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Le droit de rétention en droit marocain

*** Les numéros des articles sans aucune autre précision renvoient aux dispositions du
Dahir des obligations et des contrats (DOC).

Le droit de rétention est l’un des moyens de pression les plus efficaces pour être payé. Il
permet au créancier, dans tous les cas établis par la loi, de retenir un bien appartenant à son
débiteur jusqu’au paiement de ce qui lui est dû (art.291). Ce bien peut consister en une chose
mobilière, immobilière, des titres nominatifs, à l'ordre ou au porteur (art. 294).
Le droit de rétention est opposable aux créanciers et ayants cause du débiteur, dans les mêmes
cas où il pourrait être opposé au débiteur lui-même (art.305). Il est consacré par les articles
291 à 305 du Dahir des obligations et des contrats (DOC). Outre ce régime général, de
nombreuses dispositions légales prévoient des applications particulières de ce droit.

1- Qui peut se prévaloir d’un droit de rétention ?


Peut se prévaloir du droit de rétention :
- Le détenteur de la chose dont la créance est née de rapports d'affaires existant entre lui et le
propriétaire de cette chose (art.296 – 3°). C’est le cas notamment de celui à qui la chose a été
remise jusqu'au paiement de sa créance (le créancier gagiste) ou de celui dont la créance
impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer (exemple du vendeur, qui a le droit de retenir
la chose vendue jusqu’au paiement du prix).

- Le droit de rétention est également reconnu à celui dont la créance est née à l’occasion de la
détention la chose qui lui a été remise. Ce droit lui est reconnu à raison des dépenses
nécessaires à la chose détenue, jusqu'à concurrence de celles-ci, ainsi que les dépenses ayant
servi à l’amélioration de la chose, pourvu qu'elles soient antérieures à la demande en
revendication, et ce jusqu'à concurrence de la plus-value acquise par la chose (ou le fonds).
Néanmoins, après la demande en revendication, il n'est tenu compte, pour l’exercice du droit
de rétention, que des dépenses strictement nécessaires (art.292).
De nombreuses dispositions légales particulières consacrent le droit de rétention dans bien des
domaines :

Le vendeur a le droit de retenir la (les) chose (s) vendue (s) jusqu’au paiement de la totalité
du prix (art.504 – 508).

Le bailleur a un droit de rétention, pour les loyers échus et pour ceux de l'année en cours, sur
les meubles et autres choses mobilières qui se trouvent dans les lieux loués et appartenant soit
au locataire, soit au sous-locataire, soit même à des tiers (Article 684).

Le transporteur a un droit de rétention sur les effets et bagages du voyageur pour le


paiement du prix du transport et des fournitures faites à ce dernier pendant le voyage.
Le droit de rétention du transporteur a lieu pour toutes les créances résultant du contrat de
transport. (art.470 et 484 du code de commerce).
Le dépositaire a le droit de retenir le dépôt à raison des dépenses nécessaires qu'il a faites
pour le conserver (art. 817).

Le locateur d’ouvrage (architecte, entrepreneur…) a un droit de rétention sur la chose qui lui
a été commandée ou les autres choses du commettant qui se trouvent en son pouvoir, jusqu'au
paiement de ses avances et main-d’œuvre, sauf si le contrat stipule que le paiement devrait se
faire à terme (art. 779).

Le prêteur a le droit de retenir le prêt, lorsque, depuis le contrat, les affaires de l'emprunteur
ont tellement empiré, que le prêteur se trouve en danger de perdre tout ou partie de son
capital. Il a ce droit de rétention quand même le mauvais état des affaires de l'emprunteur
remonterait à une époque antérieure au contrat, si le prêteur n'en a eu connaissance qu'après
(art. 863).

2- Quelles sont les conditions à remplir pour l’exercice du droit de rétention ?


Selon l’article 296 du DOC, le droit de rétention ne peut être exercé que dans les conditions
suivantes :
- Le créancier doit être en possession de la chose. Il s’agit là d’un élément essentiel de ce
droit. Ainsi, le vendeur à terme d’un bien mobilier dont le prix n’est pas entièrement payé, ne
peut plus revendiquer aucun avantage émanant du droit de rétention dès lors qu’il a déjà
effectué la livraison. Il aurait dû exercer ce droit bien avant.
- disposer d’une créance échue, c’est-à-dire exigible et liquide sur le titulaire de la chose
détenue. Si la créance n'est pas liquide le tribunal fixe au créancier un délai, le plus bref
possible, pour liquider ses droits.
NB : Le droit de rétention peut toutefois être exercé, même à raison de créances non échues
lorsque le débiteur a suspendu ses paiements ou est en état d'insolvabilité déclarée ou
lorsqu'une exécution poursuivie sur le débiteur a donné un résultat négatif.
- enfin, il doit y avoir un lien de connexité entre la chose retenue et la créance invoquée.

4- Dans quels cas le droit de rétention est-il exclu ?


Le droit de rétention ne peut être exercé :
- Par le possesseur de mauvaise foi. Selon les dispositions de l’article 103 du DOC, le
possesseur de bonne foi est celui qui possède une chose en vertu d’un titre dont il ignore les
vices. Une possession est, ainsi, entachée de mauvaise foi, par exemple, lorsqu’elle est
exercée en vertu d’une promesse de vente souscrite sans indication du prix. En effet, le DOC,
notamment son article 487 prohibe l’indétermination du prix de la vente ou sa fixation par un
arbitre (Cf. C.A. de Rabat, 12/03/1932, GTM, 1932 n°498, p.194).
- Par le créancier dont la créance a une cause illicite ou prohibée par la loi (art.293).
- Sur les choses n'appartenant pas au débiteur. On entend par là les choses perdues ou volées,
revendiquées par leur possesseur légitime ; ou encore les choses à l'égard desquelles le
créancier savait ou devait savoir, à raison des circonstances ou de l'accomplissement des
publications prescrites par la loi, qu'elles n'appartenaient pas au débiteur.
Ainsi, « un garagiste qui a effectué des réparations à un véhicule acheté à crédit, et qui
devait savoir que le conducteur avait une carte grise encore barrée, ne saurait arguer de son
droit de rétention à l’encontre de la société encore propriétaire du véhicule ». C. A. de Rabat,
30/11/1955, RACAR, tome XVIII, p.412
- Sur les choses soustraites à une exécution mobilière,
- Le droit de rétention est également exclu lorsque les choses ont été remises au créancier
avec une affectation spéciale, ou lorsque le créancier s'est engagé à en faire un emploi
déterminé (art.299) ; Cf. C.A. de Rabat, 06/04/1962, R.M.D., 1963, p.378).

Cependant lorsque, postérieurement à ces faits, le créancier apprend la suspension des


paiements ou l'insolvabilité de son débiteur, il est autorisé à faire usage du droit de rétention.

Il a été jugé que « le salarié qui occupe un logement de fonction mis à sa disposition par
l'employeur ne peut exercer de droit de rétention sur ledit logement en raison du défaut de
perception des indemnités de rupture de la relation de travail, quelle qu'en soit le motif »
(Cour d’appel de Casablanca, 12/12/1997, arrêt n°4139 – arrêt rendu sous l’ancienne
législation, mais conforme aussi à la nouvelle, art.77 code du travail).

5- Que faire lorsque la chose retenue est périssable ?


Lorsque la chose retenue par le créancier est sujette à dépérissement ou court le risque de se
détériorer, le créancier peut se faire autoriser à la vendre dans les formes prescrites pour la
vente du gage ; le droit de rétention s'exerce alors sur le produit de la vente.
Toutefois, le tribunal peut, d'après les circonstances, ordonner la restitution (totale ou
partielle) des choses retenues par le créancier, si le débiteur offre de déposer entre les mains
du créancier une chose ou valeur équivalente, ou de consigner la somme réclamée jusqu'à la
solution du litige. L'offre d'une caution ne suffirait pas à libérer le gage (Cf. art.302, 303,
304).

6- Observations :
Le droit de rétention est éteint par la dépossession. Mais il renaît si, par un fait postérieur, le
créancier est remis en possession de la chose.
Lorsque les objets retenus par le créancier ont été déplacés clandestinement ou malgré son
opposition, il a le droit de les revendiquer afin de les rétablir au lieu où ils se trouvaient dans
les trente jours à partir du moment où il a eu connaissance du déplacement. Passé ce délai, il
est déchu du droit de suite.

Par application des articles 508 et 1211 du DOC, « le vendeur qui use de son droit de
rétention répond de la chose vendue dans les mêmes conditions que le créancier gagiste
répond du gage qu'il détient. Il est donc responsable de sa perte sauf s'il prouve qu'elle est
due à un cas fortuit ou de force majeure ». (Cour suprême, chambre civile, 01 juin 1965, arrêt
n°303).

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