Vous êtes sur la page 1sur 4

AJ contrat

AJ contrat 2017 p.66

Le contrat de management hôtelier : un contrat de plus en plus innovant et sophistiqué

Florence Defradas, Avocat à la Cour, Associée au sein du Cabinet LPA-CGR

La pratique du contrat de management hôtelier, contrat aux termes duquel le propriétaire des murs et du fonds de
commerce d'un hôtel confère un mandat exclusif à un opérateur hôtelier afin de gérer son hôtel en son nom et pour son
compte, est désormais un mode courant d'exploitation hôtelière en France (1).

La typologie des investisseurs hôteliers a également évolué ces dernières années : le marché de l'investissement hôtelier
a vu, en effet, l'arrivée de nouveaux acteurs (investisseurs purement immobiliers, investisseurs institutionnels, etc.), qui
avaient manifesté, jusqu'à présent, une certaine frilosité à l'égard de ce mode d'exploitation, compte tenu des risques
liés à l'exploitation de l'hôtel encourus par son propriétaire. Le contrat de management hôtelier est un mode
d'exploitation qui permet, en effet, à ces investisseurs non seulement de valoriser leur patrimoine immobilier, mais
également de bénéficier de la valeur du fonds de commerce hôtelier.

Sous la houlette de ces nouveaux acteurs de l'investissement hôtelier, propriétaires d'actifs prestigieux pour des
grandes enseignes hôtelières désireuses de s'implanter ou de développer leur portefeuille, le rapport de force entre
propriétaires et opérateurs s'est donc rééquilibré. On a pu également constater une sophistication, voire une
innovation, de certaines clauses du contrat de management hôtelier lors des appels d'offre lancés par les investisseurs,
soucieux d'assurer une rentabilité efficace de leurs investissements.

Il convient toutefois de rester vigilant et de s'assurer que cette évolution des clauses contractuelles du contrat de
management hôtelier ne vienne pas dénaturer l'essence même du contrat de mandat ainsi conféré à l'opérateur hôtelier
par le propriétaire de l'hôtel.

1.Une participation financière de l'opérateur hôtelier aux travaux de rénovation ou d'embellissement de l'hôtel
conformément aux standards de l'opérateur
Les travaux de rénovation ou d'embellissement en vue de la mise en conformité de l'hôtel aux standards de l'opérateur
engendrent des coûts souvent importants pour les propriétaires, qui ont, dans le cadre d'un contrat de management
hôtelier, l'obligation de livrer un hôtel conforme aux standards techniques et opérationnels de l'opérateur. C'est la
raison pour laquelle les propriétaires imposent de plus en plus souvent aux opérateurs, comme l'une des conditions de
leur partenariat, de participer financièrement aux travaux de construction ou de rénovation de l'hôtel, plus
communément identifiée sous l'appellation de « key money ».

Cette clause est toutefois âprement négociée entre propriétaires et opérateurs, l'opérateur ayant pour objectif de
conditionner cette participation financière à l'absence de résiliation du contrat de management. En d'autres termes, le
montant de cette participation financière est amorti sur la durée du contrat de management hôtelier. En cas de
résiliation anticipée du contrat de management pour manquement du propriétaire à ses obligations contractuelles, la
part non amortie de cette participation financière devra être remboursée par le propriétaire à l'opérateur. À l'inverse,
cette participation financière restera acquise au propriétaire en cas de résiliation anticipée du contrat de management
imputable à l'opérateur.

2.Un paiement de la redevance de performance de l'opérateur hôtelier conditionné à la réalisation d'un bénéfice
d'exploitation déterminé
L'ensemble des contrats de management hôtelier prévoit le paiement par le propriétaire à l'opérateur d'une redevance
de performance assise sur le bénéfice d'exploitation, à savoir le chiffre d'affaires généré par la location de chambres
d'hôtel et l'ensemble des revenus ou produits de quelque nature que ce soit résultant de l'exploitation de l'hôtel
(restauration, boissons, minibars, événementiel, spa, etc.), diminué des frais d'exploitation (en ce compris l'honoraire de
gestion versé à l'opérateur).

Par le passé, il était usuel que la redevance de performance par le propriétaire à l'opérateur soit versée
concomitamment à la redevance de gestion sur la base du budget annuel approuvé pour l'exercice concerné,
décorrélant ainsi le paiement de cette redevance de performance des objectifs attendus du bénéfice d'exploitation de
l'hôtel. En outre, en cas de trop-perçu au titre de la redevance de performance, il n'était pas rare de voir, dans certains
contrats de management, la possibilité de déduire ce trop-perçu des redevances de performance devant être versées les
années suivantes jusqu'à épuration dudit « déficit ».

Compte tenu de l'importance des investissements réalisés dans le cadre de la construction d'un hôtel, notamment afin
de répondre aux exigences des standards de l'opérateur, certains propriétaires entendent obtenir chaque année un
retour sur investissement leur permettant de couvrir non seulement les investissements réalisés, les besoins futurs de
l'établissement hôtelier (paiement du service de la dette, loyer le cas échéant, besoin en fonds de roulement,
abondement de la réserve dite des « Furnitures, Fixtures & Equipment »), mais également les taux de rendement
attendus des investisseurs participant au projet.

Certains propriétaires imposent donc que la redevance de performance ne soit versée à l'opérateur qu'à la condition
que les seuils du bénéfice d'exploitation prévus au contrat de management soient atteints. Cette clause étant
difficilement acceptable pour les opérateurs, un compromis possible serait donc de différer dans le temps le paiement
de la redevance de performance jusqu'à la réalisation des objectifs prévus au contrat, en ce compris un rattrapage de la
redevance de performance non perçue en cas de surperformance de l'opérateur dans la réalisation des objectifs
attendus.

3.Une garantie de revenus assurés au propriétaire par l'opérateur hôtelier


Certains propriétaires tentent également d'imposer, en sus du mécanisme décrit ci-dessus, que l'opérateur garantisse
(dans la limite d'un plafond et d'une durée à définir) les seuils du bénéfice d'exploitation, qui auront été déterminés
d'un commun accord par les parties dans le contrat de management. En d'autres termes, si l'un des seuils prévu au
contrat de management n'est pas atteint, l'opérateur versera la différence entre le bénéfice d'exploitation réalisé au
cours de l'exercice comptable concerné et le seuil correspondant. Une telle garantie de revenus est fréquemment
assortie d'une contre-garantie bancaire.

Il pourra être également prévu que le propriétaire ait la possibilité de résilier le contrat de management si le plafond de
la garantie est atteint du fait de l'ensemble des paiements effectués par l'opérateur.

Les montants ainsi versés par l'opérateur au propriétaire restent dans la plupart des cas définitivement acquis au
propriétaire. Néanmoins, rien n'interdit que le contrat de management puisse prévoir un remboursement des sommes
ainsi versées en cas de surperformance de l'opérateur.

En revanche, il est peu vraisemblable qu'un opérateur accepte de consentir à la fois une clause de garantie de revenus
avec possibilité de résiliation, l'insertion d'une clause de performance avec également possibilité de résiliation du
contrat et/ou un paiement de sa redevance de performance différé dans le temps.

L'équilibre devra donc être trouvé entre ces différentes options permettant toutes d'assurer une rentabilité de
l'investissement, il est vrai, à des degrés divers.

4.Un opérateur hôtelier, employeur unique du personnel de l'hôtel


Les investisseurs institutionnels cherchent désormais à capturer la valeur du fonds de commerce en sus de la
valorisation de leur actif immobilier, tout en minimisant le risque d'exploitation et, plus particulièrement, le risque lié
aux salariés. Sont donc apparues dans certains contrats de management proposés par des investisseurs institutionnels
des clauses aux termes desquelles l'opérateur (et non le propriétaire) est l'employeur unique du personnel de l'hôtel,
permettant ainsi à l'opérateur d'exercer l'ensemble des droits et des prérogatives attachés à la qualité d'employeur et,
par conséquent, prenant à sa charge le risque « salariés ». En contrepartie, le propriétaire s'engage à rembourser
l'ensemble des coûts de recrutement, de rémunération, de licenciement, etc. Si cette solution peut paraître séduisante
dans son principe, elle est en réalité complexe à mettre en oeuvre d'un point de vue opérationnel, notamment
concernant la détermination de l'ensemble de coûts salariaux pour un exercice comptable donné afin de s'assurer que
l'opérateur ne supporte pas indirectement certains coûts. La mise en place d'une telle mécanique ne doit pas non plus
avoir pour effet de créer des situations de prêt de main-d'oeuvre illicite et/ou de délit de marchandage, pénalement
sanctionnées. Une situation de prêt de main-d'oeuvre illicite sera caractérisée si l'opération a un but lucratif et a pour
objet exclusif la mise à disposition de salariés (2). Il y aura délit de marchandage si cette mise à disposition de salariés
dans le cadre du contrat de management leur porte préjudice (3).

Afin de minimiser les risques à cet égard, et si tel est le souhait du propriétaire et de l'opérateur de mettre en place ce
genre de mécanisme, il conviendra de prendre un certain nombre de précautions afin de s'assurer notamment de la
spécificité et du savoir-faire de l'opérateur, de la mise en place d'un mode de rémunération adéquat entre le
propriétaire et l'opérateur, du lien de subordination des salariés à l'égard de l'opérateur et d'une non-immixtion du
propriétaire dans la gestion du personnel et, enfin, que l'opérateur dispose des moyens nécessaires à l'exécution de sa
mission. Autant de points qu'il conviendra d'étudier avec attention dans le schéma contractuel qui sera arrêté entre le
propriétaire de l'hôtel et l'opérateur.

Enfin, se pose également la question du sort des salariés lors de l'expiration ou de la résiliation anticipée du contrat de
management. Dans l'esprit des propriétaires, les salariés sont transférés automatiquement au nouvel opérateur en
application de l'article L. 1224-1 du code du travail, mais pour autant que l'ensemble des conditions d'un tel transfert
soit réuni. En l'absence de satisfaction des conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'opérateur devra alors
supporter les coûts liés au reclassement ou au licenciement desdits salariés.

Avec un tel mécanisme, nous nous éloignons significativement de la notion du mandat de l'article 1984 du code civil
selon laquelle l'opérateur agit simplement, au nom et pour le compte du propriétaire, et sous son contrôle.

Il est vrai que ces clauses par lesquelles l'opérateur est l'employeur unique des salariés de l'hôtel restent marginales,
compte tenu des conséquences financières qui y sont attachées, et qu'un opérateur n'acceptera de prendre un tel
risque que pour autant que l'emplacement de l'hôtel soit prestigieux et que le groupe de l'opérateur ait aussi la capacité
d'absorber le risque financier lié à un tel montage.

***
Les relations entre opérateurs et propriétaires s'étant rééquilibrées, les clauses des contrats de management se sont
naturellement sophistiquées. Il conviendra de rester toutefois vigilant sur la nature du contrat conclu afin que la
notion de mandat ne soit pas complètement dénaturée par l'inventivité des parties en présence.

Mots clés :
CONTRATS PARTICULIERS * Contrat de management hôtelier * Travaux de rénovation ou d'embellissement *
Redevance de performance * Garantie de revenus * Employeur

(1) La cour d'appel de Paris a jugé, à la suite du tribunal de commerce de Paris, que le contrat qui liait une enseigne
hôtelière au propriétaire de l'hôtel est bien un contrat de mandat et non un contrat de prestations de services,
qualification qu'avait défendue l'enseigne en première instance. C'est la première fois qu'un tribunal a reconnu la
qualité de mandat à un contrat de management hôtelier en droit français. V. T. com. Paris, 5 juill. 2012,
n° 2011/42557, confirmé par Paris, 10 août 2012, n° 12/12993, JT n° 147/2012, p. 11, obs. X. D.

(2) C. trav., art. L. 8241-1 s.

(3) C. trav., art. L. 8231-1 s.

Copyright 2023 - Dalloz – Tous droits réservés

Vous aimerez peut-être aussi