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Aussi, les EHPAD étant pour la plupart des établissements privés, pourquoi
sont-ils souvent peu enclins à accueillir des individus plus jeune, dans la mesure ou
rien de le leur interdit formellement ?
D’une part, pour assurer la viabilité financière du résident : en effet, le tarif
d’hébergement en EHPAD est significatif, avec un tarif moyen en France de 2169
euros mensuels [5]. Ce montant est rarement financé par la contribution pécunière
de la personne ou de sa famille seule : l’allocation personnalisée d’autonomie (APA),
l’aide au logement, l’aide sociale à l'hébergement sont autant de contributions
complémentaires permettant d’assurer le financement de la place en EHPAD [6]. Or,
ces aides ne sont déblocables que sous certaines conditions : l’APA, notamment, est
réservée aux personnes de plus de 60 ans en perte d’autonomie [2][7].
D’autre part, elle ne sera pas comptabilisée lors de l’élaboration du G. I.R
Moyen Pondéré (GMP) (anciennement coupe PATHOS [8]), faussant ainsi les besoins
de l’EHPAD lors de l’élaboration des budgets dépendances et soins et le calcul de la
dotation soins d’un EHPAD, ensuite financé par l’assurance-maladie : les personnes
hébergées de moins de 60 ans pénalisent donc les établissements les hébergeant,
d’où une réticence à leur prise en charge par ces derniers [3][8].
L’étude du CREAI, débutée en décembre 2007, a recensé les entrée dans les
EHPAD bas-normands de 2008 à 2010 : 141 dérogations d’âge ont été accordées,
dont 95 hommes et 46 femmes. Parmi eux, on retrouvait des Individus de 36 à 58
ans, la majorité d’entre elles ayant un âge compris entre 53 et 57 ans (50% des cas).
Les situations ayant motivé cette dérogation étaient :
— Dans 24,11% des cas des patients alcooliques avec un syndrome de Korsakoff, le
plus souvent étaient sans domicile fixe ;
— Dans 20,5% des cas, des patients psychotiques stabilisés qui ne relevaient plus de
l’hospitalisation psychiatrique ;
— Dans 19,8% des cas une déficience intellectuelle ; parmi ces derniers, moins d’un
cinquième étaient atteints de trisomie 21 ;
— Dans 15,6% une atteinte cérébrale suite à une maladie ou à un accident coorporel
(accidents vasculaires cérébraux, ruptures d’anévrysmes, traumatismes crâniens,
séquelles d’arrêt cardio respiratoire, encéphalites post radique, encéphalite
secondaire d’une syphilis) ;
— Dans 9,2% des cas une maladie neuro dégénérative. (chorée de Huntington,
sclérose en plaque, sclérose latérale amyotrophique, maladie d’Alzheimer, maladie
de Parkinson, atrophie cortico sous corticale, maladie de Strumpell).
— Dans 7,8% des cas une infirmité motrice cérébrale ou une encéphalopathie , avec
état de dépendance présente depuis la naissance et épuisement des aidants.
— Dans 2,8% des cas une atteinte purement motrice à type de polyarthrite
rhumatoïde très évoluée ou associée à une insuffisance respiratoire sévères.
Parmi les 141 dérogations, 74 personnes ont pu être placées en EHPAD : 73%
résidaient en maison de retraite publique (en grande majorité des établissements
hospitaliers), 21,6% sont en Ehpad privés non conventionnés, et 5,4 % en Ehpad
privés conventionnés (soit 4 personnes) [2].
En 2015, en Bretagne, sur les 853 nouveaux admis en EHPAD, 118 avaient
moins de 60 ans, dont 31 de moins de 55 ans.
Ces entrées précoces avaient eu plus souvent lieu dans les EHPAD rattachés à
un hôpital, et dans ceux déclarant posséder un dispositif d’accueil spécifique à
certaines atteintes, particulièrement la maladie d’Alzheimer, avec la présence d’un
pôle d’activités et de soins adaptés (PASA) spécifiques.
Parmi les entrées, ceux de moins de 70 ans étaient plus souvent transféré à
partir d’un établissement psychiatrique ou d’un service psychiatrique d’un
établissement de santé ou à partir d’un établissement pour adultes en situation de
handicap.
Effectivement, parmi ces entrées en EHPAD, la proportion de personnes en
situation de handicap est bien plus élevée chez les personnes entrées avant 70 ans,
parmi lesquels 19 % présentaient un handicap contre 1 % pour les plus âgés.
Cependant, la perte d’autonomie, telle qu’évaluée à partir de la grille AGGIR
n’était pas significativement différente selon les entrées précoces ou
conventionnelles : 42 % des personnes entrées avant 70 ans sont évaluées en perte
d’autonomie importante (GIR 1 ou 2) contre 41 % des personnes entrées à 70 ans ou
plus. De même, la proportion des personnes atteintes de pathologie
neurodégénérative (Alzheimer et apparentés) différait peu : 10 % pour les moins de
70 ans, 8 % pour les seniors.
Par ailleurs, une proportion importante de personnes entrées précocement en
EHPAD bénéficiait d’une mesure de protection juridique : 37 % parmi les entrées
précoces contre 8 % pour les autres [2].
Les données collectées en 2017-2018 par la CNSA ont été exploitées pour
définir les pathologies et les événements ayant contribué à l’entrée en EHPAD de
1143 résidents avant l’âge de 70 ans :
— 25 % étaient atteint de psychose chronique
— 22 % des cas avaient un handicap mentales
— 13 % des cas avaient une maladie d’Alzheimer ou apparenté
— 11 % des cas étaient atteints du syndrome de Korsakoff
— 3,5 % des dérogés étaient entrés en EHPAD en raison de l’indisponibilité de leur
aidant principal, lui-même malade, pris en charge dans une institution ou décédé
[9].
Aussi, s’il est confronté à ce qu’il considère comme une nécessité médicale
d’institutionnalisation à long terme d’une personne insuffisamment âgée, le
médecin devra orienter les proches vers un établissement susceptible d’une
réponse favorable. Il devra ainsi privilégier un établissement [2] :
— public, si possible en continuité avec la structure de soin ayant suivi le patient ;
— disposant d’une unité dédiée, soit à la pathologie de l’individu (PASA pour la
maladie d’Alzheimer etc.) soit spécifique aux dérogations d’âges, qui pourront ainsi
mieux s’intégrer en groupe ;
— en relation avec des spécialistes en psychiatrie, médicaux ou paramédicaux,
pour lesquels un avis peut être facilement sollicité en cas de besoin ;
— disposant de protocoles bien définis concernant la conduite à tenir en cas de
décompensation psychotique, ou ouverts à l’élaboration de ceux-ci, en partenariat
avec les médecins référents ;
— formant le personnel à la gestion des personnes psychopathologiques, déficients
intellectuels ou de toute atteinte impactant sévèrement l’autonomie, et apte à
faciliter leur intégration avec le reste des résidents ;
— respectant ledit personnel dans leur ressenti humain face à cette perte
d’autonomie, et agissant au possible pour soulager leur charge de travail et leur
charge mentale, afin de maximiser leur efficience et d’améliorer les rapports au
sein du personnel et avec les résidents.
Références
[1] https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-dans-un-ehpad/les-
differents-etablissements-medicalises/les-ehpad, consulté le 08/12/21
[2] Nathalie Hoste-Gaussens. Prise en charge en EHPAD des personnes de moins de
60 ans. D.I.U formation à la fonction de médecin coordonnateur d’Etablissement
d’Hébergement Pour Personnes Agées Dépendantes. 2010-2011
[3] https://ressources.seinesaintdenis.fr/Derogations-d-age-Admission-a-l-aide-
sociale-a-l-hebergement-des-adultes, consulté le 11/12/21
[4] Code de l'action sociale et des familles Article L113-1, version en vigueur le
08/12/21.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074069/
LEGISCTA000006157553/#LEGISCTA000006157553
[5] https://www.etablissementsdesante.fr/pages/tarifs, consulté le 08/12/21
[6] https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-dans-un-ehpad/aides-
financieres-en-ehpad, consulté le 11/12/21
[7] https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-dans-un-ehpad/aides-
financieres-en-ehpad/lapa-en-etablissement, consulté le 11/12/21
[8] Rousselot T, Hébergement des personnes atteintes de maladies d'Alzheimer ou
apparentées avant 60 ans. Quelles réponses administratives pour quels besoins ?
Médecine juin 2012, 1-4
[9] FOCUS de l’ARS Bretagne, n°12 – Entrée précoce en EHPAD, agence régionale de
santé Bretagne, octobre 2015