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LES LUXATIONS DE L’EPAULE : GENERALITES,

DIAGNOSTIC ET TRAITEMENTS

I. GENERALITES

1.1. Définition& historique : La luxation de l'épaule est un


déboitement et une perte de congruence entre les deux surfaces
articulaires de l’épaule que sont la convexité de la tête humérale d’une
part et d’autre part, la concavité de la glène de l'omoplate.

Fig.1 : montrant un déboitement de la tête humérale de la cavité


glénoïdienne (en plein) comparé à l’emboitement normal ( en pointillé)

Mais il s’agit du point de vue clinique, d’un complexe de 3 pathologies


distinctes non seulement dans leur vécu par les malades, mais aussi, par
leur prise en charge par les médecins ; les 3 entités étant : la luxation
aigue de l’épaule (LAE), la luxation récidivante de l’épaule (LRE) et
l’instabilité chronique de l’épaule (ICE). Le diagnostic des 3 entités a
été historiquement facilité et clarifié par 3 progrès déterminants de
l’Imagerie médicale que furent : la découverte de rayons X par
Roentgen en 1895, l’invention du scanner par Hounsfield en 1972, et
en fin celle de l’IRM par Lauterbur & Mansfield en 1980 ; toutes
innovations qui furent récompensées par les prix Nobel de Médecine &
Physiologie respectifs de 1901, 1979 et 2003. Ces progrès ont non
seulement permis une description claire et sans équivoque de la luxation
elle-même ainsi que de la lésion anatomique fondamentale par Bankart,
mais aussi, l’élaboration de toutes les procédures chirurgicales de
réparation des formes chroniques dont les plus célèbres restent à ce jour,
celle de Bankart lui-même, celle de Putti-plat ou celle de Latarget. Mais
avant de continuer la leçon, nous allons définir chacune des 3 entités ci-
dessus qui n’ont en commun, que la perte de la congruence ci-dessus
définie.

1.1.1 La LAE qui sera notre forme de description est aussi l’entité la
plus fréquente ; est un déboitement de la tête humérale de la concavité
de la glène de l’omoplate de façon brutale et inaugurale par un
mécanisme descriptible dans le cadre d’un traumatisme violent.
1.1.2. La LRE quant à elle est la 1ère ou la 2ème récidive d’une LAE
souvent à la faveur d’un traumatisme de moindre énergie. La moindre
intensité du traumatisme qui la provoque laisse présager des autres
récidivent qui vont suivre et aussi de la gravité des lésions anatomiques
provoquées par le traumatisme initial et dont la solution définitive ne
sera que chirurgicale.
1.1.3. L’ICE se définit comme un déboitement plus ou moins complet,
et inconfortable ou douloureux, des 2 surfaces articulaires de l’épaule
en rapport avec des mouvements extrêmes d’un sport ou d’une activité
particulière comme la danse ou la gymnastique.

1.2 Etiopathogénie : Que le cadre soit celui d’un AVP, d’un accident
de sport ou du travail, on retrouve typiquement du moins pour la forme
fondamentale que constitue la LAE, 4 mécanismes de survenus à savoir :
1.2.1. Une chute sur la paume de la main en rotation externe, avec le
membre en extension complète du coude et rétropulsion,
1.2.2 Une chute sur la paume de la main avec une abduction rotation
externe forcée
1.2.3. Une traction sur le membre en abduction rotation externe.
1.2.4. Un choc direct sur le moignon de l'épaule.
En tout état de cause, La LAE est surtout l’apanage de l’adulte jeune ;
en effet, l’enfant sous effet des mêmes mécanismes, fera le plus souvent une
fracture décollement épiphysaire de l’humérus proximale, cependant que la
personne âgée fera plutôt une fracture du col anatomique ou chirurgicale de
l’humérus.
1.3. Anatomie pathologie : L’anatomie pathologie rend compte des formes
topographiques des LAE ; mais aussi des lésions découlant du mécanisme et de
la violence ; elle se résume en lésions capsuloligamentaires, lésion osseuse, et
en fin, en lésion associées toutes choses responsables de l’évolution vers la
chronicité.
1.3.1. Les formes topographiques des luxations aiguent de l’épaule : Il
s’agit ici, des formes découlant toutes d’une combinaison du mécanisme et du
cadre du traumatisme ; les plus classiques sont au nombre de trois à savoir :
i. Les luxations aiguent antérointernes de l’épaule dans
laquelle, le déboitement de la tête humérale se fait en
direction antérieur et inférieur de la glène et du corps. Elles
sont ensuite dites extra coracoïdiennes, sous coracoïdiennes,
ou sous claviculaires selon la tête humérale est logée en
dehors, sous ou en dedans de l’apophyse coracoïde.
ii. Les luxations aigues postérieurs de l’épaules dans lesquelles,
le déboitement de la tête humérale de fait en direction
postérieure de la glène et du corps ; elle est presque
’exclusivement l’apanage de la crise épileptique de type
grand mal qu’il faut savoir confirmer à l’anamnèse.
iii. Les luxations Erecta ou inférieurs, beaucoup plus rares, voir
exceptionnelles, au cours de laquelle le déboitement de la tête
humérale se fait dans le creux de l’aisselle, le membre
supérieur restant bloqué en antépulsion de 180 degrés.

1.3.2 Les lésions capsuloligamentaires des LAE: La lésion habituelle est la


désinsertion du bourrelet glénoïdien au niveau du pôle antéroinférieur de la glène
en même temps que le ligament gléno-huméral inférieur : c'est la lésion de
Bankart, qui, lorsqu'elle est plus importante correspond au décollement capsulo-
périosté de Broca et Hartmann. Dans certains cas, le bourrelet reste inséré sur la
glène et c'est le ligament gléno-huméral inférieur qui est déchiré. C’est ça non
cicatrisation optimale qui est la cause du passage vers la LRE !
1.3.3. Les lésions osseuses ; habituellement elles surviennent soit au niveau
du rebord antéro-inférieur de la glène, soit sur tête humérale sous forme d'une
encoche au pôle supérieur et postérieur du trochiter par contact appuyé de la tête
humérale contre le rebord antéro-inférieur de la glène, au moment de la luxation.
On peut aussi observer des fractures du trochiter, de l’apophyse coracoïde, ou
même du col de l’humérus.
1.3.4. Les lésions des tissus mous : Bien qu’elles ne soient pas fréquentes,
il faut s’avoir les rechercher ; ce sont notamment les lésions vasculo-nerveuses :
le nerf circonflexe, l’artère axillaire, le plexus brachial complet ou incomplet.
Chez les sujets de plus de 40 ans, il n'est pas rare de retrouver une rupture associée
de la coiffe des rotateurs ; il s'agit d'une rupture qui survient sur une coiffe
dégénérative qui a perdu une partie de son "élasticité
On peut donc conclure pour une redéfinition des luxations de l’épaule qui dépasse
le simple déboitement de surfaces articulaires, et qui inclue les lésions multiples
ci-dessus, lesquelles sont responsables - à défaut d’un traitement adéquat, ou en
raison de leur gravité - du passage à la chronicité elle-même en définitive
d’indication chirurgicale absolue. La seule façon d’en épargner nos malades est
d’en maitriser les signes conduisant au diagnostic.

II.DIAGNOSTIC
Les signes qui conduisent au diagnostic des luxations de l’épaule sont
fondamentalement anamnestiques, physiques et radiologiques, mais ils ne
doivent être recherchés que chez un malade chez qui les douleurs ont été au
moins calmées par des antalgiques puissants par voie parentérale et la réduction
sous neuroleptanalgésie.
2.1. Les signes anamnestiques ou fonctionnels : dans la forme de
description qui est la luxation aigue antérointerne de l’épaule – en raison de son
extrême fréquence – on retrouve à l’anamnèse :
i. La notion de traumatisme, plus souvent de sport, avec la
description typique du mécanisme de la chute au sol, sur la
face palmaire de la main homolatérale en rotation externe
forcée, le bras en extension complète du coude et abduction
ou rétropulsion du bras.
ii. La notion de douleur sévère, de 8 à dix sur l’échelle
analogique.
iii. La notion d’impotence fonctionnelle totale, le malade étant
incapable d’effectuer le moindre autre mouvement.
L’anamnèse se boucle bien sûr par la revue des systèmes et les antécédents
médico-chirurgicaux personnels et familiaux.

2.2. Les signes physiques : ils relèvent pour la plus part, de l’inspection
discrète faite pendant toute la phase d’accueil essentiellement consacrée à
calmer la douleur par des antalgiques puissants par voie parentérale et la
réduction sous neuroleptanalgésie. On se souvient alors :
i. De l’attitude de Desault ; dans laquelle est arrivée la malade
avec l’épaule abaissée, le coude fléchit, l’avant-bras
soutenu par le membre sain ou une écharpe de fortune.
ii. La disparition du galbe de l’épaule ; du fait de l’absence du
trochiter
iii. Le signe de l’épaulette de l’exubérance de l’apophyse acromiale
iv. Le comblement du sillon delto-pectoral, du fait du bombement
de la tête humérale luxée.
Cet examen physique se termine par la vérification des deux pouls (radial et
cubital) et des 3 nerfs (radial, médian et cubital) distaux sur le plan locorégionale
ainsi que par l’examen topographique sur le plan général.

2.3.Les signes Radiologiques : le bilan radiographique se fait par exception


avant l’anamnèse et l’examen physique pour des raisons éthiques, déontologiques
et humanitaires juste après avoir calmer la douleur par des antalgiques
puissants par voie parentérale. Le médecin de garde demande au technicien
un cliché de face (à gauche) de profil de l’omoplate (à droite) de l’épaule
traumatisée ; toutes choses qui suffisent à ce stade pour poser le diagnostic
positif avec ses lésions associées et indiquer les bonnes décisions donc la
plus urgente est la réduction de la luxation sous neuroleptanalgésie.

Fig.2 : du bilan radiographique conventionnel devant une suspicion de LAE montrant à gauche,
sur l’incidence de face, le déboitement distale et médiale de la tête humérale dont la
localisation antérieure ( du coté de la voute acromiale et de l’acromion) est confirmée sur
l’incidence de « profil de l’omoplate » à droite.

2.4. Le diagnostic positif : le diagnostic positif de la forme des luxations la


plus fréquente de l’épaule, à savoir, la luxation aigue antérointerne se fonde donc
sur les 3 arguments anamnestiques, les 4 signes physiques et l’évidence
radiographiques standards qui établit aux besoins la présence ou non des lésions
associées et élimine un certain nombre de diagnostics différentiels.
2.5. Les diagnostics différentiels de la luxation aigue de l’épaule. Il
s’agit ici de deux groupes à savoir les autres luxations et instabilité de l’épaule
d’une part et d’autre part, les autres lésions traumatiques de l’épaule.
2.5.1. Les autres lésions traumatiques de l’épaules : le diagnostic
différentiels de ce groupe de lésions peut se poser en urgence devant un
traumatisme aigue de l’épaule ; on observera ainsi :
i. chez l’enfant ou l’adolescent, une fracture décollement
éphiphysaire, une fracture métaphysaire plus ou moins
associée à un kyste de la croissance.
ii. Chez la personne âgée ou à la limite de l’âge, une fracture du
col chirurgicale ou anatomique,
iii. Chez l’adulte jeune ; une luxation acromio-claviculaire, une
fracture claviculaire distale, une lésion traumatique de la
coiffe des rotateurs, ou une fracture de la tête humérale
2.5.2. Les instabilités chroniques de l’épaule que l’on regroupe en :
i. Les Luxations récidivantes de l’épaule pour lesquelles il faut
établir la lésion chronique de Bankart à l’arthrographie,
le scanner ou l’IRM avec ou sans injection.
ii. Les instabilités chroniques de l’épaule qui peuvent nécessiter
les mêmes types de bilan et restent une affaire de spécialiste
à la moindre suspicion.
iii. Les syndromes de la coiffe des rotateur sans notion de
traumatisme aigue même ancien.
En tout état de cause, le traitement d’une luxation igue de l’épaule est une extrême
urgence en raison de son caractère douloureux.

III.TRAITEMENT

La question du traitement des luxations de l’épaule se traite selon le schéma


classique comportant le but, les méthodes, des indications et des résultats.
3.1. Le but : le but du traitement de la luxation aigue antérointerne de l’épaule
est de réaliser tant que faire se peut, la cicatrisation complète des lésions
ligamentaires, avec une tête humérale entièrement réduite, au sein d’une
articulation mobile, stable et indolore.
3.2. Les méthodes thérapeutiques : elles se résument en 4 groupes à savoir :
3.2.1. Les médicaments antalgiques parmi lesquels on distingue :
i. Tous les antalgiques de premier, deuxième ou troisième palier
seuls ou en associations synergiques selon les habitudes
personnelles ou de services. Exemple l’association de la
butrénorphine (Temgesic) 1 amp/8h en s/c + paracetamol 1 g/8h
en IVD chez l’adulte jeune.
ii. Les cocktails neuroleptanalgesiques aux fins de réduction en
urgence de la luxation, exemple : Valium 10 mg +
atropine 1 amp + kétamine 50 mg en IVD lente chez l’adulte
jeune à jeun.
3.2.2. La réduction par traction rotation en abduction de 60 à 90 degrés
associée à 1 rétrogression de la tête humérale dans la cavité articulaire chez
malade sous neuroleptanalgésie.

Fig.3 : schéma d’une manouvre de réduction de luxation


antérieure de l’épaule par deux soignants.

3.2.3. La contention coude au corps après réduction : à l’aide d’un montage en


bandage, dont les plus courants son celui de « Dujarrier » chez les francophones
de « Mayo clinic » outre Atlantique. La durée de cette contention est celle de la
cicatrisation et donc de 3 à 4 semaines.

Fig.4 : montrant un bandage coude au corps de type Mayo clinic consécutif à une
réduction de luxation de l’épaule.
3.2.4. La kinésithérapie et la rééducation fonctionnelle : elle consiste en des
exercices de mobilisation passives, puis actives assistée de l’épaule jusqu’aux
amplitudes physiologiques. Dans certains cas, il peut être nécessaire d’y associer
des rubriques de musculation ou d’antalgie.
3.2.5. Les méthodes chirurgicales, dont les plus populaires tantôt à ciel ou
ouvert, tantôt en endoscopies restent la reconstruction en paletot de la capsule
articulaire de Putti-Plat, la réinsertion du décollement de Bankart, le Capsular
Shift des Américains, ou la butée de Latarget ; elles sont toutes réservées aux
formes chroniques.

3.3. Les indications thérapeutiques : la luxation aigue de l’épaule doit bénéficier


dès sont arrivée en milieu hospitalier, d’une antalgie puissante par voie IVD ;
laquelle permet de conduire le malade avec sérénité pour les radiographies.
Immédiatement après les radiographies, doit suivre la réduction sous
neuroleptanalgésie ou alors une anesthésie générale sans intubation
orotrachéale. La contention doit suivre la réduction avant le réveil du malade. Il
gardera cette contention pendant 3 à 4 semaines au cours desquelles il sera en
arrêt maladie avec des antalgiques à la demande par voie orale. La
physiothérapie pourra alors commencer à l’ablation du bandage.

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