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LA COMPTABILITÉ AU MAROC

« Fondements & Principes »


Oussama BOUDARBALA
2021
I- LE CADRE COMPTABLE MAROCAIN
Quand une société demande un crédit auprès d’un établissement financier, les états de synthèse
constituent le premier document demandé pour l’étude du dossier. Lorsqu’on cherche à évaluer
une entreprise, les états de synthèse constituent souvent le point de départ pour l’évaluation.
L’impôt est calculé sur la base de l’information comptable produite par l’entreprise. Pour
contrôler, financièrement, la gestion d’une entreprise, la comptabilité constitue la matière
première.

Toutes ces raisons citées et bien d’autres rendent la comptabilité une discipline centrale pour la
vie des affaires. C’est pour cette raison que toute réforme économique est amorcée par la
recherche de la transparence de l’information financière. Cette transparence est recherchée par
une réglementation minutieuse qui a conduit à l’avènement d’un véritable cadre comptable.
1. LA LOI N° 9-88 COMPLETÉE ET MODIFÉE PAR LA LOI N° 44-03

La lecture de la loi fait ressortir des règles et des principes auxquels chaque commerçant au
sens du code de commerce marocain (Article 6 de la loi n°15-95 modifiée et complétée par la
loi n°89-17) est soumis, et dont les principaux sont les suivants (les éléments qui retracent les
principes comptables seront détaillés dans un point à part (II)) :
- Tout commerçant au sens du code de commerce est tenu de tenir une comptabilité au
sens de la loi comptable ;
- Enregistrement comptable chronologique, opération par opération et au jour le jour ;
- Une comptabilité simplifiée pour les Personnes Physiques (PP) dont le Chiffre
d’Affaires (CA) n’excède pas 2 MMAD ;
- La tenue obligatoire d’un livre-journal ;
- Le respect du plan de comptes ;
- La tenue obligatoire d’un grand-livre ;
- Centralisation mensuelle des écritures ;
- Centralisation annuelle pour les personnes physiques dont le CA ne dépasse pas 2
MMAD ;
- Obligation de tenue d’un manuel d’organisation comptable pour les personnes
dont le CA dépasse 10 MMAD ;
- Inventaire obligatoire des valeurs des actifs et des passifs ;
- Tenue du livre d’inventaire ;
- La durée de l’exercice comptable est de 12 mois. Exceptionnellement, elle peut être
inférieure à cette durée ;
- Livre-journal et livre d’inventaire côtés et paraphés par le greffier du tribunal de
commerce et de première instance, exception faite pour les PP dont le CA ne dépasse
pas 2 MMAD ;
- Les états de synthèse obligatoires par la loi sont le Bilan (BL), le Compte de Produits et
Charges (CPC), l’Etat de Solde de Gestion (ESG), le Tableau de Financement (TF) et
l’Etat des informations complémentaires (ETIC), avec une dispense pour ces trois
derniers états pour les personnes ne dépassant pas un CA de 10 MMAD ;

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- Les états de synthèses doivent donner une image fidèle des actifs et passifs ainsi
que la situation financière et des résultats de l’entreprise ;
- Possibilité de réévaluation des bilans ;
- Intangibilité du bilan de clôture ;
- Application des amortissements et des provisions même en cas de déficit ;
- Date limite d’établissement des états de synthèse : 3 mois suivant clôture ;
- La comptabilisation doit se faire en monnaie nationale ;
- Documents à conserver au moins sur 10 ans ;
- Possibilité de rejet fiscal de la comptabilité (voir aussi l’article 145 du Code Général
des Impôts (CGI)).

2. LE CODE GENERAL DE LA NORMALISATION COMPTABLE


Donnant suite à l’objectif de la normalisation1 de la pratique comptable, le Conseil National de
la Comptabilité (CNC) qui relève du ministère des finances a publié le Code Général de la
Normalisation Comptable (CGNC) en 1989 par décret pour les établissements publics et par les
avis n°01 et 02 du CNC suite à la publication de la loi n° 9-88 en 1992.

Le CGNC comprend deux parties :


i. La Norme Générale Comptable (NGC) ;
ii. Le Plan Comptable Général des Entreprises (PCGE).

La NGC regroupe les choix directeurs, les principes fondamentaux, et les conventions de base
qui régissent la normalisation comptable au Maroc.
La NGC prévoit deux dispositifs :

a) Un dispositif de fond
Ce dispositif peut être classé sous trois (3) rubriques :

- Principes comptables fondamentaux ;


- Méthodes d’évaluation ;
- États de synthèse.

b) Un dispositif de forme

Ce dispositif quant à lui concerne (3) volets :


- Organisation comptable ;
- Plan de comptes ;
- Présentation des états de synthèse.

Le PCGE présente un dispositif d’application de la NGC aux entités économiques ayant le


caractère d’entreprise au sens large et agissant dans des secteurs d’activité économique.

1
Une distinction doit être faite entre la normalisation qui se veut l’unification des pratiques comptables et
l’harmonisation qui se veut la réduction des différences entre les différentes pratiques comptables (Exemple des
normes IFRS).

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Ne sont pas concernées par le PCGE, les entités qui disposent d’un plan comptable spécifique
sectoriel, tel est le cas pour le plan comptable du secteur immobilier, le plan comptable des
associations, le plan comptable des partis politiques, le plan comptable des clubs de foot, etc.

II- PRINCIPES COMPTABLES FONDAMENTAUX


1. LES PRINCIPES COMPTABLES
Les principes comptables constituent l’ossature de toute comptabilité. En effet, chaque écriture
comptable doit passer sous le radar des principes comptables préconisés par la norme
marocaine.
Pour des raisons pédagogiques, l’ordre des principes ne suivra pas celui prévu par la norme.
Entre parenthèses de chaque titre, l’article de la loi n° 9-88 sera indiqué pour faire référence au
principe au niveau de la loi.

A. PRINCIPE DE SPÉCIALISATION DES EXERCICES (Articles 10, 16 et 17)


Ce principe prévoit le découpage de la vie de l’entreprise en exercices et donc la production des
états de synthèse pour chaque exercice.

Ce principe oblige par conséquent les différentes régularisations à la fin de l’exercice pour que
le CPC d’une entité ne contienne que les charges et les produits qui le concernent.
B. PRINCIPE DU COUT HISTORIQUE (Article 14)

Ce principe est désormais obsolète dans la pratique comptable internationale mais il est toujours
retenu par la norme marocaine.
Le postulat de ce principe est simple : tant que la monnaie est l’unité retenue en comptabilité ;
un dirham reste toujours un dirham sans tenir compte ses variations de son pouvoir d’achat.

De cela découle, à leur date d’entrée, la valeur d’un élément reste intangible. Reste à voir la
possibilité de réévaluer les immobilisations, qui demeure toutefois une procédure à caractère
exceptionnel.

C. PRINCIPE DE PRUDENCE (Article 16)


L’esprit comptable est systématiquement prudent. Le principe étant simple ; aucun produit ne
doit être comptabilisé que lorsqu’il est certain et définitivement acquis et toute charge probable
doit être comptabilisée immédiatement.

C’est ainsi que certains risques doivent être pris au cours de l’exercice même s’ils sont connus
après la clôture de l’exercice, mais avant l’établissement des comptes.
D. PRINCIPE DE PERMANENCE DES MÉTHODES (Article 13)

L’intérêt de l’information comptable réside dans le fait qu’elle est comparable dans le temps et
dans l’espace.
Il faut entendre par permanence des méthodes, la permanence des méthodes de présentation des
états de synthèse et la permanence des règles d’évaluation.

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Toutefois, ce principe n’est pas figé, dans des cas exceptionnels, il est parfois obligatoire pour
l’entreprise de déroger à ce principe pour atteindre l’objectif de l’image fidèle.

Attention, le choix d’une entreprise de bénéficier ou de ne plus bénéficier d’un avantage fiscal
(ex. amortissement dégressif) ne constitue pas une dérogation au principe de permanence des
méthodes.
E. PRINCIPE DE CLARTÉ (Article 15)

Le principe de clarté consiste à l’enregistrement comptable des actifs et des passifs, des charges
et des produits sans compensation. Le respect de ce principe permet aussi une comparabilité
dans le temps et dans l’espace.

F. PRINCIPE DE L’IMPORTANCE SIGNIFICATIVE (Article 11)


D’après ce principe, les états de synthèse doivent révéler tous les éléments dont l’importance
peut affecter les évaluations et les décisions.

Est significative toute information susceptible d’influencer l’opinion que les lecteurs des états
de synthèse peuvent avoir sur le patrimoine, la situation financière et les résultats.
C’est ainsi que la dérogation à la règle générale implique de doter l’ETIC des informations
complémentaires en vue de motiver la dérogation avec, bien-sûr, l’indication de l’influence de
la dérogation sur le patrimoine, la situation financière et les résultats.

G. PRINCIPE DE CONTINUITE D’EXPLOITATION (Article 20)


La continuité d’exploitation est présumée pour l’établissement des états de synthèse. Ce
principe est important dans la mesure où il fixe les règles d’évaluation retenues pour la
présentation des états de synthèse. La présomption de la continuité d’exploitation justifie le
respect des autres principes comptables (notamment le principe du coût historique et le celui de
la permanence des méthodes).
L’appréciation de la continuité d’exploitation est une affaire compliquée. En effet, c’est
l’inobservation des indices de la non-continuité d’exploitation qui laisse conclure la continuité.

Sans prétendre l’exhaustivité, les principaux facteurs de la non-continuité d’exploitation sont :


- Une situation nette négative ;
- Un fonds de roulement négatif ;
- Une situation de trésorerie grave ;
- La recherche des moyens de financement onéreux ;
- Perte de marchés importants ;
- Une sous-activité notable, etc.

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2. L’IMAGE FIDÈLE EST-ELLE UN PRINCIPE COMPTABLE ?

À l’instar des référentiels du monde, le CGNC ne définit pas l’image fidèle. Or, il
affirme : « l’image fidèle apparaît ainsi non comme un principe comptable
fondamental supplémentaire, mais comme la convergence des principes retenus.
L’originalité du concept d’image fidèle tient à la fois à son absence de définition et
aussi au fait qu’il convient, dans des cas exceptionnels, de déroger aux dispositions de
la Norme, pour tenter d’atteindre cette fidélité ».

À l’ère de la Covid-19, l’avis n°13 du Conseil National de la Comptabilité, du 29 avril


2020, est une illustration révélatrice du fait qu’une dérogation à la règle générale est,
parfois, salutaire pour aboutir à des états de synthèse reflétant cette image fidèle. À titre
d’illustration, l’avis stipule, en considération de l’importance significative des charges
de sous-activité dues aux mesures sanitaires prises par le Royaume, ce qui suit : « à titre
dérogatoire et exceptionnel, les entités ont la possibilité d’inscrire à l’actif du bilan
dans la rubrique "immobilisations en non-valeurs", la quote-part des charges fixes liées
à la sous-activité par rapport à la capacité normale de production ou de fonctionnement
prévue en 2020 ».

CONCLUSION
La comptabilité au Maroc repose sur un droit autonome mais elle demeure quand-même trop
entachée à la fiscalité de façon à ce que la pratique comptable marocaine est basée pour
l’essentiel sur des préoccupations fiscales. Des questions du genre « Quelle écriture comptable
aboutirait à la minimisation du résultat fiscal ? » sont les plus posées par les dirigeants et les
praticiens de la comptabilité. Ceci conteste considérablement l’objectif ultime confié à la
comptabilité qu’est l’obtention de l’image fidèle.
De plus, la comptabilité marocaine est plus juridique ce qui laisse poser la question sur l’utilité
économique de l’information comptable à la marocaine. Est-ce que le bilan d’une entreprise est
parlant sachant que 80% de ses actifs sont obtenus en crédit-bail ? Ou est-ce qu’un bilan est
fidèle s’il comporte des terrains acquis dans les années quatre-vingt-dix à une valeur inférieure
x10 ?
Ce sont ces raisons qui ont abouti à l’obligation de l’adoption des normes comptables
internationales pour certaines entreprises et au lancement d’un projet de convergence de la
norme locale vers les normes comptables internationales qui reconnaissent la prééminence de
la réalité économique sur l’apparence juridique.

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