsi de 1997 à 2017, l’espérance de vie à la naissance des femmes a
augmenté de 3 ans et celle des hommes de 4,9 ans.
B - Les réformes paramétriques des régimes
de retraite
❚ Les grandes lignes des réformes paramétriques
Depuis le début des années 1990, ces réformes se sont succédé en France :
à la loi du 22 juillet 1993 dite loi Balladur ont fait suite la loi du 21 août 2003
dite loi Fillon, la loi du 9 novembre 2010 dite loi Woerth, et plus récemment,
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la loi du 20 janvier 2014 dite loi Touraine. De leur côté, les régimes spéciaux
ont fait l’objet de réformes par une série de décrets intervenus en 2007 et
2008, pour en permettre le rapprochement avec les régimes des fonction-
naires dont la condition de durée d’assurance est alignée depuis 2003 sur

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
celle en vigueur dans le régime général.
Surtout destinées à répondre à des besoins de financement sur le court
terme, les réformes mises en œuvre ont pour caractéristique commune
d’activer les instruments du pilotage des systèmes de retraite par répartition.
Outre d’éventuelles hausses des cotisations ou de mesures de non-indexa-
tion ou de sous indexation des pensions sur l’évolution des prix, elles se sont
appuyées sur deux leviers privilégiés :

ȃ l’allongement de la durée des cotisations pour bénéficier d’une


retraite à taux plein : il s’agit d’une mesure prévue par chacune des
réformes de retraites pour inciter les assurés à prolonger leur activité
professionnelle et à retarder leur âge de départ à la retraite.
À partir de la loi du 21 août 2003, le durcissement des conditions de durée
d’assurance s’est accompagné de l’introduction de mécanismes en vertu
desquels l’assuré peut faire un arbitrage entre l’âge de son départ à la
retraite et le montant de la pension à laquelle il pourra prétendre. Ces
mécanismes sont :
• la décote et la surcote, afin de moduler le taux de remplacement en
fonction de la durée d’assurance,
• le rachat d’annuités jusqu’à 12 trimestres, à l’initiative de l’assuré,
lorsqu’il a accompli au moins trois années d’études ayant donné lieu
à la délivrance d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Assorti
d’une déduction fiscale, ce rachat peut être effectué soit au titre du
taux seul, ce qui permet de réduire seulement la décote, soit au titre
du taux et de l’augmentation de la durée d’assurance,
• le cumul d’une pension de retraite et d’un emploi, possibilité encore
peu utilisée (3, 4 % des retraites en 2018) ;
ȃ le report de l’âge légal de départ en retraite : c’est le levier le plus
controversé de la réforme des retraites comme l’a montré l’accueil de la
loi du 9 novembre 2010 qui a remis en cause l’abaissement de l’âge légal 173
à 60 ans décidé en 1983. Il est vrai que cette dernière mesure, vécue à
l’époque comme un progrès social, entre aujourd’hui en contradiction
avec les évolutions démographiques en cours. Alors que l’espérance de
vie ne cesse d’augmenter, la période consacrée au travail au cours d’une
vie est de moins en moins longue. Selon l’OCDE, en 1960, un homme
passait les trois quarts de sa vie au travail (50 ans sur ses 68 ans d’exis-
tence). Or aujourd’hui, il n’y consacre plus qu’à peine la moitié.
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La logique veut donc que l’âge légal de départ en retraite soit repoussé
comme le font la plupart des pays européens (Allemagne, Italie,
Belgique, etc.) confrontés aux mêmes problèmes de vieillissement.
S’inscrivant dans le prolongement de celles du régime général, les
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

réformes des régimes complémentaires se sont certes le plus souvent réfé-


rées aux mêmes types de leviers paramétriques. Toutefois, dans l’accord
conventionnel du 30 octobre 2015 portant réforme des régimes de l’ARRCO
et de l’AGIRC, les partenaires sociaux qui en assument la gestion ont innové
sur un point substantiel : ils ont repoussé de fait l’âge de la retraite à 63 ans
à compter de 2019 en introduisant un abattement conséquent (10 %) sur les
pensions en cas de départ à 62 ans. Il ne s’agit toutefois que d’une minoration
temporaire qui prend fin à l’arrivée à l’âge de 65 ans. Elles ont ainsi préfiguré
la notion d’âge d’équilibre mise en avant dans le cadre du projet de réforme
soumis au Parlement en mars 2020 mais resté en suspens.
La complexification des règles relatives aux pensions de retraite de base
et complémentaire, ainsi que la faculté de choix reconnue aux assurés en
matière de retraites ont conduit la loi du 21 août 2003 à poser l’existence d’un
droit à l’information afin de leur permettre de prendre leur décision en toute
connaissance de cause pour faire leur demande de pension. Constamment
conforté par des réformes ultérieures, il se concrétise par des envois pério-
diques à l’assuré d’un relevé de situation individuelle et d’une estimation
indicative globale du montant de ses pensions de base et complémentaires,
ainsi que par la possibilité d’avoir accès à un compte personnel de retraite en
ligne.
❚ Les avancées et les limites des réformes paramétriques
Le mouvement de réforme engagé depuis les années 1990 a déjà parti-
cipé à rapprocher les comptes des régimes de retraite de l’équilibre finan-
cier, en participant à la maîtrise des dépenses, mais c’était avant la
survenance de la crise pandémique de 2020 dont les effets négatifs sur les
recettes de l’assurance vieillesse devraient être perceptibles jusqu’en 2024.
En particulier, en relevant l’âge légal de la retraite de deux années dans un
délai rapide, la réforme de 2010 a eu un impact de court terme (c’est le
propre d’une telle mesure) tandis que les réformes de 1993 puis de 2003
174 ont eu un impact à délitement progressif dans la mesure où elles ont étalé
dans le temps l’allongement de la durée d’assurance requise pour l’ouver-
ture du droit à une pension à taux plein.
D’une façon générale, les réformes entreprises ont abouti à reculer l’âge
effectif de départ à la retraite lequel est à distinguer de l’âge légal : l’âge
moyen de départ à la retraite est désormais de 63,4 ans au régime général,
hors départs anticipés. Il en a résulté la stabilisation de la durée de la
retraite autour de 24 ans pour les hommes et de 27,8 ans pour les femmes.
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Sous l’effet de l’allongement de la durée des périodes cotisées, les taux de
remplacement des pensions ont certes augmenté de 3 % pour les femmes
et de 1 % pour les hommes, mais le départ à la retraite étant plus tardif, elles
sont servies sur une période plus courte.

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
L’impact de ces réformes paramétriques est aussi à envisager au prisme
des transitions entre l’emploi et la retraite. En particulier, la question du
report de l’âge de la retraite doit s’apprécier en lien avec la situation de l’emploi
des seniors car un recul de celui-ci ne conduit pas mécaniquement à un recul
équivalent de l’âge effectif de cessation d’activité. Or, avant de partir en
retraite, même si une part significative des seniors passe par des périodes de
chômage (40 % des personnes n’ont plus de travail au moment du passage à
la retraite) ou d’inactivité (invalidité, arrêt maladie, perception du revenu de
solidarité active), leur taux d’emploi tend à s’améliorer : il a progressé de façon
significative depuis les années 2000 pour s’élever en 2019 à 72,2 % pour les
55-59 ans et à 33 % pour les 60-64 ans compte tenu de départs à la retraite de
plus en plus fréquents à 62 ans (respectivement +23 % et +22 % depuis 2000).

C - Les voies de réformes plus en profondeur


des retraites
Au-delà des réformes paramétriques, il existe des pistes plus innovantes
de réformes structurelles. Le projet du gouvernement français de réforme
des retraites envisagé à l’horizon 2025 s’inscrit précisément dans ce sens. En
revanche, la substitution de la technique de la capitalisation à la technique
de répartition pour financer les retraites est improbable, ce qui ne laisse
qu’une place accessoire aux régimes de retraite par capitalisation.
❚ Le passage de la répartition en annuités
à la répartition en points
Alors que les régimes d’assurance vieillesse de base fonctionnent sur une
répartition en annuités, il y a un certain nombre d’arguments qui plaident
pour leur transformation en régimes par répartition en points à l’instar de ce
qui vaut depuis l’origine pour les régimes de retraite complémentaires.
Il s’agit en effet d’une formule qui permet une adaptation souple des
régimes de retraite à un environnement incertain. Dans un régime par répar- 175
tition en annuités, toute remise en cause de tel ou tel paramètre est suscep-
tible de pénaliser lourdement une catégorie particulière d’assurés sociaux et
de créer des inégalités choquantes entre générations successives de retrai-
tés. À l’inverse, dans un régime par répartition en points, les instruments à
la disposition des gestionnaires pour fixer la valeur d’achat du point ou la
valeur du point pour le calcul de la pension, permettent de piloter de façon
plus réactive et plus souple le régime tout en répartissant équitablement les
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efforts demandés sur l’ensemble des actifs et des retraités.
En outre, le recours à la répartition en points vise à établir une juste pro-
portionnalité entre les contributions versées et les prestations ultérieures.
Au contraire des régimes par répartition en annuités, qui demandent de jus-
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

tifier d’un nombre minimal d’heures cotisées pour valider un trimestre d’as-
surance (ex. : 150 h cotisées en France), les régimes par répartition en points
prennent en compte toutes les périodes de travail ayant donné lieu à cotisa-
tions, même les plus brèves, ce qui évite de défavoriser les personnes aux
parcours professionnels discontinus et heurtés.
Pour autant, la différence entre les deux modalités de la retraite par répar-
tition, en l’occurrence la répartition en annuités et la répartition en points,
n’est pas aussi marquée qu’il y paraît à première vue.
Un régime en annuités peut être tout aussi contributif dès lors que la pen-
sion de retraite est calculée sur le salaire annuel moyen rapporté non plus
aux 25 meilleures années mais à l’ensemble de la carrière et que n’interfèrent
pas des avantages non contributifs (périodes d’assurance gratuite, majora-
tion pour enfant à charge, etc.). En fait, il convient de considérer que la subs-
titution du point à l’annuité est socialement irréaliste si elle s’accompagne
d’un système strictement contributif. C’est pourquoi, une telle opération
devrait être assortie de mécanismes correctifs, ce qui est techniquement
possible comme le montre aujourd’hui l’attribution de points gratuits à cer-
taines catégories de ressortissants des régimes complémentaires (chômeurs,
malades, etc.). La substitution du point à l’annuité nécessite enfin que soient
apportées des garanties aux assurés proches de la retraite afin de ne pas
modifier les conditions de versement des retraites en passe d’être traitées.
Sous ces réserves, il pourrait aussi être envisagé, en cas de passage à la
répartition en points, de procéder à la fusion du régime général et des
régimes alignés (ex. : régime des salariés agricoles) avec les régimes de
retraites complémentaires, ce qui permettrait des économies de gestion
pour le système des retraites et une simplification des relations avec les
bénéficiaires.
À l’exemple des régimes par répartition en points, les régimes en comptes
notionnels existant à l’étranger mettent eux aussi l’accent sur le lien entre
176 les cotisations versées et les pensions reçues par chacun.
❚ Le recours aux comptes notionnels
Les régimes en comptes notionnels reposent sur le principe d’équilibre
actuariel entre les cotisations versées et les pensions reçues par chaque
génération.
Ils mettent en œuvre les mécanismes suivants :
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ȃ au cours de sa carrière, chaque assuré accumule un capital virtuel de
points correspondant à la somme des cotisations versées et actualisées
à un certain taux ;
ȃ au départ en retraite, la pension correspond au capital de points acquis

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
multiplié par un coefficient de conversion variable selon l’espérance de
vie de la génération (année de naissance) de l’assuré concerné et l’âge du
départ à la retraite. Il s’agit de la sorte de déterminer le montant de la
pension en fonction du nombre moyen d’années restant à vivre au moment
de la cessation d’activité, et du taux de revalorisation des pensions, de
façon à égaliser la somme actualisée des pensions et des cotisations.
Un régime en comptes notionnels, comme un régime par points dont il
reprend certaines caractéristiques, rend plus lisible le mode de calcul des
droits à la retraite parce qu’il est plus contributif. L’équilibre financier peut
être réalisé simplement en ajustant la masse des pensions via la valeur de
service du point uniquement. Dans un régime de ce type, les chocs démo-
graphiques affectent surtout les actifs à travers le taux de revalorisation de
leur capital virtuel, ce qui d’ailleurs les laisse dans l’incertitude quant au mon-
tant de leur future pension.
S’agissant de l’aspect opérationnel, le passage éventuel à un régime par
annuités à un régime par points ou en comptes notionnels est techniquement
possible, et permet d’intégrer des dispositifs de solidarité. Ce dispositif a
d’ailleurs déjà été mis en place en Suède, en Italie et en Pologne.
❚ La mise en suspens du projet du régime universel
des retraites
Sous l’impulsion du Président Emmanuel Macron, un projet de réforme
des retraites a été adopté en première lecture en mars 2020 avant d’être mis
en suspens sous l’effet de la survenance de la pandémie de la Covid-19. Il
devait déboucher sur une refonte d’ensemble du système davantage que sur
des changements de règles paramétriques. L’objectif était de mettre en place
un régime universel de retraite sur la base du principe « à cotisations égales,
retraites égales ».
Aux 42 régimes de retraite encore existants, devait être substitué un sys-
tème unique en répartition par points afin que 1 € de cotisation ouvre les 177
mêmes droits à la retraite aux assurés, quelles que soient leurs catégories
socioprofessionnelles d’appartenance (salariés du secteur privé, du secteur
public, etc.). Il s’agit ainsi d’un schéma organisationnel où il n’y a plus de
distinction entre les régimes de base et les régimes complémentaires, et
dans lequel les revenus annuels d’activité sont seulement pris en compte
jusqu’à hauteur de 120 000 €. Cette dernière orientation est d’ailleurs de
nature à favoriser le développement des régimes de retraites facultatifs par
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capitalisation.
Une telle réforme devait en outre conduire à la suppression des régimes
spéciaux de retraite, même s’il était prévu que leur extinction se fasse pro-
gressivement tout en laissant subsister des règles spécifiques pour certaines
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

catégories (policiers, militaires, etc.).


En dehors du passage à un régime universel, les grandes lignes de la
réforme ont été fixées par le texte législatif ayant fait l’objet d’une première
adoption en mars 2020. En l’état actuel de ce texte, voué à un avenir incer-
tain, ce sont les suivantes :

ȃ l’âge légal de la retraite à 62 ans demeure. Pour autant, il est permis


de s’interroger sur son effectivité future à partir du moment où il existe-
rait également, comme c’est envisagé, un âge d’équilibre ;
ȃ l’âge d’équilibre, ou âge pivot, est l’âge de cessation d’activité profes-
sionnelle à même de permettre l’équilibre financier du système des
retraites. En l’occurrence, il serait de 64 ans soit deux années de plus que
l’âge légal ; et évoluerait comme l’espérance de vie.
Aussi la référence à cet âge d’équilibre vise-t-elle à inciter la personne à
poursuivre son activité professionnelle au-delà de l’âge légal. À cette fin, il sera
instauré une minoration ou une majoration de la pension. Ainsi, s’il part à la
retraite avant d’avoir atteint l’âge d’équilibre, l’assuré verra le montant de sa
pension minorée même s’il justifie des conditions de l’âge légal de la retraite.
En sens contraire, il pourra prétendre à une majoration de pension. Un tel dis-
positif est déjà en vigueur dans le régime de l’ARRCO-AGIRC depuis le 1er jan-
vier 2019 en vertu de l’accord interprofessionnel du 30 octobre 2015 (➦ voir
supra).

ȃ l’attribution gratuite de points est prévue pour chaque enfant, dès le


premier, ainsi que pour prendre en compte les interruptions d’activité
liées aux aléas de carrière professionnelle (chômage) ou de vie (maladie,
invalidité, etc.) ainsi que la maternité ;
Les spécificités de diverses situations (carrières longues, métiers
pénibles ou dangereux, handicap, modicité des primes pour certaines caté-
178
gories de fonctionnaires, ex. : enseignants) doivent être envisagées mais
selon des modalités restant à définir.

ȃ la garantie d’un minimum contributif au moins égal à 85 % du SMIC


net, ce qui correspond à un minimum de pension de 1 000 € ;
ȃ les pensions de réversion versées aux veufs ou veuves garantiront
70 % du total des pensions de retraites perçues par le couple.
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Même s’il est peu probable que ce projet de réforme soit mis en place, de
surcroît à l’horizon 2025 comme prévu initialement, en revanche, l’idée de
supprimer à moyen ou long terme les régimes spéciaux de retraite reste tou-
jours d’actualité. Plus fondamentalement, elle laisse place à un débat renou-

6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 
velé sur la question centrale du régime universel des retraites. Une telle
orientation ne saurait toutefois exclure des aménagements destinés à
prendre en compte des situations particulières : inaptitude au travail, péni-
bilité de l’emploi, assimilation de certaines périodes (ex. : chômage, maladie)
à des périodes travaillées, prise en compte des charges de famille, etc.

❚ Le recours à la capitalisation
Sans doute faut-il écarter d’emblée l’idée d’un passage à un système par
capitalisation malgré son caractère a priori attractif : puisque chaque géné-
ration cotise pour elle-même, l’épargne accumulée devrait toujours être
proportionnée aux besoins de financement des retraites, peu importe le
nombre d’actifs ultérieur par rapport au nombre de pensionnés. Il s’agit néan-
moins d’un raisonnement erroné. En effet, le système par capitalisation n’est
pas en mesure d’apporter une garantie absolue face au vieillissement démo-
graphique, puisque la valeur des titres varie en fonction de l’offre de vente
et de la demande d’achat, elles-mêmes étant dépendantes du nombre de
personnes qui se constituent une retraite et du nombre de retraités. On peut
donc raisonnablement penser que la dégradation du rapport actifs/retraités
conduirait à un excès d’offre de titres qui aboutirait à une baisse des prix et
à un amoindrissement du rendement de ces régimes.
Empreinte d’incertitudes économiques, la substitution de la capitalisation
à la répartition poserait de surcroît d’importantes difficultés d’acceptabilité
puisque la période de mise en place supposerait que la génération de tran-
sition cotise deux fois : elle devrait payer, d’une part, les cotisations de
répartition pour financer les retraites déjà liquidées, d’autre part, les cotisa-
tions de la capitalisation pour abonder sa propre retraite.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des objections, le choix de la répartition
est également un choix politique attestant d’une solidarité nationale entre
générations. À l’inverse, la capitalisation consacre une réponse essentielle-
ment individuelle et sa généralisation risquerait de faire naître une protection 179
sociale à plusieurs vitesses, la capacité d’épargne des ménages étant sensi-
blement différente selon les catégories socioprofessionnelles et le niveau
des revenus.
Il apparaît donc que si la capitalisation, notamment à travers l’instauration
de fonds de pension pour créer des régimes supplémentaires, peut apporter
un complément de ressources aux personnes retraitées, elle ne peut en
aucun cas se substituer au système actuel basé sur la répartition.
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Il n’en demeure pas moins qu’une épargne collective peut être envisagée
dans un cadre collectif et solidaire comme l’illustre l’institution par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, du Fonds de réserve des
6. Assurance vieillesse et régimes de retraite 

retraites. Abondé par diverses ressources (produit de la vente des licences de


téléphonie mobile, excédents de la CNAV constatés sur une partie des années
1990, etc.), il a pour objet d’anticiper la forte augmentation des dépenses de
retraite au cours de la période 2020-2040. Il dispose à la fin de 2019 d’un actif
de 33,7 milliards d’€. La loi organique du 7 août 2020 relative à la dette sociale
et à l’autonomie a aussi prévu de solliciter le Fonds de réserve des retraites pour
contribuer au financement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
En tout état de cause, comme le souligne le Conseil d’orientation des
retraites, « aucune technique ne permet en elle-même d’assurer le retour à
l’équilibre financier d’un régime de retraite déséquilibré ».

Conclusion

La perspective d’un recul de l’âge de la retraite ou d’un allongement de la


durée d’assurance pour l’obtention d’une pension à taux plein s’impose pour
sauvegarder l’avenir du système des retraites. Or, cette voie de réforme n’est
pas sans écueils. Pour commencer, elle soulève le problème récurrent du taux
d’emploi insuffisant des personnes de 60 ans et plus. Surtout, en cas de pas-
sage à un régime unique en points, il pourrait être tentant en vue d’esquiver
des choix collectifs délicats de laisser à l’individu le choix de faire un arbitrage
entre l’âge de son départ à la retraite et le niveau de sa pension. Dans un tel cas
de figure, chacun serait libre, tout au moins en théorie, de prendre sa retraite
à l’âge où il le souhaite mais le montant de la pension serait fonction du nombre
de points acquis. Le danger potentiel d’une telle formule serait de créer des
inégalités de situations entre, d’une part, ceux qui ont la possibilité de faire
jouer leur faculté de choix, notamment ceux ayant les meilleures conditions
de travail, et d’autre part, les plus fragiles comme les chômeurs ou les invalides.
Ces derniers n’étant guère à même de prolonger leur activité professionnelle,
leurs pensions s’en trouveraient amoindries d’une façon significative.
180
Chapitre 7
Prestations familiales et politique
des familles

La singularité des prestations familiales au sein de la législation de sécu-


rité sociale tient à la nature même de leur objet. Alors que celles de l’assu-
rance maladie ou de l’assurance vieillesse concernent des risques sociaux
comportant une part d’aléa, tel n’est pas vraiment le cas pour les prestations
familiales : elles sont à rapporter dans une large mesure au choix des familles
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d’avoir un ou des enfants. Elles ne sont donc pas destinées à indemniser un
risque assurantiel mais à compenser les charges d’enfants. Il s’agit ainsi d’un
instrument privilégié de la politique des familles, et non plus seulement
de la famille. En effet, à partir des années 1970, la famille mononucléaire
traditionnelle a laissé place à d’autres configurations à l’exemple de la
famille monoparentale. Entendues au sens de l’article L.511-1 du code de
la sécurité sociale, les prestations familiales représentent plus d’une tren-
taine de milliards d’euros au profit de 6,8 millions d’allocataires (2020).
Au-delà de la couverture du coût de l’enfant, elles contribuent selon des
intensités variables à des objectifs plus globaux en lien avec d’autres poli-
tiques sociales : le soutien à la démographie, la conciliation de la vie familiale
et de la vie professionnelle, ainsi que la lutte contre la pauvreté. C’est au
prisme de ces objectifs et des nouvelles formes de familles que le système
des prestations familiales et la politique de la famille révèlent leur pleine
signification.

1 Le système des prestations familiales

S’inscrivant à l’origine dans une perspective d’aide à l’ensemble des


familles afin de mettre en œuvre une compensation financière des charges
d’enfants, le système des prestations familiales a privilégié à partir des
années 1970 un ciblage de ses interventions vers les familles modestes et
nombreuses ; d’où la diversification de ses prestations. Il se singularise vis-
à-vis des autres volets de la sécurité sociale par une action sociale et familiale
développée en vue d’améliorer le cadre de vie des familles.

A - Une vocation originelle d’aide à l’ensemble


des familles
L’universalité des allocations familiales proprement dites, qui constituent
la principale composante des prestations familiales, persiste encore
aujourd’hui même si c’est d’une façon atténuée. En dehors d’une éventuelle
prise en compte des ressources de la famille ou de l’âge des enfants, le mon-
tant des différentes prestations légales est généralement fonction du
181
nombre d’enfants à charge.
❚ L’universalité des allocations familiales à l’épreuve
de leur modulation
S’agissant du système des prestations familiales, le principe d’universalité
affirmé dans le Plan français de sécurité sociale de 1945 s’est rapidement
concrétisé. Ainsi la loi du 22 août 1946 avait ouvert le droit aux allocations
familiales sans condition de ressources à toutes les familles à partir de deux
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enfants. Elle prévoyait en effet de nombreuses dérogations à la condition
d’activité professionnelle pour l’ouverture du droit aux prestations familiales
(chômeurs, retraités, etc.). Il a néanmoins fallu attendre la loi du 4 juillet 1975
pour que soit consacrée la rupture du lien entre travail et prestations fami-
liales à effet du 1er janvier 1978, et que le droit aux allocations familiales et
au-delà, aux autres prestations familiales soit reconnu à l’ensemble des
familles.
7. Prestations familiales et politique des familles

Au cours des vingt dernières années, la question de la mise sous condition


de ressources des allocations familiales – celles versées à toutes les familles –
a été régulièrement soulevée, compte tenu de la contrainte financière pesant
sur les comptes de la branche famille. Il convient d’ailleurs de remarquer que
la plupart des prestations familiales créées depuis les années 1970 (ex. : com-
plément familial, allocation de rentrée scolaire) l’ont été sous condition de
ressources. Ce mécanisme avait même été étendu aux allocations familiales
en 1998 avant d’être abandonné l’année suivante sous la pression des asso-
ciations familiales.
Face à la nécessité de réaliser des économies, la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2015 a retenu la formule d’une modulation du montant
des allocations familiales en fonction du niveau de ressources des familles
plutôt que de les soumettre à un plafond de ressources au-dessus duquel
elles ne seraient plus dues. Plus précisément, ce dispositif distingue trois
catégories de foyers familiaux selon que leurs ressources sont :

ȃ inférieures à un premier plafond (58 279 € en 2021) : les allocations


familiales sont versées au taux normal ;
ȃ comprises entre le premier plafond et le second plafond (81 558 €
en 2021) : elles sont divisées par deux ;
ȃ supérieures au second plafond : elles sont divisées par quatre (➦ voir
encadré 10 infra).
Placé sous le signe du compromis, le choix de la modulation des alloca-
tions familiales en préserve l’universalité tout au moins dans la mesure où
les enfants concernés continuent à ouvrir le droit aux prestations aux
familles. Pour autant, elle remet en cause l’uniformité des prestations
puisqu’elles ne sont plus déterminées forfaitairement en fonction du nombre
182
d’enfants à charge.
❚ La reconnaissance d’un droit à prestations pour enfant
à charge
Les allocations familiales, et d’une façon plus générale, l’ensemble des
prestations familiales ne sont pas dues en vertu d’un droit de l’enfant reconnu
à lui-même comme en matière d’aide sociale à l’enfance, mais en vertu d’un
droit des parents ou de la personne seule assumant la charge d’un ou plu-
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sieurs enfants. Ceci explique d’ailleurs pourquoi leur taux, qui est fixé en
pourcentage d’une base de calcul appelée base mensuelle des allocations
familiales (BMAF) (414,81 € pour 2021), peut être différencié en fonction
du nombre d’enfants ou des ressources du foyer familial. Il est d’ailleurs à
souligner qu’il n’est pas versé d’allocations familiales proprement dites dès
le premier enfant.

7. Prestations familiales et politique des familles
La notion d’enfant à charge, entendue au sens du droit aux presta-
tions familiales, ne suppose aucun lien juridique de filiation. Les pres-
tations sont dues à la personne qui assume la charge effective et
permanente de l’enfant (CSS, art. L.513-1), c’est-à-dire qui supporte
durablement le poids financier de son entretien et la responsabilité
concrète de son éducation qu’il soit légitime, naturel, adoptif ou sim-
plement recueilli.
Sous réserve de règles particulières à telle ou telle prestation (recul de
l’âge à 21 ans pour le complément familial ou l’allocation de logement fami-
lial1 ; à 24 ans pour l’allocation forfaitaire versée en cas de décès de l’enfant),
les enfants à charge âgés de moins de 20 ans ouvrent droit aux prestations
familiales, à condition que leur rémunération éventuelle n’excède pas 55 %
du SMIC.
Le droit aux prestations familiales est ouvert sans condition de nationalité
mais sous condition de résidence stable et régulière sur le territoire natio-
nal (CSS, art. L.512-2). Cette condition, également opposable à l’enfant, est
réputée remplie s’il séjourne en France pendant une durée supérieure à trois
mois. Pour les étrangers hors du champ communautaire, il est exigé un titre
de séjour régulier pour eux ainsi que l’entrée régulière sur le territoire de leurs
enfants mineurs.
Outre des dérogations spécifiques (détachement temporaire à l’étranger,
frontalier…), ce principe de résidence en France supporte deux exceptions :

1. Les enfants à charge de 20 à 21 ans peuvent également ouvrir droit à une allocation
forfaitaire d’allocation familiale lorsqu’ils sont l’aîné d’une famille de trois enfants ou plus,
afin d’éviter que l’arrivée à leur vingtième anniversaire ne fragilise la situation économique
de la famille compte tenu du différentiel d’allocations familiales existant entre les familles 183
de deux enfants et les familles de trois enfants.
ȃ la première concerne les États ayant signé une convention bilatérale
de sécurité sociale avec la France ;
ȃ la seconde vise les ressortissants de l’Union européenne : le droit aux
prestations familiales relève de la législation du pays d’activité et non
plus de celle du pays de résidence de la famille (➦ voir chapitre 10).
L’allocataire est la personne à laquelle est reconnu le droit à prestations
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et l’attributaire est celle à qui elles sont versées. En général, ce sont les
mêmes personnes. Toutefois, en cas de résidence alternée de l’enfant au
domicile de chacun des parents, ceux-ci désignent l’allocataire ; à défaut, les
prestations sont versées à l’épouse ou à la concubine. Par ailleurs, au cas où
les prestations familiales ne seraient pas employées dans l’intérêt de l’enfant,
le juge des enfants peut en décider le versement à un tuteur aux prestations
sociales.
7. Prestations familiales et politique des familles

À ces conditions générales relatives à l’ensemble des prestations fami-


liales, se sont ajoutées des conditions spécifiques à chacune d’elles, d’autant
plus que l’évolution du système depuis les années 1970 s’est caractérisée par
leur diversification.

B - La diversification contemporaine du système


des prestations familiales
Pour répondre aux mutations sociologiques affectant la famille (essor de
la bi-activité des parents, essor des familles monoparentales et des familles
recomposées), le système des prestations familiales s’est diversifié à partir
des années 1970, d’autant plus qu’il a été sollicité aux fins d’autres politiques
publiques : politique économique, politique du logement, politique du han-
dicap, politique de l’emploi, etc. Parallèlement la volonté des pouvoirs
publics d’en faire un instrument de la politique des revenus a conduit à mettre
sous condition de ressources la plupart des prestations familiales. Il en a
résulté un ciblage des prestations familiales et corrélativement, une comple-
xification du système préjudiciable à leur lisibilité. Or, cette évolution a pu
conférer un caractère diffus à la politique des prestations familiales, en l’ab-
sence de choix clairement affirmés. Ce constat invite d’ailleurs à en clarifier
le contenu en dressant une typologie de ces prestations familiales en fonc-
tion de leurs finalités.
❚ La tendance lourde au ciblage des prestations familiales
La configuration du système des prestations familiales a fortement évolué
depuis sa mise en place par la loi du 22 août 1946, à telle enseigne qu’il com-
prend désormais une douzaine de prestations légales.
La préoccupation démographique subsiste, faisant d’ailleurs parfois des
184
retours périodiques (par exemple, au milieu des années 1970 avec une
inflexion forte des prestations familiales en faveur du troisième enfant) mais
elle a perdu en partie de son acuité. Même si elle sous-tend encore le système
des prestations familiales dans son ensemble, elle n’est plus mise en relief
qu’au travers de deux dispositifs en faveur des familles nombreuses, c’est-à-
dire celles ayant trois enfants et plus2 :

ȃ l’augmentation significative du montant des allocations familiales


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proprement dites pour les enfants de rang trois et plus ;
ȃ le complément familial pour les familles d’au moins trois enfants ayant
des ressources inférieures à un certain plafond.
S’il n’a guère évolué jusqu’à la fin des années 1960, le système des pres-
tations familiales accorde à partir de la décennie suivante une place crois-
sante à la redistribution des revenus : cette orientation répond à la fois à un

7. Prestations familiales et politique des familles
souci de justice sociale et de rationalisation des dépenses. Ainsi la plupart
des prestations nouvellement créées depuis lors sont assorties d’une condi-
tion de ressources. À tel point qu’elles représentent aujourd’hui la majorité
des dépenses de prestations familiales (73 % de la masse des prestations
versées en 2020). Sont notamment concernés :

ȃ le complément familial ;
ȃ l’allocation de rentrée scolaire ;
ȃ la prime à la naissance de la prestation d’accueil du jeune enfant ;
ȃ l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant ;
ȃ l’allocation de logement familial.
Plus récemment, au cours des années 1990, le système des prestations
familiales a mis l’accent sur la conciliation de la vie familiale et de la vie
professionnelle afin de tenir compte de la montée du travail féminin3. Il ne
s’agit plus comme dans les années 1950 de valoriser un modèle-type de
famille (le père travaille, la mère reste au foyer pour élever au moins trois
enfants) mais de prendre en compte l’aspiration des hommes et des femmes
en la matière tout en affichant la volonté de rester neutre vis-à-vis des choix
des familles, par exemple, celui de s’arrêter de travailler pour élever un jeune
enfant, ou au contraire, celui de recourir à un mode de garde pour continuer
d’exercer une activité professionnelle. Ayant été substituée entre autres à
diverses prestations mises en place dans ce sens, la prestation d’accueil

2. L’objectif de trois enfants par femme en âge de procréer est celui qui permet de
garantir le renouvellement de la population et même un léger excédent démographique
(nécessité d’un taux de fécondité de 2,1).
3. Le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans est passé de 41,5 % en 1962 à 84 % en 185
2015.
du jeune enfant (PAJE) créée en 2004 est particulièrement emblématique de
cette évolution. Construite sous une forme modulaire, elle constitue en
quelque sorte une prestation « enveloppe » ayant pour composantes des
prestations distinctes : prime à la naissance, allocation de base, etc.
On constate en parallèle, depuis les années 1970, de plus en plus de rap-
prochements connexes entre le système des prestations familiales et
d’autres politiques publiques, une même prestation pouvant à la fois servir
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de vecteur à la politique des familles et à une autre politique :

ȃ la politique du logement, avec l’institution des allocations loge-


ment permettant aux familles de faire face à leurs dépenses dans ce
domaine ;
ȃ la politique du handicap, avec la création d’une aide destinée aux
7. Prestations familiales et politique des familles

parents d’enfants handicapés : l’allocation d’éducation de l’enfant


handicapé ;
ȃ la politique de l’emploi, avec le développement de prestations
d’aide à la garde des jeunes enfants à compter des années 1990. Vouée
non seulement à faciliter la conciliation de la vie familiale et la vie pro-
fessionnelle, la prestation au jeune enfant, plus précisément le
complé ment de libre choix du mode de garde, est aussi destinée à
favoriser la création d’emplois de proximité. Elle distingue deux formes
d’aide avec d’un côté, le complément de libre choix du mode de garde,
et de l’autre, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (➦ voir
 encadré 10).
ȃ la politique de lutte contre la pauvreté et les exclusions, par la
prise en compte croissante des revenus des familles pour l’attribution
et le calcul des prestations ainsi que la mise en place de prestations
familiales au profit des familles monoparentales.
En tout état de cause, la politique des prestations familiales s’inscrit
nécessairement dans une approche plus globale de la politique des familles
prenant en considération les grandes problématiques sociales auxquelles
elle ne manque pas d’être confrontée.
❚ L’esquisse d’une typologie des prestations familiales
légales
Selon l’article L.511-1 du code de la sécurité sociale, seules entrent dans le
champ légal des prestations familiales : les allocations familiales, le complé-
ment familial, la prestation d’accueil du jeune enfant, l’allocation de logement
familiale, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’allocation de soutien
familial, l’allocation de rentrée scolaire, l’allocation journalière de présence
186 parentale et l’allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant.
On distingue communément parmi elles quatre grandes catégories de
prestations en fonction de leurs finalités :

ȃ les prestations d’entretien : les allocations familiales proprement


dites, le complément familial, l’allocation de rentrée scolaire ;
ȃ les prestations pour l’accueil des jeunes enfants : la prestation d’ac-
cueil du jeune enfant et ses composantes modulaires : la prime à la nais-
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sance ou à l’adoption, l’allocation de base visant à compenser le coût lié
à l’entretien de l’enfant, la prestation partagée d’éducation de l’enfant et
le complément de libre choix du mode de garde, l’allocation journalière
de présence parentale ;
ȃ les prestations spécifiques : elles concernent les familles confrontées
à des situations particulières. Ce sont l’allocation de soutien familial,
l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ainsi que l’allocation forfai-

7. Prestations familiales et politique des familles
taire versée en cas de décès de l’enfant créée par la loi du 8 juin 2020 ;
ȃ les prestations relatives au logement : l’allocation de logement fami-
liale et la prime de déménagement.
L’allocation de soutien familial concerne depuis l’origine les enfants à
charge orphelins ou non reconnus, mais désormais, elle vise surtout les
situations de séparation lorsqu’un parent ne verse pas à l’autre la pension
alimentaire due : il s’agit avant tout d’une prestation versée à titre
d’avance sur créance en cas de non-paiement, total ou partiel, d’une pen-
sion alimentaire fixée par décision de justice, à charge pour la CAF (ou
MSA) subrogée dans les droits du parent isolé créancier, de procéder à
la récupération (CSS, art. L.581-2).
Afin de garantir le paiement des pensions à leurs bénéficiaires, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2020 a créé un service public de
versement des pensions alimentaires. S’appuyant sur l’Agence de recou-
vrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA), il répond à un
objectif plus large : privilégier une logique de prévention des impayés sur
le seul recouvrement a posteriori lorsqu’est constaté un défaut de paie-
ment de pension alimentaire (CSS, art. L.582-1).

Encadré 10. Les prestations familiales (au 1er avril 2021)

Les montants indiqués pour les prestations familiales sont ceux fixés en
pourcentage de la Base mensuelle des allocations familiales avant déduction
de la contribution au remboursement de la dette sociale (0,5 %).
ȃ Les prestations familiales d’entretien
• Les allocations familiales (AF) sont versées à toutes les familles assumant la
charge de deux enfants ou plus, âgés de moins de 20 ans. Le montant est
… 187

modulé selon le nombre et l’âge des enfants (132,74 € par mois pour deux
enfants, 302,81 € pour trois enfants, 170,07 € par enfant en plus). Il s’y ajoute
une majoration de 66,37 € lorsque l’enfant atteint l’âge de 14 ans ; sachant
néanmoins que l’aîné d’une famille de deux enfants n’y ouvre pas droit. Depuis
le 1er juillet 2015, les montants des allocations familiales et de leurs majora-
tions donnent lieu à modulation en fonction de plafonds de revenus. Ils sont
divisés par deux (ressources au moins égales à 58 279 € et inférieures à
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81 558 €) ou par quatre (ressources au moins égales à 81 558 €) ; ces plafonds
sont augmentés de 5 827 € par enfant à charge.
• Le complément familial (CF) est servi en plus des allocations familiales aux
familles ayant au moins trois enfants âgés de 3 à 21 ans, sous condition de
ressources. Un seul complément est versé par famille, d’un montant de de
172,77 € par mois ou d’un montant majoré de 259,17 € en dessous d’un pla-
fond de ressources plus restrictif.
7. Prestations familiales et politique des familles

• L’allocation de rentrée scolaire (ARS), vouée à compenser les frais corres-


pondants, est versée à la rentrée scolaire pour chaque enfant à charge scola-
risé de 6 à 18 ans, sous condition de ressources. Le montant est modulé en
fonction de l’âge de l’enfant (372,17 € pour un enfant de 6 à 10 ans, 392,70 €
pour un enfant de 11 à 14 ans, 406,31 € pour un enfant de 15 à 18 ans).
ȃ Les prestations familiales pour l’accueil et la garde du jeune enfant
• La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) est versée aux familles pour un
enfant né ou adopté. Elle constitue une prestation modulaire au sens où elle
comprend la prime à la naissance ou à l’adoption, l’allocation de base, un complé-
ment de libre choix d’activité, un complément de libre choix du mode de garde ;
• La prime à la naissance ou à l’adoption permet de faire face aux premières
dépenses liées à l’arrivée de l’enfant, et est attribuée sous condition de res-
sources. Le montant de la première qui s’élève à 953,03 €, intervient au cours
du septième mois de grossesse ; celui de la seconde qui est servie au plus tard
le 2e mois suivant l’arrivée des enfants au foyer des adoptants, est doublé
(1 906,06 €) afin de prendre en compte l’importance des frais occasionnés par
une adoption à l’étranger, mode d’adoption le plus courant en France ;
• L’allocation de base est versée sous condition de ressources. Son montant à
taux plein est de 172,77 € par mois. Elle est versée dès le mois de naissance
de l’enfant jusqu’au mois précédant son troisième anniversaire ;
• La prestation partagée d’éducation de l’enfant (PrePare) est attribuée sous
condition de cessation totale ou partielle d’activité dès le premier enfant. Des
conditions minimales d’activité antérieure à la naissance de l’enfant sont exi-
gées mais pas de condition de ressources. Elle s’élève à 400,79 € en cas de
cessation totale d’activité, et en cas de travail à temps partiel, à 259,09 €
(activité inférieure à 50 % de la durée légale du travail) ou à 149,46 € (activité
comprise entre 50 et 80 %).
Pour la naissance d’un premier enfant, lorsque les parents vivent en couple, la
durée maximale de versement de la prestation est de six mois pour chacun des
188

membres du couple, dans la limite du premier anniversaire de l’enfant ; lorsqu’il

s’agit d’un deuxième enfant, cette durée maximale est de vingt-quatre mois
pour chacun d’eux, dans la limite du troisième anniversaire de l’enfant. Il s’ensuit
que seule l’interruption de travail des deux parents permet au niveau du couple
d’atteindre la durée maximale de trois ans de versement de l’allocation. Les
parents ayant moins de trois enfants à charge peuvent opter pour la PreParE
majorée, sous réserve de cesser toute activité professionnelle. La durée maxi-
male de versement de cette prestation n’est que de douze mois mais elle est
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assortie d’un montant plus élevé puisqu’il s’élève à 655,11 €.
• Le complément de libre choix du mode de garde (COLCMG) : versé sans
condition de ressources aux parents qui continuent d’exercer une activité pro-
fessionnelle, il concerne les familles qui emploient une assistante maternelle
agréée ou une garde à domicile pour garder leur(s) enfant(s) de moins de 6 ans
ou qui utilisent les services d’une micro-crèche. La CAF prend en charge une
partie de la rémunération de la salariée ainsi que les cotisations sociales en

7. Prestations familiales et politique des familles
fonction des revenus de la famille, du nombre d’enfants et de leur âge. Un
minimum de 15 % de la dépense reste à la charge de la famille.
• L’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est distincte de la
PAJE et a pour objet de permettre à l’un des deux parents de cesser tempo-
rairement son activité professionnelle lorsque leur enfant de moins de 20 ans
est gravement malade, handicapé ou accidenté. Le montant de l’allocation
de base s’élève à 44,09 € majorée à hauteur de 52,39 € par jour en cas d’iso-
lement du parent. Il peut s’y ajouter un complément pour frais de 112,79 €
versé sous condition de ressources.
ȃ Les prestations familiales en faveur des familles confrontées à des situa-
tions particulières
• L’allocation de soutien familial (ASF) est servie sans condition de ressources
lorsqu’un parent doit assurer seul la charge de ses enfants, l’autre parent étant
décédé ou ne faisant pas face à son obligation d’entretien, ou lorsque l’enfant
est orphelin de père et de mère ou se trouve dans une situation assimilée.
Dans la 1re hypothèse, l’allocation est versée à taux partiel et s’élève à 116,69 €
alors que dans la seconde, elle est versée à taux plein à hauteur de 155,55 €.
• L’allocation parent isolé (API) destinée à garantir un minimum de ressources
aux personnes seules qui assument la charge d’au moins un enfant né ou à
naître est remplacée depuis le 1er décembre 2008 par le revenu de solidarité
active (RSA) majoré lequel ne fait pas partie des prestations familiales.
• L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) est accordée sans
condition de ressources aux parents d’un enfant handicapé. Le montant de
base s’élève à 132,74 €, et peut être majoré par un complément qui varie en
fonction de plusieurs facteurs (cessation d’activité, embauche d’une tierce per-
sonne, montant des dépenses engagées du fait de l’état de santé de l’enfant).
• L’allocation forfaitaire versée en cas de décès de l’enfant est accordée pour
un enfant encore présent au sein du foyer familial qui meurt au cours de la
période comprise entre la vingtième semaine de grossesse et son 25e anniver-


saire (limite d’âge de 24 ans). Elle est d’un montant de 1 006,84 € ou 2 012,04 € 189

en selon que les ressources de la famille sont inférieures ou supérieures à un
plafond annuel fixé à 81 558 € majoré de 5 827 € par enfant à charge.
ȃ Les prestations relatives au logement
• L’allocation de logement familiale (ALF) s’adresse aux familles avec enfant,
ascendant ou personne handicapée à charge ne relevant pas de l’aide person-
nalisée au logement. Elle bénéficie aussi aux jeunes couples mariés depuis
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moins de 5 ans et dont l’un des deux conjoints à moins de 40 ans. Le montant
de cette allocation dépend de nombreux éléments (ressources, nature du loge-
ment, lieu de résidence, loyer, nombre d’enfants ou de personnes à charge).
• La prime de déménagement est versée aux bénéficiaires d’une aide au loge-
ment en cas de déménagement à l’occasion de la naissance d’un troisième
enfant, ou jusqu’aux 2 ans du dernier enfant, pour une famille ayant au moins
trois enfants à charge. Le montant de cette prime correspond aux dépenses
7. Prestations familiales et politique des familles

réellement engagées, dans la limite d’un plafond de remboursement fixé à


1 078,50 € avec un supplément de 82,96 € par enfant au-delà du troisième.

En sus de ces prestations familiales entendues stricto sensu, en substance


celles énumérées à l’article L.511-1 du code de la sécurité sociale, les caisses
d’allocations familiales sont de plus en plus souvent conduites à verser
diverses prestations pour le compte de l’État (allocation aux adultes han-
dicapés, aide personnalisée au logement, allocation de logement social,
prime d’activité) ou des départements (revenu de solidarité active). Elles ont
en commun d’être accordées sous condition de ressources.

C - L’apport des prestations extra-légales


de l’action sociale
Une autre singularité du système des prestations familiales tient au fait
que la branche Famille de la sécurité sociale comporte une importante action
sociale : elle représente à elle seule 84 % des dépenses d’action sociale du
régime général. Même si elles mobilisent des fonds bien moindres que les
prestations légales, les prestations extra-légales d’action sociale (6 mil-
liards d’€), ainsi dénommées parce que dépourvues d’existence légale, jouent
néanmoins un rôle notable dans l’amélioration du cadre de vie des familles.
❚ La place complémentaire des prestations extra-légales
Même si elles fournissent une aide matérielle déjà conséquente aux
familles, les prestations légales ne suffisent pas forcément à couvrir certains
besoins sociaux et à répondre de façon affinée à certains besoins de familles.
C’est pourquoi, depuis leur création, les caisses d’allocations familiales
exercent une action sociale dans le cadre d’un programme aux orientations
190 générales fixées par arrêté ministériel (CSS, art. L.223-1). Dans ce cadre,
elles versent des prestations extra-légales lesquelles sont théoriquement
instituées à l’initiative des CAF et surtout de la Caisse nationale des alloca-
tions familiales (CNAF). Néanmoins, ce schéma tend à être en grande partie
dépassé dans les faits dans la mesure où depuis 1996, l’action sociale de la
branche famille voit ses orientations étroitement déterminées par les
conventions d’objectifs et de gestion (COG) pluriannuelles que la CNAF
négocie et signe avec l’État (sur les COG, ➦ voir chapitre 2).
Sous l’effet de l’instauration des COG, et à ce titre de dotations financières
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« fléchées » au niveau de la CNAF, les interventions prévues dans le cadre de
l’action sociale et familiale se répartissent en plusieurs catégories d’inégales
importances. On distingue :

ȃ les aides financières : elles revêtent la forme de prêts, de prestations


sociales supplémentaires, voire de secours en cas d’urgence sociale et
sont attribuées à titre ponctuel à des familles en difficulté financière.

7. Prestations familiales et politique des familles
Cependant, elles ne représentent plus aujourd’hui qu’une part accessoire
des interventions de l’action sociale ;
ȃ l’offre de services sociaux : elle consiste en la gestion d’équipes de
travailleurs sociaux (assistantes sociales, conseillères en économie
sociale et familiale) pour effectuer un accompagnement social des
familles, leur délivrer des conseils et prévenir le non recours aux droits
sociaux, ou pour mener des actions individuelles ou collectives auprès
d’elles ;
ȃ les prestations de services : elles consistent, d’une part, à soutenir le
développement quantitatif et qualitatif des équipements et services col-
lectifs destinés aux familles par la garantie d’un financement partiel des
CAF à leur fonctionnement ; d’autre part, à en faciliter l’accès aux familles
les plus modestes par l’application d’un barème de participation finan-
cière des utilisateurs, qui soit dégressif en faveur de celles ayant les reve-
nus les plus modestes ;
ȃ les subventions aux structures d’animation de la vie sociale (centres
sociaux, foyers de jeunes travailleurs, associations), à l’amélioration de
l’habitat des familles modestes.
Au total l’action sociale des CAF représente pour la période 2018-2022
une masse financière de 6 milliards d’euros par an dont 5,2 milliards d’€ au
titre des prestations de service.
❚ Les domaines couverts par les prestations de service
de l’action sociale
Sous l’effet des COG État-CNAF successives, l’action sociale en faveur des
familles fait ressortir deux grands axes d’intervention : l’accueil du jeune
enfant (60 % des dépenses en 2018), l’accompagnement des temps libres 191
des enfants et des familles (22 % des dépenses), auxquels s’ajoutent, dans
une moindre mesure, l’animation de la vie sociale et le soutien à la
parentalité.
L’accueil du jeune enfant (0 à 6 ans) est une préoccupation forte dans la
mesure où, en dépit de l’effort déjà réalisé (en 2018, pour cent enfants de
moins de 3 ans, la France disposait déjà de 59,3 places d’accueil ), il manque
encore des places en équipements collectifs ou en accueil individuel pour la
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prise en charge des jeunes enfants pendant l’activité professionnelle de leurs
parents. C’est pourquoi les CAF mettent en œuvre depuis la COG 2018-2022
un nouveau modèle de financement des structures d’accueil du jeune enfant
en vue de favoriser la création de 30 000 nouvelles places de crèches. La pres-
tation de service unique est certes conservée pour financer sur la base d’un
tarif horaire l’activité de ces structures, mais elle s’articule désormais avec la
7. Prestations familiales et politique des familles

conclusion de conventions territoriales globales (CTG) ayant pour objet de


décliner à l’échelon infra-départemental la politique portée en ce domaine par
les CAF, en lien avec les schémas départementaux des services aux familles.

La convention territoriale globale (CTG) définit l’ensemble des objectifs


communs de la CAF et de la collectivité territoriale (commune ou inter-
communalité), sur un champ de sujets pouvant être à la fois étendu et
varié, en fonction du diagnostic partagé (petite enfance, enfance, jeu-
nesse, parentalité, accès aux droits, inclusion numérique, animation de
la vie sociale, logement, handicap, accompagnement social). Sa signa-
ture est assortie de bonus financiers s’ajoutant à la prestation de service,
qui ont certes trait à la petite enfance, mais aussi au temps libre et au
soutien à la parentalité.
L’accompagnement du temps libre est structuré en deux volets concer-
nant les enfants de 3 à 16 ans en vue de financer l’organisme en charge, d’une
part de leur accueil extra-scolaire (centres de loisirs, aide aux vacances, etc.),
et de l’autre, de leur accueil périscolaire lequel est amené à accompagner la
réforme des rythmes scolaires.
L’animation de la vie sociale conduit les CAF à apporter un soutien finan-
cier à des équipements de proximité (ex. : centres sociaux, structures d’ani-
mation locales). Ceux-ci ont vocation à contribuer à la cohésion sociale sur
les territoires et à favoriser l’intégration sociale des familles dans leur
environnement.
Le soutien à la parentalité a commencé à prendre forme depuis une ving-
taine d’années. Il est mis en œuvre par les CAF aux côtés des départements,
et repose sur un ensemble d’actions publiques qui vont de l’accompagne-
ment généralisé des parents à l’exercice de la fonction parentale, à un soutien
192 ciblé à destination de ceux confrontés à des difficultés particulières vis-à-vis
de leurs enfants. L’action dans ce domaine est adossée à des services aux-
quels les CAF peuvent accorder un concours financier (ex. : les réseaux
d’écoute et d’appui aux parents, les contrats locaux d’accompagnement à la
scolarité, la médiation familiale).
La complémentarité entre les prestations légales et l’action sociale sou-
ligne les limites à elles seules des aides monétaires aux familles. Il est d’ail-
leurs parfois nécessaire qu’une même politique recourt aux deux leviers :
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ainsi la politique d’accueil de la petite enfance s’appuie à la fois sur des pres-
tations légales (complément de libre choix du mode de garde de la prestation
au jeune enfant) et des prestations de services de l’action sociale afin qu’il
existe une offre suffisante en places de crèches pour les jeunes enfants.

2 L’impact des prestations familiales

7. Prestations familiales et politique des familles
Les prestations familiales occupent une place déterminante dans la com-
pensation du coût de l’enfant et le soutien des familles à faibles res-
sources, même si la redistribution des revenus qu’elles opèrent reste
perfectible au prisme de la lutte contre la pauvreté. En revanche, s’il ne peut
être ignoré, leur effet démographique n’est guère mesurable, d’autant plus
que d’autres facteurs influencent les décisions des familles d’avoir des
enfants, notamment la possibilité de concilier vie familiale et vie profes-
sionnelle comme le promeuvent certaines prestations relatives à l’accueil
des jeunes enfants. Envisagé sous ses divers aspects, le système des presta-
tions familiales constitue l’épine dorsale de la politique des familles.

Encadré 11. La politique des familles

Cette politique est complexe à appréhender dans sa globalité. Au sens le plus


général, elle s’entend comme l’ensemble des institutions, prestations et moyens
financiers ayant pour objectif de soutenir et de promouvoir la famille. Plus pré-
cisément, elle peut être définie comme des programmes d’action publique à
destination de toutes les familles ou de certaines catégories d’entre elles : elle
voit dans les familles l’enjeu d’actions spécifiques et dont les mesures visent à
peser sur les ressources familiales et, au-delà, sur les conditions de vie des
diverses catégories de familles elles-mêmes.
Même si le système des prestations familiales joue un rôle majeur en la matière,
la politique des familles, dont les orientations sont fixées par l’État, ne saurait
être envisagée au seul prisme réducteur de la branche Famille. De même, les
autres volets de la sécurité sociale montrent un caractère familial marqué ainsi
que le révèlent tout d’abord la notion d’ayant-droit et l’existence de droits déri-
vés (ex. : prise en charge des frais de santé de l’enfant mineur, pension de réver-


sion, rente viagère au conjoint d’une victime d’accident du travail) mais aussi 193

d’autres avantages familiaux (ex. : majoration de montant de pension vieillesse
pour trois enfants). Par ailleurs, de nombreuses collectivités publiques et asso-
ciations contribuent à la politique des familles. Ainsi les départements dans le
champ de la protection maternelle et infantile et plus encore, dans celui de l’aide
sociale à l’enfance. De leur côté, les communes sont chargées des structures
collectives de garde des jeunes enfants. Par-delà la politique des familles s’étend
à bien d’autres domaines que ceux de la protection sociale, pour concerner entre
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autres ceux de la fiscalité, de l’éducation (bourses scolaires) ou des transports
(carte famille nombreuse).
Au regard d’autres pays du monde, la politique des familles de la France est une
des plus généreuses. Selon le périmètre d’intervention retenu (seules presta-
tions familiales ou ensemble des politiques pouvant impacter les familles), elle
mobilise une enveloppe financière comprise entre 1,6 % (spectre réduit : pres-
tations familiales stricto sensu) et 6,1 % (spectre large : logement, dispositifs
7. Prestations familiales et politique des familles

fiscaux, bourses scolaires, etc.) du produit intérieur brut.

A - Les effets redistributifs des aides financières


aux familles
L’impact redistributif des prestations familiales est tout d’abord inhérent
à leur objet de compensation du coût de l’enfant. Elles organisent en effet une
redistribution horizontale des revenus entre les familles en charge d’enfants
et celles sans enfants. Mais l’appréhension des transferts sociaux auxquels
donnent lieu les prestations familiales amène à envisager, aussi et surtout,
l’impact des prestations familiales du point de vue de la redistribution verti-
cale, c’est-à-dire des familles aisées vers les familles à faibles revenus, d’autant
plus qu’elles sont le plus souvent attribuées sous condition de ressources. Il est
même pertinent d’élargir le champ de l’analyse aux aides fiscales en faveur
des familles. C’est la combinaison des dispositifs sociaux et fiscaux, organi-
quement indépendants les uns des autres, qui détermine la redistribution
globale à laquelle procèdent les politiques des aides financières aux familles.
❚ L’effort vers les familles nombreuses et monoparentales
D’une façon générale, les couples avec trois enfants et plus ainsi que les
parents isolés constituent les catégories de familles qui bénéficient le plus
des prestations familiales.
Les familles nombreuses, c’est-à-dire comportant au moins trois enfants
à charge, perçoivent plus de la moitié des prestations versées alors qu’elles
ne représentent qu’un tiers de l’ensemble des familles allocataires. Grâce aux
prestations familiales, ces familles voient leur niveau de vie augmenter de
25 % contre seulement 5 % pour ceux n’ayant qu’un seul enfant. Pour autant,
194 la progressivité des allocations familiales ou de l’allocation de logement
familiale, ou encore, l’institution du complément familial ne suffisent pas
selon les travaux de l’INSEE à compenser le coût du troisième enfant qui est
supérieur à celui des deux premiers, notamment si l’on intègre les effets indi-
rects tels le changement de logement et surtout la renonciation au travail de
l’un des membres du couple : le taux d’activité des femmes d’une famille de
3 enfants tombe de 64 % à 35 % si le plus jeune a moins de trois ans.
Il ressort d’ailleurs que le taux d’effort de la famille tend d’une part à
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augmenter avec la taille de la famille, malgré la progressivité des prestations
familiales, et d’autre part, à régresser avec le revenu du ménage.

Le taux d’effort de la famille caractérise le coût d’entretien de l’enfant


laissé à la charge des familles après le versement des prestations.
Les familles monoparentales (20,3 % de l’ensemble des familles), c’est-

7. Prestations familiales et politique des familles
à-dire celles avec un parent isolé ayant à charge un ou plusieurs enfants dont
un mineur, sont également de grandes bénéficiaires du système des presta-
tions familiales lesquelles contribuent fortement à leur revenu disponible.
Par exemple, pour les parents isolés ayant un ou deux enfants, l’effet redis-
tributif des prestations familiales et des aides au logement réduit le risque
d’exclusion de 15 points, contre moins de 8 points en moyenne (2018).
La redistribution conséquente due aux prestations familiales tient certes
aux conditions de ressources auxquelles la plupart d’entre elles sont soumises
mais aussi à la masse financière globale qu’elles représentent. Elle est en
effet supérieure à celle des allocations de logement d’une part, et des minima
sociaux, d’autre part (ex. : revenu de solidarité active, allocation de solidarité
spécifique) malgré une moindre dégressivité en fonction du revenu.
Ce constat est à confronter à l’impact des transferts fiscaux pour déter-
miner l’impact redistributif de l’ensemble des aides financières aux familles.
❚ La confrontation des prestations familiales
et du quotient familial
Pénalisées en leur qualité d’unité de consommation par la fiscalité indirecte,
notamment la taxe sur la valeur ajoutée, les familles en charge d’enfants béné-
ficient en revanche d’avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu comme
les crédits d’impôt pour frais de garde d’enfants de moins de 6 ans. Cependant,
l’essentiel des aides fiscales au profit des familles provient d’un mécanisme
original : le quotient conjugal et familial institué par la loi de finances de 1946
pour le calcul de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.

Le quotient conjugal et familial repose sur le principe suivant : l’unité


d’imposition est le ménage et non pas l’individu apporteur de revenus,
de sorte que le niveau de pression fiscale est déterminé non pas à partir 195
du revenu mais de la faculté de chaque contribuable.
Revenu initial
=
Revenu avant
redistribution

 Impôt sur le revenu


 Taxe d’habitation
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– Impôts directs*  CSG et CRDS
 Autres prélèvements sociaux sur les revenus
du patrimoine
 Prime pour l’emploi

 Prestations d’accueil du jeune enfant (Paje) :


allocation de base, prime à la naissance
ou à l’adoption, complément de libre choix
Redistribution
7. Prestations familiales et politique des familles

+ Prestations d’activité (CLCA), prestation partagée


familiales d’éducation de l’enfant (Prepare)
 Autres prestations familiales : allocations
Prestations sociales

familiales, complément familial, allocation


d’éducation de l’enfant handicapé, allocation
de soutien familial, allocation de rentrée scolaire

+ Allocations  Aide personnalisée au logement (APL)


logement  Allocation logement à caractère familial
 Allocation logement à caractère social

+ Minima  Revenu de solidarité active (RSA)


sociaux  Allocation aux adultes handicapés (AAH)
 Minimum vieillesse

Revenu disponible
=
Revenu après
redistribution

* Les impôts directs, en diminuant sensiblement le niveau de vie médian, réduisent


mécaniquement le taux de pauvreté.
Source : Insee, Filosofi 2015
Figure 7. Décomposition du revenu initial
au revenu disponible

Selon ce mécanisme, le taux d’imposition applicable est mesuré en divi-


sant le revenu global du ménage (après déductions diverses) par un équiva-
lent du « nombre de bouches à nourrir » lequel correspond au nombre de
196 parts fiscales du ménage, déterminé comme suit : une part pour chaque
adulte, une demi-part pour les deux premiers enfants, une part pour les
suivants, mais en cas de parent isolé, chaque enfant compte pour une part.
Ainsi le coût de l’enfant est calculé non pas in abstracto mais en fonction du
niveau de vie de la famille, de sorte que l’enfant vivant dans une famille aisée
et dans un milieu de vie plus onéreux (notamment en matière de logement),
est comptabilisé comme ayant un « coût » plus élevé qu’un autre enfant.
Or, l’avantage fiscal que représente le quotient familial (coût de 12,8 mil-
liards d’€ en 2017) s’accroît à proportion des revenus du foyer fiscal, ce qui
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entraîne mécaniquement un effet redistributif inverse de celui des presta-
tions familiales sous conditions de ressources. C’est pourquoi a été mis en
place en 1982 un plafonnement de celui-ci, qui, relevé à plusieurs reprises,
est limité à 1 500 € par enfant depuis 2014.
❚ La réponse du système « socio-fiscal » à la pauvreté
des familles

7. Prestations familiales et politique des familles
Sans surprise les transferts sociaux et fiscaux entraînent une réduction de
la pauvreté monétaire, d’une hauteur significative pour les enfants vivant
dans une famille nombreuse ou dans une famille monoparentale. L’impact
des prestations familiales est d’autant plus marqué que les couples ou per-
sonnes concernées ont de faibles revenus primaires, et ne peuvent donc
prétendre aux avantages fiscaux destinés aux familles.
Les réformes à la fois des prestations familiales et du quotient familial
mises en place au cours de la période 2012-2017 ont abouti à reconfigurer la
courbe du niveau du soutien financier aux familles. Alors qu’elle avait aupa-
ravant un profil de courbe en « U », étant décroissante des plus bas revenus
(surtout aidés par les prestations familiales) vers les revenus moyens
et croissante en allant des revenus moyens aux revenus élevés (surtout aidés
par les avantages fiscaux), tel n’est plus le cas. Elle est désormais aplanie pour
les revenus les plus élevés, sans être pour autant parfaitement linéaire. Le
profil en « U » de l’effet combiné des prestations familiales et des avantages
fiscaux, s’est transformé en une sorte de courbe en « L » ou « J » inversé :
l’effet redistributif s’est accentué en faveur des trois premiers déciles de reve-
nus primaires, mais il a disparu pour les trois derniers déciles. Cette réduction
des transferts socio-fiscaux au profit des familles aisées a permis de rendre
la politique familiale plus équitable que par le passé.
Cependant, malgré les aides dont elles bénéficient, le risque de pauvreté
reste encore élevé pour les familles nombreuses et plus encore pour les
familles monoparentales : 35 % de ces familles sont concernées à telle
enseigne que 40,5 % des enfants à charge de ces dernières vivent en dessous
du seuil de pauvreté (contre 14,8 % de l’ensemble de la population, soit
2,9 millions d’enfants pauvres en 2018). Plus exactement, les transferts
sociaux et fiscaux, s’ils permettent à 1,3 million d’enfants de sortir de la pau-
vreté monétaire, réduisent surtout les risques de grande pauvreté (40 % 197
du niveau de vie) et l’intensité de la pauvreté des familles, en particulier des
familles monoparentales ayant au moins deux enfants.

Le taux de pauvreté des enfants rapporte le nombre d’enfants vivant


dans les ménages situés en dessous du seuil de pauvreté (60 % du revenu
médian par unité de consommation) au nombre total d’enfants.
Face à cette situation, le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
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a envisagé dans un rapport remis en 2018 plusieurs solutions pour lutter
contre le problème de la grande pauvreté. Parmi les différentes formules
préconisées, outre celles ayant trait à des modulations du revenu de solida-
rité active (RSA) ou de la prime d’activité, une se rapporte au système des
prestations familiales. Elle consiste à créer une nouvelle « prestation enfant »
ciblée sur les familles pauvres, s’ajoutant au système existant sans entrer
7. Prestations familiales et politique des familles

dans la base de ressources du RSA, sachant que cette mesure aurait l’impact
le plus important. Elle ferait reculer le taux de pauvreté de 1,1 point et inflé-
chirait son intensité de 3,3 points. L’avantage de la prestation ainsi envisagée
est qu’elle n’interférerait pas avec les autres prestations sociales ni avec des
revenus d’activité éventuels. En revanche, elle présenterait l’inconvénient
d’être assortie d’un effet de seuil pour les familles juste au-dessus du plafond
de ressources pris en compte.

B - L’incidence des prestations sur les choix


des familles
Même si les prestations familiales peuvent influencer les phénomènes
démographiques sans qu’il puisse être établi entre eux un lien de corrélation,
à la lumière des évolutions sociétales force est de constater que le choix des
couples d’avoir des enfants est aussi confronté à la difficulté de concilier vie
familiale et vie professionnelle.
❚ L’effet démographique incertain des prestations
familiales
L’évaluation de l’effet des prestations familiales sur le dynamisme démo-
graphique n’est pas chose aisée. Ne serait-ce qu’en raison des interférences
avec des politiques de nature différente (politiques du travail, du logement,
de l’éducation, etc.) mais pouvant s’inscrire dans le même sens.
Les phénomènes démographiques ne sont pas corrélés au caractère plus
ou moins généreux du système des prestations familiales : ils relèvent d’un
processus complexe, constitué de différents stades allant de l’intention
d’avoir un enfant à sa réalisation. C’est sur celui-ci que les politiques des pres-
tations familiales entendent agir. Pour autant, l’effet des législations aux-
198 quelles elles donnent lieu peut ne pas être directement perceptible, en
dehors d’éventuels effets d’aubaine, d’autant plus que la décision d’avoir un
enfant relève d’une pluralité de facteurs (désir d’enfants, stabilité du couple,
fait d’avoir un emploi, etc.) et s’inscrit dans une temporalité longue. Elle est
d’ailleurs le plus souvent planifiée, c’est pourquoi la stabilité dans le temps
des systèmes d’aide aux familles s’avère un facteur de première importance
dans ce domaine.
L’impact démographique des prestations familiales reste marginal comme
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le laissent supposer les fluctuations de l’indice synthétique de fécondité
depuis les années 1970. Il serait toutefois péremptoire de lui dénier tout rôle
en la matière. Ne serait-ce que parce qu’un rapprochement peut être opéré
entre le dynamisme démographique de la France et la générosité relative de
sa politique de prestations familiales. Elle se distingue d’ailleurs par un indice
de fécondité le plus élevé d’Europe (1,87 par femme en 2018) par rapport à

7. Prestations familiales et politique des familles
ceux d’autres pays comparables (1,6 en moyenne dans l’Union européenne,
mais seulement 1,4 en Allemagne et 1,3 en Espagne) ainsi que par un apport
de naissances de rang 3 et plus à la descendance particulièrement élevée.
Il n’en reste pas moins que les mécanismes d’incitation démographique
que recèle le système des prestations familiales soulèvent la question de leur
pertinence alors même que le taux de fécondité s’infléchit sur la période
récente. Un débat s’est d’ailleurs engagé de longue date sur les aménage-
ments à lui apporter en vue de le rendre plus efficace de ce point de vue.
On peut ainsi s’interroger sur la pertinence de favoriser la compensation
de la charge des enfants à compter de l’enfant de rang 3 compte tenu
de l’arrivée de plus en plus tardive du premier enfant dans les ménages ; ce
qui rend dès lors de plus en plus hypothétiques les naissances de rang 2 ou
surtout de rang 3. S’inscrire en faux avec cette orientation traditionnelle
conduirait à réorienter de façon significative les aides en direction des jeunes
familles ou des familles en voie de constitution, la priorité étant alors de
promouvoir la première naissance, sachant que les quelques prestations dues
au titre de l’enfant de rang 1 (ex. : prime à la naissance, allocation de base de
la prestation d’accueil du jeune enfant, allocation de rentrée scolaire) sont
pour la plupart assorties d’une condition de ressource. Un tel point de vue
est toutefois contesté par certains démographes qui considèrent que si la
raréfaction des familles de quatre enfants et plus est irréversible, celle des
familles de rang 3, bien qu’ayant été divisée par deux, reste susceptible de
relèvement, et invite à consentir un effort financier plus accentué dans
ce sens.
Pour assurer le renouvellement des générations, l’idée de donner une
connotation ouvertement nataliste à la politique des prestations familiales
ne semble pas être la solution la plus appropriée au vu des modes de vie
actuels et des aspirations des femmes. Elle ne résiste pas à la force du constat 199
selon lequel le taux de fécondité n’augmente que pour celles ayant atteint
l’âge de 30 ans et aussi, qu’il progresse corrélativement à la montée du travail
féminin. L’accès à l’emploi précède d’ailleurs le plus souvent la naissance du
premier enfant, et dans cette attente, la femme ou le couple ont tendance à
en différer la naissance, ce qui rend dès lors plus tardif l’arrivée d’un enfant
de rang 2 et par incidence, celle d’un éventuel enfant de rang 3. La naissance
d’un troisième enfant se trouve d’ailleurs d’autant plus compromise que l’âge
de la femme se rapproche de 40 ans. Aussi la prise en compte de l’objectif
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démographique des prestations familiales invite également à prendre en
compte la question de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
❚ L’intérêt d’une meilleure conciliation entre vie familiale
et vie professionnelle
S’étant historiquement constitué dans le contexte des années 1930 avant
d’être largement repris à la création de la sécurité sociale, le système des
7. Prestations familiales et politique des familles

prestations familiales n’accordait guère de place à l’origine à la conciliation


de la vie familiale et de la vie professionnelle. La création d’une prime pour
la mère au foyer en 1938, ensuite remplacée par une allocation de salaire
unique (une des quatre prestations familiales en 1946) révélait plutôt une
volonté politique de penser vie familiale et vie professionnelle en termes
d’alternative, tout au moins à l’époque en ce qui concerne les femmes.
D’ailleurs, la conception de la sécurité sociale est alors marquée par le modèle
de la famille nucléaire traditionnelle selon lequel le mari se voyait assigner
un rôle de « Monsieur Gagne-pain » et l’épouse, celui de « femme au foyer »
et de mère de famille en charge des enfants.
Sous l’effet de la montée du travail féminin à partir des années 1960, la
conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est devenue une
exigence nouvelle, plus précisément face au problème de la garde des
jeunes enfants. Or, ce n’est qu’une trentaine d’années plus tard que le sys-
tème de prestations familiales affiche une neutralité vis-à-vis du choix des
parents soit de s’occuper eux-mêmes de leur jeune enfant, soit de recourir à
un mode d’accueil extrafamilial. Pour autant, l’orientation ainsi impulsée ne
s’inscrit pas tant dans un objectif d’égalité des sexes que dans celui de créer
des conditions favorables à l’arrivée de l’enfant, en vue de concourir au main-
tien du taux de fécondité.
Plus récemment, la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes du
5 août 2014 réformant l’ancien complément de libre choix d’activité pour le
transformer en prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare) n’a pas
atteint le double objectif visé : promouvoir le partage du congé parental
entre les deux conjoints et inciter à un retour plus rapide des parents (prin-
cipalement les mères) sur le marché du travail après une naissance, afin de
prévenir les difficultés de réinsertion professionnelle liées à la longueur du
200 congé parental. Toutefois, selon le bilan fait par la CNAF en 2018, la nouvelle
prestation a échoué à inciter à un partage plus égal des durées de congé
entre les deux parents ; la part des hommes parmi les bénéficiaires de la
Prepare n’est que de 6 % en 2019.
Aussi, afin d’accroître l’engagement des pères dans l’éducation des
enfants, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 allonge le
congé de paternité à 25 jours au total contre deux semaines précédemment,
sachant que l’indemnisation de ce congé ne relève pas du champ des pres-
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tations familiales mais de l’assurance maternité-paternité (CSS, art. L.331-8).

Conclusion

S’étant adapté aux évolutions sociales et sociétales, le système des pres-

7. Prestations familiales et politique des familles
tations familiales occupe une place centrale non plus dans la politique de la
famille, mais dans la politique des familles. Néanmoins il n’est pas exempt
d’insuffisances, d’autant plus qu’au fil des décennies, le pouvoir d’achat des
familles s’est nettement amoindri. S’agissant des objectifs désormais prio-
ritaires, l’aide à la garde des jeunes enfants demeure perfectible en dépit
des importantes avancées déjà réalisées dans ce domaine. Elle amène d’ail-
leurs à s’interroger sur l’arbitrage qu’il serait opportun d’effectuer entre les
prestations de service et les prestations monétaires alors même que la poli-
tique des prestations familiales est soumise à une forte contrainte finan-
cière. Par-delà ce débat, et la nécessité d’assortir la politique des familles
d’objectifs clairs, sans doute convient-il de garder à l’esprit que les presta-
tions familiales ne sauraient être entendues comme de seules charges
financières pesant sur la collectivité. Elles méritent aussi d’être comprises
au sens d’un investissement permettant à la France d’afficher des perfor-
mances en matière de fécondité, d’emploi des femmes aux âges de la
maternité ou de lutte contre la pauvreté infantile comparativement meil-
leurs que la moyenne des pays de l’OCDE.

201
Chapitre 8
Soutien à l’autonomie
et cinquième branche

Une nouvelle branche de la sécurité sociale a vu le jour avec les lois orga-
nique et ordinaire du 7 août 2020 en vue de financer la perte d’autonomie.
S’il est vrai que le système de protection sociale comprenait déjà dans ce
sens deux prestations à caractère universel, la prestation de compensation
du handicap (2005) et l’allocation personnalisée d’autonomie (2001), les
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insuffisances constatées dans la prise en charge sociale et médico-sociale
des personnes handicapées ou dépendantes, ainsi que leur nombre
croissant4, ont conduit à promouvoir une conception plus ambitieuse de la
solidarité nationale. C’est l’objet de la création de la cinquième branche de
la sécurité sociale. Vouée à l’instar des autres branches, à mettre en regard
des dépenses et des recettes, la nouvelle branche « autonomie » s’en dis-
tingue dans la mesure où elle s’insère dans une organisation préexistante,
dans laquelle l’aide et l’action sociales des départements tiennent tradition-
nellement une place importante. Elle n’en demeure pas moins un instru-
ment majeur au service d’une politique de l’autonomie, non seulement en
vue d’en conforter les moyens financiers, mais aussi pour lui donner plus de
cohérence.

1 De la logique d’aide sociale


à celle de sécurité sociale

Ancrée traditionnellement dans l’aide et l’action sociales en faveur des


personnes handicapées ou âgées à faibles ressources, la prise en charge de
la perte d’autonomie s’est universalisée dans les années 2000 au point de
trouver désormais sa place dans le système de sécurité sociale.

A - La structuration duale de la compensation


de la perte d’autonome
À l’inverse de ce qui prévalait dans la période antérieure, dès le milieu des
années 1960, la tendance des politiques sociales en matière de perte d’auto-
nomie a été de distinguer entre la situation des personnes âgées et celle des
personnes handicapées. Or, si une telle dualité subsiste aujourd’hui, étant
encore ancrée dans la législation de l’aide et de l’action sociales, force est de
constater qu’elle tend à s’amenuiser avec l’allocation personnalisée

4. Sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie, il est recensé 1,2 million de per- 203
sonnes dépendantes en France.
d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap dont les carac-
téristiques procèdent d’une reconnaissance de la perte d’autonomie comme
un risque social.

❚ Les notions de handicap, de dépendance 


et de perte d’autonomie
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Elles sont communément définies comme suit :
ȃ le handicap désigne « toute limitation d’activité ou restriction de par-
ticipation à la vie en société subie dans son environnement par une per-
sonne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une
ou de plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives
ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant »
(cf. Loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handica-
pées du 11 février 2005 et CASF, art. L.114) ;
ȃ la dépendance désigne « l’état de la personne qui a besoin d’être aidée
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie ou qui requiert une


surveillance régulière (cf. Loi 24 janvier 1997 créant l’ancienne « presta-
tion spécifique dépendance » et CASF art. L.232-1). Selon la législation,
le critère de distinction entre le handicap et la dépendance est un critère
d’âge : en dessous de 60 ans, une personne est considérée comme han-
dicapée et au-dessus, comme étant dépendante. Au-delà de cette diffé-
renciation formelle, la dépendance est à entendre comme un handicap
dû au vieillissement physiologique de l’organisme humain ;
ȃ la perte d’autonomie concerne les personnes âgées « qui se trouvent
dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte
d’autonomie liés à leur état physique ou mental » (cf. Loi du 20 juillet
2001 instaurant l’allocation personnalisée d’autonomie, [APA]).
Comprise au sens de la dépendance, elle est déterminée par une grille
dite AGGIR (Autonomie, Gérontologie, Groupe Iso-Ressources) (➦ voir
infra). Cette notion est aussi étendue sans plus de précisions aux per-
sonnes handicapées (cf. Loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour
l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, et sur-
tout, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société aux
effets du vieillissement).
L’intérêt de la notion de perte d’autonomie est qu’elle invite à garantir un
droit à la compensation, qui ne soit plus différencié en fonction de l’âge de la
personne, mais qui soit déterminé en fonction de ses besoins spécifiques
(dispense de soins corporels, soutien pour l’accomplissement des actes ordi-
naires de la vie courante : se lever, manger, s’habiller, etc.) et des données de
son environnement de vie (personne seule ou non, personne vivant dans
204 une zone géographique isolée). L’objectif poursuivi par la compensation de
la perte d’autonomie est de concourir aux côtés d’autres dispositifs de la poli-
tique du handicap et de la dépendance (accessibilité des lieux publics, amé-
nagement des règles du droit du travail, etc.), à garantir à ses bénéficiaires
sinon les mêmes conditions de vie que les autres individus, tout au moins les
plus proches possibles, afin de faciliter leur insertion dans la société.

❚ La dualité des formes de prise en charge


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Qu’il s’agisse de personnes en situation de handicap ou de personnes
âgées, au-delà des besoins de l’existence à assurer en termes de revenus de
subsistance et de soins de santé, une compensation des conséquences finan-
cières de la perte d’autonomie est nécessaire.
Cette prise en charge a longtemps relevé en France d’une logique d’aide
sociale, en vertu de laquelle le droit à prestation du demandeur n’a pas en
principe de caractère automatique : il est soumis, en vertu du principe de
subsidiarité, à une appréciation, au cas par cas, de l’insuffisante capacité

8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 
pécuniaire du demandeur à y faire face ou non à partir de ses ressources
personnelles, et le cas échéant de celles susceptibles d’être apportées par
des membres de sa famille (ex. : parents, enfants) en vertu de l’obligation
alimentaire prévue dans le code civil. La notion de besoin social est alors mise
en avant, sans qu’il soit fait référence comme tel est le cas en matière de
sécurité sociale, à un risque social ouvrant un droit automatique à prestation,
abstraction faite de l’état de besoin.
Ainsi construite à partir d’une conception assistantielle des besoins
sociaux, la prise en charge du handicap et de la dépendance s’est tradition-
nellement centrée en vertu du principe de spécialité sur le traitement d’un
besoin social particulier, et ainsi sur un public donné. Il en a résulté une dua-
lité de dispositifs dans le champ de l’aide sociale avec d’un côté les presta-
tions de l’aide sociale aux personnes âgées, et de l’autre, celles de l’aide
sociale aux personnes handicapées.
L’aide sociale aux personnes âgées : jusqu’en 1997, date de la création
de l’ancienne prestation spécifique dépendance (remplacée depuis 2001 par
l’allocation personnalisée d’autonomie, ➦ voir infra), elle ne comportait
encore que des prestations non spécifiquement destinées aux personnes
âgées dépendantes, bien qu’au fil du temps, elles en soient le plus souvent
bénéficiaires. Toujours existantes, ces prestations consistent en :
ȃ l’aide ménagère pour le maintien à domicile pour un nombre d’heures
plafonné à 30 par mois pour une personne seule (45 heures pour un
couple), étant précisé qu’une participation financière peut être laissée à
la charge des bénéficiaires. Elle peut être complétée par une aide
au repas ;
205
ȃ l’aide sociale à l’hébergement en établissement lorsque le maintien à
domicile n’est plus possible au vu de l’état de la personne, elle peut prendre
en charge tout ou partie du prix de journée en cas de séjour dans un établis-
sement du secteur sanitaire, social ou médico-social (ex. : établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes habilité par le dépar-
tement ou famille d’accueil agréée par le département).
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L’aide sociale aux personnes handicapées dont l’objet comprend aussi
l’aide à l’activité professionnelle, concerne des personnes de moins de
60 ans, mais de plus de 20 ans5. Elle comprend :

ȃ l’aide ménagère au maintien à domicile est accordée dans les mêmes


conditions que dans l’aide sociale aux personnes âgées ;
ȃ l’aide sociale à l’hébergement en établissement (ex. : foyers de vie,
maisons d’accueil spécialisées).
C’est donc à partir d’institutions, de prestations et de professionnels, régis
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

par des législations distinctes que se sont mises en place les compensations
des situations de handicap et de dépendance.

B - L’universalisation de la compensation
de la perte d’autonomie
❚ La reconnaissance du risque social
de perte d’autonomie
Confrontées à des problèmes similaires, dès lors qu’elles sont envisagées
sous l’angle de la compensation de la perte d’autonomie, l’aide sociale aux
personnes handicapées et l’aide sociale aux personnes âgées ont laissé place
à partir du début des années 2000 à des prestations de nature hybride : l’allo-
cation personnalisée d’autonomie (2001) et la prestation de compensation
du handicap (2005). Bien qu’elles restent organiquement rattachées à l’aide
sociale des départements, elles empruntent à la logique et aux mécanismes
de sécurité sociale, et se singularisent par leur universalité. Plus fondamen-
talement, cette évolution traduit la reconnaissance de la perte d’autonomie
comme un risque social susceptible d’intéresser l’ensemble de la population,
notamment sous l’effet de l’allongement de la durée de vie.
Par ailleurs l’assurance maladie finance au moyen de forfaits soins spéci-
fiques les soins de santé dispensés dans les établissements médico-sociaux

5. Les enfants de moins de 20 ans sont pris en compte par le système des prestations
206 familiales, et leur prise en charge en établissement (ex. : institut médico-éducatif) par
l’assurance maladie.
et dans les services de soins à domicile ce qui n’exclut pas la prise en charge
des frais de santé devant être dispensés en établissement hospitalier ou en
médecine de ville.

❚ L’allocation personnalisée d’autonomie


L’allocation personnalisée d’autonomie (APA)6 a pour objet de reconnaître
à toute personne âgée de 60 ans et plus un droit universel et personnalisé à
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compensation de la perte d’autonomie, applicable selon les mêmes règles
sur l’ensemble du territoire.
Compte tenu de son caractère universel, l’APA n’est assortie d’aucune
condition de ressources même si, au-delà d’un certain seuil, elle laisse une
participation financière croissante à la charge de ses bénéficiaires, graduée
en fonction de leurs revenus. Elle est versée par les départements, avec le
concours (33 % des dépenses) de la Caisse nationale de solidarité et d’auto-
nomie (➦ voir infra), et ne donne lieu à aucune récupération à l’encontre des

8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 
héritiers ou autres donataires ou légataires du bénéficiaire.
L’évaluation de la perte d’autonomie s’effectue à l’aide d’une grille natio-
nale appelée grille AGGIR (Autonomie Gérontologie-Groupe Iso-ressources),
qui classe les demandeurs de l’APA en différents groupes Iso-ressources (GIR)
en fonction de leur capacité à accomplir ou non les activités ou gestes de la
vie courante. Elle répartit les personnes âgées en six niveaux de perte d’auto-
nomie, de GIR 1 à GIR 6 :
– le GIR 1 comprend les personnes confinées au lit ou au fauteuil, ayant
perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, et néces-
sitant une présence continue d’intervenants ;
– le GIR 2 est composé de deux sous-groupes : d’une part, les personnes
confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas tota-
lement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des
activités de la vie courante ; d’autre part, celles dont les fonctions mentales
sont altérées mais qui conservent leurs capacités motrices ;
– le GIR 3 regroupe les personnes ayant conservé leur autonomie men-
tale et partiellement, leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent plu-
sieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle ;
– le GIR 4 comprend les personnes qui ne peuvent pas se lever seules mais
qui, une fois debout, peuvent se déplacer à l’intérieur du logement. Elles
doivent être aidées pour la toilette et l’habillage ;
– le GIR 5 est composé des personnes qui sont capables de s’alimenter,
de s’habiller et de se déplacer seules. Elles peuvent nécessiter une aide

6. Ne pas confondre l’APA avec l’ASPA qui est l’allocation de solidarité aux personnes 207
âgées, c’est-à-dire le minimum vieillesse non contributif.
ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage (non béné-
ficiaires de l’APA) ;
– le GIR 6 regroupe les personnes qui n’ont pas perdu leur autonomie
pour les actes discriminants de la vie quotidienne.
L’évaluation de la perte d’autonomie est confiée aux équipes médico-
sociales des départements.
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À défaut de pouvoir prétendre à l’APA, les personnes des GIR 5 et 6,
peuvent solliciter le bénéfice de l’aide-ménagère, qui est le plus souvent
dans les faits à la charge de l’action sociale des organismes d’assurance vieil-
lesse de la sécurité sociale (CARSAT, MSA) ou, à défaut, de l’aide sociale
départementale aux personnes âgées.
Bien que l’APA soit accessible à partir de 60 ans, la part de ses bénéficiaires
augmente fortement à partir de 75 ans7:, et pour les trois quarts, ce sont des
femmes, dont l’espérance de vie est plus longue.
L’APA à domicile est accordée à hauteur d’un montant déterminé à partir
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

de deux paramètres :
– la fraction utilisée du plan d’aide, lequel est valorisé dans la limite d’un
montant maximum fixé par un barème national, en fonction du classement
des personnes dépendantes en groupe iso-ressources (tableau 9) ;
– la participation du bénéficiaire ou ticket modérateur.

Tableau 9. Montant mensuel maximal


du plan d’aide de l’APA en fonction
du classement GIR (au 1er janvier 2021)

GIR 1 GIR 2 GIR 3 GIR 4


1 747,58 € 1 403,24 € 1 013,89 € 676,30 €

Conformément à la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la


société au vieillissement, le montant du plan d’aide peut désormais être
majoré dans deux hypothèses pour l’octroi d’une aide au répit à l’aidant ou
en cas d’hospitalisation de celui-ci (montant maximal de 509,76 € par an).
Le ticket modérateur laissé à la charge du bénéficiaire en fonction de ses
ressources et également fixé par un barème national : il varie de 0 % à 90 %
en fonction des tranches de revenus.

7. Le taux de bénéficiaires est de 3 % entre 70 et 74 ans, mais passe à 6 % pour les 75 à


208 79 ans, 13 % pour les 80 à 84 ans, 26 % pour les 85 à 89 ans, 45 % pour les 90 à 94 ans et
68 % pour les 95 ans ou plus (source : INSEE, données de 2018).
L’APA en établissement voit son montant déterminé lui aussi par deux
paramètres :
– le tarif dépendance appliqué par la structure d’accueil de la personne
âgée ;
– le ticket modérateur laissé à la charge du bénéficiaire en fonction de ses
ressources et fixé par un barème national qui est déterminé en fonction du
tarif appliqué par l’établissement.
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Par ailleurs, la somme minimale laissée à la personne âgée à titre d’argent
de poche doit s’élever à 96 € par mois.

❚ La prestation de compensation du handicap


Les législations de sécurité sociale afférentes aux accidents du travail et
à l’invalidité, de même que les pensions militaires d’invalidité, prévoient
d’accorder des majorations pour tierce personne aux bénéficiaires de leurs
prestations lorsqu’ils présentent un taux d’incapacité permanente qui les

8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 
met dans l’impossibilité d’effectuer la plupart des actes ordinaires de la vie
courante. Cependant, les conditions restrictives dont sont assorties les attri-
butions de ces majorations en ont rapidement souligné les limites.
C’est pourquoi la loi du 11 février 2005 a institué la prestation de
compensation du handicap (PCH), dont la demande doit être formulée avant
l’âge de 60 ans (CASF, art. L.245-1), étant précisé que l’allocation personna-
lisée d’autonomie prend le plus souvent le relais à compter de cet âge dans le
cadre de la prise en charge sociale de la dépendance des personnes âgées.
Se substituant à l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne
créée en vertu de la loi d’orientation du handicap du 30 juin 1975, la PCH a
un caractère universel et sert à couvrir les dépenses supplémentaires que
génèrent pour la personne bénéficiaire les besoins en services nés précisé-
ment de sa situation de handicap. Il s’agit de dépenses :
– liées à un besoin d’aides humaines, comme celles apportées par les
aidants familiaux ou par un membre de la famille de la personne handicapée,
y compris son conjoint ;
– liées à un besoin d’aides techniques, notamment de frais de petits et gros
appareillages (fauteuil roulant, lit médicalisé…) non pris en charge totale-
ment au titre de la législation d’assurance maladie de la sécurité sociale ;
– liées à l’aménagement du logement et du véhicule de la personne handi-
capée, ainsi qu’à d’éventuels surcoûts résultant de son transport ;
– liées à l’attribution et à l’entretien des aides animalières (chien guide
d’aveugle) ;
– spécifiques ou exceptionnelles.
Il incombe à la commission des droits et de l’autonomie des personnes
handicapées de la maison départementale des personnes handicapées 209
(MDPH) de prendre la décision d’attribution de la PCH après évaluation des
besoins et l’élaboration d’un plan personnalisé par une équipe médico-sociale
rattachée à cette structure.
La PCH est accordée sur la base de tarifs et de montants fixés par nature
de dépenses, dans la limite du taux de prise en charge. Ce taux est modulé
en fonction des ressources du bénéficiaire :
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ȃ 100 % si les ressources de la personne handicapée sont inférieures ou
égales à 26 500,42 € par an (au 1er janvier 2021, soit deux fois le montant
annuel de la majoration pour tierce personne) ;
ȃ 80 % si elles sont supérieures à ce montant.
À l’instar de l’APA, qui en constitue le pendant pour les personnes âgées
dépendantes, la PCH instituée par la loi du 11 février 2005 est également
destinée aux personnes handicapées hébergées ou accompagnées dans un
établissement social ou médico-social ou hospitalisées dans un établisse-
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

ment de santé. Pour l’essentiel, le régime applicable à la prestation de


compensation en établissement est identique à celui applicable à la presta-
tion de compensation à domicile.

❚ L’adjonction de l’allocation journalière


du proche aidant
Créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, l’alloca-
tion journalière du proche aidant (AJPA) est une aide financière versée à un
aidant familial qui réduit ou cesse son activité professionnelle, afin de sou-
tenir un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie (CSS,
art. L.168-8).
L’attribution de l’AJPA n’est pas due lorsque le proche aidant est employé
par la personne aidée, et que celle-ci bénéficie de l’allocation personnalisée
d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap au titre du
maintien à domicile.
Le montant de l’AJPA est modulé selon la situation familiale du deman-
deur et les conditions de prise en charge du congé de proche aidant (CSS,
art. D.168-13). Il est égal à 47,01 € (au 1er avril 2021) pour les personnes en
couple ou à 55,86 € (au 1er avril 2021) pour une personne seule. Cette pres-
tation est versée par les CAF (ou MSA) pour le compte de la Caisse nationale
de solidarité et d’autonomie (CNSA).
S’il s’agit d’une prestation d’un montant relativement modique, l’allo-
cation journalière du proche aidant constitue une autre illustration d’un
rapprochement de la compensation du handicap et de la dépendance, qui
210 mérite d’être évoquée, alors même que les convergences en ce domaine
restent à concrétiser en dépit de l’ambition affichée plus concrètement, et
de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)
par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des per-
sonnes âgées et des personnes handicapées. La création de la branche
Autonomie de la sécurité sociale pourrait accentuer le processus de rap-
prochement déjà engagé.
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2 La cinquième branche, au service
d’une politique de l’autonomie

Créée par la loi du 30 juin 2004, à la suite de la crise de la canicule de l’été


2003, la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA) offre depuis
lors un cadre institutionnel concernant à la fois la prise en charge du handicap
et celle de la dépendance. Désormais, en vertu de la loi organique et de la

8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 
loi ordinaire du 7 août 2020, la CNSA voit son rôle renforcé du fait de l’ins-
titution de la cinquième branche Autonomie. La future loi relative au Grand
âge devrait permettre à celle-ci d’être davantage en soutien de la politique
de soutien à l’autonomie.

A - La transformation de la CNSA
en caisse nationale de sécurité sociale
❚ L’institution de la cinquième branche
Ainsi, étant devenue une caisse nationale du régime général de la sécurité
sociale, la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie à l’instar des autres,
doit assurer de la gestion d’une branche. À ce titre, elle est chargée de :
– veiller à l’équilibre de ses comptes ;
– contribuer au financement de la prévention de la perte d’autonomie,
des établissements et services sociaux et médico-sociaux, des prestations
d’aide à l’autonomie des personnes et des proches aidants, ainsi que de
l’investissement dans ces secteurs (➦ voir chapitre 3).
La CNSA est dotée de recettes propres par l’affectation d’une fraction de
la CSG, à côté de la cotisation de solidarité et d’autonomie, sachant que
l’ACOSS assure la gestion de la trésorerie de la branche dans le cadre du
régime général.
En outre, la CNSA voit son rôle stratégique renforcé au service de la
branche Autonomie et exerce à ce titre les attributions suivantes :
ȃ piloter et assurer l’animation et la coordination des acteurs participant
à la mise en œuvre des politiques de soutien à l’autonomie des personnes
âgées et handicapées ; 211
DÉPENSES BRANCHE AUTONOMIE RECETTES BRANCHE AUTONOMIE

Fonds Dotation de l'Assurance


investissement Ségur de la Santé maladie à l'euro près
ESMS
(établissements et services
médico-sociaux)
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Fraction (7,7 %) des recettes
APA de CSG, de CSA et de CASA
Fonds prestations
individuelles Fraction (2 %) des recettes
PCH de CSG, de CSA et de CASA

Fonds financement ESMS


(établissements et services
médico-sociaux)
Dépenses relatives Dépenses relatives
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

aux ESMS aux ESMS


pour personnes pour personnes Solde des recettes de la branche :
handicapées âgées CSG, CSA et CASA

Fonds intervention

Fonds gestion administrative

Source : Dossier de presse du Conseil du 1er décembre 2020 de la CNSA.


Figure 8. Tableau des dépenses et des recettes
de la branche Autonomie

ȃ contribuer à l’information des personnes âgées et handicapées et de


leurs proches aidants ;
ȃ contribuer à la recherche et à l’innovation dans les secteurs d’activité
dont elle a à connaître ;
ȃ contribuer à la réflexion prospective sur les politiques de l’autonomie
et de proposer toute mesure visant à améliorer la couverture du risque
ainsi qu’à l’attractivité des métiers du secteur.

❚ La place de la CNSA dans la gouvernance de la politique


de soutien à l’autonomie
En dépit du renforcement de son rôle par la loi ordinaire du 7 août 2020,
la CNSA se distingue assez fondamentalement des autres caisses nationales
212 de sécurité sociale. Elle n’est pas à la tête d’un réseau d’organismes locaux
ou régionaux et le scénario de la mise en place de caisses décentralisées de
l’autonomie est hautement improbable. Il est seulement prévu dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2021 que la CNSA puisse confier par
voie de conventions certaines missions aux organismes de sécurité sociale
existants.
Par ailleurs, le modèle organisationnel qui se dessine est celui consistant à
faire reposer la mise en œuvre territoriale de la prise en charge de la perte d’auto-
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nomie sur les départements et les agences régionales de santé, avec lesquelles
la CNSA devra passer des conventions, en cohérence avec la convention d’objec-
tifs et de gestion (COG) qu’elle doit conclure avec l’État.

B - L’articulation de la cinquième branche


à une loi « Grand âge et autonomie »
❚ La nécessité d’améliorer la prise en charge de la perte

8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 
d’autonomie
Alors même qu’une politique de soutien à l’autonomie s’impose, comme
l’a souligné avec acuité la crise de la Covid-19, l’institution d’une cinquième
branche de la Sécurité sociale expose au travers de tomber dans une vision
comptable de la question à traiter. Or, eu égard à la nature des besoins et
attentes des populations concernées, une orientation du soutien à l’autono-
mie trop centrée sur le service des prestations monétaires serait insuffisante
pour créer les conditions d’une prise en charge des personnes handicapées
ou dépendantes, qui soit à la fois adaptée et efficace.
Aussi l’objectif de la cinquième branche doit-il être de permettre la mise
en place d’une organisation destinée à répondre à la diversité des parcours
de vie et de santé des intéressés. Or, toute la difficulté d’une telle démarche
à l’intérieur d’un cadre juridique donné, est de conserver suffisamment de
souplesse d’action face à la diversité des besoins et des aspirations des
personnes en perte d’autonomie.
Selon les recommandations du rapport Libault, Concertation sur le Grand
âge et l’autonomie (2019), il existe une pluralité de leviers possibles
(« 175 propositions ») sachant que la création d’une nouvelle branche de la
sécurité sociale en constitue le socle. Il préconise notamment d’améliorer les
prestations financières et de réduire le reste à charge notamment pour les
personnes hébergées en établissement (1 800 € en moyenne de reste à
charge par mois) et d’assurer une continuité de prise en charge en dépit du
cloisonnement de l’organisation sociale, sanitaire et médico-social.
Par ailleurs, d’autres aspects fondamentaux d’une politique de soutien à
l’autonomie y sont également envisagés : la lutte contre l’isolement social
213
ainsi que la prévention de la perte d’autonomie.
Sans même attendre, la future loi « Générations solidaires », quelques
mesures dans ce sens ont déjà été mises en place à la faveur de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2021 : revalorisation des rémunéra-
tions de certaines professions au contact des personnes âgées dépendantes,
plan d’investissement dans le secteur médico-social, etc.

❚   Les orientations d’une prochaine loi « Générations 
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solidaires »
La future loi « Générations solidaires » (qui pourrait remplacer la loi
« Grand âge et autonomie »), régulièrement annoncée mais toujours atten-
due, permettra de préciser les réformes qui seront mises en œuvre au cours
des prochaines années et leurs modalités de financement, sur la base des
défis à relever. Au prisme des rapports récents sur le sujet (Libault, El
Khomri, Guedj, etc.) plusieurs orientations sont susceptibles d’être rete-
nues : donner la priorité à la prévention de la perte d’autonomie à domicile
comme en établissement ; faciliter le parcours santé des personnes âgées ;
8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche 

faciliter le maintien à domicile et le soutien aux aidants ; améliorer la qualité


des soins et de l’accompagnement en établissement ; renforcer la confiance
des personnes âgées et leur famille ; soutenir les professionnels et amélio-
rer leur qualité de vie au travail.

Conclusion

Loin d’être un « halo magique » face au défi du soutien à l’autonomie, la


création de la cinquième branche de la sécurité sociale ne suffit pas à clore
le débat en la matière. Elle laisse même en suspens une question-clé, celle
de la participation financière que les personnes handicapées ou dépendantes
doivent supporter, ou encore, la répartition de la charge des prestations entre
les départements et la sécurité sociale via la CNSA. Les reports répétés du
projet de loi « Grand âge et autonomie », pourtant appelé à fournir un
contenu plus substantiel à cette nouvelle branche, laissent planer encore
bien des incertitudes… Il est vrai que l’histoire de la prise en charge de la
dépendance depuis le rapport « Vieillir solidaire » (1962) révèle un problème
récurrent de financement. Ainsi l’ambition initiale de la loi sur l’adaptation
de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 avait dû être revue lar-
gement à la baisse. Ce constat amène d’ailleurs à s’interroger sur les limites
de la solidarité publique face au risque de perte d’autonomie et invite à envi-
sager quelles pourraient être ses articulations avec les solidarités familiales
et la prévoyance individuelle.
214
Chapitre 9
Organisation juridictionnelle
et contentieuse

L’application des législations de sécurité sociale donne lieu à un conten-


tieux de masse1. Bien que de nombreux litiges soient d’un montant relati-
vement faible, la plupart d’entre eux représentent un enjeu financier non
négligeable pour les ressortissants des régimes de base ayant des revenus
modestes. Or, si elle vise à faciliter l’accès au juge afin de garantir l’accès
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aux droits sociaux, l’organisation juridictionnelle et contentieuse de la
sécurité sociale doit également faire face à une grande diversité de litiges.
Une partie d’entre eux soulève d’ailleurs moins des questions juridiques à
proprement parler que d’ordre médico-légal. C’est pourquoi, au vu de cette
dualité, la loi sur le contentieux de la sécurité sociale du 24 octobre 1946
avait distingué entre le contentieux général et le contentieux technique.
Cependant, la loi de modernisation de la justice du xxi e siècle du
18 novembre 2016 a remis en cause cette partition au profit d’une unifica-
tion du contentieux de la sécurité sociale, à la fois sous l’angle de l’organi-
sation juridictionnelle et des règles procédurales.

1 L’unification des structures


juridictionnelles

La loi de modernisation de la justice du xxie siècle du 18 novembre 2016


a refondu l’organisation juridictionnelle antérieure de la sécurité sociale de
façon à la simplifier et à la rendre plus efficace.
Il est vrai qu’elle suscitait de nombreuses critiques portant sur la plupart
de ses aspects : un morcellement des juridictions à l’origine d’une répartition
des compétences complexe et manquant de lisibilité (les recours pouvant
relever, selon les litiges, de diverses juridictions), des difficultés de fonction-
nement persistantes avec pour conséquence un allongement des délais de

1. Deux cent mille nouvelles affaires sont portées chaque année devant les juridictions
du contentieux de la sécurité sociale (source : Ministère de la justice, décembre 2018). Il
existe une grande variété de litiges dont toute une partie concerne de faibles montants
financiers, à l’instar de la contestation par un assuré social d’un refus de prise en charge
par la CPAM de frais de transports sanitaires de moins d’une centaine d’euros. Même s’ils
sont moins fréquents, d’autres litiges portent en revanche sur des masses financières
autrement plus conséquentes, comme la contestation par un employeur d’un redresse-
ment de cotisations de plusieurs millions d’euros à la suite d’un contrôle d’assiette de
l’Urssaf, ou encore, la contestation par une victime d’un accident du refus de la CPAM de
reconnaître l’origine professionnelle du dommage qu’il subit en raison de son incapacité 215
permanente de travail.
traitement (22 mois en moyenne avec des disparités importantes d’un tri-
bunal à l’autre), etc. Une telle situation ne pouvait dès lors que constituer
un frein à l’effectivité des droits des justiciables, en particulier des plus vul-
nérables d’entre eux.
Entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2019, la loi de modernisation de
la justice du 18 novembre 2016 confère au pôle social du tribunal judi-
ciaire une compétence générale en matière de contentieux de la sécurité
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sociale, hormis pour celui de la tarification des accidents du travail et mala-
dies professionnelles, lequel reste encore de la compétence d’une juridic-
tion spécialisée. Le caractère judiciaire du contentieux de la sécurité sociale
est désormais explicite (CSS, art. L.142-8) alors qu’antérieurement, il résul-
tait simplement du rattachement des juridictions concernées à l’ordre
judiciaire2.
Par ailleurs, s’il intéresse le fonctionnement de l’assurance maladie, le
contentieux du contrôle technique continue de relever des juridictions du
contentieux administratif et non pas du contentieux judiciaire comme c’est
ordinairement le cas en matière de sécurité sociale.
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

A - Le regroupement du contentieux judiciaire


La réforme du contentieux de la sécurité sociale instituée par la loi de
modernisation de la justice du xxie siècle regroupe en un ensemble unifié
les deux catégories de contentieux qui étaient précédemment répertoriées
sous les anciennes appellations de contentieux général et de contentieux
technique. Sont ainsi pris en compte dans le même contentieux judiciaire
des litiges individuels de natures différentes portant sur l’application des
législations et réglementations de sécurité sociale (CSS, art. L.142-1).

❚ Les litiges à caractère général (non médical)


Ils relevaient antérieurement du contentieux général et se rapportent aux
domaines suivants :
ȃ l’assujettissement à un régime de sécurité sociale ;
ȃ l’assiette et le recouvrement des cotisations et autres contributions
sociales (ex. : CSG) ;
ȃ l’attribution et le calcul des prestations ;
ȃ l’existence du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie ;
ȃ la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

216 2. Il existe deux ordres juridictionnels : l’ordre judiciaire, avec à son sommet la Cour de
cassation, et l’ordre administratif, avec à son sommet le Conseil d’État.
En outre, l’ordonnance du 18 septembre 2019 prise en application de la
loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la
justice a transféré, à effet au 1er janvier 2020, des tribunaux administratifs
aux tribunaux judiciaires le contentieux des sanctions conventionnelles
prises par les organismes d’assurance maladie sur le fondement des conven-
tions conclues entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie
(UNCAM) et les organisations représentatives des professions libérales de
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santé.

❚ Les litiges à caractère médico-légal ou tarifaire


Ils relevaient antérieurement du contentieux technique et se rapportent
à deux types de contentieux de nature différente (CSS, art. L.143-1). Ceux-ci
sont respectivement relatifs à :
ȃ l’invalidité, l’incapacité permanente et l’inaptitude au travail. Ils
concernent plus précisément :
• l’état ou le degré d’invalidité en cas d’accident du travail ou de mala-
die non professionnelle,

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
• l’état d’incapacité permanente de travail et le taux de cette incapa-
cité en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle,
• les décisions relatives au handicap prises par la commission des
droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ;
ȃ la tarification de l’assurance accident du travail. Ils concernent plus
précisément :
• la fixation des taux de cotisations,
• l’octroi de ristournes,
• l’imposition des cotisations supplémentaires.

B - L’organisation des juridictions :


le pôle social du tribunal judiciaire
La loi de modernisation de la justice du xxie siècle du 18 novembre 2016
a transféré au pôle social de 116 tribunaux judiciaires (anciennement tribu-
naux de grande instance), spécialement désignés à cet effet, les attributions
antérieurement dévolues aux 115 tribunaux des affaires de sécurité sociale
et aux 26 tribunaux du contentieux de l’incapacité, deux catégories de juri-
dictions de première instance supprimées depuis le 1er janvier 2019. D’une
ampleur significative, la réforme ainsi posée laisse néanmoins subsister
jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard une juridiction originale, la Cour
nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du
travail, dont les compétences doivent être éclatées entre les cours d’appel 217
désignées à cet effet pour le contentieux de l’incapacité et la cour d’appel
d’Amiens pour celui de la tarification des cotisations d’accident du travail et
de maladie professionnelle.

❚ L’organisation structurelle antérieure


Singulièrement complexe au sein de l’organisation des juridictions de
l’ordre judiciaire, elle comprenait trois juridictions spécialisées, en
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première instance, et une juridiction spécialisée, en deuxième instance
(appel) :

ȃ le tribunal des affaires de sécurité sociale, pour le contentieux


général ;
ȃ le tribunal du contentieux de l’incapacité, pour le contentieux
technique ;
ȃ la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance
des accidents du travail (CNITAAT), laquelle avait pour originalité
d’être à la fois :
• juridiction de première instance, compétente en premier et der-
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

nier ressort pour le volet du contentieux technique afférent à la


tarification de l’assurance accident du travail,
• juridiction de deuxième instance, c’est-à-dire d’appel, pour le volet
du contentieux technique afférent à l’invalidité, l’incapacité et
l’inaptitude au travail.

❚   La compétence territoriale du pôle social 
du tribunal judiciaire
Seuls sont compétents pour traiter du contentieux de la sécurité sociale,
les tribunaux judiciaires spécialement désignés à cet effet, et donc munis
d’un pôle social.
Parmi ces juridictions, le tribunal judiciaire compétent est en principe
celui dans le ressort duquel se trouve le domicile du bénéficiaire, de l’em-
ployeur, du travailleur indépendant ou du professionnel de santé. Il est fait
toutefois application de règles spécifiques pour la détermination de la juri-
diction compétente. Ainsi c’est celle dans le ressort de laquelle se trouve :

ȃ le lieu de l’accident ou la résidence de la victime, au choix de celle-ci,


en cas d’accident du travail non mortel ;
ȃ le dernier domicile de la victime en cas d’accident du travail mortel ;
ȃ l’établissement de l’employeur en cas de différend portant sur des ques-
218 tions relatives à l’affiliation et aux cotisations des travailleurs salariés ;
ȃ l’organisme de sécurité sociale qui a pris la décision d’admission à la
complémentaire santé solidaire (C2S).

❚   La composition du pôle social du tribunal judiciaire
Elle est calquée sur celle des anciens tribunaux spécialisés (tribunal des
affaires de sécurité sociale, tribunal du contentieux de l’incapacité) et
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reprend également le principe de l’échevinage : la formation de jugement
comprend le président du tribunal judiciaire ou un magistrat désigné par lui,
et deux assesseurs, magistrats non professionnels nommés par le Premier
président de la cour d’appel pour une durée de trois ans qui représentent,
l’un, les travailleurs salariés, l’autre, les employeurs et travailleurs,
indépendants.

L’échevinage est un système d’organisation judiciaire dans lequel les


affaires sont entendues et jugées par des juridictions composées à la fois
de magistrats professionnels et de personnes n’appartenant pas à la
magistrature professionnelle.

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
❚ Le maintien provisoire de la CNITAAT
En application de la loi du 18 novembre 2016, la CNITAAT est supprimée
et ses compétences doivent être éclatées entre les cours d’appel désignées
à cet effet pour le contentieux de l’incapacité et la cour d’appel d’Amiens
pour celui de la tarification des cotisations d’accident du travail. Toutefois,
l’ordonnance du 16 mai 2018 relative à la réforme du contentieux de la
sécurité sociale maintient à titre transitoire l’existence de la CNITAAT
jusqu’au 31 décembre 20223.
Pour le contentieux de la tarification des cotisations, la Cour d’appel
d’Amiens a également une composition répondant au principe de l’éche-
vinage comme la CNITAAT, puisqu’elle comprend un président, magistrat
professionnel, et des assesseurs représentant les salariés et les
employeurs. Pour les autres contentieux, elle statue, à l’instar des autres
cours d’appel, en formation ordinaire avec seulement des magistrats
professionnels.

3. La CNITAAT demeure compétente jusqu’à cette date pour mettre en état et juger
les affaires dont elle a été saisie jusqu’au 1er janvier 2019 (Ord. n° 2018-358, 16 mai 219
2018, art. 7).
C - Le contentieux du contrôle technique :
un contentieux administratif
Il s’agit d’un contentieux administratif, qu’il convient de dissocier du conten-
tieux judiciaire. Il permet d’engager des poursuites vis-à-vis des membres des
professions médicales et des auxiliaires médicaux pour des fautes, abus et
fraudes et tout fait intéressant l’exercice de leur profession (ex. : actes fictifs,
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actes inutiles au regard de l’état de santé du patient, etc.), à partir du moment
où ces comportements sont préjudiciables aux régimes d’assurance maladie.
L’organisation juridictionnelle s’appuie, en première et en deuxième ins-
tance, sur des juridictions de l’ordre administratif dites d’exception. Elles se
distinguent en effet des juridictions de droit commun, en l’occurrence les

Juridictions judiciaires Juridictions administratives


Cassation

Cour de cassation Conseil d’État

Cassation
Cassation
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

Deuxième instance

Cour d’appel pourvoi direct Section des assurances


si jugement sociales du Conseil
en premier et national de l’ordre
dernier ressort
Appel Appel

Pôle social Cour de la tarification Section des assurances


Première instance

Tribunal de grande instance de l’assurance AT(3) sociales du Conseil régional


de l’ordre

CRA(1) CMRA(2)
Phase précontentieuse

CONTENTIEUX Contx incapacité Contx tarification AT CONTENTIEUX


GÉNÉRAL CONTENTIEUX TECHNIQUE DU CONTRÔLE TECHNIQUE

(1) CRA : commission de recours amiable


(2) CMRA : commission médicale de recours amiable
(3) Jusqu’au 31/12/2022 date à laquelle CNITAAT sera remplacée par la cour d’appel d’Amiens
Source : l’auteur.

220 Figure 9. L’organisation juridictionnelle


du contentieux de la sécurité sociale
tribunaux administratifs régionaux et les cours administratives d’appel, parce
qu’elles ont reçu une compétence d’attribution en la matière. Ce sont :
ȃ en première instance, la section des assurances sociales du conseil
régional de l’Ordre des médecins (ou d’une autre profession). Présidée
par le président du tribunal administratif régional, cette juridiction est
composée en outre de quatre assesseurs nommés par le Préfet de région :
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• deux médecins représentent l’Ordre,
• deux représentants des régimes d’assurance maladie ;
ȃ en appel, l’affaire est confiée à la section des assurances sociales du
Conseil national de l’Ordre (pour chaque ordre concerné). Elle est pré-
sidée par un conseiller d’État et comprend des représentants de la pro-
fession concernée et des régimes d’assurance maladie.
Le non-respect de ses obligations légales expose le praticien ou l’auxiliaire
médical à différentes sanctions allant de l’avertissement au blâme avec ou
sans publication. II peut également entraîner l’interdiction temporaire ou
permanente de donner des soins aux assurés sociaux.

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
2 L’unification des procédures
contentieuses

S’inscrivant dans le prolongement du rapprochement entre le contentieux


général et le contentieux technique déjà constaté au cours d’une période
antérieure, la loi de modernisation de la justice du xxie siècle du 18 novembre
2016 a unifié le contentieux judiciaire en retenant un même type de procé-
dure pour l’ensemble des litiges. Par ailleurs, elle continue de se caractériser
par un ensemble de principes destinés à garantir l’accessibilité du juge.

A - Les principes de gratuité et de célérité


Compte tenu du caractère alimentaire du droit de la sécurité sociale, et
de la nécessité d’assurer la sécurité économique des assurés sociaux et des
allocataires, les procédures contentieuses sont non seulement gratuites mais
elles visent aussi à trancher les litiges dans un délai suffisamment rapide.

❚ La gratuité incomplète de la procédure


Le principe de gratuité en matière de contentieux de la sécurité sociale
repose sur l’absence de frais de justice et le caractère non obligatoire du
recours à un avocat devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel. 221
Il supporte néanmoins des restrictions qui en atténuent la portée :

ȃ le requérant doit s’attacher les services d’un avocat à la Cour de cassa-


tion et au Conseil d’État en cas de pourvoi devant la Haute juridiction.
Les honoraires de celui-ci sont à la charge du demandeur ou du défenseur
à moins qu’il ne soit bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ;
ȃ il peut se voir infliger une amende par le tribunal en cas de recours jugé
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dilatoire et abusif ;
ȃ et surtout, depuis la réforme du contentieux de la sécurité sociale
posée par la loi du 18 novembre 2016, s’il est débouté, le requérant peut
être condamné aux dépens selon les règles de droit de la procédure
civile (C. proc. civ., art. 695), c’est-à-dire aux frais de justice lesquels
demeurent néanmoins limités dans ce type de contentieux.

❚ La célérité des procédures


Le principe de célérité implique le respect des délais de procédure (ex. :
deux mois pour la saisine du tribunal judiciaire à compter de la décision
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

de la commission de recours amiable) sous peine de forclusion et s’im-


pose aux juridictions compétentes.
Les juridictions du contentieux (tribunal judiciaire ou cour d’appel) doivent
soulever d’office les forclusions prévues dans le code de la sécurité sociale.
La forclusion n’est cependant opposable que si la notification de la déci-
sion porte mention de ce délai et des voies de recours. En cas de saisine du
pôle social du tribunal judiciaire, elle ne saurait être appliquée si le recours a
été introduit dans le délai imparti auprès d’une autorité administrative, d’un
organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.
Afin d’éviter un engorgement des juridictions, que pourrait favoriser le
principe de gratuité, la saisine du juge doit être précédée d’une phase
précontentieuse que la loi de modernisation de la justice du xxie siècle du
18 novembre 2016 a renforcée, en créant une commission médicale de
recours amiable à côté de la commission de recours amiable préexistante.

B - Le filtrage des commissions de recours


amiables
Avant la saisine du pôle social du tribunal judiciaire, les contestations sont
obligatoirement soumises, à la commission de recours amiable (CRA) et
celles spécifiques aux décisions de taux d’incapacité, à la commission médi-
cale de recours amiable (CMRA) créée par la loi du 18 novembre 2016 (CSS,
222 art. L.142-4).
Il ne s’agit pas de juridictions du contentieux de la sécurité sociale, mais
d’instances internes aux organismes gestionnaires, étant précisé que leur
rôle consiste à prévenir la phase contentieuse par la recherche d’une solution
amiable aux litiges individuels.

❚ La commission de recours amiable


La CRA doit être saisie en général dans un délai de deux mois à compter
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de la notification par les services de la caisse de la décision contestée à condi-
tion que celle-ci mentionne les voies et délais de recours.
D’application générale, cette obligation s’impose à l’usager requérant : le
recours contentieux formé directement devant le tribunal judiciaire est irre-
cevable. Elle admet toutefois un certain nombre d’exceptions. Il en est
notamment ainsi pour :
– les oppositions à contrainte, en cas de contestation d’une somme due ;
– les actions en responsabilité contre les organismes de sécurité sociale ;
– les litiges sur les pénalités financières prononcées par le directeur d’un
organisme prestataire (CPAM, CAF, CARSAT, etc.) en vertu de l’article

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
L.114-17-1 du code de la sécurité sociale pour sanctionner les fraudes
d’assurés sociaux, d’employeurs ou de professionnels de santé ;
– les litiges portant sur les réclamations d’indus constatés par les caisses
d’assurance maladie sur les professionnels ou établissements de santé, en
application de l’article L.133-4 du code de la sécurité sociale, en cas d’inob-
servation des règles de tarification ou de facturation de leurs actes et pres-
tations de service.
Émanation du conseil d’administration (ou conseil pour les caisses
d’assurance maladie), et agissant par délégation de celui-ci, cette commis-
sion est élue en son sein et est composée de :
ȃ deux administrateurs (ou conseillers) appartenant à la même catégo-
rie que le requérant ;
ȃ deux administrateurs (ou conseillers) choisis parmi les autres catégo-
ries d’administrateurs ;
ȃ un cinquième membre désigné parmi les autres catégories d’adminis-
trateurs (ou conseillers) dans les CAF ou les CPAM.
La CRA doit normalement prendre sa décision dans un délai d’un mois
suivant la date de réception de la réclamation. Passé ce temps, son silence
vaut décision implicite de rejet. La décision de la CRA doit être motivée et
indiquer les voies de recours.
Les décisions de la CRA peuvent être suspendues ou annulées par l’Admi-
nistration, en l’occurrence une antenne interrégionale de la mission nationale 223
de contrôle et d’audit, en vertu de la tutelle de l’État sur le contentieux
des organismes de sécurité sociale. Si elles lui paraissent contraires à la loi,
elle peut dans un délai de huit jours, soit en prononcer l’annulation, soit en
suspendre l’exécution jusqu’à la décision du ministre des affaires sociales
saisi aux fins d’annulation. Elle peut aussi en suspendre l’application si la
décision en cause semble de nature à compromettre l’équilibre financier de
la sécurité sociale (➦ voir chapitre 2). En cas d’annulation de sa décision, la
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CRA doit en prendre une nouvelle conforme à la décision d’annulation afin
de permettre, le cas échéant, au requérant de porter sa contestation devant
le pôle social du tribunal judiciaire.
Au caractère d’ordre public de l’examen du litige devant la CRA n’est donc
pas attachée une quelconque « autorité de la chose jugée ». II est plus adé-
quat de parler ici « d’autorité de la chose décidée » contre laquelle un
recours contentieux est toujours possible.

❚ La commission médicale de recours amiable


Jusqu’à la loi de modernisation de la justice du xxie siècle du 18 novembre
2016, les contestations relatives au taux d’incapacité permanente de tra-
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

vail (pour le calcul d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’accident du


travail) étaient engagées directement devant les tribunaux du contentieux
de l’incapacité, la phase gracieuse n’étant que facultative. Ce n’est plus désor-
mais le cas puisque la réforme adoptée en 2016 et entrée en vigueur au
1er janvier 2019, a supprimé le contentieux du contrôle technique. Pour
autant, afin de mieux tenir compte du caractère médico-légal de certains
litiges elle comporte une innovation majeure avec la création d’une commis-
sion médicale de recours amiable (CMRA) qui est précisément en charge
d’examiner ce type de contestation.
La procédure à laquelle se réfère la CMRA a été étendue à l’ensemble des
contestations d’ordre médical, étant précisé qu’elle va voir encore son champ
d’application s’élargir avec la suppression au 1er janvier 2022 de l’expertise
médicale (➦ voir infra).
Cette commission est instituée en cohérence avec la structuration du ser-
vice national du contrôle médical : elle couvre un ressort géographique cor-
respondant à celui de l’échelon régional du contrôle médical du régime
d’assurance maladie de l’intéressé.
Elle est composée d’un médecin-expert figurant sur la liste des experts
spécialisés en sécurité sociale ou en matière de dommage corporel, et d’un
praticien-conseil. Ils sont l’un et l’autre nommés par le médecin-conseil régio-
nal de l’assurance maladie lequel constitue pourtant l’autorité hiérarchique
du médecin-conseil dont la décision initiale est contestée. Le médecin-expert
224 a une voix prépondérante.
Elle doit être saisie par tout moyen conférant date certaine dans un délai
de deux mois suivant la notification de la décision contestée. La saisine est
ouverte non seulement à l’assuré ou à la victime mais aussi à l’employeur.
La commission établit ensuite un rapport comportant son analyse du dos-
sier et rend une décision comportant des conclusions motivées, laquelle
s’impose à l’organisme de sécurité sociale.
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L’absence de réponse dans le délai de quatre mois suivant la saisine de la
commission emporte décision de rejet implicite. Il devient alors possible
d’entrer dans la phase contentieuse avec la saisine du pôle social du tribunal
judiciaire.

C - Le déroulement de la phase contentieuse


Même si elle conserve encore des spécificités conséquentes, en lien avec
la préoccupation de faciliter l’accès au juge, la procédure applicable en
matière de contentieux de la sécurité sociale, reprend un certain nombre de
règles du droit commun. Elle répond, en particulier, aux deux grands prin-
cipes du code de procédure civile :

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
– le principe du contradictoire ;
– le principe de l’oralité des débats.
Par ailleurs, en vertu de son pouvoir de tutelle sur le contentieux, la
Mission nationale de contrôle et d’audit (➦ voir chapitre 2) a la possibilité
d’intervenir à toutes les étapes de la procédure contentieuse devant les
juridictions de la sécurité sociale.

❚ La procédure en première instance


La juridiction compétente est saisie par simple requête remise au greffe,
ou au service unique d’accueil du justiciable, dans un délai de deux mois
à compter de la notification de la décision de la CRA ou de la CMRA ou
de l’expiration du délai de quatre mois accordé à cette instance pour se
prononcer.
Sous peine d’irrecevabilité la requête doit exposer sommairement les
motifs de la demande, et être accompagnée des pièces que le demandeur
souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions, ainsi que de la décision liti-
gieuse ou en cas de rejet implicite, la lettre de saisine de la commission et la
décision initiale de l’organisme de sécurité sociale.
Le principe de l’oralité de la procédure est confirmé par un décret du
29 novembre 2018 tout en laissant la possibilité d’une procédure écrite.
Le président du tribunal judiciaire dirige, avec le concours du greffe de
la juridiction, l’instruction du recours contentieux. Il dispose à cet effet des 225
pouvoirs du juge de la mise en état4 prévue par les articles 780 à 801 du code
procédure civile. Il peut rejeter par ordonnance les requêtes manifestement
irrecevables.
Le principe du contradictoire s’impose au président de la juridiction, à
charge pour lui de conduire les débats et de veiller à l’égalité des parties.
Les requérants peuvent comparaître personnellement, se faire assister
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ou se faire représenter par :

ȃ un avocat ;
ȃ un salarié, un employeur ou un travailleur indépendant exerçant la
même profession, ou encore, un représentant qualifié des organisations
syndicales de salariés ou d’employeurs ;
ȃ un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus
représentatives ;
ȃ le conjoint ou concubin, un ascendant ou descendant en ligne directe.
L’Administration de tutelle peut aussi faire valoir ses conclusions écrites
ou orales en se faisant représenter.
9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

La juridiction ne statue qu’après s’être efforcée, sans résultats, de concilier


les parties. Il peut solliciter toutes mesures d’information ou d’expertise qu’il
estime nécessaires. Si le différend fait apparaître une difficulté d’ordre médi-
cal, il ne peut prendre sa décision qu’après avoir ordonné une expertise dans
le cadre des mesures d’instruction.
Le juge du contentieux de la sécurité sociale peut être saisi d’une demande
urgente et peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à
aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend dans
la limite de sa compétence.

❚ Les voies de recours


Chacune des parties aux litiges, ainsi que l’Administration de tutelle, peut,
dans les délais impartis à elles, interjeter appel ou former un pouvoir en
cassation.

L’opposition
Avant le 1er décembre 2019, les décisions du contentieux de la sécurité
sociale n’étaient pas susceptibles d’opposition. Désormais, cette voie de

226 4. Le juge de la mise en état veille à ce que le dossier soit complet et que les parties se
communiquent leurs arguments et leurs preuves.
recours est ouverte en cas de jugement rendu par défaut5, dans le délai d’un
mois à compter de la notification de celui-ci.

L’appel
En règle générale, les décisions du tribunal judiciaire sont susceptibles
d’appel devant la chambre sociale d’une cour d’appel ayant reçu compé-
tence en la matière. Cependant le tribunal judiciaire statue en premier et
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dernier ressort pour les litiges dont la valeur n’excède pas le seuil de 4 000 €
ainsi que sur ceux relatifs aux majorations de retard des cotisations, quel que
soit leur montant.
Par exception, l’appel est toujours possible en ce qui concerne :

ȃ la contribution sociale généralisée ;


ȃ les différends dont la valeur reste indéterminée.
L’appel doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la notification
de la décision de première instance. Il est introduit par une déclaration que
l’intéressé ou son mandataire adresse sous pli recommandé au secrétariat

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
de la juridiction qui a rendu le jugement. L’Administration de tutelle peut
interjeter appel de sa propre initiative.

Le pourvoi en cassation
Les décisions rendues en dernier ressort par le pôle social du tribunal judi-
ciaire ou les cours d’appel peuvent faire l’objet d’un pourvoi devant la
2e chambre civile de la Cour de cassation. Il doit intervenir dans un délai de
deux mois à compter de la notification de l’arrêt de la Cour d’appel ou, le cas
échéant, du jugement du tribunal judiciaire s’il a statué en premier et dernier
ressort.
Excepté pour l’Administration de tutelle, il est obligatoirement formé par
l’intermédiaire d’un avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’État.
La Cour peut soit rejeter le pourvoi (la solution devient définitive), soit
casser l’arrêt ou le jugement avec renvoi et désigner une autre juridiction de
même degré que celle qui a rendu la décision cassée, soit enfin casser sans
renvoi l’arrêt ou le jugement.
Cette juridiction dite de « premier renvoi » (pour la distinguer de la juri-
diction de « deuxième renvoi » en cas de second pourvoi) peut soit adopter
la position juridique de la Cour de cassation (la solution devient définitive),
soit reprendre la même décision que celle initialement cassée. Dans

5. Jugement rendu à la suite d’un procès, durant lequel le défendeur n’a pas comparu 227
ou n’a pas été représenté, et n’a pas eu connaissance de la date d’audience.
ce dernier cas, un nouveau pourvoi peut être formé, et si la décision de la
juridiction de « premier renvoi » est attaquée par les mêmes moyens,
l’assemblée plénière de la Cour de cassation est appelée à statuer. Lorsque
cette formation ordonne le renvoi, la juridiction de « deuxième renvoi »
doit se conformer à la position de la Cour sur les points de droit concernés.

❚ Le particularisme du contentieux de la tarification


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des accidents du travail
La saisine de la cour d’appel d’Amiens peut être précédée d’un recours
gracieux devant la caisse de retraite et de santé au travail (CARSAT) dont
émanent les décisions attributives de taux. Mais ce recours est dénué de
caractère obligatoire et cette phase précontentieuse est laissée à l’initiative
de l’employeur.
Autre particularisme, le recours devant la Cour d’appel d’Amiens doit être
formé par voie d’assignation à une audience indiquée par le Premier président.

D - Une procédure arbitrale :


9. Organisation juridictionnelle et contentieuse

l’expertise médicale
Supprimée à effet du 1er janvier 2022 en vertu de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2020, l’expertise médicale (à distinguer d’une exper-
tise ordonnée par le juge) concerne les contestations d’ordre médical rela-
tives à l’état de santé de l’assuré social (CSS, art. L.141-1). Depuis cette date,
les litiges correspondants sont à soumettre aux commissions médicales de
recours amiables, leurs compétences étant élargies (➦ voir supra).
À titre d’exemples, on peut citer, comme relevant de l’expertise médicale,
les différends portant sur :

ȃ la détermination de la date de consolidation d’une blessure occasion-


née par un accident de travail ;
ȃ l’aptitude ou l’inaptitude physique d’un assuré atteint d’une affection
de longue durée à reprendre le travail.
Elle s’appuie sur un expert désigné par le médecin-conseil du service du
contrôle médical de l’assurance maladie, avec une information au médecin
traitant de l’assuré social, qui peut s’opposer à ce choix dans un délai de
huit jours. L’expert dispose d’un délai de huit jours pour effectuer un examen
médical en cabinet ou bien préférer une expertise médicale sur pièces.
L’expertise peut être mise en œuvre soit à la requête de l’assuré, soit à
l’initiative de la caisse, soit encore par la juridiction du contentieux général
(tribunal judiciaire ou cour d’appel). L’avis de l’expert s’impose aux deux
228
parties, sans laisser place à une possibilité de recours contentieux.
Conclusion

L’organisation juridictionnelle et contentieuse de la sécurité sociale se


trouve profondément réformée sous l’effet de la loi de modernisation de la
justice du 18 novembre 2016, applicable depuis le 1er janvier 2019. Il s’agit
ainsi de promouvoir l’efficacité et la qualité de la résolution des litiges aux-
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quels donnent lieu les législations et réglementations de sécurité sociale. Or,
en la matière, selon Pierre Laroque, « le contentieux social ne s’accommode
pas des cadres juridictionnels habituels », « il appelle des cadres nouveaux
tenant compte de ses caractères propres » et cette situation « [devrait]
conduire à la constitution d’une juridiction sociale autonome, d’un troisième
cadre de juridiction à côté de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif ».
Or, si elle n’a pas débouché sur un ordre juridictionnel social, la réforme du
contentieux de la sécurité sociale posée par la loi de modernisation de la
justice du xxie siècle y rattache néanmoins celui de l’aide sociale, qui faisait
antérieurement l’objet d’une organisation à part. Si importante soit-elle cette
réforme ne saurait toutefois apparaître comme un remède magique aux
maux dont souffrent traditionnellement les juridictions du contentieux de la

9. Organisation juridictionnelle et contentieuse
sécurité sociale, notamment leurs manques de moyens pour assumer leurs
missions. En tout état de cause, la question de la résolution des litiges
contentieux ne doit pas faire oublier la nécessité de prévenir leur survenance
par le développement des modes alternatifs de règlement des conflits, et en
amont, de veiller à la qualité des normes juridiques édictées.

229
Chapitre 10
Aspects européens
et internationaux

À l’origine, les questions de sécurité sociale ne sont qu’une préoccupation


accessoire des « Pères fondateurs » de la construction européenne. Ils
entendent en fonder l’existence sur un marché économique commun, qui soit
gage de stabilité politique en Europe et d’une prospérité des États-membres
profitable aux conditions de vie de leurs ressortissants. Aussi, le traité de Rome
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de 1957 (acte de naissance de la Communauté économique européenne deve-
nue l’Union européenne en vertu du traité de Maastricht de 1992), ne consacre
aux dispositions de protection sociale que 12 de ses… 248 articles. Vouées à
permettre l’effectivité du principe de libre circulation des travailleurs, sans
lequel il ne pourrait y avoir de marché unique, elles se rapportent pour la plu-
part aux règles de coordination entre les systèmes nationaux de sécurité
sociale, lesquelles sont à distinguer de celles en vigueur dans le droit interna-
tional de la sécurité sociale (➦ voir annexe)6. Ayant conservé une souverai-
neté en la matière, chacun des États détermine la législation applicable sur
son territoire. Le passage à l’Union européenne à partir des années 1990 s’est
toutefois accompagné d’une dynamique de convergence entre les systèmes
nationaux incarnée par la méthode ouverte de coordination.

1 Le défaut d’harmonisation
des systèmes nationaux

L’harmonisation des systèmes de sécurité sociale des États membres


consisterait à rapprocher, voire même à aligner leurs règles de couverture
des risques et de financement, en vue de promouvoir un modèle unique dans
l’Union européenne. Or, la grande diversité des systèmes nationaux y fait
obstacle, d’autant plus qu’ils reposent sur des conceptions différentes,
sachant qu'il va au-delà de la seule distinction entre le modèle bismarckien
et le modèle beveridgien, comme le fait apparaître la classification établie
par l’économiste et sociologue Gosta Esping-Andersen.

Encadré 12. La classification de Gosta Esping-Andersen

Elle distingue les systèmes nationaux en faisant référence à trois conceptions


d’État-providence :
– Le modèle anglo-saxon de type libéral dont l’objectif est de lutter contre la


pauvreté et le chômage. Les mécanismes du marché y jouent un rôle prédominant.

231
6. Aux fins d’une présentation didactique, ce volet est traité en annexe.

La protection est accordée uniquement aux plus faibles, après étude de leurs
besoins et de leurs ressources. Par ailleurs, les prestations sont d’un montant
modeste, de façon à ne pas décourager le travail. La protection est financée par
les impôts et gérée par l’État central. Une grande place est laissée aux assurances
privées. Le Royaume-Uni et l’Irlande illustrent ce modèle.
– Le modèle continental, conservateur-corporatiste, dont l’objectif est de
maintenir les revenus des travailleurs en cas d’impossibilité pour eux d’exercer
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leur activité professionnelle (accident, maladie, vieillesse…). Cette protection
est financée essentiellement par des cotisations sociales portant sur les revenus
du travail et donne droit à des prestations proportionnelles. Elle est gérée par
les partenaires sociaux. La France, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne et
l’Autriche sont des exemples de ce modèle.
– Le modèle universaliste ou social-démocrate dont l’objectif est d’assurer un
revenu égal à tous les citoyens. La protection est universelle, couvrant l’ensemble
de la population. Elle cherche à assurer des conditions de vie élevées et, pour ce
faire, propose des prestations et des services sociaux importants. Financée par
les impôts, elle est gérée par l’État. Les prestations versées sont forfaitaires.
Ce modèle est celui du Danemark et au-delà de l’Union européenne, de la Suède.
Gosta Esping-Andersen évoque une dernière catégorie de pays, ceux d’Europe
du Sud (Espagne, Grèce Italie et Portugal), qui combinent les éléments des trois
modèles sociaux que nous venons d’aborder. C’est ainsi que l’Italie dispose, d’un
10. Aspects européens et internationaux 

côté, d’un système universel pour ce qui concerne la maladie et la famille et, de
l’autre, d’un système fondé sur l’exercice d’une activité professionnelle pour ce
qui touche la vieillesse et les accidents du travail.
Cependant, les pays de l’Europe centrale et orientale ayant adhéré à l’Union
européenne s’accommodent souvent mal de cette typologie dans la mesure où
leur histoire tourmentée permet difficilement d’identifier un ensemble de carac-
téristiques communes et distinctes.

Au surplus, indépendamment des modèles conceptuels auxquels ils se


rapportent, les systèmes nationaux de sécurité sociale se différencient, d’ail-
leurs de façon conséquente, par le pourcentage que leurs dépenses et
recettes représentent dans le produit intérieur brut (PIB) de chaque État
membre7.

7. La part des dépenses sociales (sécurité sociale et autres formes de protection sociale)
varie entre moins de 20 % dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale (ex. : 14 %
en Roumanie, 17 % en Bulgarie, 18 % en Hongrie, 19 % en Tchéquie) à 30 % voire plus dans
232 les pays d’Europe occidentale (34 % en France, 32 % au Danemark, 30 % en Allemagne,
29 % en Italie ou en Belgique) (Source : Eurostat 2019, données 2017).
A - L’incidence accessoire du droit européen
sur les systèmes des États membres
❚ La reconnaissance de la souveraineté des États
dans le Traité fondateur
Envisagé au prisme du droit la sécurité sociale, le Traité de Rome du 25 mars
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1957 s’attache surtout à permettre la libre circulation des travailleurs
(articles 48 à 51). À cette fin, il consacre la plupart de ses dispositions en la
matière à la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale.
Hormis en ce domaine, il s’agit d’un traité non contraignant, à charge pour
chaque État membre, en vertu du principe de territorialité, de définir les règles
applicables à l’organisation et à la couverture de chacun des systèmes.
Quelques dispositions de ce traité fondateur autres que celles relatives à
la coopération entre États sont en lien avec la sécurité sociale. Ainsi son
article 117 évoque l’harmonisation des systèmes nationaux, et dans le même
esprit, l’article 100 prévoit que le Conseil, sur proposition de la Commission,
arrête des directives en vue de rapprocher les dispositions législatives, régle-
mentaires et administratives des États membres.
Si l’idée d’une harmonisation n’est donc pas complètement écartée, elle
s’avère néanmoins difficile à réaliser dans la mesure où les décisions adop-

10. Aspects européens et internationaux 
tées dans ce sens doivent l’être à l’unanimité. D’ailleurs, les États signataires
des traités fondateurs n’ont pas véritablement cherché à s’inscrire dans la
voie d’une harmonisation, d’autant qu’elle devenait de plus en plus impro-
bable avec l’élargissement de l’Union européenne à de nouveaux États.

❚ La confirmation de la souveraineté des États


dans les traités ultérieurs
Les États membres ont également manifesté par la suite leur réticence à
une uniformisation de leurs systèmes de sécurité sociale dans les traités
européens :
– Le traité de Maastricht (1992) : organisant le passage de la CEE à la
Communauté européenne, il constitue le Traité Fondateur de l’Union euro-
péenne (TFUE). Il va au-delà de l’objectif économique initial (instituer un
marché commun) en vue de conférer à l’Union une vocation politique plus
forte, notamment en faisant place à la notion de citoyenneté européenne.
Or, si le champ du social y est beaucoup plus développé que dans le Traité de
Rome, ce traité ne permet pas davantage une harmonisation des systèmes
de sécurité sociale.
– Le traité d’Amsterdam (1997) : il confirme l’attachement des États
membres aux droits énoncés dans la Charte des droits sociaux fondamentaux 233
(1989) mais sans les assortir d’une portée obligatoire. Plus précisément,
concernant le domaine de la sécurité sociale, il se limite à encourager la
coordination et la coopération entre les États-membres.
– Le traité de Nice (2001) : il va plus loin que le précédent en vue de pro-
mouvoir la coopération, en créant un Comité de la protection sociale.
En revanche, il stipule expressément l’exclusion de toute harmonisation des
législations nationales de sécurité sociale, et souligne la souveraineté des
États dans ce domaine.
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– Le traité de Lisbonne (2007) : marquant l’entrée dans une nouvelle ère
de la construction européenne8, il confère la valeur juridique d’un traité à la
Charte des droits fondamentaux conclue et signée lors du Conseil européen
de Nice de décembre 2000, en marge du traité du même nom. S’agissant de
la protection sociale, il distingue entre :
ȃ les champs où la prise de décision se fait à la majorité qualifiée : sont
concernées les mesures relatives aux prestations sociales des travailleurs
migrants (art. 48, TFUE) ;
ȃ les champs où la prise de décision se fait à l’unanimité : la sécurité sociale
et la protection sociale des travailleurs. Le Conseil peut décider, mais à
l’unanimité, de les faire basculer dans le champ de la décision à la majo-
rité qualifiée (« clause passerelle »), mais cette possibilité reste pour
l’instant lettre morte.
10. Aspects européens et internationaux 

Encadré 13. Sources du droit social européen

On distingue traditionnellement :
– le droit primaire : il se situe au sommet de la hiérarchie de l’ordre juridique et
procède des traités européens tels qu’ils ont été adoptés, modifiés et complétés ;
– les conventions et accords internationaux : ils sont conclus soit entre les
États membres pour l’application des traités, soit entre l’Union et des pays tiers ;
– le droit dérivé : pour l’essentiel, il est adopté par le Conseil sur proposition de
la Commission. Il comprend :
• les règlements : il s’agit de normes de portée générale directement et inté-
gralement applicables dans tous les États membres,
• les directives : elles s’adressent à un ou plusieurs États membres. Elles lient
les États quant aux objectifs à atteindre tout en les laissant libres quant à la
forme et aux moyens,

8. Il fusionne l’Union européenne et la Communauté économique européenne pour
former une seule Union européenne qui est expressément dotée de la personnalité juri-
234 dique, tout en étant régie par deux traités, le traité sur l’Union européenne (TUE) et le
traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

• les décisions : elles ne valent qu’à l’encontre d’un ou plusieurs sujets de droit.
Ce sont des actes individuels ayant pour destinataires aussi bien des États que
des personnes physiques ou morales,
• les recommandations et résolutions : ce sont des actes non contraignants.
Leur intérêt est avant tout politique et moral ;
– les sources non écrites du droit : elles résultent de l’importante jurisprudence
de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJCE/CJUE).
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Cette juridiction joue un rôle capital grâce à la procédure de renvoi préjudiciel
(art. 267, TFUE). Il s’agit d’une procédure en vertu de laquelle les juridictions
nationales ont la faculté de saisir la CJUE lorsqu’elles ont des doutes sur l’inter-
prétation du droit de l’Union européenne même si les juridictions nationales
supérieures ont déjà pris position sur le point de droit concerné. Elle vise à assu-
rer l’application uniforme du droit de l’Union dans l’ensemble des États
membres, puisque l’arrêt interprétatif de la Cour s’impose à toutes les juridic-
tions nationales de l’Union.
Enfin, les droits sociaux fondamentaux consacrés sous l’égide du Conseil de
l’Europe (Organisation de défense des droits de l’homme à distinguer
de l’Union européenne), constituent de longue date une source d’inspiration
pour la Communauté, puis l’Union et à ce titre, font l’objet de références
explicites à la fois dans les traités et dans la jurisprudence de la Cour de
justice.

10. Aspects européens et internationaux 
B - L’exception de la prise en compte de l’égalité
de rémunérations hommes/femmes
Afin de juguler les risques d’un dumping social au sein de la Communauté
économique européenne, le Traité de Rome de 1957 (art. 119) avait voulu
écarter des discriminations fondées sur le genre en posant le principe de
l’égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes.
S’il n’y a pas d’harmonisation d’ensemble des systèmes nationaux de sécu-
rité sociale l’application extensive de ce principe concourt cependant à une
harmonisation des modalités d’attribution et de calcul des pensions de
retraites, dans la mesure où elles sont considérées comme une rémunération
différée.
S’agissant du droit dérivé, plusieurs directives ont été prises depuis les
années 1970, en vue de promouvoir progressivement l’égalité de traitement
en matière de retraites entre les sexes ; ainsi les directives n° 79/7 du
19 décembre 1978 puis n° 86/378 du 21 juillet 1986.
S’agissant de la jurisprudence, la Cour de justice de l’Union européenne
a tout d’abord joué un rôle important dans ce sens, à propos non pas des
régimes de sécurité sociale mais des régimes professionnels, comme l’a
235
montré l’arrêt Barber du 17 mai 1990 (affaire C-262/88) : elle a décidé que
toutes les formes de pensions professionnelles relèvent de la notion de
rémunération au sens de l’ancien article 119 et que le principe de l’égalité
de traitement leur est applicable. Elle en a déduit le principe selon lequel
les salariés de sexe masculin doivent pouvoir bénéficier de leurs droits en
matière de pension directe et de pension de réversion au même âge que
leurs collègues de sexe féminin.
Plus récemment, la même position jurisprudentielle s’est appliquée aux
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régimes d’assurance vieillesse de la sécurité sociale. Depuis l’arrêt « Beune »
(CJCE, 28 sept. 1994, aff. C-7/93), la Cour de justice considère qu’un régime
légal d’assurance vieillesse verse des « prestations de rémunération », c’est-
à-dire fondées sur un lien d’emploi, et non des prestations de sécurité sociale,
lorsqu’il remplit les critères suivants :
– la pension n’intéresse qu’une catégorie particulière de travailleurs ;
– elle est directement fonction du temps de service accompli ;
– elle est calculée sur la base des rémunérations perçues.
Ainsi en vertu de l’arrêt « Griesmar » (CJCE, 29 nov. 2001, aff. C-366/99),
la France s’est trouvée contrainte de modifier la législation d’assurance vieil-
lesse (art. 32 de la loi du 13 août 2004 sur la réforme des retraites) pour la
rendre compatible avec le principe d’égalité hommes/femmes : alors que
précédemment, la bonification de trimestres d’assurance de 24 mois par
10. Aspects européens et internationaux 

enfant à charge était seulement attribuée à la mère, pour les enfants nés à
compter de 2005, elle peut être répartie pour moitié à la mère et pour moitié
au père. À défaut de cette mise en conformité du droit interne, l’État français,
à l’instar de n’importe quel autre pays de l’Union, se serait exposé à la pro-
cédure de recours en constatation en manquement (art. 258 à 260, TFUE)
pouvant déboucher, en cas de persistance du manquement, à une amende
financière ou à une astreinte.

C - La soustraction des organismes de sécurité


sociale au marché unique
Compte tenu de la pénétration du droit de la concurrence dans le
domaine des prestations de services, la question s’est forcément posée de
savoir si le monopole des organismes de Sécurité sociale pouvait se trouver
remis en cause, ce qui aurait pu entraîner une harmonisation des couvertures
offertes dans le cadre du Grand marché intérieur.
Ainsi dans une affaire « Poucet et Pistre » (CJCE aff. jointes C-159/91 et
C-160/91,17 février 1993), les requérants soutenaient que sans remettre
en cause le principe de l’affiliation obligatoire à un système de sécurité
sociale, ils devaient pouvoir en vue de se garantir contre les risques mala-
236 die et vieillesse, s’adresser librement à toute compagnie d’assurance privée
sur le territoire de la communauté, et non devoir se soumettre aux condi-
tions fixées unilatéralement par les organismes de sécurité sociale. Ils
considéraient que la position monopolistique de ces derniers était contraire
aux règles d’un marché concurrentiel. Or, en la matière, la Cour de Justice
de la communauté européenne (CJCE) a considéré que les organismes qui
concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale remplissent
une fonction à caractère exclusivement social, que leur activité est fondée
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sur le principe de la solidarité nationale, qu'elle s’accompagne d’une redis-
tribution des ressources et est dépourvue de tout but lucratif ; les presta-
tions versées sont des prestations légales et indépendantes du montant
des cotisations. Aussi cette activité n’est pas une activité économique et
dès lors, les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entre-
prises. Selon le juge européen, la notion d’entreprise comprend toute
entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juri-
dique de cette entité (de droit public ou privé) et de son mode de finance-
ment (fonds publics, etc.). Selon la Commission, les organismes de sécurité
sociale font partie entre autres, des services sociaux d’intérêt général
(SSIG) dont elle ne donne pas de définition précise tout en mettant en
évidence leurs principes d’organisation communs : la solidarité comme
socle (non-sélection des risques, absence d’équivalence à titre individuel
entre cotisations et prestations), le caractère personnalisé de la prestation

10. Aspects européens et internationaux 
et l’absence de but lucratif.
La même position a par la suite été retenue en ce qui concerne les régimes
complémentaires rendus obligatoires par la loi (ex. : régime AGIRC-ARRCO)
à partir du moment où ils se caractérisent par un degré élevé de solidarité
(aff. C-437/09, Beaudout Père et Fils, 3 mars 2011).
En revanche, la CJCE s’est prononcée dans le sens contraire s’agissant
d’un organisme gérant un régime de retraite complémentaire destiné aux
exploitants agricoles. En effet, dans un arrêt « Coreva » du 16 novembre
1995 (aff. C-244/94), elle a relevé que l’affiliation à ce régime, qui était
destiné à compléter un régime de base obligatoire, était instituée par la loi
à titre facultatif ; et que les prestations auxquelles il donnait droit étaient
exclusivement fonction du montant des cotisations versées par les béné-
ficiaires ainsi que des résultats financiers des investissements effectués par
l’organisme gestionnaire. Elle en a conclu que l’organisme de retraite com-
plémentaire exerçait donc une activité économique en concurrence avec
les compagnies d’assurance vie même s’il n’avait pas de but lucratif et qu’il
fonctionnait dans le respect de règles définies par le pouvoir réglementaire,
notamment en ce qui concerne les conditions d’adhésion, les cotisations
et les prestations.

237
2 La réalisation de la coordination
des systèmes nationaux

À défaut d’une harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale,


le traité de Rome de 1957 a fait le choix initial, jamais démenti, d’organiser
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leur coordination entre les États membres, en vue de neutraliser ou d’assou-
plir les effets de la territorialité des législations nationales (ex. : pour bénéfi-
cier de prestations de sécurité sociale française, en cas de séjour dans un
autre État de l’Union européenne).
Conformément à l’article 45 du TFUE, cette liberté comporte le droit de
rechercher un emploi, de travailler et de résider à cette fin dans un autre État
membre tout en bénéficiant de la même protection sociale que celle des
nationaux du pays d’accueil conformément aux principes de non-
discrimination et d’égalité de traitement.
Actuellement, les règles de la coordination des systèmes de sécurité
sociale au sein de l’Union européenne sont fixées par le règlement
n° 883/2004 du 29 avril 2004 lequel s’est substitué en plus grande part au
règlement n° 1408 /71 du 14 janvier 1971. Les modalités d’application en
10. Aspects européens et internationaux 

sont précisées par le règlement n° 987/2009 du 16 septembre 2009 pour


une entrée en vigueur au 1er mai 2010. Ces règlements ont notamment inté-
gré d’importants arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes
puis de la Cour de Justice de l’Union européenne.
La réforme issue du règlement n° 883/2004 manifeste par ailleurs la
volonté délibérée d’améliorer le service rendu au bénéficiaire en introduisant
le principe de bonne administration.

A - Le périmètre de la coordination
Le champ d’application de la coordination est déterminé à partir de trois
dimensions.

❚ Le champ d’application territorial


À l’instar de tout règlement communautaire, les règlements n° 883/2004
et n° 987/2009 relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale sont
directement applicables dans tout État membre.
En outre, depuis l’entrée en vigueur de l’accord instituant l’Espace éco-
nomique européen (EEE) signé le 2 mai 1992, les règles de coordination
étendent leurs effets aux pays membres de l’EEE, à savoir l’Islande, la
238 Norvège et le Liechtenstein. Par ailleurs, un accord sur la libre circulation
des personnes du 21 juin 1999 entre la Suisse, d’une part, et la Commu-
nauté européenne et ses États membres, d’autre part, élargit le champ
d’application de la coordination au territoire helvétique moyennant
quelques adaptations.

Encadré 14. L’incidence du Brexit


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Depuis le 1er janvier 2021, les ressortissants britanniques sont devenus des res-
sortissants d’États tiers à l’Union et, à ce titre, sont traités comme tels sur le plan
de la sécurité sociale. Cependant, les personnes relevant avant cette date des
règlements de coordination en conservent le bénéfice, tant qu’elles demeurent
dans une des situations entrant dans leur champ d’application.

❚ Le champ d’application personnel


Initialement munie d’une finalité économique, la coordination ne s’appli-
quait qu’aux seuls travailleurs salariés, à leurs familles et survivants. Sous
l’effet du règlement n° 1408/71 et de règlements ultérieurs, son champ s’est
étendu au fil du temps à de nouvelles catégories : travailleurs non-salariés,
fonctionnaires et assimilés, étudiants, etc. Plus significatif encore, le règle-
ment n° 883/2004 prévoit que la coordination concerne tout ressortissant
d’un État membre, et non plus seulement les travailleurs. Elle en prévoit aussi

10. Aspects européens et internationaux 
l’élargissement aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre
qui sont ou ont été soumis à la législation de sécurité sociale d’un ou plusieurs
États membres. De surcroît, s’inscrivant dans le prolongement de la jurispru-
dence européenne (CJCE, aff. C-55/00 Gottardo, 15 janv. 2002), le règlement
n° 1231/2010 du 24 novembre 2010 étend la coordination aux ressortissants
des pays tiers, soumis ou ayant été soumis à la législation d’un ou plusieurs
États membres et résidant légalement dans un État membre.
Cependant, la jurisprudence de Cour de Justice de l’Union européenne
limite l’accès aux prestations sociales pour les citoyens de l’Union euro-
péenne ne travaillant pas ou plus : elle a décidé que « le fait de refuser aux
citoyens de l’Union dont le droit de séjour sur le territoire d’un État membre
d’accueil est seulement justifié par la recherche d’un emploi le bénéfice de
certaines prestations en espèces à caractère non contributif […] n’est pas
contraire au principe d’égalité de traitement » (Aff. C-67/17, Jobcenter Berlin
Neukölln contre Nazifa, Sonita, Valentina et Valentino Alimanovic, 15 sep-
tembre 2015).

❚ Le champ d’application matériel


Il convient en la matière de distinguer entre d’une part, les prestations de
sécurité sociale et d’autres régimes sociaux, et d’autre part, les prestations
d’assistance non contributives. 239
En matière de sécurité sociale et autres régimes sociaux
La coordination s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et
spéciaux (fonctionnaires, marins, etc.) pour l’ensemble des risques (maladie,
invalidité, vieillesse, dépendance, etc.) et les charges de famille ainsi qu’au
régime d’assurance chômage.
C’est également le cas pour les régimes complémentaires de retraite
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(ex. : régime de l’ARRCO-AGIRC) depuis le règlement 883/2004 qui a fait
entrer dans le champ de la coordination les régimes conventionnels ayant
fait l’objet d’une décision des pouvoirs publics les rendant obligatoires.
À l’échelle européenne, les régimes complémentaires de retraite, tels qu’ils
existent en France font partie d’un premier « pilier » de retraites qu’il
convient d’ailleurs de distinguer des régimes complémentaires constitutifs
d’un deuxième « pilier » de retraites pouvant être assimilés dans le système
français aux régimes dits surcomplémentaires ou supplémentaires. S’agissant
de ces derniers, leur prise en compte dans la coordination se heurte souvent
à l’étroitesse des dispositions du règlement 883/2004 en la matière.

En matière de dispositifs d’assistance sociale


En principe la coordination ne s’applique pas aux prestations d’assistance
non contributives. Cependant, cette affirmation mérite aussitôt d’être for-
10. Aspects européens et internationaux 

tement tempérée par le fait que la coordination s’étend « aux prestations


spéciales en espèces à caractère non contributif » visées à l’article 70 §2 du
règlement 883/2004.
Ces prestations ont une triple caractéristique :
– elles ont pour objet de compléter ou remplacer les prestations de sécu-
rité sociale et de garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance,
ou d’assurer une protection spécifique aux personnes handicapées ;
– elles sont financées exclusivement par des contributions fiscales obli-
gatoires destinées à couvrir des dépenses générales et leurs conditions
d’attribution ou modalités de calcul ne dépendent pas de la contribution du
bénéficiaire ;
– elles sont énumérées, pour chaque pays, dans une annexe du règlement
883/2004 et comprennent par exemple pour la France : l’allocation aux
adultes handicapés ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Ces prestations sont soumises à des règles de coordination spécifiques et
n’obéissent pas au principe de l’exportabilité (➦ voir infra).
La CJUE indique que la distinction entre prestations de sécurité sociale,
objets du règlement de coordination, et prestations d’assistance sociale,
exclues quant à elles du règlement, repose essentiellement sur les éléments
240 constitutifs de chaque prestation, notamment ses finalités et ses conditions
d’octroi et non pas sur le fait qu’une prestation soit qualifiée ou non par une
législation nationale comme une prestation de sécurité sociale (CJCE, aff.
C-78/91, Hughes, 16 juill. 1992).
Elle précise que ne peut être considérée comme telle, la prestation
octroyée en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des
besoins personnels aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement
définie (CJUE, aff. C-24/74, Blazon, 9 oct. 1974).
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B - Les principes de la coordination
Voués à garantir la libre circulation entre les États membres, afin d’éviter
qu’elle ne se heurte aux entraves des législations nationales de sécurité
sociale, les principes de la coordination sont au nombre de quatre : il s’agit
tout d’abord de déterminer la législation applicable pour l’octroi des presta-
tions à un travailleur migrant (principe de l’unicité de la législation), puis de
faire en sorte que les personnes concernées et leurs familles ne fassent pas
l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport aux nationaux (principe
d’égalité de traitement), que l’ouverture du droit aux prestations et leur attri-
bution ne soient plus soumises à des clauses de résidence (principe de l’ex-
portabilité), et enfin, que la mobilité transfrontalière ne compromette pas
les droits acquis ou en cours d’acquisition, ce qui suppose que soit assurée la
totalisation des périodes retenues pour l’ouverture et le calcul des droits à

10. Aspects européens et internationaux 
prestations (principe de la totalisation).

❚ Le principe de l’unicité de législation


Il signifie qu’un travailleur doit être assuré dans un État membre et dans
un seul pour éviter des conflits de lois : à défaut, le travailleur migrant pourrait
se retrouver hors de tout système national de sécurité sociale (conflit négatif)
ou au contraire, être assujettis à ceux de deux ou plusieurs États (conflit posi-
tif). Hormis dans quelques situations dérogatoires, tel le détachement, la
législation applicable est celle du lieu de travail de la personne, selon la règle
lex laboris. En revanche, il existe des situations où c’est l’État de rattachement
(fonctionnaire) ou le lieu de résidence (inactifs assurés sociaux) qui détermine
la législation de sécurité sociale devant s’appliquer aux intéressés.

Encadré 15. Le détachement de salarié

Le détachement, en matière de sécurité sociale, est le fait de maintenir au


régime de sécurité sociale du pays habituel d’emploi un travailleur qui va, durant
un temps limité, exercer une activité professionnelle pour le territoire d’un autre
pays (CSS, art. L.761-2 ; Décret n° 2019-555 du 4 juin 2019).
Selon l’article 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, « la personne


qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte 241

d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur
détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre,
demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la
durée prévisible de ce travail n’excède pas une durée limitée et que la personne
ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne ».
En l’occurrence la mobilité du salarié intervient au titre de l’exercice de la libre
prestation de services, c’est-à-dire au titre d’une liberté économique posée à
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l’article 56 TFUE. La problématique soulevée est donc différente de celle de la
libre circulation des travailleurs, dans la mesure où elle comporte une dimension
économique marquée. Elle renvoie certes à la nécessité de garantir le respect
des droits des travailleurs, mais aussi, de veiller dans un cadre transnational à
créer les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises, notamment
en cas de réponse à des appels d’offres européens pour de gros chantiers de
travaux publics ou du bâtiment.
Or, le constat de pratiques de dumping social, notamment en provenance
d’États membre de l’Union européenne où les coûts de la main-d’œuvre sont
moins élevés et les systèmes de sécurité sociale moins favorables, a conduit
certains pays d’Europe occidentale, en particulier la France, à demander en 2016
une révision de la directive de 1996 sur le détachement Cette révision était ren-
due d’autant plus nécessaire que cette précédente directive était devenue ina-
daptée compte tenu de l’élargissement de l’Union européenne, passée de
15 États membres à 28 à l’époque) et de dérives nombreuses, y compris fraudu-
10. Aspects européens et internationaux 

leuses, par le biais de détachements fictifs, dans la mise en œuvre des règles en
matière de détachement.
Afin d’apporter une première réponse, fruit elle-même d’un laborieux
compromis entre les États, la directive 2018/957 du 28 juin 2018 est venue
limiter la durée du détachement à 12 mois (au lieu de 24 mois antérieure-
ment), avec une possibilité de dérogation pour la proroger de 6 mois supplé-
mentaires sur notification motivée du prestataire de services à l’État
d’accueil. Au-delà de cette période de 12 mois (ou de 18 mois), ce sont toutes
les règles de la protection sociale de l’État d’accueil qui s’appliquent au travail
détaché, à l’exception de celles des régimes complémentaires de retraites
professionnels.

❚ Le principe de l’égalité de traitement


Il s’applique entre les nationaux et les non nationaux : la personne en
mobilité au sein de l’Union européenne pour exercer une activité a les mêmes
droits et obligations que les ressortissants de l’État-membre où il se
trouve (art. 45, TFUE). Ainsi ce principe consiste à prohiber les discrimina-
tions ostensibles fondées sur la nationalité, mais aussi toutes les formes
dissimulées de discrimination qui, basées sur d’autres critères de distinction,
aboutissent au même résultat (ex. : résidence habituelle, qualification pro-
242 fessionnelle). À partir de l’arrêt Grzelczyk (CJUE, aff-C-184/99, 20 sept. 2001),
la Cour de justice de l’Union européenne souligne que le statut de citoyen
de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des
États membres afin de permettre ce même traitement juridique.
L’égalité de traitement est renforcée par le principe de l’équivalence
des situations selon lequel, si un État membre conditionne l’attribution
d’une prestation à un événement (ex. : le service national) ou à un fait (ex. :
accident du travail), il doit tenir compte des événements ou des faits sur-
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venus dans un autre État membre comme s’ils avaient eu lieu sur son
propre territoire.

❚ Le principe de l’exportabilité des prestations


Selon ce principe, également dénommé principe de la transférabilité, 
les prestations de sécurité sociale déjà acquises peuvent être transférées
dans un autre État membre. D’une façon générale, il y a une levée des clauses
de résidence pour les prestations dites à long terme. Ainsi, les pensions d’in-
validité, de vieillesse et de survie, de même que les rentes d’accident du tra-
vail et de maladie professionnelle, acquises sous une législation nationale
doivent être attribuées à l’intéressé même si celui-ci réside dans un autre
État membre. De même, les prestations familiales sont dues lorsque le tra-
vailleur est affilié à un système national de sécurité sociale, et que ses enfants

10. Aspects européens et internationaux 
résident sur le territoire d’un autre État membre (CJCE, aff-C-41//84, Pinna,
15 janv. 1986).

❚ Le principe de la totalisation des droits


Selon ce principe, également dénommé principe du maintien des droits
en cours d’acquisition, les périodes d’assurance accomplies dans un État de
l’Union européenne sont prises en compte pour l’ouverture des droits aux
prestations et le calcul de celles-ci dans un autre État. Ce principe se
comprend d’autant mieux que dans les États membres, le droit aux presta-
tions en espèces (ex. : indemnités journalières maladie, pension d’invalidité
ou de retraite) est subordonné à une condition préalable d’activité ou de
cotisations. Il devient dès lors possible de garantir l’unité de carrière des tra-
vailleurs migrants.
En matière de pensions d’assurance vieillesse (de retraites), de pension
d’invalidité ou de capital décès, l’application des règles de totalisation
(articles 50 et 52 du règlement 883/2004) n’oblige pas un État membre à
attribuer une pension qui corresponde à la durée totale de toutes les périodes
prises en compte pour l’ouverture du droit à celle-ci. Chaque État où une
personne a été assurée est tenu de lui verser une pension déterminée selon
la règle du « prorata temporis », c’est-à-dire en fonction de la durée d’assu-
rance dans le pays concerné. 243
C - La coordination de la prise en charge des frais
de santé
Pour être effective, la liberté de circulation du patient au sein de l’Union
européenne suppose qu’il puisse obtenir, en tant qu’assuré social, la prise en
charge des frais de soins et biens de santé délivrés dans un autre État
membre que le pays d’affiliation. Or en la matière, cette exigence doit être
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combinée avec le principe de libre circulation des biens et services dans
l’Union européenne (art. 56 et 57, TFUE).
Là encore, les règles de coordination sont fixées par le règlement
n° 883/2004 du 29 avril 2004 dont les dispositions reprennent largement la
jurisprudence antérieure de la Cour de Justice de l’Union européenne, en
particulier :

ȃ l’arrêt Kohll (1998) sur la prise en charge de lunettes et l’arrêt Decker


(1998) sur celle des soins dentaires, selon lesquels les règles sur la libre
circulation des marchandises et sur la libre fourniture des services
doivent s’appliquer de façon pleine dans le champ de la santé et de la
sécurité sociale ;
ȃ l’arrêt Smits & Peerbooms (2001) selon lequel constitue un obstacle à
la libre prestation des services médicaux hospitaliers l’obligation de
10. Aspects européens et internationaux 

demander une autorisation préalable pour avoir accès aux soins dans un
autre État membre. Toutefois, cet arrêt admet que des raisons impé-
rieuses, comme l’équilibre financier des systèmes de sécurité sociale ou
le maintien d’un service hospitalier accessible à tous, puissent justifier
une restriction à la mobilité transfrontalière des patients au sein de
l’Union européenne.
Même s’il intègre cette jurisprudence en assouplissant les dispositions du
règlement n° 1408/71 auquel il s’est substitué, le règlement n° 883/2004
(art. 22) en conserve néanmoins le principe de base et distingue les soins
inopinés des soins programmés.

Les soins inopinés sont ceux rendus nécessaires lors du séjour dans un
autre État membre : selon une logique d’harmonisation, le nouveau
règlement ne subordonne plus la prise en charge à une condition
d’urgence préexistante. Il suffit simplement que le traitement soit néces-
saire du point de vue médical afin que la personne ne se trouve pas
contrainte de rejoindre son État d’affiliation avant la fin des soins.
Les soins programmés sont ceux ayant motivé le déplacement dans un
autre État membre : pour en obtenir la prise en charge, il faut obtenir une
autorisation préalable de la part de l’organisme d’assurance maladie de
244 l’État d’affiliation. Une telle autorisation est subordonnée au fait que,
d’une part, les soins en question figurent parmi ceux remboursables dans
le pays d’affiliation et que, d’autre part, ils ne puissent y être dispensés
dans un délai acceptable compte tenu de la situation sanitaire du deman-
deur ou de l’évolution probable de son état de santé.
Le frein à la mobilité transfrontalière du patient qui est posé par ce régime
d’autorisation, procède de deux raisons d’intérêt général propres à chacun
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des États :
ȃ d’une part, le besoin de planification de l’offre de soins à la population
sur l’ensemble du territoire, en vue de garantir une accessibilité suffisante
et permanente à une gamme équilibrée de soins de qualité ;
ȃ d’autre part, la viabilité financière des systèmes de sécurité sociale et
de santé par une maîtrise des coûts.
L’ensemble de ces règles ont été reprises et complétées dans une direc-
tive n° 2011/24 du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des
patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Afin de faciliter l’attestation de ces droits à l’assurance maladie, une carte
européenne d’assurance maladie a été mise en place sachant qu’elle n’est
utilisable que pour les soins inopinés.

10. Aspects européens et internationaux 
Au-delà de cette coordination, il apparaît sous l’effet de défis et de
contraintes communes aux sociétés contemporaines qu’il se profile une cer-
taine convergence des systèmes sociaux européens.

3 L’impulsion de convergences entre


les politiques sociales nationales

Un mouvement de convergences entre les politiques sociales nationales


a émergé à partir des années 1990 sous l’influence de nouveaux défis sociaux
(montée de la pauvreté et du chômage), démographiques (vieillissement de
la population), économiques (augmentation de la dette publique, exposition
à la mondialisation) et politiques (montée des nationalismes) auxquels sont
confrontés les États membres. Sous l’effet des traités de Maastricht et de
Lisbonne, une dynamique s’est progressivement affirmée dans ce sens et
s’incarne désormais dans la méthode ouverte de coordination.
Sans aucun doute convient-il tout d’abord de souligner que la notion de
convergence ne doit pas être confondue avec celle d’harmonisation (➦ voir
supra). Il y a en effet une différence substantielle dans les deux démarches.
L’harmonisation entre les systèmes nationaux de sécurité sociale vise à en
245
rapprocher les règles, voire même idéalement à les aligner, alors que
la convergence a une autre nature : elle renvoie à un référentiel d’objectifs,
visant à tendre vers de mêmes niveaux de prélèvements sociaux et de cou-
verture des risques sociaux.

A - L’avènement d’un droit souple


à partir du traité de Maastricht
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et du sommet de Lisbonne

❚ L’impulsion du traité de Maastricht


Pour commencer, le traité de Maastricht (1992) s’inscrit dans la perspec-
tive d’atténuer les disparités de systèmes sociaux entre les différents États
membres. Cette orientation est confirmée par la montée en puissance dès
les années 1990 d’un droit non contraignant, parfois qualifié de soft law,
ainsi que l’illustre l’adoption à l’unanimité par le Conseil européen de deux
recommandations du 27 juillet 1992 :
ȃ la recommandation 92/441/CEE : elle porte sur la garantie de res-
sources et des prestations suffisantes dans les systèmes de protection
sociale. Elle préconise, d’une part, de définir des objectifs et des principes
communs vers lesquels doivent tendre les différents régimes de sécurité
10. Aspects européens et internationaux 

sociale des États membres et, d’autre part, d’instaurer le droit à un


revenu minimum d’existence pour l’ensemble des personnes ne dispo-
sant pas de ressources suffisantes ;
ȃ la recommandation 92/442/CEE : connexe à la précédente, elle est
relative à la convergence des objectifs et des politiques de protection
sociale.

❚ L’avancée de la stratégie de Lisbonne


et de la stratégie Europe 2020
Lors du Conseil européen de Lisbonne en 2000, les chefs d’État et de gou-
vernement européens ont adopté une stratégie dite « stratégie de
Lisbonne » pour la croissance et l’emploi dont l’objectif était de permettre à
l’Union européenne de connaître une croissance économique durable et
accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et
d’une plus grande cohésion sociale. Il s’agit de la sorte de surmonter les blo-
cages institutionnels inhérents à des prises de décision unanimes telles
qu’elles existent en matière de protection sociale. L’identification de
« bonnes pratiques » dans le cadre d’une démarche de benchmarking ainsi
que la détermination d’objectifs et d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs,
assortie d’un examen par les pairs, doit permettre d’orienter les États
246 membres vers une « convergence naturelle ».
Pour rythmer la mise en œuvre de cette stratégie, l’Union européenne
adopte un agenda social en vue de fixer un programme pluriannuel lui per-
mettant d’inscrire dans le temps son action en matière de politique sociale.
Cette forme de gouvernance de l’Europe sociale reste aujourd’hui d’actualité,
et vise en priorité à lutter contre la pauvreté et à adapter la protection sociale
par des mécanismes incitatifs.
Ainsi les objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de politiques
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sociales se retrouvent désormais repris dans la stratégie Europe 2020 adop-
tée en 2010 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Ces objec-
tifs sont articulés avec les politiques économiques des États membres dans
le cadre du semestre européen. Il est ainsi prévu :

ȃ la mise en œuvre de programmes d’actions financés par l’Union


Européenne, notamment avec une affectation de 20 % des crédits du
Fonds social européen à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
ȃ l’application de la méthode ouverte de coordination de la protection
et de l’inclusion sociales.

B - La mise en place de la méthode


ouverte de coordination

10. Aspects européens et internationaux 
La méthode ouverte de coordination (MOC) constitue une avancée dans
la promotion de convergences entre les États membres mais, à cette occa-
sion, elle révèle également des limites inhérentes à la gouvernance de l’Union
européenne.

❚ Les mécanismes de la méthode ouverte


de coordination
Instituée à l’occasion du Conseil européen de Lisbonne par la Commission
européenne, la méthode ouverte de coordination (MOC) est devenue un des
instruments clés dont l’Union européenne dispose pour favoriser les conver-
gences entre les politiques sociales nationales et les coopérations entre États
membres. Outil de gouvernance fondé sur la définition d’objectifs quanti-
tatifs et d’indicateurs communs, pouvant être différenciés par pays ou
groupe de pays, la MOC complète les instruments juridiques (règlements,
directives, recommandations) et financiers (Fonds social européen, Fonds
spécifiques9).

9. Par exemple, le Fonds européen d’aide aux plus démunis doté de 3,8 Mds d’€ pour
la période 2014-2020 contre 80 Mds d’€ (88 Md€ pour l’exercice 2021-2027) pour le Fonds
social européen, essentiellement affectés au financement de programmes en rapport avec 247
l’emploi et l’inclusion sociale.
Le processus de la MOC est structuré en cycles de trois ans et fait l’objet
d’un suivi par le Comité de la protection sociale et le Comité de l’emploi qui
sont composés de représentants des États membres. Il est accompagné
d’une procédure souple d’évaluation triennale non assortie de sanctions
en l’absence de portée contraignante, faisant simplement l’objet d’un rap-
port de synthèse établi conjointement par la Commission et le Conseil euro-
péen. Elle désigne ainsi des objectifs communs mais laisse à chaque État
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membre le choix des voies et des moyens pour leur réalisation.
La MOC s’est tout abord appliquée à la lutte contre l’exclusion et contre
la pauvreté (depuis 2000) avant de s’étendre aux pensions (depuis 2002).
Instituée en 2005, la MOC sociale intervient dans les principaux domaines
suivants :

ȃ la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;


ȃ la garantie de systèmes de pensions adéquats et viables ;
ȃ la fourniture de soins de santé et de soins de longue durée accessibles,
de qualité et viables.

❚ Les limites de la méthode ouverte de coordination


Or, en dépit de l’avancée conceptuelle qu’elle représente, la MOC a fait
10. Aspects européens et internationaux 

l’objet de vives critiques, étant jugée trop timide en l’absence de volonté


politique suffisamment effective : « Les États membres n’ont pas réussi à se
mettre d’accord sur des objectifs quantifiés de réduction de la pauvreté. Du
côté de la protection sociale, ils s’en sont tenus à l’énoncé de trois grands
principes communs (adéquation, viabilité et efficacité) et à quelques orien-
tations communes (cohésion sociale, égalité entre les hommes et les
femmes, égalité des chances sur le cycle de vie…) ».
Pour autant, sur le principe, l’intérêt de la MOC reste entier dans la mesure
où selon l’agenda social renouvelé, l’ensemble des politiques européennes
doivent avoir un impact social, évalué par la Commission. Dans cette optique,
le rôle de coordination horizontale de la MOC doit néanmoins être renforcé au
profit d’une meilleure interaction et cohérence entre politique sociale et autres
politiques de l’Union européenne, en particulier la politique économique.

C - Vers une convergence vers le bas ou le haut


des systèmes nationaux ?
Sous l’impact de la mondialisation, les systèmes sociaux les plus favo-
rables se trouvent fragilisés. Avéré au plan international où la compétitivité
économique se joue dans une large mesure sur les écarts de coût de la main-
248 d’œuvre, ce constat vaut aussi au sein de l’Union européenne dans le cadre
du Grand marché intérieur, notamment depuis son élargissement aux Pays
d’Europe centrale et orientale (PECO) où les rémunérations directes et les
charges sociales sont moins élevées que dans les pays d’Europe occidentale.
Ces nouveaux États membres se caractérisent en effet par une couverture
sociale de moyen ou faible niveau, assortie de conditions d’accès strictes et
de prestations modiques.
Aussi ces disparités de systèmes nationaux de sécurité sociale ont-elles
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pu favoriser, à côté il est vrai d’autres facteurs, des délocalisations d’entre-
prises, surtout d’entreprises industrielles, des États de l’Ouest de l’Europe
(ex. : France) vers ceux de l’Europe centrale et orientale (ex. : Pologne,
Roumanie) au prix de pertes d’emplois massives au détriment des premiers.
Or, ce phénomène de dumping social n’est pas sans danger pour l’avenir de
la protection sociale solidaire dans l’Union européenne. Il fait non seulement
obstacle au relèvement des prélèvements sociaux dans les États membres
d’Europe centrale et orientale mais aussi dans ceux d’Europe du Sud socia-
lement moins avancés (Espagne, Portugal, Grèce) lesquels entendent conser-
ver leur différentiel de coût du travail pour soutenir leur compétitivité.
Par ailleurs, afin de contrecarrer d’éventuelles dérives de dumping social,
la directive 2004/88 dite directive « Citoyen de l’Union » prévoit que le
citoyen non actif doit disposer de ressources suffisantes afin de ne pas être

10. Aspects européens et internationaux 
« une charge déraisonnable » pour le système d’aide sociale du pays de rési-
dence.
Sauf à augmenter les prélèvements sociaux, ce qui est devenu impro-
bable, les critères de convergence européens imposent par ailleurs aux États
membres de maîtriser leurs dépenses sociales afin de ne pas accuser de défi-
cit public excessif. Ces critères ont été précisés par le Pacte de stabilité et
de croissance, adopté par le Conseil européen d’Amsterdam en 1997, qui
prévoit que le déficit annuel des administrations publiques dont font partie
les organismes de protection sociale ne doit pas dépasser le seuil de plus en
plus contesté de 3 % du produit intérieur brut, exigence du reste mise entre
parenthèses à l’occasion de la crise pandémique du Covid-19.
Confrontés à ce cadre économique et budgétaire, une partie des États
membres sont amenés à conduire des politiques de maîtrise des dépenses
sociales, lesquelles s’accompagnent de plans d’économies et, surtout, de
réformes plus structurelles. Or, ces mesures sont susceptibles d’aboutir à une
régression de la couverture sociale de leurs ressortissants, davantage encore
dans le champ des retraites que dans celui de l’assurance maladie.
À la critique économique soulevée du coût élevé de la protection social
qui pénaliserait la compétitivité des entreprises et l’emploi dans un contexte
de mondialisation, il convient de confronter un point de vue plus global de
ses enjeux. 249
Outre les avantages qu’elle pourrait offrir pour le soutien à l’économie
et à la cohésion sociale, il peut être objecté des arguments plus fonda-
mentaux en faveur de la convergence vers le haut des systèmes natio-
naux de protection sociale. Elle permettrait de concrétiser des valeurs de
solidarité et de justice sociale que toute une série de traités et de chartes
ont proclamées depuis les années 1980 : Traité de Lisbonne (2000),
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000)… Il s’agi-
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rait ainsi de conforter la notion de citoyenneté européenne en l’assortis-
sant de droits sociaux alors que, selon le traité de Maastricht, elle ne
recouvre pour l’instant que des droits économiques (droit de circuler
librement, de séjourner, de travailler…) et politiques (droit de vote, droit
de pétition…).
C’est un enjeu d’autant plus important que la période actuelle est mar-
quée par une désaffection des peuples des États membres vis-à-vis de
l’idée européenne : l’Union européenne est souvent vue dans l’opinion
publique comme insuffisamment protectrice des citoyens et trop distante
de leurs préoccupations directes. Plus inquiétant, compte tenu du dum-
ping social de certains États membres et des délocalisations industrielles,
la construction européenne apparaît pour toute une partie de ses ressor-
tissants comme une menace pour leur emploi et leur protection sociale.
Or, seule une harmonisation par le haut des différents systèmes natio-
10. Aspects européens et internationaux 

naux serait de nature à apporter une réponse appropriée aux problèmes


soulevés. Compte tenu des disparités, non seulement de prélèvements
sociaux, mais aussi de rémunérations et temps de travail à l’échelle euro-
péenne, c’est néanmoins un chantier ambitieux et de longue haleine. Les
lignes directrices en sont déjà posées par l’affirmation des valeurs de
dignité humaine, de solidarité et de justice sociale dans la Charte des
droits fondamentaux et dans les tout premiers articles du traité de
Lisbonne. Il apparaît donc désormais opportun de pouvoir les faire vivre
en instaurant un socle de droits sociaux minimaux.
C’est dans ce sens que le Parlement européen, le Conseil et la Commission
ont proclamé le Socle européen des droits sociaux lors du Sommet social
de Stockholm du 17 novembre 2017, ce qui lui permet désormais d’entrer en
vigueur. Il ne vaut toutefois que pour les États de l’Union économique et
monétaire (zone euro), même si d’autres États membres peuvent s’y joindre
s’ils le souhaitent.
Affirmant des droits sociaux qui existent déjà dans l’acquis juridique inter-
national et européen, et les complétant, ce socle est défini par la Commission
comme « un ensemble de principes visant à favoriser des conditions de
concurrence équitables dans une économie sociale de marché européenne ».
Il comporte notamment un volet consacré à « une protection sociale adé-
250 quate et viable, et un accès à des services essentiels de qualité », y compris
les services d’accueil des enfants, les soins de santé et les soins de longue
durée, afin de garantir des conditions de vie dignes et une protection contre
les risques de la vie humaine.

Conclusion
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Soumise d’une façon récurrente à des tensions, l’Europe de la protection
sociale reflète plus fondamentalement celles auxquelles la construction
européenne est elle-même confrontée depuis l’origine. Elle est avant tout
une affaire d’équilibre subtil : elle ne doit pas empiéter sur la faculté des États
membres de définir les principes fondamentaux des systèmes nationaux ni
en affecter les équilibres financiers. Mais elle ne doit pas non plus empêcher
un État membre de prendre des mesures de protection qui iraient au-delà
de celles décidées au niveau européen. Ses avancées voire ses reculs appa-
raissent comme la résultante de rapports de force entre des courants de
pensée qui sont à même de jouer dans des sens contradictoires avec, d’une
part, une confrontation entre social-démocratie et libéralisme, et d’autre
part, une confrontation entre fédéralisme et maintien de la souveraineté
nationale. Plus ou moins manifeste selon les périodes, cet état de fait éclaire

10. Aspects européens et internationaux 
l’équilibre instable qui affecte la prise en compte de la question de la sécurité
sociale dans l’Union européenne.

251
Annexe 5
La sécurité sociale
des Français à l’étranger

Parmi les Français à l’étranger, on distingue les salariés détachés et les personnes
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expatriées.
Les Français détachés
◗ Les deux types de détachement
On distingue :
– le détachement conventionnel : prévu par les conventions bilatérales de
sécurité sociale, il permet au salarié de rester rattaché au régime de son pays
d’emploi habituel pendant une durée fixée par chaque accord. Le détachement
conventionnel permet de dispenser le salarié et son employeur, de l’obligation
d’affiliation à la sécurité sociale du pays d’emploi temporaire, et donc de paie-
ment de cotisations ;
– le détachement légal : lorsque les personnes ne sont pas ou plus concernées
par le détachement conventionnel, les salariés temporairement détachés à
l’étranger par leur employeur pour y exercer une activité sont soumis à la légis-
lation française de sécurité sociale à condition que l’employeur s’engage à
10. Aspects européens et internationaux 

acquitter de l’intégralité des cotisations dues. La durée du détachement ne


peut excéder 3 ans mais est renouvelable une fois. Dans ce cas, le salarié et
l’employeur ne sont pas dispensés de cotiser au régime de sécurité sociale du
pays sur le territoire duquel le salarié est détaché.
◗ Les prestations offertes aux salariés détachés
Les salariés détachés à l’étranger conservent les prestations du régime de sécu-
rité sociale français.
En cas de détachement légal, les prestations de l’assurance maladie correspondant
à la prise en charge des frais de santé sont servies directement par l’institution
française sur la base des frais réels mais dans la limite des tarifs applicable en France.
Sous réserve des conventions, les prestations familiales ne sont servies que pour
les enfants résidant en France.
Les Français expatriés
En vertu du principe de territorialité, la personne expatriée ne peut plus pré-
tendre au bénéfice d’un des régimes nationaux de sécurité sociale (CSS,
art. L.111-2-2).
Sous réserve qu’il existe une organisation de la sécurité sociale, la personne expa-
triée est normalement affiliée au régime de sécurité sociale du pays d’accueil.
Tenue d’en acquitter les contributions, elle bénéficie de prestations dans les
conditions prévues, si elle existe, par la convention bilatérale de sécurité sociale
252 signée entre la France et l’État concerné.
◗ L’adhésion à la Caisse des Français de l’étranger
Afin de pallier les insuffisances de cet autre régime, et/ou l’absence de conven-
tion bilatérale, l’article L.762-1 du code de la sécurité sociale offre la faculté aux
expatriés d’adhérer aux assurances volontaires de la Caisse des Français de
l’étranger (CFE) contre :
– les risques de maladie et de maternité ;
– les risques d’invalidité, d’accidents du travail et de maladies professionnelles ;
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– le risque vieillesse (régime de base de sécurité sociale). Pour ce dernier, la
mission de la CFE se limite au recouvrement : les cotisations sociales recou-
vrées sont ensuite reversées à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)
qui porte les cotisations au compte individuel de l’assuré pour l’établissement
des droits à la retraite.
◗ Les autres formules possibles
La CFE est un organisme de sécurité sociale qui a pour particularité d’être en
concurrence avec d’autres acteurs (assureurs privés, cabinets de courtage) dans
le champ de la protection sociale des expatriés.
Afin d’accroître sa compétitivité, la CFE a fait l’objet d’une réforme en profondeur
par la loi du 24 décembre 2018. Outre une adaptation marginale de sa gouver-
nance, ce texte législatif consiste principalement à :
– améliorer son offre commerciale ;
– unifier le mode de calcul des cotisations des différentes catégories d’assurés

10. Aspects européens et internationaux 
volontaires ;
– supprimer la condition de nationalité pour l’adhésion aux assurances
volontaires.

253
Bibliographie sélective

Ouvrages généraux
Chauchard J.-P., Kerbourc’h J.-Y., Willmann C., Droit de la sécurité sociale, LGDJ,
9e éd., 2020.
Coursier Ph., Leçons de Droit de la protection sociale, Les trois colonnes, 2021.
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Coursier Ph., Travaux dirigés de Droit de la sécurité sociale, LexisNexis, 6e éd.,
2019.
Dupeyroux J.-J., Borgetto M., Lafore R., Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 19e éd.,
2019.
Kessler F., Droit de la protection sociale, Dalloz, 7e éd., 2020.
Morvan P., Droit de la protection sociale, LexisNexis, 10e éd., 2021.
Prétot X., Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 15e éd., 2020.

Ouvrages spécialisés
Badel M., Charbonneau A., Lerouge L., Droit de la santé au travail, Gualino, coll.
« Droit expert », 2019.
Borgetto M., Ginon A.-S., Guiomard F., Piveteau D., Travail et protection sociale :
de nouvelles articulations, LGDJ, 2017.
Bost B., La sécu à tout prix. Financer un modèle social pour tous, FYP Éditions,
2017.
Bras P.-L., Tabuteau D., Les assurances maladie, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2021.
Camiji L.-E., La personne dans la protection sociale, Dalloz, coll. « Nouvelle biblio-
thèque des thèses », 2008.
Damon J., Les politiques familiales, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2e éd., 2018.
Del Sol M., Hennion S., Lhernould J.-Ph., Droit social européen et international,
PUF, coll. « Thémis », 4e éd., 2021.
Ferras B., Planel M.-P., L’assurance maladie en question(s), Hygée Éditions, 2019.
Isidro L., L’étranger et la sécurité sociale, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des
thèses », 2017.
Palier B., Réformer les retraites, Les Presses de Science Po, 2021.
Prétot X., Les grands arrêts du droit de la sécurité sociale, Dalloz, 2e éd., 1998.
Ronet-Yague D., Cappellari A., L’essentiel du contentieux de la sécurité sociale,
Gualino, coll. « Les Carrés », 2019.
Tauran T., Les régimes spéciaux de sécurité sociale, PUF, coll. « Que sais-je ? »,
2000.

255
Bibliographie sélective

Encyclopédies
Il s’agit d’ouvrages volumineux, accessibles en version papier et en version numé-
rique, qui fournissent une présentation détaillée du droit de la sécurité sociale et
au-delà, du droit de l’aide et de l’action sociales, ainsi que de la protection sociale
complémentaire.
Couprie E. (dir.), Le Lamy Protection sociale, Wolters Kluwer, coll. « Lamy
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Expert », 2021. Cet ouvrage fait l’objet d’une réédition chaque année.
Lhernould J.-Ph. (dir.), Drouet C. (coord.), Jurisclasseur Protection sociale Traité,
LexisNexis. Créée par Pierre Laroque, cette encyclopédie en 4 volumes est
constituée de 200 fascicules ainsi que de fascicules de synthèses qui sont régu-
lièrement mis à jour.

Articles de revues
Souvent négligée de la part des étudiants et des candidats aux concours, la lecture
régulière des principales revues spécialisées dans le champ sanitaire et social
– Revue de droit sanitaire et social, Droit social, Regards EN3S (en accès libre à
partir du site web de l’École nationale supérieure de la sécurité sociale [EN3S]),
Informations sociales, Revue française des affaires sociales, Protection sociale
Informations, Espace social européen – est pourtant utile dans la préparation de
l’épreuve de sécurité sociale ou de protection sociale.
À titre indicatif, vous trouverez ci-après une liste d’articles de référence le plus sou-
vent récents, dont la lecture pourrait vous être profitable.

❚ Questions transversales
Arzel M., « Lutte contre la fraude, recours aux droits et citoyenneté », Regards
en3s, n° 58, 2021/1, p. 111-122.
Bonnand G., « Les évolutions de l’emploi et leurs conséquences sur la protection
sociale », Regards en3s, n° 55, 2019/1, p. 75-86.
Chauchard J.-P., « Les nécessaires mutations de l’État Procidence : du risque
social à l’émergence d’un droit-besoin? », Droit social, n° 2, 2012, p. 135-139.
Ginon A.-S., « Les transformations de la Sécurité sociale : question de droits ou
du droit ? », Revue de droit sanitaire et social, n° 02/ 2016, p. 80-89.
Isidro L., « L’universalité en droit de la protection sociale », Droit social,
n° 04/2018, p. 378-388.
Lafore R., « L’égalité en matière de sécurité sociale », Revue de droit sanitaire et
social, n° 03/ 2013, p. 379-391.
Ramon-Baldié P., « Les valeurs de la protection sociale : de quoi parle-t-on ? »,
Informations sociales, n° 2018/1-2, p. 12-15.
Supiot A., « La sécurité sociale entre transformisme et réformisme », Revue de
droit sanitaire et social, n° 02/ 2016, p. 5-10.
256
Bibliographie sélective
❚ Organisation et financement
Beaudoin C., « Le métier d’agent de direction à la sécurité sociale : entre singu-
larités et exigences communes pour tout dirigeant », Regards en3s, n° 54,
2019/1, p. 75-83.
Dervillers O., « La montée en puissance des URSSAF dans le recouvrement des
recettes publiques », Revue française de finances publiques, février 2020,
n° 149, p. 103-128.
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Dufour A.-C., « La poursuite assumée de la fiscalisation de la sécurité sociale »,
Revue de droit sanitaire et social, n° 06/2017, p. 983-992.
Ferras B., « Les évolutions du financement de la protection sociale française :
réforme ou contre-réforme, évolution ou révolution ? », Revue de droit sani-
taire et social, n° 05/2019, p. 897-913.
Garbar C., « Les directeurs des caisses locales et régionales du régime général :
des agents du troisième type », Droit social, n° 9-10, 1996, p. 803-807.
Le May R., Bonvalot C., Dubreuil M.-G., « Quelles particularités dans la gestion du
personnel à la Sécurité sociale ? », Regards en3s, n° 54, 2018/2, p. 195-211.
Nezosi G., « Quelle gouvernance de la sécurité sociale ? », Regards en3s, n° 52,
2017/2, p. 39-47.

❚ Couverture des risques sociaux


Assurance maladie
Badel M., « Liberté et système de santé », Revue de droit sanitaire et social,
n° 06/2005, p. 951-962.
Champetier de Ribes D., « Les enjeux de l’accès aux soins pour l’Assurance mala-
die et son réseau », Regards en3s, n° 53, 2018/02, p. 59-68.
Ginon A.-S., « La Couverture Complémentaire Santé Solidaire », Revue de droit
sanitaire et social, sept. 2020, p. 717-727.
Huteau G., « Vers quel pacte de responsabilité pour l’assuré social ? », Gazette
du Palais, n° 234-235, 22-23 août 2014, p. 21-27.
Huteau G., « Déclin ou renouveau des professions de santé dans l’élaboration de
la norme de protection sociale », Droit social, n° 2, février 2016, p. 121-125.
Quéric C., de Cadeville O., « Les enjeux et les clés de la coopération dans le champ
de la gestion du risque : l’expérience de la Bretagne, Regards en3s, n° 54,
2018/02, p. 141-148.
Lautmann A., Brouard C., « La gestion de l’Assurance maladie complémentaire »,
Regards en3s, n° 54, 2018/02, p. 179-187.

Assurance accident du travail


Asquinazi -Bailleux D., « Le Covid-19 au prisme de la législation des risques pro-
fessionnels », JCP/ La semaine juridique – sociale, n° 18, 5 mai 2020, p. 1-6.
Emane A., « La santé au travail sous l’angle de la protection et de la réparation
des risques professionnels – Evolution et perspectives », Revue française des
affaires sociales, 2008/2-3, p. 279-300. 257
Bibliographie sélective

Lafore R., « Le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles :


questions récurrentes et enjeux contemporains », Revue de droit sanitaire et
social, n° 04/2018, p. 577-590.

Assurance vieillesse
Marié R., « Enjeux et perspectives d’une retraite à points en France », Revue de
droit sanitaire et social, mai 2021, p. 401-405.
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Geraci M., « Confiance dans le système de retraite au regard des techniques et des
réformes en France et à l’étranger », Regards en3s, n° 58, 2021/1, p. 47-60.
Verkindt P.-Y., « Un chantier à hauts risques politiques : la réforme des retraites »,
Revue de droit sanitaire et social, n° 06/2017, p. 1028-1034.

Prestations familiales
Dauphin S., « La politique familiale et l’égalité femmes-hommes : les ambiguïtés
du « libre choix » en matière de conciliation vie familiale et vie profession-
nelle », Regards en3s, n° 50, 2016/2, p. 85-98.
Minonzio J., « Les spécificités des politiques familiales françaises », Revue de
droit sanitaire et social, n° 06/2013, p. 965-978.

Soutien à l’autonomie
Badel M., « L’autonomie comme charge et comme risque : fusion ou confu-
sion ? », Revue de droit sanitaire et social, n° 02/2021, p. 15-33.
Ferras B., « Cinquième risque, cinquième branche ? Vers une politique rénovée
de prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées ? », Regards
en3s, n° 57, 2020/1, p. 195-211.

Rapports
Il est également important de se tenir informé des thématiques et des contenus des
principaux rapports publiés par les institutions suivantes (accès direct à partir de
leur site internet) :
– Cour des comptes
– Inspection générale des affaires sociales
– Cour de cassation
– Conseil d’orientation des retraites
– Haut Conseil du financement de la protection sociale
– Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie
– Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
– Caisses nationales de sécurité sociale

258
Bibliographie sélective
Quelques sites web
La consultation de sites web peut vous fournir une aide dans la préparation d’un
examen ou d’un concours mais elle doit s’effectuer avec discernement. Sauf à s’ex-
poser au risque de tenir des propos inexacts, ponctués de formules du type « je l’ai
vu sur Internet », le candidat est invité à se reporter à des sites sérieux et fiables
comme ceux mentionnés ci-dessous. Pour éviter de vous perdre dans une informa-
tion foisonnante, et pour être en mesure de distinguer l’essentiel de l’accessoire, le
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mieux est de ne commencer à consulter ces sites qu’après avoir fait une première
acquisition des connaissances contenues dans ce livre.
www.ameli.fr
Site de la Caisse nationale d’assurance maladie, il donne accès en dehors
des informations pratiques, à divers rapports et études de l’assurance mala-
die : études statistiques sur la prise en charge des frais de santé, rapport
annuel sur les produits et les charges de l’assurance maladie, rapport annuel
de la CNAM, etc.
www.caf.fr
Site de la Caisse nationale des allocations familiales, il permet d’accéder
à ses publications à partir de l’onglet « Presse et institutionnel ». L’intérêt de
celles-ci (Informations sociales, e-essentiel, etc.) mérite un détour par ce site,
ne serait-ce que pour appréhender les sujets d’actualité dans le champ des
prestations familiales et de la politique de la famille.
www.cnsa.fr
Site de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie, il permet de
consulter une documentation fournie sur la prise en charge du handicap et
de la dépendance, et plus généralement sur la politique de soutien à l’auto-
nomie. Il donne accès aux publications de la CNSA et à de nombreuses
études.
www.cor.fr
Site du Conseil d’orientation des retraites, il dénote une préoccupation
pédagogique à travers la mise en ligne de fiches de synthèse mais le contenu
des études qu’il diffuse reste le plus souvent très technique.
www.solidarite.sante.gouv.fr
Site officiel du ministère des solidarités et de la santé, il comporte une
présentation des grandes orientations stratégiques et des plans d’action
dans les grands domaines de sa compétence dont celui de la sécurité sociale.
www.drees.fr
Site de la Direction de la recherche des études économiques et sociales
(DREES) du ministère des solidarités et de la santé, il est largement consacré 259
Bibliographie sélective

à la diffusion publique de ses publications, en particulier le périodique Études


et résultats auquel les candidats aux concours doivent se reporter en vue de
parfaire leur préparation.
www.en3s.fr
Site de l’École nationale supérieure de la sécurité sociale, il s’avère pré-
cieux pour les candidats au concours de l’En3s, mais aussi aux autres grands
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concours sanitaires et sociaux Il comporte notamment l’accès à des res-
sources documentaires et à des vidéos à caractère pédagogique.
www.securite-sociale.fr
Site d’information des institutions du service public de la sécurité sociale,
il comprend un ensemble de rubriques – actualités, chiffres-clés, lois de
financements et leurs annexes, conventions d’objectifs et de gestion, textes
internationaux et européens – ainsi que des liens vers d’autres sites comme
ceux des hauts conseils (Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie,
Haut conseil du financement de la protection sociale, Haut conseil de la
famille de l’enfance et de l’âge) et du Conseil d’orientation des retraites.

260
Conseils méthodologiques
pour l’épreuve de droit
de la sécurité sociale

Il existe d’autres types d’épreuves possibles en droit de la sécurité sociale


(cas pratique, commentaire d’arrêt) mais les épreuves des concours admi-
nistratifs font seulement mention de :
– la composition écrite ;
– l’exposé oral suivi de questions.
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La composition

L’épreuve de « composition de législation de sécurité sociale », également


intitulée dans une conception plus extensive « composition sur le système
français de protection sociale » ou « composition sur les grandes questions
de protection sociale » constitue l’une des principales épreuves des
concours administratifs du champ sanitaire et social (École nationale supé-
rieure de la sécurité sociale [EN3S], Inspecteur de l’action sanitaire et sociale,
Directeur d’hôpital, Directeur d’établissement social et médico-social,
Attaché d’administration hospitalière).
À travers elle, le jury s’efforce de déceler parmi les candidats ceux qui sont
les plus capables de mener une réflexion ordonnée sur le sujet proposé. Il
s’agit certes d’évaluer leurs connaissances de la sécurité sociale mais aussi
de jauger la façon dont elles sont mises en œuvre. Comme on le verra ci-après,
ce n’est pas une réponse à une question de cours, mais une dissertation qui est
attendue. De plus, le candidat doit dépasser une approche qui serait seulement
théorique, pour faire des liens avec l’actualité sanitaire et sociale (réformes
récentes ou à venir, rapport récemment publié, etc.), et ne pas hésiter à citer
quelques données chiffrées significatives à l’appui de ses développements.
Soulignons encore que ce type d’exercice sert également à apprécier si le
candidat, en tant que futur cadre ou dirigeant du service public, est capable
de prendre de la « distance », d’avoir une hauteur de vue vis-à-vis du sujet
sans se laisser déborder par son affectivité ou par des clichés. Il importe, en
effet, de ne verser ni dans le plaidoyer, ni dans le pamphlet. Il est attendu du
candidat un exposé objectif des divers aspects de la question à traiter et des
analyses auxquelles elle peut donner lieu dans les ouvrages, articles et rap-
ports qui lui sont consacrés.
Même lorsque l’intitulé de l’épreuve comporte le terme « législation », le
jury n’attend pas une dissertation juridique dans sa forme classique, telle que
pratiquée dans les facultés de Droit, mais une dissertation dans laquelle
le candidat sache situer les institutions et législations de sécurité sociale dans
le contexte plus global des politiques sociales et de santé. 263
Conseils méthodologiques

En trois ou plus souvent quatre heures, selon la durée prévue pour


l’épreuve, vous allez devoir composer une dissertation. Or, pour réussir ce
type d’exercice, vous devez savoir en quoi il consiste, et comment
construire et rédiger une dissertation qui soit conforme aux attentes des
correcteurs.

Savoir en quoi consiste une dissertation


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La composition finale doit comporter trois éléments : une introduction,
des développements et une conclusion. Pour une copie de huit pages (écri-
ture normale), l’introduction représente entre une à une page et demie ; si
l’on consacre cinq à quinze lignes à la conclusion, six à sept pages seront
consacrées aux développements.

❚ L’introduction
L’introduction est une partie décisive de la composition car elle révèle la
compréhension du sens et de la portée du sujet par le candidat. C’est à partir
du questionnement auquel elle invite que le candidat va mettre en évidence
la problématique du sujet, d’où va découler le plan de la dissertation.
Généralement, une introduction comporte plusieurs volets :

1) L’amorce du sujet et la définition des termes clés


En guise d’amorce d’introduction, la phrase d’accroche peut faire le lien
entre le sujet de la composition et l’actualité sanitaire et sociale, ou encore
se référer à une citation d’auteur ou de texte juridique (ex. : une loi récente,
un article significatif du code de la sécurité sociale) fournissant l’opportunité
d’entrer dans le sujet.
Puis il importe de donner une définition des termes clés du sujet, ce qui
permet d’en poser les limites et d’éviter de faire un hors sujet ou de ne traiter
qu’une partie du sujet. C’est à ce stade qu’il est possible d’indiquer si le sujet
est susceptible, au vu des définitions données, d’être traité dans une concep-
tion extensive ou restrictive. Le cas échéant, il convient de justifier pourquoi
vous faites le choix de laisser de côté certains aspects du sujet.

2) La présentation des enjeux et la mise en contexte du sujet


Quelques phrases suffisent, assorties d’une ou deux données chiffrées
significatives et récentes (pas plus d’un chiffre après la virgule), notamment
pour mettre en évidence les enjeux populationnels (quel est le nombre de
personnes concernées ?) ou financiers de la question à traiter (quelles sont
les masses financières en jeu ?), ses enjeux actuels et futurs, lesquels sont le
plus souvent indissociables du contexte social, sanitaire et économique.
264 Il s’agit de la sorte de souligner l’intérêt et l’importance du sujet proposé.
Conseils méthodologiques
Il est parfois nécessaire de replacer le sujet dans une perspective histo-
rique. C’est le cas s’il ne revêt sa pleine signification qu’à l’aune du rappel de
principes ou de réformes antérieures. Il est dès lors opportun de prendre en
compte cette dimension mais sans l’étayer de développements superflus.
Malgré tout, si les développements en la matière vous paraissent devoir être
conséquents, réfléchissez alors à la possibilité d’y consacrer la première sous-
partie de la première partie.
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3) L’énoncé de la problématique du sujet : le point central
La problématique, issue du questionnement du candidat, indique la façon
dont celui-ci envisage de traiter le sujet afin d’en faire une présentation
complète et de lui donner du sens. Il s’agit ainsi pour le composant d’éviter
de s’enfermer dans une approche descriptive ou statique du sujet : il doit
garder à l’esprit qu’une dissertation n’est pas une simple récitation de
connaissances.
Le meilleur moyen de soulever une problématique est de se poser la ques-
tion suivante : qu’est-ce qui peut intéresser le lecteur néophyte dans la
découverte de ce sujet ? Autrement dit, il faut se demander quelle question
générale pourrait conférer au sujet sa pleine signification, le rendre intelli-
gible pour le lecteur de votre copie, sans pour autant le dénaturer en l’abor-
dant sous un angle de vue réducteur.
Alors qu’elle est redoutée par la plupart des candidats, cette phase de
l’introduction est pourtant d’une aide précieuse pour eux : c’est la construc-
tion de la réponse à cette question générale, qu’ils ont eux-mêmes dégagée,
qui va constituer le fil conducteur de leur plan de dissertation. C’est pourquoi
il est fait mention de l’exigence d’un plan dynamique ou démonstratif, et
non pas descriptif ou statique, pour la dissertation.
Il arrive d’ailleurs que la tâche du candidat soit simplifiée, tout au moins
en apparence, lorsque le sujet de dissertation est formulé sous une forme
interrogative. Plutôt que de s’en tenir à une simple recopie des termes du
sujet, comme il pourrait être tenté de le faire, le composant doit s’attacher
à le rendre intelligible, tel qu’il pourrait le faire pour un lecteur ignorant la
thématique traitée, en veillant à expliquer en quoi la question libellée dans
le sujet mérite d’être posée.
S’agissant de la forme, l’énoncé de la problématique doit être rédigé et ne
doit pas se restreindre à une simple succession de phrases interrogatives.
Ce volet de l’introduction est l’aboutissement de toute la réflexion préli-
minaire qu’il faut conduire avant d’entamer la construction et la rédaction
de la composition.

265
Conseils méthodologiques

4) L’annonce du plan de la dissertation


Le plan se décompose en deux ou trois idées principales issues de la pro-
blématique, lesquelles constituent les titres des deux ou plus rarement des
trois parties du plan autour desquelles vont s’ordonner les développements.

Exemple : « Sécurité sociale et complexité »


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L’accroche d’introduction : il y a plusieurs entrées possibles : un fait d’actualité (ex. :
le non-recours aux droits sociaux lié à la complexité du système), une citation
d’auteur ou d’expert reconnu, une évocation des 3 000 pages du code de la sécu-
rité sociale, une formule de calcul d’une pension de retraite par répartition, etc.
La définition du mot-clé : la complexité désigne la « difficulté liée à la multiplicité
des éléments et de leurs relations » (Nouveau Petit Robert de la langue française).
Si elle est employée ici en complément de nom, l’expression sécurité sociale mérite
néanmoins d’être succinctement définie et son champ d’application, mentionné.
L’étendue des enjeux et l’intérêt du sujet : la lisibilité du système des prestations
comme gage de l’égal accès aux droits sociaux, le coût de gestion administrative lié
au morcellement des structures, et plus généralement la question de l’efficience de
la sécurité sociale.
Quelle problématique ? L’organisation de la sécurité sociale fait ressortir une com-
plexité intrinsèque, à partir du moment où elle est inhérente à l’élaboration et à
l’application du Plan français de 1945 (« atteindre les objectifs de Beveridge avec
les moyens de Bismarck »). Aussi la lutte contre la complexité de la sécurité
sociale s’avère-t-elle un défi extrêmement difficile à surmonter, sauf à remettre
complètement à plat l’ensemble du système de sécurité sociale. C’est pourquoi,
la recherche de simplification repose sans doute moins sur des réformes structu-
relles que sur des aménagements de son organisation et de son fonctionnement,
pour le rendre plus accessible et plus efficace aux usagers.
Annonce de plan : Même si elle semble incontournable (I), la complexité du sys-
tème de sécurité sociale mérite d’être surmontée(II).
I. Une complexité incontournable
A. L’institution à l’origine d’un système de sécurité sociale de nature hybride
– une conception de la sécurité sociale alliant le modèle bismarckien et le
modèle beveridgien
– une structuration institutionnelle autour d’organismes de droit privé en charge
d’une mission de service public, ceci sous un contrôle étroit de l’État
– le maintien d’une organisation de soins libérale à concilier avec la socialisation
de l’accès aux soins
B. La complexification croissante de la sécurité sociale sous l’effet des dévelop-
pements contemporains
– l’imbrication des prestations d’assistance aux prestations d’assurances sociales
266 – la superposition et l’enchevêtrement des sources et des circuits de financement

Conseils méthodologiques

– le ciblage de plus en plus marqué des prestations en vue d’adapter les droits
sociaux à la particularité des situations ; la mise sous conditions de ressources
de plus en plus de prestations
– le brouillage des frontières entre la couverture de base et la couverture
complémentaire
II. Une complexité à surmonter
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A. Les limites des réformes structurelles de la sécurité sociale pour répondre au
défi de la complexité
– l’harmonisation des différents régimes à défaut de pouvoir envisager une
unification organique dans un seul régime
– la simplification des dispositifs de prestations
– la coordination des régimes de sécurité sociale et la coordination des systèmes
nationaux dans le cadre européen
– l’exemple d’une réforme structurelle, source paradoxale de complexité :
l’échec du régime social des indépendants et de l’interlocuteur social unique
B. La volonté politique d’une simplification des relations fonctionnelles entre les
organismes de sécurité sociale et leurs usagers
– l’idée d’une internalisation de la complexité par les organismes de gestion
eux-mêmes (se reporter aux mesures relatives à la relation de service contenues
dans les COG, par ex., l’entretien global des CAF avec leurs allocataires)
– l’utilisation de techniques modernes : la carte Vitale, le tiers-payant…
– les opportunités offertes par l’essor du numérique…
Conclusion : la simplification de la sécurité sociale, un éternel chantier… lui-
même complexe parce qu’il ne peut guère être déconnecté de projets de simpli-
fication plus globaux, comme celui de la protection sociale envisagée dans son
ensemble, ou encore, celui de l’architecture des prélèvements obligatoires.

❚ Les développements
Ce sont des « blocs homogènes d’idées et de faits » qui développent,
comme leur nom l’indique, en deux ou trois parties, la démonstration de l’idée
générale. Chaque partie commence par un titre qui reprend une idée annoncée
à la fin de l’introduction que vous allez développer. Elle est assortie d’un para-
graphe « chapeau » qui annonce les sous-parties et précise leur articulation.
❚ La conclusion
La conclusion marque le point d’orgue du fil de la pensée. Elle a pour objet,
en quelques phrases, de :
– montrer au correcteur, par un rapide retour, que vous avez bien suivi
l’idée générale annoncée dans l’introduction, et qu’elle était la bonne ;
– élargir la réflexion vers d’autres sujets, en soulevant une question 267
« rebond » connexe mais distincte du sujet traité.
Conseils méthodologiques

Une fois la structure et le contenu de l’épreuve cernés, il faut se demander


comment s’y prendre pour construire la dissertation et quelles sont les pré-
conisations à respecter pour sa rédaction.

Savoir construire
et rédiger une composition
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Comme ils le déplorent régulièrement, les jurys d’examen et de
concours corrigent trop souvent des plans artificiels qui masquent mal les
lacunes de connaissances et surtout de réflexion des candidats. Or, le plan
révèle la capacité de construire une pensée ainsi que l’ordre et la méthode
du composant, tandis que le style permet d’apprécier la clarté et la précision
des idées et des connaissances émises. Aussi est-il important de savoir
comment faire pour éviter les défauts rapportés ci-dessus.

❚ L’assemblage des idées et des faits


Revenons au moment – le jour de l’épreuve – où vous prenez connaissance
du sujet (➦ voir Annales de la composition).

1) Cerner le champ du sujet


Commencez par bien lire l’énoncé et prenez le temps de la réflexion afin
d’éviter les contresens ou une approche trop partielle du sujet. Il importe de
réfléchir quelques minutes sur le sujet avant de vous lancer dans l’écriture
pour éviter « le hors sujet » et bien appréhender le ou les problèmes en
cause. Identifiez quels sont les mots-clés du sujet et faites l’effort de les
définir, même ceux qui vous semblent le plus familiers.

2) Mobiliser les connaissances


Il faut ensuite rassembler toutes les connaissances acquises sur ce
thème, à la fois au travers des cours et des ouvrages. Surgissent alors à
l’esprit des connaissances juridiques et extra-juridiques, des analyses, des
données chiffrées mais aussi des questions, qu’il faut noter sur le brouillon,
en style télégraphique pour ne pas perdre trop de temps. Peu à peu, votre
brouillon se remplit. Mais surtout, des liens apparaissent entre les éléments
que vous avez détectés et notés. Ils se hiérarchisent entre éléments
majeurs et d’autres qui sont secondaires, voire accessoires par rapport aux
premiers. Sans plus attendre commencez à structurer un projet de plan au
brouillon.

3) Élaborer un plan détaillé


Au cours de la première heure de l’épreuve, mais pas au-delà, le candidat
268 doit se réserver la possibilité de modifier sa première ébauche de plan s’il
Conseils méthodologiques
souhaite plus de rigueur et de clarté dans l’exposé de ses développements.
Il doit veiller tout particulièrement à l’équilibre des parties et, à l’intérieur
de chacune d’elles, des sous-parties.
Faut-il bâtir un plan en deux ou en trois parties ? Les candidats ont souvent
une interrogation sur ce fait qui n’est pas déterminant. Le plan doit découler
de votre « stock » de connaissances. S’il faut les regrouper en trois parties
ou en deux, peu importe si la démarche est logique. Lorsque trois parties
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s’imposent, il ne faut pas hésiter à y avoir recours. Simplement, au vu de la
pratique de ce type d’épreuve, le regroupement final des éléments utiles pour
traiter un sujet s’effectue en général plus facilement autour de deux grands
axes que trois.

Il vaut mieux regrouper les éléments autour d’idées, de jugements en


rapport direct avec le sujet à traiter, que de reproduire des schémas de
plan « passe-partout », adaptables à tous les thèmes (causes/consé-
quences ; avantages/inconvénients ; actions/réactions).

À cette étape de l’élaboration de votre dissertation vous devez d’ores et


déjà esquisser des transitions entre les parties ou sous-parties afin de mon-
trer que l’on passe d’un point à un autre par un lien déductif ou d’opposition.
Il s’agit ainsi d’assurer la continuité et la fluidité des développements de
votre dissertation et de mettre en lumière la progression du raisonnement.
Ces transitions peuvent être affinées dans la rédaction finale.
Vous devez éviter les transitions artificielles sans rapport avec le chemi-
nement de la pensée ou les transitions purement formelles du type « Après
avoir étudié… », « Passons maintenant… », lesquelles escamotent la diffi-
culté et laissent un vide dans la démonstration. Lorsqu’une idée intermé-
diaire manque, le lecteur éprouve une impression de décousu, qui rend
fastidieuse voire difficile la lecture de la composition.
À la fin du temps de réflexion préliminaire, vous devez avoir obtenu un
synopsis de plan détaillé, avec de grandes parties, des sous-parties et à
l’intérieur de chacune d’elles, un premier canevas d’éléments de réflexion et
de connaissances.

4) Rédiger
Il ne vous reste plus qu’à entreprendre la rédaction de la composition elle-
même, en apportant de la chair au squelette que vous venez de bâtir, à par-
tir des connaissances acquises en droit de la sécurité sociale.
Il est souvent opportun de faire référence à des citations d’auteurs d’ou-
vrages (autres que les manuels) ou d’articles, ce qui montre votre curiosité
d’esprit et un intérêt pour la matière. Pour autant, elles sont à mentionner 269
Conseils méthodologiques

de manière précise dans votre copie sans être déformées ou, plus grave
encore, dénaturées. Les citations « fictives » sont impérativement à pros-
crire. Par ailleurs, le composant doit veiller tout particulièrement à respecter
la hiérarchie des normes juridiques et à ne pas confondre, par exemple, lois,
ordonnances et décrets.
Rédigez directement sur la copie que vous remettrez ; il est impossible
compte tenu de la contrainte de temps de l’épreuve de préparer un brouillon
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que vous ne feriez que recopier ensuite.

❚ Veiller au style rédactionnel, à l’orthographe 
et à la grammaire
Les jurys des concours attirent régulièrement, et même de plus en plus
souvent, l’attention des candidats sur des erreurs de forme ou de fond à ne
pas commettre.

1) Le style rédactionnel
La composition de « législation de sécurité sociale » ou de « Questions de
sécurité sociale » ne supporte pas l’à-peu-près, signe presque infaillible d’un
manque de connaissances et de l’incertitude de la pensée. L’expression doit
être claire et rigoureuse. Il est souhaitable, en particulier, d’éviter les phrases
trop longues, ou vagues dans leur signification parce que difficiles à lire, ainsi
que les répétitions, les impropriétés et les approximations dans les termes
employés. Il faut s’exercer à ce polissage de la première rédaction, qui s’amé-
liore progressivement au fil des devoirs à effectuer, que ce soit à la faveur
d’une préparation collective ou individuelle.
Le « je » est à proscrire absolument, le « nous » et le « on » sont égale-
ment à éviter autant que possible. Le style impersonnel est toujours préfé-
rable dans la dissertation de législation de sécurité sociale.
En outre, la forme interrogative doit être employée avec précaution ; elle
est à éviter dans la formulation des titres de parties et sous-parties, hormis
le cas échéant dans une dernière sous-partie de la dissertation qui serait
consacrée à une approche prospective du sujet.

2) Les conventions relatives à l’écriture


Il convient d’éviter l’utilisation abusive des majuscules, mais sachez
que l’État, puissance publique, s’écrit avec une majuscule. Ainsi les adjectifs
indiquant la nationalité s’écrivent avec une minuscule mais les noms des
peuples prennent une majuscule (ex. : une composition française, les Français
sont divisés).
L’usage des abréviations et des sigles doit être contenu dans des limites
270 très étroites : il ne faut pas écrire une abréviation ou un sigle dans une
Conseils méthodologiques
dissertation sans avoir déjà indiqué auparavant dans ce même devoir l’ex-
pression correspondante en toutes lettres, par exemple :
– loi de financement de la sécurité sociale (LFSS)
– Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM)
De même, certaines conventions d’écriture doivent être respectées dans
l’emploi des chiffres : selon les cas, les nombres doivent être libellés en lettres
ou en chiffres. C’est ainsi qu’il faut écrire 200 000 bénéficiaires, ou encore,
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par exemple : deux observations ; trois mesures législatives ; de 11 à 16 ans ;
la loi du 13 août 2004 et non du 13.8.2004.
Il est également d’usage d’écrire le nombre désignant un siècle en lettres
ou en chiffres romains.

3) L’orthographe
Il faut veiller à l’orthographe. Essayez de relire votre copie afin d’éviter
au moins les fautes d’inattention. Les fautes d’orthographe produisent tou-
jours un très mauvais effet, en particulier dans l’introduction du devoir.
Quelques-unes sont très fréquentes ; en voici quelques exemples.
N’écrivez pas :
– en tous cas, mais en tout cas ;
– agréement, mais agrément ;
– criticable, mais critiquable ;
– bismarkien, mais bismarckien ;
– service publique, mais service public.
Les règles d’emploi et d’accord de « quel que », « quel », « quelque » ne
sont pas suffisamment connues ; il en est de même pour celles relatives à
l’adverbe « tout ».
Enfin, faites attention aux fautes d’étourderie, aux fautes grammaticales,
et principalement à celles portant sur l’accord des participes.
❚ Soigner la présentation de la copie
La copie doit être écrite lisiblement, les parties et les paragraphes nette-
ment détachés. Il est nécessaire que le correcteur ne soit pas arrêté par des
difficultés matérielles de lecture car une copie lue d’une manière hachée,
avec des interruptions, voire des erreurs, perd de l’intérêt et risque de ne pas
être jugée à sa juste valeur.
Il existe une contrainte tenant au fait que le plan de votre dissertation a
tout à gagner à être apparent, tout en s’accompagnant d’une phrase ou d’un
petit paragraphe « chapeau » juste en dessous de chacun des titres de par-
ties, pour annoncer les sous-titres et préciser leur articulation. Ce qui doit
vous conduire à donner à vos parties et sous-parties des titres concis et 271
significatifs de leurs contenus.
Conseils méthodologiques

Exemple de phrase ou paragraphe « chapeau » d’une première partie de


dissertation avec titre apparent :

I. Une protection universelle maladie caractérisée par une couverture incomplète


L’universalité de la couverture de l’assurance maladie, quant au champ des per-
sonnes protégées et des soins et biens médicaux pris en charge (A), ne saurait
occulter la persistance d’un « reste à charge » de frais de santé relativement élevé
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pour le bénéficiaire (B).

Les artifices de présentation divers comme les mots soulignés sont à ban-
nir dans une dissertation. De même, l’emploi des parenthèses doit être
réservé à la citation d’exemples, de données chiffrées, d’abréviations ou de
sigles. En revanche, il est nécessaire de marquer les principales divisions du
devoir (introduction, parties, conclusion) en ménageant des interlignes.
Évitez toutefois de tomber dans l’écueil consistant à égrener plusieurs
paragraphes de suite ne comportant qu’une seule phrase.

L’exposé oral

Il est attendu de la part des examinateurs de cette épreuve, au nombre de


deux dans les concours, un exposé dynamique, clair et concis, d’une durée
de 10 à 15 minutes (EN3S) voire 7 à 8 minutes (Directeur d’hôpital, Directeur
d’établissement social, sanitaire et médico-social, Attaché), à partir d’un
sujet tiré au sort et préparé pendant 15 minutes ou s’agissant de l’EN3S,
20 minutes (➦ voir Annales).
Ayez toujours présent à l’esprit au moment de la présentation de votre
exposé oral (sans l’appui d’un diaporama mais avec les notes rédigées au
cours du temps de préparation) que les examinateurs doivent pouvoir en
reconstituer le plan sur la feuille de papier blanc qu’ils ont placée devant eux.
Ayez toujours la préoccupation de ne pas leur faire perdre le fil conducteur
de votre exposé : le plan structuré et dynamique que vous aurez élaboré au
cours de la phase de préparation doit être « audible » par les examinateurs.
Aussi veillez à faire clairement mention des parties et sous-parties au cours
de votre exposé oral. C’est la règle d’or de ce genre d’épreuve.
Il s’agit aussi de répondre durant le reste de l’épreuve aux questions des
deux examinateurs qui seront destinées non seulement à tester vos connais-
sances mais aussi votre compréhension du sujet. Le cas échéant, quelques
questions pourront vous être posées sur des parties du programme étran-
gères au sujet de votre exposé.
272
Index

Allocation journalière de présence


A parentale 186-187, 189
Accès aux soins 109, 119-120 Allocation journalière du proche
Accident du travail 10, 12-13, 37, aidant (AJPA) 210
41-42, 47, 54, 68-69, 80, 131-135, Allocation personnalisée
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138-139, 143-144, 146, 149-151, d’autonomie 207, 209-210
209, 217-218, 224 Allocations familiales 182-183, 185,
ȃ accident de trajet 131, 134, 149 190
ȃ accident du travail (au sens Assujettissement 35, 46, 216
étroit) 10, 12-13, 37, 41, 47, Assurance décès 36, 143
131-135, 138-139, 143-144, 146, Assurance invalidité 36, 141
149-151 Assurance maladie 10, 13-14, 23-24,
ȃ faute inexcusable 143-148, 26-27, 36, 39-42, 47-48, 70, 73-74,
150-151, 216 76-78, 81, 88, 90, 99-102, 104-108,
ȃ faute intentionnelle 143-145 110-123, 125, 131, 137-141, 143-
ȃ indemnité journalière 140 144, 181, 216, 220-221, 223-224,
ȃ prise en charge des frais de 244-245, 249
santé 77, 109, 121 ȃ convention nationale 117
ȃ rente accident du travail 119, ȃ indemnité journalière 140
140-142, 144, 146-148, 224 ȃ prise en charge des frais de
ȃ tarification 42, 104, 113, 115- santé 77, 109, 121, 139, 244
116, 131, 216-219, 228 ȃ protection universelle maladie
Accident(s) du travail 54, 143, 209 26, 106
Action sanitaire et sociale 39, 41, Assurance veuvage 37, 42, 169
49-50 Assurance vieillesse 14, 23, 27, 37,
Affection de longue durée 119-120 42, 55, 70-71, 81, 86, 90, 142, 155-
Affiliation 10-11, 13, 24, 41, 44, 106, 158, 162, 164, 167, 169, 171, 181
139, 218, 244 ȃ pension de retraite 162, 167
Âge légal de la retraite 173, 175, ȃ professions libérales 24, 27,
178, 180 40-41, 59, 101-102, 104, 113-
Aide sociale 106, 183, 205 114, 156-158, 171
Aides au logement 44 ȃ régime général 24, 27, 36,
Allocataire (prestations familiales) 42-48, 51, 54, 58, 67-68, 70,
60 72-75, 82, 86, 89, 105, 156, 158,
Allocation de base v. Prestation 162, 164, 169, 172, 174
d'accueil du jeune enfant 185, ȃ régimes spéciaux 24, 27, 71-72,
187-189 156, 158, 164, 170, 178
Allocation de rentrée scolaire 182, ȃ salariés agricoles 13, 70-71, 156,
185-188 158
Allocation de solidarité aux Autonomie 211-213
personnes âgées 90, 167
Allocation de soutien familial 279
186-187, 189
Index

B Contribution sociale généralisée


Base mensuelle des allocations 44-45, 56, 80, 82-83, 88, 227
familiales 183 Coordination 112, 115, 120, 231,
Branche 43 238-241, 244-245, 247-248
ȃ des soins 115, 120
Cotation des actes 113
C Cotisations de sécurité sociale 83, 89
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Caisse nationale d'assurance ȃ assiette 44, 56, 83-86, 89-90,
vieillesse (CNAV) 42-43, 48, 156 93-94, 96, 215-216
Caisse nationale de l'assurance ȃ exonérations 72, 87, 89, 118
maladie (CNAM) 39-42, 47-48, 112 ȃ notion 7, 13, 25, 68, 83, 106,
Caisse nationale de solidarité et 132, 135, 144-145, 183
d’autonomie 43, 211 ȃ plafond 10, 13-14, 71, 76, 140,
Caisse primaire d’assurance maladie 142, 166-167, 169, 182
(CPAM) 41, 47-48, 138, 148, 215 ȃ précompte 91-92
Capital décès voir Assurance décès ȃ recouvrement 37, 44, 56, 63,
14, 143 90-92, 216
Capitalisation 159, 175, 179-180 ȃ sanctions 92
Chômage voir Indemnisation au ȃ taux 40, 56, 71, 77, 84, 86,
chômage 8, 18, 20, 25, 45, 83, 89, 89-90, 92, 94, 99, 117-118, 140,
155, 163, 171-172, 178, 231, 240, 162-164, 166, 171, 175, 177,
245 182, 185, 189, 195, 217, 222, 228
Commission de recours amiable
222-223
D
Commission des accidents du travail
42 Dépendance 204
Commission des droits
et de l’autonomie des personnes E
handicapées 209
Ecole nationale supérieure
Compensation 14-15, 22, 37, 68,
de la Sécurité sociale 45
70-71, 73, 181, 193-194, 199
Enfant à charge 183, 188
Complément de libre choix du mode
de garde voir Prestation d'accueil
du jeune enfant 186-189 F
Complément familial 182-183, Faute inexcusable voir Accident
185-188, 195 du travail 143-148, 150-151, 216
Complémentaire santé solidaire 41, Forfait hospitalier 119
107-108, 219 Franchise 120
Conjoint survivant 37, 142, 169
Contentieux 46, 60, 148, 215-224,
228 H
ȃ commission de recours amiable Handicap 204, 211
222-223 Handicapés 48, 186, 190
280 ȃ expertise 226, 228 ȃ allocation aux adultes
Contrat responsable 123 handicapés 44, 72, 240
Index
Haute Autorité de santé 121 P
Parcours de soins 120, 123
I Pension 14, 37, 71, 90, 119, 140, 142,
156, 159-160, 162-163, 165-167,
Institution de prévoyance voir
169-170, 177-180, 224
Protection sociale complémentaire
ȃ de réversion 27, 37, 167, 169
41
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Perte d’autonomie 203, 205-206
Invalidité 119
Plafond voir Cotisations de sécurité
sociale 10, 13-14, 71, 76, 140, 142,
L 166-167, 169, 182
Loi de financement de la �écurité Prestation d'accueil du jeune enfant
sociale 26, 55, 70, 73-78, 84, 93, 186, 188
106, 150, 156, 182 Prestation de compensation
du handicap (PCH) 209-210
Prévention 17, 39, 41-42, 63, 110-
M
113, 116, 123, 160
Majorations de retard voir Professionnels de santé 115, 124
Cotisations de sécurité sociale 92, Protection sociale 122
227 ȃ complémentaire 29
Maladie professionnelle 37, 41, 68, Protection universelle maladie 70
131, 135-139, 143-144, 146, 148,
150, 160, 217
Q
ȃ définition 83, 132, 143-144, 148
ȃ réparation 12, 42, 131, 136, Qualité des soins 116
143-151
Médecin traitant 120, 123 R
Médicaments 118, 123
Rapports d’évaluation des politiques
Minimum vieillesse 26, 167
de sécurité sociale 76
Mutualité 7, 10, 13, 22, 40, 47, 51, Régime général 22-24, 70, 74, 79
222 Régime social des indépendants 156
ȃ sociale agricole 13, 22, 40, 51, Régimes spéciaux 22, 24, 27, 71-72,
222 156, 158, 164, 170, 178
Répartition 47, 56, 155-157, 159,
N 162, 164-165, 170, 173, 175, 177,
Nomenclature générale des actes 179-180
professionnels 113 Retraite v. Assurance vieillesse 27,
37, 42, 54, 89, 155-157, 159-160,
162-166, 170-175, 177-180, 228
O Revenu de solidarité active 44,
Objectif national des dépenses 189-190
281
d'assurance maladie 76-78, 102 Risque social 4
Index

S U
Santé 110, 113, 115, 118, 121-124 Union de recouvrement
des cotisations de sécurité sociale
et d’allocations familiales
T (URSSAF) 44, 93
Taux d’incapacité 140-142, 146, 217, Union des caisses nationales
224 de sécurité sociale 45
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Taux plein 160, 167, 173, 180 Union nationale des caisses
Ticket modérateur 117-121, 123 d'assurance maladie 39-40, 45, 47,
56, 59, 78, 102-103, 114-115,
117-118

282
Liste des sigles et abréviations

AAH Allocation aux adultes handicapés


ACOSS  Agence centrale des organismes de sécurité sociale
AGIRC  Association générale des institutions de retraites des cadres
AGGIR  Autonomie, gérontologie, groupe iso-ressources
ALD Affection de longue durée
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APA Allocation personnalisée d’autonomie
ARRCO  Association des régimes de retraites complémentaires
ARS Agence régionale de santé
ASI Allocation supplémentaire d’invalidité
BMAF Base mensuelle des allocations familiales
ASPA Allocation de solidarité aux personnes âgées
AT-MP Accident du travail-Maladie professionnelle
C. civ.  Code civil
CADES Caisse d’amortissement de la dette sociale
CARSAT Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail
CASF Code de l’action sociale et des familles
CAF Caisse d’allocations familiales
CSA Contribution de solidarité pour l’autonomie
Cass. ass. plén.  Assemblée plénière de la Cour de cassation
Cass. ch. réunies Chambres réunies de la Cour de cassation
Cass., 2e civ.  Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation
CDAPH Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
C2S  Complémentaire santé solidaire
CE Conseil d’État
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
CGSS  Caisse générale de sécurité sociale
Circ.  Circulaire
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CMRA Commission médicale de recours amiable
CNAF Caisse nationale des allocations familiales
CNAM Caisse nationale de l’assurance maladie
CNAV Caisse nationale de l’assurance vieillesse
CNITAAT Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des
accidents du travail
CNSA Caisse nationale de solidarité et d’autonomie
Cons. const.  Conseil constitutionnel
COG  Convention d’objectifs et de gestion
COJ  Code de l’organisation judiciaire
COR  Conseil d’orientation des retraites
CPAM Caisse primaire d’assurance maladie
CPG  Contrat pluriannuel de gestion
261
CPSTI Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants
Liste des sigles et abréviations

CRA Commission de recours amiable


CRDS Contribution au remboursement de la dette sociale
CSBM Consommation de soins et biens médicaux
CSG  Contribution sociale généralisée
CSP Code de la santé publique
CSS Code de la sécurité sociale
DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
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DSS Direction de la sécurité sociale
EHPAD Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
EN3S  École nationale supérieure de la sécurité sociale
FIVA Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
FSV Fonds de solidarité vieillesse
GIR  Groupe iso-ressources (niveau de dépendance)
HAS Haute autorité de santé
IGAS  Inspection générale des affaires sociales
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques
LFSS Loi de financement de la sécurité sociale
LO  Loi organique
M€ Million d’euros
Md€  Milliard d’euros
MSA Mutualité sociale agricole
MNC Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale
MOC  Méthode ouverte de coordination
ONDAM  Objectif national des dépenses d’assurance maladie
PAJE Prestation au jeune enfant
PCH Prestation de compensation du handicap
PUMA Protection universelle maladie
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
RSA Revenu de solidarité active
SAM Salaire annuel moyen
SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance
TASS Tribunal des affaires de sécurité sociale
TCI Tribunal du contentieux de l’incapacité
TFUE Traité de fonctionnement de l’Union européenne
TGI  Tribunal de grande instance
UCANSS Union des caisses nationales de sécurité sociale
UE Union européenne
UNAF Union nationale des associations familiales
UNCAM Union nationale des caisses d’assurance maladie
UNEDIC Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et Ie
commerce
URSSAF Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allo-
cations familiales
262
Annales

Composition écrite : sélection de sujet


EN3S : sélection d’annales (épreuve de 4 heures)
2021 L’articulation entre politique sociale et politique de santé en France
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2020 Actualité et avenir de la sécurité sociale des travailleurs indépendants
en France
2019 Protection sociale et précarité
2018 Doit-on réarticuler assurance maladie obligatoire et assurance maladie
complémentaire ?
2017  Réformes des régimes de retraite en France : quel bilan et quelles pers-
pectives à moyen terme ?
2016  Faut-il unifier les régimes de sécurité sociale en France ?
2015  Sécurité sociale en France et lutte contre les inégalités : quel bilan ?
2014  L’entreprise et la protection sociale
2013  Faut-il redéployer les dépenses de la protection sociale française ?
2012 Protection sociale et équité intergénérationnelle
2011 Faut-il asseoir un financement indépendant de la Protection sociale ?
2010  La protection sociale doit-elle avoir comme finalité d’aider certains
ou d’aider tout le monde ?
2009  Le modèle social français protège-t-il les individus contre les effets d’une
crise économique ?
2008  Minima sociaux et incitation au travail
2007  Une durée d’assurance préalable est-elle toujours justifiée pour l’ouver-
ture des droits aux prestations sociales ?
2006  Comment garantir la pérennité des systèmes de retraite en France ?
2005  Une politique de financement de la sécurité sociale peut-elle être juste
et efficace ?
2004  La prise en charge des risques professionnels
2003  Égalité de droits, unité de gestion de la sécurité sociale
2002  La sécurité sociale, premier acteur de la lutte contre l’exclusion
2001  Le revenu minimal universel
2000  La place du jeune dans la protection sociale
1999  Complexité et protection sociale
1998  Sécurité sociale et conditions de ressources
1997  Le système français de sécurité sociale entre étatisation et privatisation ?
1996  Les prestations sociales permettent-elles de lutter efficacement
contre l’exclusion ? 273
Annales

1995  Faut-il simplifier le système français de protection sociale ?


1994  Une politique familiale peut-elle être efficace ?
1993  Faut-il repenser le financement de la protection sociale ?
1992  La dépendance et la protection sociale
1991  L’équité vous paraît-elle convenablement assurée pour notre système de
protection sociale ?
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1990  La sécurité sociale doit-elle être obligatoire dans la France d’aujourd’hui ?

Directeur d’hôpital : sélection d’annales 
(épreuve de 4 heures)
L’épreuve est commune au droit de la sécurité sociale et au droit de l’aide sociale
2021 Grand âge et autonomie : situation et perspectives de la 5e branche de
sécurité sociale
2020 La gestion de l’urgence à l’hôpital et en ville
2019  La politique familiale favorise-t-elle l’égalité femmes-hommes ?
2018  L’avenir du financement de la sécurité sociale
2017 Situation et avenir de la protection sociale des non-salariés
2016  La protection sociale complémentaire : spécificité et enjeux (12 points)
Actualité et perspectives du Revenu de solidarité active (RSA) (8 points)
(sujet d’aide sociale)
2015 Objectif national des dépenses d’assurance maladie : enjeux et perspec-
tives (8 points) Permanence des soins : enjeux et perspectives (8 points)
L’aide sociale à l’enfance : spécificité et enjeux (4 points) (sujet d’aide sociale)
2014  Les leviers de la maîtrise des dépenses de sécurité sociale (7 points) Enjeux
et place de l’assurance maladie dans le système de santé (6 points)
Pauvreté et inclusion sociale : enjeux et objectifs (6 points)
2013  La pérennisation d’un système d’assurance maladie solidaire : enjeux
et perspectives (8 points) La fonction redistributive des prestations fami-
liales(6 points) Le droit à l’accès au logement (6 points) (sujet d’aide sociale)
2012  La gouvernance des organismes du régime général (7 points) L’évolution
des relations de la médecine libérale avec l’assurance maladie (7 points)
Le financement de la prise en charge de la dépendance en France :
état des lieux et perspectives. (6 points)
2011 La réforme des retraites de 2010 (6 points) Les mesures de lutte contre
les déficits de la sécurité sociale (7 points) La répartition des compétences
en matière d’aide sociale (7 points) (sujet d’aide sociale)
2010  Comment assurer la pérennité du système de retraites ? (7 points) La mise
en œuvre du RSA : avancées et limites (7 points) Le rôle du conseil géné-
ral en matière de protection de l’enfance (6 points)
2009  Le mode de financement de la sécurité sociale est-il encore pertinent ?
274 (7 points) Sécurité sociale et emploi des seniors (7 points) L’aide médicale
d’État (6 points) (sujet d’aide sociale)
Annales
2008  Quelle légitimité pour l’assurance maladie vis-à-vis de l’hôpital ? (6 points)
Faut-il revoir les sources de financement de la sécurité sociale ? (7 points) La
réforme de l’aide sociale est-elle nécessaire ? (7 points) (sujet d’aide sociale)
200710 Sur quels critères apprécier la performance d’un système de sécurité
sociale ? (7 points) Le recul de l’âge de la retraite est-il inévitable ?
(7 points) L’aide sociale est-elle juste ? (6 points) (sujet d’aide sociale)
2007 Les relations financières entre l’État et la sécurité sociale (7 points)
11
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Sécurité sociale et mobilité au sein de l’Union européenne. (7 points)
La création d’un « cinquième risque de sécurité sociale » serait-elle mieux
adaptée à la prise en charge de la perte d’autonomie ? (6 points)
2006  Financement de la sécurité sociale et emploi (8 points) La responsabilité
des acteurs de santé (7 points) L’aide sociale en direction des personnes
âgées (5 points) (sujet d’aide sociale)
2005  La question de la gouvernance dans le régime général des travailleurs
salariés (7 points) Pauvreté-précarité : les réponses de l’État et des dépar-
tements (7 points) (sujet d’aide sociale) La réforme des retraites (6 points)

Directeur d’établissement sanitaire, social 
et médico-social (D3S) : sélection d’annales
(épreuve de 4 heures)
– L’épreuve est commune au droit de la sécurité sociale et au droit de l’aide
sociale.
– Concours organisé pour la première fois en 2008.
2021 Offre de soins et maîtrise des dépenses de santé
2020 La sécurité sociale est-elle adaptée aux travailleurs non -salariés ?
2019  Quelle place pour la protection sociale complémentaire obligatoire et
facultative ?
2018  Faut-il investir dans la prévention en matière de santé ?
2017 La politique de lutte contre la fraude est-elle efficace ?
2016  Équité et assurance vieillesse
2015  La prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées est-elle
satisfaisante ?
2014  Enfance et prestations de sécurité sociale et d’aide sociale
2013  Sécurité sociale et conditions de ressources
2012  Comment garantir la soutenabilité financière de l’assurance maladie ?
2011  Sécurité sociale et performance
2010  Le rôle des partenaires sociaux dans la gestion de la sécurité sociale

10. Session de remplacement de la session initiale ayant fait l’objet d’une annulation. 275
11. Session initiale.
Annales

2009  Le système de protection sociale français est-il protecteur face à la crise ?


2008  L’évolution récente de la branche maladie, entre assurance et solidarité.

Directeur d’établissement social et médico-social


Concours organisé pour la première fois en 1996, pour la dernière fois en 2007
2007  L’évolution des relations entre l’assurance maladie obligatoire et les orga-
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nismes d’assurance maladie complémentaire
2006  La réforme des retraites telle qu’elle ressort de la loi du 21 août 2003
2005  Les enjeux de la réforme de l’assurance maladie (loi du 13 août 2004)
2004  L’évolution du financement de la sécurité sociale ces dernières années
2003  La place de la mutualité dans la protection sociale
2002  Les personnes âgées et la sécurité sociale
2001  Sécurité sociale et politique familiale
2000  La protection sociale des plus démunis
1999  Organisation financière de la sécurité sociale : équilibre financier et
recherche de recettes nouvelles
1998  Quels sont les défis majeurs qui se posent aux régimes de retraite ?
1997  Le financement du système français de sécurité sociale
1996  La crise condamne-t-elle le modèle français de sécurité sociale ?

Attaché d’administration hospitalière : sélection d’annales


(épreuve de 3 heures)
– L’épreuve est commune au droit de la sécurité sociale et au droit de l’aide
sociale
2021 La fiscalisation des ressources de la sécurité sociale
2020 Le reste à charge zéro
2019 La responsabilité des patients (assurés sociaux)
2018 La politique sociale du vieillissement en France (sujet d’aide sociale)
2017 La généralisation du tiers-payant
2016  La politique familiale française
2015 Assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire
2014  Le système français de prévention et de réparation des risques liés au tra-
vail doit-il évoluer ?
2013 La prise en charge de la dépendance en France : bilan et perspectives
2012  L’assurance maladie permet-elle d’assurer l’égalité face à la santé ?
2011  L’aide médicale État (sujet d’aide sociale)
2010  La protection sociale : évolution du rôle des mutuelles
276 2009  La place de l’impôt dans le financement de la sécurité sociale
Annales
2008  Le nouveau régime de la protection juridique des majeurs
2007  De quels outils dispose l’assurance maladie pour maîtriser ses dépenses ?
2006  Le système de protection sociale est-il encore adapté aux évolutions de la
société ?

Épreuve d’oral de droit de la sécurité sociale


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Sujets des concours EN3S, directeur d’hôpital, directeur d’établissement sani-
taire, social et médico-social, attaché d’administration hospitalière
La prise en charge des différentes formes de handicap par la sécurité sociale
La sécurité sociale et le vieillissement de la population
Les prestations familiales d’entretien
Fiscalité et sécurité sociale
Droits propres et droits dérivés dans la législation de sécurité sociale
La médecine libérale face à la sécurité sociale
Les prestations non contributives au sein de la sécurité sociale
La CSG et les taxes affectées
Les personnes protégées par la sécurité sociale
La réforme des retraites est-elle achevée ?
Les grandes étapes de l’évolution de la sécurité sociale en France
La généralisation et l’harmonisation de la sécurité sociale
La répartition des pouvoirs au sein du régime général
Les revenus et les retraites des personnes âgées
Droit de la responsabilité et législation relative aux accidents du travail
Le ticket modérateur
Le risque de perte d’autonomie
Le financement de la branche des accidents du travail
Le contrôle de l’État sur les organismes de sécurité sociale
La faute dans le droit des accidents du travail et des maladies professionnelles
Les prestations en espèces de l’assurance maladie
L’organisation financière de la sécurité sociale
Les conventions médicales
Les difficultés financières actuelles de la sécurité sociale
L’architecture des régimes de retraites
L’assurance maternité
Le contentieux de la sécurité sociale
Sécurité sociale et égalité d’accès aux soins
Les sources du droit de la sécurité sociale
277
Annales

Le rôle de la sécurité sociale dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion


Les conventions d’objectifs et de gestion entre l’État et les Caisses nationales de
sécurité sociale
La maladie professionnelle
Sécurité sociale et Service public
L’action sanitaire et sociale des organismes de sécurité sociale
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La maîtrise des dépenses d’assurance maladie
La sécurité sociale et l’enfant
Les lois de financement de la sécurité sociale
L’assiette et le recouvrement des cotisations du régime général
Le parcours de soins coordonné et le médecin traitant
La gouvernance de l’assurance maladie
La responsabilisation des assurés sociaux
La tutelle de l’État sur les organismes de sécurité sociale
Le juge et le droit de la sécurité sociale
La sécurité sociale des indépendants
Les pensions d’invalidité et les rentes d’accident du travail
La réforme du financement de la sécurité sociale
Retraite par répartition et retraite par capitalisation
La complémentaire santé solidaire (C2S)
Qu’est-ce que la notion de sécurité sociale ?
L’objectif national des dépenses d’assurance maladie
La prise en charge des affections de longue durée
La compensation du handicap
Le rôle de l’assurance maladie dans la prévention sanitaire
L’Union nationale des caisses d’assurance maladie
La coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale
Le contrôle médical de l’assurance maladie
La prise en charge des honoraires médicaux
Les régimes spéciaux de la sécurité sociale
Les prestations de sécurité sociale sous conditions de ressources
L’aide des CAF à la garde des jeunes enfants
Sécurité sociale et démographie
L’indemnisation forfaitaire des risques professionnels
Le reste à charge du patient-assuré social
Les objectifs du Plan français de sécurité sociale sont-ils atteints ?
278 La CNSA et la cinquième branche de la sécurité sociale
Figures, tableaux et encadrés

LES ENCADRÉS
Encadré 1. Les Rapports d’évaluation des politiques
de sécurité sociale (REPSS)................................................................................. 76
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Encadré 2. La dette sociale après la crise de la Covid-19 ...................................... 81
Encadré 3. L’effectivité du droit l’accès aux soins
des personnes défavorisées ............................................................................ 109
Encadré 4. Prestations de l’assurance maladie
et crise sanitaire ......................................................................................................... 111
Encadré 5. Les autres formes de rémunération des médecins .................... 115
Encadré 6. Le problème du reste à charge ..................................................................... 122
Encadré 7. La prise en charge des risques psycho-sociaux .............................. 137
Encadré 8. Formule de calcul d’une pension dans un régime
par répartition en annuités ............................................................................... 163
Encadré 9. Formule simplifiée de calcul d’une pension
dans un régime par répartition en points ............................................ 165
Encadré 10. Les prestations familiales (au 1er avril 2021) ..................................... 187
Encadré 11. La politique des familles ..................................................................................... 193
Encadré 12. La classification de Gosta Esping-Andersen..................................... 231
Encadré 13. Sources du droit social européen ............................................................... 234
Encadré 14. L’incidence du Brexit .............................................................................................. 239
Encadré 15. Le détachement de salarié ............................................................................... 241

LES FIGURES
Figure 1. Organisation du régime général de la sécurité sociale
(au 1er janvier 2021)......................................................................................................... 38
Figure 2. La chaîne des responsabilités dans l’organisation
de la sécurité sociale ....................................................................................................... 62
Figure 3. Soldes du régime général et de ses branches .......................................... 69

283
Figures, tableaux et encadrés

Figure 4. Répartition des recettes du régime général en 2020


par catégorie de recettes ........................................................................................... 82
Figure 5. La relation triangulaire entre l’assuré social-patient,
les professions et établissements de santé, les caisses
d’assurance maladie .................................................................................................... 100
Figure 6. Le parcours protégé par l’accident de trajet .......................................... 134
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Figure 7. Décomposition du revenu initial au revenu disponible ................ 196
Figure 8. Tableau des dépenses et des recettes de la branche
Autonomie ........................................................................................................................... 212
Figure 9. L’organisation juridictionnelle du contentieux
de la sécurité sociale .................................................................................................... 220

LES TABLEAUX
Tableau 1. Panorama général du système de protection sociale ................. 33
Tableau 2. Composition des conseils d’administration et des conseils
dans les organismes du régime général .................................................. 48
Tableau 3. Tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes de la loi
de financement pour l’année 2021 (en milliard d’€) ..................... 75
Tableau 4. Taux de cotisations du régime général
(au 1er janvier 2021) .................................................................................................... 86
Tableau 5. Les conditions d’ouverture de droits aux indemnités
journalières ..................................................................................................................... 129
Tableau 6. Exemple de tableau de maladie professionnelle.......................... 136
Tableau 7. Le système français des retraites ............................................................... 158
Tableau 8. Conditions d’ouverture des droits à pension .................................... 161
Tableau 9. Montant mensuel maximal du plan d’aide de l’APA
en fonction du classement GIR (au 1er janvier 2021) ................. 208

284
Table des matières

Introduction............................................................................................................................................ 3
Chapitre 1. Origines et principes........................................................................................ 7
1 - Les formes de protection antérieures à la sécurité sociale..................... 7
2 - L’institution et le développement de la sécurité sociale ........................... 16
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Annexe 1. Les compléments à la sécurité sociale .................................................. 30
Chapitre 2. Institutions et gouvernance .................................................................... 35
1 - Les organismes de gestion de la sécurité sociale ............................................ 35
2 - Les rapports entre l’État et la sécurité sociale ................................................... 54
Chapitre 3. Comptes sociaux et financement....................................................... 67
1 - Le cadre comptable et financier de la sécurité sociale ............................... 67
2 - L’évolution de la structure des ressources ............................................................. 81
Annexe 2. La tarification et la prévention de l’assurance accident
du travail ..................................................................................................................................................... 97
Chapitre 4. Assurance maladie et accès aux soins ........................................... 99
1 - Les caractères fondamentaux de l’assurance maladie............................... 99
2 - La prise en charge des dépenses de soins et biens médicaux .............. 109
Annexe 3. Les prestations en espèces de l’assurance maladie .................. 127
Chapitre 5. Assurance accident du travail et maladie 
professionnelle .................................................................................................................................... 131
1 - La réparation forfaitaire du dommage corporel .............................................. 131
2 - L’extension du droit à réparation complémentaire ....................................... 143
Annexe 4. L’invalidité et le handicap dans la législation
de sécurité sociale .............................................................................................................................. 152
Chapitre 6. Assurance vieillesse et régimes de retraite .............................. 155
1 - La structure à étages des régimes de retraite .................................................... 155
2 - Le mouvement de réforme des régimes de retraite..................................... 170
Chapitre 7. Prestations familiales et politique des familles ................... 181
1 - Le système des prestations familiales ...................................................................... 181
2 - L’impact des prestations familiales ............................................................................. 193
Chapitre 8. Soutien à l’autonomie et cinquième branche ........................ 203
1 - De la logique d’aide sociale à celle de sécurité sociale ............................... 203
2 - La cinquième branche, au service d’une politique de l’autonomie...... 211

285
Table des matières

Chapitre 9. Organisation juridictionnelle et contentieuse ...................... 215


1 - L’unification des structures juridictionnelles ...................................................... 215
2 - L’unification des procédures contentieuses ........................................................ 221
Chapitre 10. Aspects européens et internationaux ........................................ 231
1 - Le défaut d’harmonisation des systèmes nationaux ................................... 231
2 - La réalisation de la coordination des systèmes nationaux ..................... 238
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3 - L’impulsion de convergences entre les politiques sociales
nationales................................................................................................................................................... 245
Annexe 5. La sécurité sociale des Français à l’étranger .................................... 252
Bibliographie sélective ................................................................................................................ 255
Ouvrages généraux ........................................................................................................................... 255
Ouvrages spécialisés ........................................................................................................................ 255
Encyclopédies ........................................................................................................................................ 256
Articles de revues ................................................................................................................................ 256
Rapports ...................................................................................................................................................... 258
Quelques sites web............................................................................................................................ 259
Liste des sigles et abréviations............................................................................................ 261
Conseils méthodologiques pour l’épreuve de droit
de la sécurité sociale ...................................................................................................................... 263
Annales........................................................................................................................................................ 273
Index .............................................................................................................................................................. 279
Figures, tableaux et encadrés .............................................................................................. 283
Table des matières ........................................................................................................................... 285

286
Dans la même collection

L'épreuve de santé publique (2021)


J. Raimondeau (coord.), J. Adjali, D. Brochard, G. Huteau – 4e édition

Le droit hospitalier (2021)


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C. Keller (dir.), M.-L. Moquet-Anger, P. Villeneuve – 2e édition

Les métiers d’attaché d’administration hospitalière (2020)


L. Lacour (dir.)
J.-P. Hurtaud, C. Allemand, H. Heinry

Le droit des établissements et services médico-sociaux (2020)


I. Arnal-Capdevielle

Les ados et l'alcool. Comprendre et agir (2019)


G. Benech

Le droit de la sécurité sociale (2019)


G. Huteau

L'usager et le monde hospitalier (2018)


X. Bonnet, F. Ponchon – 7e édition

Les coopérations en santé (2017)


B. Gallet
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Conception : Presses de l’EHESP
Réalisation : STDI, Lassay-les-Châteaux
Achevé d’imprimer en septembre 2021
Sepec numérique à Péronnas
N° d’impression : N10715210901
Imprimé en France

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