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#11 – RESPONSABILITÉ DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

La responsabilité du commissaire aux comptes peut être engagée sur le plan civil, pénal,
disciplinaire et administrative.

I. Responsabilité civile du commissaire aux comptes


1. Définition
La responsabilité civile désigne « l'obligation, pour une personne, de répondre de certains actes
qu'elle a commis. Elle en répond civilement lorsque la transgression de la norme a causé un
dommage à un tiers. »

Ainsi pour être engagée, on retient qu’il faut :


• une faute ;
• un dommage ;
• un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Pour être engagée, la responsabilité civile d’un commissaire aux comptes devra être
prouvée. Il faudra démontrer le lien de causalité entre une faute ou une négligence et le
préjudice subi. Si le lien de causalité est démontré, cela donnera lieu à des dommages et
intérêts de la part du commissaire aux comptes.
Néanmoins, cette responsabilité ne peut pas être engagée lors de divulgation
d’informations entrant dans le cadre de leur mission.
Notamment, la responsabilité du commissaire aux comptes ne saurait être engagée lorsque
celui-ci a révélé des faits délictueux ou fait des déclarations de soupçon à TRACFIN.

2. Etendue de la responsabilité civile du commissaire aux comptes


« Les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la personne ou de
l’entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux
commises dans l’exercice de leurs fonctions […] » Article L822-17 du Code de commerce.

3. Les obligations du commissaire aux comptes dans l’exercice de ses


missions
Le commissaire aux comptes dans le cadre de ses missions a une obligation de moyen ce qui
se traduit par une mise en œuvre dans le cadre de sa mission de diligences normales et
avisées.
Durant sa mission, le but du commissaire aux comptes n’est pas de vérifier l’intégralité des
opérations, ni de rechercher l’ensemble des irrégularités et des inexactitudes. Dans le cadre
d’une mission d’audit légal, le niveau d’assurance est élevé mais non absolu c’est-à-dire «
raisonnable ».

Exceptions à l’obligation de moyen :


Le code de commerce cite quelques rares cas pour lesquels le commissaire aux comptes à une
obligation de résultat :
• Obligation de vérification des règles relatives aux actions dont doivent être
propriétaires les administrateurs et les membres du conseil de surveillance dans la SA
(C. Com, art. L 225-26 ou L225-73) ;
• Obligation de contrôler la régularité des modifications statutaires dans les sociétés
commerciales (C. Com, art. L210-8, al 2) ;
• Obligation de présenter un rapport spécial sur les conventions dont le commissaire
aux comptes a eu connaissance (C. Com, art. L225-40 ou L225-88).

4. Action en responsabilité envers le commissaire aux comptes


a) Demandeur
L’action en responsabilité peut être exercée par tout intéressé afin d’obtenir la réparation
d’un préjudice personnel (créanciers, salariés...). Néanmoins, cette action est dans la grande
majorité des cas exercée par les représentants légaux de l’entité contrôlée afin de réparer un
préjudice subi.
b) Prescription de l’action
L’action en responsabilité se prescrit1 par :
• 3 ans à compter du fait dommageable. En cas de dissimulation la prescription ne court
qu’à compter de la révélation. La dissimulation se traduit par la volonté du commissaire
aux comptes de cacher des faits dont il a connaissance au cours de la certification des
comptes. De simples négligences ne peuvent être constitutives de dissimulation ;
• 10 ans si le fait est qualifié de crime.
La prescription triennale s’applique à toute mission légale de contrôle.

c) Compétence d’attribution
Le tribunal compétent pour traiter l’action intentée contre le commissaire est :
• Pour les commissaires aux comptes, personne physique ; société civile professionnelle,
société d’exercice libéral : le Tribunal judiciaire ;
• Pour les sociétés de commissaire aux comptes : le Tribunal de commerce.

II. Responsabilité pénale du CAC


1. Définition
La responsabilité pénale se définit comme l'obligation de répondre juridiquement des
infractions pénales dans lesquelles on est impliqué (comme auteur, co-auteur ou complice).
La responsabilité pénale suppose que soit commise une infraction pénale (faits que la loi ou la
réglementation qualifient expressément d'infraction pénale).
Dans certains cas, la loi précise expressément que la simple tentative de commettre une
infraction pénale peut entraîner une condamnation pénale.

1
Article L225-254 C. Com sur renvoi du L822-18 C. Com
2. Eléments constitutifs de l’infraction pénale
a) Eléments indispensables à la peine
• Élément légal : un texte répressif doit prévoir l’infraction (art. 111-3 al 1 C. Pénale).
• Élément matériel : pour que la responsabilité soit engagée il faut qu’il y ait eu un
commencement d’exécution. Dans certains cas, la loi précise expressément que la
même la simple tentative de commettre une infraction pénale peut entraîner une
condamnation pénale.
• Élément moral : il faut que l’auteur ait conscience ou la volonté de commettre une
infraction pénale.
• Ainsi, appliqué au commissaire aux comptes, la faute, constitutive de l’élément moral
est démontrée soit par une volonté intentionnelle, mais aussi d’imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité de l’auteur
des faits.

b) Liste des infractions pénales commises par le commissaire aux comptes :

Infraction Peines encourues

Usage illicite du titre de commissaire aux comptes 1 an d’emprisonnement

Art. L 820-5 1° C. Com 15 000€ d’amende

Exercice illégal de la profession 1 an d’emprisonnement

Art. L 820-5 2° C. Com 15 000€ d’amende

Incompatibilité légale 6 mois d’emprisonnement

Art. L820-6 C. Com 7 500€ d’amende

5 ans d’emprisonnement
Délit de fourniture ou confirmation d’informations mensongères
75 000€ d’amende (PP2)
Art. L820-7 C. Com
375 000€ d’amende (PM3)

5 ans d’emprisonnement
Non-révélation de faits délictueux
75 000€ d’amende
Art. 820-7 C. Com
375 000€ d’amende (PM4)

Violation du secret professionnel 1 an d’emprisonnement

Art. 226-13 et 14 du C. Pénal sur renvoi du L.820-5 C. Com 15 000€ d’amende

Indications inexactes dans le cadre du DPS 2 ans d’emprisonnement

Art. L242-20 C. Com 18 000€ d’amende

Défaut d’information 2 ans d’emprisonnement

2 PP : Personne Physique
3PM : Personne Morale.
NB : Dans le cadre de cette infraction, la peine de prison n’est pas applicable à la personne morale.
4PM : Personne Morale.
NB : Dans le cadre de cette infraction, la peine de prison n’est pas applicable à la personne morale.
Art. L247-1, III du C. Com et L247-3, IV du C. Com 9 000€ d’amende

3. Détails des infractions


a) Usage illicite du titre de commissaire aux comptes
Le fait pour toute personne d’exercer illégalement la profession de commissaire aux comptes
en violation de dispositions
• Élément légal
o Ne pas être inscrit sur la liste des commissaires aux comptes
o Ne pas avoir prêté le serment
o Avoir été frappé d’une mesure d’interdiction d’exercer la profession
o Agent qui a fait l’objet d’une mesure de suspension temporaire d’exercer la
profession
• Élément matériel : Exercice de la profession
• Élément moral : Dol général classique

b) Incompatibilité légale
L’art. L 820-6 du Code de commerce incrimine « […] le fait, pour toute personne, d’accepter,
d’exercer ou de conserver les fonctions de commissaire aux comptes, nonobstant les
incompatibilités légales, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société de
commissaires aux comptes ».

Élément légal Élément matériel Élément moral


Art. L820-10 C. Com est incompatible avec les fonctions de La transgression de Dol général
commissaire aux comptes l’incompatibilité peut classique
1. Toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à prendre 3 formes :
son indépendance • Acceptation
2. Avec tout emploi salarié • Exercice de la
3. Toute activité commerciale, fonction
Qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée. • Conservation des
Art L820-11 2° C. Com acceptation d’une mission auprès d’une fonctions du
EIP par le commissaire aux comptes qui a réalisé des services commissaire aux
mentionnés à l’art. 5 du règlement (UE) n° 537/2014 du 16 comptes
avril 2014.
Art L820-11-1 C. Com 2° renvoi à la section 4 du nouveau code
de déontologie de la profession des commissaires aux
comptes. Sont incompatibles avec l’exercice de la mission de
commissaire aux comptes, tous liens :
1. personnels
2. financiers
3. professionnels
directs ou indirects.
NB : reprendre cours sur Code de déontologie

c) Donner ou confirmer des informations mensongères


L’article L 820-7 C. Com. incrimine le « fait, pour toute personne, de donner ou confirmer, soit
en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société de commissaires aux comptes
des informations mensongères sur la situation de la personne morale ».

Élément légal Élément matériel Élément moral


Art. L820-7 C. Com : fait, pour toute personne, de L’élément matériel de Dol général
donner ou confirmer, soit en son nom personnel, soit l’infraction est le fait de
au titre d’associé dans une société de commissaires donner ou confirmer une
aux comptes des informations mensongères sur la information mensongère sur
situation de la personne morale la situation de la personne
morale

Il s’agit de l’infraction la plus grave spécifique au commissariat aux comptes.

d) Non-révélation de faits délictueux


L’article L 820-7 C. Com. incrimine le « fait, pour toute personne, de donner ou confirmer, soit
en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société de commissaires aux comptes
des informations mensongères sur la situation de la personne morale et de ne pas révéler au
procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance ».

Élément légal Élément matériel Élément moral


Art. L820-7 C. Com : « […] ne pas révéler au procureur Le fait de ne pas révéler Dol général
de la République les faits délictueux dont il a eu
connaissance «

e) Violation du secret professionnel


L’art. L822-15 incrimine « […] les commissaires aux comptes, ainsi que leurs collaborateurs et
experts, sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils
ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions”

Élément légal Élément matériel Élément moral


Art. L822-15 al. 1 C. Com: Divulgation d’informations Dol général
obtenues au cours de
« […] les commissaires aux comptes, ainsi que leurs l’exercice de la mission sur le
collaborateurs et experts, sont astreints au secret client auprès du public.
professionnel pour les faits, actes et renseignements
dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs
fonctions »

Sont concernés par l’élément légal les :


• Commissaires aux comptes, collaborateurs, experts
Les informations portent sur les :
• Comptes et la vie de la société
Et doivent avoir étaient obtenues :
• Les faits révélés indûment doivent avoir été connus dans l’exercice ou à l’occasion de
la mission du commissaire aux comptes.
L’obligation de confidentialité pèse sur le commissaire aux comptes et les membres de
son équipe. Le fait qu’une information soit déjà connue du public ne dégage pas le
commissaire aux comptes de son obligation de confidentialité vis-à-vis de cette information.

Infractions en matière d’information :


En matière d’information, le commissaire aux comptes s’expose à des sanctions en cas de
confirmation d’informations inexactes ou en cas de défaut d’informations sur des informations
identifiées dans le code de commerce.

4. Fourniture ou confirmation d’une Indications inexactes aux


actionnaires dans le rapport présenté à l’assemblée générale en cas de
suppression du droit préférentiel de souscription
L’article L242-29 du Code de commerce fait « pour le président, les administrateurs ou les
commissaires aux comptes d’une société anonyme, de donner ou confirmer des indications
inexactes dans les rapports présentés à l’assemblée générale appelée à décider de la
suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires ».

Élément légal Élément matériel Élément moral


Art. L242-29 du C. Com Fourniture d’information Dol général
inexacte
Confirmation d’information
inexacte

f) Défaut d’information
Le fait pour le commissaire aux comptes de ne pas mentionner dans son rapport certaines
catégories d’informations est constitutif d’un délit. Ces informations portent sur :
o le défaut d’information sur la prise de contrôle d’une société ;
o le défaut d’information sur la détention de participation significative.
Élément légal Élément matériel Élément moral
L.247-1,III C. Com : Pour le défaut d’information sur Omission dans le rapport Dol général
la prise de contrôle d’une société des références aux
L247-2, IV C. Com : Pour le défaut d’information sur mentions citées
la détention de participations significatives.

III. Responsabilité disciplinaire


1. Définition
Constitue une faute disciplinaire selon l’art. L824-1 I C.Com :
1. Tout manquement aux conditions légales d'exercice de la profession ;
2. Toute négligence grave et tout fait contraire à la probité ou à l'honneur.
Le point II 1° de ce même article précise que, sont passibles des sanctions prévues à l'article L.
824-3, les associés, salariés du commissaire aux comptes, toute autre personne participant à la
mission de certification ou les personnes qui sont étroitement liées au commissaire aux
comptes au sens de l'article 3, paragraphe 26, du règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014,
du fait des manquements aux dispositions de l'article L. 822-11-3 ainsi qu'aux dispositions du
code de déontologie relatives aux liens personnels, professionnels ou financiers.

2. Les étapes de la procédure

Au lendemain de la loi Pacte, le déroulement de la procédure de mise en cause de la


responsabilité disciplinaire du CAC a évolué. À présent, la procédure se découpe en 5 étapes :

3. Collège H3C
2. Enquête rapporteur
1. Saisine Engagement procédure
général H3C
Hors formation

4. H3C Formation restreinte 5. Conseil d’État

a) La saisine
Le rapporteur général s’auto saisi (en cas de signalement par un tiers) ou est saisi de tout fait
susceptible de justifier l’engagement d’une procédure de sanction par :
• le premier Président de la Cour des comptes ou président d’une chambre régionale des
comptes ;
• le procureur général près la cour d’appel compétente ;
• le président de l’AMF ;
• le président de l’ACPR ;
• Le président du H3C ;
• Le président de la CNCC ou le président d’une CRCC.

b) Enquête rapporteur général du H3C


Le rapporteur général procède à l’enquête et peut se faire accompagner d’enquêteurs pour
l’assister. Dans le cadre de l’enquête, le rapporteur et les enquêteurs peuvent :
• obtenir du CAC tout document ou information, sous quelque forme que ce soit et en
exiger une copie ;
• obtenir de toute personne tout document ou information utile à l’enquête et en exiger
une copie ;
• convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations
utiles à l’accomplissement de leur mission, y compris par visioconférence ou
audioconférence ;
• accéder aux locaux à usage professionnel ;
• demander à des CAC inscrits sur une liste de procéder à des vérifications ou d’effectuer
des actes d’enquête sous leur contrôle ;
• se faire accompagner d’experts.

L’intéressé peut se faire assister d’un conseil de son choix pendant la procédure.
A l’issu de l’enquête un « pré-rapport » d’enquête est transmis au H3C.

c) Engagement de la procédure par le H3C (hors formation restreinte)


Si lors de la réunion du collège du H3C, des faits justifient l’engagement d’une procédure de
sanction :

Arrêté des griefs par le collège du H3C


• Notification des griefs par le rapporteur général
• Le commissaire présente ses observations dans un délai de 2 mois
• Rapport final d’enquête du rapporteur général
• Transmission au président de la formation restreinte du rapport final accompagné des
observations du CAC et de l’entier dossier une copie est envoyée à la personne
poursuivie

d) H3C - Formation restreinte


• Saisine de la formation restreinte du H3C
• Convocation de la personne poursuivie à l’audience
• Audition de la personne poursuivie et/ou de son conseil
• Délibération hors la présence des parties et du rapporteur général
• Décision de sanction et/ou injonction de cesser et de ne pas réitérer les
manquements ou relaxe

e) Conseil d’état
Recours incident sous deux mois, formé par le Président du H3C ou la personne sanctionnée à
compter de la notification du recours initial ou demande en référé suspension de la décision

3. Nature des sanctions et prescription


Les commissaires aux comptes sont passibles des sanctions suivantes :
• avertissement ;
• blâme ;
• interdiction d’exercer la fonction pour une durée maximale de 5 ans ;
• radiation de la liste ;
• retrait de l’honorariat ;
• interdiction pour une durée maximale de 3 ans d’exercer des fonctions d’administration
ou de direction au sein d’une société de commissaire aux comptes et au sein d’entités
d’intérêt public ;
• sanction pécuniaire (PP : 250 000€ / PM : 1 000 000€) ;
• sanction complémentaire de l’inéligibilité aux organismes professionnels pour une
durée maximale de 10 ans.

Les faits remontant à plus de 6 ans ne peuvent faire l’objet d’une sanction s’il n’a été fait
pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction
(art. L 824-4 C. Com).

IV. Responsabilité administrative


Les CAC qui exercent leurs activités au sein de sociétés faisant appel public à l'épargne (APE)
sont passibles de sanctions administratives prononcées par l'Autorité des marchés financiers5.

Le CAC associé dans la société de commissaires aux comptes titulaire du mandat est passible,
à titre personnel, de sanctions administratives dès lors qu'il a délivré des informations inexactes
lors de la publication et de la certification des comptes.

5
Art L. 621-14 et L. 621-15-II du code monétaire et financier et du règlement général de l'AMF

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