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Structure du capital
et choix managériaux
Analyses théorique et empirique
à l’interface de la comptabilité,
de la finance et de l’entrepreneuriat
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2
A ma famille
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Remerciements
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Introduction
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d’opportunités de création et de développement de
PME. La France, qui a assuré la présidence de l’Union
européenne entre juillet et décembre 2008, a proposé
une série d’initiatives spécifiques pour compléter la
législation existante. Plusieurs de ces initiatives
françaises concernent directement ou indirectement
l’accès au financement.
La question du financement est vitale parce qu’elle
conditionne la pérennité d’exploitation des
entreprises. Elle touche directement la structure du
capital. Les dirigeants ont besoin de ressources
financières pour financer leurs projets
d’investissement. Souvent, notamment lorsque ces
projets sont importants et les moyens internes
insuffisants, ils sont amenés à faire appel aux deux
grandes familles de structure du capital, à savoir le
financement par capitaux propres (augmentation du
capital) ou par endettement. Les dirigeants ont donc à
opter pour un choix entre l’une ou l’autre de ces deux
sources de financement. Ensuite, une fois ce choix
fait, ils ont également à opérer d’autres choix dans la
gestion de leurs relations avec les pourvoyeurs de
fonds, qu’ils soient actionnaires ou créanciers. Ces
choix managériaux sont sensibles dans la mesure où
ils affectent les intérêts de chaque partie et, par la
même, la valeur de l’entreprise.
Dans cette perspective, ce travail a pour objectif de
présenter l’évolution et les apports de nos recherches,
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tant sur le plan théorique qu’empirique. Il vise à
étudier les liens entre la structure du capital et les
choix managériaux. En effet, en s’inscrivant in fine à
l’interface de la comptabilité, de la finance et de
l’entrepreneuriat, ce travail étudie, d’abord, le lien
entre la structure de propriété et les choix
managériaux et, ensuite, le lien entre la structure
d’endettement et ces mêmes choix managériaux.
Pour ce faire, nous articulons ce travail en deux
chapitres.
Le premier chapitre comporte trois sections. Il
s’inscrit dans le domaine comptable et financier. Nous
proposons de mobiliser un cadre d’agence « élargi » et
« renouvelé » pour étudier la relation actionnaires /
dirigeants d’entreprise. Ce cadre nous permet, tout
d’abord, de comprendre les déterminants des choix
comptables et financiers des dirigeants d’entreprise. Il
nous offre, ensuite, la possibilité d’appréhender, à
travers cette relation, l’influence que peuvent avoir les
actionnaires influents, en particulier les investisseurs
institutionnels sur les choix managériaux en matière
de structure de propriété.
Le deuxième chapitre comporte également trois
sections. Il évolue du domaine comptable et financier
vers celui de l’entrepreneuriat. Nous proposons un
cadre théorique « dynamique » alliant la théorie du
ratio d’endettement optimal à la théorie du
financement hiérarchisé pour étudier la relation
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créanciers / dirigeants d’entreprise. Ce
rapprochement académique entre comptabilité,
finance et entrepreneuriat et ce déploiement d’un
cadre théorique dynamique nous permettent
d’analyser la structure d’endettement des entreprises,
en les différenciant en fonction de la taille et en se
focalisant particulièrement sur les spécificités des
PME.
Notons, enfin, que pour ces deux chapitres, nous
commençons à chaque fois par présenter le socle
théorique. Ce socle sert de base à nos réflexions et
analyses empiriques. En même temps, nous exposons,
au fur et à mesure, les apports de nos différentes
recherches. A la fin de ce travail, nous résumons
l’ensemble de ces développements et apports dans un
tableau de synthèse.
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Chapitre I
La structure de propriete
et les choix manageriaux
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peut se manifester par les pratiques de « gestion des
résultats ».
Dans une deuxième section, nous étudions la
montée des investisseurs institutionnels, notamment
aux Etats-Unis et en France. Ces investisseurs sont
devenus des acteurs majeurs détenant des fractions de
plus en plus importantes de capitaux des sociétés de
leurs portefeuilles. Nous essayons dès lors de
présenter ces investisseurs et de relater concrètement
les modalités de leur montée en puissance.
Dans une troisième et dernière section, nous
analysons les répercussions théoriques et empiriques
de la montée en puissance de ces investisseurs sur le
lien entre structure de propriété et choix
managériaux. Plus précisément, nous tentons
d’examiner l’impact de la présence de ces
investisseurs dans le capital des sociétés de leurs
portefeuilles sur, à la fois, les relations d’agence et le
contrôle de la discrétion managériale. Cela devrait
nous permettre d’appréhender, en particulier, leurs
effets sur les choix managériaux.
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SECTION I.
LA RELATION D’AGENCE « INVESTISSEURS /
DIRIGEANTS D’ENTREPRISE »
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le rôle des choix comptables et financiers dans les
relations d’agence (1) et dans l’environnement
politique de l’entreprise (2).
1
La théorie d’agence peut être scindée en deux branches : la
branche positive et la branche normative (Jensen, 1983). La
théorie positive d’agence peut s’illustrer à travers les travaux de
Jensen et Meckling (1976). La théorie normative d’agence se
propose, quant à elle, d’analyser le partage optimal du risque
entre les agents et les caractéristiques des contrats optimaux.
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gestion prises par les dirigeants. Les contrats liant les
différentes parties sont censés fixer les « règles du
jeu » des rapports bilatéraux. Or, ces contrats sont
inévitablement incomplets par ce qu’ils sont
incapables de prévoir, à leur constitution, tous les cas
de figure. Les dirigeants peuvent, par conséquent,
profiter d’un avantage informationnel lié à leur
connaissance de l’activité réelle de l’entreprise pour
privilégier leurs propres objectifs. On parle alors de
divergence d’intérêts. Cette divergence peut
s’expliquer par la conception retenue du
comportement humain. Dans cette perspective,
l’individu est considéré comme ingénieux, évaluateur
et maximisateur2 (Jensen et Meckling, 1994). Il
2
Il s’agit du modèle REMM (Resourceful, Evaluative, Maximizing
Model) qui semble reposer sur quatre postulats majeurs :
– les individus se préoccupent et évaluent correctement tout ce
qui est source d’utilité ;
– les individus sont insatiables ;
– les individus sont toujours animés par le souci de
maximisation de leur fonction d’utilité ;
– les individus sont créatifs et savent s’adapter à toutes les
situations.
Il est à noter que cette réflexion a été enrichie par Jensen et
Meckling (1994) en lui rajoutant un deuxième modèle : PAM
(Pain Avoidance Model) qui tient compte de deux aspects
supplémentaires :
– les individus peuvent également adopter des comportements
irrationnels et nuisibles à leurs intérêts sous l’effet de la peur ;
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cherche avant tout à maximiser ses gains espérés. Il
s’agit là d’une maximisation considérée comme
opportuniste parce qu’elle se fait au détriment des
autres parties contractantes. Cette situation crée des
problèmes d’agence. Selon Arrow (1995), ces
problèmes d’agence sont essentiellement liés à deux
phénomènes majeurs. Le premier phénomène, appelé
« sélection adverse », se réalise quand un contractant
dissimule sa situation réelle au moment de
l’établissement du contrat. Le deuxième, qualifié de
« risque moral », se produit lorsqu’un des
contractants essaye d’abuser les autres parties au
cours de la réalisation du contrat. De ces conflits
d’intérêts vont naître des coûts d’agence (coûts de
surveillance et de contrôle, etc.).
Ce cadre d’analyse est intéressant pour ce travail. Il
donne un intérêt particulier à la production
d’information relative aux choix comptables et
financiers des dirigeants. La production d’une telle
information permet de contrôler les relations
contractuelles et de réduire les coûts d’agence associés
aux conflits d’intérêts. Ainsi, la consultation de cette
information fournit aux actionnaires et créanciers un
moyen de vérifier que les choix effectués par les
dirigeants sont conformes à leurs intérêts. C’est à ce
niveau que se manifeste la dimension contractuelle de
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l’information comptable et financière (Dumontier et
Raffournier, 1989). Cette dimension traite
particulièrement les relations qui existent entre les
actionnaires et les dirigeants d’un côté, et entre les
dirigeants-actionnaires (considérés comme agent
unique) et les créanciers, de l’autre3.
Jensen et Meckling (1976) considèrent que le
dirigeant qui ne contrôle pas la majorité des actions
de son entreprise, a plutôt intérêt à consommer une
partie de sa richesse sous forme de satisfactions
personnelles. Il peut, par exemple, s’attribuer des
avantages en nature de façon excessive. Les coûts
engendrés dans ce cas-là sont supportés par
l’entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des actionnaires.
Par contre, ils ne profitent qu’au dirigeant. En
d’autres termes, le dirigeant est le seul gagnant, car il
voit sa richesse s’accroître au détriment de celle des
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Considérer les conflits d’intérêts au sein de l’entreprise comme
la résultante des relations actionnaires-dirigeants et dirigeants-
créanciers facilite certainement l’étude des rapports contractuels,
mais relève tout de même d’une grille de lecture assez réduite des
relations d’agence. En effet, Freeman (1984), Hill et Jones (1992)
et Charreaux (1999) ont évoqué ce point et envisagé une
extension de cette formalisation théorique. Cette extension tient
compte d’autres relations de coopération internes ou externes à
l’entreprise et potentiellement génératrices de conflits d’intérêts.
Il s’agit, à titre d’exemple, des relations avec les salariés, les
clients, les fournisseurs, les autres organisations ou encore l’Etat.
On parle, dans ce cas, d’une théorie d’agence élargie ou théorie
des parties prenantes (Stakeholder Theory).
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actionnaires. Les mécanismes susceptibles de limiter
cette attitude opportuniste sont multiples. Il s’agit de
mesures aussi bien de contrôle que d’incitation. Pour
ces mesures, l’information comptable et financière
joue un rôle important.
La théorie d’agence a mis également en évidence les
conflits d’intérêts entre les dirigeants et les créanciers.
Pour isoler et bien spécifier le problème, les dirigeants
sont supposés agir dans l’intérêt des actionnaires. Les
conflits dans ce cas résultent de certaines actions
entreprises par les dirigeants pour provoquer un
transfert de richesses en leur faveur. En d’autres
termes, les créanciers courent le risque de voir une part
de la valeur de l’entreprise qui devrait normalement
leur revenir, consommer par les dirigeants. Ce risque
peut, notamment, prendre la forme de politiques
d’investissement sous optimales, de choix de
financement très risqués pour les créanciers ou de
distributions élevées de dividendes. Afin de limiter le
pouvoir décisionnel des dirigeants et protéger les
intérêts des créanciers, il est possible de prévoir des
clauses restrictives dans les contrats de prêts4. Un
4
En matière de contrats de prêts, les clauses restrictives (Debt
covenants) ne sont pas d’usage fréquent en Europe continentale et,
notamment, en France. Néanmoins, cela ne veut pas dire
forcément que les dirigeants dans ce type de contexte échappent à
toutes contraintes implicites de financement (Jeanjean, 1999). En
effet, « les garanties personnelles et réelles prévues par le droit civil
et commercial (en France) réduisent les opportunités de transfert
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certain nombre de ces clauses peut faire appel aux
chiffres comptables et aux ratios financiers. La
transgression de ces limites peut pousser les créanciers
à demander le remboursement immédiat de la dette ou
la renégociation des termes du contrat. Pour Watts et
Zimmerman (1986), les clauses restrictives favorisent le
respect de certains indicateurs de performance,
notamment comptables et financiers. Elles participent
donc à la valorisation des cours boursiers et à
l’augmentation de la valeur de l’entreprise.
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