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Etats de choc

Pr Flavien KABORE

1- Définition

L’état de choc, ou insuffisance circulatoire aiguë, regroupe l’ensemble des syndromes


associant une réduction brutale du volume sanguin effectif avec altération du transport et de la
délivrance des substrats énergétiques, aboutissant à une « dette » tissulaire en oxygène.

A distinguer du collapsus cardio-vasculaire qui correspond à une hypotension artérielle


majeure (PAS < 80 mmHg chez un sujet adulte normotendu) d’installation souvent brutale
mais ne s’accompagnant pas de signe de souffrance des organes périphériques.

2- Physiopathologie

On peut distinguer 2 types de choc :

 Chocs liés à une diminution du transport artériel en oxygène (TaO2) vers les tissus :
choc cardiogénique, hypovolémique et anaphylactique.
 Chocs liés à une diminution de l’extraction de l’oxygène (EO2) par les tissus : choc
septique.

2.1- Etat de choc hypovolémique

La diminution du volume sanguin est responsable d’une diminution du retour veineux


cardiaque. Il en résulte une baisse du débit cardiaque et donc du transport artériel en
oxygène (TaO2) vers les tissus.

L’organisme utilise 2 mécanismes pour préserver l’oxygénation des tissus :

 La stimulation sympathique :
o Elle augmente le débit cardiaque (effets chronotrope et inotrope positifs)
o Elle entraine une vasoconstriction qui tend à améliorer le retour veineux et
redistribuer le débit sanguin vers le cerveau et le cœur puisqu’elle se fait
sélectivement dans les territoires musculocutané, hépatique et splanchnique ;

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 L’augmentation de l’extraction tissulaire de l’oxygène.

Cependant, si l’état de choc se prolonge, l’ischémie des différents tissus entraine une
libération dans la circulation de substances vasodilatatrices et inotropes négatives.

2.2- Etat de choc cardiogénique

 L’altération de la fonction cardiaque et donc du débit cardiaque est responsable d’une


diminution du transport artériel en oxygène.
 Les mêmes mécanismes compensateurs sont alors mis en jeu (stimulation sympathique
et augmentation de l’extraction tissulaire de l’oxygène).
 L’insuffisance cardiaque gauche aiguë entraine par ailleurs une élévation des pressions
de remplissage du ventricule gauche, une stase sanguine dans la circulation
pulmonaire et un œdème pulmonaire aigu, dont la symptomatologie s’ajoute à celle de
l’état de choc.

2.3- Etat de choc septique

Un constituant du micro-organisme en cause (le mieux connu est l’endotoxine des bacilles à
Gram négatif) entraine une cascade inflammatoire. Cette cascade comporte 3 niveaux
interagissant entre eux :

 Au niveau plasmatique, le système contact et le système du complément sont activés,


entrainant une activation de l’endothélium et de la coagulation. Cet état
d’hypercoagulabilité favorise les microthromboses et donc l’ischémie tissulaire,
aggravant les dysfonctions d’organe ;
 Au niveau vasculaire, la cascade inflammatoire se traduit par la sécrétion de
médiateurs, qui favorise le recrutement des phagocytes, par la sécrétion de monoxyde
d’azote, qui induit une vasodilatation intense, et par des troubles de la perméabilité
capillaire, qui entraine un œdème interstitiel ;
 Au niveau cellulaire, l’activation des macrophages et des polynucléaires conduit à la
libération de nombreux médiateurs dont l’interleukine 1 (IL1) et le Tumor Necrosis
Factor (TNF), qui amplifient la réaction inflammatoire.

Selon l’importance de cette réaction inflammatoire, on définit 4 grands syndromes


cliniques pouvant compliquer un processus infectieux.

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Réponse inflammatoire systémique  Température >38°3C ou < 36°C
(au moins 2 des critères suivants)  Pouls > 90/mn
 FR>20/mn
 Glycémie >7,7mmol/l
 GB >12000/mm3 ou > 4000/mm3 ou
>10% de formes immatures
 Altération des fonctions supérieures
 TRC > 2 secondes
 Lactatémie >2mmol/L
Sepsis Réponse inflammatoire systémique + infection
présumée ou identifiée
Sepsis sévère  Sepsis + lactates > 4mmol/L
 Ou Hypotension artérielle avant
remplissage
 Ou dysfonction d’organe (1 seule suffit)
o Respiratoire : PaO2/FiO2<300
o Rénale : créatininémie > 176mol/L
o Coagulation : INR>1,5
o Hépatique : INR>4, bilirubine
>78mol/L
o Plaquettes >105000/MM3
o Fonctions supérieures ; score de
Glasgow <13

Choc septique Sepsis sévère + hypotension artérielle malgré le


remplissage

Il en résulte :

 une vasodilatation importante et une hypovolémie relative ;


 la mise en jeu d’un mécanisme compensateur : stimulation sympathique (effets
chronotrope et inotrope positifs, vasoconstriction)

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 une altération possible de la fraction contractile du myocarde, à l’origine d’une
insuffisance cardiaque associée ;
- une diminution de l’extraction de l’oxygène par les tissus.

2.4- Etat de choc anaphylactique

 Un 1er contact préparant l’allergène entraine la synthèse d’IgE spécifiques qui restent
fixées sur la membrane des polynucléaires basophiles circulants et des mastocytes
tissulaires. Un nouveau contact (contact déclenchant) produit une dégranulation des
basophiles et des mastocytes et la libération d’une importante quantité de médiateurs.
 L’histamine est le principal médiateur, ainsi que les leucotriènes, le thromboxane A2
et le Platelet Activating Factor (PAF). En se fixant sur les récepteurs H1 de
l’histamine, l’histamine est responsable des symptômes de l’allergie et notamment
d’une intense vasodilatation.
 Il en résulte :
o Une hypovolémie relative par vasoplégie massive et brutale et extravasation du
plasma vers l’interstitium ;
o Une mise en jeu des mêmes mécanismes compensateurs : stimulation
sympathique (effets chronotrope et inotrope positifs, vasoconstriction) et
augmentation de l’extraction tissulaire de l’oxygène.

3- Causes

3.1- De l’état de choc hypovolémique

- Hémorragie aiguë : hémorragie digestive, traumatisme grave, chirurgie lourde


- Déshydratation extracellulaire : pertes digestives, rénales ou cutanées.

3.2- De l’état de choc cardiogénique

 Infarctus du myocarde
 Décompensation aiguë d’une cardiopathie dilatée
 Myocardite
 Cardiopathie valvulaire
 Contusion myocardique

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 Insuffisance cardiaque droite aiguë : embolie pulmonaire massive, infarctus du
ventricule droit, tamponnade péricardique, pneumothorax compressif

3.3- De l’état de choc septique

 Infection à bacilles Gram négatif


 Infection à cocci Gram positf
 Infection à bactéries anaérobies
 Infection fungique : septicémie à Candida, aspergillose invasive

3.4- De l’état de choc anaphylactique

 Allergène protéique (venin d’hyménoptères, latex, aliments, pollens).


 Haptènes (anesthésiques, antibiotiques, produits de contraste).
 Idiopathique.

3.5- Caractéristiques hémodynamiques des états de choc

Choc Choc Choc Choc


Hypovolémique anaphylactique cardiogénique septique
Index cardiaque ↘ ↗ ↘ ↗
Pressions de ↘ ↘ ↗ ↘
remplissage du
ventricule gauche
Résistances ↗ ↘ ↗ ↘
artérielles
systémiques
Extraction ↗ ↗ ↗ ↘
périphérique en
oxygène
SvO2 ↘ ↘ ↘ ↗

4- Prise en charge

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L’état de choc est une urgence thérapeutique. La rapidité avec laquelle un traitement est mis
en place influence le pronostic, l’hypoperfusion prolongée des organes étant à l’origine d’une
réponse inflammatoire systémique importante.

4.1- Mesures générales

 Hospitalisation urgente en réanimation et surveillance continue des paramètres vitaux


 Pose de voies veineuses périphériques de bon calibre et d’une voie veineuse centrale
dès que possible si l’administration d’un traitement vasopresseur puissant est
nécessaire.
 Oxygénothérapie ou ventilation mécanique après intubation trachéale en cas
d’insuffisance respiratoire et/ou troubles de la conscience. La mise en repos des
muscles respiratoires entraine une économie de la consommation d’oxygène.
 Pose d’une sonde urinaire pour la surveillance continue de la diurèse.

4.2- Traitement hémodynamique

 4.2.1- Moyens disponibles


o Remplissage vasculaire

Utile dans tous les cas sauf choc cardiogénique avec œdème pulmonaire.

Il doit être débuté le plus rapidement possible et fait appel aux cristalloïdes ou aux colloïdes.

Ex : 500 ml de cristalloïdes toutes les 15 minutes jusqu’à obtention d’une PAM satisfaisante.

Le remplissage vasculaire peut aussi faire appel aux concentrés érythrocytaires en cas de choc
hémorragique ou lorsqu’une anémie est présente au cours des autres types d’état de choc.
L’objectif est alors la restauration d’une concentration en hémoglobine de 8g/dl (10 g/dl chez
le coronarien).

L’albumine est réservée aux hypoprotidémies  35g/l

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o Catécholamines

Effets hémodynamiques des substances vasoactives

Dobutamine Adrénaline Dopamine Noradrénaline


Fréquence ↗ ↗↗ ↗↗ 
cardiaque
Débit ↗ ↗↗ ↗ 
cardiaque
Pression  ↗↗ ↗↗ ↗↗
artérielle

 4.2.2- Objectifs hémodynamiques

Le 1er objectif hémodynamique est la restauration d’une pression artérielle moyenne (c’est la
pression de perfusion tissulaire). Cet objectif se situe autour de 60 mmHg.

 4.2.3- Traitement selon la cause

Choc anaphylactique

- Adrénaline : 0,1mg en IV renouvelable toutes les minutes si le choc persiste, puis en


perfusion continue.
- Remplissage vasculaire par cristalloïdes, compte tenu du risque allergique des
colloïdes.
- Les corticoïdes et les antihistaminiques n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Choc hypovolémique

- Remplissage vasculaire, transfusion de concentrés érythrocytaires en cas de choc


hémorragique.
- Noradrénaline (ou dopamine à défaut) si le remplissage est insuffisant.

Choc septique

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- Remplissage vasculaire
- Traitement vasopresseur si le remplissage est insuffisant (noradrénaline+++)

Choc cardiogénique

- Dobutamine
- Traitement vasopresseur en association si hypotension artérielle persiste ;

4.3- Traitement de la cause

Il doit être entrepris simultanément au traitement symptomatique.

- Choc anaphylactique : éviction de l’allergène


- Choc hémorragique : hémostase (par chirurgie, artériographie, endoscopie)
- Choc cardiogénique : revascularisation par angioplastie d’un infarctus du myocarde,
chirurgie réparatrice en cas de valvulopathie aiguë, drainage d’une tamponnade ou
d’un pneumothorax compressif, thrombolyse d’une embolie pulmonaire ;
- Choc septique :
o Traitement antibiotique, débuté immédiatement après la réalisation rapide des
prélèvements microbiologiques.
o Antibiothérapie parentérale, probabiliste, par association synergique
bactéricide.

4.4- Traitement des complications viscérales

- Ventilation artificielle en cas d’atteinte pulmonaire grave.


- Hémodialyse intermittente ou hémofiltration continue en cas d’insuffisance rénale
- Transfusion de concentrés plaquettaires et de PFC en cas de CIVD associée à un
syndrome hémorragique.
- Résection digestive en cas d’ischémie mésentérique.

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4.5- Surveillance initiale

Elle repose sur la surveillance rapprochée de la pression artérielle et sur l’appréciation des
perfusions régionales par :

- L’examen clinique : état neurologique, état cutané, diurèse ;


- La biologie : lactatémie, fonction rénale, bilan hépatique, hémostase.

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