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PLATON, La République, livre X

Introduction :
Vaut-il mieux être juste ou être injuste pour être heureux ? Le livre X clôt La République en
confirmant la thèse de Socrate selon laquelle seul l’homme juste est véritablement heureux. Si cette
thèse avait déjà été confirmée au livre précédent par une comparaison entre l’homme juste et le
tyran (archétype de l’homme injuste), le livre X vient la renforcer en proposant le mythe d’Er le
Pamphylien. Ce mythe de la rétribution vient exposer les récompenses qui attendent l’homme juste
tout en long de son existence (qui ne prend pas fin avec la mort du corps dans la mesure où l’âme
est immortelle). Toutefois, comment justifier le recours au mythe alors même que Socrate s’était
attaché tout au long de La République à défendre sa thèse au moyen de démonstrations ? Le recours
au mythe est d’autant plus étrange que le livre X s’ouvre sur l’affirmation selon laquelle il faut
rejeter la poésie hors de la cité, dans la mesure où elle nous invite à considérer des apparences en
lieu et place de la réalité.
Loin de se contredire ici, Platon témoigne par le mythe d’une volonté de s’adresser à tous, même à
ceux qui sont les plus éloignés de la recherche de la vérité. Dès lors où la nécessité d’être juste
apparaîtra aux individus, on ne peut qu’espérer la conversion de leurs âmes qui, en recherchant le
bien, seront par le même mouvement portées à rechercher le vrai.

Plan détaillé

I/ (595a-608b) : Le nécessaire bannissement de la poésie hors de la cité

595a-598d : Socrate affirme ici qu’il faut rejeter la poésie imitative car elle est le lieu des
apparences et non des êtres véritables. Que produit, en effet le poète ? Si l’on prend l’exemple d’un
lit, on peut dire qu’il n’en produit que l’image. Le poète ne produit pas la forme du lit (qui est
l’œuvre du démiurge), ni le lit particulier (qui est l’œuvre de l’artisan). Et parce qu’il peint les
objets fabriqués tels qu’ils lui apparaissent, on peut dire du peintre qu’il intervient au troisième rang
vis-à-vis de ce qui est (le premier rang étant celui des formes, le deuxième celui des choses qui
apparaissent, le troisième celui de l’imitation des apparences). Le peintre peut tout montrer sans rien
connaître aux objets qu'il montre. Il peut ainsi tromper ceux qui observent ses peintures.

598e-601b : Mais les poètes ne doivent-ils pas connaître leur sujet pour pouvoir en parler ? Cette
hypothèse se trouve aussitôt réfutée de la manière suivante : si les poètes connaissaient ce qu'ils
imitent, ils produiraient les objets plutôt que de les imiter (cela leur apporterait plus d'honneur et
serait plus utile). On le voit bien d'ailleurs au quotidien : quand on a besoin d'une expertise sur un
sujet, ce ne sont pas les poètes que l'on va chercher. Les poètes tiennent des discours qui charment
mais n'apprennent rien.

601c-602b : Socrate va ainsi distinguer trois arts afin de montrer à quel point le poète se trouve
dans l’ignorance de ce qu’il imite : l'art de se servir d’un objet, l'art de le fabriquer, et l'art de
l'imiter. Seul celui qui a l'usage de la chose la connaît (science) et peut en dire quelque chose au
fabricateur qui va l'écouter (croyance vraie). Celui qui imite n'a pas d'opinion correcte relativement
aux objets qu'il imite : il se contente d'imiter ce qui semble beau au grand nombre et à ceux qui ne
savent pas.

602c-606d : Socrate développe alors une critique morale et politique de l’art imitatif qui, en jouant
sur les apparences, flatte la pire partie de l’âme au détriment de la raison. Le poète met en avant
dans ses œuvres non ce qui est réfléchi dans l'âme mais ce qui est « excitable et bariolé » : il
s'adresse d'ailleurs à une foule qui n'est pas venue là pour raisonner mais bien pour se divertir !
Socrate prend l’exemple du théâtre qui cultive les émotions et affaiblit chez le spectateur la capacité
à les contrôler.

606e-608b : Conclusion : il ne faut pas admettre la poésie dans la cité, même si elle est agréable.
Ce qui doit régner n'est pas le plaisir et la peine mais bien la loi et la raison.

II/ (608c-621d) : Conclusion sur le bonheur du juste : le mythe de la rétribution

608c-612a : Avant d’exposer quelles récompenses attendent l’homme juste durant son existence
terrestre et, surtout, après celle-ci, Socrate va établir une démonstration de l'immortalité de l'âme.
608c--610e : Socrate définit d’abord le mal comme ce qui corrompt et détruit et le bien
comme ce qui sauve et se trouve avantageux. Or, l'âme, même affecté par le mal (le vice), ne se
détruit pas. D'autre part, une chose ne peut être détruite par le mal d'une chose étrangère (quoique
cette dernière puisse servir d'intermédiaire pour causer du mal à la première chose). L'âme ne peut
donc être détruite suite à la destruction du corps. On peut donc en conclure que l'âme est
immortelle.
611a-612a : On trouve ici une affirmation de l’incorruptibilité de l’âme. Elle n’est soumise
ni à la génération ni à la destruction (le nombre d’âmes existantes est donc fixe). D'autre part, ce qui
est divisé ne saurait être incorruptible : la synthèse de l'âme est donc parfaite. Ce dernier point est
d’autant plus important que, jusqu’alors, il était question de la tripartition de l’âme.

612b-614a : Socrate évoque les récompenses terrestres de la justice.


612b : Il commence par rappeler que la justice est en elle-même le bien suprême de l'âme.
612c-613e : Il s’intéresse ensuite aux récompenses que le juste se voit attribuer de son
vivant par les dieux et les hommes.
Tout d’abord, les dieux voient ce que sont les hommes au-delà des apparences. Les malheurs qui
arrivent aux justes ne sont que la conséquence de fautes liées à une vie antérieure. Sur le plan de la
vie éternelle, le juste est toujours récompensé des dieux.
Par ailleurs, dans la société, l'injuste ne fait pas illusion indéfiniment et le juste finit bien souvent
par être reconnu pour ce qu'il vaut.
614a : Socrate annonce enfin que les récompenses que le juste obtient de son vivant ne sont
rien en comparaison de ce qu'il obtient après la mort.

614b-621d : Socrate en arrive alors au mythe de la rétribution (mythe d'Er le Pamphylien)


614b : Le mythe s’ouvre sur une mise en contexte.
Un homme vaillant nommé Er meurt au combat et se réveille douze jours après sa mort pour
raconter ce qu'il a vu.
614c-616a : Viennent ensuite les considérations sur les récompenses et les châtiments que
l’âme reçoit après la mort.
À la mort du corps auquel elle est rattachée, l'âme s’en détache et part avec d'autres âmes vers un
endroit prodigieux. Des juges examinent les âmes : les justes montent au ciel vers un lieu
bienheureux et les injustes partent sous terre vers un lieu de souffrances pour mille ans (avec une
proportionnalité entre les souffrances subies par les âmes coupables et les injustices qu’elles ont
commises durant leur vie ; on retrouve le même genre de proportionnalité pour les âmes justes entre
récompenses reçues et bienfaits commis). Les âmes qui ne parviennent pas à s'amender suite aux
châtiments restent sous terre. Après leur récompense/châtiment, les âmes reviennent au lieu
intermédiaire où elles ont été jugées pour s'établir un peu plus loin pendant huit jours terrestres
avant de repartir pour un voyage de quatre jours vers un autre lieu.
616b-621b : L’enjeu principal de la justice des âmes apparaît toutefois dans la question de la
métempsychose et du choix d'existence : l’âme injuste ne saurait choisir une nouvelle existence
heureuse. Socrate en revient finalement à l’idée suivant laquelle la justice est à elle-même sa propre
récompense. Seul l’homme juste saura choisir ce qui le rendra heureux.
Lorsque les âmes ont reçu leur récompense/châtiment, elles se dirigent vers un autre lieu qui fait
face au fuseau de la Nécessité, (qui permet l'harmonie des révolutions célestes). Les âmes passent
donc devant la Nécessité et ses filles, les Moires. Chaque âme choisit un démon qui lui sera
associée. Puis, les âmes sont tirées au sort pour choisir un modèle de vie parmi plusieurs
propositions existantes (à la fois modèles moraux mais aussi formes de vie dont animales), en
nombre suffisant pour qu'il y ait plusieurs choix possibles même pour les dernières âmes à choisir.
Chacun est ainsi seul responsable de l'existence qu'il choisit. Socrate invite à considérer la chose
suivante : on ne saurait faire le bon choix si l'on ne connaît pas ce qu'est le bonheur véritable. Il faut
s'engager dans une existence philosophique afin de distinguer l'existence bénéfique de l'existence
misérable. On remarque d'ailleurs que ceux qui ont cultivé le vice et l'ignorance ont du mal à choisir
autre chose qu'une existence vicieuse et malheureuse.
Après avoir fait leur choix, les âmes boivent l'eau du Léthé afin d'oublier leur passé et sont
transportées chacune jusqu'au lieu de leur naissance afin d'être réincarnées.
621c-d : Le livre s’achève sur une exhortation finale à la justice et à la sagesse en vue de
l'existence heureuse.

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