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Psychologie clinique 1 Psy1 U01.

Introduction à la psychanalyse

Licence 1

PSY1.U01 Psychologie Clinique 1

Cours n°1 Guy Gimenez

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Psychologie clinique 1 Psy1 U01. Introduction à la psychanalyse

COURS 1
Introduction
à la psychanalyse
Freud
La psychanalyse a été fondée par Freud. Sigmund
Freud est le premier d'une famille de sept enfants, il est
né le 6 mai 1856 d'un second mariage de Jacob Freud,
alors âgé de quarante ans, avec Amalia Nathanson, sa
cadette de vingt ans. Freud est né et a passé les trois
premières années de sa vie en Moravie, dans une
famille juive. Il n'est allé à l'école qu'assez tardivement
et c'est son père qui lui a enseigné les premiers
rudiments de la lecture, à partir du texte de la Bible.

Les parents de Freud, n'observaient pas les rites juifs,


et Sigmund Freud s'installa sans crise dans cette
condition de «juif athée» qu'il allait revendiquer. Les
parents s’installent ensuite à Vienne alors qu’il avait
quatre ans. Dès sa jeunesse Freud fut lecteur de
Goethe et de Schiller qu’il pouvait citer dans le texte.
Freud aime la fiction, le théâtre et la poésie. A côté du
judaïsme et parallèlement à ses
aspirations germanistes, Freud se tourne
dès ses années de formation vers les
modèles grecs et latins. Ainsi que l'écrit
Marthe Robert: «Cet idéal est resté le sien
à tous les âges de la vie, à cet égard il n'a
jamais varié, il croit toujours à l'Antiquité
comme à la source de toute sagesse et de
toute vérité» (M. Robert, 1974, p. 95-96).
Très précocement en effet, il collectionne
des objets antiques qu’il gardera toute sa
vie.

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La formation scientifique de Freud


Freud fait des études de médecine et y trouve
les bases de sa pensée scientifique. Il adhèse
à l’approche positiviste qui soutient que
seules des forces physiques et chimiques
agissent dans la nature et que la science doit
rejeter toute explication vitaliste ou
théologique. Les théories de Darwin servent
de référence aux positiviste et Freud adhére à
leurs principes et à leur matérialisme, attitude
qu'il continuera d'appliquer à la recherche psychanalytique. Freud étudie l’anatomie,
apprend à considérer le système nerveux comme le lieu de «forces physiques» qui
s'opposent, se contrarient ou se complètent. Il appliquera ces mêmes hypothèses plus
tard dans sa conception «métapsychologique » (avec le point de vue dynamique) du
fonctionnement psychique. Freud est « déterministe » ce qui l’amènera à soutenir
l’idée d’une causalité psychologique.

En 1881, il devient docteur en médecine, tout en poursuivant ses recherches. En


1882, il tombe amoureux de Martha Bernays qui deviendra sa femme après plus de
quatre ans de fiançailles. Il doit prendre en charge sa famille, et il renonce à une
carrière universitaire et se prépare à l'exercice plus lucrative de la médecine en
pratique privée. A 26 ans, il entreprend alors une série de stages dans différents
services de l'Hôpital général de Vienne pour compléter sa formation clinique. Au
printemps 1885, il est chargé d'un cours de neuropathologie et se voit nommé Privat
Dozent. Il sollicite et obtient une bourse de voyage postscolaire et choisit de se rendre
à Paris.

Il faut ici revenir un peu en arrière pour décrire quelques étapes de la formation de
Freud qui sont plus directement en rapport avec la naissance de la psychanalyse.

Joseph Breuer (1842-1925) et Anna


O., 1880-1883
Freud rencontre Josef Breuer, médecin réputé à
Vienne, dans le cadre de l'Institut de physiologie où ce
dernier travaillait depuis 1876, et Breuer est conquis
par le brillant jeune Freud qu'il prend alors en amitié
six ans plus tard. Comme cela se faisait dans la
communauté juive, il l'aidait financièrement et
scientifiquement.

En 1883, il lui parle d'une ancienne malades, Bertha


Pappenheim (agée de 22 ans), et la façon dont il l'avait
traitée. Cette jeune femme intelligente et attachante
présentait de nombreux symptômes de type
hystérique, mutisme, paralysies, troubles de la vision,
hallucinations. Freud l’appellera plus tard « Anna O. »

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Breuer avait constaté que son état s'améliorait lorsque qu’elle était amenée le soir, en
état d'autohypnose, spontanément mais surtout quand il l’induisait à « raconter une
histoire» à propos des troubles ou des hallucinations qu’elle avait eu dans la journée.
Il avait également observé que ses symptômes disparaissaient quand elle se
souvenait des circonstances dans lesquelles ils étaient apparus pour la première fois
et quand elle en retrouvait l'état émotionnel. La remémoreration de la scène à l'origine
du symptôme et d’en parler, permettait une décharge émotionnelle jusqu'alors
maintenue dans cette sorte d'oubli que Freud décrira sous le terme de
«refoulement ».

L’usage de la parole avait ainsi des vertues thérapeutiques,


sans suggestion apparente, ce qui l’amènera plus tard à
parler de ce traitement comme une cure de parole (talking
cure) ou un «ramonage de cheminée » (chimney sweeping).
Freud repère très vite le caractère révolutionnaire de cette
méthode, qu’il appellera plus tard «cathartique » puisqu'elle
agissait par le biais d'une véritable purgation des émotions.
La méthode est dite «cathartique», selon l'expression
qu'Aristote avait employée pour désigner la décharge
émotionnelle collective que permettaient aux citoyens
d'Athènes les représentations des grandes tragédies
grecques. De tous temps, des procédés semblables ont été
utilisés dans les thérapeutiques primitives ou lors des
séances d'exorcismes religieux ou magiques.

La méthode cathartique et une « méthode de psychothérapie ou l'effet thérapeutique


cherché est une « purgation » (catharsis), une décharge adéquate des affects
pathogènes. La cure permet au sujet
d'évoquer et même de revivre les événements traumatiques auxquels ces affects sont
liés et d'abréagir ceux-ci. Historiquement la « méthode cathartiqueé appartient à la
période (1880-1895) ouù la thérapeutique psychanalytique se dégage
progressivement à partir de traitements opérés sous hypnose. » (Laplanche et
Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse).

Freud et Breuer compléteront en 1893 cette notion par celle de «l'abréaction» : une
quantité d'affects liés au souvenir de l'événement pathogène traumatisant n'a pu être
évacuée par les voies normales physiques ou organiques et s'est trouvée bloquée,
situation à l'origine du symptôme pathologique. Son évacuation, son «abréaction »,
spontanée ou sous l'effet de la méthode thérapeutique qui se trouve utilisée, est la
condition du succès thérapeutique et de la disparition durable des troubles
pathologiques.
Laplanche et Pontalise définiront ainsi l’abréaction : « Décharge émotionnelle par
laquelle un sujet se libère de l'affect attaché au souvenir d'un événement traumatique,
lui permettant ainsi de ne pas devenir ou rester pathogène. L'abréaction, qui peut être
provoquée au cours de la psychothérapie, notamment sous hypnose, et produire alors
un effet de catharsis, peut aussi survenir de manière spontanée, séparée du
traumatisme initial par un intervalle plus ou moins long. » (Vocabulaire de la
Psychanalyse).

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La collaboration de Freud et Breuer cesse en 1892, alors que Freud publie la «


Communication préliminaire» qui annonçait les Études sur l'hystérie parues en 1895.
Breuer ne suit pas Freud dans sa compréhension de l’hystérie, et en particulier la
« théorie de la séduction » qu’il développe. Breur avait été fasciné par l'évolution de
sa malade et en était venu à lui consacrer de plus en plus de temps, mais, au bout de
deux ans, la croyant suffisamment améliorée, il avait décidé de mettre un terme à son
traitement. Le soir de l’arrêt du traitement, Josef Breuer est appelé d'urgence à son
chevet, car elle se trouvait en pleine crise d'hystérie mimant l'accouchement «de
l'enfant du Dr Breuer ... ». Breuer est alors effrayé de l'intensité de l'attachement
amoureux qu'il avait déclenché sans le vouloir et que Freud nommera le « transfert ».

Le traitement par l'hypnose : le courant des « fluidistes » (le


magnétisme)
A cette époque, on ne parlait encore que du «rapport » (insuffisemment décrit) qui
s'établissait entre hypnotiseur et hypnotisé, qui faisait considérer l'hypnose comme
une pratique dangereuse.
Deux siècles auparavant, à Vienne, Franz Anton Mesmer (1734-1815) avait créé « le
baquet » (voir cour sur
l’hypnose) et soutenait sa
théorie du «fluide animal
». Celon cette théorie,
chacun de nous baigne
dans un fluide qui unit
chaque individu et c’est la
mauvais circulation de ce
fluide qui serait
responsable de
nombreuses maladies.
Alors qu’il est chassé de
Vienne, Mesmer
déménage à Paris où,
dans les années 1780, il
soigne avec son baquet
(rempli de sable, de morceaux de verre, de limaille de fer et d'eau) auquel les patients
se reliaient par une corde. Ces pratiques provoquaient des transes (hypotiques)
nommées alors «crise magnétique» qui devaient amener la guérison.
En 1784, Louis XVI créa à une commission formée de quelques membres presigieux
de l'Académie des sciences et de la Société royale de médecine, pour étudier le
magnétisme animal à l’oeuvre dans la pratique du Baquet de Mesmer. Une conclusion
importante en est faite : d’une part que le magnétisme seul ne produit pas d’effet, mais
d’autre part que l’imagination a des effet thérapeutiques. Mesmer s’exile alors en
Suisse.

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La pratique magnétique évolua ensuite sous l'influence du marquis Armand Chastenet


de Puységur (1751-1825), une sorte de «somnambulisme » induit qui provoquait des
crises convulsives comme le Baquet de Mesmer. Ce qui évolue est le fait de parler
avec le sujet, ce que Mesmer refusait, et de l'interroger sur ses symptômes pour mieux
débloquer le prétendu « fluide » qui devait guérir. Puységur copie un peu Mesmer, en
magnétisant un arbre auquel les malades sont reliés par une corde, ce qui lui permet
d'en traiter plus de cent personnes à la fois. Et Puysegur remarque qu’il n’a pas besoin
de toucher toute le monde pour provoquer un effet thérapeutique. Puysegur remarque
aussi subtilement que l’efficacité du traitement dépend de la relation au clinicien et de
la confiance qu’on lui porte. Les fluidistes ont également mis en évidence
l’attachement tendre qui se produit chez le
patient à l’égard de son thérapeute (et qui
deviendra chez Freud le transfert).

L’hypnose fluidique (ou magnétisme) sera


de moins en moins appréciée et deviendra
essentiellement un spectacle de foire, alors
qu’en Angleterre un chirurgien écossais,
James Braid (1795-1860), présente une
théorie nouvelle du sommeil provoqué et nomme sa technique : «l'hypnotisme ». Il
insiste sur l'importance du regard ( la fixation d'un objet brillant), et la concentration du
sujet sur une seule idée pour provoquer le sommeil hypnotique1. Braid a églement
remarqué un autre phénomène qui se trouvera plus tard largement exploilté: la
suggestion verbale peut provoquer l'apparition d'un état hypnotique.

Le séjour de Freud à la Salpêtrière : Charcot


C'est en 1885, au moment où il vient d'être nommé Privat Dozent que Freud obtient
une bourse pour se rendre à Paris en stage dans le
service de Charcot. Freud découvre à Paris
l’hypnose de Charcot.
Freud est fasciné par Charcot. Comme tout le
monde, comme Freud lui-même à ce moment,
Charcot pense que l’hystérie est un trouble à base
organique, plus précisément constitutionnelle, et à
comprendre dans le cadre de la théorie de la
dégénérescence.
Charcot, avec l’hypnose fait apparaître et disparaître,
à volonté, chez un certain nombre d’hystériques qu’il
a coutume de présenter à son public, des
symptômes spectaculaires. Il montrer ainsi que les
symptômes hystériques sont des phénomènes
psychiques. Freud est enthousiasmé. Il cherche un
moyen de s’approcher de Charcot et lui propose de traduire ses œuvres en allemand.

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Le cadre psychanalytique créé par Freud sera construit en contrepieds à ces remarques, alors que Freud quittera
l’hyponse : abolition des sollicitations visuelles, le psychanalyste se tenant hors du regard de son patient, et
association libre des idées.

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Charcot lui donne son accord.

Dès son retour à Vienne en 1886, Freud ouvre son cabinet médical et a le projet de
convaincre les sociétés médicales autrichiennes qui se montrent peu réceptives aux
théories de Charcot et à l'hypnose. Il utilise au début la méthode classique de
suggestion, son «principal instrument de travail» dira-t-il plus tard, qui consiste à
persuader les patients durant leur sommeil provoqué que leurs troubles auront disparu
à leur réveil.

La rencontre avec Wilhelm Fliess, 1887


Freud rencontre Wilhelm Fliess en 1887, et se sera le début
d"une amitié passionnée qui durera quinze ans. Freud lui a écrit
284 lettres de qui racontent la naissance de la psychanalyse,
ponctuées de rencontres surnommées « congrès» où chacun
des deux amis faisait part à l'autre de ses découvertes et de ses
espoirs. Dix années d'hypothèses, de recherches, d'innovations
cliniques, de moments d'exaltation et de découragement,
entrecoupées de malaises et de troubles névrotiques dont
l'étude qu'en fera Freud sur lui-même, son «auto-analyse»,
représentera le véritable creuset d'où sortira la psychanalyse en
son premier état.
Né en Allemagne le 24 octobre 1858, Wilhelm Fliess est venu avec sa famille en 1862
habiter Berlin où il demeura jusqu'à sa mort. Il fit ses études de médecine à Berlin où
il vivait désormais avec sa mère en travaillant pour gagner sa vie et s'installa en 1883
comme médecin généraliste.

Emmy von N., la méthode cathartique et l’abandon de


l’hypnose
En 1889, trois ans après son installation, Freud commence à appliquer la méthode
cathartique de Breuer à une nouvelle patiente dont il a raconté la cure sous le nom
de Frau Emmy von N. Cette histoire de cas est la première qu'il présente dans les
Études sur l'hystérie qu'il publiera avec J. Breuer en 1895 et elle se révèle exemplaire
de la façon dont il travaille avec ses patients et les écoute. Le récit que cette patiente
fait sous hypnose des origines des peurs délirantes et des hallucinations visuelles
d'animaux dont elle souffre devient le pivot d'une relation thérapeutique où elle semble
se décharger de ce que Freud va décrire comme des «souvenirs pathogènes».
Bientôt Freud remarque que cet effet peut être obtenu en dehors de l’état
hypnotique, lors de la conversation à bâtons rompus qui accompagne les massages
de sa malade. La parole devient l'essentiel du traitement, au détriment de l'état de «
crise» qui se montre de moins en moins nécessaire.
En ce qui concerne l'hypnose, écrira Freud en 1925, «je n'avais à me plaindre que sur
deux points: à savoir, premièrement, qu'on ne réussissait pas à hypnotiser tous les
malades; deuxièmement, qu'on ne pouvait à son gré obtenir le degré d'hypnose qui
aurait été souhaitable dans chaque cas».

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Freud et l'École de Nancy, 1889 : la rencontre avec Bernheim


En 1889, Freud s'arrête à Nancy, il est venu avec une patiente (Anna von Lieben, riche
patiente que Charcot suivait également) pour parfaire sa technique d'hypnotiseur, il va
trouver dans les expériences auxquelles Bernheim se livre dans son service «les plus
fortes impressions relatives à la
possibilité de puissants
processus psychiques demeurés
cependant cachés à la
conscience des hommes» (S.
Freud, 1925, S. Freud présenté
par lui-même, p. 30).

En

1882, Hippolyte Bernheim (1837-1919), professeur à la


faculté de Médecine de Nancy, après une visite à ce
médecin des faubourgs, menait dans son service
hospitalier des recherches et des expériences sur
l'hypnose. De ces exprience, il conclut, contrairement à
Charcot, que l'état hypnotique n'était pas lié à l'hystérie et
pouvait survenir chez n'importe qui. Il insistat ensuite sur
la «suggestion» à laquelle, selon lui, tous les phénomènes
observés se ramenaient. En clair: «Il n'y a pas d'hypnotisme, il n'y a que de la
suggestibilité », celle-ci étant «l'aptitude à être influencé par une idée acceptée par
le cerveau et à la réaliser» (L H. Bernheim, Hypnotisme, suggestion, psychothérapie,
Études nouvelles, Paris, Doin, 1891). C’est ainsi que Bernheim conclut : «J'ai pu
affirmer catégoriquement: "Les phénomènes de suggestion ne sont pas fonction d'un
état magnétique (Mesmer), ni d'un état hypnotique (Braid), ni d'un sommeil provoqué
(Liébeault), ils sont fonction d'une propriété physiologique du cerveau qui peut être
associée à l'état de veille, la suggestibilité." »

L'étiologie sexuelle de l’hystérie, 1893


Dans un texte important de 1893 (J. Breuer et S. Freud), «Les mécanismes psychiques
des phénomènes hystériques. Communication préliminaire », est mis en évidence que
le souvenir de l'événement traumatique, qui est souvent survenu dans l'enfance, agit
comme un corps étranger pathogène. Le texte se termine par la formule célèbre:
«C'est de réminiscences surtout que souffre l'hystérique.» La deuxième partie
fait la théorie de l'abréaction et de son effet curatif. Freud et Breuer explique
égaement l'efficacité de leur procédé psychothérapique d'abréaction par le fait que
l'affect lié au trauma peut se déverser verbalement.
Freud collabore avec Breuer et rédige un ouvrage en cosignature, qui paraîtra en
1895, sous le titre « Études sur l’hystérie ». C’est l’aube de la psychanalyse. Breuer y
rédige un chapitre théorique et y rapporte la cure de Bertha, rebaptisée Anna O. ;

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Freud ajoute plusieurs observations cliniques tirées de sa propre pratique et des


considérations d’ordre thérapeutique. Deux notions importantes sont alors évoquées,
celle d’abréaction et celle de catharsis. La première met l’accent sur la « force »
(l’abréaction, c’est la liquidation, au cours de la cure, de tensions fâcheusement
accumulées et bloquées, productrices de symptômes), la seconde sur le « sens »
(catharsis est un mot grec qu’on peut traduire par « purification », « délivrance »,
qu’utilisait Aristote pour décrire l’effet produit par la tragédie sur le spectateur). »

Pour Freud, lui, un désir – se présente à la conscience du sujet, d’ordinaire cristallisée


autour d’un événement sexuel prématuré de l’enfance. Il est considéré comme
inacceptable par la conscience morale du sujet (le surmoi), qui le rejette avec horreur
(le renvoie dans l’inconsicent), et le combat avec énergie ; il y a mobilisation des
défenses et renvoi dans l’inconscient. Mais le désir n’est pas supprimé : de là, il
exercera ses effets pathogènes en « ressortant » sous forme de symptômes (ce que
Freud appellera plus tard des « rejetons de l’inconscient ») : ces symptômes sont en
fait, par là même, des satisfactions du désir, possibles parce que transposées,
travesties, méconnaissables pour le sujet lui-même dont la conscience est ainsi
trompée. L’effet du passé – l’événement traumatique originel – est donc majeur : Freud
propose à cette occasion la formule restée célèbre selon laquelle « les hystériques
souffrent de réminiscences ». (Perron Roger-Histoire de la psychanalyse-Presses
Universitaires de France, 2014, Que sais-je _ n° 2415).

Telle est, pour l’essentiel, la théorie de Freud, celle qui fondera véritablement la
psychanalyse, et qui apparaît dans les Études sur l’hystérie et plusieurs articles de la
même période (1893-1896).

L'auto-analyse de Freud, 1897


C'est en 1897 que se produiront les importants bouleversements théoriques qui vont
faire basculer les hypothèses encore bien biologisantes de Freud sous un éclairage
nouveau auquel on va pouvoir désormais définitivement
donner le qualificatif de «psychanalytique».

Freud est certain que les traumatismes des hystérique est


lié à un scène de séduction qui se serait passée dans la
réalité. Il évoluera progressivement vers une autre idée :
cette scène de séduction se serait bien passée, mais en
fantasme. Parrallélement, il travaille sur les rêves et
précise qu’ils sont une « réalisation de désir», tous
comme les symptômes, les lapsus, les actes manqués.

Freud décide de s’appliquer sa propre méthode : c’est


l’autoanalyse. Il fait l’hypothèse que si les symptômes
hystériques s’expliquent par le retour du refoulé, c’est-à-
dire si au refoulement qui renvoie dans l’inconscient des
représentations et des désirs interdits succède une phase
où tout cela réapparaît sous forme déguisée (retour du refoulé), il devrait en être ainsi
pour tout le monde (au moins pour les névrosés).

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“Le retour du refoulé est le processus par lequel les éléments refoulés, n'étant jamais
anéantis par le refoulement, tendent à réapparaître et y parviennent de manière
déformée sous forme de compromis”. (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la
psychanalyse).

Il se demande ainsi si les lapsus, les actes manqués, les oublis,


les rêves, toutes ces manifestations d’ordinaire tenues pour peu
significatives peuvent ou non être considérés comme des
rejetons du refoulé ? Freud, pendant trois ou quatre ans, va
systématiquement noter et analyser ses propres rêves avec une
hypothèse : les rêves ont une signification qu’on peut
découvrier. Il utilise la méthode de l’association libre : il prend en
compte un détail du rêve, il laisse venir ce qui vient dans son
esprit, accueillir ce qui vient, même si cela semble incongru,
inapproprié, ou choquant , afin de se rapproché du possible
désir inavouable dont il était l’expression et la figuration.

C’est ainsi que Freud prend conscience, à partir de son auto-


analyse, mais aussi par l’écoute de ses patients, de désirs
inavouables des enfants envers le parents du sexe opposé : une attirance du petit
garçon vers la mère, le père n’étant qu’un fâcheux, un rival à éliminer. Ces observation
rejoignent ce que Sophocle avait mis en scène dans Œdipe roi. C’est ainsi que Freud
conceptualisé le « complexe d’Œdipe »… L’ensemble de ce travail d’autoanalyse est
présenté par Freud dans son ouvrage « L’Interprétation des rêves », publié en 1900.
(Voir aussi l’ouvrage de Didier Anzieu : L’auto-analyse de Freud).

Pendant cette même période, Freud développe sa clientèle. Il reçoit des hystériques,
des cas de névrose obsessionnelle, de phobie. Il les traite sous hypnose, selon la
méthode mise au point avec Breuer. Mais Freud doute de cette méthode, qui ne lui
permet pas toujours de mettre à jour les souvenirs et désir et les résultats ne sont pas
à la hauteur de ses attente. De plus, Freud observe que les symptôme qui
disparaissent resurgissent ailleurs, par déplacement. Il faut dire que cette méthode
hypnotique (qui n’est plus utilisée de nos jours) utilise des suggestions massives
énoncées avec une d’autorité importante pour
augmenter la suggestibilité, ce qui ne plait pas
du tout à Freud. Freud découvre
progressivement qu’il est plus efficace de ne
pas hypnotiser le patient : on l’allonge, comme
pour l’hypnose, mais on lui demande
simplement de se détendre et de laisser aller
son esprit, de dire tout ce qui se présente, sans
aucune censure ; on recherchera avec lui ce
que cela peut signifier. C’est ce qu’il avait fait
lui-même pour interpréter ses propres rêves,
avec succés. Ainsi, le patient devient actif, plutôt que passif avec l’hypnose.

C’est de cette technique de libre association qu’est véritablement née la pratique


psychanalytique. Au début, Freud s’installe dans un fauteuil à côté du patient ; il dira

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plus tard que, supportant mal d’être ainsi regardé toute la journée, il prit le parti de
s’installer derrière. C’est le dispositif du divan. La libre association va devenir pour
Freud la règle fondamentale, c’est-à-dire une ègle qui structure la situation
analytique : l'analysé est invité à dire ce qu'il pense et ressent sans rien choisir et sans
rien omettre de ce qui lui vient à l'esprit, même si cela lui paraît désagréable à
communiquer, ridicule, dénué d'intérêt ou hors de propos.

« Elle consiste à exprimer sans discrimination toutes les pensées qui viennent à
l'esprit, soit à partir d'un élément donné (mot, nombre, image d'un rêve, représentation
quelconque), soit de façon spontanée.” (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la
psychanalyse).
Freud utilise le procédé de libre association dans son auto-analyse et particulièrement
dans l'analyse de ses rêves. Ici, c'est un élément du rêve qui sert de point de départ à
la découverte des chaînes associatives menant aux pensées du rêve. La règle de libre
association vise à éliminer la sélection volontaire des pensées,
soit, selon les termes de la première topique freudienne, à
mettre hors du jeu la seconde censure (entre le conscient et le
préconscient). Elle révèle ainsi les défenses inconscientes, à
savoir l'action de la première censure (entre le préconscient et
l'inconscient). Finalement, la méthode des libres associations
est destinée à mettre en évidence un ordre déterminé de
l'inconscient : « Lorsque les représentations-but* conscientes sont abandonnées, ce
sont des représentations-but cachées qui régnent sur le cours des représentations »
(Freud).

L’analyse des rêves, 1901


Freud découvre que les rêves sont construits à partir de représentations refoulées qui
font retour (retour du refoulé). Freud écrit: «L'interprétation des rêves est la voie royale
qui mène à la connaissance de
l'inconscient dans la vie psychique»
(Interprétation des rêves, p. 517).
Pour Freud le rêve est le résultat d’un
mécanisme de défense, le
refoulement. Le refoulement est un
mécanisme de défense qui consiste
à renvoyer dans l’inconscient une
pensée, un désir, un souvenir, un
scénario, et l’y maintenir. Ce qui a été
refoulé a tendance à revenir dans la
conscience, après des
transformations, sous forme de

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« retour du refoulé » (comme par exemple les lapsus, actes manqués, les rêves, les
symtômes).

Le refoulement est « l’ opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à


maintenir dans l'inconscient des représentations (pensées, images, souvenirs) liées à
une pulsion. Le refoulement se produit dans les cas où la satisfaction d'une pulsion —
susceptible de procurer par elle-même du plaisir — risquerait de provoquer du déplaisir
à l'égard d'autres exigences.” (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse).

Le refoulement est particulièrement manifeste dans l'hystérie mais joue aussi un rôle
majeur dans les autres affections mentales ainsi qu'en psychologie normale. Il peut
être considéré comme un processus psychique universel en tant qu'il serait à l'origine
de la constitution de l'inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme.

Pour Freud, le rêve est un accomplissement (déguisé) de désir (refoulé). Dans


l’interprétation du rêve, il s'agit de rechercher les relations entre le contenu manifeste
du rêve, c'est-à-dire le rêve tel qu'on se le rappelle au réveil et le contenu latent du
rêve, c'est-à-dire les pensées du rêve.

Le travail du rêve consiste en un ensemble d'opérations psychiques « qui


transforment les matériaux du rêve
(stimuli corporels, restes diurnes,
pensées du rêve) en un produit: le rêve
manifeste. La déformation est l'effet de
ce travail ». (Laplanche et Pontalis,
Vocabulaire de la psychanalyse),
Freud écrit: “Le travail psychique dans la
formation du rêve se divise en deux
opérations: la production des pensées du
rêve, leur transformation en contenu
[manifeste] du rêve” ». C'est la seconde
de ces deux opérations « qui constitue au
sens strict le travail du rêve dont Freud a
décrit les différents mécanismes de transformation : condensation, déplacement, prise
en compte de la figurabilité, élaboration secondaire.

A retenir : le travail du rêve “est l’ensemble des opérations qui transforment les
matériaux du rêve (stimuli corporels, restes diurnes*, pensées du rêve*) en un produit :
le rêve manifeste. La déformation* est l'effet de ce travail.” (Laplanche et Pontalis,
Vocabulaire de la psychanalyse).

Freud utilisera le modèle du rêve (latent/manifeste) pour comprendre l’ensemble de


ce qu’il nomme les “rejetons de l’inconscient” : lapsus, actes manqués, oublis et
symptômes (ces termes seront définis un peu plus loin). Ces formations psychiques
ne sont pas le fait du hasard mais répondent à une détermination inconsciente. Le
contenu inconscient qui leur est sous-jacent peut être découvert par le travail de
l’interprétation.
Le contenu latent est « l’ensemble de significations auquel aboutit l'analyse d'une

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Psychologie clinique 1 Psy1 U01. Introduction à la psychanalyse

production de l'inconscient, singulièrement du rêve. Une fois déchiffré, le rêve


n'apparaît plus comme un récit en images mais comme une organisation de pensées,
un discours, exprimant un ou plusieurs désirs »
(Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la
psychanalyse). Le contenu manifeste
désigne le rêve avant qu'il soit soumis à
l'investigation analytique, tel qu'il apparaît au
rêveur qui en fait le récit. Par extension on
parlera du contenu manifeste de toute
production verbalisée — du fantasme à
l'oeuvre littéraire — qu'on se propose
d'interprêter selon la méthode analytique »
(Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse).

Parmi les mécanismes du travail du rêve citons la condensation, la diffractions, le


déplacement, la prise en compte de la figurabilité.
« La condensation est un mécanisme de défense par lequel « une représentation
unique représente à elle seule plusieurs chaînes associatives à l’intersection
desquelles elle se trouve. Du point de vue économique, elle est alors investie des
énergies qui, attacheées à ces différentes chaînes, s'additionnent sur elle. On voit la
condensation à l'oeuvre dans le symptôme et, d'une facon générale, dans les diverses
formations de l'inconscient. C'est dans le rêve qu'elle a été le mieux mise en évidence.
Elle s'y traduit par le fait que le récit manifeste, comparé au contenu latent, est
laconique : il en constitue une traduction abreégée. La condensation ne doit pas pour
autant être assimilée à un résumé : si chaque élément manifeste est déterminé par
plusieurs significations latentes,
inversement chacune de celles-ci peut
se retrouver en plusieurs éléments ;
d'autre part, l’ élément manifeste ne
représente pas sous un même rapport
chacune des significations dont il
dérive, de sorte qu'il ne les subsume
pas comme le ferait un concept »
(Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de
la psychanalyse).

Par le déplacement « l'accent, l'intérêt, l'intensité d'une représentation est susceptible


de se détacher d'elle pour passer à d'autres représentations originellement peu
intenses, reliées à la première par une chaîne associative. Un tel phénomène
particulièrement repérable dans l'analyse du rêve se retrouve dans la formation des
symptêmes psychonévrotiques et, d'une facon génerale, dans toute formation de
l'inconscient. La théorie psychanalytique du déplacement fait appel à l'hypothèse
économique d'une énergie d'investissement susceptible de se détacher des
représentations et de glisser le long de voies associatives. Le « libre » déplacement
de cette énergie est un des caractères majeurs du processus primaire tel qu'il régit le
fonctionnement du système inconscient » (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la
psychanalyse).

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Psychologie clinique 1 Psy1 U01. Introduction à la psychanalyse

L’élaboration secondaire est « un remaniement du rêve destiné à le présenter sous


la forme d'un scénario relativement cohérent et compréhensible. Enlever au rêve son
apparence d'absurdité et d'incohérence, en boucher les trous, effectuer un
remaniement partiel ou total de ses éléments en y opérant un tri et des adjonctions,
chercher à créer quelque chose comme une rêverie diurne, voila en quoi consiste
l'essentiel de ce que Freud a nommé élaboration secondaire ou encore « prise en
considération de l'intelligibilité ». Elle constitue, comme son nom (Bearbeitung)
l'indique, un deuxième temps du travail (Arbeit) du rêve ; elle porte donc sur des
produits déja élaborés par les autres mécanismes (condensation, déplacement,
figuration). Toutefois Freud estime que cette élaboration secondaire ne s'exerce pas
sur des formations qu'elle remanierait apre`s-coup ; au contraire, ... elle exerce
d'emblé [...] une influence inductrice et sélective sur le fonds des pensé du rêve. C'est
ainsi que le travail du rêve utilisera volontiers des rêveries deja montées » (Laplanche
et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse).

La prise en considération de la figurabilité : est l’ « exigence à laquelle sont


soumises les pensées du rêve : elles subissent une sélection et une transformation
qui les rendent à même d'être représentées en images, surtout visuelles » (Laplanche
et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse). Le syste`me d'expression que constitue
le rêve a ses lois propres. Il exige que toutes les significations, jusqu'aux pensées les
plus abstraites, s'expriment par des images. Les discours, les paroles ne sont pas,
selon Freud, privilégiées à cet égard : ils figurent dans le rêve comme éléments
signifiants et non pour le sens qu'ils ont dans le langage verbal.

Les rejetons de l’inconscient :


Comme indiqué plus haut, Freud emploi le terme de rejetons de l’inconscient pour
traduire le fait que l'inconscient tend à faire resurgir dans la conscience (et dans
l'action) des productions en connexion plus ou moins lointaine avec lui (rêves, lapsus,
actes manqués, symtômes, les fantasmes). Ces dérivés du refoulé sont à leur tour
l'objet de nouvelles mesures de défense. Le terme de rejeton met en évidence le fait
que l'inconscient reste toujours actif, et exerce
une pression vers la conscience. Le terme
français, tiré de la botanique, accentue cette
idée, par l'image de quelque chose qui repousse
après qu'on ait cherché à le supprimer.

Mais le retour du refoulé implique le plus souvent


une transformation : pour être admis dans le
conscient (dans le symptôme, le rêve, l’acte
manqué, le symtôme et plus généralement toute
production de l'inconscient) il est déformées par
la défense jusqu'à en être méconnaissables.
“Dans la même formation peuvent ainsi se
satisfaire — en un même compromis — à la fois
le désir inconscient et les exigences défensives » (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire
de la psychanalyse) : c’est ce que Freud nomme “formations de compromis” :

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