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PLAN DU COURS
Introduction
Bibliographie
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Cours de sociologie du travail
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INTRODUCTION GENERALE
D’après Ulrich Beck, dans les sociétés capitalistes actuelles, le travail sous sa forme
marchande est sans conteste le principal facteur d’intégration et de mobilité sociale. C’est à
travers lui en effet, que chaque individu construit un lien avec la société et qu’il se projette par
la même occasion dans celle-ci. C’est dire que le travail ne se limite pas à un simple rapport
de production, il est aussi un moyen d’accomplissement de soi-même.
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A. LA SOCIOLOGIE DU TRAVAIL
Ainsi que le démontrent les travaux de Jean Claude Rabier, la sociologie du travail
est une dérivation de la sociologie industrielle, elle-même née aux Etats-Unis dans les années
1920 à partir des travaux d’Elton Mayo. Cette sociologie industrielle, très proche de
l’expertise psychosociologique s’intéressait essentiellement à l’effet des conditions de travail
sur le rendement ouvrier dans le secteur de l’industrie.
Dans cette nouvelle optique, la sociologie du travail se définit comme « l’étude sous
leurs divers aspects, de toutes les collectivités humaines qui se constituent à l’occasion du
travail » (Jean Claude Rabier). Si l’on considère avec Pierre Naville ou encore Alain
Touraine, que le travail est l’action par laquelle chaque société produit son propre
développement, alors la sociologie du travail peut être envisagée comme la branche centrale
de la sociologie, ou tout au moins celle qui appréhende la production de la société sur elle-
même.
Comme toutes les formes de sociologie, la sociologie du travail se déploie selon trois
niveaux d’appréhension du social :
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À en croire Jean Claude Barbier, le couple travail/ emploi fait partie de ces concepts
polymorphes qui suscitent la controverse, tant leur utilisation est différente ou indifférenciée
selon que l’usager est scientifique ou acteur social.
C’est en 1979, au détour de l’étude d’une grève d’ouvrières que Margareth Maruani
note ce qui lui apparut alors comme un paradoxe. En effet, toutes les ouvrières interrogées
faisaient la grève pour conserver leur emploi, alors qu’en même temps elles dressaient un
portrait sombre de leur travail, qu’elles n’aimaient manifestement pas. Maruani en est alors
arrivée à la conclusion selon laquelle le travail et l’emploi renferment deux réalités distinctes,
puisque l’on peut tenir à son emploi et rejeter son travail en même temps.
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sociale et juridique, qui donne accès au marché du travail et qui se concrétise selon Sabine
Erbes Seguin dans le contrat de travail.
L’indistinction historique entre les deux concepts a été entretenue pendant des
décennies par la monopolisation de la question de l’emploi par les économistes et à l’inverse
par celle du travail par les sociologues, d’où pour Maruani, l’urgence de l’émergence d’une
sociologie de l’emploi distincte de la sociologie du travail.
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L’organisation du travail peut être entendue comme l’ensemble des principes qui président
à la rationalisation du processus de production. L’intérêt scientifique porté à l’organisation du
travail est parti des répercussions managériales et sociales de l’organisation scientifique du
travail théorisé par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor. Du point de vue de
l’histoire de la sociologie du travail la thématique de l’OST est celle qui a inspiré les
chercheurs de la première heure tels Georges Friedmann, Alain Touraine, etc. Cette partie du
cours portera donc non seulement sur un exposé des principes du taylorisme et de ses
répercussions, mais aussi sur les formes contemporaines de l’organisation du travail.
- Une division du travail qui consiste à fragmenter les taches au maximum, mais
surtout à séparer la conception et l’exécution des taches. L’objectif officiel de cette
division du travail était de rendre le travail plus fluide et mieux contrôlable, mais
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À partir de sa mise sur pied dans les industries jusqu’à la fin des années 1960, l’OST a
connu un succès considérable auprès des dirigeants d’entreprise, qui y voyait un moyen
efficace pour contrôler la production et réaliser des gains financiers. À la suite de Taylor,
Henri Ford a transformé avec beaucoup de succès l’OST en un contrat social qui a structuré
les relations patronat/salariat pendant les trente glorieuses. Il s’agissait en gros d’octroyer des
salaires conséquents aux ouvriers impliqués dans la production en série, pour qu’ils élèvent
leur niveau de vie et deviennent à leur tour des consommateurs proches de la middle class
américaine. Cet embourgeoisement de la classe ouvrière a eu pour conséquence de rétablir
une paix provisoire dans les usines, et par la même occasion d’affaiblir la lutte des classes.
Cet arrangement tacite entre le patronat et les catégories ouvrières est aujourd’hui appelé le
compromis fordiste puisqu’il est analysé à postériori comme un véritable phénomène de
régulation politique.
- Une crise du travail ouverte dès la fin des années 1960 : celle-ci est
symptomatique des problèmes humains que l’OST pose. L’OS figure caricaturale
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du taylorisme est dépossédé de tout savoir faire, il subit les cadences de travail, le
bruit et la fatigue. La division extrême du travail ou plutôt son émiettement comme
dirait Georges Friedmann, entraine une monotonie et une aliénation de l’ouvrier au
profit des bénéfices financiers. Des contestations parfois violentes et des turn over
inhérents aux méfaits de l’OST ont eu lieu dans plusieurs pays occidentaux,
conduisant ainsi à des réflexions profondes sur la qualité du travail ;
- Une reconfiguration de la consommation et de la concurrence : Le taylorisme a
prospéré à une époque où la production en masse des biens standardisés était de
mise. Avec la mondialisation, les entreprises doivent de plus en plus satisfaire des
besoins diversifiés. Dans ce contexte, il faut réorganiser le travail sur la base de la
flexibilité et de la qualification des travailleurs, pour être en avance sur la
concurrence ;
- Le développement de la technologie : l’OST est un instrument plus adapté à la
mécanisation qu’aux nouvelles technologies de l’information. L’usage de ces
nouveaux équipements fait de la coopération et de la polyvalence des qualités
nécessaires, alors que l’OST poussait à l’isolement du travailleur.
Plusieurs modèles d’organisation du travail, les uns plus hétéroclites que les autres se
dégagent aujourd’hui de l’entreprise dite moderne. La diversité de ces modèles tient à leur
caractère énactif, c'est-à-dire à leur ancrage dans des cultures de gestion et des contextes
économiques souvent différents. Il est cependant possible de dégager deux grandes lignes de
force qui structurent ces nouvelles orientations managériales à savoir, les principes de
flexibilité et de qualité.
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Partant du fait que l’OST a pêché par sa rigidité à la fois dans la direction des hommes et
dans la gestion des processus de production, les nouvelles formes d’organisation du travail
insistent sur une nécessaire flexibilisation de l’ensemble du système productif. Cette
flexibilisation se traduit primo, par une polyvalence des travailleurs ce qui suppose leur
requalification permanente à travers la formation professionnelle continue ; Claude Dubar a
d’ailleurs montré à suffisance l’intérêt de cette pratique dans la construction d’un lien social
durable entre l’entreprise et le travailleur. En outre, le chantier de la flexibilisation passe aussi
par le contrôle de ce que Cohendet appelle la complexité en entreprise. Concrètement cela
suppose l’intégration et la maitrise des nouvelles technologies, une circulation optimale des
flux d’information, une participation active des travailleurs et enfin une maitrise de
l’environnement de l’entreprise (la sous-traitance, la concurrence, la régulation
institutionnelle, etc.). À titre d’illustration, le modèle de la firme J (firme japonaise) d’Aoki
fut le premier modèle post-taylorien à intégrer la donne de la flexibilité. Par opposition au
modèle de la firme A, ce modèle ancré dans la culture de la famille japonaise met un accent
non seulement sur la coopération entre toutes les catégories intervenantes dans l’entreprise,
celle-ci étant considérée comme un patrimoine mutuel, mais aussi sur une structure de
commandement décentralisée qui a pour objectif de fluidifier la circulation de l’information.
- Le travail d’équipe ;
- Une responsabilisation accrue des travailleurs ;
- Une politique de rémunération incitative fondée sur la reconnaissance des
compétences, mais surtout sur des salaires et des avantages au-dessus du marché ;
- Une évaluation qualitative du rendement ;
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In fine, dans cette démarche, la qualité du produit est liée à la qualité des hommes qui
interviennent dans la production ; c’est pourquoi la démarche qualité est avant tout une
culture d’entreprise tournée vers l’excellence.
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A- Essai de définition
1- La qualification : entre substantialisme et relativisme
Il faut rentrer dans l’histoire de la sociologie du travail en France pour retrouver les
premières tentatives de définition de la qualification. Deux conceptions divergentes de cette
notion opposent dès les années 1962 Georges Friedmann et Pierre Naville.
Dans une approche dite substantialiste, Friedmann pense que la qualification renvoie au
contenu du poste de travail. D’après cette thèse, ce sont les objectifs et les contraintes liées au
poste de travail qui déterminent les qualités nécessaires à un travailleur pour occuper le dit
poste. La qualification se mesure donc essentiellement sur la base des aptitudes techniques,
mais elle souligne aussi la nécessité d’une adéquation entre la formation initiale et l’emploi.
Néanmoins, selon Alain Touraine qui se situe dans le sillage cette approche, il est important
d’ajouter à la qualification technique une qualification sociale ; celle-ci renvoie notamment à
des traits de personnalité reconnus comme indispensables à la réalisation des tâches. La
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Cependant, Pierre Naville dans une posture dite relativiste s’oppose à la conception
substantialiste qu’il juge « naïve ». D’après lui, derrière la notion de qualification se cache un
rapport de force inégal entre le patronat et le salariat. L’estimation technique de la
qualification est en fait une estimation du coût économique du poste que l’employeur tente de
minimiser, pendant que les salariés tentent au contraire de le majorer. Au fond pour Naville,
l’enjeu de la qualification c’est la définition de la valeur économique mais surtout sociale du
travail. L’approche de Naville a longtemps été mésestimée et dominée par celle de Friedman.
Cependant, depuis la fin des années 1980, elle revient au goût du jour et plusieurs travaux
tentent de la réconcilier avec la posture substantialiste.
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A l’opposé des thèses de la déqualification, Alain Touraine et Pierre Naville voient dans le
développement de la technologie le déclin du travailleur traditionnel et en parallèle
l’apparition d’une nouvelle figure ouvrière à savoir l’opérateur. Cet ouvrier se distingue par la
relation intelligente qu’il noue avec la machine. Il s’agit d’une relation fondée sur la
programmation et le contrôle des activités de la machine. Pour Naville : « Entre l’homme et
l’outillage s’intercale une fonction symbolique, une relation d’information et de
communication » en comparaison à l’OS, l’opérateur est donc forcément plus qualifié, il est
capable de décrypter une information et de réagir en fonction de la dite information. En
définitive, dans cette approche, le développement technologique est perçu de manière
positive, puisqu’il conduit progressivement à l’amélioration de la condition ouvrière.
Les deux approches exposées plus haut sont apparemment contradictoires, mais elles ont
en commun un présupposé celui du déterminisme technologique. Autrement dit, elles
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C- DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE
Plus qu’un simple concept, la qualification est un phénomène social et en tant que tel elle
est affectée par les mutations socioéconomiques qui traversent les sociétés capitalistes. Les
différentes crises économiques qui se sont succédées depuis les chocs pétroliers de 1970 ont
conduit à une complexification de la qualification qui s’est traduite par l’apparition d’un
nouveau concept en entreprise, à savoir la compétence.
Cependant, dès le début des années 1970, les différentes crises qui se sont succédées en
Occident ont mis fin à trente années de boom économique. Les difficultés économiques
des entreprises ont entrainé des gels de recrutement, des licenciements massifs et une
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Selon Didier Demazière, le temps de travail fait aujourd’hui son retour dans les sciences
sociales. Après l’époque où la problématique du temps de travail ne s’inscrivait que dans
l’analyse de la lutte des classes, on assiste désormais à une insertion du temps dans les débats
sur la performance des organisations. Dans le management moderne, la gestion du temps
s’intègre autant dans l’organisation du travail que dans la construction d’une culture
d’entreprise. Pourtant selon les observations d’Emmanuel Kamdem, en Afrique, la question
du temps reste encore une « terra incognita » managériale, alors que manifestement le rapport
au temps dans les organisations est une source manifeste de dysfonctionnement.
Si l’on s’en tient à l’histoire de la pensée, le temps a toujours constitué l’un des domaines de
prédilection de la philosophie. La première réflexion de fond sur le temps remonte à Aristote
et sa philosophie du temps cosmologique. La conception du temps comme externalité qui a
découlé de cette approche a été battue en brèche plus tard par la théorie du temps
psychologique de Saint-Augustin, puis par la théorie du temps transcendantal d’Emmanuel
Kant (sensibilité, intuition, je suis dans le temps et le temps est en moi).
- Le temps existential, qui désigne le temps pendant lequel l’homme pose un regard
réflexif sur lui-même, sur ses origines, sur son avenir, et sur sa fin prochaine. C’est
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le temps où l’homme s’assume en tant que (Zum tod sein), c'est-à-dire un être pour
la mort ;
- Le temps historique : c’est le temps qui se déploie entre la naissance et la mort.
pendant cette période l’homme se construit une identité sur la base de ses relations
avec les autres hommes. C’est également une période de transmission des
héritages culturels et de répétition des névroses collectives comme dirait Green. En
d’autres termes, il s’agit bien de ce qu’on pourrait appeler le temps social ;
- Le temps vulgaire qui correspond à ce que la société comporte de plus superficiel.
c’est le temps des médias, de l’argent, le temps pendant lequel l’homme se
consacre aux mondanités et au travail marchand. C’est le temps système selon les
termes de Jean Chesnaux, c'est-à-dire, le temps de l’ordre dominant à la fois
jouissif brutal et liberticide.
Le temps peut se définir comme un espace infini et abstrait, matérialisé et mesuré par des
balises et conçu par les êtres humains comme ayant une influence sur leur vie. Le langage
courant regorge en effet, d’expressions qui montrent à suffisance que le temps est vécu
comme un acteur de l’existence humaine (« le temps résout tous les problèmes », « on vieillit
avec le temps »), voire comme une sorte de régulateur invisible, parfois mystique de la vie
sociale. Le temps ne peut donc pas se définir en dehors d’une dialectique avec l’esprit humain
qui lui donne tout son sens.
Cependant, ainsi que Heidegger l’a remarqué, le temps est loin d’être une réalité univoque,
il comporte plusieurs dimensions qui s’interpénètrent, il revêt une pluralité de sens et surtout
il s’enracine dans des espaces culturels variés. La notion de temporalité traduit ainsi un
ancrage du temps dans chaque société et dans les différentes formes d’activités qui lui sont
propre. Selon Claude Dubar, les temporalités « ont une origine collective, elles sont plurielles
comme le sont les groupes humains qui les produisent par leur action, et elles sont sources
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d’intelligibilité des phénomènes humains ». Les temporalités sont au final des constructions
sociales du temps rythmées par les croyances, les pratiques et les modes de production d’un
groupe social.
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syndicats, le loisir est une manière d’échapper à la contrainte salariale pour se consacrer à soi-
même.
Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, la question du temps au travail est loin
de donner lieu à un consensus social entre employeurs et salariés. Cependant, contrairement à
l’Occident où la dialectique autour du temps de travail est essentiellement tournée vers le
durcissement ou la flexibilisation des horaires, en Afrique, la problématique du temps de
travail se situe autour de l’adhésion aux principes du temps marchand. Dans l’entreprise
africaine il est courant de constater un déphasage entre l’organisation officielle du temps
contenu dans les différents règlements intérieurs et manuels de procédure et les pratiques
quotidiennes des salariés, au point où pour Sivadon et Fernandez Zoila il s’est développé dans
cet espace une véritable psychopathologie professionnelle dont le temps constitue l’enjeu
principal. Maladies imaginaires, funérailles hebdomadaires, pauses interminables, délais
flexibles, sont autant de symptômes de ce malaise temporel au travail. Pour véritablement
comprendre ce phénomène, il convient d’interroger l’histoire de l’introduction du travail
marchand en Afrique.
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