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Droit

de la famille
2e édition

Carole Petit
Maître de conférences UCLY

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ISBN 9782340-058323
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2021
8/10 rue la Quintinie 75015 Paris

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Sommaire

Principales abréviations.....................................................................................................................................3
Introduction...............................................................................................................................................................5

PR EMIÈR E PARTIE
Le lien de couple

CH A PITR E 1
L’union..............................................................................................................11

Section 1 – La formation du couple............................................................................................13

Section 2 – La vie de couple....................................................................................................... 38

CH A PITR E 2
La désunion.................................................................................................... 58

Section 1 – Les causes et la procédure.......................................................................................58

Section 2 – Les conséquences....................................................................................................85

DEU X IÈME PARTIE


Le lien enfant-parent

CH A PITR E 1
La filiation......................................................................................................119

Section 1 – La filiation par procréation « charnelle ».............................................................. 121

Section 2 – La procréation médicalement assistée.................................................................154

Section 3 – La gestation pour autrui........................................................................................ 161

Section 4 – L’adoption............................................................................................................... 173

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CH A PITR E 2
Les corollaires de la filiation....................................................................... 205

Section 1 – L’obligation d’entretien......................................................................................... 205

Section 2 – L’autorité parentale................................................................................................ 211

Section 3 – La dévolution du nom de famille......................................................................... 220

Index........................................................................................................................................................................... 231
Table des matières..............................................................................................................................................235

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Principales abréviations

AJ fam. : AJ famille Dalloz


CAF : Caisse d’allocations familiales
CASF : Code de l’action sociale et des familles
C. civ. : Code civil
C. pén. : Code pénal
CEDH : Cour européenne des droits de l’homme
CESEDA : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Circ. : circulaire
Civ. 1re : Première chambre civile de la Cour de cassation
CNAOP : Conseil national pour l’accès aux origines personnelles
Cons. Const. : Conseil constitutionnel
Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales
C. pr. civ. : Code de procédure civile
C.S.P. : Code de la santé publique
C.S.S. : Code de la Sécurité Sociale
D. : décret
D. : Recueil Dalloz
Dr. fam. : Droit de la famille (Revue)
JAF : Juge aux affaires familiales
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
JCP : Juris-Classeur périodique (Semaine juridique), édition générale
L. : Loi
Ord. : Ordonnance
Pacs : pacte civil de solidarité
QPC : question prioritaire de constitutionnalité
RDC : Revue des contrats
RLDC : Revue Lamy Droit civil
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil
Soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation

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Introduction

1. Famille. « Unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être


de tous ses membres et en particulier des enfants » selon le préambule de la Convention
internationale des droits de l’enfant1, « la famille est l’élément naturel et fondamental de
la société », selon l’article 16 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme2. Mais
quel est le sens exact du mot famille ? Chacun a au moins intuitivement une idée ou une
image de ce qu’il représente. Pour autant la famille est une réalité dont les contours sont
relativement difficiles à cerner précisément.
2. Sens courant. Le mot a pour origine le latin familia, qui a désigné dans un premier temps
le groupe des esclaves vivant sous l’autorité d’un maître, avant de viser plus largement
les personnes vivant sous le même toit et donc l’idée de cohabitation. Un glissement s’est
ensuite opéré pour désigner les liens à l’origine de cette cohabitation. Les dictionnaires
courants contemporains donnent de la famille des définitions variables, et qui, dans
l’ensemble, restent assez traditionnelles. Il est fait référence aux personnes unies par la
parenté ou l’alliance ou encore à l’ensemble formé par le père, la mère et les enfants, voire
aux personnes de même sang vivant sous le même toit. L’idée de groupe, d’ensemble,
est donc assez certaine. Sont moins certains les liens qu’il convient de faire entrer ou non
dans cet ensemble.
3. Sens juridique. Les textes juridiques ne donnent quant à eux pas de définition précise de
la famille, laquelle n’est d’ailleurs pas une institution juridique à proprement parler. Elle
demeure une notion floue, difficile à cerner et évolutive. Elle varie en effet en fonction
des temps, des lieux, des mœurs, et même de la branche du droit concernée. Fondée sur
les liens du sang, le mariage catholique indissoluble, la suprématie maritale et l’autorité
paternelle dans l’ancien régime, l’appréhension de la famille a évolué dans un sens libéral
et égalitaire avec la Révolution. Le divorce a été admis en 17923 permettant de mettre fin
au mariage devenu laïc, la puissance paternelle a été affaiblie et les enfants sont devenus
plus égaux. Le Code Napoléon, tout en conservant certains aspects révolutionnaires, a
restauré une discipline guidée par la puissance paternelle dans les rapports parents-enfants
et l’obéissance de la femme à son mari dans les rapports de couple. Après une grande
période de stabilité, une évolution progressive qui sera décrite tout au long de l’ouvrage
a néanmoins eu lieu, surtout à partir de la seconde moitié du xxe siècle.

1. Adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur en France le 2 septembre
1990.
2. Adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948.
3. Supprimé sous la Restauration par la loi du 8 mai 1816, il est rétabli par celle du 27 juillet 1884, cf. infra n° 82.

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4. Droit de la famille. Ainsi, si la famille était traditionnellement définie par les juristes
comme un groupe de personnes reliées entre elles par l’alliance ou la parenté, l’entrée du
Pacte civil de solidarité (Pacs) et du concubinage dans le Code civil en 1999 ont bousculé
les anciennes évidences. Le Pacs et le concubinage ne créent en effet pas de liens de famille
à proprement parler. Pour autant ils relèvent bien du Droit de la famille, qui appréhende
la vie familiale, c’est-à‑dire le lien de couple (première partie) et le lien enfant-parent
(deuxième partie) davantage que le groupe familial en lui-même1.

1. Certains pans du Droit patrimonial de la famille sont sortis de l’étude classique du Droit de la famille et étudiés au titre des
régimes matrimoniaux et des successions, lesquels ne seront pas traités dans cet ouvrage.

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PREMIÈRE PARTIE

Le lien de couple

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5. 1804. En 1804, et de manière relativement stable pendant environ un siècle et demi, la
famille est considérée comme un lieu de reproduction, d’éducation des enfants, de solida-
rités et comme un outil de structuration sociale. La conception du couple est alors claire,
unique et institutionnelle. Seul le mariage est reconnu par le Droit. Il est alors une affaire
publique inspirée par l’Église catholique dont la formation est contrôlée socialement et
juridiquement. Les concubinages, peu nombreux, constituent la plupart du temps des
situations de fait subies et/ou de courte durée. Ils ne sont ni définis ni même appréhendés
par le Droit, sinon indirectement par un Droit de la filiation construit sur la différence entre
enfant légitime et enfant naturel.
6. 1960. Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, en particulier à partir des années 1960-1970,
des mutations sociales importantes se produisent. Le contexte sociodémographique
se modifie : la durée de vie s’allonge, les femmes travaillent, le chômage augmente.
Parallèlement, les solidarités familiales s’estompent, les rapports se désinstitutionnalisent
et s’individualisent. La famille subit des transformations profondes. La conception sociale
du couple change, entraînant une libéralisation des rapports et une instabilité plus grande
des unions. On parle de « crise du mariage ». Les concubinages constituent désormais une
forme de vie à deux choisie et durable. Ils se multiplient et par conséquent se banalisent.
Parallèlement se développent des progrès scientifiques considérables concernant la preuve
de la filiation biologique et la maîtrise de la procréation.
Le Droit évolue parallèlement. D’une fonction symbolique, dogmatique voire modélisa-
trice, il devient plus fonctionnel et pragmatique. Le mariage n’est plus considéré comme
l’unique moyen de constituer une famille, le seul modèle au sein duquel sont conçus et
éduqués les enfants. La philosophie individualiste conduit en effet à l’idéologie égalitaire.
Mais c’est d’abord le « couple parental » qui évolue. On a en effet rapidement opposé à
l’instabilité grandissante des couples la stabilité de la filiation. Cette dernière remplace
progressivement le mariage comme fondement de la famille. Dès la loi du 3 janvier 1972,
l’égalité entre enfants légitimes et naturels tend progressivement à gouverner le Droit de
la filiation, jusqu’à l’abolition, par l’ordonnance du 4 juillet 2005, de toute différenciation
expresse entre enfants légitimes et enfants naturels. Concernant l’autorité parentale, dès
1987, l’intérêt supérieur de l’enfant gouverne la mise en place progressive du principe de
la « coparentalité »1.
7. 1999. Au-delà du couple parental, c’est ensuite le « couple conjugal » en tant que tel qui,
sous l’effet de revendications égalitaires, va se libéraliser. À la fin des années 1990 en
particulier, les concubins réclament certains droits réservés aux époux et les couples de
même sexe sortent de l’ombre en revendiquant une reconnaissance sociale et juridique.
Progressivement, au travers de la jurisprudence d’abord, le couple non marié va entrer
en Droit. Puis la loi du 15 novembre 19992 va créer le Pacte civil de solidarité et définir le

1. Cf. infra n° 247 s.


2. L. n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.

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concubinage dans le Code civil indifféremment au sexe des membres du couple. Le Pacs
est le symbole de la reconnaissance juridique du pluralisme des couples et de la disso-
ciation du couple et de la famille. Le couple non marié est consacré, ainsi que le couple
de personnes de même sexe. La loi du 23 juin 20061, en réformant le Pacs, le rapproche
du mariage. On commence alors à assister à une véritable convergence des statuts du
couple. D’incontestables spécificités demeurent néanmoins attachées au mariage, union
entre personnes de sexes nécessairement différents, célébrée par un officier d’état civil,
entraînant une présomption de paternité pour le mari de la mère et dissoute par le divorce
prononcé par un juge.
8. 2013. La première spécificité du mariage est toutefois supprimée par la loi du 17 mai 2013
ouvrant le mariage – et par conséquent l’adoption – aux couples de personnes de même
sexe. La loi du 18 novembre 20162 donne en outre compétence à l’officier d’état civil pour
enregistrer le Pacs et instaure le divorce par consentement mutuel sans juge. Pacs et
mariage se rapprochent à grands pas. La présomption de paternité reste réservée au mari
et ne s’applique pas aux couples de même sexe. Mais pour combien de temps ?
Depuis 2013, le couple peut donc simplement être défini comme l’union de deux personnes,
en principe majeures, de sexe différent ou de même sexe. Afin de mesurer la convergence
croissante entre les formes de vie en couple tout en comprenant les divergences persistantes,
il est préférable de les comparer, le plus souvent par rapport au modèle de référence que
continue à constituer le mariage, plutôt que de les étudier distinctement les unes après
les autres. L’appréhension du couple par le Droit sera ainsi appréhendée de manière trans-
versale et tant à travers l’étude de la législation relative à l’union (chapitre 1) qu’à travers
celle qui régit la désunion (chapitre 2).

1. L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.


2. L. n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle.

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CHAPITRE 1
L’union

Le Code civil connaît aujourd’hui trois formes d’unions : le mariage, le Pacte civil de solidarité
et le concubinage.
9. Mariage. Il ne définit pas le mariage, qui constituait en 1804 une évidence rendant inutile
– voire impossible – la conceptualisation juridique1. Le mariage revêt toutefois trois
caractères principaux. Il est civil ; il s’agit d’une union laïque célébrée lors d’une cérémonie
républicaine2. Il est solennel puisqu’il est célébré par un officier d’état civil après accom-
plissement de certaines formalités légales et recueil public des consentements. Il est
enfin personnel. Le majeur protégé ne peut en effet pas être représenté pour se marier.
L’article 460 prévoyait néanmoins un régime d’autorisation, point d’équilibre entre respect
de la liberté du mariage et caractère personnel, d’une part, et protection des personnes
vulnérables et de leur consentement, d’autre part3. Il a été modifié par la dernière loi de
programmation et de réforme pour la justice qui lui substitue un régime d’information4.

Article 460

Modifié par LOI n° 2019-222 du 23 mars 2019 – art. 10


La personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de
mariage du majeur qu’il assiste ou représente.

1. Portalis définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce,
pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ». Pour Carbonnier,
il s’agissait de « l’acte par lequel un homme et une femme qui se sont mutuellement choisis s’engagent à vivre ensemble
jusqu’à la mort » (Droit civil, t. II, PUF, 21e éd., 2002, p. 368).
2. Seul le mariage civil emporte des effets juridiques. Les époux peuvent bien sûr choisir de faire célébrer un mariage religieux
mais celui-ci ne produira pas d’effets de droit et doit être célébré après le mariage civil (C. pén., art. 433-21).
3. Cons. Const., 29 juin 2012, décision QPC n° 2012-260 : conformité de l’article 460 al. 1er (anc.) à la Constitution (« eu égard aux
obligations personnelles et patrimoniales qui en résultent, le mariage est un acte important de la vie civile, en subordonnant
le mariage d’une personne en curatelle à l’autorisation du curateur ou à défaut celle du juge, le législateur n’a pas privé la
liberté du mariage de garanties légales ; les restrictions dont il accompagne son exercice, afin de protéger les intérêts de la
personne, n’ont pas porté à cette liberté une atteinte disproportionnée »). Cf. aussi CEDH, 25 oct. 2018, n° 37646/13, Delecolle
c/ France, Dr. fam. 2018, chron. 4, A. Gouttenoire et F. Marchadier.
4. Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, art. 10. Ladite information est à justifier au titre des formalités préalables à la célébration
(C. civ., art. 63) et une opposition est possible de la part du tuteur ou du curateur (C. civ., art. 175). Cf. infra n° 42 à 44. Cf.
Rapport du défenseur des droits sur la protection juridique des majeurs vulnérables, 29 sept. 2016.

11

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10. Pacs. Le Pacte civil de solidarité est quant à lui défini à l’article 515-1 du Code civil comme
un « contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même
sexe, pour organiser leur vie commune ». On peut néanmoins s’interroger sur ses caractères
par comparaison avec ceux du mariage.
Le Pacs a un caractère civil, mais il n’existe pas de Pacs religieux donc la question ne se
pose pas comme dans le mariage. Au sens juridique, un acte ou un contrat est solennel
lorsque sa validité est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités exigées
par la loi. Au sens courant, le mot solennel désigne ce qui est « célébré avec éclat, revêt un
caractère majestueux, public (des obsèques solennelles) ou ce qui présente une gravité,
une importance particulière par sa nature ou du fait des circonstances (faire une décla-
ration solennelle) ou enfin ce qui est empreint d’une gravité souvent affectée, qui prend
des airs d’importance (s’exprimer d’un ton solennel) »1. Il y a bien un aspect formel, au sens
juridique comme au sens courant du terme, dans le Pacs. Sa validité est en effet soumise
au respect de certaines formalités imposées par le Code civil. Il fait en outre l’objet d’une
déclaration devant l’officier d’état civil ou le notaire. Mais l’aspect solennel reste moins
marqué que dans le mariage, puisque le Pacs n’est pas « célébré » avec échange public des
consentements. Il revêt, enfin, un caractère personnel. Les personnes en curatelle et en
tutelle devront être assistées lors de la signature de la convention2. Néanmoins, aucune
assistance ni représentation n’est requise lors de la déclaration conjointe devant l’officier
d’état civil ou le notaire.

Article 461

Modifié par LOI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 – art. 48 (V)


La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, signer la convention par
laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. Aucune assistance n’est requise lors de la
déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire instrumentaire
prévue au premier alinéa de l’article 515-3.
Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables en cas de modification de la convention.
La personne en curatelle peut rompre le pacte civil de solidarité par déclaration conjointe
ou par décision unilatérale. L’assistance de son curateur n’est requise que pour procéder à
la signification prévue au cinquième alinéa de l’article 515-7.
La personne en curatelle est assistée de son curateur dans les opérations prévues aux dixième
et onzième alinéas de l’article 515-7.
Pour l’application du présent article, le curateur est réputé en opposition d’intérêts avec la
personne protégée lorsque la curatelle est confiée à son partenaire.

1. Dictionnaire Larousse en ligne, http://www.larousse.fr/.


2. Cf. Civ. 1re, 8 mars 2017, n° 16-18685.

12

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Article 462

Modifié par LOI n° 2019-222 du 23 mars 2019 – art. 10


La personne en tutelle est assistée de son tuteur lors de la signature de la convention par
laquelle elle conclut un pacte civil de solidarité. Aucune assistance ni représentation ne sont
requises lors de la déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil ou devant le notaire
instrumentaire prévue au premier alinéa de l’article 515-3.
Les dispositions du premier alinéa du présent article sont applicables en cas de modification
de la convention.
[…]
Pour l’application du présent article, le tuteur est réputé en opposition d’intérêts avec la
personne protégée lorsque la tutelle est confiée à son partenaire.

11. Concubinage. Le concubinage est également défini par le Code civil. L’article 515-8 le désigne
comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de
stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui
vivent en couple ». Il n’a aucun caractère solennel. Aucune formalité particulière n’est à
respecter ; il n’y a ni engagement public de volonté, ni célébration, ni même enregistrement
légal quelconque. On peut en revanche retenir les caractères civil – du moins laïc – et
personnel, même s’ils ont ici assez peu de sens.
Au-delà de ces définitions, le Droit ne reconnaît la situation de couple et ne lui confère des
effets juridiques (section 2) que si elle remplit les conditions de formation du mariage, du
Pacs ou du concubinage (section 1).

Section 1 – La formation du couple

12. Acte ou fait juridique ? Le mariage est un acte juridique d’une nature particulière et duale.
Il est à la fois un contrat, puisqu’il est formé par un accord de volontés, et une institution,
puisque son statut est déterminé par le Code civil. Le Pacs est également un acte juridique
d’une nature hybride. Il est clairement défini par le Code civil comme un contrat, l’aspect
contractuel étant d’ailleurs plus marqué que dans le mariage1. Mais il s’agit d’un contrat
spécifique comme le montre sa place dans le Code civil2 et son inscription en marge de l’acte
de naissance des partenaires. Le législateur le définit, ainsi que son objet, les conditions de
sa conclusion et de sa rupture, de même que les obligations qui en découlent. Il est donc
également un statut du couple. Le concubinage, quant à lui, bien que défini dans le Code

1. Le Conseil constitutionnel a rappelé la nature contractuelle du Pacs dans une décision du 21 octobre 2015, n° 2015-9 LOM.
2. « Livre Premier : Des personnes ».

13

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civil, reste un fait juridique. Cette différence de nature juridique entre mariage et Pacs,
d’une part, et concubinage, d’autre part, se vérifie à l’examen des conditions de fond (§1)
et de forme (§2) des différentes formes de vie à deux.

§1. Les conditions de fond


On distingue deux catégories de conditions de fond relatives à la formation du couple. La
première concerne les conditions intrinsèques à chacun des membres du couple (A), tandis
que la deuxième concerne l’absence de lien préexistant entre les membres du couple ou
entre l’un d’eux et un tiers (B).

A. Les conditions intrinsèques à chacun des membres du couple

Le Droit est désormais indifférent au sexe des membres du couple, tandis que l’âge de ces
derniers est une condition qui semble prendre une importance croissante. Le consentement
des membres du couple est également une condition fondamentale, particulièrement
visible dans le mariage.

1. L’indifférence au sexe

13. Concubinage et Pacs. Bien avant sa consécration dans le Code civil, la Cour de cassation
acceptait de faire produire des effets juridiques à l’union libre, mais seulement entre
personnes de sexe différent, estimant que le concubinage ne pouvait résulter que d’une
relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc, à l’époque, entre un homme
et une femme1. Mais dès le début des années 1990, des groupes de pression se sont constitués
afin de réclamer un statut pour les couples non mariés. Les couples de personnes de sexe
opposé, qui ne voulaient pas se marier, ont progressivement rejoint les revendications des
couples de personnes de même sexe qui, eux, ne pouvaient pas se marier.
Le législateur a fini par prendre en compte ces revendications et, après diverses proposi-
tions2, la loi du 15 novembre 1999 a créé le Pacte civil de solidarité, ouvert aux couples de
sexe différent ou de même sexe. L’intégration du concubinage dans le Code civil au cours
du vote de la loi sur le Pacs3 a également donné aux couples de personnes de même sexe
la qualité de concubins que leur refusait jusque-là la Cour de cassation.

1. Soc., 11 juill. 1989 n° 85-46008 et 86-10665 ; Civ. 3e, 17 déc. 1997, n° 95-20779.
2. Les modalités du statut à créer ont fait débat, outre le débat suscité par l’opportunité même de la création d’un statut.
Fallait-il le réserver aux couples ? Fallait-il le réserver aux couples homosexuels ? Ont d’abord été proposés un contrat de
partenariat civil en 1990, un contrat d’union civile (C.U.C.) en 1992, un contrat de vie sociale (C.U.S.) en 1993 et 1997, puis un
pacte d’intérêt commun (P.I.C.) en 1998.
3. Le Pacs résulte d’une initiative parlementaire. Le Sénat, hostile à son adoption, avait rejeté la proposition tout en proposant,
en contrepartie et en espérant voir ainsi rejeter le Pacs, que soit insérée dans le Code civil une définition du concubinage
englobant les couples homosexuels.

14

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14. Mariage. Le mariage entre deux personnes de même sexe a quant à lui longtemps été
parfaitement impensable, à tel point que le Code civil ne formulait pas expressément la
condition essentielle de la différence des sexes1 et que, ni les rédacteurs de la Déclaration
universelle des droits de l’homme2, ni ceux de la Convention européenne des droits de
l’homme3, n’éprouvèrent davantage le besoin de la préciser clairement. Le mariage était
par évidence l’union de l’homme et de la femme.
Des doutes quant à cette définition classique ont commencé à poindre avec la question
transsexuelle4, la création des partenariats enregistrés et, surtout, l’ouverture du mariage
aux couples de même sexe dans certains pays européens5. Suite à la rédaction d’un
« Manifeste pour l’égalité des droits » à l’initiative de plusieurs « intellectuels »6, le débat
« pour ou contre le mariage gay » s’est rapidement installé en France et a été attisé par la
célébration le 5 juin 2004 d’un mariage homosexuel par le maire de Bègles. Le Procureur
de la République ayant sollicité l’annulation de ce mariage, la Cour de cassation a très
simplement affirmé que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et
d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention
européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne qui n’a pas en France de force obligatoire »7. La balle était donc dans le camp
du Législateur. Un projet de loi sur le « mariage pour tous » a été présenté en Conseil des
ministres le 7 novembre 2012 et la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de

1. Même si certains articles portaient en eux cette condition : l’article 144, qui énonçait jusqu’à sa modification en 2006 que
« l’homme avant 18 ans révolus et la femme avant 15 ans révolus, ne peuvent contracter mariage », l’ancien article 75 in fine,
selon lequel l’officier d’état civil, lors de la célébration, « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles
veulent se prendre pour mari et femme […] », l’article 162 qui prohibait le mariage entre frère et sœur.
2. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 16 : « 1. À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune
restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits
égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ».
3. Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, art. 12 : « À partir de l’âge nubile, l’homme
et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».
4. La CEDH a opéré un revirement de jurisprudence concernant le mariage des transsexuels avec une personne de leur sexe
d’origine. Ayant affirmé pendant plusieurs années que le mariage est l’union de deux personnes de sexe biologiquement
différent (arrêt Rees C/ Royaume-Uni, 17 octobre 1986, n° 9532/81), elle a finalement admis « le mariage des transsexuels »
dans deux arrêts du 11 juillet 2002, I. et Goodwin c/ Royaume-Uni, n° 25680/94 et 28957/95. Le fondement du revirement n’est
pas celui d’une redéfinition du mariage mais celui d’une redéfinition du sexe, l’homme et la femme n’étant plus définis
par rapport à des critères exclusivement biologiques. La Cour admet toutefois que « depuis l’adoption de la Convention,
l’institution du mariage a été profondément bouleversée par l’évolution de la société » (§ 100). Mariage et procréation sont
dissociés. Par conséquent, le mariage homosexuel n’est plus impensable.
5. Lois néerlandaises du 21 décembre 2000, loi belge du 13 février 2003 et loi espagnole du 1er juillet 2005.
6. Cf. Le Monde du 17 mars 2004.
7. Civ. 1re, 13 mars 2007, D. 2007, p. 1389, rapport G. Pluyette et E. Agostini ; Gaz. Pal., 2007, n° 81, p. 10, avis M. Domingo et rapport
G. Pluyette ; D. 2007, p. 1375, obs. H. FULCHIRON ; RTD civ. 2007, p. 315, obs. J. Hauser ; D. 2007, p. 1561, obs. J.-J. Lemouland et
D. Vigneau. Cf. aussi Cons. Constit., 28 janv. 2011, décision QPC n° 2010-92 : conformité à la constitution des articles 75 et 144
du Code civil, autrement dit de l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe. CEDH, 24 juin 2010, Schalk et Kopf
c/ Autriche, n° 30141/04 : « les États demeurent libres, tant au regard de l’article 12 qu’au regard de l’article 14 combiné avec
l’article 8, de n’ouvrir le mariage qu’aux couples hétérosexuels ». La CEDH a d’ailleurs statué sur le mariage de Begles et refusé
de constater la violation de l’article 12 (droit au mariage) combiné avec l’article 14 (non-discrimination) et de l’article 8 (vie
privée et familiale) combiné avec l’article 14 de la Convention : CEDH, 9 sept. 2016, Chapin et Charpentier C. France, n° 40183/07.

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même sexe a été adoptée le 17 mai 20131. L’ancienne condition relative à la différence de
sexe des époux a tout simplement, et expressément cette fois, été supprimée. Le nouvel
article 143 du Code civil dispose que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe
différent ou de même sexe ».
Alors que la différence des sexes entre les membres du couple constituait une spécificité du
mariage jusqu’en 2013, l’abandon de cette condition constitue un point de rapprochement
certain entre le mariage, le Pacs et le concubinage.

2. L’âge minimum

15. Pacs et mariage. Le Pacs est depuis sa création ouvert aux seules personnes physiques
majeures2. Le mariage était quant à lui permis à partir de dix-huit ans pour les garçons
et quinze ans pour les filles, jusqu’à la loi du 4 avril 2006 qui, poursuivant notamment
l’objectif de lutter contre les mariages forcés, a porté à dix-huit ans l’âge nubile pour les
filles et ainsi rétabli l’égalité des sexes3. Néanmoins, le mariage des mineurs est excep-
tionnellement possible sur dispense du procureur de la République pour motifs graves et
avec autorisation parentale4, ce qui n’est pas le cas pour le Pacs.
16. Sanction. Le défaut d’âge légal entraîne la nullité absolue du mariage qui peut être attaqué,
dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit
par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public5. La nullité n’est pas expressément
prévue par le législateur pour le Pacs conclu par un mineur, mais puisque le Pacs est un
contrat, sa nullité pour incapacité est envisageable sur le fondement du droit commun
des obligations6.

1. Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
2. Cette condition résulte de la définition du Pacs, à l’article 515-1 du Code civil.
3. Loi n° 2006-399 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
C. civ., art. 144.
4. C. civ., art. 145 et 148 s. Les cas sont néanmoins très rares, au point qu’il est difficile de trouver des exemples. Il n’est même pas
certain qu’une dispense puisse être aujourd’hui obtenue au motif d’une grossesse puisque le statut d’enfant né en mariage
n’est plus un statut particulièrement privilégié.
5. C. civ., art. 184. Le mariage du mineur est soumis à deux conditions : la dispense d’âge et l’autorisation parentale une fois
cette dispense obtenue. Il faut, sur le plan des sanctions, différencier le défaut d’âge légal, c’est-à-dire le mariage du mineur
sans dispense d’âge, qui est sanctionné d’une nullité absolue, et le mariage du mineur sans autorisation parentale, qui est
sanctionné d’une nullité relative pouvant être demandée par ceux dont le consentement était requis ou celui des époux qui
avait besoin du consentement, dans les cinq ans à partir de ses dix-huit ans (C. civ., art. 182 et 183). Cf. infra n° 44.
6. Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, considérant 28 : « […] si les dispositions de l’article 515-5 du Code civil instituant des
présomptions d’indivision pour les biens acquis par les partenaires du pacte civil de solidarité pourront, aux termes mêmes
de la loi, être écartées par la volonté des partenaires, les autres dispositions introduites par l’article 1er de la loi déférée
revêtent un caractère obligatoire, les parties ne pouvant y déroger […] ; […] les dispositions générales du Code civil relatives
aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s’appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en
ce qu’elles ont de nécessairement contraire à la présente loi […] ». L’article 1147 du Code civil dispose toutefois que l’incapacité
de contracter est une cause de nullité relative.

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17. Concubinage. Aucune exigence relative à l’âge des concubins n’apparaît dans la définition
du Code civil, mais il est assez peu probable qu’un concubinage soit retenu entre personnes
mineures au regard, d’une part, des conditions liées à la stabilité et la continuité de la vie
commune, sachant que l’enfant mineur réside en principe chez ses parents1 et, d’autre
part, de la conception contemporaine du couple en Droit français.
Outre cette condition d’ordre physiologique désormais unique2, les membres du couple
doivent remplir des conditions liées à leur volonté.

3. Le consentement

18. Concubins. La question du consentement est relativement difficile à penser pour les
concubins, dont le consentement se matérialise, en l’absence d’engagement juridique,
par le fait même de vivre ensemble. Alors que dans les autres formes de vie en couple, en
particulier dans le mariage, elle est un devoir entre les membres du couple, la communauté
de vie est dans le concubinage une condition d’existence. Les risques liés à un concubinage
« simulé » sont en outre assez réduits puisqu’il produit bien moins d’effets que le mariage
et le Pacs. Une vie commune « forcée » ou dépourvue d’intention de former véritablement
un couple ne serait tout simplement pas qualifiée de concubinage et donc insusceptible
de produire des effets juridiques.
19. Époux et partenaires. Le mariage et le Pacs, qui constituent quant à eux des engagements
juridiques, requièrent un consentement réel de la part des membres du couple mais aussi
un consentement intègre.

a) Existence
20. Intention matrimoniale. Selon l’article 146 du Code civil, « il n’y a pas de mariage lorsqu’il
n’y a point de consentement ». L’échange formel des consentements s’exprime au moment
de la célébration du mariage3 et doit correspondre à la volonté intérieure des époux. Selon
la Cour de cassation, le mariage est en effet nul lorsque les époux « ne se sont prêtés à

1. C. civ., art. 371-3. Il peut toutefois quitter la maison familiale avec l’autorisation de ses parents, par exemple pour suivre des
études.
2. L’état de santé n’est pas une condition du mariage. La seule exigence liée à la santé était celle relative au certificat médical
prénuptial attestant de divers examens (rubéole, toxoplasmose – un dépistage du VIH était proposé) et dont l’objectif
était l’information du conjoint ; les époux n’étant toutefois pas tenus d’être en bonne santé ni même de communiquer les
résultats de l’examen. La loi n° 2007-1787 de simplification du droit du 20 décembre 2007 a abrogé cette disposition.
3. Civ. 1re, 22 janv. 1968 : il appartient aux juges du fond, si, lors de la célébration, l’un des époux ne peut pas parler, de relever
les signes par lesquels il a entendu affirmer sa volonté.

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la cérémonie qu’en vue d’atteindre un but étranger à l’union matrimoniale »1. Le défaut
d’intention matrimoniale est toutefois difficile à établir et il ne doit pas être porté atteinte
à la liberté matrimoniale2.

Circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés (extrait)3
« Le mariage repose principalement sur l’échange des consentements au moment de sa
célébration. En acceptant de se prendre pour mari et femme, les deux époux s’engagent à
une communauté de vie qui suppose une véritable volonté de partager une vie de famille.
À chaque fois que les époux se sont prêtés à la cérémonie en vue d’atteindre un effet étranger
ou secondaire au mariage, avec l’intention de se soustraire aux autres conséquences légales,
le consentement au mariage exigé par l’article 146 du Code civil fait défaut et leur mariage
est nul, faute de véritable intention matrimoniale.
La notion de mariage simulé peut donc s’entendre de tout mariage qui ne repose pas sur
une volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme, qu’il ait été conclu
exclusivement à des fins migratoires ou pour obtenir un avantage professionnel, social,
fiscal ou successoral.
Les mariages simulés sont cependant souvent difficiles à caractériser. Or il appartient à celui
qui se prévaut de l’absence d’intention matrimoniale d’en rapporter la preuve. Dans ces
conditions, lorsque le ministère public entend soit surseoir ou faire opposition à la célébration
du mariage, soit engager une action en annulation du mariage, il lui revient de démontrer
que le projet de mariage ou le mariage contracté est dépourvu de volonté matrimoniale.
Ainsi, il doit établir que le consentement a été donné non dans l’objectif d’être engagé
dans les véritables liens qui découlent du mariage, mais seulement afin d’en obtenir un ou
plusieurs effets secondaires ; par exemple un titre de séjour, la nationalité française mais
aussi une couverture maladie, une pension de réversion, ou d’autres avantages sociaux ».

21. Sanction. Le défaut d’intention matrimoniale pourra, a priori, c’est-à‑dire avant la


célébration, entraîner une opposition au mariage et empêcher cette célébration4. A posteriori,
c’est-à‑dire si le mariage, qualifié de mariage « simulé », « blanc », « fictif » ou encore « de
complaisance », a été célébré sans intention matrimoniale, il pourra être sanctionné d’une

1. Civ. 1re, 28 oct. 2003, n° 01-12574 : motifs purement successoraux ; confirmation de l’arrêt Apietto, Civ. 1re, 20 nov. 1963, Bull. civ. I,
n° 506 : « si le mariage est nul, faute de consentement, lorsque les époux se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre
un résultat étranger à l’union matrimoniale, il est au contraire valable lorsque les conjoints ont cru pouvoir limiter ses effets
légaux, et notamment n’ont donné leur consentement que dans le but de conférer à l’enfant commun la situation d’enfant
légitime ».
2. Cf. infra le mariage des étrangers, n° 45 et Civ. 1re, 13 janv. 2021, n° 19-16703 et 19-16874.
3. Circ. n° CIV/09/010, Garde des Sceaux.
4. C. civ., art. 175-2 : Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63
(cf. infra nos 37 et 45), que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier
de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République. Le procureur de la République est tenu, dans les quinze
jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu’il sera sursis à
sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.

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nullité absolue car la condition relative à l’existence du consentement de l’article 146 est
une règle touchant à l’intérêt général. L’action est par conséquent ouverte à tout intéressé
et le délai pour agir est de trente ans1.
22. Mariage posthume. Le consentement doit exister au moment de la célébration. Cette
dernière est donc en principe empêchée par le décès de l’un des futurs époux. Néanmoins,
à titre exceptionnel et à certaines conditions, la célébration d’un mariage posthume est
possible. L’intention matrimoniale doit être vérifiée, alors même que l’un des époux est
décédé. L’article 171 du Code civil prévoit ainsi que le Président de la République peut, pour des
motifs graves, autoriser la célébration du mariage en cas de décès de l’un des futurs époux,
« dès lors qu’une réunion suffisante de faits établit sans équivoque son consentement »2.
Les effets du mariage posthume remontent à la date du jour précédant le décès, mais
sont toutefois limités. Ce mariage n’ouvre en effet aucun droit de succession ab intestat au
profit du conjoint survivant et aucun régime matrimonial n’est censé avoir existé. Il ouvre
néanmoins des avantages sociaux et fiscaux pour le conjoint survivant, qui peut aussi porter
le nom du défunt3. Il a enfin et surtout une valeur symbolique.
23. Déficience mentale. La question de l’existence du consentement est également susceptible
de concerner le mariage des majeurs protégés et des mineurs4. Au-delà, et d’une manière
plus générale, il peut arriver qu’au moment du mariage, la volonté de l’un des époux soit
altérée, en raison d’un état d’ivresse par exemple, d’un trouble mental ou de la sénilité.
Pour obtenir la nullité du mariage, il faudra prouver qu’au moment où la volonté a été
exprimée, elle n’était pas consciente. Le mariage pourra alors être annulé pour absence
de consentement5.
24. Intention « pacsale ». Les partenaires doivent quant à eux avoir véritablement l’intention
d’organiser leur vie commune6 et ne doivent pas conclure un Pacs uniquement pour
bénéficier d’un avantage étranger à cette intention. Le Code civil ne le dit pas expressément
mais le Pacs est un accord de volontés, lesquelles doivent être réelles conformément au
droit commun des contrats. La légèreté des formalités encadrant la formation du Pacs et

1. Cf. infra nos 42 s.


2. Cf. B. Beignier, « Mariage posthume ou mariage avec un mort ? », Dr. fam. 2016, n° 6, repère 6 et J.-R. Binet, « Le refus d’autoriser
le mariage posthume doit être motivé », Dr. fam. 2016, n° 3, comm. 43.
3. Sur les effets du mariage posthume, cf. J.-R. Binet, « Mariage posthume – Union trop brève pour ouvrir droit à pension de
réversion », Dr. fam. 2020, n° 7-8, comm. 100 sur CE, 2 mars 2020, n° 421184.
4. Cf. supra nos 9 et 15. Civ. 1re, 20 avr. 2017, n° 16-15632 : distinction entre l’absence d’autorisation du curateur, qui ne correspond
pas à un défaut de consentement, au sens de l’art. 146, mais à un défaut d’autorisation, au sens de l’art. 182, et le défaut de
consentement de l’époux lui-même, qui constitue un motif de nullité absolue du mariage sur le fondement de l’art. 146.
5. C. civ., art. 184. Cf. civ. 1re, 4 mai 2011, n° 09-68983 : le mari était affecté, à l’époque du mariage, de lourdes déficiences mentales
qui lui interdisaient d’apprécier la portée de son engagement le jour de la célébration de l’union. Le défaut de consentement
tenant à l’état mental est retenu et non le défaut d’intention matrimoniale, également invoqué mais plus difficile à établir.
6. La vie commune ne semble pour autant pas impliquer la vie de couple, pour la Cour de cassation, du moment qu’aucun
empêchement légal n’existe entre les partenaires : Civ. 1re, 8 mars 2017, n° 16-18685, déc. reproduite ci-dessous.

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le silence du Code civil rendent le contrôle du consentement des partenaires difficilement
pensable a priori. A posteriori, le Pacs dépourvu de consentement pourrait toutefois être
frappé de nullité absolue.

Civ. 1re, 8 mars 2017, n° 16-18685


Sur le moyen unique :
Vu les articles 515-1 et 515-2, 1°, du Code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, un pacte civil de solidarité est un contrat conclu
par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser
leur vie commune ; que, selon le second, il ne peut, à peine de nullité, y avoir de pacte civil
de solidarité entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et
entre collatéraux jusqu’au troisième degré ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, né le 25 mars 1926, sous curatelle renforcée, a
saisi le juge des tutelles d’une demande tendant à être autorisé à conclure un pacte civil de
solidarité avec M. Y…, à la suite du refus de son curateur de l’assister dans cette démarche ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt retient que la notion de filiation est étrangère
à celle de couple et que la définition de leur relation par MM. Y… et X… ne correspond pas à
celle du pacte civil de solidarité, les intéressés ayant déclaré que le lien qui les unissait était
celui d’un père à son fils, du fait de leur écart d’âge important, de quarante-quatre ans ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, d’une part, l’existence d’une vie commune de
vingt-quatre ans entre les intéressés, d’autre part, l’absence de tout empêchement légal à
la conclusion d’un pacte civil de solidarité, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 septembre 2015, entre les
parties, par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Lyon ; […]

b) Intégrité
25. Caractère libre. Le consentement des futurs époux doit être libre. L’article 12 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 16
de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 garantissent à l’homme et à la
femme le droit de se marier. Ce droit implique aussi celui de ne pas se marier. Le Conseil
constitutionnel a d’ailleurs consacré la liberté du mariage en tant que composante de la
liberté individuelle1.

1. Cons. Const. 13 août 1993, n° 93-325 DC, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de
séjour des étrangers en France.

20

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L’article 180 alinéa 1er du Code civil dispose en outre que le mariage contracté sans le
consentement libre des deux époux, ou de l’un d’eux, est sanctionné de nullité1. Or le
consentement n’est pas libre lorsqu’il y a violence, au sens juridique du terme, c’est-à‑dire
lorsqu’il est donné sous l’emprise de la contrainte. Cette contrainte peut être physique ou
– c’est le cas le plus souvent – morale. Peu importe d’ailleurs qu’elle émane du futur époux
ou d’un tiers, du moment qu’elle est déterminante du consentement de l’époux victime à
contracter mariage. Elle est appréciée in concreto par le juge, autrement dit au cas par cas.
Depuis la loi du 4 avril 20062 et dans l’objectif de lutter contre les mariages forcés, la crainte
révérencielle envers un ascendant est expressément mentionnée comme étant un cas de
nullité du mariage ; la nullité a en outre été élargie puisqu’elle peut être demandée par
le ministère public et par celui ou ceux des époux dont le consentement n’était pas libre.
L’action est possible dans les cinq ans qui suivent le mariage3.

Les fiançailles
Les fiançailles sont une promesse de mariage. Mais les promesses de mariage ne sont pas
susceptibles d’engager juridiquement car elles doivent laisser entière la liberté matrimo-
niale. Elles constituent en revanche un fait juridique et sont donc susceptibles de produire
des effets de droit, de deux types :
■ Action en responsabilité civile. Les fiançailles ne font pas naître d’obligations mais sont
susceptibles d’engager la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun de
l’auteur de la rupture à condition pour la victime qui souhaite obtenir des dommages
et intérêts de démontrer le caractère fautif de la rupture, un dommage matériel et/ou
moral et le lien de causalité entre la faute et le dommage4.

Civ. 1re, 14 février 1995, n° 93-12863

Sur le pourvoi formé par M. Saïd Y…, demeurant … (20e), en cassation d’un arrêt rendu le
8 décembre 1992 par la cour d’appel de Paris (8e chambre, section A), au profit :
1/ de Mme Djamilia Z… épouse X…, C : O Banque Paribas, … (2e),
2/ de la société anonyme Banque Paribas, sise … (2e), défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au
présent arrêt ;
[…]
Sur le moyen unique, pris en ses sept branches, tel qu’il est énoncé au mémoire en demande
et reproduit en annexe :

1. Il s’agit ici d’une nullité relative. Cf. infra n° 44.


2. L. n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre
les mineurs.
3. Cf. la possibilité de s’opposer à la célébration du mariage, infra, n° 42.
4. C. civ., art. 1240 (art. 1382 anc.). Cf. Lyon, 29 nov. 2018, n° 16/03887, Dr. fam. 2019, comm. 22, J.-R. Binet : la faute (rupture
unilatérale et brutale) n’est pas prouvée.

21

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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu’ayant fait connaissance en avril 1985,
M. Saïd Y… et Mlle Djamilia Z… ont décidé de cohabiter dans un appartement pris en location
par Mlle Z… ;
qu’ils ont célébré un mariage selon la coutume musulmane le 20 juillet 1985, puis, un mois
après, se sont séparés ;
qu’imputant à Mme Z…, devenue épouse X…, la responsabilité de cette séparation, par
lui qualifiée « rupture de fiançailles », M. Y… a pratiqué une saisie-arrêt sur les salaires de
celle-ci pour obtenir à titre de dommages-intérêts le remboursement de certaines sommes
versées pour la location de l’appartement ainsi qu’à l’occasion de la cérémonie religieuse ;
que le tribunal d’instance a rejeté ces prétentions et déclaré nulle la saisie ;
que l’arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 1992) a confirmé cette décision après avoir relevé que
les faits devaient s’analyser en une rupture de concubinage, ce dont lui fait notamment
grief M. Y… ;
Attendu que la réparation du préjudice né de la rupture du concubinage ou de la rupture
des fiançailles suppose, dans les deux cas, que soit établie l’existence d’une faute de l’auteur
de la rupture ;
qu’en l’espèce, la cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, souverainement estimé que
M. Y…, qui affirmait que la raison de la séparation était le comportement névrotique, empreint
de jalousie et d’avarice de sa compagne, ne rapportait pas la preuve de ses allégations ni,
par suite, celle d’une faute quelconque de Mme X… dans la rupture ;
qu’il en résulte que M. Y… n’est pas fondé à demander des dommages-intérêts en réparation
du préjudice né de son fait ;
que, par ces motifs, et abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, l’arrêt se trouve
légalement justifié ;
Sur la demande présentée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que Mme X… sollicite, sur le fondement de ce texte, l’allocation d’une somme de
11 860 francs ;
Et attendu qu’il y a lieu d’accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]
■ Restitution de la bague de fiançailles. Il résulte de l’article 1088 du Code civil que les
donations faites à l’occasion des fiançailles sont caduques et les biens concernés par
conséquent restitués si les fiançailles sont rompues, à l’exception des cadeaux d’usage1
qui sont conservés. La bague de fiançailles fait l’objet d’un régime juridique particulier :
le principe est la restitution en cas de rupture ; l’exception l’absence de restitution en cas
de rupture fautive. Mais il existe une exception à l’exception et donc un retour au principe
de la restitution lorsque la bague est un bijou de famille2.

1. Présents modiques eu égard à la fortune et au train de vie du donateur. Civ. 1re, 19 déc. 1979, n° 78-13346.
2. Civ. 1re, 30 oct. 2007, n° 05-14258.

22

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26. Caractère éclairé. Le consentement des époux doit en outre être éclairé. L’époux dont le
consentement a été vicié par l’erreur peut demander la nullité du mariage pendant cinq ans1.
Le Code de 1804 envisageait l’erreur dans la personne, c’est-à‑dire sur l’identité physique2
ou civile3 de la personne. La loi du 11 juillet 1975 relative au divorce4 a élargi la conception
de l’erreur. L’article 180 al. 2 distingue désormais l’erreur dans la personne et l’erreur sur
les qualités essentielles de la personne. Celui qui se prétend victime de cette dernière doit
prouver que l’erreur a été déterminante de son consentement au moment du mariage et
que la qualité en question était essentielle, non seulement subjectivement, c’est-à‑dire
pour lui-même, mais aussi objectivement, par référence à l’institution du mariage. La
double nature du mariage – contrat et institution – s’exprime bien ici, comme l’a montré
l’affaire dite de « la mariée qui n’était pas vierge ». Le mari, ayant appris au moment de la
nuit de noces que son épouse n’était pas vierge, contrairement à ce qu’elle lui avait dit,
avait sollicité la nullité du mariage. La Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 17 novembre
20085, a jugé que « le mensonge qui ne porte pas sur une qualité essentielle n’est pas un
fondement valide pour l’annulation du mariage. Tel est particulièrement le cas quand le
mensonge prétendu aurait porté sur la vie sentimentale passée de la future épouse et sur
sa virginité, qui n’est pas une qualité essentielle en ce que son absence n’a pas d’incidence
sur la vie matrimoniale ». On observe le conflit entre l’autonomie de la volonté des époux,
l’aspect personnel et contractuel du mariage, d’une part, et sa dimension institutionnelle
et d’ordre public, d’autre part. En raison de cette dimension institutionnelle, l’appréciation
de l’erreur sur les qualités essentielles ne peut se faire par le seul examen de la volonté
interne des intéressés, au regard des seules convictions personnelles de l’époux victime de
l’erreur. Sont également prises en compte les qualités « sociologiquement » essentielles,
par rapport à ce que représente, objectivement, l’institution du mariage, qui peut varier
selon les époques6.
27. Partenaires. Pour le Pacs, il convient de se référer à nouveau au Droit commun des contrats
puisque le Code civil ne comprend pas de disposition expresse relative à l’intégrité du
consentement des partenaires. Or, pour qu’un contrat soit valable, le consentement des

1. Cf. infra n° 44.


2. Substitution de personne : je crois épouser X, j’épouse Y.
3. Nom, âge, nationalité, etc.
4. L. n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce.
5. N° 08/03786.
6. La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 17 octobre 2011, n° 10/04754, a jugé que « le fait pour la future épouse d’avoir pensé
à un autre homme le jour de l’union ne signifie pas qu’elle n’entendait pas s’engager pleinement dans les liens du mariage
avec l’intention sincère de respecter les devoirs et obligations énoncés aux articles 212 et suivants du Code civil » (l’épouse
entretenait avant la célébration du mariage une liaison avec un autre homme, dont elle n’avait pas informé son mari). La
Cour d’appel confirme le jugement ayant débouté le mari de sa demande en nullité du mariage pour défaut d’intention
matrimoniale de l’épouse (C.civ. art. 146) et existence d’une erreur sur les qualités essentielles de son épouse (C. civ., art. 180
al. 2). Cf. aussi Saint-Denis de la Réunion, 8 juill. 2015, n° 14/01303, n° 15/515, Dr. fam. 2016, n° 2, comm. 23, A.-Cl. Réglier :
« L’amour […] n’est pas une condition préalable au mariage ». En revanche, la Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 8 février
2012, n° 10/05679, a retenu la nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles de l’épouse qui avait tenu son mari
dans l’ignorance de son activité d’escorte girl.

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parties ne doit pas être vicié par l’erreur, le dol1 ou la violence2. En présence d’un vice du
consentement, le contrat peut être frappé d’une nullité relative. Mais le délai de cinq ans
de l’action ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en
cas de violence, que du jour où elle a cessé.
Outre ces conditions relatives au consentement, il existe des empêchements à la formation
du couple, concernant d’éventuels liens préexistants.

B. Les conditions relatives à l’absence de lien préexistant

Le Code civil prévoit des empêchements à la formation du couple juridique, fondés sur les
liens préexistants, soit entre les membres du couple, soit entre l’un des membres du couple
et un tiers. Les premiers sont fondés sur les liens de parenté et d’alliance ; les seconds sur
les liens de couple.

1. Les empêchements fondés sur les liens de parenté et d’alliance


Les relations incestueuses sont prohibées en France. Il s’agit d’une réprobation morale et
d’un regard social sur le mariage et le Pacs, mais aussi d’une manière de protéger les enfants
contre les risques de déficience et, surtout, contre les perturbations liées aux modifications
de l’ordre familial3. Les futurs époux ou partenaires ne doivent pas être parents ou alliés.
La sanction de la méconnaissance de ces empêchements est la nullité absolue, pour le
mariage comme pour le Pacs4.

1. C. civ., art. 1137 : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des
mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont
il sait le caractère déterminant pour l’autre partie […] ».
2. C. civ., art. 1130 s. Cons. const., 9 nov. 1999, décision n° 99-419 DC concernant la loi relative au pacte civil de solidarité, cons. 28 :
« […] les dispositions générales du Code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront […] vocation à
s’appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en ce qu’elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu’en particulier,
les articles 1109 et suivants [anciens] du Code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité ».
3. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation n° 12-26066 du 4 déc. 2013, la Cour d’appel, qui avait annulé
le mariage de Mme X avec le père de son ex-mari, avait retenu que l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru
était justifié en ce qu’il répondait à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en maintenant des
relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial, que cette interdiction permettait également de préserver les enfants,
qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d’eux, et que,
contrairement à ce que soutenait Mme X…, il ressortait des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre
1983, alors qu’elle n’était âgée que de dix ans, avait opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son
grand-père. Dans un arrêt n° 15-27201 du 8 déc. 2016, la Cour de cassation estime que l’interdiction vise à « sauvegarder
l’intégrité de la famille et […] préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale ».
4. Cf. infra n° 44 pour le mariage. Pour le Pacs, Cf. Cons. Constit., 9 nov. 1999, préc., considérant 27 : « Eu égard à la nature des
empêchements édictés par l’article 515-2 du Code civil, justifiés notamment par les mêmes motifs que ceux qui font obstacle
au mariage, la nullité prévue par cette disposition ne peut être qu’absolue ».

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a) Parenté
28. Mariage. Le Code civil prohibe de manière absolue le mariage entre proches parents, c’est-
à‑dire, en ligne directe, entre ascendants et descendants quel que soit le degré et, en ligne
collatérale, entre frères et entre sœurs1.
Il prohibe également le mariage entre oncle et nièce ou neveu et tante, oncle et neveu,
tante et nièce2. Mais la prohibition est ici relative car susceptible de dispenses pour causes
graves par le Président de la République.
29. Pacs. Un Pacs ne peut par ailleurs être conclu entre ascendants et descendants en ligne
directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus3. Aucune possibilité de dispense
n’est ici prévue.

Lien de parenté

01_LiensParente.pdf
En ligne directe X et ses parents ont un lien de parenté au premier degré ; X et ses grands-
parents sont parents au deuxième degré, etc. Un degré = une génération.
En ligne collatérale on calcule les degrés en remontant à l’auteur commun : les frères et
sœurs sont au deuxième degré (auteurs communs : père et mère) ; les oncles et tante au
troisième (auteurs communs : grand-père et grand-mère).

1. C. civ., art. 161 et 162.


2. C. civ., art. 163. Au-delà, le mariage est possible, notamment entre cousins germains.
3. C. civ., art. 515-2, 1°.

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b) Alliance
30. Mariage et Pacs. Le lien d’alliance est le lien créé par le mariage1. Le Pacs est prohibé entre
alliés en ligne directe2. Le mariage entre alliés est également prohibé à tous les degrés
en ligne directe, autrement dit entre un époux et tous les ascendants et descendants
de son ex-époux3. Cet empêchement est toutefois relatif dans le mariage. En effet, une
dispense pour motif grave peut être obtenue, mais seulement lorsque la personne qui a
créé l’alliance est décédée4.
La question se pose aujourd’hui de savoir si cet empêchement est encore justifié.
31. Atteinte au droit au mariage ou au droit au respect de la vie privée et familiale ?
La Cour de Strasbourg a ainsi jugé, le 13 septembre 2005, dans l’affaire B. et L. C. Royaume-Uni,
que l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa belle-fille constituait une atteinte
excessive au droit au mariage.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 décembre 20135, a également validé un mariage
entre alliés prohibé par le Code civil, sur le fondement de l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme, estimant que la nullité du mariage constituait une
ingérence injustifiée dans le droit de la veuve au respect de sa vie privée et familiale. La
portée de l’arrêt est néanmoins limitée, la décision étant motivée sur les circonstances de
l’espèce et notamment la durée du mariage – 20 ans – célébré sans opposition. Dans un
arrêt plus récent du 8 décembre 20166, la Cour de cassation a d’ailleurs, cette fois, validé
l’annulation du mariage prononcée par la Cour d’appel aux motifs que l’épouse avait vécu,
alors qu’elle était mineure, durant neuf années avec celui qu’elle a ultérieurement épousé
et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence
paternelle, au moins sur le plan symbolique ; que son union avec son ex-beau-père n’avait
duré que huit ans au moment de la saisine en annulation du mariage et qu’aucun enfant
n’en était issu.
La position de la Cour de cassation sur le mariage entre alliés est donc la suivante :
l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue
l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe, prévue par les articles 161 et 184 du
Code civil, poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille
et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure
familiale ; il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui
lui est soumise, la mise en œuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la

1. Cf. infra n° 48.


2. C. civ., art. 515-2.
3. Mariage entre gendre et belle-mère ou beau-père, entre belle-fille et belle-mère ou beau-père. C. civ., art. 161.
4. C. civ., art. 164.
5. Civ. 1re, 4 déc. 2013, n° 12-26066, préc.
6. Civ. 1re, 8 déc. 2016, n° 15-27201, préc. Cf. F. Chénédé, « Nullité du mariage entre alliés, regard rétro-prospectif sur le contrôle
de conventionalité in concreto », D. 2017, n° 17, p. 953.

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vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard
du but légitime poursuivi. La Cour de cassation procède ainsi à un contrôle de conven-
tionnalité in concreto.
32. Concubinage. S’agissant du concubinage, « la vie de couple » exige l’absence de lien de
parenté. La situation de fait ne devrait, à défaut, pas être considérée comme pouvant
produire les effets d’un concubinage.

2. Les empêchements fondés sur le lien de couple

33. Mariage. L’article 147 du Code civil dispose qu’on ne peut contracter un second mariage
avant la dissolution du premier, sachant que le mariage est dissout par le divorce ou le
décès. À des fins préventives, l’article 70 du Code civil impose la remise, par chacun des
époux à l’officier d’état civil, d’un extrait récent de son acte de naissance1. En cas de mariage
bigame, la nullité absolue du mariage est accompagnée d’une sanction pénale de l’époux
bigame et de l’officier d’état civil qui avait connaissance du premier mariage2. La bigamie
est d’ailleurs l’une des causes les plus fréquentes d’annulation des mariages3.

Effets en France du mariage bigame étranger


La célébration d’un mariage bigame est interdite en France4. Mais un mariage valablement
contracté en état de bigamie dans un pays étranger n’est pas nul en France à condition
que la loi nationale de chacun des époux autorise la bigamie5. Il est en outre susceptible
de produire certains effets en France, à condition que ceux-ci ne heurtent pas fondamen-
talement l’ordre public français : par exemple en matière successorale, alimentaire6 ou
s’agissant de la possibilité d’exercer une action en réparation du préjudice causé par le décès
du conjoint. Le second mariage ne pourra toutefois pas produire tous les effets du mariage.

1. Cf. infra n° 37.


2. C. pén., art. 433-20 : un an d’emprisonnement, 45 000 euros d’amende.
3. La célébration d’un mariage est mentionnée en marge de l’acte de naissance mais des difficultés naissent parfois en cas
de non transcription d’un mariage ou d’un divorce étranger ou encore de falsifications d’actes de l’état civil par exemple.
Cf. Civ. 1re, 26 oct. 2011, n° 10-25285 : l’épouse bigame invoque la nullité du premier mariage pour bigamie ; Civ. 1re, 25 sept.
2013, n° 12-26041 : le prononcé de la nullité d’un premier mariage empêche rétroactivement le prononcé de la nullité pour
bigamie de la seconde union.
4. Même si la loi nationale de l’un ou des deux époux admet la polygamie ; ordre public français en matière internationale.
Civ. 1re, 11 avr. 2018, n° 17-17530 : le juge saisi d’une demande en nullité de mariage pour bigamie doit surseoir à statuer dans
l’attente de l’issue de la procédure aux fins d’annulation du premier mariage, le cas échéant (application de l’art. 189 C. civ.).
5. Civ. 1re, 24 sept. 2002, n° 00-15789. Effet atténué de l’ordre public.
6. Civ. 1re, 19 févr. 1963, Chemouni, Bull. civ. I, n° 108. Cf. Ph. Malaurie et H. Fulchiron, Droit de la famille, LGDJ, Lextenso édition,
5e éd., n° 219 s. Concernant la pension de réversion cf. notamment Civ. 2e, 2 mai 2007, n° 0611418 ; Civ. 2e, 20 déc. 2018,
n° 17-27989, D. 2019, 910, J.-J. Lemouland et D. Vigneau : « Mais attendu qu’en l’absence d’annulation du mariage, la cour
d’appel a, sans méconnaître la conception française de l’ordre public international, exactement déduit que Mme X… a la
qualité de conjoint survivant au sens de l’article L. 353-1 du code de la Sécurité Sociale, de sorte qu’elle doit bénéficier de la
pension de réversion, en concours avec la première épouse, selon les modalités prévues par l’article L. 353-3 du même code »
(prorata de la durée du mariage).

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La seconde épouse ne pourra par exemple pas venir en France au terme d’une procédure de
regroupement familial si la première est déjà sur le territoire1.

34. Pacs. Sur ce point, il existe une différence entre les formes de vie en couple qui montre la
suprématie persistante du mariage dans la conception française du couple. En effet, il ne
peut pas y avoir de Pacs, selon l’art. 515-2 du Code civil, entre deux personnes dont l’une au
moins est déjà liée par un Pacs et entre deux personnes dont l’une au moins est engagée
dans les liens du mariage.
La sanction est là encore la nullité absolue du Pacs enregistré en violation de ces règles.
Ainsi, le mariage empêche la formation du Pacs alors que le Pacs n’empêche pas la formation
du mariage. Le mariage mettra fin au Pacs.
35. Concubinage. L’article 515-8, qui définit le concubinage, ne pose quant à lui expressément
aucune condition d’exclusivité. La référence à la « vie de couple » exclut-elle toutefois indirec-
tement la possibilité d’entretenir une relation de couple par ailleurs ? Encore une fois, il s’agit
surtout d’une question de reconnaissance juridique du concubinage en lui-même, laquelle
sera déduite du constat ou non des conditions posées à l’article 515-8. L’indemnisation de
l’épouse et de la concubine peut par exemple être admise, si les conditions d’existence du
concubinage, et notamment la stabilité, sont remplies2.
Au-delà de ces conditions de fond, la formation du couple exige en général le respect de
certaines formalités.

§2. Les conditions de forme


Des différences importantes opposent les trois formes de vie en couple concernant les
formalités liées à leur formation. Le Pacs et le mariage tendent à se rapprocher sur certains
points (B). Le concubinage demeure lui bien à part (A).

A. L’absence de formalisme du concubinage

36. Le concubinage ne se crée pas mais se constate à partir d’une situation de fait. Aucune
condition de forme n’est par conséquent requise. Il n’est ni célébré, ni déclaré, ni enregistré
légalement. Il ne fait l’objet d’aucune mention à l’état civil, d’aucune forme de publicité.

1. CESEDA, art. L. 434-9.


2. Rouen, 25 avril 1990, JurisData n° 1990-042849.

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Qu’en est-il par conséquent de sa preuve ? Le concubinage est un fait juridique et se prouve
donc par tout moyen. Mais l’absence de formalisme peut rendre cette preuve difficile à
rapporter. Ainsi, certaines mairies ou même certains commissariats délivrent, sur production
des pièces d’identité et en présence de témoins, des certificats de concubinage, qui n’ont
néanmoins pas davantage de valeur juridique que d’autres preuves de vie commune.

B. Le formalisme du mariage et du Pacs

Trois étapes peuvent être distinguées dans la formation du mariage comme dans celle du
Pacs, des premières formalités à la publicité.

1. Les formalités préalables

37. Mariage. Un certain nombre de formalités doivent être effectuées préalablement à la


célébration du mariage. Le non-respect de l’une de ces formalités empêche en principe
l’officier de l’état civil de procéder à la célébration, sans toutefois que la validité du
mariage, s’il a quand même été célébré, ne soit entachée de ce seul fait1. Les futurs époux
doivent remettre un certain nombre de pièces à l’officier de l’état civil afin que ce dernier
puisse vérifier que les conditions de fond sont remplies : justificatif d’identité, informa-
tions relatives aux témoins, extrait récent d’acte de naissance avec filiation2, acte relatif
au consentement parental pour le mariage du mineur3 ou à l’information de la personne
chargée de la mesure de protection4, le cas échéant. L’officier de l’état civil procédera en
outre à l’audition des futurs époux, sauf en cas d’impossibilité ou s’il apparaît, au vu des
pièces fournies, que cette audition n’est pas nécessaire au regard des articles 146 et 1805.
Avant la célébration, il procédera à une publication du projet de mariage par voie d’affiche
apposée à la porte de la mairie pendant dix jours6. Cette publication énoncera les prénoms,
noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage
devra être célébré. Si le mariage n’a pas été célébré dans l’année, à compter de l’expiration
du délai de la publication, il ne pourra être célébré qu’après une nouvelle publication faite
dans les mêmes formes7.

1. Cf. infra n° 42 : différence entre les empêchements simplement prohibitifs et les empêchements dirimants. L’officier de l’état
civil encourt néanmoins des sanctions, cf. notamment C. civ., art. 63 in fine.
2. Loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle, préc. Une transmission par Comedec est également
possible. Les art. 63 et 70 exigeaient depuis la loi du 14 novembre 2006 une copie intégrale de l’acte de naissance de chacun
des époux.
3. C. civ., art. 63 s., en particulier art. 70 et 71.
4. C. civ., art. 460, cf. supra n° 9.
5. C. civ., art. 63.
6. Dispense possible par le procureur de la République pour causes graves (ex : mariage in extremis, menaces…), C. civ., art. 169.
7. Cf. C. civ., art. 63 à 65. Le Code civil imposait que la femme attende un délai de trois cent jours, appelé « délai de viduité »
après la dissolution d’un premier mariage avant d’en contracter un autre, afin d’éviter les « confusions de parts », c’est-à‑dire
les conflits de paternité. Cette condition, qui constituait une atteinte à la liberté du mariage et à l’égalité des sexes, était
devenue moins pertinente au regard des progrès scientifiques liés à la preuve de la paternité. Elle a été supprimée par la
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.

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38. Pacs. Les futurs partenaires doivent quant à eux rédiger et signer une convention de Pacte
civil de solidarité, par acte notarié ou sous seing privé, dans laquelle ils organisent leur
vie commune, principalement sur le plan patrimonial1. Ils devront également produire à
l’officier d’état civil ou au notaire un extrait d’acte de naissance avec filiation et un justifi-
catif d’identité pour leur permettre de vérifier que les conditions de fond sont remplies, en
particulier l’âge des partenaires et l’absence d’empêchements liés à la parenté ou au lien de
couple. Cette remise de pièces n’est pas prévue par le Code civil mais résulte des conditions
de formation du Pacs, qu’il faut bien vérifier, à peine d’irrecevabilité de la déclaration2.
Néanmoins, aucune audition en tant que telle n’est prévue, ni publication du projet de Pacs.

2. La célébration ou l’enregistrement

39. Mariage. Le mariage fait l’objet d’une véritable célébration républicaine3, solennelle et
publique en présence des époux en personne4 et de deux à quatre témoins5, par un officier
de l’état civil6. Ce dernier procède à la lecture des articles relatifs aux devoirs du mariage et
à l’autorité parentale7 et fait procéder à l’échange oral des consentements8. La cérémonie
se déroule, au choix des époux, dans la commune où l’un d’eux, ou l’un de ses parents, a
son domicile ou sa résidence9. La clandestinité10 et l’incompétence de l’officier d’état civil11
peuvent entraîner la nullité du mariage12. Mais en cas d’empêchement grave, la cérémonie
peut avoir lieu au domicile ou la résidence de l’un des époux13. Un mariage peut ainsi être
célébré in extremis, c’est-à‑dire en cas de péril imminent de mort de l’un des époux.

1. Ils fixent par exemple la participation de chacun à l’aide matérielle, choisissent éventuellement le régime de l’indivision
pour leurs biens. Cf. infra n° 65 s.
2. Cf. décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 modifié relatif à la déclaration, la modification, la dissolution et la publicité
du pacte civil de solidarité.
3. C. civ. art. 165. Le mariage est en principe célébré à la mairie, portes ouvertes (C. civ., art. 75). Mais l’article L. 2121-30-1 du
Code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, prévoit que le maire peut, sauf
opposition du procureur de la République, affecter à la célébration de mariages tout bâtiment communal, autre que celui de
la maison commune, situé sur le territoire de la commune. Le procureur de la République veille à ce que la décision du maire
garantisse les conditions d’une célébration solennelle, publique et républicaine. Il s’assure également que les conditions
relatives à la bonne tenue de l’état civil sont satisfaites.
4. C. civ., art. 75 et 146-1 : le mariage d’un Français, même contracté à l’étranger, requiert sa présence.
5. C. civ., art. 75. Témoins majeurs, parents ou non des époux.
6. Seul le maire et ses adjoints peuvent se prévaloir de cette qualité. Toutes les fonctions d’officier de l’état civil peuvent être
déléguées, à l’exception de celles prévues par l’article 75 du Code civil, c’est-à‑dire celles relatives à la célébration du mariage
et à la production de l’acte de mariage. CGCT, art. R. 2122-10.
7. Lecture des art. 212, 213, 214 al. 1, 215 al. 1 et 371-1. La lecture de l’article 220 sur la solidarité des dettes ménagères avait été
ajoutée par la loi du 1er juillet 2010 sur le crédit à la consommation mais a été supprimée par la loi du 17 mai 2013 ouvrant le
mariage aux couples de personnes de même sexe.
8. L’Officier d’état civil reçoit de chaque partie la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux puis prononce, au nom
de la loi, qu’elles sont unies par le mariage.
9. Loi du 17 mai 2013, préc.
10. Mariage célébré sans aucune publicité.
11. Aucun des époux ni de leurs parents n’a son domicile ou sa résidence sur la commune. Mais la nullité est facultative pour le
juge, qui peut éviter de la prononcer en l’absence de volonté frauduleuse.
12. Cf. infra n° 42 s.
13. C. civ., art. 75 al. 2. Bien entendu, la validité du mariage est subordonnée à l’absence d’altération du consentement.

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40. Pacs. Le Pacs, lui, ne fait pas l’objet d’une célébration1 mais d’une simple présentation
des partenaires sans témoin devant le notaire ou l’officier d’état civil avec production de
la convention suivie d’un enregistrement de celle-ci par le notaire ou l’officier de l’état
civil. Les articles du Code civil relatifs aux devoirs des partenaires ne sont pas obligatoi-
rement lus mais, en principe, écrits dans la convention2. L’échange des consentements
prend également une forme écrite en ce qu’il résulte de la rédaction et de la signature
même de cette convention.
Le passage, à partir du 1er novembre 2017, de la compétence du greffier du tribunal d’instance
à celle de l’officier d’état civil pour l’enregistrement, la modification et la dissolution des
Pacs poursuit l’objectif de désengorger les tribunaux et « recentrer les juridictions sur leur
mission première »3. Il constitue néanmoins incidemment un rapprochement, assumé par
le législateur, du Pacs et du mariage, qui n’aurait pas été possible au moment de l’adoption
du Pacs en 1999, au risque de voir dénoncée la création d’un « mariage bis ».

3. La publicité

41. État civil. L’acte de mariage, qui est un acte d’état civil, est dressé par l’officier de l’état civil
à l’issue de la célébration4 et le mariage fait l’objet d’une mention sur l’acte de naissance
de chacun des époux.
Le Pacs, qui ne donne lieu à l’établissement d’aucun acte d’état civil en tant que tel, fait
néanmoins l’objet d’une mention en marge des actes de naissance5, qui permettra aux
partenaires d’en faire la preuve et aux tiers d’en avoir connaissance. À l’origine, il n’y avait
pas de publicité du Pacs à l’état civil, essentiellement pour éviter un rapprochement trop
important entre le Pacs – ouvert aux couples de personnes de même sexe et qui ne relevait
pas de l’état des personnes – et le mariage. La loi du 23 juin 2006 a prévu cette publicité,
notamment pour mettre fin au système lourd de délivrance de certificats de « non-Pacs »
délivrés par les greffiers6. Ce rapprochement entre Pacs et mariage est conforté depuis
que l’officier de l’état civil enregistre les Pacs. À l’avenir, le Pacs pourrait bien donner lieu
à un acte de l’état civil.

1. Circ. du 17 mai 2017 de présentation des dispositions en matière de pacte civil de solidarité issues de la loi n° 2016-1547 du
18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle et du décret du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de
l’état civil de l’enregistrement des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité, NOR :
JUSC1711700C : les partenaires ne sont pas fondés à exiger une quelconque cérémonie mais le maire de chaque commune
est libre de prévoir l’organisation d’une célébration (fiche technique n° 1, n° 2-1, p. 11).
2. Cf. un modèle de convention de Pacs : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits.
3. L. du 18 nov. 2016 préc. et décret n° 2017-889 du 6 mai 2017 relatif au transfert aux officiers de l’état civil de l’enregistrement
des déclarations, des modifications et des dissolutions des pactes civils de solidarité, NOR : JUSC1703741D.
4. Art. 75 in fine et 76. Pour un modèle d’acte de mariage, cf. Circ. 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux
couples de personnes de même sexe, NOR : JUSC1312445C, Annexe 1.
5. Si l’enregistrement est fait par le notaire, ce dernier adresse l’information aux communes de naissance des partenaires.
6. L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

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Synthèse – Sanction des conditions de formation du mariage

42. Distinction en fonction des empêchements

Empêchements simplement prohibitifs Empêchements dirimants


Empêchent la célébration du mariage mais ne Empêchent la célébration et constituent une
sont pas, en tant que tels, des causes d’annulation cause d’annulation du mariage s’il a été célébré.
du mariage s’il a été célébré.

Défaut de publication des bans Empêchements liés à la parenté et à l’alliance


Défaut de remise des pièces nécessaires à la Bigamie
publication Consentement (existence et intégrité)
Inobservation des délais entre la publication et la Âge
célébration
Etc. (cf. infra tableau sur les nullités)
Omission de l’audition prénuptiale
Défaut d’information du curateur/tuteur
Existence d’une opposition

43. Opposition (sanction a priori)

Définition Effets
Acte juridique par lequel une personne autorisée1 Empêche la célébration du mariage.
avertit l’officier d’état civil de l’existence d’un L’ officier de l’état civil sursoit à célébrer2 jusqu’au
empêchement à mariage (une condition de jugement de mainlevée ou pendant un an3.
formation du mariage n’est pas remplie).

1. Certains membres de la famille, tuteur, curateur ou ministère public. Cf. C. civ., art. 172 s. Cf. P. MARCOU, « La spécificité de
l’opposition familiale », RLDC, 2020, n° 186.
2. Si l’officier d’état civil passe outre l’opposition, il encourt des sanctions (amende). Le mariage restera valable si l’empêchement
est simplement prohibitif ou pourra être annulé s’il est dirimant.
3. C. civ., art. 176 à 178. La mainlevée est demandée par les futurs époux au TJ, qui statue dans les dix jours. Si l’opposition est
maintenue, il est impossible de célébrer le mariage. L’opposition est caduque après l’écoulement d’un délai d’un an, sauf
renouvellement ou s’il s’agit d’une opposition du ministère public (C. civ., art. 176). Dans ce dernier cas, l’opposition ne cesse
de produire effet que sur décision judiciaire.

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44. Nullité (sanction a posteriori)

Action en nullité
Action en justice
Nullité absolue Nullité relative
Intérêt protégé Intérêt général. Intérêt particulier.
Sont donc sanctionnés de nullité Sont donc sanctionnés d’une nullité
absolue1 : relative :
– le défaut d’âge légal ; – les vices du consentement
– le défaut de consentement ; – le mariage contracté par un mineur
– le défaut de comparution sans autorisation parentale
personnelle ;
– la bigamie ;
– l’inceste ;
– la clandestinité
(défaut de célébration publique)
– l’incompétence de l’officier d’état civil2
Titulaires de l’action – Ministère public – Le mariage consenti par erreur ne peut
– Époux être attaqué que par l’époux victime.

– Tout intéressé3 – Le mariage consenti sous


la contrainte (violence) ne peut être
– Parents et ascendants pour attaqué que par l’époux/les époux
défaut de célébration publique ou victimes et le MP.
incompétence de l’officier d’état civil4
– Le mariage contracté par un mineur
– Conjoint de l’époux bigame5. sans autorisation parentale peut être
attaqué par les parents et celui des
époux pour lequel l’autorisation était
requise6.
Délai de prescription 30 ans à compter de la célébration 5 ans à compter de la célébration
du mariage7. du mariage8.

1. C. civ., art. 184 et 191.


2. La nullité pour incompétence de l’officier d’état civil est facultative et n’est pas prononcée en l’absence d’intention frauduleuse.
3. Cf. les précisions de l’article 187 pour les parents collatéraux et enfants nés d’un autre mariage. Civ. 1re, 4 mai 2011, n° 09-68983 :
« Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles 184 et 187 du Code civil que les parents collatéraux ne peuvent,
du vivant des époux, agir en nullité du mariage, sur le fondement de l’article 146 du Code civil, qu’à la condition de justifier
d’un intérêt né et actuel ; qu’ayant constaté, à la date où elle statuait, que les consorts X… avaient vocation à recueillir, en
l’absence de conjoint survivant, la partie de la succession de leur frère non incluse dans un testament, la cour d’appel en a
souverainement déduit que ceux-ci justifiaient d’un intérêt actuel à agir. ».
4. C. civ., art. 191.
5. C. civ., art. 188. L’ex-conjoint divorcé doit démontrer son intérêt à agir en nullité du mariage pour bigamie. Civ. 1re, 12 avr.
2012, n° 11-11116 : « Mais attendu que M. Y, divorcé de Mme X, n’avait plus, lors de son action en nullité, la qualité de conjoint
de celle-ci et ne pouvait dès lors se prévaloir des dispositions de l’article 184 du Code civil, propres aux époux, mais devait
justifier d’un intérêt à agir ; que M. Y n’ayant justifié, ni même allégué, aucun intérêt à agir, la décision critiquée se trouve
légalement justifiée ».
6. C. civ., art. 182 et 183.
7. C. civ., art. 184 et 191.
8. C. civ., art. 181. Cf. l’art. 183 pour les règles spécifiques au mariage du mineur.

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Effets de la nullité
Principe : disparition rétroactive du mariage
À l’égard des enfants Le mariage de leurs parents n’existe plus pour l’avenir. Les conséquences sur
l’autorité parentale, la résidence habituelle, le droit de visite et d’hébergement
et la contribution à l’entretien et l’éduction sont réglées comme en cas de
divorce.
Mais les effets passés du mariage sont maintenus à l’égard des enfants. La
présomption de paternité continue à jouer.

À l’égard des époux Le mariage n’existe plus pour l’avenir. Chacun reprend l’usage de son nom, il est
mis fin aux devoirs entre époux, au régime matrimonial, etc.
Le mariage est également, en principe, censé n’avoir jamais existé dans le
passé. Il existe toutefois une exception importante à la rétroactivité : lorsque le
mariage est déclaré « putatif » par le juge1, ses effets passés sont maintenus à
l’égard de l’époux de bonne foi qui pourra, par exemple obtenir une prestation
compensatoire2 ou une pension de réversion.

Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 17-40026


Attendu qu’après le décès de Gilbert X…, survenu le 5 juin 2012, Mmes Florence et Hélène X…,
ses filles nées d’une première union, ont saisi le tribunal de grande instance d’une demande
d’annulation, pour bigamie, de son mariage avec Mme Z…, célébré le 7 août 1979 à Paris ;
que le tribunal a déclaré leur demande recevable et annulé ce mariage ;
Que, devant la cour d’appel, Mme Z… a, par mémoire distinct, présenté une question priori-
taire de constitutionnalité, dont la transmission à la Cour de cassation a été ordonnée dans
les termes suivants :
« Les dispositions de l’article 187 du Code civil qui prévoient que, dans tous les cas où,
conformément à l’article 184, l’action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont
un intérêt, elle ne peut l’être par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d’un autre
mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu’ils y ont un intérêt né et actuel,
portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus précisément
au droit de mener une vie familiale normale prévu à l’article 10 du Préambule de 1946 et à
la liberté du mariage résultant des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen de 1789 ? » ;
Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ;
Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif
d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu, d’une part, que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une dispo-
sition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de
faire application, n’est pas nouvelle ;

1. C. civ., art. 201.


2. Civ. 1re, 23 oct. 1990, n° 89-10250 ; Civ. 1re, 2 déc. 1997, n° 95-20026.

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Et attendu, d’autre part, en premier lieu, que l’annulation du mariage à la demande des
enfants nés d’un autre mariage, après le décès de l’un des époux, n’a pas pour effet d’empêcher
les membres d’une même famille de vivre ensemble ;
Attendu, en second lieu, que la liberté de se marier n’est pas en cause, les dispositions
contestées n’instaurant aucune restriction à la célébration du mariage et ayant pour finalité
de le protéger, du vivant des époux ; que, s’agissant de ses effets, la putativité permet de
les préserver, en cas de nullité, à l’égard des enfants et de l’époux de bonne foi, de sorte
que la disposition critiquée n’est pas susceptible de porter une atteinte disproportionnée
à la liberté du mariage, au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public poursuivi ;
D’où il suit que la question posée ne présente pas un caractère sérieux et qu’il n’y a pas lieu
de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité ;

Civ. 1re, 15 février 2012, n° 11-10095


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, (Douai, 25 octobre 2011), que M. X…, français depuis 1964,
et Mme Y… se sont mariés le 15 octobre 1972 ; que M. X… étant décédé le 19 février 2006,
Mme Y… a déposé une requête auprès de la Caisse autonome nationale de la Sécurité Sociale
dans les mines (la caisse) afin d’obtenir, en qualité de veuve, une pension de réversion ; que
la caisse a rejeté sa requête et l’a assignée en annulation de son mariage sur le fondement
des articles 147 et 180 du Code civil ;
Attendu que la caisse fait grief à l’arrêt de dire que ce mariage, frappé de nullité pour cause
de bigamie du mari, produisait néanmoins ses effets en faveur de l’épouse ;
Mais attendu que la cour d’appel a, par une appréciation souveraine qui échappe aux griefs
du moyen, estimé qu’il n’était pas établi qu’au jour de la célébration du mariage Mme Y…
eût été informée de la situation matrimoniale réelle de M. X…, de sorte que la présomption
de bonne foi ne pouvait être écartée, et en a exactement déduit que le mariage produisait
ses effets à l’égard de l’intéressée ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; […]

Mariage de complaisance et mariage forcé


Prévention :
C. civ., art. 63 : audition préalable des futurs conjoints.
C. civ., art. 146 : réalité de l’intention matrimoniale.
C. civ., art. 180 al. 1 : « le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux
époux, ou de l’un d’eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont
le consentement n’a pas été libre, ou par le ministère public. L’exercice d’une contrainte sur

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les époux ou l’un d’eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue
un cas de nullité du mariage ».
C. civ., art. 175-2 : l’officier de l’état civil saisit le procureur de la République lorsqu’il existe des
indices sérieux laissant présumer que le mariage pourra être annulé sur le fondement des
art. 146 ou 180. Le procureur a quinze jours pour laisser procéder au mariage, s’y opposer ou
surseoir à la célébration dans l’attente d’une enquête pour un mois renouvelable une fois.
Circ. Garde des Sceaux, 22 juin 2010, CIV/09/10, relative à la lutte contre les mariages simulés :
liste des vérifications et des éléments pouvant constituer des indices faisant suspecter un
défaut d’intention matrimoniale1.
Sanctions :
■ Sanction civile : nullité du mariage pour défaut de consentement ou violence.
■ Sanction pénale : le fait de contracter un mariage aux seules fins d’obtenir, ou de faire
obtenir, un titre de séjour, le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou la natio-
nalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende2.

Mariage des étrangers

45. Les règles relatives au mariage des étrangers montrent la difficulté à concilier respect de
la liberté du mariage et suspicion de fraude.

Liberté du mariage

Conv. EDH, art. 12 : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier
et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».
DDHC, art. 16 : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant
à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. »
Cons. Const., 13 août 1993, n° 93-325 DC : « La liberté du mariage […] est une des composantes
de la liberté individuelle ».
Cons. Const., 20 novembre 2003, n° 2003-484 DC : « Considérant […] que le respect de la liberté
du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la
Déclaration de 1789, s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse
obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé ;
Considérant, en premier lieu, que, si le caractère irrégulier du séjour d’un étranger peut
constituer dans certaines circonstances, rapproché d’autres éléments, un indice sérieux
laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l’union matrimoniale,
le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité
de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l’absence de consentement,
a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ;

1. Cf. supra n° 20.


2. CESEDA, art. L. 823-11 nouveau (L. 623-1 anc.) ; Ord. n° 2020-1733 du 16 déc. 2020 portant partie législative du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

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Considérant, en second lieu, qu’en prévoyant, d’une part, le signalement à l’autorité préfec-
torale de la situation d’un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier
de la régularité de son séjour et, d’autre part, la transmission au préfet de la décision du
procureur de la République de s’opposer à la célébration du mariage, d’ordonner qu’il y soit
sursis ou de l’autoriser, les dispositions de l’article 76 sont de nature à dissuader les intéressés
de se marier ; qu’ainsi, elles portent également atteinte au principe constitutionnel de la
liberté du mariage ; »
CE, 6 juillet 2005, n° 259723 : l’arrêté de reconduite à la frontière motivé par le seul fait de
vouloir empêcher le mariage est entaché de détournement de pouvoir.
Civ. 1re, 11 mars 2009, n° 08-11177 : « Ayant fait ressortir que les policiers avaient utilisé la
convocation de M. X… pour un examen de son dossier de mariage nécessitant sa présence
personnelle, pour procéder à son interpellation pour délit de séjour irrégulier en France, le
premier président en a justement déduit que les conditions de cette interpellation étaient
irrégulières […] ».

Mariage d’un étranger en France

Conditions de fond
C. civ, art. 202-1 al. 1 : Chaque époux doit en principe remplir les conditions de fond de sa
loi personnelle1. Mais quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le
consentement des époux, au sens de l’art. 146 et du premier al. de l’article 180.
C. civ., art. 202-1 al. 2 : Particularité du mariage entre personnes de même sexe lorsque la
loi de nationalité le prohibe. Deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage
lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire
duquel elle a un domicile ou sa résidence le permet2.
Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à
la coopération judiciaire :
Art. 4
La loi de l’un des deux États désignés par la présente Convention ne peut être écartée par les
juridictions de l’autre État que si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public.
Art. 5
Les conditions du fond du mariage tels que l’âge matrimonial et le consentement de même
que les empêchements, notamment ceux résultant des liens de parenté ou d’alliance, sont
régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité.
Civ. 1re, 28 janvier 2015, n° 13-50059 :
« Mais attendu que si, selon l’article 5 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981
relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, les conditions
de fond du mariage telles que les empêchements, sont régies pour chacun des futurs époux
par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité, son article 4 précise que la loi de l’un

1. Sauf contradiction avec l’ordre public français en matière internationale : polygamie, représentation. La preuve du contenu
appartient à l’étranger (certificat de coutume ou certificat de capacité matrimoniale).
2. L’officier de l’état civil doit attirer l’attention sur la possibilité que le mariage ne soit pas reconnu à l’étranger et sur les risques
encourus.

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des deux États désignés par la Convention peut être écartée par les juridictions de l’autre
État si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public ; que tel est le cas de la loi
marocaine compétente qui s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que,
pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel
elle a son domicile ou sa résidence le permet ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la
défense et substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié […] ».

Conditions de forme
C. civ., art. 202-2 : Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités
prévues par la loi de l’État sur le territoire duquel la célébration a eu lieu.
C. civ., art. 47 : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et
rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus,
des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant
après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont
déclarés ne correspondent pas à la réalité ».
Mais, sauf convention contraire, seul l’acte traduit par un traducteur assermenté et légalisé
peut produire ses effets en France1.

Section 2 – La vie de couple

46. Égalité. Le Pacs ayant été créé en 1999, les partenaires ont toujours été traités de manière
égale dans le Code civil. En revanche, la femme mariée était incapable en 1804. Elle ne
pouvait gérer ses biens ni même percevoir ses salaires et son mari devait d’ailleurs l’autoriser
à exercer une activité professionnelle. C’est également lui qui choisissait le lieu de résidence
de la famille et prenait les décisions concernant les enfants en vertu de sa puissance pater-
nelle. La prédominance du mari s’est progressivement atténuée, essentiellement à partir
de la loi du 18 février 1938 qui a supprimé l’incapacité qui frappait la femme mariée. Les
réformes successives ont ensuite toutes été tournées vers l’égalité, mais aussi la liberté et
l’autonomie de chacun des époux. La loi du 13 juillet 1965 réformant les régimes matrimo-
niaux a retiré la possibilité au mari de s’opposer à l’exercice par sa femme d’une activité
professionnelle séparée et rendu à cette dernière la gestion de ses biens propres. Depuis
la loi du 11 juillet 1975, ce n’est plus le mari qui choisit la résidence de la famille et la loi du
23 décembre 1985 a gommé les inégalités restantes au sein des régimes matrimoniaux.

1. Civ. 1re 14 nov. 2007, n° 07-10935 ; Civ. 1re, 13 avr. 2016, n° 15-50018. Cf. décret n° 2020-1370 du 10 nov. 2020 relatif à la légali-
sation des actes publics établis par une autorité étrangère. En cas d’impossibilité : un acte de notoriété peut être délivré par
les autorités consulaires. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides reconstitue les actes d’état civil de ces
derniers.

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Aujourd’hui les époux sont donc égaux et libres. Ils vivent toutefois ensemble en mariage,
lequel produit des conséquences d’ordre patrimonial et d’ordre extra-patrimonial. Du
point de vue des effets patrimoniaux (§2), le Pacs se rapproche de plus en plus du mariage.
Mais du point de vue des effets extra-patrimoniaux, il est plus proche du concubinage (§1).

§1. Les effets extra-patrimoniaux


Afin de mettre en exergue les différences et ressemblances entre les formes de vie en couple,
il convient de distinguer, au sein des effets extra-patrimoniaux, les effets personnels (B)
des éventuels effets familiaux (A).

A. Les effets familiaux

47. Les effets familiaux ne concernent essentiellement que le mariage qui au-delà du lien
personnel entre les époux, crée un lien d’alliance et un lien de famille, contrairement au
Pacs et au concubinage, qui créent seulement un lien personnel plus ou moins intense et
avec plus ou moins de conséquences, entre les membres du couple.

1. Mariage

48. Lien d’alliance. Le lien d’alliance est le lien juridique qui existe entre les deux époux, d’une
part, et entre les époux et les parents de l’autre, d’autre part. Ce lien d’alliance permet à
chacun des époux, s’il le souhaite, de porter à titre d’usage le nom de l’autre, justifie les
empêchements à mariage entre alliés, l’existence d’un devoir de secours entre époux et
d’une obligation alimentaire réciproque entre gendres/belles-filles et beaux-parents1.
49. Lien de famille. Le mariage crée aussi un lien de famille puisqu’il entraîne la présomption
selon laquelle le mari est le père des enfants de sa femme2. Cette présomption, qui demeure
une des rares spécificités du mariage, ne joue pas pour les couples mariés de même sexe3,
mais ces derniers, peuvent, comme les époux de sexe différent, adopter. L’article 203 du
Code civil prévoit en outre que les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage,
l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants ; l’article 213 indiquant qu’ils
assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, pourvoient à l’éduction
des enfants et préparent leur avenir. Si ces dispositions peuvent paraître obsolètes en ce
que ces obligations communes résultent davantage et plus généralement de l’exercice en
commun de l’autorité parentale, qui n’est pas propre aux époux, elles continuent néanmoins
à mettre en lumière l’aspect familial du mariage.

1. C. civ., art. 206. Cf. supra nos 30 s. et infra nos 63 et 242. Le devoir de secours et l’obligation alimentaire sont d’ordre patrimonial
mais sont évoqués ici en ce qu’ils découlent du lien d’alliance. On peut aussi estimer que le lien d’alliance justifie l’existence
des droits successoraux du conjoint survivant hors testament, réservés par la loi au conjoint survivant.
2. C. civ., art. 312. Cf. infra n° 164 s.
3. C. civ., art. 6-1.

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La loi protège d’ailleurs le logement de la famille, qui bénéficie d’un statut particulier afin
d’éviter que l’un des époux puisse priver la famille de son logement sans l’accord de l’autre.
Selon l’article 215 alinéa 3 du Code civil, les époux ne peuvent ainsi l’un sans l’autre disposer
des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont
il est garni1. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander
l’annulation2. Par ailleurs, selon l’article 1751, lorsque le logement familial a pour origine
une location, il y a obligatoirement cotitularité de bail. Un époux ne peut pas résilier le
bail sans l’accord de l’autre.

2. Pacs et concubinage

50. Absence de lien d’alliance. Le Pacs et le concubinage ne créent quant à eux aucun lien
d’alliance. Ils ne produisent aucun effet sur le nom d’usage et n’entraînent aucun devoir
de secours entre les partenaires et les concubins, ni obligation alimentaire du partenaire
ou du concubin à l’égard de la famille de l’autre.
Toutefois, il ne peut y avoir de Pacs entre ascendants et descendants, entre alliés et entre
collatéraux jusqu’au troisième degré inclus. En outre, les personnes déjà engagées dans
les liens du mariage ou du Pacs ne peuvent conclure un Pacs3. Ces empêchements, qui font
écho à ceux qui existent également pour le mariage, résultent du lien entre les partenaires,
qui est un lien personnel sans être un lien d’alliance.
51. Absence de lien de famille. Le Pacs et le concubinage ne créent enfin aucun lien de famille.
Ils n’ont aucun effet sur la filiation. Le partenaire et le concubin doivent reconnaître l’enfant
de la partenaire ou de la concubine pour que le lien de filiation soit établi à leur égard. Les
partenaires et les concubins ne peuvent pas adopter conjointement. L’autorité parentale
sera en principe exercée en commun par les parents liés par un Pacs ou concubins mais cet
exercice conjoint résulte de l’établissement du lien de filiation et non du lien de couple4.
Il n’existe enfin pas d’équivalent de l’article 215 alinéa 3. Toutefois, l’article 1751 sur la
cotitularité du bail s’applique aux partenaires s’ils en font la demande conjointement.

B. Les effets personnels

Il convient ici de distinguer mariage, Pacs et concubinage.

1. Mariage
Les époux doivent vivre ensemble dans le respect l’un de l’autre en étant fidèles et en se
portant assistance.
1. Ex. : aliénation de la pleine propriété du bien (peu importe qu’il appartienne aux deux époux ou à l’un d’eux).
2. L’action en nullité lui est ouverte dans l’année de la connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an
après la dissolution du régime matrimonial.
3. Cf. supra n° 34.
4. Cf. C. civ., art. 372 et infra n° 253.

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52. Fidélité. Selon l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement fidélité. La
loi sur le divorce du 11 juillet 1975 a supprimé l’incrimination pénale de l’adultère1 et son
caractère péremptoire comme cause de divorce. La fidélité est cependant toujours un devoir
du mariage dont la violation est susceptible de constituer une faute cause de divorce2. Les
contours de l’obligation sont toutefois difficiles à cerner. Ils semblent dépasser la simple
exclusivité sexuelle3. Le devoir de fidélité perd en outre de sa vigueur si les époux vivent
séparés et/ou pendant l’instance en divorce, même s’il demeure en principe4. Certaines
décisions récentes conduisent d’ailleurs à s’interroger sur une perte de vigueur plus
générale. La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 décembre 2015, a en effet approuvé la
Cour d’appel selon laquelle « l’évolution des mœurs comme celle des conceptions morales
ne permettent plus de considérer que l’imputation d’une infidélité conjugale serait à
elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération »5. Cette évolution
reste à confirmer et concerne pour le moment le regard qui est porté sur la fidélité par la
société, mais peut-être pas l’importance accordée à la fidélité, entre les époux, comme
devoir du mariage6.

Civ. 1re, 16 décembre 2020, n° 19-19387


[…]
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2019), la société Blackdivine, société de droit américain,
éditrice du site de rencontres en ligne www.gleeden.com, a procédé en 2015 à la publicité
de son site par une campagne d’affichage sur les autobus, à Paris et en Ile-de-France. Sur
ces affiches figurait une pomme croquée accompagnée du slogan : « Le premier site de
rencontres extra-conjugales ».
2. Le 22 janvier 2015, la Confédération nationale des associations familiales catholiques
(CNAFC) a assigné la société Blackdivine devant le tribunal de grande instance de Paris afin
de faire juger nuls les contrats conclus entre celle-ci et les utilisateurs du site Gleeden.com,
au motif qu’ils étaient fondés sur une cause illicite, interdire, sous astreinte, les publicités
faisant référence à l’infidélité, ordonner à la société Blackdivine de diffuser ses conditions
commerciales et ses conditions de protection des données, et la faire condamner au
paiement de dommages-intérêts. Un jugement du 9 février 2017 a déclaré la CNAFC pour
partie irrecevable et pour partie non fondée en ses demandes.

1. Ce délit était d’ailleurs plus largement réprimé chez la femme que chez l’homme.
2. Cf. infra n° 92.
3. Fidélité morale : Pau, 26 Janvier 2015, n° 15/345.
4. Civ. 1re, 11 mars 2009, n° 08-13169.
5. Civ. 1re, 17 déc. 2015, n° 14-29549. L’arrêt ne concerne pas une procédure de divorce mais une éventuelle diffamation par
allégation publique suite à la publication d’une interview dans un magazine concernant la liaison d’un homme politique
marié avec celle qui sera ensuite la concubine d’un Président de la République. Cf. aussi civ. 1 re, 3 nov. 2016, n° 15-24879
et Ass. plén. 29 oct. 2004, n° 03-11238 : « n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité
consentie à l’occasion d’une relation adultère ».
6. Cf. Civ. 1re, 25 oct. 2017, n° 16-21136 : Révocation pour ingratitude d’une donation consentie par l’époux à l’épouse. Les relations
adultères entretenues par cette dernière avec un ami intime du couple, qui avaient suscité des rumeurs, la détérioration
des relations conjugales et la douleur de l’époux, très attaché à son épouse, ont été qualifiées d’injure grave.

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3. En cause d’appel, celle-ci a renoncé à certaines demandes et n’a maintenu que celle
relative à la publicité litigieuse, sollicitant, outre des dommages-intérêts, qu’il soit ordonné
à la société Blackdivine, sous astreinte, de cesser de faire référence, de quelque manière
que ce soit, à l’infidélité ou au caractère extra-conjugal de son activité, à l’occasion de ses
campagnes de publicité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
4. La CNAFC fait grief à l’arrêt de rejeter l’ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que le devoir de fidélité entre époux ressortit à l’ordre public de direction ; qu’en ayant
jugé que l’infidélité ne constituait qu’une faute civile ne pouvant être invoquée que par un
époux contre l’autre et qu’elle ressortait ainsi seulement de l’ordre public de protection et
non de direction, quand ce devoir ne tend pas seulement à protéger les intérêts privés des
époux, mais comporte une dimension sociale, la cour d’appel a violé l’article 212 du Code civil ;
2°/ que les époux ne peuvent déroger par convention particulière aux obligations nées du
mariage ; qu’en ayant jugé que le devoir de fidélité ne ressortissait qu’à un ordre public de
protection, car il pouvait y être dérogé par consentement mutuel des époux, la cour d’appel
a violé les articles 212 et 226 du Code civil ;
3°/ que si l’infidélité peut être excusée ou pardonnée, elle n’en reste pas moins illicite ; qu’en
ayant jugé que le devoir de fidélité ne ressortissait pas à l’ordre public de direction, car
l’infidélité peut être excusée dans une procédure de divorce, quand une telle excusabilité
n’enlève rien à l’illicéité d’un tel comportement, la cour d’appel a violé l’article 212 du Code civil ;
4°/ que l’infidélité caractérise un comportement à la fois illicite et antisocial ; qu’en ayant
jugé le contraire, au postulat erroné que le devoir de fidélité ne ressortissait qu’à un ordre
public de protection, la cour d’appel a violé les articles 212 du Code civil, 1 et 4 du code ICC,
ensemble les usages en matière de pratiques publicitaires et de communication commerciale ;
5°/ qu’est illicite toute publicité qui fait l’apologie de l’infidélité dans le mariage ; qu’en ayant
jugé que la publicité diffusée par la société Blackdivine sur son site et sur son blog n’était pas
illicite, en se fondant sur une décision rendue le 6 décembre 2013 par le jury de déontologie
publicitaire, laquelle n’était pas opérante, car, d’une part, il n’entre pas dans la mission de
ce jury de se prononcer sur le respect des règles de droit et, d’autre part, il avait retenu,
contre l’évidence, que le site Gleeden.com n’incitait pas à des comportements trompeurs
et mensongers dans le cadre du mariage, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale
au regard de l’article 212 du Code civil, des articles 1 et 4 du code ICC, ensemble les usages
en matière de pratiques publicitaires et de communication commerciale ;
6°/ que la liberté d’expression doit céder devant l’intérêt supérieur que représente le devoir
de fidélité au sein d’un couple qui dépasse les simples intérêts privés de ses membres ;
qu’en ayant jugé le contraire, pour refuser de faire interdire les campagnes de publicité
télévisuelle diffusées par la société Blackdivine, prônant l’infidélité dans le mariage pour
attirer des clients sur le site Gleeden.com, la cour d’appel a violé l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme. »
Réponse de la Cour
5. L’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fonda-
mentales dispose que :

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« 1.-Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion
et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse
y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent
article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma
ou de télévision à un régime d’autorisations.
2.-L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis
à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui consti-
tuent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale,
à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention
du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou
des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour
garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».
6. Aux termes de l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement respect,
fidélité, secours, assistance.
7. Les principes éthiques et d’autodiscipline professionnelle édictés par le code consolidé de
la chambre de commerce internationale sur les pratiques de publicité et de communication
commerciale, notamment en ses articles 1 et 4, dont la violation peut être contestée devant
le jury de déontologie publicitaire, n’ont pas de valeur juridique contraignante. En effet,
si, selon l’article 3 de ce code, les autorités judiciaires peuvent l’utiliser à titre de référence,
ce n’est que dans le cadre de la législation applicable.
8. L’arrêt énonce, d’abord, à bon droit, que si les époux se doivent mutuellement fidélité et
si l’adultère constitue une faute civile, celle-ci ne peut être utilement invoquée que par un
époux contre l’autre à l’occasion d’une procédure de divorce.
9. Il constate, ensuite, en faisant référence à la décision du jury de déontologie du 6 décembre
2013, que les publicités ne proposent en elles-mêmes aucune photo qui pourrait être
considérée comme indécente, ni ne contiennent d’incitation au mensonge ou à la duplicité
mais utilisent des évocations, des jeux de mots ou des phrases à double sens et la possi-
bilité d’utiliser le service offert par le site Gleeden, tout un chacun étant libre de se sentir
concerné ou pas par cette proposition commerciale, les slogans étant de surcroît libellés avec
suffisamment d’ambiguïté pour ne pouvoir être compris avant un certain âge de maturité
enfantine et n’utilisant aucun vocabulaire qui pourrait, par lui-même, choquer les enfants.
10. Il retient, enfin, que, si la publicité litigieuse vante l’« amanturière », « la femme mariée
s’accordant le droit de vivre sa vie avec passion » ou se termine par le message « Gleeden, la
rencontre extra-conjugale pensée par des femmes », ce qui pourrait choquer les convictions
religieuses de certains spectateurs en faisant la promotion de l’adultère au sein de couples
mariés, l’interdire porterait une atteinte disproportionnée au droit à la liberté d’expression,
qui occupe une place éminente dans une société démocratique.
11. Ayant ainsi fait ressortir l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère
des relations entre époux, partant, l’absence d’interdiction légale de la promotion à des
fins commerciales des rencontres extra-conjugales, et, en tout état de cause, le caractère
disproportionné de l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression que
constituerait l’interdiction de la campagne publicitaire litigieuse, la cour d’appel a, par ces
seuls motifs, sans conférer à la décision du jury de déontologie une portée qu’elle n’a pas,
légalement justifié sa décision.
[…]

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PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

53. Assistance. L’article 212 impose aussi aux époux un devoir mutuel d’assistance. Il s’agit
du soutien, d’ordre moral, voire physique, que doivent s’apporter les époux au quotidien,
par exemple dans les tâches ménagères et éventuellement professionnelles, et face
aux difficultés, par exemple en cas de maladie ou d’accident. L’assistance est un devoir
personnel, mais qui par certains aspects se rapproche du devoir de secours et de l’obligation
de contribuer aux charges du mariage, qui sont des devoirs patrimoniaux relevant de la
même idée d’entraide.
54. Communauté de vie. Les époux s’obligent en outre mutuellement, selon l’article 215 al. 1
du Code civil, à une communauté de vie. Ce devoir constitue le support des autres, qui ne
peuvent s’accomplir de manière effective que dans la vie commune. La communauté de vie
revêt en premier lieu un aspect matériel. On parle traditionnellement de la communauté de
« toit », en ce qu’elle implique la cohabitation matérielle des époux. Si l’article 108 autorise
les époux à avoir des domiciles séparés, notamment pour des raisons professionnelles, il
doit exister une résidence de la famille, choisie en commun1 et dans laquelle les époux se
retrouvent.
La communauté de vie comporte en outre un aspect plus charnel. On parle traditionnel-
lement de communauté « de lit ». Le « devoir conjugal », qui n’est pas en tant que tel inscrit
dans la loi, n’est toutefois pas absolu, et tend peut-être même à devenir de plus en plus
relatif, à mesure qu’une place plus importante est faite à la liberté de chacun des époux
et au respect de son intégrité. Il doit ainsi être combiné avec la liberté de corps et peut
notamment être empêché, de manière justifiée, par des difficultés ou une impossibilité
voire un accord entre les époux2.
La vie commune se pense enfin de manière plus générale et en lien avec les autres devoirs.
Elle comporte ainsi, par exemple, une certaine communauté financière3 qui relève toutefois
davantage de la sphère patrimoniale.
L’un des époux peut être dispensé du devoir de communauté de vie en cas de violence
exercée par son conjoint. Le juge aux affaires familiales peut en effet, dans cette hypothèse,
délivrer en urgence une ordonnance de protection et statuer, notamment, sur la résidence
séparée des époux4.
1. C. civ., art. 215 al. 2.
2. Cf. notamment Aix-en-Provence, 3 mai 2011, n° 2011/292, JurisData n° 2011-014496 : octroi de dommages et intérêts à l’épouse
sur le fondement de l’art. 1382 anc. du C. civ., en raison du préjudice subi du fait de l’abstinence sexuelle non justifiée de
l’époux ; M. Lamarche, « De la juridicité du debitum conjugale en mariage ou “la notion civilisée du mariage” », Dr. fam. n° 5,
2021, alerte 41.
3. Cf. Ph. Malaurie et H. Fulchiron, Droit de la famille, Lextenso, 5e éd., 2016, n° 1481.
4. C. civ., art. 515-9 s. issus de la loi n° 2010-769 du 9 juill. 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux
violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

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55. Devoirs innommés. Par ailleurs, un certain nombre de devoirs entre époux sont « innommés »
en ce qu’ils ne sont pas expressément prévus par le Code civil mais ressortent de décisions
de justice, qui les rattachent plus ou moins à des devoirs nommés et sanctionnent leur
violation dans le cadre du divorce pour faute, contribuant ainsi à compléter ou colorer les
devoirs traditionnels du Code civil de manière évolutive par des aspects plus modernes.
Ainsi, la loyauté1, la sincérité, le respect de l’honneur et de la dignité de l’autre sont pris
en compte.
56. Respect. La jurisprudence avait d’ailleurs dégagé, plus ou moins expressément, un devoir
de respect entre les époux. Chacun doit en effet respecter l’autre, son intégrité physique
et morale, sa personnalité et sa liberté, dans les limites imposées par les répercussions
sur la vie de couple et de famille et les autres devoirs du mariage. Ainsi, la liberté d’esprit
et de corps ne permet-elle pas l’adultère ; la liberté de conscience et de religion ne peut
être exercée que tant qu’elle n’a pas de répercussions importantes et néfastes sur la vie
familiale2. La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au
sein du couple3 a ajouté à l’article 212 le devoir de respect mutuel qui est ainsi devenu un
devoir « nommé ».
57. Sanction. Ces différents devoirs personnels entre époux ont un caractère impératif. Les
époux ne peuvent s’en dispenser. Les pactes de séparation amiable sont en principe prohibés
et nuls. En pratique toutefois, rien n’empêche les époux d’organiser leur séparation s’ils ne
vivent plus ensemble, notamment pour les enfants. Le juge pourra d’ailleurs tenir compte
de ces arrangements au titre des mesures provisoires pendant l’instance en divorce ou
lorsqu’il organisera l’après-divorce.
La violation d’un ou plusieurs devoirs réciproques entre époux est susceptible de constituer
une faute, cause de divorce si les conditions de l’article 242 sont remplies4. La cessation
de la communauté de vie pendant un an est également susceptible d’entraîner un divorce
pour altération définitive du lien conjugal5, sans que cette forme de divorce objectif ne
puisse toutefois être considérée comme une sanction. L’exécution forcée, pour les devoirs
personnels, a en revanche peu de sens et porterait atteinte à la liberté individuelle. On ne
peut envisager la cohabitation forcée, encore moins l’assistance ou la fidélité forcée. Même
l’astreinte serait contraire à la liberté des époux. Seuls des dommages et intérêts sont
envisageables sur le fondement et aux conditions du droit commun de la responsabilité.

1. Civ. 1re, 25 mars 2009, n° 08-11126.


2. Civ. 1re, 19 juin 2007, n° 05-18735.
3. Préc.
4. C. civ., art. 242, Cf. infra nos 92 s.
5. Cf. infra nos 89 s.

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2. Pacs
L’article 515-4 dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent
à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et à une assistance réciproque ».
58. Vie commune et assistance. La vie commune et l’assistance1 sont les deux devoirs non
patrimoniaux auxquels sont tenus les partenaires. Ils résonnent comme dans le mariage.
La communauté de vie est non seulement un devoir du Pacs, mais aussi un élément de sa
définition et la finalité même de celui-ci puisqu’il est un contrat conclu par deux personnes
majeures pour organiser leur vie commune, selon l’article 515-12.
59. Sanction. La question se pose toutefois de savoir, pour la communauté de vie comme pour
l’assistance, quelle sanction envisager en cas de non-respect. Aucun équivalent du divorce
pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal n’existe pour le Pacs. L’exécution
forcée n’est pas davantage envisageable. Il est en outre très facile de mettre fin, même
unilatéralement, au Pacs et donc à la vie commune3. La responsabilité contractuelle en
vue de réparer le préjudice découlant de la violation d’une obligation du Pacs pourrait
néanmoins être envisagée. Plus indirectement, la sanction peut se trouver dans la privation
d’effets prévus par des textes spéciaux et exigeant une certaine durée de vie commune. Le
partenaire étranger d’un ressortissant français peut par exemple espérer obtenir une carte
de séjour temporaire s’il démontre une vie commune d’au moins un an4.
60. Ni respect ni fidélité ? Il est à noter que le Code civil n’envisage ni le respect, ni la fidélité au
titre des engagements des partenaires. La question se pose néanmoins de savoir si l’obli-
gation de loyauté contractuelle ne pourrait pas servir de fondement à de telles obligations
ou s’il existe des devoirs innommés dans le Pacs, comme le devoir de respect, qui pourrait
comprendre la fidélité. Ce serait aller contra legem, probablement5. Des circonstances
particulières peuvent néanmoins venir à l’appui d’une action en responsabilité fondée
sur le droit commun si la victime peut démontrer une faute, détachable de la rupture, en
particulier en cas d’engagement moral de fidélité entre les partenaires. Toutefois, une clause
de fidélité dans la convention de Pacs serait probablement jugée contraire à l’ordre public6.

1. Dans le cadre des régimes de protection des majeurs, le tuteur ou le curateur est, sauf désignation préalable d’une autre
personne par la personne protégée avant la mise en place de la mesure, en principe le conjoint, le partenaire ou le concubin
(C. civ., art. 449). L’assistance serait donc un devoir de couple plus que de mariage ?
2. Même si le nouvel article 515-9 C. civ., dans l’unique but de protéger les victimes de violences au sein des couples, prend en
considération le Pacs en dehors même de toute cohabitation : « Lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris
lorsqu’il n’y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un
ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou
plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ».
3. Cf. infra nos 127 s.
4. CESEDA, art. L. 423-23 à combiner avec l’article 12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au Pacs. Sur le délai d’un an, cf. circ
n° NOR/INT/D/04/00134/C du 30 oct. 2004, ministère de l’Intérieur.
5. Cf. l’ordonnance très critiquée du Président du TGI de Lille en date du 5 juin 2002, D. 2003, 515, note X. Labbée ; Dr. fam.
2003, n°57, note B. Beignier ; RTD civ. 2003, p. 270, obs. J. Hauser. Cf. aussi J. Hauser, « À quoi engage le Pacs : convention et
ordre public ? », à propos de Rennes, 5 mai 2015, n° 14/01137, RTD civ. 2015, p. 855.
6. Cf. Ph. Malaurie et H. Fulchiron, ouvrage préc., n° 389.

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61. Droit commun du couple ? La fidélité tend finalement peut-être à s’estomper dans le
mariage tandis qu’elle tend à vouloir s’imposer dans le Pacs, comme s’il devenait difficile
de penser autrement qu’au prisme d’un droit commun du couple.

3. Concubinage

62. Absence de devoirs personnels. Aucun devoir mutuel d’ordre personnel n’existe entre les
concubins, qui ne s’engagent pas juridiquement1. La communauté de vie est une condition
d’existence et de reconnaissance du concubinage2. Elle constitue un fait, qui peut produire
des effets juridiques, mais pas un devoir. Les concubins sont libres de mener une vie
commune. Si cette vie commune n’existe pas ou cesse, ils ne sont tout simplement pas ou
plus concubins et ne peuvent revendiquer, le cas échéant, les effets juridiques attachés
à cette qualité3. Une rupture abusive et donc fautive pourrait entraîner réparation sur le
fondement du droit commun de la responsabilité si elle entraîne un dommage, mais le
seul fait de rompre la vie commune ne constitue pas une faute4. Certains effets juridiques
du concubinage sont en outre conditionnés à une durée de vie commune. Le transfert
du bail d’habitation en cas de décès du locataire est par exemple prévu pour le concubin
notoire s’il vivait avec le défunt depuis au moins un an à la date du décès5. La reprise du
bail d’habitation peut également être faite au bénéfice du concubin notoire du bailleur
depuis un an6.
Au-delà des effets personnels, la formation du couple produit des effets patrimoniaux.

§2. Les effets patrimoniaux


Il faut distinguer les devoirs pécuniaires des membres du couple l’un envers l’autre (A)
des pouvoirs de ces derniers à l’égard des tiers (B) avant de donner un aperçu du régime
s’appliquant aux biens du couple (C).

A. Les devoirs pécuniaires entre membres du couple

Le devoir de secours ne concerne que les époux, tandis que les partenaires doivent comme
les époux contribuer aux charges.

1. Sur l’absence de devoir de fidélité ; cf. Besançon, ch. soc., 10 nov. 2017, n° 16/02338 : « […] la liaison que [le concubin] a pu
entretenir avec une autre jeune femme n’est pas de nature à anéantir le lien de concubinage. »
2. Même si, à des fins de protection des victimes de violence, le concubinage peut, dans des situations exceptionnelles, être
retenu en l’absence de cohabitation. Cf. C. civ., art. 515-9 nouveau, préc.
3. Cf. par ex. Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 17-13113 : refus de versement d’un capital décès, faute d’avoir prouvé la qualité de concubin
de l’assuré (pas de preuve d’une vie commune au jour du décès).
4. Cf. infra n° 151.
5. L. du 6 juill. 1989 préc., art. 14.
6. Ibid., art. 15.

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1. Le devoir de secours entre époux

63. Mariage. Selon l’article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement secours. Le
devoir de secours est une expression de l’idée d’entraide, comme l’assistance, mais ici sur le
plan patrimonial. Il correspond à une obligation alimentaire et existe donc lorsqu’un époux
est dans le besoin. À ce titre, il ne couvre pas les dépenses d’agrément mais seulement celles
nécessaires aux besoins « vitaux ». L’époux qui réclame l’exécution du devoir de secours,
par exemple pendant l’instance en divorce, devra prouver qu’il n’est pas en mesure de
subvenir à ses besoins1.
64. Pacs et concubinage. Aucun devoir de secours n’existe en revanche dans le Pacs et dans
le concubinage, en l’absence de lien d’alliance. Pour le Pacs, en pratique, l’aide matérielle
réciproque est susceptible d’absorber, en quelque sorte, une forme de secours.

2. La contribution aux charges du mariage et du Pacs

65. Époux et partenaires. Les époux doivent respectivement contribuer aux charges du mariage,
selon l’article 214 du Code civil. Les partenaires s’engagent à une aide matérielle réciproque,
selon l’article 515-4 alinéa 1er. Il convient de s’interroger sur le contenu des charges en
question, avant de préciser comment s’opère la répartition entre les membres du couple
de ces dépenses et comment le défaut de contribution est susceptible d’être sanctionné.
66. Contenu. La contribution aux charges du mariage est indépendante de l’état de besoin et
doit donc être distinguée de l’obligation alimentaire et du devoir de secours. Elle couvre
notamment les dépenses relatives au logement, les impôts, les charges immobilières, les
assurances, la nourriture, l’habillement ; mais aussi les dépenses d’agrément liées, par
exemple, aux vacances et loisirs de la famille2. Le débiteur doit assurer à son époux une
condition égale à la sienne, un train de vie équivalent au sien. Il y a ici une notion d’égalité
entre celui qui a le plus de ressources et l’autre.
L’aide matérielle entre partenaires est a priori un peu plus floue. Elle peut être définie comme
la contribution aux charges de la vie commune. L’article 213-3 du Code de l’organisation
judiciaire dispose désormais que « le Juge aux affaires familiales connaît des actions liées à
la fixation […] de la contribution aux charges du mariage et du Pacs ». Les deux obligations
sont donc très proches et couvrent probablement le même type de dépenses3.

1. Besançon, 9 oct. 2015, n° 14/01566, Dr. fam. 2016, n° 1, comm. 4, A.-C. Réglier : La Cour d’appel a retenu que l’état de besoin de
l’épouse, qui ne justifiait d’aucune démarche active en vue de reprendre son activité professionnelle, n’est pas caractérisé,
de sorte que le devoir de secours ne trouve pas à s’appliquer, malgré la différence de revenus entre les époux.
2. Le financement d’un bien immobilier destiné à l’usage de la famille, même s’il ne constitue pas le domicile conjugal, est inclus
dans la contribution de l’époux aux charges du mariage : Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 17-25858. En revanche, l’investissement locatif
destiné à constituer une épargne ne relève pas de la contribution aux charges du mariage : Civ. 1re, 5 oct. 2016, n° 15-25944,
D. Louis, « Contribution aux charges du mariage : exclusion de l’investissement locatif », D. actualités, 27 oct. 2016.
3. Cf. Civ. 1re, 27 janv. 2021, n° 19-26140 (logement).

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67. Répartition. Il s’agit essentiellement de la question de savoir comment les dettes ci-dessus
doivent être réparties entre les membres du couple. On parle de contribution à la dette.
Le principe, dans le mariage comme dans le Pacs, est la liberté de fixation. Les conventions
matrimoniales peuvent régler la contribution des époux aux charges du mariage. Les
partenaires peuvent définir les modalités de la contribution dans la convention de Pacs.
À défaut, la répartition devra se faire à proportion des facultés respectives des époux ou
des partenaires1. Quoi qu’il en soit, la suppression par convention de toute contribution
est impossible en ce que cette obligation est d’ordre public2.
68. Sanction. Ici, l’exécution forcée est possible. L’époux ou le partenaire victime de la défail-
lance de l’autre pourra exercer une action en contribution aux charges devant le Juge aux
affaires familiales. Une action en responsabilité est également envisageable si les conditions
sont remplies. Enfin, pour le mariage, le non-respect de ce devoir pourra constituer, si les
conditions de l’article 242 sont démontrées, une faute cause de divorce.
69. Concubins. La Cour de cassation affirme en revanche régulièrement qu’aucune disposition
légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune et que chacun
d’eux doit donc, en l’absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les charges qu’il
expose3. Mais la volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, dont l’exis-
tence est appréciée avec une certaine souplesse, peut permettre de rejeter la demande du
concubin de se voir reconnaître la qualité de créancier au titre du remboursement du prêt
immobilier relatif à l’habitation commune4.

Civ. 1re, 13 janvier 2016, n° 14-29746


Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2014), que M. X… et Mme Y…, qui vivaient en
concubinage, ont acquis en indivision, chacun pour une moitié, un terrain sur lequel ils
ont fait construire une maison ; qu’après la séparation du couple, un tribunal a ordonné le
partage de l’indivision ;
Attendu que M. X…fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à se voir reconnaître
créancier envers l’indivision d’une somme de 180 188, 74 euros au titre du remboursement
de l’emprunt immobilier entre 1990 et 2006 ;

1. Cf. pour une illustration pratique de la nécessité, dans certaines hypothèses, de déterminer effectivement la contribution de
chaque époux aux charges du mariage au regard de leurs conditions de vie et de leurs revenus respectifs, Civ. 1re, 16 janv. 2019,
n° 18-10459, D. 2019, 910., obs. J-J. Lemouland et D. Vigneau.
2. Civ. 1re, 13 mai 2020, n° 19-11444 statuant sur une clause qualifiée par la Cour de cassation de non-recours figurant dans le
contrat de mariage : « il résulte de l’attribution combinée [des art. 214, 226 et 1388 du Code civil] que les conventions conclues
par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d’ordre public de contribuer aux charges du mariage ». Sur les
conséquences des clauses de contribution journalière et de non-recours, cf. aussi Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-15353, Dr. fam.
2021, n° 1 comm. 6, S. Torricelli-Chrifi.
3. Ex. : Civ. 1re, 28 nov. 2006, n° 04-15480, Civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 18-12311, D. 2019, 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau.
4. Ou de se faire reconnaître la qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l’art. 555 C. civ. dans l’hypothèse du finan-
cement de la maison d’habitation construite sur le terrain appartenant à l’autre concubin : Civ. 1re, 2 sept. 2020, 19-10477.

49

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Attendu, d’une part, qu’après avoir constaté que l’emprunt immobilier avait été contracté
par les deux concubins, que l’immeuble constituait le logement du couple et de leur enfant
commun, qu’au cours de la vie commune, M. X… remboursait les échéances de cet emprunt,
outre d’autres charges, mais que ses revenus déclarés étaient insuffisants pour faire face à
l’ensemble de ces dépenses, tandis que Mme Y…, qui disposait d’un salaire, payait également
des frais de nourriture et d’habillement, la cour d’appel en a souverainement déduit qu’il
existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, justifiant que
M. X… conservât la charge des échéances du crédit immobilier ;
Attendu, d’autre part, que la seconde branche du moyen n’est manifestement pas de nature
à entraîner la cassation ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi […].

Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-18442


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2014), que M. X… et Mme Y…, qui vivaient en
concubinage, ont acquis en indivision un bien immobilier financé par un emprunt bancaire
remboursé par M. X… ; qu’ils ont vendu ce bien pour en acquérir un second ; qu’après la
séparation du couple, M. X… a sollicité le partage de l’indivision ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que, M. X… fait grief à l’arrêt de fixer la créance de Mme Y…, concernant le premier
bien immobilier sis 17 bis, rue du Verger à Cerny, à 11 932,82 euros, et de rejeter sa demande
tendant à ce que soit constatée sa créance envers l’indivision, concernant ce bien, pour un
montant de 46 665,85 euros ;
Attendu, d’une part, que le grief de la première branche n’est manifestement pas de nature
à entraîner la cassation ;
Attendu, d’autre part, qu’ayant constaté qu’au cours de la période de vie commune, M. X…
remboursait les échéances de remboursement de l’emprunt et Mme Y… assumait les charges
de la vie courante, les juges du fond en ont souverainement déduit qu’il existait une volonté
commune de partager les dépenses de la vie courante, justifiant que M. X… conservât la
charge des échéances du crédit immobilier ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; […]

Civ. 1re, 8 juillet 2020, n° 19-12.250


[…]
Faits et procédure

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Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2019), après la séparation de Mme D… et M. I…,
concubins et débiteurs solidaires de loyers, ce dernier a demandé le remboursement de
sommes versées à ce titre.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
2. Mme D… fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. I… la somme de 202 612,40 euros
avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2009, alors « qu’aucune disposition
légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, de sorte que
chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard supporter les dépenses de
la vie courante qu’il a engagées ; que sont comprises dans les charges de la vie commune,
les loyers du logement occupé ensemble par les concubins ; que pour condamner Mme D…
à payer à M. I… la somme de 202 612,40 euros au titre des loyers versés par ce dernier, la
cour d’appel, après avoir relevé que les ex-concubins étaient « tous deux titulaires du bail
conclu le 19 octobre 2000 » et « débiteurs solidaires des loyers », a cru pouvoir en déduire
qu’ils étaient, en cette qualité, « tenus entre eux au paiement des loyers à proportion de
leur part » ; qu’en statuant ainsi, cependant que la solidarité prévue dans le contrat de bail
ne joue qu’au profit du seul bailleur et n’instaure entre les concubins aucun règlement de
la contribution aux charges locatives, la cour d’appel a violé l’article 515-8 du Code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 515-8 du Code civil :
3. Aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie
commune, de sorte que chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard,
supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées.
4. Pour condamner Mme D… au paiement de la somme de 202 612,40 euros avec intérêts au
taux légal à compter du 4 décembre 2009 et capitalisation des intérêts, au titre des loyers
acquittés par M. I… seul, l’arrêt énonce, d’abord, qu’en l’absence de statut juridique appli-
cable aux concubins, ceux-ci sont soumis aux règles de droit commun. Il constate, ensuite,
que M. I… et Mme D… étaient tous deux titulaires du bail conclu le 19 octobre 2000 pour le
logement du […] qu’ils ont occupé ensemble et qu’ils étaient débiteurs solidaires des loyers,
et en déduit qu’en cette qualité, ils sont tenus entre eux à leur paiement à proportion de leur
part. Il retient, enfin, qu’en l’absence d’une intention libérale et d’une convention entre les
parties prévoyant un autre mode de contribution, il y a lieu de retenir que les deux débiteurs
solidaires sont tenus chacun à proportion de la moitié des loyers versés au bailleur.
5. En statuant ainsi, sans constater l’existence d’un accord entre les parties sur la répartition
des charges de la vie commune, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
6. Comme suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3,
alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
7. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation
statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

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CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Mme D… à payer à M. I… la somme
de 202 612,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2009 et capitalisation
des intérêts, l’arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de M. I… tendant au remboursement des loyers du logement situé […]
qu’il a acquittés seul ; […]

B. Les pouvoirs pécuniaires des membres du couple dans leurs rapports avec les tiers

Les pouvoirs pécuniaires des membres du couple à l’égard des tiers concernent l’obligation
à la dette et la présomption en matière mobilière.

1. L’obligation à la dette

70. Définition. L’obligation à la dette peut être définie, de manière générale, comme l’obli-
gation de se soumettre à la poursuite du créancier et d’acquitter la dette. Dans les rapports
entre les membres du couple et les tiers, il s’agit de savoir contre quel(s) membre(s) du
couple les créanciers peuvent exercer leurs poursuites afin de réclamer le paiement, et
si le membre du couple qui ne s’est pas engagé personnellement peut être contraint de
régler l’intégralité de la dette.
71. Solidarité des époux. L’article 220 du Code civil pose le principe de la solidarité pour les
dettes ménagères, des époux à l’égard des tiers. Cela signifie que le créancier d’une telle
dette peut réclamer le paiement à n’importe lequel des époux, même s’il n’a pas lui-même
contracté la dette, s’il ne s’est pas lui-même engagé. Cette solidarité, dangereuse pour
les époux1, ne concerne que les dettes dites « ménagères », c’est-à‑dire ayant pour objet
l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants2. Elle connaît également des limites.
L’article 220 alinéa 2 prévoit une première exception. La solidarité n’a pas lieu pour les
dépenses manifestement excessives, le caractère excessif étant apprécié eu égard au train
de vie du ménage, à l’utilité ou l’inutilité de l’opération et à la bonne ou mauvaise foi du
tiers contractant. Une deuxième exception à la solidarité est prévue à l’alinéa suivant.
La solidarité n’a pas lieu pour les achats à tempérament ni pour les emprunts. Enfin,
l’article 220 prévoit in fine une exception à l’exception : les emprunts retombent dans la
solidarité lorsqu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie
courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, n’est
pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage3.

1. L’article 220-1 prévoit que chaque époux peut demander, au titre des mesures d’urgence, au juge de retirer à l’autre les
pouvoirs de faire un certain nombre d’actes lorsqu’il aura usé de ses pouvoirs en mettant en péril l’intérêt de la famille.
2. Toute dette même non contractuelle. Civ. 1re, 29 juin 2011, n° 10-16925 : Constituent une dette ménagère les cotisations
sociales obligatoires à un régime d’assurance maladie dont l’objet est de satisfaire les besoins ordinaires du ménage en cas
de réalisation des risques.
3. La référence au cumul d’emprunt est un ajout de la loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

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C.civ., art. 220
Solidarité des époux pour les dettes ménagères

72. Solidarité des partenaires. L’article 515-4 alinéa 2 pose un principe ressemblant pour les
partenaires, qui sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par
l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. La notion de besoin et l’absence de référence
aux enfants semblent donner à la solidarité des partenaires un champ d’application plus
étroit qu’à celle des époux, mais la référence à la vie courante semble à l’inverse plus large
que l’entretien du ménage et l’éducation des enfants. En réalité, le législateur de 1999 a
pris soin d’éviter une trop flagrante similitude avec le mariage, mais il est raisonnable de
penser que les juges procèdent par analogie avec le domaine d’application de l’article 220.
On retrouve ensuite les deux mêmes exceptions que dans l’article 2201 même si les critères
d’appréciation du caractère manifestement excessif de la dépense ne sont pas précisés.
Enfin, l’exception à l’exception concernant les emprunts modestes est reprise.
73. Comparaison. Il convient, pour mieux cerner le domaine d’application et les limites de
cette solidarité pour les conjoints et les partenaires, de comparer les deux articles, sous
forme de tableau.

1. Cette restriction n’existe, pour le Pacs, que depuis la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 sur le crédit à la consommation.

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Solidarité des partenaires et des époux

Époux Partenaires
Chacun des époux a pouvoir pour Les partenaires sont tenus
passer seul les contrats qui ont pour objet solidairement à l’égard des
Principe : l’entretien du ménage ou l’éducation des tiers des dettes contractées
solidarité enfants : toute dette ainsi contractée par l’un d’eux pour les besoins
par l’un oblige l’autre solidairement. de la vie courante.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, Toutefois, cette solidarité
pour des dépenses manifestement n’a pas lieu pour les dépenses
excessives, eu égard au train de vie manifestement excessives.
Exception 1 du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité
de l’opération, à la bonne ou mauvaise
foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont Elle n’a pas lieu non plus,
été conclus du consentement des deux s’ils n’ont été conclus
époux, pour les achats à tempérament du consentement des deux
Exception 2 ni pour les emprunts. partenaires, pour les achats
à tempérament ni pour
les emprunts.
à moins que ces derniers ne à moins que ces derniers
portent sur des sommes modestes ne portent sur des sommes
nécessaires aux besoins de la vie modestes nécessaires aux
Exception courante et que le montant cumulé besoins de la vie courante
à l’exception de ces sommes, en cas de pluralité et que le montant cumulé
(retour au principe d’emprunts, ne soit pas manifestement de ces sommes, en cas
de la solidarité) excessif eu égard au train de vie de pluralité d’emprunts, ne soit
du ménage. pas manifestement excessif eu
égard au train de vie du ménage.

74. Concubins. En revanche, la Cour de cassation rappelle régulièrement qu’il n’existe pas
d’équivalent de l’article 220 pour les concubins, dont les dettes sont séparées, sauf solidarité
conventionnelle expresse. Les dettes contractées par l’un, même pour les besoins du couple,
n’engagent que lui et les tiers ne peuvent agir contre l’autre.
Toutefois, lorsque les concubins ont adopté un comportement laissant penser au tiers avec
lequel l’un d’eux a contracté qu’ils étaient mariés, il est envisageable de faire jouer la théorie
de l’apparence et faire ainsi bénéficier le tiers de la solidarité si ce dernier a été victime
d’une erreur légitime, qui est néanmoins difficilement concevable et rarement retenue1.

1. Cf. Caen, 1er juin 2017, n° 15/02372, Dr. fam. 2017, n° 10, comm. 201, M. Gayet.

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Civ. 1re, 7 novembre 2012, n° 11-25430
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l’article 1202 du Code civil ;
Attendu que, prétendant qu’elle avait consenti un crédit à M. X… et à Mme Y… que ceux-ci,
qui vivaient en commun, s’étaient solidairement obligés à rembourser, la société Laser
Cofinoga les a assignés en remboursement ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, le tribunal, après avoir constaté que la signature
de M. X…, qui contestait avoir souscrit le crédit litigieux, ne figurait pas sur l’acte le constatant,
retient que si l’article 220 du Code civil n’a pas vocation à recevoir application, M. X… est
néanmoins solidairement tenu à remboursement dès lors qu’il avait connaissance du contrat
établi à partir d’agissements constitutifs de faux imputables à Mme Y… et de l’utilisation
du crédit pour financer des achats pendant la vie commune ;
Qu’en se fondant sur de tels motifs impropres à caractériser un engagement solidaire de
M. X…, le tribunal a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen : CASSE
ET ANNULE, mais seulement en sa disposition portant condamnation à l’encontre de
M. X…, le jugement rendu le 16 décembre 2010, entre les parties, par le tribunal d’instance
de Châtellerault ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où
elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal
d’instance de Poitiers ; […]

2. La présomption mobilière

75. Il existe une présomption de pouvoirs en matière mobilière. En effet, l’article 222 du Code
civil prévoit que si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de
jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé,
à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte1. Cette présomption
est également prévue pour les partenaires, à l’article 515-5 alinéa 1er. Les actes visés sont
inattaquables, même s’ils sont passés par l’un sur les biens personnels de l’autre.

C. Le régime des biens du couple

Le régime des biens des membres du couple, en particulier des époux, est une partie technique
du Droit patrimonial de la famille qui ne sera étudiée ici que de manière sommaire2, en
distinguant le mariage, le Pacs et le concubinage.

1. Cette présomption n’est pas applicable aux meubles meublants du logement de la famille ni aux meubles corporels dont
la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint conformément à l’article 1404.
2. Cf. les ouvrages consacrés à l’étude des régimes matrimoniaux.

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1. Mariage

76. Régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Le régime légal, c’est-à‑dire celui
qui s’applique par principe, en l’absence de contrat de mariage, est le régime de la commu-
nauté réduite aux acquêts. Tous les biens que les époux acquièrent pendant le mariage
sont communs, à l’exception des biens propres par nature et de ceux acquis par donation,
succession ou legs1.
77. Contrat de mariage. Par exception, les époux peuvent choisir un autre régime en établissant
un contrat de mariage.
Ils peuvent opter pour un régime de communauté universelle. Dans ce cas, tous les biens
des époux, meubles et immeubles, présents et à venir, sont communs, quelle que soit la
date d’acquisition et l’origine des biens, à l’exclusion des biens propres par nature.
Ils peuvent enfin choisir soit la séparation de biens, afin d’être, sauf indivision convention-
nelle ponctuelle, chacun propriétaires de leurs biens personnels et indépendants dans
leur gestion, soit la participation aux acquêts, qui fonctionne pendant le mariage comme
la séparation de biens mais permet à chacun des époux, au moment de la dissolution, de
participer aux acquêts constatés dans le patrimoine de l’autre.

2. Pacs
La loi du 15 novembre 19992 avait créé un régime d’indivision complexe et controversé. La
loi du 23 juin 20063 l’a simplifié et a établi le principe de la séparation des patrimoines.
78. Séparation légale des patrimoines. On parle de régime « pacsal », pour faire le rappro-
chement avec le régime matrimonial. On peut rapprocher le régime légal des partenaires
du régime de la séparation de biens dans le mariage puisque le principe est l’indépendance
des partenaires4. Cette indépendance est de trois ordres et concerne la propriété des biens,
leur gestion et les dettes.
Chacun des partenaires conserve la propriété des biens dont il était propriétaire au jour de
l’enregistrement du Pacs. Il est également seul propriétaire de ceux qu’il acquiert pendant
le Pacs5. La difficulté réside dans la preuve de la propriété. Selon l’article 515-5 al 2, « chacun
des partenaires peut prouver par tous moyens […] qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d’une propriété exclusive
sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ». La charge de la preuve

1. Biens propres par nature : vêtements et linges à usage personnel, instruments de travail nécessaires à la profession de
l’un des époux, dommages et intérêts alloués en réparation d’un préjudice. Biens propres par destination : biens acquis
antérieurement au mariage ou pendant le mariage par succession, donation ou legs.
2. Préc.
3. Préc.
4. Ce principe ne concerne que les Pacs conclus après le 1er janvier 2007. Les anciens Pacs sont soumis au régime de l’indivision,
sauf convention nouvelle.
5. Si l’un participe au financement d’un bien appartenant à l’autre, il a seulement une créance envers lui.

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pèse donc sur celui qui prétend que tel bien lui est personnel. Les partenaires peuvent
néanmoins, au coup par coup, pour certains biens lorsqu’ils le souhaitent, les acquérir en
indivision, en précisent la part de chacun.
Selon l’article 515-5 al. 1 du Code civil, chacun conserve en outre l’administration, la jouis-
sance et la libre disposition de ses biens personnels. Mais il existe une présomption de
pouvoirs en matière mobilière1.
Chacun des partenaires reste enfin tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant
le pacte, à l’exception des dettes contractées pour les besoins de la vie courante soumises
à la solidarité2.
79. Indivision conventionnelle. « Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans
une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils
acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l’enregistrement de ces conventions.
Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l’un des partenaires contre
l’autre au titre d’une contribution inégale »3. Certaines précisions doivent être apportées
concernant le domaine et la gestion de l’indivision.
En principe l’indivision englobe tous les biens acquis par les partenaires, ensemble ou
séparément, à compter de l’enregistrement de la convention. Mais des exceptions sont
prévues à l’article 515-5-2 concernant notamment les deniers – notamment gains et salaires –
non employés à l’acquisition d’un bien, les biens créés comme les fonds de commerce, les
biens à caractère personnel comme les vêtements ou les instruments travail, et les biens
reçus par donation ou succession.
Concernant la gestion de l’indivision, le Législateur opère ici un renvoi aux règles de droit
commun relatives au gérant de l’indivision. L’article 515-5-3 dispose en effet qu’à défaut de
dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision et
peut exercer les pouvoirs reconnus aux articles 1873-6 à 1873-8 du Code civil4.

3. Concubinage

80. Les patrimoines des concubins sont indépendants. Il n’y a pas d’équivalent de régime
matrimonial. Tout est en principe séparé : les biens, leur gestion et les dettes5.
Mais cela n’empêche pas les concubins d’acquérir ponctuellement et conventionnellement
en indivision. En pratique, les concubins acquièrent d’ailleurs souvent en indivision le
logement du couple6.

1. C. civ., art. 515-5 al. 3. Cf. supra. n° 75.


2. C. civ., art. 515-5 al 1.
3. C. civ., art. 515-5-1.
4. Il peut donc accomplir seul les actes conservatoires, d’administration et la plupart des actes de disposition. Mais chaque
partenaire ne peut disposer des meubles corporels que pour les besoins de l’exploitation normale des biens indivis ou s’il
s’agit de choses difficiles à conserver ou sujettes à dépérissement. Il existe un recours judiciaire en cas de blocage.
5. Cf. pour nuancer nos 69, 146 s.
6. C’est le droit commun de l’indivision qui s’applique.

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CHAPITRE 2
La désunion

La nature de chaque forme de vie en couple s’exprime autant dans l’union que dans la
désunion. On entend par désunion, pour les époux, la rupture du lien conjugal et donc le
divorce. Le lien conjugal peut néanmoins plus modérément se distendre, sans tout à fait
ou tout de suite être rompu, au moyen de la séparation de corps, qui permet de se séparer
physiquement, tout en restant marié. Elle est très peu utilisée aujourd’hui1 et ne sera donc
présentée que brièvement.
81. Séparation de corps2. Elle est prononcée ou constatée3 pour les mêmes causes et aux mêmes
conditions que le divorce, et la procédure est la même4. En revanche, elle ne dissout pas le
mariage. Les époux restent mariés mais les effets du mariage sont allégés, distendus : la
fidélité et le devoir de secours demeurent, le nom d’usage est en principe maintenu, ainsi
que la vocation successorale5. Le devoir de cohabitation, lui, disparaît, de même que la
communauté de biens. Pour le reste, la séparation de corps produit les mêmes effets que
le divorce. Elle ne sera toutefois le plus souvent qu’un état temporaire. Sa conversion en
divorce est possible, après écoulement d’un délai de deux ans, voire avant en cas d’accord.
S’agissant de la désunion à proprement parler, il faut s’interroger sur ses causes, lesquelles
sont indissociables de la procédure à suivre (section 1), avant de préciser quelles en sont
les conséquences (section 2).

Section 1 – Les causes et la procédure

Jusqu’à la loi du 18 novembre 2016, le mariage ne pouvait être dissous, outre par le décès,
que par un divorce prononcé par un juge. Après des années de débats, et pour désengorger
les tribunaux, la loi de modernisation de la justice du xxie siècle a consacré une forme
déjudiciarisée de divorce, créant ainsi un nouveau cas de désunion sans juge (§2). Mais ce
dernier continue à prononcer les autres formes de divorce (§1).

1. Cf. toutefois Montpellier, 4 juill. 2017, n° 16/04406, Dr. fam. 2017, n° 10, comm. 204, J.-R. BINET.
2. C. civ., art. 296 s.
3. La loi du 23 mars 2019 a instauré la convention de séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats.
4. Les règles applicables au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats ainsi que
celles relatives à la procédure des divorces judiciaires sont applicables à la séparation de corps (C. civ., art. 298).
5. Sauf renonciation dans la convention.

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§1. La désunion prononcée par le juge

82. Divorce. Admis sous la Révolution, le divorce fut maintenu en 1804. Il a été supprimé sous
la Restauration, par une loi du 8 mai 1816, puis rétabli le 27 juillet 1884 par la loi Naquet,
mais de manière limitée. En effet, le divorce par consentement mutuel n’existait pas. Il
était uniquement fondé sur la faute, conduisant souvent les époux à inventer des torts et
exagérer des désaccords.
Une réforme très importante, largement inspirée par Jean Carbonnier, a été opérée par la
loi du 11 juillet 19751 qui a instauré, notamment afin d’atténuer les conflits, plusieurs cas de
divorce : le divorce pour faute, le divorce pour rupture de la vie commune qui impliquait
une cessation de la communauté de vie depuis six ans, le divorce sur demande acceptée dit
aussi divorce « sur double aveu », dans lequel les époux étaient d’accord sur le principe du
divorce mais pas sur ses effets et enfin le divorce sur requête conjointe, supposant l’accord
des époux sur le principe du divorce ainsi que sur ses conséquences. Cette réforme tendait
aussi, toujours pour dédramatiser le divorce, à dissocier en partie sa cause et ses effets, et
à concentrer le plus possible dans le temps le prononcé du divorce et le règlement de ses
conséquences afin que la situation soit réglée une fois pour toutes.
Cette volonté a été accentuée par une loi du 30 juin 2000 qui réforma la prestation compen-
satoire, mais pas le divorce en lui-même. Celui-ci a été réformé dans son ensemble par la
loi du 26 mai 2004, poursuivant l’objectif de favoriser les accords, accélérer la procédure,
respecter les volontés individuelles, et désengorger les tribunaux2. Les mêmes objectifs,
en particulier le souhait de désengorger les tribunaux, de simplifier et d’accélérer la
procédure, ont conduit à de nouvelles réformes introduites par les lois du 18 novembre
2016 et 23 mars 20193.
83. Causes. Le divorce est donc aujourd’hui facilité mais connaît toujours quatre causes4 :
– le divorce pour faute ;
– le divorce pour altération définitive du lien conjugal ;
– le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage dit « divorce accepté » ;
– et le divorce par consentement mutuel.
Les trois premiers sont des divorces dits contentieux alors que le dernier est un divorce
gracieux.

1. L. n° 75-617 portant réforme du divorce.


2. La réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2005.
3. Loi du 18 nov. 2016, préc. et loi n° 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
4. C. civ., art. 229.

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84. Passerelles. Mais la volonté de favoriser les accords entraîne la possibilité de modifier
le fondement de la demande à tout moment de la procédure pour aller vers un divorce
moins contentieux1 :

Procédure initiale Passerelle vers (en cours de procédure)


Divorce pour faute Divorce par consentement mutuel
Divorce pour altération définitive du lien conjugal
Divorce accepté

Divorce pour faute Divorce accepté


Divorce pour altération définitive du lien conjugal

85. JAF. Le juge aux affaires familiales, juge unique et spécialisé du Tribunal judiciaire, est
compétent à tous les stades de la procédure : pendant l’instance en divorce, puis pour
prononcer le divorce et statuer sur ses conséquences, et enfin sur l’éventuel contentieux
d’après-divorce. Les débats ne sont pas publics2.
Le juge aux affaires familiales compétent est celui du lieu de résidence de la famille. Si les
époux résident séparément, c’est le juge du lieu où réside l’époux avec lequel vivent les
enfants mineurs. Dans les autres cas, c’est le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris
l’initiative du divorce. Enfin, en cas de demande conjointe, est compétent le juge du lieu
de résidence de l’un ou l’autre époux, au choix de ces derniers3.
86. Preuve. De manière générale, les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme
moyen de défense peuvent être établis par tout mode de preuve, le principe étant la liberté
de la preuve. Cette liberté comporte néanmoins certaines limites. Les témoignages des
descendants4 sont écartés. Il est en outre interdit aux époux de produire en justice « des

1. C. civ., art. 247 et 247-1. NB : si les époux ne sont finalement pas parvenus à un accord total dans le cadre d’un divorce par
consentement mutuel extrajudiciaire, ils peuvent se désister pour engager une procédure de divorce contentieux. Mais il
ne s’agit pas à proprement parler d’une « passerelle ».
2. C. civ., art. 248.
3. C. pr. civ., art. 1070.
4. C. civ., art. 259. Le terme « descendants » est entendu largement. Il s’agit des enfants communs et des enfants d’un premier
lit, mais également du conjoint, partenaire ou concubin des descendants. En outre, la prohibition s’applique aux déclarations
recueillies en dehors de l’instance en divorce. Civ. 1re, 1er févr. 2012, n° 10-27460 : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 205
du code de procédure civile que les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à
l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps ; que cette prohibition s’applique aux déclarations recueillies en
dehors de l’instance en divorce ; que, dès lors, c’est à bon droit que l’arrêt retient que les déclarations des enfants recueillies
lors de l’enquête de police ne peuvent être prises en considération ».

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éléments de preuve qu’ils auraient obtenus par violence ou par fraude »1. Enfin, la loi écarte
les constats dressés à la demande d’un époux s’il y a eu violation de domicile ou atteinte
illicite à l’intimité de la vie privée2. La preuve est en effet gouvernée par le principe de loyauté.
87. Divorce des majeurs protégés. Lorsqu’un époux se trouve placé sous un régime de protection
des majeurs, aucune demande de divorce par consentement mutuel n’est possible puisque
cette forme de divorce suppose l’accord libre et éclairé des deux époux sur le principe du
divorce et l’ensemble de ses conséquences3.
Pour les autres formes de divorce, si le demandeur est en tutelle, il est représenté par
son tuteur pendant l’instance en divorce alors que le majeur en curatelle exerce l’action
lui-même, avec l’assistance du curateur4. Toutefois, la personne protégée peut accepter
seule le principe de la rupture du mariage5. Si le majeur en tutelle est défendeur, l’action
est exercée contre le tuteur. Si le tuteur ou curateur est le conjoint, un tuteur ou curateur
ad hoc est nommé.
Au-delà de ces règles de procédure générales et communes aux différents cas de divorce
judiciaires, il faut distinguer les divorces contentieux (A) du divorce par consentement
mutuel judiciaire (B).

A. Les divorces contentieux

Si les cas de divorce n’ont en eux-mêmes pas été modifiés structurellement depuis 2004,
la procédure, elle, a été assez profondément réformée.

1. Les cas de divorces contentieux

a) Le divorce accepté
88. Selon l’article 233 du Code civil, le divorce peut être demandé par l’un ou l’autre des époux
ou par les deux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération
des faits à l’origine de celle-ci. Le divorce pour acceptation de la rupture du mariage est un
cas de divorce objectif, sans égard aux causes ayant conduit à la ruine du mariage. Les époux
sont d’accord sur le principe de la rupture de leur mariage mais laissent le juge statuer sur

1. C. civ., art. 259-1. Il est possible de produire des lettres missives sans le consentement de l’expéditeur et du destinataire, si
elles n’ont pas été obtenues par violence ou fraude. Civ. 1re, 17 juin 2009, n° 07-21796 : le contenu des courriels ou sms n’est
écarté des débats que s’ils ont été obtenus par violence ou par fraude.
2. C. civ., art. 259-2. La Cour de cassation admet la preuve de la faute par rapport d’enquête privée si ces conditions sont
respectées : Civ. 1re, 18 mai 2005, n° 04-13745. L’adultère peut aussi être prouvé par constat d’huissier, lequel est en général
autorisé par le juge et ne constitue donc pas une atteinte illicite à la vie privée.
3. C. civ., art. 249-4. Jusqu’à la loi du 23 mars 2019, aucune demande pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne
pouvait en outre être présentée.
4. C. civ. art. 249 à 249-2.
5. Divorce accepté : cf. supra n° 88. Jusqu’à la loi du 23 mars 2019, la requête en divorce était formée au nom du majeur protégé
par le tuteur avec autorisation du Conseil de famille ou du juge des tutelles, après avis médical et, dans la mesure du possible,
audition du majeur protégé concerné.

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ses conséquences, ce qui n’empêche pas les accords sur certains points1. Le juge doit donc
vérifier que « l’acceptation » résulte bien du consentement réel, libre et éclairé des deux
époux. Cette acceptation peut être constatée à tout moment de la procédure et, depuis
le 1er janvier 2021, être faite par acte d’avocats2. Elle n’est pas susceptible de rétractation,
même par la voie de l’appel.

b) Le divorce pour altération définitive du lien conjugal


89. Altération. L’article 237 du Code civil dispose que « le divorce peut être demandé par l’un
des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». Cette forme de divorce a
parfois été qualifiée de répudiation3 puisqu’elle permet à un époux de mettre unilaté-
ralement fin au mariage assez facilement et sans protection particulière du défendeur4.
Cette perception est néanmoins à nuancer puisque, d’une part, cette forme de divorce est
égalitaire, au sens où elle est ouverte à l’homme comme à la femme5, et d’autre part, elle
est soumise à des conditions vérifiées par le juge.
90. Séparation. Le demandeur devra en effet rapporter par tout moyen la preuve de l’élément
constitutif de l’altération définitive du lien conjugal6. L’article 238 alinéa 1er précise que
cette altération résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux. S’il n’est
plus précisé que la séparation doit être tant matérielle qu’affective, il est raisonnable de
penser qu’une séparation imposée aux époux, par exemple par une hospitalisation ou une
incarcération, ne serait pas retenue. Le juge ne retiendra pas non plus les hypothèses où
les époux ont vécu éloignés sans être véritablement séparés, c’est-à‑dire essentiellement
pour des raisons professionnelles.

1. C. civ., art. 268 : Les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre à l’homologation du juge des conventions réglant tout
ou partie des conséquences du divorce. Le juge, après avoir vérifié que les intérêts de chacun des époux et des enfants sont
préservés, homologue les conventions en prononçant le divorce.
2. Cf. infra n° 105 s. la procédure applicable à partir du 1er janvier 2021.
3. Cf. notamment Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit de la famille, LGDJ, Lextenso éditions, 5e éd., n° 682.
4. L’ancien divorce pour rupture de la vie commune exigeait une séparation de six ans, maintenait le devoir de secours sous
forme de pension alimentaire et le divorce ne pouvait être prononcé, même si les conditions légales étaient réunies, dans
l’hypothèse où il aurait conduit à des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté pour les enfants
ou pour le défendeur.
5. Cf. Civ. 1re, 6 juin 2012, n° 12-40027 et n° 12-40028 (non-lieu à renvoi d’une QPC relative aux articles 237 et 238 C. civ.) : « […]
la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors, d’abord, que le prononcé du divorce après constatation de
l’altération définitive du lien conjugal ne contrevient pas au droit de mener une vie familiale normale, ensuite, qu’étant
accordée à chacun des époux, cette possibilité de demander le divorce n’est pas contraire au principe d’égalité ; » « […] la
question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors qu’il ne résulte ni des articles 237 et 238 du Code civil, ni de
l’interprétation que la jurisprudence de la Cour de cassation donne de ces textes que ceux-ci institueraient, comme il est
prétendu, une présomption quasiment irréfragable de cessation de vie commune tant matérielle qu’affective, privant le
défendeur de tout moyen effectif de défense ; ».
6. Sur la preuve Cf. infra n° 86.

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91. Délai. Cette séparation doit avoir duré au moins un an, de manière continue1. Avant l’entrée
en vigueur de la loi du 23 mars 2019, cette durée était de deux ans et appréciée au moment
de l’assignation. Réduit à un an, ce délai est désormais apprécié, soit au moment de la
demande en divorce, soit, dans l’hypothèse où le demandeur a introduit l’instance sans
indiquer les motifs de sa demande, au moment du prononcé du divorce2.
Toutefois, dès lors qu’une demande en divorce sur ce fondement et une autre demande en
divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive
du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé3. Le divorce est ainsi grandement
facilité et peut rapidement être imposé à l’un des époux par l’autre.

Civ. 1re, 15 avril 2015, n° 13-27898


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mars 2013), que M. X… et Mme Y… se
sont mariés le 23 septembre 1967 ; que, sur assignation de l’épouse, un juge aux affaires
familiales a prononcé leur divorce pour altération définitive du lien conjugal ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de confirmer cette décision, alors, selon le moyen,
que toute personne a droit au respect de ses croyances et de sa vie privée et familiale ;
qu’en s’abstenant de rechercher si, dans le cas d’espèce, le divorce prononcé pour altération
définitive du lien conjugal n’était pas de nature à emporter pour le mari, meurtri dans
ses convictions personnelles les plus profondes, une atteinte à sa vie privée et familiale
et à sa liberté de religion disproportionnée par rapport à la liberté de mettre fin au lien
matrimonial, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 8 et 9 de la Convention
européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu, d’abord, que le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal,
qui implique une cessation de la communauté de vie entre des époux séparés depuis deux ans
lors de l’assignation en divorce, ne peut être contraire aux dispositions de l’article 8 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu, ensuite, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des productions que M. X… ait invoqué
l’article 9 de la même Convention devant la cour d’appel et soutenu que le prononcé du
divorce porterait atteinte à sa liberté de religion ; que le grief pris de la violation de ces
dispositions est donc nouveau, mélangé de fait et, partant, irrecevable ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]
1. Si les époux reprennent à un moment donné la vie commune, le délai repart ab initio.
2. C. civ., art. 238 al. 2. Le juge ne peut relever d’office le moyen tiré du défaut d’expiration du délai : C. pr. civ., art. 1126.
3. La dispense de délai a été étendue par la loi du 23 mars 2019 à toutes les demandes concurrentes en divorce, qu’elles soient
reconventionnelles ou indépendantes. La priorité est toutefois toujours laissée à l’examen de la demande en divorce pour
faute (C. civ., art. 238 al. 3 et 246). Ainsi, par exemple, dans l’hypothèse d’une demande principale en divorce pour faute et
d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, la priorité est donnée à l’examen
de la demande en divorce pour faute ; mais si celle-ci est rejetée par le juge, ce dernier prononce le divorce pour altération
définitive du lien conjugal sans qu’une séparation d’un an ne soit exigée. L’altération est, dans cette hypothèse, démontrée
par le fait même que chacun des époux a demandé le divorce. Cf. sous l’empire de l’ancienne loi, Civ. 1 re, 5 janvier 2012,
n° 10-16359.

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c) Le divorce pour faute
92. Conditions. Il n’existe plus de cause péremptoire de divorce privant le juge de tout pouvoir
d’appréciation1. La faute est donc une cause facultative de divorce, soumise à l’appréciation
du juge, qui ne la retiendra que si elle remplit une double condition, qu’il est possible de
subdiviser.
L’époux demandeur devra en premier lieu prouver une violation objective des devoirs et
obligations du mariage, par exemple un adultère, qui constitue une violation du devoir
de fidélité ou l’abandon du domicile conjugal, qui constitue une violation du devoir de
communauté de vie, ou encore la violation d’un devoir innommé2.
Il devra également prouver que cette violation est grave en elle-même, ou renouvelée.
La faute doit, en troisième lieu, être imputable à l’époux défendeur, qui doit être conscient
de ses actes. C’est l’élément intentionnel de la faute. Un fait n’est pas imputable à un époux
notamment lorsque celui-ci est affecté d’un trouble mental, sauf si cet état est dû à sa faute
parce qu’il a consommé de la drogue ou trop d’alcool par exemple. La non-imputabilité a
également été retenue par les juges en dehors des hypothèses d’aliénation ou de trouble
mental, par référence au mode de vie des conjoints3.
Enfin, la faute doit avoir rendu le maintien de la vie commune intolérable. Le juge procède
à une appréciation du caractère intolérable in abstracto, pour tout époux en général, et in
concreto, pour l’époux concerné en particulier, car la faute revêt aussi un aspect subjectif4.
La Cour de cassation ne procède plus à un contrôle très formel de la motivation des juges
du fond sur les conditions de l’article 242. Pour autant, elle censure les arrêts qui ne font
pas ressortir une faute cause de divorce, mais une simple mésentente ou incompatibilité
d’humeur5.

1. Cf. supra n° 52 sur l’adultère. De plus, la condamnation à une peine afflictive et infamante prévue à l’article 243 ancien du
Code civil, abrogé par la loi du 26 mai 2004, était considérée comme une cause semi-péremptoire : cf. Ph. MALAURIE et H.
FULCHIRON, Droit de la famille, préc., n° 723.
2. Cf. supra n° 52 s. et par ex. Versailles, 1er déc. 2016, n° 15/01708, Dr. fam. 2017, n° 2, obs. 28, C. Berthier : attitude injurieuse de
l’épouse constituant une faute conjugale.
3. Bordeaux, 19 nov. 1996, JurisData n° 1996-613168 : les époux avaient adopté un mode de vie « libérée », s’autorisant l’adultère et
vivant séparément. Le juge a refusé le prononcé du divorce pour faute en retenant que « les violations que chacun aujourd’hui
reproche à l’adversaire ne sont pas imputables à l’un ou à l’autre, mais procèdent de ce mode de vie tout comme elles ne
rendent pas la vie commune intolérable puisqu’elles correspondent à l’inverse à une organisation sociale mutuellement
consentie ». Paris, 25 mai 2005, JurisData n° 2005-275255 : « l’accumulation d’animaux domestiques au risque de compro-
mettre l’hygiène ne peut être imputée à la femme qui démontre que son mari partageait son amour des animaux ».
4. Douai, 16 mars 2017, n° 16/02018, Dr. fam. n° 7-8, juill. 2017, comm. 154, M. GAYET : La Cour d’appel prononce le divorce aux
torts partagés en retenant, d’une part, que l’alcoolisme chronique du mari, son absence de volonté réelle de le faire soigner
pendant près de vingt ans et le comportement violent qui en est résulté au préjudice de l’épouse constituait une violation
grave des obligations du mariage rendant intolérable pour cette dernière le maintien de la vie commune et, d’autre part,
que l’éducation excessivement stricte et sévère dispensée à leur fille par l’épouse, fondée principalement sur des corrections
et punitions, constituait une violation grave de l’obligation d’entretien et d’éducation de l’enfant rendant intolérable pour
l’époux le maintien de la vie commune.
5. cf. Civ. 1re, 11 janv. 2005 (plusieurs arrêts), Dr. fam. 2005, n° 3, comm. n° 53 V. Larribau-Terneyre ; RTD civ. 2005. 370, obs. J.
Hauser.

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Article 242
Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation
grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint
et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Civ. 1re, 11 janvier 2005, n° 02-17016


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Lyon, 3 juin 2002) d’avoir prononcé le divorce
des époux Y… et condamné M. X… à payer à Mme Z… une prestation compensatoire, alors,
selon le moyen :
1/ qu’il ne résulte ni du jugement entrepris, ni de l’arrêt, que les faits relevés à l’encontre du
mari, à les supposer même constitutifs de manquements graves et renouvelés aux obligations
du mariage, aient rendu impossible le maintien de la vie conjugale ; qu’à cet égard, l’arrêt
attaqué est privé de base légale au regard de l’article 242 du Code civil ;
2/ que s’il est vrai que les juges du fond sont autorisés à énoncer que les faits imputés à un
époux constituent des causes de divorce au sens de l’article 242 du Code civil, rien de tel ne
figure dans le jugement entrepris, ni dans l’arrêt attaqué ; qu’à cet égard également, l’arrêt
attaqué souffre d’un défaut de base légale au regard de l’article 242 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui s’est expressément référée à l’article 242 du Code civil,
a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, et sur le troisième moyen :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Civ. 1re, 11 janvier 2005, n° 03-12802


Sur le premier moyen :
Vu l’article 242 du Code civil ;
Attendu que le divorce pour faute ne peut être prononcé qu’en raison de faits constituant une
violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable
le maintien de la vie commune ;
Attendu que, saisie d’une demande en séparation de corps formée par Mme X… contre son
époux qui avait reconventionnellement demandé le divorce, la cour d’appel, pour prononcer
le divorce des époux Y… aux torts partagés, a relevé que chacun des époux formulait à
l’encontre de l’autre “un ensemble de griefs qui pris chacun isolément serait insuffisant pour
constituer une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant
intolérable le maintien de la vie commune mais qui, examinés globalement mettaient en
évidence qu’il n’existait plus aucune communication entre les époux qui s’enfermaient
chacun de leur côté dans une rancœur certaine à l’égard de l’autre sans pouvoir faire un
effort vers son conjoint” ;

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Qu’en se déterminant par de tels motifs qui, s’ils constatent une mésentente avérée et une
situation de fait dégradée acceptée par les époux, ne caractérisent pas une cause de divorce
au sens de l’article 242 du Code civil, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 avril 2002, entre les
parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Limoges ; […]

Le défendeur en divorce pour faute peut quant à lui adopter des attitudes différentes en
fonction de ce qu’il souhaite obtenir.
93. Réconciliation. S’il souhaite que la demande en divorce soit jugée irrecevable, il peut
invoquer la réconciliation. Si le juge la retient, il n’examine pas l’affaire au fond1.
La réconciliation, qui se prouve par tout moyen, est l’hypothèse dans laquelle l’époux
« victime » pardonne à l’époux fautif, qui accepte ce pardon. Elle doit remplir trois condi-
tions pour être retenue. Le pardon se manifeste objectivement, matériellement, par une
reprise de la vie commune. Il se manifeste subjectivement, psychologiquement par une
volonté de pardonner : il doit donc être volontaire et éclairé, c’est-à‑dire donné en toute
connaissance de cause ; les faits fautifs doivent être connus. La reprise temporaire de la
vie commune pour les seuls besoins de l’éducation des enfants est insuffisante. Enfin, le
fautif doit accepter le pardon. Le fait de continuer le comportement fautif après le pardon
fait revivre les faits antérieurs et la réconciliation ne peut alors plus être retenue2.

Article 244
La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer
comme cause de divorce.
Le juge déclare alors la demande irrecevable. Une nouvelle demande peut cependant être
formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens
pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande.
Le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme
une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des
besoins de l’éducation des enfants.

1. Déclarer une demande irrecevable consiste pour le juge à repousser, sans l’examiner, une demande qui ne remplit pas les
conditions de recevabilité exigées.
2. Douai, 16 mars 2017, n° 16/0218, préc. : Lors d’un accord intervenu dans le cadre d’une procédure de médiation pénale, l’époux
s’était engagé à ne plus commettre de violences à l’encontre de son épouse, laquelle a renoncé à sa plainte. Toutefois, l’époux
n’ayant pas fait en sorte postérieurement à ces faits de faire soigner son addiction à l’alcool et s’étant au contraire maintenu
dans les conditions ayant favorisé son comportement violent, il ne pouvait plus être argué de la réconciliation et l’épouse
pouvait invoquer les faits de violence antérieurs à la médiation.

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94. Excuse. Si le défendeur souhaite que la demande en divorce soit rejetée, ou du moins que
les torts invoqués par son conjoint ne soient pas retenus à son encontre, il peut invoquer les
fautes du demandeur à titre d’excuse. En effet, les fautes du demandeur n’empêchent pas
d’examiner sa demande mais peuvent constituer un moyen de défense pour le défendeur.
L’article 245 alinéa 1er précise en effet que les fautes du demandeur peuvent enlever aux
faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de
divorce. Le défendeur fait valoir que ce sont les fautes antérieurement commises par son
conjoint qui ont entraîné les siennes et par conséquent les effacent. Une femme pourra
par exemple invoquer avoir quitté le domicile conjugal en raison des violences de son mari.
95. Demande reconventionnelle. Si le défendeur souhaite que le divorce soit prononcé, mais pas
à ses torts exclusifs, il peut aussi invoquer les fautes du demandeur, non plus pour excuser
les siennes mais au soutien d’une demande reconventionnelle1. Il « contre-attaque ». Bien
sûr, la faute du demandeur doit, pour être retenue, remplir les conditions de l’article 242.
Le juge a alors le choix entre quatre possibilités2 :
– soit il retient seulement les fautes du défendeur et prononce alors le divorce aux torts
exclusifs de ce dernier en accueillant la demande initiale en divorce et rejetant la
demande reconventionnelle ;
– soit il retient seulement les fautes du demandeur initial, accueille la demande recon-
ventionnelle, rejette la demande initiale et prononce le divorce aux torts du demandeur
initial ;
– soit il retient des fautes des deux côtés, accueille les deux demandes et prononce le
divorce aux torts partagés ;
– soit, enfin, il ne retient aucune faute au sens de l’article 242, rejette les deux demandes
et ne prononce pas le divorce.
96. Office du juge. Le juge peut enfin d’office, c’est-à‑dire sans y être invité par les parties,
relever les fautes du demandeur, à condition de respecter le principe du contradictoire3.
Si des fautes sont retenues à l’encontre des deux époux, le juge prononcera un divorce
aux torts partagés. Il ne peut en revanche dans cette hypothèse, en l’absence de demande
reconventionnelle, prononcer le divorce aux torts exclusifs du demandeur.

1. C. civ., art. 245 al. 2. NB : la demande reconventionnelle en divorce pour faute peut aussi être faite par le défendeur à une
demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal : le demandeur demande le divorce pour altération définitive
du lien conjugal ; le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute ; dans cette hypothèse, le demandeur
initial peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande (C. civ., art. 247-2). Pour rappel,
art. 246 : si une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et une demande en divorce pour faute sont
concurremment présentées, le juge examine en premier la demande en divorce pour faute.
2. Les demandes principales et reconventionnelles sont indivisibles et le juge doit se prononcer sur les deux demandes dans
une même décision.
3. C. civ., art. 245 al. 3. Il doit inviter les parties à présenter leurs observations.

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C. civ., art. 245 – fautes du demandeur

Les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas excuse
d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il
reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause
de divorce.

Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande
demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont reconventionnelle
accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.

Même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être office du juge


prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître
des torts à la charge de l’un et de l’autre.

97. Ainsi, si les conditions du divorce contentieux sollicité sont remplies, le juge prononce le
divorce et statue aussi sur ses effets. À défaut, lorsqu’il rejette définitivement la demande
en divorce, il peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la
famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale1.

2. La procédure des divorces contentieux

98. Procédure commune. Les trois divorces contentieux sont différents quant à leur cause.
Ils obéissent néanmoins à un tronc commun procédural. Dans les trois cas en effet, et
à la différence du divorce par consentement mutuel, le juge doit trancher un conflit ou
du moins un défaut d’accord, même si, en particulier dans le cas du divorce accepté, les
époux ne sont pas en désaccord sur tous les points. Une procédure de divorce contentieux
se déroulait jusqu’au 1er janvier 2021 en deux étapes : la phase de conciliation et la phase
de jugement. La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a
toutefois simplifié la procédure en supprimant la phase de conciliation. Il est nécessaire
d’expliquer brièvement la procédure antérieure, d’une part afin de mieux comprendre la
réforme et, d’autre part, parce que les instances en cours restent soumises à la procédure
antérieure, qui coexistera donc en pratique quelques années avec la nouvelle2.

1. C. civ. art. 253.


2. Lorsque la requête initiale a été présentée avant le 1er janvier 2021, l’action en divorce est poursuivie et jugée conformément
aux dispositions de la loi ancienne. L. 23 mars 2019 préc., art. 109 VII et décret n° 2029-1419 du 20 déc. 2019 relatif à la procédure
accélérée au fond devant les juridictions judiciaires, art. 22.

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a) La procédure des divorces contentieux avant le 1er janvier 2021

– Phase de conciliation
99. Requête initiale. L’époux qui prenait l’initiative du divorce présentait par l’intermédiaire
de son avocat une requête au juge, dans laquelle n’étaient indiqués ni la cause du divorce,
ni les faits et motifs à l’origine de celle-ci, afin de favoriser les accords1. À ce stade, le juge
pouvait prendre des mesures d’urgence2, c’est-à‑dire, le plus souvent, autoriser les époux à
résider séparément, éventuellement avec les enfants mineurs, et des mesures conservatoires
comme l’apposition de scellés sur les biens communs3. Il indiquait au bas de la requête les
jours, heure et lieu auxquels il procéderait à la tentative de conciliation4.
100. Audience de conciliation. L’époux qui n’avait pas pris l’initiative du divorce était convoqué à
l’audience de conciliation. La procédure était orale. Le JAF s’entretenait avec les deux époux
séparément puis ensemble et appelait ensuite les avocats5, sachant que ce qui était dit ou
écrit lors de cette audience ne pouvait être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers
dans la suite de la procédure. Le juge devait chercher à concilier les époux sur le principe
du divorce, mais aussi sur ses conséquences en favorisant les solutions amiables6. C’est
pourquoi il informait les époux de la possibilité de poursuivre la procédure par acceptation
de la rupture du mariage. Les époux pouvaient en effet signer, pendant cette audience, un
procès-verbal constatant l’acceptation mutuelle du principe de la rupture du mariage et du
prononcé du divorce sur ce fondement. La cause du divorce était alors acquise, l’acceptation
n’étant plus susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel7.
À l’issue de l’audience de conciliation, le juge rendait une ordonnance8.
101. Ordonnance sur tentative de conciliation et mesures provisoires. Lorsqu’il constatait que
le demandeur maintenait sa demande, ce qui était en général le cas, le juge rendait une
ordonnance dans laquelle il prescrivait les mesures provisoires, autrement dit les mesures
nécessaires pour assurer l’existence des époux et celle des enfants pendant l’instance,
jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée9. Il pouvait notamment,

1. C. civ., art. 251 anc.


2. C. civ., art. 257 anc.
3. Plus spécifiquement concernant les violences, cf. les mesures de protection des victimes de violences, C. civ., art. 515-9 à
515-13. Il est notamment prévu que si les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint mettent en danger
la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le JAF peut délivrer en urgence une ordonnance de protection en
statuant notamment sur la résidence des époux, à l’issue d’une audition contradictoire. Ce dispositif se substitue à l’ancien
référé-violence et s’applique à toutes les formes de vie en couple, en dehors même d’une procédure de divorce. Toutefois,
les mesures sont en principe prises pour une durée de six mois. Elles peuvent être prolongées si une demande en divorce
ou séparation de corps a été déposée ou si le juge a été saisi d’une demande relative à l’autorité parentale.
4. C. pr. civ., art. 1107 anc.
5. C. pr. civ., art. 1108 anc. : les époux devaient se présenter en personne, seuls ou assistés d’un avocat. L’assistance de chacun des
époux par un avocat était obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du mariage.
6. C. civ., art. 252 s. anc.
7. C. pr. civ., art. 1123 al. 2 anc.
8. Le juge pouvait ménager aux époux des temps de réflexion. C. civ., art. 252 al. 2 anc.
9. C. civ., art. 254.

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après avoir proposé une mesure de médiation aux époux et avec leur accord, désigner un
médiateur familial pour y procéder ou enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur
qui leur expliquerait l’objet et le déroulement de la médiation. Il statuait également
sur les modalités de résidence séparée des époux, attribuait la jouissance du logement
familial, fixait la résidence des enfants, la pension alimentaire due en exécution du devoir
de secours et de la contribution aux charges du mariage et la contribution à l’entretien et
à l’éducation des enfants1.
Le juge autorisait enfin les époux à introduire l’instance en divorce. Le procès-verbal ayant,
le cas échéant, constaté l’acceptation du principe de la rupture du mariage était annexé
à l’ordonnance.

– Phase de jugement
102. Introduction de l’instance en divorce. Dans les trois mois du prononcé de l’ordonnance,
seul l’époux qui avait présenté la requête initiale pouvait assigner en divorce. En cas de
réconciliation des époux ou si l’instance n’avait pas été introduite dans les trente mois du
prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions étaient caduques, y compris l’autorisation
d’introduire l’instance2. Le délai entre l’ordonnance de non conciliation et l’introduction
de l’instance en divorce pouvait donc être très long.
103. Mise en état et audience de jugement. Cette deuxième phase de procédure était écrite.
L’introduction de l’instance, le plus souvent par voie d’assignation, était suivie de la mise en
état, au cours de laquelle les parties échangeaient, par voie de conclusions, leurs demandes,
arguments et pièces, sous le contrôle du juge. Lorsque le dossier était en état d’être jugé, la
mise en état était clôturée et l’audience de jugement fixée. Les époux étaient représentés
par leurs avocats et n’avaient pas l’obligation d’être présents en personne lors de cette
audience. C’est lors de cette phase de jugement que les conditions du divorce devaient
être démontrées au juge.
Lorsque l’accord des époux pour que le divorce soit poursuivi pour acceptation du principe
de la rupture du mariage était constaté lors de l’audience de conciliation, ils saisissaient
obligatoirement le juge sur ce fondement3.
Les époux avaient également pu se mettre d’accord sur le principe de la rupture du mariage
entre l’ordonnance sur tentative de conciliation et l’introduction de l’instance. Dans ce cas,
chacun pouvait déclarer, par écrit signé de sa main, qu’il acceptait le principe de la rupture
du mariage. Les deux déclarations étaient annexées à la requête conjointe introductive
d’instance. Il s’agissait du deuxième moment possible pour l’acceptation.

1. L’ordonnance était susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.


2. C. pr. civ., art. 1113 anc.
3. C. civ., art. 257-1 al. 2 anc.

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Dans les autres cas, l’un des époux assignait l’autre pour acceptation du principe de la
rupture, altération définitive du lien conjugal ou pour faute. L’acceptation du principe
de la rupture pouvait en effet intervenir en cours d’instance. Les époux pouvaient même
à tout moment de la procédure, lorsque le divorce avait été demandé pour altération
définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour
voir prononcer le divorce pour acceptation de la rupture du mariage1.

1. C. civ., art. 247-1.

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104. Procédure des divorces contentieux avant le 1er janvier 2021

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b) La procédure des divorces contentieux depuis le 1er janvier 2021
105. La loi du 23 mars 2019 et le décret du 17 décembre 20191, dans l’objectif de simplifier et
accélérer la procédure des divorces contentieux, ont réformé cette dernière d’une manière qui
aura des répercussions assez profondes en pratique et qui, au-delà, marque le changement
de mentalités concernant le divorce et par conséquent le mariage lui-même. La nouvelle
procédure, entrée en vigueur le 1er janvier 20212, emprunte largement aux règles de la
procédure civile classique devant le tribunal judiciaire mais comprend quelques adapta-
tions à la matière familiale. La procédure est écrite, la représentation de chacun des époux
par un avocat obligatoire.
106. Introduction de l’instance3. La phase de conciliation en tant que telle est supprimée. La
procédure débute directement par l’acte introductif d’instance, qui indique la date de la
première audience4. Il s’agit soit d’une requête conjointe comprenant en annexe l’accep-
tation par acte sous signature privée contresigné par avocats5, soit d’une assignation qui
ne peut comporter le fondement de la demande si le demandeur envisage un divorce pour
faute6. Si le fondement de l’altération définitive du lien conjugal est indiqué à ce stade,
l’appréciation de l’écoulement du délai d’un an se fera à ce moment-là.
L’acte introductif d’instance comporte, d’une part, les demandes relatives aux mesures
provisoires, le cas échéant, et, d’autre part, celles relatives au fond, c’est-à‑dire au divorce et
à ses conséquences. Il doit comporter une proposition de règlement des intérêts pécuniaires
et patrimoniaux et faire mention des dispositions relatives à la médiation familiale et
la procédure participative ainsi qu’à la possibilité de faire homologuer des accords sur
l’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce.
107. Audience d’orientation et sur mesures provisoires. Même en l’absence de demande
portant sur des mesures provisoires, cette première audience a lieu afin d’organiser la
procédure. La présence des époux est facultative, contrairement à celle de leurs avocats.
1. Décret n° 2019-1380 relatif à la procédure applicable aux divorces contentieux et à la séparation de corps ou au divorce sans
intervention judiciaire.
2. Initialement prévue le 1er sept. 2020, l’entrée en vigueur de la réforme a été repoussée par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020
relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de
l’Union européenne et l’art. 4 du décret n° 2020-950 du 30 juill. 2020.
3. C. pr. civ., art. 1108 et 1109.
4. Préalablement à l’introduction de l’instance, le demandeur sollicite une date auprès du greffe (sur les modalités de « prise
de date », cf. arrêté du 9 mars 2020 relatif aux modalités de communication de la date de première audience devant le TJ,
modifié par celui du 22 déc. 2020 et J. Colliot, « La nouvelle assignation en divorce : ce qui change au 1er janvier 2021 », Dr.
fam. 2021, n° 2, comm. 15). En cas d’urgence, il est possible de saisir le JAF par requête afin qu’il fixe une date plus proche
pour l’audience d’orientation et sur mesures provisoires. Jusqu’à présent les époux attendaient d’être convoqués par le greffe
après dépôt de la requête initiale.
5. L’acte doit avoir été signé dans un délai n’excédant pas les six mois précédant la demande en divorce. C. pr. civ., art. 1123-1,
al. 1.
6. Sur l’aspect stratégique de « l’acte introductif d’instance silencieux » et l’ajout, par le décret n° 2020-1452 du 27 nov. 2020, de
la précision selon laquelle, lorsque le demandeur n’a pas indiqué le fondement de la demande dans cet acte, le défendeur
ne peut lui-même indiquer le fondement de la demande en divorce avant les premières conclusions au fond du demandeur
(C. pr. civ., art. 1107), cf. V. Egea, « L’apport du décret n° 2020-1452 du 27 nov. 2020 à la nouvelle procédure de divorce :
« réforme de la réforme » ou simple ajustement technique ? » , Dr. fam. 2021, n° 1, étude 1.

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Elle est toutefois largement recommandée, sachant que, même si la procédure est pour le
reste écrite, lors de cette audience, les parties peuvent formuler des demandes oralement.
Si les époux ont formulé des demandes au titre des mesures provisoires, cette partie fait
l’objet d’une procédure orale. Le juge ne reçoit plus les époux l’un après l’autre séparément ;
cette pratique, bien que protectrice de chacun des époux, était considérée comme portant
atteinte au principe du contradictoire. À l’issue de cette audience, le juge rend une ordon-
nance sur mesures provisoires qui comprendra éventuellement en annexe un procès-verbal
constatant l’acceptation des époux, signé par le juge et les époux ainsi que leurs avocats
respectifs lors de l’audience.
108. Mise en état, audience de plaidoirie, jugement de divorce. Les époux échangent ensuite
par l’intermédiaire de leurs avocats des écritures sous forme de conclusions. S’il n’a pas été
indiqué au moment de l’assignation, le fondement de la demande, c’est-à‑dire la cause
de divorce, est indiqué à ce stade, dans les premières conclusions au fond du demandeur.
Dans le cas du divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage, l’acceptation
peut encore avoir lieu à ce stade, soit par acte sous signature privée contresigné par avocat
annexé aux conclusions, soit, dans l’hypothèse de la passerelle de l’article 247-1, par décla-
ration écrite1. À l’issue de l’échange d’écritures, le juge clôture la mise en état et fixe la date
de l’audience de plaidoirie. Si les conditions du divorce sont remplies, le juge prononce
le divorce et statue sur ses conséquences. L’appréciation du délai d’un an de séparation
dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal est appréciée au moment du
prononcé du divorce lorsque le fondement a été indiqué lors des premières conclusions
au fond. Dans cette hypothèse, la décision statuant sur le principe du divorce ne pourra
d’ailleurs être prononcée avant l’expiration du délai d’un an2.
L’objectif de simplification et surtout d’accélération de la procédure affiché par le législateur
sera sans nul doute atteint. Même si les nouveaux textes font une large place aux accords,
favorisant le divorce accepté, il est toutefois permis de douter que l’esprit d’apaisement
qui gouvernait les précédentes réformes trouve encore toute sa place dans la nouvelle
procédure des divorces contentieux. C’est donc notamment afin que le juge puisse encore
accomplir sa mission de conciliateur que la présence des époux lors de l’audience d’orien-
tation semble nécessaire. Le rôle des avocats est renforcé, ainsi que celui des médiateurs
familiaux, le juge étant recentré sur sa mission essentielle, celle de juger.

1. C. proc. civ., art. 1123.


2. C. proc. civ., art. 1126-1.

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109. Procédure des divorces contentieux depuis le 1er janvier 2021

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B. Le divorce par consentement mutuel judiciaire

Le divorce par consentement mutuel n’emprunte la voie judiciaire que dans une hypothèse
particulière et suit une procédure différente de celle des divorces contentieux.

1. La demande d’audition de l’enfant mineur

110. Procédure judiciaire exceptionnelle. Les époux optent pour un divorce par consentement
mutuel lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets. Leur accord est constaté
dans une convention qui, depuis la loi du 18 novembre 2016, prend en principe la forme
d’un acte sous signature privée contresigné par avocats puis déposé au rang des minutes
d’un notaire1. Néanmoins, l’article 229-2, 1° nouveau du Code civil prévoit une exception.
Les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée
contresigné par avocats lorsque le mineur, informé par ses parents de son droit à être
entendu par le juge, sollicite effectivement son audition.
111. Information de l’enfant. Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, qui débute
nécessairement de manière non judiciaire désormais, les époux informent en effet leurs
enfants mineurs capables de discernement2 de leur droit à être entendu par le juge.
Cette information prend la forme d’un formulaire rempli et signé par chacun des enfants
mineurs. Ainsi informé, l’enfant peut, jusqu’au dépôt de la convention au rang des minutes
d’un notaire, manifester son souhait d’être auditionné. Si cette exception constitue un
garde-fou nécessaire, les praticiens dénoncent le risque d’instrumentalisation des enfants
et le ­poids – trop – important que ce procédé fait peser sur leurs épaules3.

Arrêté du 28 décembre 2016


fixant le modèle de l’information délivrée aux enfants mineurs capables de discernement
dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature
privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire, art. 14.
[…]
Je m’appelle [prénoms et nom]
Je suis né(e) le [date de naissance]

1. C. civ., art. 229-1. Cf. § 2.


2. C. civ., art. 388-1 auquel renvoie l’article 229-2, 1°. Aucun âge minimum n’est fixé. Il appartient donc aux parents d’apprécier
le discernement de leur enfant en prenant en considération son âge, son degré de maturité et de compréhension. Dans
certains barreaux, la pratique fixe tacitement l’âge de dix ans.
3. Le Sénat avait tenté de rendre le divorce par consentement mutuel sans juge optionnel et l’avait exclu en présence d’enfants
mineurs. Cf. le rapport du défenseur des droits sur les « droits de l’enfant en 2017 au miroir de la Convention internationale
des droits de l’enfant », www.defenseurdesdroits.fr, p.14, qui évoque la situation délicate dans laquelle l’enfant est placé,
« entre instrumentalisation et conflit de loyauté », et qui relève qu’aucune autorité n’est chargée de vérifier que l’information
lui a été correctement donnée et qu’il est laissé aux seuls parents le soin d’apprécier son discernement.
4. NOR : JUSC1633188A, JO n° 0302 du 29 décembre 2016, texte n° 64.

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Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être entendu(e), par le juge ou par une personne désignée
par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte pour l’organisation de mes relations
avec mes parents qui souhaitent divorcer.
Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être assisté(e) d’un avocat.
Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou une personne de
mon choix et qu’il sera rendu compte de cette audition à mes parents.
J’ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi du divorce de mes parents.
Je souhaite être entendu(e) : OUI NON Date Signature de l’enfant

Si l’enfant demande à être entendu par le juge, le divorce devient donc judiciaire. Mais la
procédure est alors différente de celle des divorces contentieux.

2. La procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire

112. Requête conjointe. Les époux, qui sont d’accord tant pour divorcer que sur toutes les
conséquences du divorce, ne vont se présenter qu’une fois devant le juge1. L’article 230 du
Code civil nouveau précise que dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, le divorce peut être
demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et
ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences
du divorce2.
Le ou les avocats3 vont donc présenter au juge aux affaires familiales une requête conjointe4
dans laquelle ils n’ont pas à évoquer les faits à l’origine de la demande en divorce. À peine
d’irrecevabilité, la requête comprend en annexe le formulaire d’information de l’enfant
mineur demandant à être entendu, daté et signé par lui, ainsi qu’une convention datée
et signée par chacun des époux et leur avocat portant règlement complet des effets
du divorce5. Cette convention porte sur les questions relatives à l’autorité parentale, la
résidence habituelle des enfants, la pension alimentaire au titre de la contribution à leur
entretien et leur éducation, la prestation compensatoire éventuellement due par un époux

1. Avant la loi du 26 mai 2004, les époux comparaissaient deux fois devant le juge, avec un délai de réflexion de trois mois
entre les deux comparutions.
2. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2017 (L. n° 2016-1547, préc., art. 114, V). Les mots : « Dans le cas prévu
au 1° de l’article 229-2 » ne sont pas applicables aux procédures en cours devant le juge lorsque les requêtes en divorce ont
été déposées au greffe avant l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 230 dans sa nouvelle rédaction.
3. C. civ., art. 250 al 1. Dans une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire, les époux peuvent avoir un avocat
chacun ou choisir un avocat commun alors que dans une procédure de divorce par consentement mutuel sans juge, chaque
époux est obligatoirement assisté de son propre avocat.
4. Elle est écrite et les éléments devant y figurer sont précisés par l’art. 1090 du C. pr. civ.
5. C. pr. civ., art. 1091.

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à l’autre, l’autorisation éventuelle relative à l’usage du nom de l’époux, et inclut un état
liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation1. Le
travail préparatoire des avocats est donc fondamental.
113. Audience. Une fois la requête déposée au greffe du tribunal judiciaire compétent, les époux
sont convoqués par le juge aux affaires familiales qui aura préalablement procédé ou fait
procéder à l’audition du mineur ou refusé son audition en l’absence de discernement2. Le
juge entend les époux séparément, puis ensemble, puis avec leurs avocats. Son rôle est de
vérifier que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et
éclairé3. Il appelle leur attention sur l’importance des engagements pris par eux, notamment
quant à l’exercice de l’autorité parentale, et vérifie que le contenu de la convention préserve
suffisamment les intérêts de chacun des époux et des enfants4.
Le rôle du juge ici décrit a largement fait débat lorsqu’il a été question de déjudiciariser
le divorce par consentement mutuel. Dans ce cas de divorce, les époux étant d’accord
sur tout, il est a priori assez légitime et respectueux des libertés individuelles de vouloir
désengorger les tribunaux en se passant du juge pour constater cet accord. Néanmoins,
un accord peut masquer d’éventuelles pressions exercées par l’un des époux sur l’autre,
ou une mauvaise prise en compte par les époux de l’intérêt des enfants. Des « garde-fous »
ont donc été prévus pour le divorce par consentement mutuel sans juge5.
114. Jugement. Le juge rend sur le champ un jugement par lequel il homologue la convention
et prononce le divorce. Toutefois, s’il estime que les conditions ci-dessus ne sont pas
remplies, il refuse l’homologation et ne prononce pas le divorce6. Il rend une ordonnance
d’ajournement et une nouvelle convention devra lui être présentée dans les six mois7.

1. L’état liquidatif doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à
publicité foncière.
2. C. civ., art. 388-1 et C. pr. civ., art. 1092. Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder.
3. L’accord ne doit par exemple pas être simulé. Cf. Civ. 1re, 17 nov. 1981, n° 80-11498 : les époux avaient divorcé par consentement
mutuel pour se remarier immédiatement et ainsi faire acquérir à l’époux la nationalité française de l’épouse. Un époux ne
doit en outre pas divorcer ou accepter certaines conséquences du divorce sous la contrainte. Le consentement n’est enfin
pas éclairé lorsqu’il est précipité et dicté par la colère par exemple, ou lorsqu’il est hésitant ou provoqué par une erreur.
4. Si une ou plusieurs clauses de la convention lui paraissent contraires à ces intérêts, il peut la/les faire modifier ou supprimer
avec l’accord des époux et en présence des avocats.
5. Cf. infra n° 121 s. : obligation pour chaque époux d’être assisté de son propre avocat, délai de réflexion de quinze jours avant
la signature de la convention, contrôle formel du notaire et surtout information et droit du mineur d’être entendu par le
juge.
6. C. civ., art. 232.
7. C. pr. civ., art. 1100 et 1101.

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115. Voies de recours. L’accord des époux s’exprime en principe une fois pour toutes et n’est
pas susceptible de rétractation. Les voies de recours sont donc limitées. L’appel n’est en
effet pas possible contre la décision qui homologue la convention et prononce le divorce1.
Le pourvoi en cassation doit être formé dans les quinze jours2.
116. Sort de la convention. En outre, le jugement de divorce et l’homologation de la convention
sont indivisibles. La convention homologuée est annexée au jugement de divorce, en fait
partie intégrante et a la même force qu’une décision de justice3, ce qui pose la question de
sa contestation et de sa modification.
117. Remise en cause. « Le prononcé du divorce et de l’homologation de la convention définitive
ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause, hors les cas limita-
tivement prévus par la loi »4. La convention ne peut donc être remise en cause par l’un ou
les époux que par l’exercice des voies de recours. L’action en nullité de la convention pour
absence ou vice du consentement est notamment exclue5. Le contrôle du juge qui prononce
le divorce et homologue la convention est censé purger celle-ci de ses vices éventuels6.
118. Révision. Toutes les conventions par lesquelles les époux organisent les modalités d’exercice
de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants
peuvent en revanche être modifiées ou complétées à tout moment par le juge7. Pour le
reste, la convention ne peut en principe être modifiée que par une nouvelle convention
entre les époux également soumise à homologation8 mais il existe des dispositions spéci-
fiques à la prestation compensatoire9.

1. C. pr. civ., art. 1102.


2. C. pr. civ., art. 1103. Tierce opposition : les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention
homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit
l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du Code civil (C. pr. civ., art. 1104).
3. C. civ., art. 279 al. 1.
4. Civ. 2e, 6 mai 1987, n° 86-10107 ; Civ. 1re, 23 nov. 2011, n° 10-26802.
5. Civ. 2e, 13 novembre 1991, n° 90-17840. Idem pour la rescision pour lésion et le recours en révision pour fraude. Civ. 1re,
5 nov. 2008, n° 07-14439 : « ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention ont un
caractère indissociable, la Cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement
prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens ». Cf. sur la controverse
relative à ces différentes questions, Ph. Malaurie et H. Fulchiron, Droit de la famille, préc., n° 617.
6. Cf.H. Fulchiron, « L’après-divorce sans juge : remise en cause et modification de la convention passée par les époux », Dr.
fam. 2016, n° 7, dossier 32.
7. C. civ., art. 373-2-13.
8. C. civ., art. 279 al. 2.
9. Cf. infra n° 136.

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119. Procédure du divorce par consentement mutuel judiciaire (demande d’audition de l’enfant)

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§2. La désunion sans juge
La désunion sans juge concernait jusqu’à très récemment exclusivement les partenaires (B)
et les concubins (C). Elle concerne désormais également les époux, lorsqu’ils sont d’accord
et qu’aucun de leurs enfants mineurs ne demande à être auditionné (A).

A. Le divorce par consentement mutuel extrajudiciaire

120. Réforme. Le consentement mutuel est la cause de divorce la plus utilisée, représentant
plus de la moitié des divorces1. Il a été proposé à plusieurs reprises de supprimer le juge
pour cette cause de divorce2, en prévoyant un enregistrement par l’officier de l’état civil, le
greffier en chef du TGI ou le notaire. Mais cette déjudiciarisation a été très controversée.
Ses partisans mettaient notamment en avant le respect de la liberté individuelle des époux,
la simplicité, la souplesse et la rapidité de la procédure, ou encore la dédramatisation du
divorce, le désengorgement des tribunaux et les économies pour la Justice et l’État. Du
côté des opposants, étaient essentiellement mis en avant le rôle du juge dans la protection
du consentement des époux et de l’intérêt des enfants, le risque que le contentieux soit
repoussé à l’après-divorce, la perte de l’aspect institutionnel du mariage, le coût pour les
époux et les questions liées à l’indépendance du notaire ou même de l’officier d’état civil
dans les petites communes.
Après des années de débats et pour désengorger les tribunaux en recentrant les juridictions
sur leurs missions essentielles, la loi du 18 novembre 2016 a supprimé par principe le juge
dans le divorce par consentement mutuel3. Il est donc possible, depuis le 1er janvier 2017, de
divorcer sans juge. Il s’agit d’un changement important, de la nature même, sinon du sens,
du mariage. Il est en outre symptomatique d’un nouveau rapprochement des différentes
formes de vie en couple, en particulier du mariage et du Pacs, au moment où ce dernier passe
à la compétence des officiers de l’état civil4. Si certaines garanties ont été apportées, une
partie des critiques émises en amont par les opposants demeurent toutefois pertinentes.

1. Cf. www.insee.fr/fr/statistiques.
2. Un projet de la loi avait déjà été enregistré à la Présidence du Sénat le 3 mars 2010, visant notamment à alléger la procédure
de divorce par consentement mutuel pour les couples n’ayant pas d’enfant mineur commun, en les dispensant de compa-
raître personnellement et systématiquement devant le JAF. Cette réforme avait été rejetée par les parlementaires. Cf. sur
les origines de la réforme, J.-R. Binet, « Le divorce par consentement mutuel sans juge : propos liminaires », Dr. fam. 2017,
n° 1, dossier 2.
3. L. n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 préc., titre IV.
4. Cf. H. Fulchiron, « Le divorce sans juge, c’est…pour bientôt ! », Dr. fam. 2016, n° 9, repère 8 : « Le Pacs devient un vrai statut
alternatif du couple ; le mariage n’est plus que cela. Le fruit est mûr : suffira-t‑il d’un peu d’habileté et d’une solide détermi-
nation pour le ramasser ? ».

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121. Convention. La cause de divorce n’est pas modifiée. Les époux doivent s’entendre sur la
rupture du mariage et l’ensemble de ses conséquences1. Mais le divorce résulte désormais
d’une convention passée entre les époux, sans intervention du juge2.
Les époux constatent en effet leur accord dans une convention qui doit, à peine de nullité,
comprendre un certain nombre d’éléments relatifs à l’identité des époux, leur mariage, leurs
enfants et leurs avocats. La convention doit bien entendu également porter la mention de
l’accord des époux sur la rupture du mariage et ses effets, sachant que l’article 229-3 al. 1
précise que « le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas ». Elle comprend
aussi les modalités du règlement complet des effets du divorce et l’état liquidatif, et
mentionne enfin que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu
par le juge et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté3.
Le rôle des avocats est donc primordial. Ils doivent rédiger la convention en s’assurant
du consentement réel, libre et éclairé de leurs clients respectifs sur le principe du divorce
et le règlement de ses conséquences, vérifier que la convention préserve suffisamment
leur intérêt ainsi que celui des enfants et que ces derniers, s’ils sont mineurs et doués de
discernement, ont bien été informés de leur droit à être entendu. Le projet de convention
est envoyé par chacun des avocats par lettre recommandée à l’époux qu’il assiste et les
époux ne peuvent pas le signer avant l’expiration d’un délai de réflexion de quinze jours
à compter de la réception4.
122. Acte sous signature privée contresigné par avocats. Le divorce résulte donc d’un contrat
entre les époux. Mais il s’agit d’un contrat particulier en ce sens qu’il est passé par acte sous
signature privée contresigné par avocat et enregistré par notaire. L’acte sous signature
privée5 contresigné par les avocats de chaque partie est un acte sécurisé. Il doit être signé
par les époux et leurs avocats ensemble6. Selon l’article 1374 du Code civil, il fait foi de
l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui des leurs héritiers ou
ayants cause. La procédure de faux lui est applicable.

1. C. civ., art. 229-1.


2. Ce qui ne constitue pas une option pour les époux s’ils sont d’accord sur le principe du divorce et ses conséquences. Le
processus, sauf si l’enfant mineur a demandé à être auditionné, n’est plus judiciaire. Toutefois les époux peuvent, jusqu’au
dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire, saisir la juridiction d’une demande de séparation de
corps ou de divorce contentieux judiciaire s’ils ne sont finalement pas parvenus à un accord sur l’ensemble des conséquences
du divorce ou s’il l’un d’eux ne souhaite plus divorcer (C. pr. civ., art. 1148-2 al. 2 et circ. 26 janv. 2017 préc., fiche 3).
3. Cf. en complément les art. 1144-1 et s. C. pr. civ. Le divorce par consentement mutuel redevient judiciaire si le mineur a
demandé à être auditionné par le juge. Si les parents ont estimé que l’enfant mineur n’est pas capable de discernement, ils
doivent mentionner dans la convention que l’information prévue au 1° de l’article 229 du Code civil n’a pas été donnée en
l’absence de discernement de l’enfant mineur concerné.
4. C. civ., art. 229-4.
5. Un acte sous seing privé est une convention écrite signée par les parties. Aucune autre condition de forme que cette signature
n’est exigée pour la validité de l’acte qui, en revanche, ne fait en lui-même pas foi de sa date.
6. C. pr. civ., art. 1145.

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123. Enregistrement par notaire. La convention signée est ensuite déposée au rang des minutes
d’un notaire1, qui constate le respect des exigences formelles2 et du délai de réflexion de
quinze jours. Ce dépôt donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et
force exécutoire.
124. Sort du divorce et de la convention. Pour autant, la convention n’étant pas revêtue de
l’autorité de la chose jugée, la question se pose de savoir si le divorce peut être remis en
cause sur le fondement du droit commun des contrats3. Quels seraient alors les effets d’une
telle nullité, notamment si l’un des époux s’est entre-temps remarié ?
On retrouve par ailleurs les questions de remise en cause et de révision de la convention. La
convention peut-elle être contestée indépendamment du divorce ? Peut-elle, par exemple,
être attaquée pour vice du consentement ?4. Une première décision est venue confirmer la
possibilité, sans toutefois la retenir en l’espèce, de faire annuler judiciairement la convention
enregistrée sur le fondement du droit commun des contrats, notamment pour insanité
d’esprit ou vice du consentement5.
S’agissant de la révision, une nouvelle convention peut être conclue entre les époux. Mais
cette convention modificative n’aura force exécutoire que si elle est recueillie par acte
authentique ou homologuée par un juge6. À défaut d’accord des ex-époux, le droit commun
des contrats peut-il s’appliquer ?

1. L’acte est remis au notaire qui l’enregistre pour assurer sa conservation et éviter sa disparition en cas de perte ou de destruction
par exemple. La minute est l’original d’un document.
2. C. civ., art. 229-3.
3. Cf. circ. du 26 janv. 2017 préc., fiche 2 : « Ce caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel rend
applicable à celui-ci le sous-titre Ier du titre III du livre III du Code civil relatif au contrat ». La circulaire n’a pas de valeur
contraignante et renvoie elle-même à l’appréciation des tribunaux mais donne une indication de ce qui constituera proba-
blement la pratique, au moins dans un premier temps.
4. Circ. 26 janv. 2017 préc., fiche 2 : l’art. 1128 C. civ. est applicable au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, la
convention peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité et de contrariété à l’ordre public,
sachant que relèvent notamment de l’ordre public familial, l’autorité parentale et l’obligation alimentaire.
5. Nîmes, 14 avr. 2020, JurisData n° 2020-016433, Dr. fam. 2020, n° 12, comm. n° 157, J.-R. Binet.
6. Circ. 26 janv. 2017, préc., fiche 9 : La convention pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous
seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat, qui n’auront toutefois date certaine et force exécutoire
que s’ils en font constater la substance dans un acte authentique. Le principe du divorce ne peut quant à lui être révisé en
raison de l’indisponibilité de l’état des personnes. La révision de la prestation compensatoire est soumise aux dispositions
spécifiques de l’article 279 C. civ. (Cf. infra n° 136). Les ex-époux pourront en outre faire homologuer leur nouvel accord
concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale et le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation
des enfants devant le JAF (C. civ., art. 373-2-7) ou saisir le JAF aux fins de statuer sur ces questions (C. civ., art. 373-2-13).

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125. Inexécution de la convention. Et en cas d’inexécution de la convention, outre les voies
d’exécution de droit commun et les procédures spécifiques de recouvrement des dettes
alimentaires1, les règles de la responsabilité contractuelles s’appliquent-elles2 ? Quid, enfin,
de la responsabilité des avocats et des notaires ?3.
126. Incertitudes. Un grand nombre d’incertitudes et un sentiment d’insécurité pour les avocats
et les justiciables demeurent donc pour le moment. Le risque de contentieux après-divorce
est important et pourtant tellement contraire à l’esprit des réformes qui, depuis 1975,
visaient à faire trancher définitivement les difficultés au moment du divorce. Il est tentant
de rétorquer que la séparation des partenaires et des concubins n’est pas prononcée par le
juge. Néanmoins, leur éventuel accord n’a pas force exécutoire. Aussi, si l’une des parties
ne veut plus l’exécuter et/ou en cas de désaccord, le juge devra être saisi. La question de
la prestation compensatoire ne se pose en outre pas concernant la séparation des couples
non mariés.

B. La désunion formalisée des partenaires

127. Liberté. L’article 515-7 prévoit que le Pacs se dissout par la mort de l’un des partenaires
ou le mariage des partenaires ou de l’un d’eux. Il prévoit également qu’il se dissout par
déclaration conjointe ou décision unilatérale. Les partenaires sont donc libres de rompre
le Pacs, même unilatéralement et sans condition. Cette liberté, qui n’exclut pas l’éventuelle
responsabilité de l’auteur de la rupture si les conditions de sa mise en jeu sont remplies4,
est toutefois assortie d’un certain formalisme.
128. Consentement mutuel. Lorsque les partenaires sont d’accord pour mettre fin au Pacs,
ils doivent remettre ou adresser à l’officier de l’état civil du lieu d’enregistrement ou au
notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe
à cette fin.
129. Volonté unilatérale. Lorsque l’un des partenaires seulement souhaite mettre fin au pacte,
il lui suffit de le faire signifier à l’autre par voie d’huissier. Une copie de cette signification
est remise ou adressée à l’officier de l’état civil ou au notaire.
Dans les deux hypothèses, l’officier d’état civil ou le notaire enregistre la dissolution et fait
procéder aux formalités de publicité sur les actes d’état civil.

1. Ces procédures ne sont pas applicables à la prestation compensatoire sous forme de rente temporaire ou de capital échelonné.
Cf. S. Thouret, « L’après-divorce conventionnel : vers le retour au juge ! », AJ Fam. 2017, p. 42.
2. La circ. du 26 janv. 2017, préc., fiche 9, se contente de préciser qu’en cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations
résultant de la convention, l’autre pourra toujours saisir le TGI de la difficulté, en précisant que l’exception d’inexécution
ne pourra être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant (le débiteur d’une pension alimentaire due pour
l’éducation de l’enfant ne pourra refuser son versement au motif que l’enfant ne lui est pas présenté).
3. Sur ces différentes questions, Cf. notamment H. Fulchiron, « Le divorce sans juge, c’est…pour bientôt ! », préc. ; J.-R. Binet,
« Le divorce par consentement mutuel sans juge : propos liminaires », préc. et S. Thouret, « L’après-divorce conventionnel :
vers le retour au juge ! », préc.
4. Cf. infra n° 152.

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C. La désunion informelle des concubins

130. Les concubins ne se sont pas engagés. Le concubinage est une union libre qui peut par
conséquent être librement rompue, sans formalités particulières, sous réserve, si les condi-
tions sont remplies, d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture1.
Si le juge ne peut donc pas être saisi pour prononcer la désunion des partenaires et des
concubins en tant que telle, il peut néanmoins être appelé à statuer, en cas de difficulté,
sur les conséquences de cette désunion.

Section 2 – Les conséquences

La dissolution du lien de couple entraîne un certain nombre de conséquences qui sont


traditionnellement présentées en distinguant, d’une part, les conséquences entre les
membres du couple (§1), et d’autre part, les conséquences à l’égard des enfants (§2).

§1. Les conséquences entre les membres du couple


Le mariage conserve à ce stade quelques particularités notables, relatives notamment à
certaines compensations pécuniaires, qui seront étudiées à part en raison de leur technicité
et spécificité.

A. Les compensations pécuniaires propres au divorce

131. Déconnexion de la cause. Les effets du divorce sont en principe déconnectés de sa cause. Les
conséquences sont ainsi en principe identiques quelle que soit la forme de divorce choisie
et, s’agissant du divorce pour faute, quels que soient les torts. Cela contribue à éviter que
le conflit s’envenime et que les époux recherchent à tout prix les torts de l’autre dans le but
d’obtenir tel ou tel avantage. L’article 268 du Code civil prévoit d’ailleurs qu’en dehors même
du divorce par consentement mutuel, les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre
à l’homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du
divorce. Le juge, après avoir vérifié que les intérêts de chacun des époux et des enfants
sont préservés, homologue les conventions en prononçant le divorce2.
Le principe d’indépendance entre cause et effets du divorce connaît toutefois quelques
exceptions concernant la prestation compensatoire et certains dommages et intérêts.

1. Cf. infra n° 151.


2. Sur la recevabilité d’une demande d’homologation présentée par un seul époux, cf. Civ. 1re, 12 févr. 2020, n° 19-10088.

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1. La prestation compensatoire

132. Condition d’octroi. L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée
à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans
les conditions de vie respectives. L’article 270 alinéa 2 du Code civil, en définissant ainsi
la prestation compensatoire, en fixe par la même occasion la condition. Si la rupture du
mariage ne crée pas de disparité dans les conditions de vie respectives des époux, elle
ne donne pas lieu à attribution d’une telle compensation1. L’idée est de rééquilibrer les
différences de situations patrimoniales résultant du divorce2.
L’article 270 al. 3 prévoit une exception dont les conditions cumulatives rendent toutefois le
domaine d’application étroit. En effet, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation,
même s’il existe une disparité, si l’équité le commande :
– soit en considération des critères prévus à l’article 2713 ;
– soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice
de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture4.
En dehors de ces hypothèses et une fois admis le principe de l’attribution d’une prestation
compensatoire, il convient d’en fixer la forme.

Civ. 1re, 15 avril 2015, n° 14-15721


Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement a prononcé le divorce de M. X… et de Mme Y… ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 270 et 271 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire présentée par M. X…,
l’arrêt, après avoir relevé que ce dernier percevait le RSA depuis 2010 et qu’il avait perçu,
cette année-là, des indemnités de 1 277,81 euros pour des études dirigées, retient que celui-ci
ne conteste pas être titulaire d’un doctorat en mécanique, spécialité bio-mécanique, d’un
DEA en métrologie, automatique et électronique et d’un diplôme d’ingénieur, qu’il en
résulte qu’il ne peut soutenir que la disparité dans les conditions de vie dont il demande
la compensation résulte de la rupture du lien conjugal, qu’il dispose, en effet, de tous les
atouts nécessaires pour compenser, par ses propres moyens, l’infériorité apparente de sa

1. Rennes, 21 mars 2016, n° 14/09078, JurisData n° 2016-005580 : La disparité n’existait pas en l’espèce, en raison notamment
de la donation consentie par l’époux – qui ne disposait plus d’aucun patrimoine immobilier – de sa part indivise dans le
logement familial dont l’épouse était désormais seule propriétaire. La demande de prestation compensatoire s’apprécie
à la date à laquelle la décision prononçant le divorce a acquis force de chose jugée ; cf. en cas d’appel Civ. 1re, 2 sept. 2020,
n° 19-16315.
2. Civ. 1re, 16 déc. 2020, n° 19-20732 : la prestation compensatoire « vise à maintenir la parité qu’assurait l’union matrimoniale ».
Cf. Cécile Bourreau-Dubois et Isabelle Sayn, « Faut-il maintenir la prestation compensatoire ? », Lejournal.cnrs.fr, 7 octobre
2016, https://lejournal.cnrs.fr/billets/faut-il-maintenir-la-prestation-compensatoire.
3. Cf. infra n° 134.
4. Ex : Grenoble, 20 oct. 2009, n° 08/05102 et Montpellier, 5 févr. 2008, n° 07/02030 : l’épouse, s’étant convertie à la religion
catholique, avait rejeté son mari, ses enfants et sa famille pour suivre son « guide » et se consacrer à une vie exclusivement
spirituelle.

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situation et il ne peut donc s’en prendre qu’à lui pour expliquer la cause de la disparité des
conditions de vie qu’il invoque ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel n’a pas donné de
base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l’article 371-2 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner M. X… à payer à son épouse la somme mensuelle de 750 euros
au titre de sa contribution à l’entretien et à l’éducation des trois enfants issus du mariage,
l’arrêt énonce que, compte tenu du niveau de vie de la famille et des possibilités d’emploi
que permettent les qualifications et diplômes dont M. X… est titulaire, la demande formée
par Mme Y… est raisonnable ;
Qu’en statuant ainsi, sans tenir compte de la situation réelle du débiteur ni des besoins des
enfants, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. X… en paiement
d’une prestation compensatoire et en ce qu’il le condamne à payer une contribution à
l’entretien et à l’éducation de ses trois enfants à hauteur de 750 euros par mois, l’arrêt rendu
le 28 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ; remet, en conséquence, sur
ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour
être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ; […]

133. Forme. De nature hybride, à la fois indemnitaire et alimentaire, la prestation compensa-


toire a un caractère forfaitaire et prend par conséquent en principe la forme d’un capital1.
Elle est ainsi définitivement réglée au moment du divorce. Toutefois, lorsque le débiteur
n’est pas en mesure de verser le capital en une fois, le juge peut échelonner son paiement
sous forme de versements périodiques dans la limite de huit ans. Ce capital peut en outre
prendre une forme autre que la somme d’argent, à savoir l’attribution de biens en propriété
ou un droit d’usage, d’habitation ou d’usufruit2.

1. C. civ., art. 270 al. 2 et 274.


2. L’attribution en propriété de biens reçus par succession ou donation est subordonnée à l’accord de l’époux débiteur. En
outre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, a émis une réserve d’interprétation
selon laquelle l’atteinte au droit de propriété qui résulte de l’attribution forcée prévue par le 2° de l’article 274 du Code
civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d’intérêt général poursuivi que si elle constitue une
modalité subsidiaire d’exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu’elle ne saurait être ordonnée par le
juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l’espèce, les modalités prévues au 1° n’apparaissent pas suffisantes
pour garantir le versement de cette prestation. Cf. pour une application pratique, Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 14-29630.

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Exceptionnellement et par décision spécialement motivée, le juge peut déroger au principe
fondamental du versement sous forme de capital et fixer la prestation compensatoire sous
forme de rente mais seulement dans l’hypothèse où l’âge ou l’état de santé du créancier
ne lui permet pas de subvenir à ses besoins. Cette rente prend alors obligatoirement la
forme d’une rente viagère1, c’est-à‑dire versée pendant toute la durée de vie du créancier.

Civ. 1re, 12 juillet 2017, n° 16-20098


Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement a prononcé le divorce de M. X…et de Mme Y… ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et sur le second moyen, pris en
sa seconde branche :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la quatrième branche du premier moyen :
Vu l’article 276 du Code civil ;
Attendu que, pour dire que la prestation compensatoire sera versée à Mme Y…sous la forme
d’une rente viagère, l’arrêt se borne à retenir que les revenus de M. X…sont relativement
modestes, qu’il ne pourra retrouver aisément un emploi, en raison de son âge, qu’il lui
est impossible de payer un capital important et que chacun des époux est propriétaire
d’immeubles de valeur ;
Qu’en statuant ainsi, sans motiver spécialement sa décision au regard de l’âge ou de l’état
de santé de Mme Y…ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, la cour d’appel a violé
le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 266 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme Y…à payer à M. X…des dommages-intérêts sur le
fondement de ce texte, l’arrêt retient que l’épouse a manifesté à l’égard du mari un compor-
tement humiliant et qu’elle a dévalorisé son rôle de père auprès des enfants ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les conséquences d’une
particulière gravité subies par M. X…du fait de la dissolution du mariage, la cour d’appel a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe la prestation compensatoire sous la forme
d’une rente viagère d’un montant mensuel indexé de 400 euros et condamne Mme Y…à
verser des dommages-intérêts en application de l’article 266 du Code civil, l’arrêt rendu le
23 avril 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces
points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ; […]

1. C. civ., art. 276. Le juge peut, lorsque les circonstances l’imposent, combiner rente et capital. En outre, chacune des parties
a la possibilité de demander à tout moment la conversion de la rente en capital. Le juge ne peut rejeter une telle demande
que par décision spéciale et motivée (C. civ., art. 276-4).

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134. Évaluation. Il appartient au juge de fixer le montant de la prestation compensatoire en
fonction des besoins du créancier et des ressources du débiteur1, en tenant compte de la
situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Pour
ce faire, il se fonde sur les critères objectifs et subjectifs énumérés à l’article 271.
Il prend notamment en considération le patrimoine des époux et leurs droits salariaux
actuels et futurs2. Les époux fournissent une déclaration sur l’honneur certifiant l’exactitude
de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie3. Le juge prend également
en considération, pour pondérer l’évaluation faite objectivement au regard des besoins
et ressources, la durée du mariage4, l’âge et l’état de santé des époux, leurs qualifications
et situations professionnelles, les conséquences des choix faits pour éduquer les enfants
ou favoriser la carrière du conjoint.
Une fois fixée de cette manière au moment du divorce, la prestation compensatoire peut-elle
être modifiée, voire supprimée ?
135. Révision. Conformément à l’esprit de la loi du 30 juin 20005, visant à purger les difficultés
relatives à la prestation compensatoire au moment du divorce, le montant de la prestation
sous forme de capital n’est pas révisable. Néanmoins, lorsque le versement du capital
est échelonné, la loi permet au débiteur de demander la révision de ces modalités de
versement en cas de changement important dans sa situation. Dans ce cas, le juge peut,
à titre exceptionnel et par décision spéciale et motivée, allonger la durée des versements
au-delà de la limite de huit années6.

1. La Cour de cassation doit régulièrement rappeler qu’en prenant en considération, pour apprécier l’existence d’une disparité
créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, la charge que constitue la pension alimentaire
au titre du devoir de secours, les juges du fond violent les art. 270 et 271 du Code civil. Le devoir de secours prend en effet fin
au moment du divorce (Civ. 1re, 7 déc. 2016, n° 15-28765 et Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-19212). À l’inverse, elle a dû rappeler que
« la prestation compensatoire ne devient exigible qu’après la dissolution du mariage et ne peut être prise en considération
pour limiter le montant de la pension alimentaire » (Civ. 1re, 22 mars 2017, n° 16-15783).
2. Civ. 1re, 4 nov. 2015, n° 14-18814 : les allocations familiales perçues par le demandeur ne doivent pas être prises en compte pour
déterminer le montant de la prestation compensatoire. Ces prestations, destinées à l’entretien des enfants, ne constituent
pas des revenus (jurisprudence constante de la Cour de cassation ; cf. plus récemment Civ. 1re, 2 sept. 2020, n° 19-16538).
En revanche, dans sa décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014, le Cons. const. a déclaré le second alinéa de l’article 272 du
C. civ. contraire à la Constitution. Par conséquent, la rente perçue au titre de la réparation des accidents du travail et les
sommes versées au titre du droit à compensation d’un handicap doivent être prises en compte, puisqu’elles sont destinées
à compenser, au moins en partie, une perte de revenus. Plus généralement, sont prises en compte les prestations assurant
un revenu de substitution. Sur la prise en compte, dans les charges du débiteur, des sommes versées au titre de sa contri-
bution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant majeur, cf. Civ. 1re, 13 févr. 2019, n° 17-27749, Dr. fam. 2019, n° 7-8, comm. 149,
A. Kimmel-Alcover.
3. C. civ. art. 272 al. 1. Mais Cf. Civ. 1re, 11 janv. 2005, n° 02-19016 : « l’article 271, alinéa 2, ne fait pas de la fourniture de la déclaration
sur l’honneur une condition de recevabilité de la demande de prestation compensatoire ». Sur la prise en considération de
revenus occultes, cf. Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-26012, Dr. Fam. 2020, n° 4, comm. 66 M. GAYET.
4. Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 14-29630 : la vie commune antérieure au mariage ne doit pas être prise en considération.
5. Préc.
6. C. civ., art. 275 al. 2 et 3.

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La rente est quant à elle supprimable ou modifiable, mais seulement à la baisse, en cas de
changement important dans les besoins ou ressources des parties1. La substitution d’un
capital à la rente est également envisageable à certaines conditions2.
136. Spécificités du divorce par consentement mutuel. La prestation compensatoire dans
le cadre d’un divorce par consentement mutuel fait l’objet de dispositions spécifiques
concernant sa fixation et sa révision.
Concernant sa fixation, l’article 278 du Code civil prévoit que les époux fixent le montant
et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention réglant les effets du
divorce établie par acte sous signature privée contresigné par avocats ou dans la convention
qu’ils soumettent à l’homologation du juge. Ils peuvent prévoir l’attribution d’une rente
temporaire. Le juge, dans le cadre d’un divorce judiciaire, refusera néanmoins d’homologuer
la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.
Concernant sa révision, l’article 279 prévoit plusieurs possibilités. Si la prestation compen-
satoire a été fixée dans une convention homologuée par le juge, elle peut être modifiée
par une nouvelle convention entre les époux, également soumise à homologation. Les
époux peuvent néanmoins prévoir dans la convention que chacun d’eux pourra, en cas de
changement important dans les ressources ou les besoins de l’un ou l’autre, demander
au juge de réviser la prestation. Les alinéas 2 et 3 de l’article 275, relatifs à la révision des
modalités du capital, ainsi que les articles 276-3 et 276-4, relatifs à la révision de la rente,
sont applicables au divorce par consentement mutuel. Hors le cas de la nouvelle convention
soumise à homologation, ces modalités de révision s’appliquent au divorce par consen-
tement mutuel extrajudiciaire3.
137. Fin. La prestation compensatoire prend fin au décès du créancier. Le décès du débiteur n’y
met quant à lui pas fin. Ses héritiers sont en effet tenus de payer la dette, mais seulement
dans les limites de l’actif successoral. Ainsi, le montant de la prestation, quelle que soit
sa forme, est prélevé sur la succession ; les héritiers ne sont pas tenus sur leur patrimoine
personnel. La prestation en capital devient alors immédiatement exigible en totalité,
tandis qu’il est substitué à la prestation sous forme de rente un capital4. Ces dispositions
s’appliquent, sauf dispositions particulières, en cas de divorce par consentement mutuel5.

1. C. civ., art. 276-3. Sur la révision des rentes viagères fixées avant l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, cf. Civ. 1re, 15 oct.
2020, n° 20-14584 et Cons. const. 15 janv. 2021, n° 2020-871 QPC relative aux dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004.
2. C. civ., art. 276-4. Civ. 1re, 10 juill. 2013, n° 12-13239 : « […] à la demande du débiteur de la prestation compensatoire et sauf
décision de refus spécialement motivée, le juge substitue à la rente un capital total ou partiel dont il fixe les modalités de
paiement, pourvu que le débiteur justifie être en mesure de le régler et que l’âge ou l’état de santé du créancier ne fasse pas
obstacle à une telle substitution ».
3. Cf. supra n° 124 s., les questions relatives à la révision du contenu de la convention de divorce établie par acte sous signature
privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire.
4. C. civ., art. 280. Cf. les dérogations et précisions apportées par les art. 280-1 s.
5. C. civ., art. 280 al 4 et 5.

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La prestation compensatoire

Condition Forme Évaluation Révision Fin


d’octroi
Disparité créée Principe : capital. Besoins Capital : pas de Décès
par la rupture Caractère du créancier révision du montant. du créancier.
du mariage forfaitaire. / ressources Échelonnement > Au décès
dans les Modalités : du débiteur 8 ans, à la demande du débiteur,
conditions somme d’argent, (situation du seul débiteur, en montant de
de vie attribution de au moment cas de changement la prestation
respectives. biens en propriété du divorce important de sa prélevé
Cf. exception ou droit d’usage, + évolution situation. sur la succession.
fondée sur d’habitation dans un avenir
prévisible). Capital : solde
l’équité art. 270 ou d’usufruit. immédiatement
al. 3. Échelonnement Cf. critères exigible.
≤ 8 ans. de l’art. 271.

Exception : rente Rente : révision Rente :


viagère. seulement à la baisse substitution
Condition : âge ou en cas de changement par un capital
état de santé du important dans les immédiatement
créancier ne lui ressources ou les exigible.
permet pas de besoins de l’une ou
subvenir à ses l’autre des parties.
besoins. Divorce par
Rente à durée consentement mutuel :
déterminée Nouvelle convention
possible dans homologuée.
divorce par
consentement Clause dans la
mutuel. convention prévoyant
possibilité de
demander la révision
en cas de changement
important dans des
ressources ou besoins
de l’un ou l’autre.
Cas de révision des
autres formes de
divorce.

2. Les dommages et intérêts de l’article 266

138. Conséquences d’une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage.


Indépendamment de la prestation compensatoire, des dommages et intérêts peuvent
être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité
qu’il subit du fait de la dissolution du mariage. La gravité particulière des conséquences

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suppose qu’elles excèdent celles affectant habituellement toute personne se trouvant
dans la même situation1. Le préjudice subi du fait de la dissolution du mariage est quant
à lui souvent d’ordre moral.
139. Deux hypothèses. Cette compensation n’est toutefois possible que dans deux situations :
– soit lorsque l’époux victime est défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive
du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce ;
– soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
Par conséquent, l’époux défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal
qui forme une demande reconventionnelle en divorce pour faute ne peut obtenir des
dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, sauf si le divorce pour
faute est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
140. Différences avec l’article 1240. Le versement de dommages et intérêts sur le fondement
de l’article 266 doit bien être différencié du versement de dommages et intérêts sur le
fondement de l’article 1240 du Code civil2. L’article 266 est en effet propre au divorce. La
demande sur ce fondement ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce et
en réparation du préjudice dû à la dissolution même du mariage.

Civ. 1re, 9 janvier 2007, n° 06-10871


Sur le premier moyen […]
Sur le deuxième moyen, pris en cinq branches : (…)
Mais sur le troisième moyen :
Vu l’article 4 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner M. X… à verser à Mme Y… la somme de 1 500 euros à titre de
dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, l’arrêt retient que, compte
tenu de l’âge des époux et de la durée de la vie commune, la dissolution du mariage par
les fautes exclusives du mari cause à l’épouse un préjudice moral qu’il convient de réparer ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que Mme Y… demandait réparation du préjudice causé par
M. X… qui l’avait abandonnée après trente ans de vie commune, la laissant sans plus aucune
ressource que ses modestes revenus d’aide à domicile, ce dont il résultait qu’elle demandait
réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal, la cour
d’appel, qui a dès lors modifié l’objet du litige dont elle était saisie, a violé le texte susvisé ; […]
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du quatrième moyen :

1. Paris, 19 mai 2016, n° 14/09312, JurisData 2016-009869 ; Civ ; 1re, 16 déc. 2020, 19-20732.
2. Civ. 1re , 25 mai 2016, n° 15-16456 : « […] ayant constaté qu’elle était saisie par l’épouse d’une demande de dommages-intérêts sur
le fondement de l’article 266 du Code civil, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée
sur l’article 1382 du même code ». Civ. 1re, 15 mai 2019, n° 18-16055, Dr. fam., 2019, n° 9, comm. 174, A.-M. Caro : « Attendu que,
pour condamner M. M… à payer à Mme B… des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, l’arrêt
retient qu’il convient de réparer le préjudice avéré de l’épouse causé par l’attitude de dénigrement adoptée par le mari ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les conséquences d’une particulière gravité subies par Mme B…
du fait de la dissolution du mariage, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Cf. infra n° 149.

92

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CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné M. X… à payer à Mme Y… la
somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du
Code civil et confirmé les dispositions du jugement ayant condamné M. X… à payer à Mme Y…
un capital de 10 000 euros à titre de prestation compensatoire, l’arrêt rendu le 16 juin 2005,
entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce
point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être
fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée […].

Civ. 1re, 1er juillet 2009, n° 08-17825


Sur le moyen unique :
Vu l’article 266 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004,
ensemble l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. X… à verser à Mme Y… une somme de 15 000 euros à titre
de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, l’arrêt attaqué, qui
a confirmé le prononcé du divorce aux torts exclusifs du mari, énonce qu’il apparaît que
M. X… a quitté son épouse après 39 ans de mariage, dans des conditions difficiles et en
recherchant une nouvelle compagne, ce qui a entraîné pour Mme Y… un préjudice moral ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser les conséquences d’une
particulière gravité subies par Mme Y… du fait de la dissolution du mariage, la cour d’appel
n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la condamnation au titre des
dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 11 septembre 2007, entre les parties, par la cour d’appel
de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Versailles, autrement composée […].

Civ. 2e, 27 janvier 2000, n° 96-11410


[…] Et sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à son épouse la somme
de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 266 du Code
civil, alors, selon le moyen, que cet article précise que l’époux bénéficiaire doit avoir subi
un préjudice matériel ou moral du fait de la dissolution du mariage ; qu’en l’espèce pour
octroyer des dommages-intérêts à Mme X… les juges du fond se sont contentés de faire
référence « aux éléments analysés précédemment », éléments contestés par M. X…, à l’âge
des époux et la durée de leur vie commune ; que dès lors en condamnant M. X… à verser une
somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, sans préciser en quoi consistait le
préjudice réellement subi par l’épouse au sens de l’article 266 du Code civil, la cour d’appel
n’a pas légalement justifié sa décision au regard dudit article ;
Mais attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la dissolution du mariage
est intervenue après une longue période de vie commune ; qu’il a ainsi fait ressortir que le

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préjudice subi par l’épouse du fait de la dissolution du mariage était un préjudice moral ;
que la cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

B. Les autres conséquences

Seront étudiées ici les autres conséquences produites par la désunion. Certaines sont
communes à plusieurs formes de vie en couple, d’autres sont propres à l’une d’elles.

1. La fin des devoirs entre membres du couple

141. Le divorce et la dissolution du Pacs mettent fin au lien juridique de couple pour l’avenir1.
Ainsi, tous les devoirs entre époux et entre partenaires cessent2 ; la solidarité à l’égard des
tiers également.
Les concubins ne sont quant à eux tenus à aucun devoir en tant que tel et ne sont liés que
par un lien de fait.

2. La perte de l’usage du nom du conjoint

142. Chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. L’un d’eux peut néanmoins
conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du
juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants3. L’intérêt particulier du
conjoint peut résider dans le maintien d’une activité professionnelle avec le nom sous lequel
il est connu en tant qu’avocat, écrivain ou artiste par exemple. L’intérêt des enfants peut
consister, en particulier lorsqu’ils sont jeunes, à porter le même nom que les deux parents.
Le partenaire et le concubin ne bénéficiant pas de l’usage du nom de l’autre, la question
de la perte ne se pose pas.

1. Chacun des époux peut donc se remarier. L’ex-épouse n’a plus à respecter le délai de viduité de 300 jours, destiné à éviter
les conflits de paternité, lequel a été supprimé par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.
2. C. civ., art. 260. Le divorce dissout le mariage :
– à la date à laquelle la convention de divorce conclue par acte sous seing privé contresigné par avocats acquiert force
exécutoire.
– à la date à laquelle la décision qui prononce le divorce prend force de chose jugée, c’est-à‑dire lorsque les voies de recours
ont été rejetées ou le délai pour les exercer est expiré.La dissolution du Pacs prend effet entre les partenaires à la date de
son enregistrement et à l’égard des tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies.
3. C. civ., art. 264. L’autorisation du conjoint est caduque en cas de remariage et peut être révoquée en cas d’usage abusif. Cf.
pour un exemple d’autorisation maritale jusqu’à la majorité du plus jeune enfant, Civ. 2e, 4 juin 2020, n° 19-13178 (condam-
nation de l’épouse à renoncer sous astreinte à poursuivre au-delà de ce délai l’usage du nom de son ex-époux).

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3. La perte des droits successoraux du conjoint survivant

143. Le divorce entraîne la perte des droits successoraux prévus par la loi en faveur des
conjoints survivants. En outre, les dispositions à cause de mort et les avantages matri-
moniaux qui devaient prendre effet au décès de l’un des époux sont révoqués de plein
droit avec le divorce1.
Le Pacs et le concubinage n’entraînent quant à eux aucune vocation successorale ab intestat.

4. La liquidation des intérêts patrimoniaux

144. Époux. Le régime matrimonial des époux est dissous2. Les biens et dettes sont recensés,
évalués et répartis. Les époux peuvent procéder à un règlement conventionnel de la liqui-
dation et du partage3. À défaut, le juge statue sur les demandes de maintien dans l’indi-
vision, d’attribution préférentielle et d’avance sur part de communauté ou biens indivis,
ainsi que sur les éventuels désaccords persistants concernant la liquidation-partage4. Il
existe des règles particulières au logement de la famille5.

Civ. 1re, 27 septembre 2017, n° 16-23531


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dijon, 16 juin 2016), qu’un jugement a prononcé le divorce
de M. X…et de Mme Y… ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y…fait grief à l’arrêt de déclarer nulle la convention signée par les parties,
antérieurement à l’ordonnance de non-conciliation et qui prévoyait, d’une part, que le mari
serait attributaire de la propriété d’un immeuble dépendant de la communauté, moyennant
le paiement d’une soulte d’un certain montant, d’autre part, qu’il verserait une prestation
compensatoire, alors, selon le moyen, que les époux peuvent conclure une convention réglant

1. C. civ. art. 1096 al. 1 et 265 al 2. Il est possible de renoncer à la révocation de plein droit, mais cela rend la libéralité irrévocable.
Cf. à titre d’illustration Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-26337. Toutefois, le divorce ne remet pas en cause les libéralités entre vifs
que se sont consenties les époux, qui sont irrévocables, qu’elles aient été consenties dans le contrat de mariage ou au cours
du mariage. Les avantages matrimoniaux et donations qui prennent effet au cours du mariage et les donations de biens
présents demeurent, sans que le divorce n’ait d’incidence (C. civ., art. 1096 al. 2 et art. 265 al. 1).
2. À l’égard des biens des époux, les effets du divorce remontent en principe à la date de la demande en divorce pour les divorces
contentieux. Mais à la demande des époux, le juge peut fixer les effets de la dissolution, entre eux, à la date à laquelle ils
ont cessé de cohabiter et de collaborer. Divorce par consentement mutuel : les époux peuvent fixer eux-mêmes, dans la
convention, la date à laquelle le divorce prendra effet dans leurs rapports patrimoniaux. À défaut, il prendra effet à la date
de l’homologation de la convention pour le divorce par consentement mutuel judiciaire et à la date à laquelle la convention
acquiert force exécutoire lorsque le divorce par consentement mutuel est constaté par actes d’avocats. C. civ., art. 262-1.
À l’égard des tiers, le jugement ou la convention de divorce sont opposables une fois la mention sur les actes d’état civil
apposée. C. civ, art. 262.
3. C. civ., art. 265-2.
4. C. civ., art. 267.
5. Lorsque le logement est assuré par un droit au bail, ce droit est attribué à l’un des deux époux selon les intérêts en présence
(C. civ., art. 1751 al. 2). Lorsqu’il constitue un bien commun, il peut faire l’objet d’une attribution préférentielle (C. civ., art. 831-2,
1476 et 1542). Lorsqu’il est un bien propre, un bail forcé peut être imposé à l’époux propriétaire si le conjoint réside avec les
enfants mineurs. Le bail cessera à la majorité du plus jeune des enfants (C. civ., art. 285-1).

95

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tout ou partie des conséquences du divorce avant que l’instance en divorce ne débute, la
validité de celle-ci étant seulement conditionnée à son homologation par le juge auquel
ils doivent la soumettre pendant l’instance ; qu’en retenant, pour juger que le protocole
transactionnel conclu le 29 juin 2011 par M. X…et Mme Y…était nul, qu’il avait été conclu
avant le début de l’instance, soit avant la date de l’assignation en divorce du 18 mars 2013,
en dépit de la circonstance que les époux n’avaient le pouvoir, avant cette dernière date, ni
de convenir d’une modalité de liquidation de leur communauté, ni de transiger sur un droit
à prestation compensatoire, quand ils disposaient d’un tel pouvoir et avaient seulement
l’obligation de soumettre la convention ainsi conclue avant le début de l’instance au juge
du divorce pour qu’il l’homologue, après que l’instance eut été initiée, la cour d’appel viole
l’article 268 du Code civil ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 265-2 du Code civil, les époux peuvent, pendant
l’instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur
régime matrimonial ; qu’il s’en déduit qu’une convention comportant, ne serait-ce que pour
partie, des stipulations relatives à la liquidation et au partage du régime matrimonial, ne
peut être conclue avant l’assignation ou la requête conjointe en divorce ;
Et attendu qu’ayant relevé que la convention conclue entre les parties, avant l’introduction
de l’instance, portait tant sur la prestation compensatoire que sur le partage de leur régime
matrimonial, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle était nulle ; que le moyen n’est
pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y…fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire ;
Attendu que le premier moyen ayant été rejeté, ce moyen, qui invoque une cassation de
l’arrêt par voie de conséquence, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

145. Partenaires. Le législateur est peu prolixe sur les conséquences de la dissolution du Pacs.
Il prévoit que les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation et au partage de leurs
intérêts patrimoniaux et qu’à défaut d’accord, le juge aux affaires familiales pourra être
saisi pour statuer sur les conséquences patrimoniales de la rupture1. Les biens indivis sont
en général partagés et chacun récupère ses biens personnels2.

1. C. civ., art. 515-7 al. 10.


2. Sous le régime légal de la séparation des patrimoines, chacun des partenaires devra prouver la propriété exclusive des biens
dont il estime être propriétaire. À défaut, les biens seront réputés indivis par moitié et partagés ainsi (C. civ. art. 515-5 al. 2). Si
les partenaires ont ponctuellement acheté un bien en indivision, l’acte d’achat mentionnera en principe la part de chacun ;
à défaut le bien sera réputé indivis par moitié. Si les partenaires ont opté pour le régime de l’indivision conventionnelle, les
biens acquis pendant le Pacs sont réputés indivis par moitié sans recours de l’un des partenaires contre l’autre au titre d’une
contribution inégale (C. civ. art. 515-5-1). Le partage se fait donc par moitié.

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Le Législateur apporte tout de même un certain nombre de précisions concernant les
créances entre partenaires et leur logement. En effet, concernant les créances entre parte-
naires, l’article 515-7 in fine renvoie aux règles relatives aux récompenses1 entre époux. Mais
ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de
la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes
contractées pour les besoins de la vie courante2. En outre, l’article 515-6 prévoit que les règles
relatives à l’attribution préférentielle, notamment du logement indivis, sont applicables
en cas de dissolution du Pacs3.
146. Concubins. Les concubins règlent également eux-mêmes le sort de leurs biens mais
peuvent saisir le juge aux affaires familiales en cas de désaccord. Les biens que chacun
détenait avant la vie commune et les biens reçus par donation ou succession avant ou
pendant le concubinage restent évidemment la propriété personnelle de chaque concubin
après la rupture. S’agissant des autres biens acquis pendant la vie commune, le principe
étant que chaque concubin qui acquiert un bien l’acquiert pour lui-même, sauf indivision
conventionnelle, il peut faire la preuve de sa propriété par tout moyen. Néanmoins, lorsque
cette preuve est impossible, le bien est présumé indivis. Dans cette hypothèse, comme en
cas d’indivision conventionnelle ponctuelle, si la preuve des apports de chacun peut être
rapportée, le partage se fait dans la proportion des apports4. À défaut, il est fait par moitié.
Le concubin ne bénéficie pas d’attribution préférentielle du logement indivis.
Le juge aux affaires familiales fait en outre appel à des techniques issues du droit commun,
comme la société créée de fait et l’enrichissement injustifié, pour régler de manière équitable
la situation des concubins après la rupture.
147. Société créée de fait. La société créée de fait est un groupement de personnes, qui n’ont
pas manifesté à l’origine, dans un contrat de société, leur volonté de s’associer mais qui,
dans les faits, se comportent comme des associés. Il s’agit d’une théorie développée par la
jurisprudence notamment pour permettre le partage en cas de rupture, lorsque l’un des
concubins a participé pendant la vie commune à la richesse de l’autre. Un concubin ayant
participé à l’exploitation d’un fonds de commerce appartenant à l’autre peut par exemple
se prévaloir de l’existence d’une telle société s’il prouve que les éléments constitutifs d’une

1. Indemnité due, lors de la liquidation de la communauté, par un époux à la communauté lorsque son patrimoine personnel
s’est enrichi au détriment de celle-ci ou due par la communauté à un époux lorsque les biens propres de celui-ci ont servi à
augmenter la masse commune.
2. Les techniques issues du droit commun et analysées ci-dessous pour le concubinage, notamment l’enrichissement injustifié,
sont naturellement applicables au Pacs. Cf. par ex. Civ. 1re, 11 avr. 2018, n° 17-18207.
3. Cf. Douai, 21 sept. 2017, n° 16/05927, Dr. fam. 2017, n° 12, comm. 235 J.-R. Binet : validité de la clause du Pacs prévoyant la
possibilité pour le partenaire subissant la rupture de se maintenir dans l’immeuble indivis sans versement d’une indemnité
d’occupation.
4. Il arrive que l’un des concubins demande à ce que soit constatée sa créance envers l’indivision au titre du remboursement
du prêt ayant permis le financement du logement indivis. La Cour de cassation peut refuser le remboursement en relevant
l’intention de partager les charges communes. Cf. supra n° 69. Elle peut également refuser le paiement d’une indemnité
d’occupation au concubin animé d’une intention libérale : Civ. 1re, 2 avr. 2014, n° 13-11025.

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société, prévus à l’article 1832 du Code civil, sont réunis. Il devra rapporter la preuve des
éléments cumulatifs suivants, qui doivent être établis séparément et ne peuvent découler
les uns des autres :
– L’existence d’apports mutuels, en capital ou en industrie1.
– L’affectio societatis, c’est-à‑dire l’intention de s’associer, l’intention de collaborer sur un
pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun. À ce titre, la vie commune et la mise
en commun d’intérêts et de ressources ne suffisent pas ; la simple participation bénévole
au travail de l’autre est également insuffisante en elle-même. Ce critère implique en
outre que le concubin n’ait pas été salarié de la société puisque l’association exclut la
subordination.
– La participation aux bénéfices et aux pertes, ou du moins l’intention de contribuer tant
aux bénéfices qu’aux pertes.
Si l’existence d’une société créée de fait entre les concubins est retenue, la fin du concubinage
entraîne la fin de la société, qui est dissoute. Par conséquent, elle est liquidée, c’est-à‑dire
que l’actif social est partagé, après apurement du passif. La liquidation entraîne restitution
à chacun de ses apports2, paiement du passif et partage des bénéfices s’il y en a. Ainsi, le
concubin qui a participé à la richesse de l’autre recevra sa part de profit, par exemple le
droit de prétendre à la moitié de la valeur d’une maison acquise pendant le concubinage.

Com., 3 novembre 2004, n° 02-21637


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 14 décembre 2001), que M. Septime X… et
Mme Y… ont vécu ensemble de 1975 à 1993 ; qu’ils ont exploité sur un terrain dont Mme Y…
était propriétaire diverses activités commerciales dont celle de bar restaurant ; qu’en 1991,
Mme Y… a fait construire sur ce terrain une maison d’habitation ; que le 4 mars 1998, M. X…
a assigné Mme Y… en déclaration de propriété pour moitié de l’immeuble, montant de sa
part dans la société de fait qui aurait existé entre eux ;
Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt d’avoir constaté l’existence d’une société de fait et
ordonné sa liquidation et son partage, alors, selon le moyen :
1/ que la volonté de s’associer est, outre la participation aux bénéfices et la contribution aux
pertes un des éléments essentiels du contrat de société ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a
relevé que le bien litigieux avait été acquis au seul nom de Mme Y…, laquelle avait remboursé
l’emprunt sur son livret du Crédit Artisanal au moyen des fonds versés en espèces sur
ce livret ; que ces constatations excluaient par elles-mêmes la volonté des concubins de
s’associer sur un pied d’égalité ;

1. Un apport est un bien mis en commun par les associés lors de la constitution d’une société. En contrepartie, chacun reçoit
des droits sociaux (parts ou actions). Un apport en industrie est l’apport d’un travail ou d’un service.
2. Mais il n’y a pas de reprise ni de remboursement des apports en industrie. Le travail du concubin sur l’immeuble de la
concubine ne peut être restitué. Il a vocation à une partie de la plus-value sur l’immeuble mais ne peut prétendre à une
créance du chef de l’apport en industrie.

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qu’en déduisant pourtant l’existence d’une société de fait, la cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1382 du Code civil ;
2/ que la société de fait entre concubins suppose notamment la volonté, chez chacun
d’entre eux de contribuer aux pertes, laquelle ne se confond pas avec la participation aux
dépenses du ménage ; qu’en se bornant à relever le fait que M. X… se soit porté caution de
l’emprunt et les retraits en espèces de Mme Y… sur le compte bancaire de M. X…, circons-
tances impropres à caractériser l’existence d’une société de fait pour la réalisation d’un
projet immobilier commun, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de
l’article 1382 du Code civil ;
3/ que l’existence d’une société de fait suppose nécessairement l’existence d’apports
réciproques, la volonté commune de participer aux bénéfices et aux pertes ainsi que la
volonté de s’associer ;
que la cour d’appel qui avait relevé que toutes les factures produites étaient au nom de
Mme Y…, ne pouvait déduire l’existence de société de fait entre concubins de la seule
considération de la poursuite d’une relation de confiance entre M. X… et Mme Y… au-delà
de la date de rupture de leur relation ; qu’en statuant de la sorte, sans relever la volonté
commune des concubins de s’associer, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base
légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l’existence d’une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion
des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l’existence d’apports, l’intention
de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun et l’intention de parti-
ciper aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter ;
que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les
uns des autres ; qu’ayant constaté que M. X… était locataire du terrain avant son acquisition
par Mme Y…, que lors de l’achat, M. X… avait fait des démarches auprès de la SAFER et des
organismes préteurs, qu’il avaient vendu des boeufs pour financer l’acquisition, qu’il s’était
porté caution de l’emprunt réalisé par Mme Y…, que sa propre sœur avait participé à l’achat,
que les concubins avaient exploité sur ce terrain diverses activités commerciales dont celle
de bar restaurant et que Mme Y… disposait d’une procuration sur le compte bancaire de
M. X… qu’elle faisait fonctionner, la cour d’appel en déduisant de l’ensemble de ces éléments
qu’une société de fait avait existé entre les concubins a légalement justifié sa décision ; que
le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

148. Enrichissement injustifié. On parlait d’enrichissement sans cause jusqu’à l’ordonnance


du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations1. L’enrichissement sans cause a été codifié et renommé, notamment pour
ne plus faire référence à la cause, concept abandonné par l’ordonnance. L’enrichissement
injustifié est désormais expressément mentionné, dans le Code civil, aux côtés de la gestion
d’affaire et du paiement de l’indu, au titre des quasi-contrats. Cette technique de Droit

1. Ord. n° 2016-131 entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

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commun est utilisée par les juges, dans le concubinage, pour rééquilibrer les situations
au moment de la rupture dans certaines circonstances. Il existe en effet dans certaines
hypothèses un déséquilibre entre les concubins, qui n’est pas justifié.
Trois conditions, prévues à l’article 1303 du Code civil, doivent être remplies pour que
l’enrichissement injustifié soit retenu : l’appauvrissement d’un concubin, l’enrichissement
corrélatif de l’autre et le caractère non justifié de l’enrichissement. Les deux premières
conditions ne posent en général pas difficulté. Le caractère non justifié est en revanche
plus difficile à prouver. L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accom-
plissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale1. Le législateur
précise également qu’il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un
acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel2. Un concubin qui a effectué
ou financé des travaux dans un immeuble appartenant à l’autre mais qui a été hébergé
pendant plusieurs années dans cet immeuble a retiré un intérêt personnel de ces travaux,
qui constitue la contrepartie de son appauvrissement. Dans cette hypothèse, l’action ne
sera pas accueillie par les juges. Ces derniers considèrent également que la participation
aux dépenses de la vie commune peut justifier l’appauvrissement3. Néanmoins, le jeu de
l’enrichissement sans cause a été admis dans des hypothèses où la participation excède
la contribution aux charges communes4.
Le concubin appauvri a droit à une indemnité correspondant à la plus faible des deux
sommes représentant l’enrichissement et l’appauvrissement5.
Il faut préciser que cette action de in rem verso a un caractère subsidiaire et ne peut donc
servir à contourner les règles d’une autre action6.

Civ. 1re, 20 janvier 2010, n° 08-13400


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X… et Mme Y…ont vécu en concubinage de 1997 à 2003 et ont eu ensemble
un enfant né en 1998 ; que M. X… a réglé, en 1998, pour le compte de Mme Y…, la soulte de
31 110, 07 euros due par celle-ci à son ex-époux dans le cadre des opérations de liquidation
de leur régime matrimonial lui attribuant le pavillon commun ainsi que le solde du crédit
immobilier souscrit par sa compagne pour l’acquisition de cette maison d’un montant
de 40 508, 40 euros et s’est porté caution solidaire d’un prêt de 15 245 euros contracté par
Mme Y…afin de financer des travaux dans ce logement dont il a assuré le remboursement

1. C. civ., art. 1303-1.


2. C. civ. art. 1303-2.
3. Par ex. Civ. 1re, 11 avr. 2018, n° 17-18207.
4. Cf. par ex. Montpellier, 7 mars 2018, n° 17/02872, Dr. fam. 2018, comm. 175, obs. A.-M. Caro et Civ. 1re, 23 janv. 2014, n° 12-27180
reproduit ci-dessous.
5. C. civ., art. 1303. L’art. 1303-4 précise les modalités d’évaluation de l’indemnisation et l’art. 1303-2 prévoit que l’indemnisation
peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri. Sur l’application de la loi dans le temps
et le calcul de l’indemnité, cf. Civ. 1re, 3 mars 2021, n° 19-19000.
6. C. civ., art. 1303-3 : L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un
obstacle de droit, tel que la prescription.

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par des versements effectués sur un compte joint ; qu’après leur séparation, M. X… a assigné
Mme Y…en paiement de la somme de 86 863, 47 euros sur le fondement de l’article 1371 du
Code civil ; que Mme Y…s’est opposée à cette demande et a sollicité, à titre subsidiaire, la
condamnation de M. X… à lui payer une indemnité d’occupation pour la période allant de
1997 à 2003 et la compensation des sommes réciproquement dues ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2007) de l’avoir débouté de sa
demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que les paiements effectués par M. X…
pour le compte de Mme Y…d’un montant global de 71 618, 47 euros ont permis le règlement
du solde du capital restant dû sur l’emprunt contracté par elle pour acquérir son logement
et de la soulte due à l’ancien mari de la concubine dans le cadre des opérations de partage
de leur régime matrimonial ; qu’en déboutant M. X… de sa demande de remboursement de
cette somme, au motif inopérant et erroné que ces paiements « s’expliquent » par la relation
de concubinage qu’il entretenait par Mme Y…, la cour d’appel a violé l’article 1371 du Code
civil et les principes gouvernant l’enrichissement sans cause ;
2°/ qu’en estimant que les paiements effectués par M. X… en règlement du capital restant dû
au titre de l’emprunt contracté par Mme Y…pour acquérir son logement et au titre du prêt
souscrit pour financer des travaux sur ce logement, s’expliquaient par le fait qu’il était logé
dans ce pavillon sans avoir à acquitter de loyer, sans rechercher, comme le lui demandait
le concubin, si cet hébergement n’était pas déjà la contrepartie de sa propre contribution
aux charges de la vie commune dont il avait prouvé la réalité et l’importance, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1371 du Code civil et des principes
gouvernant l’enrichissement sans cause ;
3°/ qu’en estimant que le second paiement effectué par M. X… n’était pas en cause parce qu’il
s’expliquait par le souci de dégager la mère de son enfant d’une dette envers son ancien mari
et de lui permettre de bénéficier en toute sécurité d’un logement avec l’enfant né de leur
union, sans caractériser en quoi ce « souci » constituait une cause légitime de l’enrichissement
de Mme Y…au regard des principes gouvernant l’enrichissement sans cause, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard de ces principes et de l’article 1371 du Code civil ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que le paiement par M. X… du capital restant dû sur
l’emprunt contracté par Mme Y…pour acquérir son pavillon ainsi que des échéances du
prêt destiné à financer les travaux sur cet immeuble trouvait sa contrepartie dans l’héber-
gement gratuit dont il avait bénéficié chez sa compagne, la cour d’appel, qui n’était pas
tenue de procéder à la recherche invoquée, a souverainement estimé que M. X… avait réglé
le montant de la soulte due par Mme Y…à son ex-mari et le solde de l’emprunt destiné à
financer l’achat du pavillon, dans le but de dégager sa compagne d’une dette envers son
ex-mari et de lui permettre de bénéficier en toute sécurité d’un logement avec l’enfant issu
de leur union, faisant ainsi ressortir que le concubin avait agi dans une intention libérale
et qu’il ne démontrait pas que ses paiements étaient dépourvus de cause ; que la décision
est légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

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Civ. 1re, 23 janvier 2014, n° 12-27180
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 juillet 2012), que M. X… et Mme Y… ont vécu
plusieurs années en concubinage dans un immeuble dont celle-ci est devenue nue-proprié-
taire suivant acte du 13 juin 2001 ; qu’après leur rupture, Mme Y… a sollicité l’expulsion de
M. X… ainsi que sa condamnation à lui payer une indemnité d’occupation depuis le 1er mai
1997 ; que M. X… a formé une demande reconventionnelle en paiement d’une certaine
somme au titre de sa participation à l’amélioration du bien immobilier de sa concubine ;
Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de la condamner à payer une somme de 70 000 euros
à M. X… sur le fondement de l’enrichissement sans cause, alors, selon le moyen :
1°/ que le concubin qui, dans le cadre de relations stables avec sa concubine, finance des
travaux en vue de l’aménagement d’un logement qu’il occupe à titre gratuit, n’est pas
recevable à invoquer le fondement de l’enrichissement sans cause pour prétendre obtenir
le remboursement du montant de ces travaux auprès de sa concubine ; que dans cette
hypothèse, en effet, la participation du concubin trouve sa cause, soit dans la recherche d’un
intérêt personnel, soit dans une intention libérale, ces deux circonstances faisant obstacle
à ce que soit invoqué un enrichissement sans cause ; qu’en condamnant Mme Y… à payer à
M. X… la somme de 70 000 euros sur le fondement de la théorie de l’enrichissement sans
cause, tout en relevant, par motifs propres et adoptés, que M. X… avait occupé le logement
de sa concubine à titre gratuit pendant de nombreuses années dans le cadre d’une relation
stable de concubinage, dont était issu un enfant, et que l’intéressé avait « tiré des avantages
matériels de sa domiciliation dans la maison », ce dont il résultait que l’initiative prise par
M. X… de réaliser des travaux dans le logement de la famille avait une cause, la cour d’appel,
qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1371 du Code civil ;
2°/ que dans ses écritures d’appel Mme Y… faisait valoir que M. X… ne pouvait agir à son
encontre que pour les travaux réalisés postérieurement à la donation du 13 juin 2001 dont elle
avait bénéficié et que, postérieurement à cette date, les seuls travaux réalisés concernaient
« la chambre 1 et la cuisine d’été » ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes,
la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’après avoir relevé l’ampleur des travaux réalisés par M. X… dans l’immeuble
appartenant à Mme Y…, à l’origine d’une plus-value importante de ce bien, la cour d’appel,
qui a répondu aux conclusions dont elle était saisie, a souverainement estimé que ces travaux
qui excédaient sa nécessaire participation aux charges de la vie commune, ne pouvaient être
considérés comme une contrepartie de l’amélioration du cadre de vie et de l’hébergement
gratuit dont M. X… avait profité pendant la période du concubinage ; que la cour d’appel,
qui en a déduit que l’enrichissement de Mme Y… et l’appauvrissement corrélatif de M. X…
étaient dépourvus de cause, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; […]

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Civ. 1re, 24 mai 2017, n° 13-10237
Sur le moyen unique :
Vu l’article 1371 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que l’indemnité due au titre de l’enrichissement sans cause est égale à la plus faible
des deux sommes représentatives, l’une de l’appauvrissement et l’autre de l’enrichissement
subsistant dans le patrimoine de l’enrichi à la date de l’exercice de l’action ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… et Mme Y… ont vécu en concubinage de 1985 à
2005 ; qu’après leur séparation, le premier a assigné la seconde aux fins de la voir condamner,
sur le fondement de l’enrichissement sans cause, à l’indemniser du montant des mensua-
lités remboursées par lui seul en exécution de deux prêts souscrits en 2003, alléguant que
ceux-ci avaient servi à acquérir des matériaux destinés à l’amélioration du bien immobilier
appartenant à Mme Y… ;
Attendu que, pour accueillir la demande de M. X…, l’arrêt retient que celui-ci subit un
appauvrissement du fait qu’il continue à assumer seul le remboursement des prêts alors
que le concubinage a cessé et qu’il en résulte un enrichissement pour Mme Y…, qui profite
seule des améliorations et dont le patrimoine immobilier bénéficie d’une plus-value ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, quelle était, au
jour de l’introduction de l’instance, la valeur de la plus-value immobilière constitutive de
l’enrichissement de Mme Y…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Mme Y… à payer à M. X… la
somme de 34 696 euros, l’arrêt rendu le 31 octobre 2012, entre les parties, par la cour d’appel
de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel
d’Aix-en-Provence ; […]

D’autres techniques de droit commun sont parfois utilisées par les juges pour régler les
difficultés survenant entre les concubins au moment de la rupture, comme l’article 555 du
Code civil relatif aux constructions sur le sol d’autrui1.

1. Civ. 1re, 15 juin 2017, n° 16-14039, Dr. fam. 2017, n° 10, comm. 200, M. Gayet ; M. FARGE, « De l’application des règles relatives
à la construction sur le terrain d’autrui de l’article 555 du Code civil aux concubins : Dr. fam. 2002, comm. 23 et supra n° 69. Cf.
également Civ. 1re, 19 déc. 2018, D. 2019, 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau : paiement de l’indu ; absence de restitution
à l’égard des obligations naturelles volontairement acquittées (ici la cour d’appel aurait dû rechercher si le financement de
la maison d’habitation au moyen des seuls deniers personnels de Monsieur ne s’expliquait pas par le devoir de conscience
du concubin).

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5. Les dommages et intérêts de l’article 1240

C.civ., art. 12401

Modifié par Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016-art. 2


Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer.

149. Responsabilité extracontractuelle de Droit commun. La condamnation de l’un des


membres du couple sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de droit
commun, laquelle exige la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité
entre les deux, est envisageable dans les trois formes de vie en couple. Néanmoins, afin
de mieux cerner les applications pratiques et identifier quels peuvent être la faute et le
préjudice dans les différents cas, il convient de distinguer mariage, Pacs et concubinage.
150. Époux. Une distinction importante doit être opérée avec les dommages et intérêts de
l’article 266. Ici, le préjudice réparé est un préjudice distinct de celui résultant de la rupture
du lien matrimonial en elle-même. C’est le cas, notamment, du préjudice résultant des
circonstances fautives ayant conduit à la rupture du lien conjugal ou ayant entouré cette
rupture.

Civ. 1re, 22 mars 2005, n° 04-11942


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, tel qu’il figure au mémoire ampliatif et
est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé aux torts partagés des
époux son divorce avec M. Y… Z… ;
Attendu qu’en retenant qu’au cours des étés 1996 et 1997, Mme X… avait « fait en public à son
mari de nombreuses scènes » et que ces faits constituaient une violation grave ou renouvelée
des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune,
la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, tel qu’il figure au mémoire ampliatif et est reproduit en annexe
au présent arrêt :
Attendu que Mme X. fait encore grief à l’arrêt attaqué d’avoir réduit le montant de la
prestation compensatoire qui lui avait été allouée par le premier juge ;
Attendu qu’en relevant que, bien qu’étant atteinte d’une maladie depuis 1989, Mme X…
avait travaillé avec son mari jusqu’en 1995, la cour d’appel a nécessairement considéré que
celle-ci ne démontrait pas ne pas être en mesure de travailler au moment du prononcé du
divorce ; que le moyen ne peut être accueilli ;

1. Art. 1382 anc.

104

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Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Vu l’article 1382 du Code civil, ensemble l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter Mme X… de sa demande de dommages-intérêts fondée sur
le premier de ces textes, l’arrêt attaqué énonce que Mme X… ne démontre pas que la faute
commise par son conjoint a été source pour elle d’un préjudice distinct de celui résultant de
la dissolution du mariage ; Qu’en se déterminant ainsi, alors que Mme X… invoquait dans
ses écritures les conditions particulièrement injurieuses ayant entouré la rupture du lien
matrimonial et issues de la liaison adultère publiquement affichée par son mari, des coups
et blessures qu’il lui avait portés et du congédiement brutal sans lettre de licenciement
dont il avait été l’auteur à son endroit, tous éléments à l’origine d’un préjudice distinct de
celui résultant de la dissolution du mariage, la cour d’appel a méconnu les exigences des
textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme X… de sa demande de
dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 1er octobre 2003, entre les parties, par la cour d’appel
de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Paris, autrement composée ; […]

Civ. 1re, 1er juin 2017, n° 16-16874


Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement a prononcé le divorce de M. X…et de Mme Y… ;
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article 1382, devenu 1240 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme Y…, fondée sur les
dispositions de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, l’arrêt retient qu’elle ne peut être
accueillie, le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la consécration de torts partagés par le juge du divorce ne
fait pas obstacle à une demande en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de
la dissolution du mariage, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de dommages-intérêts
formée par Mme Y…sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, l’arrêt
rendu le 24 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en
conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence,
autrement composée ; […]

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151. Concubins. Si la rupture du concubinage ne peut en principe donner lieu à l’allocation de
dommages et intérêts puisqu’elle est libre et ne constitue donc pas, en elle-même, une
faute, il en est autrement lorsqu’il existe des circonstances de nature à établir une faute
de l’auteur de la rupture. Les circonstances dans lesquelles est né le concubinage, des
éléments tirés de la vie commune et surtout les circonstances de la rupture peuvent en
effet permettre de prouver une faute qui, si elle a entraîné un préjudice pour le concubin
de son auteur, pourra donner lieu à réparation sur le fondement de l’article 12401.

Cour d’appel de Pau, 30 Janvier 2012, n° 10/04996 (extrait)


[…] Mais la cour ne relève aucune circonstance qui permettrait d’affirmer que M. V., tout en
ayant une liaison avec une autre personne, a entretenu de manière artificielle sa relation
avec Melle C. grâce à des mensonges, des manœuvres, notamment en lui laissant penser
qu’il entendait demeurer engagé avec elle et en faisant en sorte qu’elle ne puisse imaginer
qu’il envisageait une rupture ; rien ne prouve qu’il s’est conduit avec duplicité en lui donnant
à imaginer que ses sentiments à son égard demeuraient intacts et qu’il savait en réalité que
la fin de leur vie commune était inéluctable ; qu’il l’a mensongèrement convaincue de son
désir d’un autre enfant, désir conforme à un projet affiché d’union durable et solide, tout en
sachant dès la période de la conception qu’il allait l’abandonner, ainsi que ses enfants, pour
une autre ; qu’il lui a à cette époque fait de fausses promesses de mariage accompagnées
d’actes destinés à accréditer cette prétendue volonté.
Au contraire, rien ne permet d’exclure que le couple était depuis longtemps en crise, que la
conception d’un enfant est intervenue alors que la séparation apparaissait à l’un comme à
l’autre inévitable, que l’origine de la dégradation des relations est imputable à l’un autant
qu’à l’autre et enfin que M. V. a entretenu une liaison alors que le couple était déjà en train
de se défaire.
Il n’apparaît donc pas que M. V. s’est comporté comme s’il entendait fallacieusement faire
croire à Melle C. qu’il souhaitait pérenniser leur relation, tout en ayant arrêté le projet de
la quitter.
La cour ne dispose donc pas des éléments au vu desquels elle serait fondée, avec certitude,
à constater que M. V. a commis une faute.
Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a condamné M. V. à payer à Melle C. la
somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts.

1. La responsabilité extracontractuelle de droit commun est également un outil d’indemnisation en cas de décès accidentel de
l’un des membres du couple. La question du droit de la concubine à des dommages et intérêts en cas de mort accidentelle
du concubin a longtemps fait controverse et a suscité une évolution. Pendant une première période, la Cour de cassation
a estimé que les concubins ne pouvaient se prévaloir d’un intérêt légitime juridiquement protégé, à défaut de lien de droit
existant entre eux (Civ. 27 juillet 1937). Elle a finalement admis en chambre mixte qu’un concubin est fondé à exercer une
action en responsabilité délictuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 ancien du Code civil contre l’auteur de l’accident
ayant entraîné la mort du concubin afin d’obtenir réparation du préjudice matériel et moral subi (Ch. Mixte, 27 février 1970,
Dangereux, n° 68-10276).

106

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152. Partenaires. La rupture du Pacs est également libre et ne constitue pas en elle-même une
faute. Mais l’article 515-7 al. 10 prévoit la possibilité d’une réparation des dommages éventuel-
lement subis. Il s’agit de la mise en œuvre de la responsabilité civile extra-contractuelle
de droit commun, aux conditions de l’article 1240 du Code civil. Ainsi le partenaire victime
de la rupture peut-il obtenir des dommages et intérêts si ces conditions sont remplies et
notamment s’il prouve, comme en matière de concubinage, une faute détachable de la
rupture en elle-même, résultant en général des circonstances de celle-ci. Mais quels sont
les préjudices réparables ? S’agit-il des tous les préjudices, même ceux subis pendant la vie
commune ou uniquement de celui causé par la rupture ou consécutif à celle-ci ? La rédaction
de l’article 515-7 al. 10 laisse supposer qu’il s’agit uniquement du préjudice résultant de la
rupture. Une action en responsabilité contractuelle devrait toutefois pouvoir être envisagée
concernant la réparation du préjudice causé par la violation d’une obligation contractuelle,
c’est-à‑dire en cas d’inexécution fautive du contrat de Pacs.

§2. Les conséquences à l’égard des enfants

153. Indifférence à la forme de vie en couple des parents. S’agissant des conséquences à
l’égard des enfants, que les parents qui se séparent aient été mariés, pacsés ou concubins,
les questions à régler sont les mêmes et concernent l’exercice de l’autorité parentale, la
résidence de l’enfant et la contribution à son entretien et son éducation. Ces conséquences
relèvent en effet de l’autorité parentale, voire de la qualité de parents, au-delà de la forme
de vie en couple qu’ils ont choisie.
154. Contrôle du juge. Simplement, dans le divorce judiciaire, le juge décide ou au moins contrôle
systématiquement les effets du divorce à l’égard des enfants alors que dans le divorce
par consentement mutuel extrajudiciaire il n’intervient pas au moment du divorce, mais
seulement et éventuellement dans le cadre d’un contentieux d’après-divorce. Il n’inter-
vient pas non plus, en principe, dans le cadre de la séparation d’un couple non marié, sauf
en cas de conflit1 ou si les parents souhaitent soumettre au juge une convention aux fins
d’homologation afin de donner force obligatoire à leur accord2.
155. Révision. Les modalités de la séparation relatives aux enfants, qu’elles aient été fixées
directement pas le juge, par convention homologuée ou par acte sous signature privée
contresigné par avocats sont toujours révisables3. De manière plus générale, le juge aux
affaires familiales peut être saisi de toutes les questions relatives à l’autorité parentale. Il

1. C. civ., art. 373-2-8. Le juge peut désigner un médiateur familial (C. civ., art. 373-2-10). Il peut ordonner une enquête sociale
(C. civ., art. 373-2-12).
2. C. civ., art. 373-2-7. Le juge homologue ces conventions après avoir vérifié que l’intérêt de l’enfant est respecté et que le
consentement des parents a été librement donné. CSS, art. L 582-2 : Le directeur de la CAF peut, sous certaines conditions,
donner force exécutoire aux accords des ex-concubins et ex-partenaires fixant le montant de la contribution à l’entretien
et à l’éducation de l’enfant.
3. C. civ., art. 373-2-13.

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peut notamment ordonner l’interdiction de sortie du territoire français de l’enfant sans
l’autorisation des deux parents1. Dans toutes ses décisions, il statue selon ce qu’exige
l’intérêt de l’enfant.

A. L’exercice de l’autorité parentale

156. Exercice en commun. L’exercice en commun de l’autorité parentale demeure le principe


après la séparation. Selon l’article 373-2 du Code civil, la séparation n’a en effet pas d’inci-
dence sur l’exercice de l’autorité parentale. Celui-ci reste conjoint et chaque parent doit
donc continuer à participer aux décisions relatives à l’éducation des enfants, avec une
présomption d’accord pour les actes usuels2.
157. Exception. Toutefois, le juge peut, par exception, réserver l’exercice de l’autorité parentale
à l’un des deux parents si et seulement si l’intérêt de l’enfant commande cette solution3.
L’autre parent reste titulaire de l’autorité parentale et conserve le droit et le devoir de
surveiller l’entretien et l’éducation de l’enfant, ainsi que le droit d’être informé des décisions
importantes relatives à la vie de celui-ci. Il bénéficie en outre, sauf motifs graves, d’un droit
de visite et d’hébergement, qui, si l’intérêt de l’enfant le commande, sera éventuellement
exercé dans un espace de rencontre ou en présence d’un tiers.

B. La résidence

158. Si l’exercice en commun de l’autorité parentale demeure le principe, les parents ne vivent
par hypothèse plus ensemble. Il faut donc fixer la résidence habituelle de l’enfant. C’est
également le cas, à plus forte raison, en cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale4.
Les parents par convention ou le juge optent pour une résidence alternée ou décident
du parent au domicile duquel sera fixée la résidence habituelle de l’enfant, en accordant
un droit de visite et hébergement à l’autre5, dont il faut fixer le rythme6. Le juge peut se
prononcer après avoir ordonné une garde alternée à titre expérimental7.
Il est obligatoire d’informer l’autre parent en cas de changement de résidence et si un
différend naît de ce changement, le juge sera saisi.

1. C. civ., art. 373-2-6.


2. Cf. infra n° 254.
3. C. civ., art. 373-2-1.
4. Le juge peut exceptionnellement confier l’enfant à un tiers. C. civ., art. 373-3 al. 2.
5. Le juge peut prendre en considération les accords parentaux, sans toutefois s’en remettre dans sa décision à un exercice du
droit de visite et d’hébergement selon le « meilleur accord des parties » ou « à l’amiable » : Civ. 1re, 12 févr. 2020, n° 19-10040
et Civ. 1re, 18 mars 2020, n° 19-13594.
6. Classiquement, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.
7. C. civ., art. 373-2-9. Rép. min. à QE n° 29354, JOAN Q. 7 juill. 2020, p. 4787 : « Quand ils s’accordent, les parents fixent la
résidence de l’enfant dans 71 % des cas au domicile de la mère et dans 12 % au domicile du père, ne choisissant la résidence
alternée que dans 17 % des cas ».

108

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C. La contribution à l’entretien et à l’éducation

159. Les parents sont tenus d’une obligation d’entretien à l’égard de leurs enfants1. Lorsqu’ils
sont séparés, cette obligation se traduit par une contribution à l’entretien et à l’éducation
de l’enfant exécutée par le versement, par un parent à l’autre, d’une pension alimentaire
mensuelle dont le montant est déterminé en fonction des ressources des deux parents
et des besoins de l’enfant2. Elle peut aussi prendre la forme d’une prise en charge directe
d’une dépense d’entretien, comme, par exemple, les frais de scolarité ou d’un droit
d’usage et d’habitation, par la fourniture d’un logement3. La pension alimentaire peut être
remplacée par un capital, qui pourra prendre la forme d’un usufruit ou de l’affectation de
biens productifs de revenus4.
L’obligation ne cesse pas de plein droit et persiste après la majorité de l’enfant, sauf pour
le débiteur à démontrer que celui-ci n’est plus dans le besoin, ou du moins qu’il peut y
subvenir seul5.

Civ. 1re, 13 avr. 2016, n° 14-24.841


[…]
Vu l’article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de
l’enfant, ensemble l’article 373-2 du Code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, dans toutes les décisions qui le concernent,
l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ; que, selon le second,
en cas de désaccord des parents, lorsque le changement de résidence de l’un d’eux modifie
les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge aux affaires familiales statue selon
ce qu’exige l’intérêt de l’enfant ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que des relations de M. X. et Mme Y. est né Z., le 22 mars
2008 ; qu’après la séparation des parents, le juge aux affaires familiales a fixé la résidence
de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ; qu’au mois de septembre 2012,
en raison du séjour de Mme Y. à l’étranger, la résidence de l’enfant a été fixée, à l’amiable, au
domicile de son père ; qu’au mois de juin 2013, Mme Y. a saisi un juge aux affaires familiales
pour voir fixer la résidence de l’enfant à son domicile ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt énonce, d’abord, qu’il ne peut être
reproché à Mme Y., qui exerce le métier de graveur, de devoir se déplacer pour exercer son
art, qu’il est légitime qu’elle puisse passer du temps avec son enfant, comme le père a pu
le faire en raison des déplacements de celle-ci ; qu’il relève, ensuite, qu’elle est désormais
installée à Fontenay-aux-Roses, dans une maison de famille qui est parfaitement adaptée,

1. C. civ., art. 371-2. Cf. infra n° 235.


2. Sur la prévention et la récupération du non-paiement des pensions alimentaires, notamment par l’intermédiation financière
des caisses d’allocations familiales, cf. D. EVERAERT-DUMONT, « Le nouveau service public de versement des pensions
alimentaires », Dr. fam. 2020, n° 6, Etude 20.
3. C. civ., art. 373-2-2.
4. C. civ., art. 373-2-3.
5. Cf. infra nos 234, 237.

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que Z., aujourd’hui âgé de 6 ans, y rejoindra un frère né d’une autre union, et que, sans avoir
à remettre en cause l’implication du père dans la prise en charge de l’enfant ni ses qualités
éducatives, que nul ne conteste, il n’est pas illégitime que la résidence de l’enfant soit fixée
au domicile de la mère ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle le devait, quel était l’intérêt
supérieur de l’enfant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, mais seulement en ce qu’il fixe la résidence de Z. chez sa mère, le droit
de visite et d’hébergement du père et la contribution de ce dernier aux frais d’entretien et
d’éducation de l’enfant, l’arrêt rendu le 3 juillet 2014, entre les parties, par la cour d’appel
d’Agen ; remet, en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l’état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de
Toulouse […].

Cour d’appel de Paris, Pôle 3, chambre 4, 13 Juin 2013, n° 12/18000


Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2012 – Tribunal de Grande Instance
de PARIS – RG n° 11/08433
APPELANT
Monsieur Christophe J.[…]
[…]
INTIMÉE
Madame Catherine O.
agissant tant en son nom personnel
qu’en qualité de représentante légale de sa fille mineure
Chloé Jeanne O.
née le 16 janvier 2011 à […]
[…]
[…]

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les modalités de l’autorité parentale


Considérant que la filiation paternelle de l’enfant Chloé O. née le 16 janvier 2011 à […] n’est
plus contestée par Monsieur J., celui-ci ayant reconnu l’enfant le 28 septembre 2011 avant
les résultats de l’expertise des empreintes génétiques ordonnée par le tribunal dans son
jugement avant-dire droit du 5 juillet 2011 ;
Considérant que c’est à bon droit que le tribunal a jugé que l’autorité parentale était de
plein droit conjointe, la reconnaissance de l’enfant par le père étant intervenue avant l’âge
d’un an de l’enfant ;

110

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Considérant qu’il n’existe pas en l’espèce de motifs graves justifiant que cette l’autorité
parentale ne soit pas exercée en commun par les deux parents, les mauvaises relations entre
les deux parents n’étant pas un motif suffisant pour justifier l’exercice exclusif de l’autorité
parentale et cela d’autant plus que cet enfant a été voulu par les deux parents qui avaient
entrepris un traitement médical pour une procréation médicalement assistée ;
Considérant que pour s’opposer à l’attribution du droit de visite et d’hébergement un dimanche
sur deux de 10 heures à 18 heures et d’un mercredi sur deux de 12 heures à 19 heures tel que
sollicité par Monsieur J. et fixé par le tribunal, Madame O. fait valoir que le père de l’enfant
a refusé pendant des mois de reconnaître sa fille et de contribuer à son entretien, qu’il n’a
pas eu de relations avec sa fille depuis la naissance et qu’aucun droit de visite ne peut lui
être attribué tant qu’il n’aura pas retrouvé une stabilité de vie ;
Considérant que le droit de visite ne peut être refusé à un parent que pour des motifs
graves ; Que c’est par une analyse pertinente des faits de la cause que le tribunal a estimé
que la reconnaissance tardive de l’enfant ne justifiait pas une restriction du droit de visite
paternel ; Que l’enquête sociale effectuée dans le cadre de la procédure de divorce concernant
Monsieur J. et son épouse relève qu’il est un père disponible pour ses enfants et qu’il s’en
occupe quotidiennement notamment en les conduisant à l’école et plus particulièrement le
mercredi ; Que Monsieur J. explique l’absence de relations avec sa fille Chloé par le refus de
la mère de lui transmettre des photos et des nouvelles et par le fait qu’il a subi une impor-
tante opération chirurgicale au genou, fait qui ne lui permet pas actuellement de s’occuper
d’une enfant en bas âge ; Que pour démontrer le souci qu’il a de sa fille, il mentionne avoir
ouvert à son nom en janvier 2012 un contrat d’assurance-vie ; Qu’il n’apparaît pas opportun
d’ordonner une reprise de contact entre l’enfant et son père dans un lieu médiatisé ;
Qu’en conséquence dans l’intérêt de l’enfant, les dispositions sur l’autorité parentale, la
résidence de l’enfant et le droit de visite tel que fixé par le tribunal doivent être confirmées ;
Considérant qu’aux termes de l’article 371-2 du Code civil, chaque parent doit contribuer à
l’entretien et à l’éducation de ses enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre
parent et des besoins des enfants ;
Considérant que le tribunal, pour arbitrer la contribution à l’entretien et l’éducation de
l’enfant à un montant de 800 € à compter de la naissance, a mentionné principalement que
Monsieur J. disposait d’importants revenus en sa qualité de gérant d’une brasserie dont le
fonds de commerce lui appartient et a souligné les besoins d’un jeune enfant notamment
en frais de crèche et de garderie ;
Considérant qu’il convient de relever que Monsieur J. ne produit ni les pièces comptables
de son commerce, ni sa déclaration de revenus 2012 ; Qu’il résulte de l’avis d’imposition
2011 qu’il a perçu en 2010 un revenu imposable de 216.598 € soit 18.498 € par mois ; Que
son imposition sur le revenu s’est élevé à 56.387 € soit 4.698 € par mois ; Qu’il résulte d’une
lettre de la société comptable de la brasserie que celle-ci a dégagé en 2012 un bénéfice
de 240.000€, montant qui lui permet de faire face à ses charges d’emprunts personnels
et d’impôts de 116.641,95 € ; Qu’il convient, en outre de relever que Monsieur J. qui est en
instance de divorce doit pourvoir aux besoins de son épouse qui n’a guère de revenus et de
ses trois enfants issus de cette union ;

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Considérant que suite à cette rupture de concubinage, le centre d’esthétique géré par
Madame O. a été liquidé ; Qu’elle travaille désormais en qualité de salariée pour un revenu
mensuel moyen de 1 600 € ; Qu’elle élève deux autres enfants issus d’une précédente union ;
Qu’en conséquence, c’est par une juste appréciation des situations financière respectives
que le tribunal a fixé à 800 € la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant Chloé ;

Sur la rupture du concubinage


Considérant que pour s’opposer à la condamnation à la somme de 10.000 € prononcée par
le tribunal à titre de dommages-intérêts pour le préjudice matériel subi par Madame O. du
fait des circonstances de la rupture du concubinage, Monsieur J. relève que c’est Madame O.
qui a pris brutalement l’initiative de la rupture en faisant poser un verrou sur le logement
commun dont il assumait seul toutes les charges notamment un loyer de 3.400€ ; Que cette
provocation consistant à lui interdire l’accès du domicile commun a contribué au préjudice
qu’elle allègue et que son comportement en réponse ne peut être de ce fait jugé excessif ;
Qu’il ajoute qu’il ne peut être retenu un préjudice moral du fait du déménagement opéré
par lui dans la mesure où Madame O. avait prémédité un déménagement et qu’elle lui a
encore envoyé un message quatre mois après les faits qu’elle “adorerait être sa femme” ;
Considérant qu’en réponse Madame O. estime que l’attitude de Monsieur J. lui a occasionné
un préjudice moral du fait des violences morales et physiques subies alors qu’elle venait
d’accoucher seule d’un enfant que Monsieur J. avait voulu et un préjudice matériel du fait
de l’arrêt de tout contribution financière à compter de mars 2011 la laissant sans ressources,
préjudices qu’elle chiffre à 150.000€ ;
Considérant que les relations des concubins ont toujours été tumultueuses et empreintes
d’une passion excessive et ambiguë ; Que les circonstances de la rupture entre les concubins
au moment des fêtes de Pâques 2011 ont été pour le moins tumultueuses de part et d’autre ;
Considérant que c’est par une juste appréciation des circonstances de la rupture définitive
du concubinage que le tribunal a estimé fautif le fait pour Monsieur J. d’avoir déménagé la
quasi-intégralité des biens meublant contenus dans le domicile commun en l’absence de
Madame O. et de lui avoir laissé le berceau de l’enfant commun avec des photos déchirées, la
plongeant ainsi dans un grand désarroi face à un appartement vide alors qu’elle assumait la
charge de trois enfants et notamment celle du nourrisson commun, nonobstant le fait qu’elle
avait fait précédemment poser un verrou supplémentaire à la porte du domicile craignant
un tel comportement de son compagnon avec lequel elle était déjà plus ou moins séparée ;
Qu’en revanche, Madame O. ne peut faire grief à son compagnon d’avoir provoqué la faillite
de son institut de beauté du fait de sa grossesse et des circonstances de la rupture, sachant
que Monsieur J. l’a soutenue financièrement dans cette activité en se portant garant de
plusieurs prêts ;
Que le préjudice moral et matériel subi du fait de ce comportement qui l’a contrainte à
hâter son déménagement et à faire face à une situation matérielle particulièrement difficile
justifie la condamnation de Monsieur J. au paiement de la somme de 10.000 € à titre de
dommages-intérêts ;
Considérant que c’est avec pertinence que le tribunal a relevé que la reconnaissance
tardive en cours de procédure judiciaire par Monsieur J. de sa fille Chloé plus de neuf mois

112

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après sa naissance compte tenu de sa volonté de paternité justifie sa condamnation à des
dommages-intérêts tant pour la mère que pour l’enfant ; Que si l’appréciation du tribunal
du préjudicie subi par l’enfant est à confirmer à hauteur d’une somme symbolique 1 000 €,
celui de la mère doit être fixé à un montant de 5 000 € ;

Sur les aspects patrimoniaux de la rupture du concubinage


Sur la demande de restitution du véhicule Mini
Considérant que chacun des concubins revendique la propriété du véhicule Mini, véhicule
en possession de Madame O. et qui en a eu jusqu’à présent un usage presque exclusif ;
Considérant que Madame O. n’établit pas avoir payé ce véhicule ni que son concubin lui
en fait cadeau ;
Considérant qu’il résulte des pièces produites que le bon de commande en date du 22 juillet
2008 de ce véhicule neuf a été établi au nom de Madame O. ; Que toutefois, la carte grise du
véhicule a été établie au nom des deux concubins ; Que l’assurance du véhicule est établie
au nom de Monsieur J. ; Que celui-ci produit un tableau d’amortissement du financement
de ce véhicule auprès de BMW Group financial services ; Que Madame O. ne conteste pas
que son compagnon rembourse ce prêt ;
Qu’en conséquence, ce véhicule doit être restitué par Madame O. à son légitime propriétaire ;
Qu’en revanche le climat conflictuel de la rupture ne justifie pas que les frais d’assurances
supportés par Monsieur J. soient mis à la charge de sa compagne bien que dépositaire
provisoire du véhicule ;
Considérant le caractère conflictuel du présent litige, la décision de restitution sera assortie
d’une astreinte ;
Sur les meubles meublants
Considérant que chacun des concubins conteste la propriété des meubles meublant le
domicile commun ;
Considérant que c’est par une juste analyse que le tribunal a retenu que le libellé des factures
constituaient une présomption de propriété ;
Que Monsieur J. n’établit pas avoir payé les meubles achetés sous le nom de O. ; Qu’en consé-
quence le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné la restitution par Monsieur J. à
Madame O. des meubles meublant correspondant aux factures au nom de O. et émanant
des établissements ’home center’ ’ligne center’ ’G.’ et du meuble correspondant à la facture
’Roche Bobois’ numéro 121003313,
Considérant le caractère conflictuel du présent litige, la décision de restitution sera assortie
d’une astreinte ;
Sur les frais et dépens
Considérant que l’équité impose de mettre à la charge de Monsieur J. les frais irrépétibles
exposés par Madame O. à hauteur d’appel soit la somme de 3 000 € ainsi que les entiers
dépens de cette procédure ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,

113

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Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 4 septembre
2012 sur la demande de restitution du véhicule Mini, sur le montant des dommages-intérêts
et sur l’astreinte,
Condamne Monsieur Christophe J. à payer à Madame Catherine O. la somme de 5 000 €
à titre de dommages-intérêts en raison de l’absence de reconnaissance de l’enfant Chloé,
Condamne Monsieur Christophe J. à restituer à Madame Catherine O. les meubles meublant
mentionnés sur les factures au nom de O. émanant des établissements ’home center’ ’ligne
center’ ’G.’ et du meuble correspondant à la facture ’Roche Bobois’ numéro 121003313,
sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours à compter de la
signification de l’arrêt,
Condamne Madame Catherine O. à restituer à Monsieur Christophe J. le véhicule Mini
sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d’un délai de 8 jours à compter de la
signification de l’arrêt,
Confirme le jugement déféré pour le surplus
Y ajoutant,
Indexe le montant de la contribution due par Monsieur Christophe J. à Madame Catherine
O. pour l’entretien de l’enfant Chloé sur les variations de l’indice INSEE des prix à la consom-
mation série hors tabac des ménages dont le chef est ouvrier ou employé ;
Dit qu’elle devra être revalorisée spontanément par le débiteur lui-même, le 1er janvier et
de chaque année, selon la formule :
pension initiale x dernier indice connu au jour de la revalorisation pension revalorisée
= indice du mois de janvier 2012
Dit que la prochaine revalorisation sera effectuée en juillet 2014 ;
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne Monsieur Christophe J. à payer à Madame Catherine O. la somme de 3 000 € au
titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Christophe J. aux entiers dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

114

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Différentes formes de vie en couple – comparaison synthétique

Mariage Pacs Concubinage


Union
Conditions Âge (dix-huit ans). Âge (dix-huit ans). C. civ. silencieux.
Indifférence au sexe. Indifférence au sexe. Indifférence au sexe.
Consentement (existence Consentement (existence et Pas d’engagement.
et intégrité). intégrité). La vie commune stable
et continue matérialise
le consentement.
Empêchements fondés Empêchements fondés Référence à la « vie
sur la parenté, l’alliance sur la parenté, l’alliance de couple ».
et le lien de couple. et le lien de couple.
Formalités préalables Convention puis déclaration Aucune condition
et célébration. conjointe et enregistrement. de forme.
Publicité. Publicité Pas de publicité.
Effets Lien d’alliance. Lien juridique personnel. Fait juridique. Pas de
Lien de famille. Présomption Pas de lien d’alliance lien d’alliance ni de
de paternité (sauf couples ni de famille. Pas d’effet sur famille.
de même sexe). la filiation. Pas d’effet sur la
filiation.
Nom d’usage. Pas d’effet sur le nom. Pas d’effet sur le nom.
Devoirs de fidélité, Devoirs d’assistance et vie Aucun devoir
assistance, communauté commune. à proprement parler
de vie, respect. (la communauté
de vie est une
condition d’existence
du concubinage).
Devoir de secours. Aide matérielle Pas de solidarité légale.
Contribution aux charges (contribution aux charges
du mariage. du Pacs).

Solidarité pour les dettes Solidarité pour dettes


ménagères. de la vie courante.

Désunion Décès. Décès. Décès.


Divorce par consentement Mariage. Liberté de rompre.
mutuel extra-judiciaire. Liberté de rompre. Volonté
unilatérale ou conjointe
(sans juge).
Divorces judiciaires (divorce
par consentement mutuel
judiciaire et divorces
contentieux).
Compensations
particulières : dommages et
intérêts de l’art. 266 C. civ.,
prestation compensatoire.

115

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DEUXIÈME PARTIE

Le lien enfant-parent
L’enfant est au cœur du Droit de la famille, en particulier dans ses rapports avec ses parents,
chargés d’en assurer la protection et l’éducation dans le respect de sa personne et de son
intérêt supérieur. Le lien de filiation doit être établi (chapitre 1) pour qu’en découlent un
certain nombre de conséquences (chapitre 2).

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CHAPITRE 1
La filiation

160. Définition. La définition de la filiation est simple et paraît intangible. Il s’agit du lien
juridique qui unit l’enfant à ses parents ou à l’un d’eux. Les règles qui la gouvernent diffèrent
néanmoins selon la conception retenue, à une époque donnée, du couple, de l’enfant et de
la famille. Elles sont aussi influencées par les possibilités offertes par la science.
161. Évolution. La faveur accordée par le Code Napoléon au mariage et la méconnaissance de
la preuve scientifique de la filiation ont en effet longtemps inspiré un Droit de la filiation
construit sur des présomptions, qui masquaient parfois la vérité biologique. La filiation
légitime était établie plus facilement et de manière plus stable que la filiation naturelle,
les enfants de la femme mariée étant rattachés au mari de leur mère par une présomption
de paternité inattaquable.
Trois principes essentiels ont progressivement guidé les réformes du Droit de la filiation,
en particulier de la filiation par procréation : la vérité, l’égalité et la stabilité.
Les progrès scientifiques ont d’abord permis de faire la preuve biologique, par l’examen
comparé des sangs, du défaut de paternité. Cette évolution, associée aux bouleversements
culturels et sociaux qui ont marqué le milieu du xxe siècle1, a conduit la loi du 3 janvier 1972,
inspirée par l’idée d’égalité mais toujours favorable au modèle de la famille légitime, à
faire une place à la vérité biologique2. La loi du 8 janvier 1993 a renforcé cette place, les
empreintes génétiques permettant désormais de faire la preuve positive de la filiation
avec une quasi-certitude3.
L’ordonnance du 4 juillet 20054 a également œuvré en faveur de l’égalité en supprimant
formellement la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle. Aucun article du
Code civil ne contient plus ces mots. Ce texte a ainsi, dans une certaine mesure, uniformisé
les modes d’établissement de la filiation des enfants nés en et hors mariage5. Il a par ailleurs
tendu à embrasser le mieux possible les différentes facettes de la vérité. Les évolutions
qu’ont connues le couple et le statut des enfants ces dernières décennies, ainsi que les
progrès scientifiques, ont en effet conduit le Législateur à confirmer la place essentielle du

1. Cf. supra n° 6.
2. Loi n° 72-3 sur la filiation.
3. Loi n° 93-22 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires
familiales.
4. Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, entrée en vigueur le 1er juillet 2006.
5. Si cette égalité est effectivement réalisée pour la filiation maternelle, c’est moins le cas pour la filiation paternelle dont
l’établissement en mariage reste gouverné par la présomption de paternité du mari, Cf. infra nos 164 s.

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fondement biologique, qui constitue la toile de fond du droit contemporain de la filiation.
La vérité socio-affective a en outre également été valorisée, la possession d’état étant
susceptible de constituer un frein à l’établissement de la vérité biologique et conférant
ainsi une certaine stabilité à la filiation. Le temps lui-même constitue d’ailleurs un obstacle
aux actions en justice relatives à la filiation, qui sont encadrées dans des délais stricts. La
vérité ne peut donc pas être recherchée n’importe quand, ni à tout prix. L’ordonnance de
2005 n’a été ratifiée que le 16 janvier 20091. À cette occasion, le Parlement a encore procédé
à quelques modifications.
162. Bouleversement ? La loi du 17 mai 2013, en ouvrant le mariage et l’adoption aux couples
de personnes de même sexe, a moins formellement que fondamentalement, perturbé
l’équilibre général et les fondements traditionnels du droit de la filiation2. Elle a certes
exclu les couples de même sexe des règles applicables à la filiation par procréation. Mais
le fait qu’un enfant puisse désormais, en étant adopté, avoir deux pères ou deux mères,
bouleverse les précédentes constructions et renforce le mouvement en faveur de la place de
la volonté dans l’établissement de la filiation3. Parallèlement, l’accès aux origines person-
nelles et les problématiques liées à la gestation pour autrui contribuent à questionner
les anciennes évidences. L’équilibre assez subtil réalisé en 2005 résiste finalement assez
mal aux nouvelles évolutions et revendications, et semble désormais précaire. Le Droit
est tiraillé entre des évolutions qui peuvent paraître contradictoires et dont il est difficile
de distinguer le fil conducteur. Il faudra probablement réinventer le rapport du Droit à la
vérité, en pensant l’accès aux origines indépendamment du lien de filiation4.

Code civil – Article 6-1

Créé par LOI n° 2013-404 du 17 mai 2013-art. 13


Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus
par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux
ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.

Pour l’heure, le Code civil distingue toujours, sans le dire très expressément, la filiation par
procréation – charnelle (section 1) ou médicalement assistée (section 2) – de la filiation par
adoption (section 4). Il interdit en outre la gestation pour autrui sur le territoire français.

1. Loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et
modifiant ou abrogeant diverses dispositions sur la filiation.
2. Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
3. Cf. X. Labbée, « L’homme qui a valablement épousé sa sœur face à l’adage “quae temporalia…” », Gaz. Pal, 04/07/2017, p. 21.
4. Cf. « Filiation, origines, parentalité – Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », Rapport du groupe de
travail Filiation, origines, parentalité (Sous la présidence d’Irène Théry), http://www.justice.gouv.fr

120

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Mais lorsque cette pratique est valablement effectuée à l’étranger, elle est désormais
susceptible d’entraîner la création d’un lien de filiation reconnu en France à certaines
conditions (section 3).

Section 1 – La filiation par procréation « charnelle »

La filiation est la plupart du temps établie en dehors de toute action contentieuse (§1). Il
est néanmoins possible, si nécessaire et à certaines conditions, d’exercer une action en
justice visant à l’établir ou la contester (§2).

§1. L’établissement non contentieux de la filiation


On distingue aujourd’hui trois modes d’établissement non contentieux de la filiation :
l’effet de la loi (A), la reconnaissance (B) et la possession d’état (C).

A. L’effet de la loi

L’établissement de la filiation par le simple effet de la loi recouvre deux hypothèses : l’éta-
blissement de la filiation maternelle par la désignation de la mère dans l’acte de naissance
et l’établissement de la filiation paternelle par le jeu de la présomption de paternité.

1. Filiation maternelle en et hors mariage

163. Mater semper certa est. « La mère est toujours certaine, c’est celle qui accouche ». L’article 311-25
du Code civil prévoit ainsi que « la filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation
de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ». Jusqu’à la réforme de 2005, ce principe
n’était consacré dans le Code civil que pour la femme mariée, ce qui imposait à la femme
non mariée de reconnaître son enfant1 et constituait une inégalité non justifiée entre
enfants légitimes et enfants naturels. Désormais, la loi ne fait plus de distinction entre la
maternité en mariage et la maternité hors mariage. L’identité de la mère indiquée dans
l’acte suffit à établir la filiation2. La règle repose sur l’évidence de la maternité résultant de
l’accouchement mais prend aussi en compte la volonté de la mère, puisque celle-ci peut

1. La mère naturelle était bien désignée dans l’acte de naissance mais cela ne suffisait pas à établir la maternité automati-
quement. Néanmoins cette désignation valait reconnaissance si elle était corroborée par la possession d’état (C. civ., art. 337
anc.).
2. L’art. 311-25 C. civ. dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 4 juill. 2005 est applicable, sous réserve des décisions de
justice passées en force de chose jugée, aux enfants nés avant son entrée en vigueur, ce qui ne peut néanmoins avoir pour
effet de changer leur nom ou leur permettre, s’ils sont majeurs à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, d’obtenir la
nationalité française. Ils ne peuvent en outre s’en prévaloir dans les successions déjà liquidées (ord. n° 2005-759 du 4 juill.
2005, art. 20).

121

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demander le secret de son identité en accouchant1. Au contraire, si l’acte de naissance
indique le nom de la mère, c’est que l’identité de la femme ayant accouché de l’enfant a
été précisée à l’officier d’état civil par le déclarant2.

2. Filiation paternelle en mariage

164. Pater is est. Le père est, quant à lui, celui que les noces désignent. La loi continue à distinguer
le père marié à la mère de celui qui ne l’est pas, l’établissement de la paternité par le seul
effet de la loi étant réservé au premier. La présomption de paternité du mari trouve sa
source dans le Droit Romain et la maxime Pater is est quem nuptiae demonstrant. Elle est
reprise dans le Code civil depuis son origine, mais sa portée a évolué. Le raisonnement doit
suivre trois étapes. Il convient en effet de s’assurer que la situation entre dans le champ
d’application de la présomption de paternité avant de se demander, le cas échéant, si elle
correspond à l’une des hypothèses dans lesquelles la présomption est écartée. Dans ce cas,
il faudra alors voir si elle est rétablie.

a) Champ d’application de la présomption de paternité


165. Naissance ou conception pendant le mariage. L’article 312 du Code civil dispose que « l’enfant
conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ». La loi présume donc que lorsque
la mère est mariée, son mari est le père de l’enfant qu’elle a conçu ou dont elle accouche
pendant le mariage. Cette disposition est à combiner, le cas échéant, avec l’article 311, qui
fixe la période légale de conception en présumant que « l’enfant a été conçu pendant la
période qui s’étend du 300e au 180e jour, inclusivement, avant la date de la naissance »3. La
présomption de paternité est fondée sur les devoirs du mariage, en particulier la commu-
nauté de vie et la fidélité, autrement dit sur la vraisemblance de la paternité biologique
du mari, ainsi que sur l’idée d’une reconnaissance implicite par celui-ci, au moment du
mariage, des enfants de sa femme et l’engagement pris par lui de les éduquer.
La science a évolué et il existe aujourd’hui des certitudes scientifiques aussi bien quant
à la preuve de la paternité que quant à celle de la non-paternité, au moyen de l’examen
comparé des sangs et des empreintes génétiques. Pour autant, enfants et parents ne sont
évidemment pas systématiquement soumis à de telles expertises. Les modes indirects
d’établissement de la filiation demeurent donc privilégiés. Les présomptions sont simples,
garantissent la « paix des familles » et correspondent le plus souvent à la vérité biologique.

1. Le Code civil prévoit toujours la possibilité d’une reconnaissance maternelle (art. 316), permettant ainsi à une femme qui a
accouché sous X d’établir sa maternité et obtenir remise de l’enfant, tant qu’il n’a pas été placé en vue de son adoption.
2. C. civ., art. 55.
3. Il s’agit d’une présomption simple admettant donc la preuve contraire. L’art. 311 pose une seconde présomption simple,
dite présomption omni meliore momento : « la conception est présumée avoir lieu à un moment quelconque de cette période,
suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant ».

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Champ d’application de la présomption de paternité (exemples)

Acte de naissance avec jeu de la présomption de paternité

Acte de naissance n°
Mélissa LA PORTE DANTON
Nom : LA PORTE DANTON suivant déclaration conjointe du 12 février 2016
(1re partie : LA PORTE 2nde partie : DANTON)
Prénom(s) : Mélissa
Sexe : féminin
Née le 11 février 2016 à 14 heures 30 minutes
À 259 rue Sainte Marie Thérèse, Bron (Rhône)

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Nom du père : LA PORTE
Prénom(s) : Paul
Né le 3 janvier à 1986 à Grenoble (Isère)
Profession : avocat
Nom de la mère : DANTON
Prénom(s) : Salomé
Née le 6 juin 1990 à Lyon 8e arrondissement (Rhône)
Profession : institutrice
Domicile commun : 3 rue des fleurs, Crémieu (Isère)
Évènement(s) relatif(s) à la filiation : mariage des père et mère depuis le 10 septembre 2015
Parent déclarant : Le père
Date et heure de l’acte : 12 février 2016 à 8 heures 16 minutes.
Après lecture et invitation à lire l’acte, nous, Gérard Z, attaché territorial, Officier de l’état
civil par délégation du maire avons signé avec le déclarant.
Signatures : du déclarant de l’officier de l’état civil

La présomption peut toutefois être écartée.

b) Exclusion de la présomption de paternité


166. Deux hypothèses. La présomption de paternité est écartée, selon l’article 313 du Code civil,
dans deux hypothèses qui correspondent à des cas dans lesquels la paternité du mari cesse
d’être vraisemblable.
Absence d’indication du mari en qualité de père dans l’acte de naissance. La première hypothèse
est celle dans laquelle l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari de la mère en
qualité de père, ce qui correspond en général à la situation dans laquelle la mère n’a pas
souhaité indiquer l’identité de son mari parce qu’à l’époque de la conception, les époux
vivaient séparément.
Conception de l’enfant pendant une période de séparation légale. La présomption de paternité
est également écartée si deux conditions cumulatives sont remplies. L’une est relative à
l’existence d’une demande en divorce ou séparation de corps et l’autre au moment de la
naissance de l’enfant. En effet, en cas de demande de divorce ou de séparation de corps,
n’est plus couvert par la présomption l’enfant né plus de 300 jours après l’introduction de
la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes
d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, et moins
de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande ou la réconciliation1.

1. L’article a été actualisé par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 pour prendre en compte les réformes du divorce et de la
procédure.

124

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Exclusion de la présomption de paternité (exemple)

Dans les cas où la présomption de paternité est écartée, elle peut toutefois être rétablie.

c) Rétablissement de la présomption de paternité.


167. Rétablissement de plein droit. L’article 314 du Code civil prévoit que la présomption qui
a été écartée dans l’une des deux hypothèses décrites ci-dessus est rétablie de plein droit
à deux conditions :
– si l’enfant a la possession d’état à l’égard du mari1 ;
– et s’il n’a pas une filiation paternelle déjà établie à l’égard d’un tiers.
La possession d’état rend la paternité – biologique – du mari à nouveau vraisemblable.

Circulaire du 28 octobre 2011

Relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance
et à la filiation2
[…]
« Lorsque ces conditions sont réunies, les époux peuvent demander la délivrance d’un acte de
notoriété constatant la possession d’état à leur égard et rétablissant ainsi la filiation pater-
nelle (V. n° 300 et suiv.). La publicité de cet acte sera faite en marge de l’acte de naissance
de l’enfant sur instructions du procureur de la République du lieu de conservation de l’acte
de naissance par l’apposition de la mention marginale suivante :
Filiation établie à l’égard de … (Prénom(s) NOM du père suivi le cas échéant de (1re partie :
… 2e partie : …), né le … à …, époux de la mère.
Acte de notoriété en date du … délivré par le juge d’instance3 de….
Instructions du procureur de la République de la République de … n° … du … …… (lieu et
date d’apposition de la mention)
……. (qualité et signature de l’officier de l’état civil) ».

1. Cf. infra n° 172 : éléments constitutifs et les caractères de la possession d’état.


2. NOR : JUSC1119808C, BOMJL n° 2011-11 du 30 novembre 2011, p. 136.
3. L’acte de notoriété est désormais délivré par le notaire. Cf. infra n° 173.

125

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La présomption peut également être rétablie en justice1, notamment en l’absence de
possession d’état à l’égard du mari. Ce dernier peut enfin reconnaître l’enfant2.

B. La reconnaissance

Lorsque la filiation n’est pas établie par l’effet de la loi, elle peut l’être par une reconnais-
sance de paternité ou de maternité (C. civ., art. 316).
168. Acte de reconnaissance. L’acte de reconnaissance a pour effet d’établir le lien de filiation
depuis la naissance et ne doit pas être confondu avec la déclaration de naissance. Il résulte
d’une démarche volontaire par laquelle un homme ou une femme reconnaît sa paternité
ou sa maternité. La reconnaissance doit être faite sous la forme d’un acte authentique3
et est inscrite en marge de l’acte de naissance de l’enfant reconnu4 ou directement dans
l’acte de naissance si elle est faite avant ou au moment de la déclaration de naissance. Il
s’agit d’un acte personnel5 irrévocable mais dont la véracité peut être contestée en justice,
y compris par son auteur, dans les conditions fixées par la loi6.
169. Enfant reconnu. Un enfant peut être reconnu à condition qu’il n’ait pas déjà une filiation
établie dans la même branche7. Dans l’hypothèse contraire, celui qui veut reconnaître
l’enfant doit, en application du principe chronologique, d’abord exercer en justice une
action en contestation, afin d’obtenir l’annulation de la première filiation8. En pratique, il
est possible de reconnaître immédiatement l’enfant mais la reconnaissance ne produira
ses effets qu’une fois le jugement annulant le premier lien de filiation intervenu.
Un enfant peut être reconnu quel que soit son âge, même après son décès, et même avant
sa naissance, dès lors qu’il est déjà conçu. La reconnaissance prénatale ne prendra toutefois
effet que si l’enfant naît vivant et viable9.

1. Cf. infra n° 186.


2. C. civ., art. 315.
3. Acte d’état civil ou acte notarié.
4. Sauf reconnaissance par acte notarié que l’auteur ne veut pas rendre publique.
5. Elle doit être faite en personne par son auteur, sans condition de capacité. Le mineur seul peut reconnaître son enfant. Le
majeur en tutelle doit exprimer sa volonté dans un moment de lucidité.
6. C. civ., art. 332 à 334. Cf. infra n° 189.
7. Cf. aussi les cas dans lesquels l’établissement de la filiation est interdit par la loi, notamment : impossibilité d’établir le second
lien de filiation en cas d’inceste absolu (C. civ., art. 310-2), impossibilité d’établir la filiation à l’égard du tiers donneur en cas
de procréation médicalement assistée (C. civ., art. 311-19, Cf. infra n° 196).
8. C. civ., art. 320.
9. C. civ., art. 336-1 : « Lorsqu’il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont
contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l’officier d’état civil […] établit l’acte
de naissance au vu des informations communiquées par le déclarant. Il en avise sans délai le procureur de la République qui
élève le conflit de paternité sur le fondement de l’article 336 ». Ce dispositif permet d’éviter qu’une reconnaissance prénatale
par un autre homme fasse obstacle au jeu de la présomption de paternité à l’égard du mari. Dans ce cas, le mari n’a pas à
engager une action en justice ; il appartient au parquet de le faire. Mais les termes de l’article sont généraux et concernent
donc aussi les hypothèses où le conflit oppose une reconnaissance prénatale et une autre reconnaissance.

126

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170. Auteur de la reconnaissance. La reconnaissance est le mode normal d’établissement de
la paternité hors mariage. Le père non marié à la mère reconnaîtra en effet l’enfant s’il
souhaite que la filiation soit établie à son égard. La reconnaissance est également permise
pour le mari de la mère lorsque la présomption de paternité est écartée. Il est enfin possible
pour le père de reconnaître son enfant en cas d’accouchement sous le secret, et faire ainsi
obstacle à un placement en vue de l’adoption1. Néanmoins, il est rare dans cette hypothèse
que le père ait connaissance de l’accouchement et de sa paternité.
La mère peut quant à elle reconnaître l’enfant si la maternité n’est pas établie par l’indi-
cation de son nom dans l’acte de naissance (accouchement sous X ; omission accidentelle).
Dans les autres cas, la reconnaissance maternelle est inutile puisque la mère est désignée
dans l’acte de naissance. Pourtant, en pratique, les mairies continuent à prendre les recon-
naissances maternelles, du moins lorsqu’elles sont faites avant la naissance de l’enfant,
en raison notamment des conséquences éventuelles sur le nom de famille de ce dernier2.
171. Dispositif de lutte en amont contre les reconnaissances frauduleuses. La loi du 10 septembre
2018 sur l’asile et l’immigration3 a renforcé le dispositif de lutte contre les reconnaissances
frauduleuses, visant essentiellement celles dont l’auteur recherche exclusivement à
bénéficier ou faire bénéficier d’un titre de séjour, d’une protection contre l’éloignement,
voire de la nationalité française. Ce dispositif reposait jusque-là sur des sanctions civiles
et pénales intervenant postérieurement à la reconnaissance4. Le nouveau système de
détection de ces reconnaissances, en vigueur depuis le 1er mars 2019, intervient cette fois
a priori, faisant écho à celui existant pour le mariage. Les articles 316 et suivants du Code
civil prévoient en effet désormais :
– la production préalable obligatoire d’un justificatif d’identité et de domicile par l’auteur
de la reconnaissance ;
– la saisine sans délai du procureur de la République par l’officier de l’état civil, lorsqu’il
existe des indices sérieux, le cas échéant après audition de l’auteur de la reconnaissance,
laissant présumer que la reconnaissance est frauduleuse. Le procureur de la République
prend sa décision dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine :
• soit il laisse procéder à l’enregistrement de la reconnaissance, en l’absence d’indices
suffisamment sérieux ;

1. Le placement en vue de l’adoption fait obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine, à toute déclaration de
filiation ou reconnaissance (C. civ., art. 352). Sur les difficultés du père à faire obstacle à l’adoption en temps utile, Cf. infra
n° 217.
2. Cf. infra n° 266.
3. Loi n° 2018-778 pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
4. Action en contestation de paternité ou maternité exercée par le ministère public sur le fondement de la fraude (C. civ.,
art. 336), infractions de faux en écriture publique et atteinte à l’état civil de l’enfant (C. pén., art. 441-1 et 227-13), délit visant
spécifiquement les reconnaissances frauduleuses à visée migratoire ou aux fins d’obtention de la nationalité française
(CESEDA, art. L. 823-11 et L. 823-12).

127

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• soit il ordonne un sursis à l’enregistrement de la reconnaissance pendant un mois renou-
velable une fois1, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder ;
• soit il fait opposition à la reconnaissance, le cas échéant à l’issue du sursis2.

Acte de reconnaissance
Acte de reconnaissance n°
Nom du père : Y
Prénom(s) : Jean-Pierre
Né le …à ….
Profession :
Domicile :
et
Nom de la mère : X
Prénom(s) : Marie
Née le …à …
Profession :
Domicile :
Ont déclaré reconnaitre pour leur ou leurs enfants le ou les enfants dont Marie X déclare être
actuellement enceinte et être informés du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi.
Date et heure de l’acte : 07 novembre 2017 à 08 h 45 minutes
Lecture faite et invités à lire l’acte, les déclarants ont signé avec nous, Gérard Z, attaché
territorial, Officier de l’état civil par délégation du Maire.
Copie délivrée selon procédé informatisé
À Valence le ….
L’officier de l’état civil

Acte de naissance avec apposition d’une mention de reconnaissance


Acte de naissance n°
Alexandre MARTIN
Nom : MARTIN
Prénom(s) : Alexandre

1. Deux mois si l’enquête est réalisée à l’étranger.


2. La décision de sursis peut être contestée et une demande de mainlevée de l’opposition peut être formée devant le tribunal
judiciaire par l’auteur de la reconnaissance. Sur la différence entre reconnaissance mensongère et reconnaissance frauduleuse
et sur les conséquences de cette réforme, cf. C. Petit, « Droit de la famille versus Droit des étrangers : entre rapprochements et
tensions. L’exemple de la fragilisation du lien de filiation par les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses »,
in Mélanges en l’honneur d’Emma Gounot, Mare & Martin, à paraître. Cf. aussi Circ. du garde des Sceaux de présentation des
dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, 20 mars 2019,
NOR : JUSC1904138C.

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Sexe : masculin
Né le 10 février 2016 à 14 heures 30 minutes
À
Nom du père : MARTIN
Prénom(s) : Paul
Né le … à …
Profession :
Nom de la mère : ABAD
Prénom(s) : Selma
Née le … à …
Profession : …
Domicile commun :
Évènement(s) relatif(s) à la filiation : reconnu par les père et mère le 10 décembre 2015 à
15 h 31 minutes à la mairie de…
Tiers déclarant : Pauline X, âgée de …, sage-femme, exerçant à …
Date et heure de l’acte : 10 février 2016 à 18 heures zéro minutes.
Après lecture et invitation à lire l’acte, nous, Gérard Z, attaché territorial, Officier de l’état
civil par délégation du maire avons signé avec la déclarante.
Signatures : de la déclarante de l’officier de l’état civil

Le dernier mode d’établissement non contentieux de la filiation est la possession d’état.

C. La possession d’état

La possession d’état peut permettre d’établir la filiation lorsque celle-ci n’est pas établie
par l’effet de la loi ou par reconnaissance. Elle permet en particulier l’établissement de
la paternité hors mariage lorsque la reconnaissance est rendue impossible en raison du
décès du père prétendu.
172. Notion. Posséder un état donné, c’est avoir l’apparence de cet état. Il s’agit du vécu, de la
vérité sociologique et affective, qui correspond le plus souvent à la vérité biologique. On
dit que la possession d’état révèle le lien de filiation entre une personne et celui dont on
la dit issue et qui l’élève ou l’a élevée. L’article 311-1 du Code civil énumère, à titre indicatif,
ses principaux éléments constitutifs, dont la réunion parfaite n’est pas nécessairement
obligatoire puisque la possession d’état s’établit par un faisceau d’indices. La possession
d’état doit en outre revêtir quatre caractères selon l’article 311-2, pour jouer son rôle.

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Possession d’état

Éléments constitutifs Qualités


(existence de la possession d’état) (caractères de la possession d’état)
Le traitement (tractatus) : l’intéressé est ou a été Continue (appréciation souple de la jurisprudence
traité par le parent prétendu comme son enfant et définition variable).
et réciproquement ; le parent prétendu a élevé Paisible (non entachée du vice de « violence »).
l’enfant, pourvu à son entretien et son éducation.
Publique (non clandestine).
La réputation (fama) : croyance par les tiers
– famille, amis, société – et l’autorité publique Non équivoque (la possession d’état peut être
que l’enfant est bien celui du parent prétendu. jugée équivoque lorsqu’elle existe de manière
concurrente à l’égard de deux hommes,
Le nom (nomen) : l’enfant porte le nom du parent par exemple1).
prétendu.

173. Acte de notoriété. Un acte de notoriété est nécessaire pour faire la preuve non contentieuse
de la possession d’état. Cet acte peut, selon l’article 317 du Code civil, être demandé par le
père et/ou la mère du vivant de l’enfant – quel que soit son âge – ou après son décès. La
possession d’état prénatale peut d’ailleurs être prise en compte. Il faudra démontrer, par
exemple, la participation aux choix des nom(s) et prénom(s) de l’enfant, la présence lors
du suivi médical de la grossesse, les démarches d’inscription en crèche ou de recherche
d’assistante maternelle, l’achat de meubles et/ou des travaux pour la chambre de l’enfant2.
L’acte peut aussi être demandé par l’enfant, du vivant de son parent prétendu ou après
son décès. Il est en effet possible pour un enfant d’invoquer la possession d’état à l’égard
de son parent décédé, notamment pour prouver sa qualité d’héritier.
La demande est faite au notaire3, dans un délai de cinq ans à compter de la cessation de
la possession d’état alléguée ou du décès du parent prétendu4. L’acte de notoriété sera
établi sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et, si nécessaire, de tout autre
document qui atteste une réunion suffisante de faits au sens de l’article 311-1. Mentionné
en marge de l’acte de naissance de l’enfant, il fera foi de la possession d’état jusqu’à preuve
contraire, laquelle pourra être rapportée dans le cadre d’une action en contestation de la
filiation établie par possession d’état5.

1. Circ. 30 juin 2006, préc. : « Le caractère équivoque peut notamment résulter d’une fraude ou d’une violation de la loi. Il peut
en être ainsi lorsque la possession d’état est invoquée pour contourner les règles régissant l’adoption, l’interdiction d’établir
la filiation incestueuse ou la gestation pour le compte d’autrui. Le caractère équivoque peut également résulter du conflit
de possessions d’état successives ou concurrentes ».
2. La circ. du 28 nov. 2011, préc., pp.161-162, prévoit la possibilité de demander un acte de notoriété prénatal.
3. L. n° 2019-222 du 23 mars 2019.
4. Après 5 ans il est possible d’agir en constatation de la possession d’état devant le Tribunal judiciaire, dans le délai de dix ans
à compter du jour où l’enfant a été privé de l’état qu’il réclame. Cf. infra n° 187.
5. Cf. infra n° 190.

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Civ. 1re, 7 mars 2018, n° 17-70039, avis sur saisine
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants
du code de procédure civile ;
Vu la demande d’avis formulée le 27 octobre 2017 par le tribunal d’instance de Saint-
Germain-en-Laye, reçue le 8 décembre 2017, dans une instance concernant Mmes X… et
Y…, en présence du procureur de la République près le tribunal de grande instance de
Versailles, et ainsi libellée :
« Les articles 317 et 320 du Code civil autorisent-ils la délivrance d’un acte de notoriété
faisant foi de la possession d’état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent
envers lequel la filiation est déjà établie ?
En cas de réponse négative, l’impossibilité de délivrer un acte de notoriété faisant foi de
la possession d’état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la
filiation est déjà établie méconnaît-elle l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3,
§ 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant ? Et peut-elle constituer, au regard
des circonstances de fait appréciées concrètement par le juge d’instance, une atteinte
disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale consacré par l’article 8 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au regard
du but légitime poursuivi ? »
Vu les observations écrites de Me Z… pour Mme X… ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Sassoust,
avocat général, entendu en ses observations orales ;
MOTIFS :
En ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a expres-
sément exclu qu’un lien de filiation puisse être établi à l’égard de deux personnes de même
sexe, si ce n’est par l’adoption.
Ainsi, l’article 6-1 du Code civil, issu de ce texte, dispose que le mariage et la filiation adoptive
emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux
prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe
différent ou de même sexe.
Les modes d’établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre Ier du Code civil,
tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou encore la possession d’état,
n’ont donc pas été ouverts aux époux de même sexe, a fortiori aux concubins de même sexe.
En toute hypothèse, l’article 320 du Code civil dispose que, tant qu’elle n’a pas été contestée
en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation
qui la contredirait.
Ces dispositions s’opposent à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles
soient établies à l’égard d’un même enfant.
Il en résulte qu’un lien de filiation ne peut être établi, par la possession d’état, à l’égard
du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie.
Le contrôle de conventionnalité, au regard de l’article 3, § 1, de la Convention de New-York
du 20 novembre 1989 et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme

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et des libertés fondamentales, relève de l’examen préalable des juges du fond et, à ce titre,
échappe à la procédure de demande d’avis.
En conséquence,
LA COUR EST D’AVIS QUE :
1°) Le juge d’instance ne peut délivrer un acte de notoriété faisant foi de la possession
d’état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est
déjà établie.
2°) La seconde question relève de l’examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappe
à la procédure de demande d’avis.

§2. Les actions en justice relatives à la filiation


L’ordonnance du 4 juillet 2005 a transformé et simplifié les actions relatives à la filiation,
dans un esprit égalitaire et de sécurisation. Certaines règles s’appliquent à toutes ces
actions (A), tandis que d’autres sont spécifiques aux actions relatives à l’établissement de
la filiation (B) et aux actions en contestation de la filiation (C).

A. Les règles générales applicables aux actions relatives à la filiation

174. Compétence. L’action est exercée devant le tribunal judiciaire du lieu où demeure le
défendeur, qui statue en formation collégiale, les débats ayant lieu en chambre du conseil.
175. Capacité. En principe, le mineur seul ne peut agir en justice. Il est, pour ce faire, représenté
par son ou ses parents, ou à défaut son tuteur. Mais un administrateur ad hoc est désigné
dans les cas où il existe une opposition d’intérêt.
176. Rétroactivité. Les actions relatives à la filiation sont déclaratives : elles déclarent un lien
de filiation qui préexiste ou annulent un lien de filiation qui n’a jamais existé. Par consé-
quent, une fois que le juge a déclaré ou annulé ce lien, le jugement produit des effets qui
remontent à la naissance.
177. Indisponibilité. « Les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet d’une renon-
ciation »1, autrement dit une personne ne peut pas renoncer à exercer une action en justice
aux fins d’établir ou de contester sa filiation2. Plus généralement, on ne peut pas faire de
convention portant sur la filiation3, l’article 16-7 du Code civil prohibant en particulier les
conventions de mère porteuse4.

1. C. civ., art. 323.


2. Civ. 1re, 25 sept. 2013, n° 12-24588 : « Attendu […] que les actions relatives à la filiation ne pouvant faire l’objet de renonciation,
la cour d’appel a, à bon droit, retenu que Mme A… ne pouvait avoir valablement renoncé, au nom de son enfant, à rechercher
si M. Z… était le père de ce dernier ».
3. Sur la procréation médicalement assistée avec don de gamètes (les membres du couple doivent exprimer leur consentement
dans un écrit préalable et ne peuvent ensuite plus contester la filiation), cf. infra n° 192 s.
4. Cf. infra n° 199 s.

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178. Viabilité. Une action visant à établir la filiation ne peut concerner un enfant qui n’est pas
né viable et qui n’a donc pas acquis la personnalité juridique1.
179. Prescription. L’article 321 du Code civil pose le principe selon lequel « sauf lorsqu’elles sont
enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent
par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a
commencé à jouir de l’état qui lui est contesté. À l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu
pendant sa minorité ». Le délai de droit commun pour exercer une action relative à la
filiation est donc de dix ans. Avant la réforme de 2005, il était de trente ans. L’action peut
être exercée par les héritiers d’une personne décédée avant l’expiration du délai qui lui
était imparti pour agir2. Les héritiers peuvent aussi poursuivre l’action qui avait été engagée
dans les délais par leur auteur.
180. Adoption. Si l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière, il ne peut plus faire établir
judiciairement sa filiation biologique3.
181. Inceste absolu. En outre, s’il existe entre les père et mère de l’enfant un des empêchements
à mariage prévus par les articles 161 et 162 du Code civil pour cause de parenté4, l’établis-
sement de la filiation à l’égard de l’un des parents interdit l’établissement par quelque
moyen que ce soit, du second lien de filiation, qui ferait apparaître l’inceste5.
182. Chronologie. Enfin, selon l’article 320 du Code civil, « tant qu’elle n’a pas été contestée en
justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation
qui la contredirait ». Ainsi, lorsque l’enfant a déjà un lien de filiation légalement établi, celui
qui veut établir un lien de filiation contraire doit au préalable contester et faire annuler
en justice le premier lien de filiation. Ce principe chronologique vise à prévenir les conflits
de filiation, c’est-à‑dire les hypothèses dans lesquelles la filiation d’un enfant est simulta-
nément établie légalement à l’égard de deux hommes ou deux femmes.
183. Preuve. Si la demande en justice est recevable au regard des règles ci-dessus, il faudra
ensuite apporter la preuve requise afin de démontrer au juge son bien-fondé. Au cours
d’une action en justice relative à la filiation, la preuve se fait en principe par tout moyen
légalement admissible. Concrètement, dans la plupart des cas, la preuve de la paternité ou
de la non-paternité sera rapportée en justice par une expertise biologique ou génétique6.
1. C. civ., art. 318. Il est possible, à certaines conditions (C. civ., 79-1 al. 2), de demander un acte d’enfant sans vie mais la filiation
n’est pas établie.
2. C. civ., art. 322.
3. C. civ., art. 352.
4. C’est-à‑dire entre ascendants et descendants et entre frères et sœurs.
5. C. civ., art. 310-2. Cf. pourtant Caen, 8 juin 2017, n° 16/01314 : la Cour d’appel a infirmé le jugement ayant annulé le lien de
filiation maternel. Elle a considéré que les filiations paternelle et maternelle avaient été établies de manière concomitante
et statué au regard de l’intérêt particulier de l’enfant et des conséquences dommageables qu’aurait, dans la construction
de son identité, l’annulation d’un lien de filiation sur lequel s’est construite jusqu’à présent sa place dans l’histoire familiale.
6. Les expertises génétiques sont régies par les articles 16-11 et 16-12 C.civ. issus des lois bioéthiques. L’identification d’une
personne par ses empreintes génétiques n’est possible que dans le cadre des mesures d’enquête ou d’instruction diligentées
lors d’une procédure judiciaire ou à des fins de recherche scientifique. C’est donc le juge qui l’ordonne lorsqu’il est saisi d’une

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La Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 28 mars 20001, que « l’expertise biologique
est de droit, en matière de filiation, sauf motif légitime de ne pas y procéder ». Cela signifie
qu’il suffit que l’une des parties au procès la réclame pour que le juge l’ordonne, sauf à
motiver expressément son refus par un motif légitime. L’inutilité de l’expertise, l’impos-
sibilité matérielle d’y procéder en raison notamment de l’impossibilité de localiser le père
prétendu2 ou encore le caractère abusif de la demande motivée par des fins dilatoires ou
rancunières peuvent être considérés comme des motifs légitimes de refus. Au contraire,
ni le caractère tardif de l’action engagée par le père prétendu, ni l’absence de preuve de
relations intimes de ce dernier avec la mère, ni l’absence de décision irrévocable sur la
recevabilité de l’action en recherche de paternité, ni même, en soi, l’intérêt de l’enfant, ne
constituent des motifs légitimes de refuser l’expertise biologique3.
Le consentement exprès de l’intéressé doit être préalablement recueilli. Mais lorsque le
refus de se soumettre à une expertise n’est pas justifié, le juge en tire des conséquences et
peut considérer, en particulier lorsque le refus est corroboré par d’autres éléments, qu’il
s’agit d’un aveu implicite4.
Enfin, la loi du 6 août 2004 portant révision des lois bioéthiques a interdit les empreintes
génétiques post mortem, autrement dit l’exhumation d’un cadavre dans les procès de
filiation5. Une identification par empreintes génétiques ne peut donc plus être réalisée
après le décès si le défunt n’y avait pas expressément consenti de son vivant6.

Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 15-16696


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 juin 2014), statuant sur renvoi après
cassation (Civ. 1re, 25 septembre 2013, n° 12-19. 528), que M. X… a assigné en référé Mme Y…
pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la réalisation
d’un test de paternité sur lui-même et l’enfant de celle-ci, Raphaël Y…, né le 7 janvier 2010 ;

action relative à la filiation et elle est réalisée par des experts judiciaires. Cf. Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 15-16696, Dr. fam. 2016,
n° 9, comm. 173, H. Fulchiron et Civ. 1re, 19 sept. 2019, n° 18-18473.
1. Civ. 1re, 28 mars 2000, n° 98-12806, Dr. fam. 2000, comm. 72, P. Murat ; JCP 2001, I, 362, obs. L. Cadiet ; JCP 2001, I, 332, obs.
Y. Favier ; RTD civ. 2000, p. 304, obs. J. Hauser ; D. 2000, 731, note T. Garé ; D. 2001, 976, obs. F. Granet-Lambrechts ; D. 2001,
2868, obs. C. Desnoyer.
2. Civ. 1re, 2 décembre 2020, n° 19-21.850.
3. Civ. 1re, 14 janv. 2015, n° 13-28256 ; Civ. 1re, 13 juill. 2016, n° 15-22848, Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 18-20.961, reproduit infra n° 185.
4. C. pr. civ., art. 11 al. 1. Civ. 1re, 18 nov. 2015, n° 14-23096, Dr. fam. 2016, n° 2, comm. 28, A-C. Réglier ; CEDH, 2 juin 2015, Canonne
c/ France, n° 22037/13 ; Civ. 1re, 11 mai 2016, n° 15-18312.
5. Elle avait été admise avant la loi bioéthique du 10 août 2004. Cf. l’affaire Montand : Paris, 6 nov. 1997, D. 1998.118, note
Ph. Malaurie ; JCP 1998,I,101, n° 3, obs. J. Rubellin-Devichi ; Dr. fam. 1998, 4, obs. P. Catala ; Defrénois 1998, art. 36753, obs. J.
Massip ; RTD civ. 1998.87, obs. J. Hauser. La Cour d’appel avait ordonné l’exhumation du corps afin de faire pratiquer une
identification génétique, laquelle avait conclu à l’absence de paternité, alors que les juges de première instance (TGI Paris,
6 sept. 1994), tirant les conséquences du refus du défendeur de se soumettre aux expertises et relevant notamment la ressem-
blance physique frappante entre l’enfant et le père prétendu, avaient conclu à la paternité.Un contrôle de conventionnalité
in concreto pourrait toutefois conduire à ce que cette exclusion de principe soit écartée dans certaines situations. Cf. en ce
sens J. Garrigue et A. Gouëzel, « Recevabilité des actions relatives à la filiation : droit au respect de la vie privée ou sécurité
juridique ? », RJPF 2020, n° 10, p. 37, sur CEDH, 16 juin 2020, Boljevic c/ Serbie, n° 47443/14 et 30 juin 2020, Bocu c/ Roumanie,
n° 58240/14.
6. Cf. Cons. Const., 30 sept. 2011, décision QPC n° 2011-173.

134

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Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu que M. X… soutient qu’une déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 16-11 du
Code civil, à intervenir à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par
lui, doit priver l’arrêt de tout fondement juridique ;
Attendu que, par arrêt du 2 décembre 2015 (n° 1485 F-P + B), la Cour de cassation a dit n’y
avoir lieu à renvoi devant le Conseil constitutionnel ; que le moyen est devenu sans objet ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l’article 16-11, alinéa 5,
du Code civil, qui prévoit qu’en matière civile l’identification d’une personne par ses
empreintes génétiques ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction
ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation
d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides, en imposant à celui
qui soupçonne sans certitude être le père d’un enfant de le reconnaître préalablement de
manière mensongère, pour ensuite introduire en justice une action en contestation de sa
reconnaissance à l’occasion de laquelle l’expertise génétique, qui est de droit en matière de
filiation, pourra être ordonnée afin de vérifier le lien biologique de filiation, est contraire au
droit au respect de la vie privée et familiale, tel que garantit par l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme ; qu’en retenant cependant, pour juger que l’article 16-11
du Code civil s’opposait à ce qu’une expertise génétique soit ordonnée, qu’aucune action
judiciaire relative à la filiation paternelle de l’enfant n’avait été intentée, la cour d’appel a
méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de M. X… et a ainsi violé l’article 8
de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2°/ que, selon les termes de l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant
du 20 novembre 1989, l’enfant se voit reconnaître « dans la mesure du possible, le droit de
connaître ses parents et être élevé par eux » ; que le juge doit en toutes circonstances en
assurer la protection dans ses décisions (article 3 de la CIDE), de sorte que l’intérêt supérieur
de l’enfant peut justifier qu’un homme qui se déclare prêt à le reconnaître obtienne, avant
tout litige, une expertise en vue de s’assurer de la véracité de sa paternité ; qu’en se bornant
à relever que l’intérêt supérieur de l’enfant commandait de ne pas faire droit à la demande
d’expertise génétique formée par M. X…, parce que l’établissement d’une filiation par le
père, qui serait une démarche responsable et raisonnée, ne pourrait être lié par principe à
la vérification scientifique préalable de sa paternité, quand l’intérêt supérieur de l’enfant
commandait, tout au contraire, qu’une expertise soit ordonnée pour que M. X… puisse, en
toute connaissance de cause, décider de reconnaître l’éventuel lien de filiation qui pourrait
être confirmé par la mesure sollicitée, la cour d’appel a violé les articles 3 et 7 de la Convention
internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ensemble l’article 145 du code
de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt retient, à bon droit, qu’il résulte du cinquième alinéa de l’article 16-11
du Code civil qu’une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques
ne peut être ordonnée en référé mais seulement à l’occasion d’une instance au fond relative
à la filiation ;
Et attendu que ces dispositions, qui ne privent pas M. X… de son droit d’établir un lien de
filiation avec l’enfant ni de contester une paternité qui pourrait lui être imputée, ne portent

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pas atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale ; qu’elles ne méconnaissent
pas davantage le droit de l’enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

Civ. 1re, 12 juin 2018, n° 17-16793


Sur le moyen unique : Vu les articles 16-11, alinéa 6 et 310-3 du Code civil, ensemble l’article 145
du code de procédure civile ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a assigné en référé M. Y…
pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la réalisation d’un
examen comparé des sangs, en soutenant que celui-ci avait entretenu une relation stable et
continue avec sa mère à l’époque de sa conception ; Attendu que, pour accueillir la demande,
l’arrêt retient que si une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques
ne peut être ordonnée en référé mais seulement à l’occasion d’une instance au fond relative
à la filiation, le juge des référés peut, en présence d’un motif légitime, prescrire un examen
comparé des sangs ; Attendu que la Cour de cassation a décidé que le juge des référés peut,
en application de l’article 145 du code de procédure civile, ordonner un examen comparé
des sangs s’il existe un motif légitime d’y procéder (1re Civ., 4 mai 1994, pourvoi n° 92-17.911,
Bull. 1994, I, n° 159) ; que, cependant, cette jurisprudence est antérieure à l’entrée en vigueur
de l’article 16-11 du Code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, qui dispose qu’en
matière civile, l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être
recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action
tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou
la suppression de subsides ; que, faisant application de ce texte, la Cour de cassation a jugé
qu’une mesure d’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être
ordonnée en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile (1re Civ.,
8 juin 2016, pourvoi n° 15-16.696, Bull. 2016, I, n° 131) ; Attendu que, dès lors que les expertises
biologiques en matière de filiation poursuivent une même finalité et présentent, grâce aux
évolutions scientifiques, une fiabilité similaire, cette jurisprudence doit être étendue aux
examens comparés des sangs ; D’où il suit que la cassation est encourue et qu’elle peut avoir
lieu sans renvoi, en application de l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ; PAR
CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 mars 2017,
entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; Rejette
la demande d’expertise biologique par examen comparé des sangs ;

Au-delà de ces principes généraux, il convient d’étudier plus précisément les règles s’appli-
quant à chacune des actions relatives à la filiation, en distinguant celles qui ont pour objet
d’établir la filiation de celles qui ont au contraire pour objet de la contester.

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B. Les actions relatives à l’établissement de la filiation

Ces actions tendent à faire déclarer en justice l’établissement du lien de filiation. Il en existe
quatre. Les trois premières sont fondées sur la recherche de la vérité biologique, tandis
que la dernière est fondée sur la recherche de la vérité sociologique.
184. Action en recherche de maternité. Une seule action en recherche de maternité est
envisagée par le Code civil, à l’article 325. L’action obéit donc aux mêmes règles, qu’il
s’agisse d’établir une filiation maternelle en ou hors mariage. Rappelons néanmoins que
dans l’immense majorité des cas, le nom de la mère sera indiqué dans l’acte de naissance et
donc la filiation maternelle établie automatiquement. Cette action n’a lieu d’être que si la
filiation maternelle n’est établie ni par la désignation de la mère dans l’acte de naissance,
ni par reconnaissance, ni par possession d’état.
Le demandeur est l’enfant, qui agit contre la mère prétendue ou ses héritiers, personnel-
lement s’il est majeur ou émancipé, par l’intermédiaire de son représentant s’il est mineur.
Le délai de prescription est, conformément au droit commun, de dix ans à compter de la
naissance et suspendu pendant la minorité de l’enfant, lequel peut donc peut agir jusqu’à
ses vingt-huit ans. Il faut prouver l’accouchement de la mère prétendue et l’identité de
l’enfant avec celui dont elle a accouché. Si l’action aboutit, la filiation maternelle est
déclarée rétroactivement établie.
La loi du 16 janvier 20091 a supprimé la fin de non-recevoir spécifique à l’action en recherche
de maternité, tirée de l’accouchement secret de la mère, sans toutefois remettre en cause la
possibilité pour celle-ci de demander le secret de son identité lors de la naissance2. L’enfant
dont la mère a accouché sous X peut donc, à condition de ne pas avoir été adopté et d’avoir
accédé à l’identité de celle qu’il recherche, exercer une action contre cette dernière visant
à lui imposer sa maternité. En pratique l’hypothèse sera bien rare.
185. Action en recherche de paternité hors mariage. Il existe deux actions visant spécifiquement
à établir la paternité3. La première, prévue à l’article 327 du Code civil, concerne la paternité
hors mariage. Elle est réservée à l’enfant et donc exercée par lui ou son représentant en
son nom s’il est mineur, contre son père prétendu ou ses héritiers4. Le délai de prescription
a été élargi par l’ordonnance de 2005 et est passé de deux ans à dix ans à compter de la
naissance, conformément au droit commun, avec suspension pendant la minorité.

1. Préc.
2. C. civ., art. 326. Sur l’équilibre organisé par la loi (dispositions du Code de l’action sociale et des familles) entre le respect dû
au droit à l’anonymat garanti à la mère lorsqu’elle a accouché et le souhait légitime de l’enfant né dans ces conditions de
connaitre ses origines, cf. L. n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles
de l’État ; CEDH, Odièvre c/ France, 13 févr. 2003, Dr. fam. 2003, comm. 58, P. Murat, RTDciv. 2003, p. 276, obs. J. Hauser et
p. 375 obs. J.-P. Marguénaud, JCP 2003, p. 561, obs. A. Gouttenoire et F. Sudre, JCP 2003, p. 285, obs. J. Hauser ; CE, 16 oct.
2019, n° 420230, reproduit infra n° 223.
3. Sur le refus de la Cour de cassation de transmettre une QPC relative à l’égalité homme-femme, cf. Civ. 1re, 28 mars 2013,
n° 13-40001, civ. 1re, 9 nov. 2016, n° 15-20547 et civ. 1re, 4 déc. 2019, n° 19-16634.
4. La mère mineure peut représenter son enfant. Si le père est mineur, il doit être personnellement partie à l’action, en présence
de ses représentants légaux.

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Une évolution importante et par étapes successives a eu lieu à propos de la preuve dans
l’action en recherche de paternité. La loi du 8 janvier 19931, tout en ayant supprimé les cas
d’ouverture de la loi du 3 janvier 19722, prévoyait encore une preuve en deux temps. La
preuve du bien-fondé de la demande devait en effet être précédée de celle de l’admissibilité
de la preuve par production de présomptions ou indices graves rendant vraisemblable la
paternité. L’ordonnance de 2005 a libéré la preuve. Il s’agit désormais de prouver direc-
tement la paternité biologique, par tout moyen.

Civ. 1re, 9 novembre 2016, n° 15-250683


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 31 mars 2015), que, le 12 novembre 2011, M. X…, né le
26 septembre 1962, sans filiation paternelle établie, a assigné M. Y… en recherche de paternité ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite
alors, selon le moyen :
[…]
Mais attendu que, l’action ayant été engagée après l’entrée en vigueur de l’ordonnance
n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, elle est soumise aux disposi-
tions issues de ce texte ;
Que, selon l’article 321 du Code civil, sauf lorsqu’elles sont enfermées par la loi dans un autre
délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la
personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est
contesté ; qu’à l’égard de l’enfant, le délai de prescription est suspendu pendant sa minorité ;
Qu’ainsi, le point de départ du délai de prescription de l’action en recherche de paternité
exercée par l’enfant majeur se situe au jour de sa majorité ;
Attendu que le délai de prescription de l’action en recherche de paternité était de deux ans,
en application de l’article 340-4 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de
l’ordonnance du 4 juillet 2005 ;
Que, selon le IV de l’article 20 de cette ordonnance, sous réserve des décisions de justice
passées en force de chose jugée, les actions en recherche de paternité prévues à l’article 327
du Code civil peuvent être exercées, sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi
ancienne, lorsque, à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la prescription prévue à
l’article 321 n’est pas acquise ; que l’action doit alors être exercée dans le délai restant à courir
à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, sans que ce délai puisse être inférieur à un an ;
Qu’il résulte de ces dispositions transitoires que les enfants devenus majeurs moins de
dix ans avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance pouvaient bénéficier du nouveau délai
de dix ans, sans se voir opposer la forclusion tirée de l’expiration du délai de deux ans prévu
par la loi ancienne ;

1. Préc.
2. Préc.
3. Dr. fam. 2017, n° 1, comm. 9, H. Fulchiron.

138

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Attendu que, selon l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales :
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance ;
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour
autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à
la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;
Que, si l’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation
paternelle constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et
familiale garanti par ce texte, la prescription des actions relatives à la filiation est prévue
par la loi et poursuit un but légitime en ce qu’elle tend à protéger les droits des tiers et
la sécurité juridique ;
Qu’il s’en déduit que, s’agissant en particulier de l’action en recherche de paternité, l’ordon-
nance du 4 juillet 2005 a prévu des dispositions transitoires favorables, dérogeant à la règle
selon laquelle la loi n’a pas, en principe, d’effet sur une prescription définitivement acquise,
afin d’étendre aux enfants nés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance le nouveau délai
de prescription de dix ans ;
Qu’ainsi, ces dispositions, qui ménagent un juste équilibre entre le droit à la connais-
sance et à l’établissement de son ascendance, d’une part, les droits des tiers et la sécurité
juridique, d’autre part, ne méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 8 précité ;
Attendu qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire
qui lui est soumise, la mise en œuvre de ces dispositions ne porte pas, au droit au respect
de la vie privée et familiale garanti par la Convention, une atteinte disproportionnée au
regard du but légitime poursuivi ;
Que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l’action de M. X…, majeur depuis le
26 septembre 1980, n’a été engagée que le 12 novembre 2011, de sorte qu’en application
des textes susvisés, elle est prescrite ; qu’il retient que cette action, qui tend à remettre en
cause une situation stable depuis cinquante ans, porte atteinte à la sécurité juridique et
à la stabilité des relations familiales, M. Y… étant âgé de 84 ans, marié et père d’une fille ;
qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a pu en déduire que la prescription opposée
à M. X… ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée
au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
Qu’il s’ensuit que, la dénaturation alléguée par la première branche du moyen étant sans
incidence sur l’issue du litige et le grief de la deuxième branche étant inopérant, le moyen
ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; […].

139

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Civ. 1re, 8 juillet 2020, n° 18-20961
[…]
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Reims, 24 octobre 2014 et 8 juin 2018), M… Z… est né le […] de
Mme Z… sans filiation paternelle déclarée.
2. Par acte du 22 juin 2011, celle-ci, agissant en qualité de représentante légale du mineur,
a assigné M. R… en recherche de paternité.
Examen des moyens
[…]
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
4. M. R… fait grief à l’arrêt du 24 octobre 2014 de déclarer recevable l’action en recherche
de paternité, alors « que selon l’article 20-IV de l’ordonnance du 4 juillet 2005, seules les
actions prévues par les articles 327 et 329 du Code civil peuvent être exercées sans que puisse
être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne ; que l’ancien article 340-4 du Code civil
prévoyait que l’action en recherche de paternité naturelle ne pouvait être exercée par la mère
que dans un délai de deux ans suivant la naissance de l’enfant ; qu’en l’espèce, il ressort de
la procédure que Mme Z… a attendu le 22 juin 2011, soit plus de huit ans après la naissance
de son fils, le […], pour agir en recherche de paternité contre M. R… sur le fondement de
l’article 328 nouveau du Code civil ; qu’en affirmant que la forclusion tirée de la loi ancienne
n’est pas opposable à cette action, peu important que l’article 20-IV ne vise pas l’article 328
du Code civil, la cour d’appel a violé les articles 20-IV de l’ordonnance du 4 juillet 2005, 328
nouveau du Code civil et 340-4 ancien du même code. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 327 et 328 du Code civil, d’une part, que l’action en recherche de
paternité est réservée à l’enfant, d’autre part, que pendant la minorité de celui-ci, le parent
à l’égard duquel la filiation est établie a seul qualité pour exercer l’action en recherche de
paternité. Il en résulte que l’article 20, IV, de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, qui
prévoit, au titre des dispositions transitoires, que l’action prévue par l’article 327 du Code
civil peut être exercée sans que puisse être opposée la forclusion de deux ans tirée de la loi
ancienne, dès lors qu’à la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, le 1er juillet 2006, la
prescription de dix ans prévue par l’article 321 du même code n’est pas acquise, s’applique
lorsque l’action est exercée par le représentant légal de l’enfant mineur sur le fondement
de l’article 328 du Code civil.
6. Après avoir énoncé à bon droit que l’article 20, IV, de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet
2005 est applicable à toutes les actions en recherche de paternité intentées postérieurement
au 1er juillet 2006, qu’elles soient exercées par la mère pendant la minorité de l’enfant ou
par l’enfant lui-même devenu majeur et relevé que l’action en recherche de paternité
avait été engagée par la mère de l’enfant, en qualité de représentante légale de ce dernier,
postérieurement à l’entrée en vigueur de ces dispositions et dans le délai de 10 ans requis par
l’article 321 du Code civil, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci était recevable.

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7. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur la deuxième et la troisième branches du deuxième moyen
Énoncé du moyen
8. M. R… fait grief à l’arrêt du 8 juin 2018 de le déclarer père de M…, alors :
« 1°/ que l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif
légitime de ne pas y procéder ; que constitue un motif légitime de refuser de se soumettre
à l’expertise biologique judiciairement ordonnée, la circonstance que la question de la
recevabilité de l’action intentée contre soi n’a pas été définitivement tranchée ; que, dans
ses conclusions, M. R… faisait valoir que la recevabilité de l’action de Mme Z… n’étant pas
purgée, il avait refusé de se soumettre à l’examen comparé des sangs ordonné par le juge ;
qu’en retenant, par motifs adoptés, que M. R… ne disposait d’aucun motif légitime pour
s’opposer à la réalisation de l’expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce
qu’il avait connaissance de sa paternité, la cour d’appel a violé l’article 310-3 du Code civil ;
2°/ que le droit à un procès équitable implique que le défendeur à une action en recherche de
paternité puisse refuser de se soumettre à l’expertise biologique judiciairement ordonnée
tant que la question de la recevabilité de l’action intentée contre lui n’a pas été définitivement
tranchée, sans que le juge puisse déduire de ce refus la preuve de sa paternité ; que, dans
ses conclusions, M. R… faisait valoir que la recevabilité de l’action de Mme Z… n’étant pas
purgée, il avait refusé de se soumettre à l’examen comparé des sangs ordonné par le juge ;
qu’en retenant, par motifs adoptés, que M. R… ne disposait d’aucun motif légitime pour
s’opposer à la réalisation de l’expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce qu’il
avait connaissance de sa paternité, la cour d’appel a violé l’article 6, § 1, de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
9. Selon l’article 310-3 du Code civil, l’expertise biologique est de droit en matière de filiation,
sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder.
10. L’absence de décision irrévocable sur la recevabilité d’une action en recherche de
paternité ne peut constituer un motif légitime, même au regard du droit au procès équitable,
pour refuser de se soumettre à une expertise biologique ordonnée à l’occasion de cette
action par le tribunal, s’agissant d’une mesure qui, destinée à lever les incertitudes d’un
enfant sur ses origines, doit être exécutée avec célérité.
11. Après avoir, par motifs propres et adoptés, retenu que l’action était recevable et relevé
que M. R… avait volontairement mis en échec l’expertise génétique ordonnée par le tribunal
en faisant le choix de ne pas déférer aux convocations qui lui avaient été adressées, en vertu
de la décision ordonnant l’expertise, laquelle était exécutoire, la cour d’appel a décidé, à
bon droit, que ce dernier ne disposait d’aucun motif légitime pour s’opposer à la réalisation
de l’expertise génétique et qu’il se déduisait de son refus de s’y soumettre un indice supplé-
mentaire de sa paternité.
12. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

141

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Civ. 1re, 9 novembre 2016, n° 15-205471
Attendu qu’à l’occasion du pourvoi qu’il a formé contre l’arrêt ayant accueilli l’action en
recherche de paternité hors mariage formée par Mme X…, agissant en sa qualité de repré-
sentante légale de l’enfant mineur Nicolas X…, né le 14 juin 2007, M. Y…, par mémoire
distinct du 5 septembre 2016, a présenté une question prioritaire de constitutionnalité
dans les termes suivants :
« Renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de
ce que les dispositions de l’article 327 du Code civil, qui sont applicables en la cause, sont
contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, dès lors qu’en empêchant aux
hommes, contrairement aux femmes, de se soustraire à l’établissement d’une filiation non
désirée, elles ne garantissent pas à la partie demanderesse au pourvoi son droit à ne pas
être discriminé en raison du sexe » ;
Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige ;
Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le
dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu, en premier lieu, que la question posée, ne portant pas sur l’interprétation
d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu
l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu, en second lieu, que la question posée ne présente pas de caractère sérieux au
regard du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, dès lors, d’une part, que la
maternité hors mariage est susceptible d’être judiciairement déclarée, comme la paternité
hors mariage et dans les mêmes conditions procédurales, y compris en cas d’accouchement
dans le secret, lequel ne constitue plus une fin de non-recevoir à l’action en recherche de
maternité, d’autre part, que ni la question elle-même ni le mémoire qui la soutient n’exposent
pour quels motifs d’intérêt général une différence de traitement devrait être instaurée
entre les enfants nés en mariage et ceux nés hors mariage pour priver ces derniers du droit
d’établir leur filiation paternelle en cas de refus de leur père de les reconnaître ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité ;

186. Action en rétablissement des effets de la présomption de paternité du mari. Cette action,
prévue à l’article 329 du Code civil, concerne la paternité en mariage. En effet, lorsque la
présomption de paternité est écartée en application de l’article 313, et n’est pas rétablie de
plein droit sur le fondement de l’article 314, ses effets peuvent être rétablis par jugement
selon l’article 315 du Code civil. Cette action a un intérêt particulier lorsque la mère a
voulu priver le mari d’un enfant qui est le sien en le déclarant à l’état civil sans l’indication
de son nom. Le rétablissement de la présomption par jugement est plus solide que la

1. Cf. aussi Civ. 1re, 4 déc. 2019, n° 19-16634.

142

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reconnaissance par le mari car la filiation issue de ce jugement ne pourra pas être remise
en cause, la paternité ayant été prouvée. La reconnaissance par le mari n’est en outre pas
toujours possible, notamment lorsque l’enfant a déjà été reconnu par un tiers. Le principe
chronologique impose d’ailleurs au demandeur à l’action en rétablissement des effets de la
présomption de paternité de contester, le cas échéant, la paternité antérieurement établie
à l’égard d’un tiers par reconnaissance. Mais les deux demandes peuvent être jointes et la
preuve que le mari est le père inclut celle de la non-paternité du tiers.
Les titulaires de l’action sont, d’une part, les époux en leur nom propre, ensemble ou
séparément, dans le délai spécial de la minorité de l’enfant et, d’autre part, l’enfant majeur,
qui devient, à compter de sa majorité, le seul titulaire de l’action et peut agir pendant les
dix années qui la suivent. Il faudra démontrer que le mari est le père de l’enfant, sous-
entendu le père biologique.
187. Action en constatation de la possession d’état. Cette action prévue à l’article 330 du Code
civil, concerne surtout, en pratique, la filiation paternelle hors mariage. Elle tend à faire
constater, rétroactivement depuis la naissance, un lien de filiation existant par l’effet
de la possession d’état. Tout intéressé peut l’engager, du vivant du parent prétendu ou
après son décès, dans le délai de dix ans à partir de la cessation de la possession d’état ou
du décès du parent prétendu1. Le délai pour agir est ainsi susceptible d’être plus long que
ceux vus précédemment2. La spécificité de cette action consiste en outre dans l’objet de la
preuve, lequel ne porte pas sur la vérité biologique, mais sur l’existence et les qualités de la
possession d’état. Cette preuve est libre, mais « en matière de constatation de la possession
d’état, il ne peut y avoir lieu à prescription d’une expertise biologique »3.

Civ. 1re, 23 novembre 2011, n° 10-269934


Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…- Y… Grégory et Mme X…- Y… Carine, nés respec-
tivement les 17 octobre 1979 et 7 avril 1976 sans filiation paternelle connue, ont assigné,
courant octobre 2007, Mmes Z… Sylvie, A… Catherine, B… Jacqueline, C… Martine, ainsi que
MM. C… Pascal et Jean Louis venant à la succession de Gilbert D…, décédé le 10 septembre
2007, aux fins de voir reconnue à leur égard la paternité naturelle de ce dernier, celui-ci
ayant vécu avec leur mère de 1974 à 1984 ; que, par jugement du 5 mars 2009, le tribunal de

1. Civ. 1re, 16 mars 2016, n° 14-21.457, Dr. fam. 2016, n° 5, comm. 106 A.-Cl. Réglier : le délai court à compter du jour de l’entrée
en vigueur de l’ordonnance du 4 juill. 2005 (1er juill. 2006), sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi
antérieure.
2. Cf. Civ. 1re, 2 déc. 2020, n° 19-20279. La prescription de l’action en recherche de paternité n’est pas un obstacle à l’exercice
de l’action en constatation de la possession d’état : la demande formée par deux enfants nés hors mariage en recherche
de paternité contre les héritiers de leur père prétendu après son décès étant jugée prescrite, leur demande subsidiaire en
constatation de leur possession d’état est admise sur le fondement de l’art. 330 (Civ. 1re, 23 nov. 2011, n° 10-26993, reproduit
ci-dessous).
3. Civ. 1re, 6 déc. 2005, n° 03-15588 et Civ. 1re, 16 juin 2011, n° 08-20475. La Cour de cassation statue sur la rédaction des textes
antérieure à l’ordonnance de 2005 mais le raisonnement est transposable.
4. Pour une décision considérant que la possession d’état n’est pas établie : Civ. 1re, 9 février 2011, n° 09-71691 (textes antérieurs
à ceux issus de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005).

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grande instance de Vienne a déclaré prescrite leur action en recherche de paternité, mais
recevable celle en constatation de possession d’état d’enfants naturels et les a dit enfants
naturels de Gilbert D… ;
Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que Mme Z…, sœur de Gilbert D…, fait grief à l’arrêt (Grenoble, 15 septembre 2010)
d’avoir déclaré recevable l’action en constatation de possession d’état d’enfants naturels
des consorts X…- Y…, alors, selon le moyen, que :
1°/ la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005
« portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant certaines dispositions relatives
à la filiation » ne modifie l’article 330 du Code civil que pour fixer la date maximale des
effets de la possession d’état d’enfant au décès du père prétendu, sans préjudice d’une
durée moindre ; qu’en affirmant que cette loi « décide que la date de point de départ de
la cessation de la possession d’état est fixée au jour où le parent présumé est décédé », la
cour d’appel a violé par fausse interprétation l’article 330 du Code civil, dans sa rédaction
issue de la loi précitée ;
2°/ en affirmant purement et simplement que les consorts X… Y… avaient été privés de la
possession d’état le jour du décès de leur père prétendu, Gilbert D…, le 10 septembre 2007,
sans caractériser, pour chacun des intéressés, une possession d’état d’enfant continue,
paisible, publique et non équivoque jusqu’à la date du décès, par des événements signifi-
catifs dûment datés, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de
l’article 330 du Code civil, issu de la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ensemble les articles 311-1
et 311-2 du même code ;
3°/ lorsque la possession d’état n’a pas perduré jusqu’au décès du père prétendu, l’action en
constatation de la possession d’état doit être exercée au plus tard dans le délai de dix ans
à compter de la majorité de l’enfant ; qu’en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait déclarer
recevables les actions exercées par Carine X… Y… et Gregory X… Y…, sans rechercher, ainsi
qu’elle y était invitée par Mme Z… dans ses conclusions d’appel, si ces actions, introduites
au mois d’octobre 2007, n’étaient pas prescrites pour avoir été exercées plus de dix ans
après leur majorité, advenue le 7 avril 1994 en ce qui concerne Carine X… Y… et le 17 octobre
1997, en ce qui concerne Gregory X… Y… ; qu’en l’absence de cette recherche, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 321 et
330 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 330 du Code civil dispose que la possession d’état
peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à
compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu, l’arrêt retient, à bon droit, qu’ayant
été privés de possession d’état le jour du décès de leur père présumé avec lequel ils avaient
continué à entretenir des relations jusqu’à ce jour, le 10 septembre 2007, les consorts X…-
Y… pouvaient agir en constatation de possession d’état jusqu’en septembre 2017, de sorte
qu’ayant fait délivrer leur assignation le 11 octobre 2007, leur action était recevable ; que le
moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […].

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Illustration de l’arrêt Civ. 1re, 23 novembre 2011, n° 10-26993

L’action en constatation de la possession d’état est recevable alors que l’action en recherche de paternité
ne l’est pas.

Différence entre la demande d’acte de notoriété et l’action


en constatation de la possession d’état

Action en constatation de la possession


Acte de notoriété d’état
Compétence du notaire. Compétence du TJ.

Procédure gracieuse. Procédure contentieuse.

Ne peut être demandé que par les père et mère Peut être exercée par tout intéressé.
ou l’enfant.

La demande doit être faite dans le délai Le délai de prescription est de dix ans à partir
de cinq ans à compter du jour où la possession de la cessation de la possession d’état ou du décès
d’état a cessé ou du décès du parent prétendu1. du parent prétendu2.

Acte délivré sur production de trois Preuve libre, mais il ne peut y avoir lieu à
témoignages et, si nécessaire, de documents prescription d’une expertise biologique.
complémentaires.

Ceux qui prétendent contester la filiation ainsi L’établissement de la filiation par le jugement
établie peuvent apporter la preuve contraire ne peut pas être remis en cause, sinon par les voies
en exerçant une action en contestation de recours.
de la possession d’état (cf. infra).

1. Y compris s’il est décédé avant la déclaration de naissance.


2. Si le délai de sollicitation de l’acte de notoriété est dépassé ou que le notaire l’a refusé, l’action est possible si les conditions
de son ouverture sont remplies.

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Actions en établissement de la filiation

Action
Action en rétablissement Action
Action en recherche des effets en constatation
en recherche de paternité de la présomption de la possession
de maternité hors mariage de paternité d’état
C.civ., art. 325 C. civ., art. 327 à l’égard du mari C. civ., art. 330
C. civ., art. 329

Titulaires Enfant Enfant Chacun des époux Tout intéressé


de l’action Enfant majeur

Délai 10 ans 10 ans Un ou deux époux : 10 ans


de prescription1 minorité de l’enfant

naissance naissance Cessation


Enfant : 10 ans de la possession
qui suivent
Point de départ d’état ou décès
la majorité du parent
prétendu

Accouchement Paternité Paternité du mari Possession


de la mère d’état (existence
prétendue et qualités)
+
Objet Identité
de la preuve de l’enfant
avec celui dont
elle a accouché

Vérité biologique Vérité biologique Vérité biologique Vérité sociologique

L’article 331 précise que lorsqu’une action en établissement de la filiation est exercée, le
tribunal statue, s’il y a lieu, sur l’exercice de l’autorité parentale, la contribution à l’entretien
et à l’éducation de l’enfant et l’attribution du nom.

C. Les actions relatives à la contestation de la filiation.

188. Évolution. Ces actions ont pour objet de faire annuler un lien de filiation légalement établi.
La loi les enfermait dans des conditions strictes et avait conduit la jurisprudence à en créer
de nouvelles par le biais contestable de l’interprétation a contrario de certains articles du
Code civil2. Certaines actions visant à anéantir une filiation étaient alors rendues possibles
pendant trente ans. L’ordonnance du 4 juillet 2005 a profondément réformé la contes-
tation de la filiation dans un souci de simplification, de prise en considération des progrès
scientifiques et de l’évolution des mentalités, prenant acte du fait que la paternité hors

1. C. civ., art. 321 : à l’égard de l’enfant, le délai est suspendu pendant sa minorité.
2. C. civ., art. 322 al. 2 et 334-9 anc.

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mariage, voire l’absence de paternité, est plus facilement admise, tandis que la paternité
fictive l’est plus difficilement. Mais elle a également pris soin d’assurer la stabilité de la
filiation. Il en résulte un équilibre subtil entre vérité et stabilité, s’exprimant à travers les
deux types d’actions en contestation.
189. Les actions en contestation de maternité et de paternité. L’article 332 du Code civil dispose
que « la maternité peut être contestée en rapportant la preuve que la mère n’a pas accouché
de l’enfant. La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur
de la reconnaissance n’est pas le père ». La seule preuve à rapporter, par tout moyen,
est donc celle de la non-maternité ou non-paternité. La maternité étant exclusivement
fondée sur l’accouchement, il faut prouver que la mère n’a pas accouché de l’enfant. Si la
filiation maternelle est établie par l’indication du nom de la mère dans l’acte de naissance,
il convient donc de démontrer une substitution ou supposition d’enfant. Si elle est établie
par reconnaissance, il faut montrer que l’enfant reconnu n’est pas le sien. Concernant la
filiation paternelle, il faut prouver que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas
le père véritable, autrement dit le père biologique.
Mais le régime juridique de l’action diffère en fonction de la manière dont la filiation est
établie et vécue, et conduit, pour savoir, en amont de la preuve, si l’action est recevable, à
distinguer la filiation établie par un titre corroboré par la possession d’état et la filiation
établie par un titre sans possession d’état conforme. Constituent des titres, l’acte de
naissance et l’acte de reconnaissance.
Filiation établie par un titre corroboré par la possession d’état. Selon l’article 333 al. 1 du Code
civil, lorsque la possession d’état est conforme au titre, seuls peuvent agir en contestation
l’enfant, représenté s’il est mineur, l’un de ses père et mère ou celui qui se prétend parent
véritable1. L’action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d’état a cessé
ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.
En outre, l’article 333 al. 2 prévoit que nul, à l’exception du ministère public2, ne peut contester
la filiation lorsque la possession d’état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis
la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement3.

1. L’action en contestation de paternité doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le père dont la paternité est contestée
et contre l’enfant : Civ. 1re, 1er févr. 2017, n° 15-27245, Dr. fam. 2017, comm. 101, H. Fulchiron.
2. Le ministère public peut contester la filiation de l’enfant en cas de fraude ou d’indices contenus dans l’acte rendant la filiation
invraisemblable même si filiation est confortée par une possession d’état supérieure à cinq ans (C. civ., art. 336). Pour un ex.
d’application de l’art. 336 et la notion de fraude à la loi concernant une reconnaissance mensongère, cf. Toulouse, 16 mai
2017, Dr. fam. 2017, n° 10, comm. 207, H. Fulchiron.
3. La Cour de cassation a qualifié ce délai de délai de forclusion, susceptible d’être interrompu par une demande en justice
mais pas suspendu à l’encontre de celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement : Civ. 1re, 1er févr. 2017,
n° 15-27245, préc. et Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 19-12348, Dr. fam. 2020, comm. 118, C. Siffrein-Blanc.Sur le point de départ du
délai de l’art. 333 al. 2, cf. Civ. 1re, 21 sept. 2016, n° 15-24226 : « Qu’en statuant ainsi, alors que l’ordonnance n° 2005-759 du
4 juillet 2005 était entrée en vigueur le 1er juillet 2006, de sorte que le délai de cinq ans prévu par l’alinéa 2 de l’article 333
du Code civil courait à compter de cette date, la cour d’appel a violé par fausse application les textes susvisés ». Ce délai de
cinq ans est un délai préfix qui doit être soulevé d’office par le juge, le cas échéant.

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Ce délai abrégé et cette fin de non-recevoir spécifique visent à assurer la stabilité d’une
filiation biologiquement très vraisemblable dans la mesure où la vérité sociologique
vient corroborer la vérité juridique, dans l’intérêt présumé du parent et de l’enfant, mais
également pour des considérations d’intérêt général. Ces limites à l’action sont pour autant
régulièrement contestées, comme constituant une violation de l’article 8 de la Convention
européenne des Droits de l’homme, en particulier lorsque la vérité sociale ne correspond
en réalité pas à la vérité biologique1.
Filiation établie par un titre non corroboré par la possession d’état. Ici la filiation est un peu moins
vraisemblable. Par conséquent l’action peut, selon l’article 334, être engagée par toute
personne qui y a intérêt – par exemple les « demi-frères » et « demi-sœurs » – dans le délai
de droit commun, qui court à compter de la naissance lorsque la filiation a été établie par
l’acte de naissance ou à compter de la reconnaissance lorsque la filiation est établie ainsi2.

Illustration C. civ., art. 333.

1. Sur la question de la conformité de la fin de non-recevoir spécifique de l’art. 333 al. 2 à l’article 8 Conv. EDH, cf. notamment
Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-20790, Dr. fam. 2015, comm. 163 C. Neirinck ; D. 2015, p. 2365 note H. Fulchiron ; RTD civ. 2015, 596,
obs. J. Hauser : La mère, se heurtant à la fin de non-recevoir car la possession d’état conforme à la présomption de paternité
de son ex-mari avait duré plus de 5 ans, a saisi le procureur de la République pour qu’il agisse sur le fondement de l’art. 333
al. 2. Le Procureur a assigné l’enfant, le mari, la mère et les filles du second mari pour qu’un examen comparé de l’ADN soit
ordonné. La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir répondu aux conclusions de la mère, du fils et de
l’ex-mari faisant valoir qu’un juste équilibre devait être ménagé, dans la mise en œuvre de l’article 8 entre l’intérêt du fils de
voir établir sa filiation biologique et l’intérêt des héritières du nouveau mari, père véritable prétendu, qui s’opposaient à cet
établissement. Cf. aussi Civ. 1re, 6 juill. 2016, n° 15-19853 ; Civ. 1re, 1er févr. 2017, n° 15-27245, préc. : « Mais attendu que M. X… s’est
borné, dans ses conclusions d’appel, à invoquer la prééminence de la vérité biologique ; qu’après avoir constaté la possession
d’état de l’enfant à l’égard de M. A…, l’arrêt énonce que le législateur a choisi de faire prévaloir la réalité sociologique à l’expi-
ration d’une période de cinq ans pendant laquelle le père légal s’est comporté de façon continue, paisible et non équivoque
comme le père de l’enfant, ce qui ne saurait être considéré comme contraire à l’intérêt supérieur de celui-ci ; que la cour
d’appel, qui a ainsi procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ». Cf. sur l’art. 333 dans sa
globalité Civ. 1re, 24 février 2011, n° 10-40068 : non-lieu à renvoi d’une QPC (équilibre entre les composantes biologique et
affective de la filiation ; stabilisation de la filiation).
2. Contestation de reconnaissance prénatale : le délai court à partir de la naissance.

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Civ. 1re, 22 octobre 2014, n° 13-22555
Sur le moyen unique :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… et Abel Y… se sont mariés le 11 septembre 1958 ;
que neuf enfants ont été inscrits à l’état civil comme étant nés de leur union entre 1958 et
1974 : Calvin, Edouard, Claudine, Claudette, Claude, Calixte, Claudia, Claire et Claudie Y… ;
que les époux ont divorcé le 25 octobre 1974 ; qu’après le décès d’Abel Y…, le 25 juin 2008, les
trois premiers enfants ont, le 23 décembre 2008, assigné les six derniers devant un tribunal
en contestation de sa paternité ; qu’ils ont interjeté appel du jugement ayant déclaré leur
action irrecevable ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que les intimés disposent d’une
possession d’état conforme à leur titre de naissance ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des appelants faisant valoir,
offres de preuve à l’appui, que les intimés avaient une possession d’état à l’égard de M. Z…
pour certains et de M. A… pour les autres, ce qui était de nature à rendre équivoque leur
possession d’état d’enfants en mariage, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du
texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 février
2013, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause
et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d’appel de Fort-de-France ;
[…]

Civ. 1re, 18 novembre 2020, n° 19-13.447


[…]
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2019), O… J… est née le […] de Mme J…
et a été reconnue par l’époux de celle-ci. Par acte du 11 octobre 2016, M. C… a assigné M. et
Mme J… en contestation de paternité et en établissement de sa paternité à l’égard de l’enfant.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables.
Sur le deuxième moyen
Énoncé du moyen
3. M. et Mme J… font grief à l’arrêt de déclarer l’action en contestation de paternité de M. C…
recevable, alors : […]
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles 332 et 333 du Code civil que l’action en contestation de la filiation
doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le parent dont la filiation est contestée
et contre l’enfant.

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5. L’arrêt relève que si la première page de l’assignation mentionne que M. J… a été assigné
en qualité de représentant légal d’O…, il ressort du contenu de celle-ci qu’elle est également
dirigée à titre personnel contre M. J…. Il ajoute que dans ses conclusions devant le tribunal
de grande instance, M. J… a fait valoir ses droits à titre personnel, sollicitant l’annulation
de la reconnaissance qu’il avait effectuée sur l’enfant, levant ainsi toute ambiguïté sur les
qualités en lesquelles il est intervenu comme défendeur.
6. En l’état de ces constatations et appréciations, c’est par une interprétation souveraine,
exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par les contradictions existant entre les
contenus de l’assignation et des conclusions déposées par M. J… avec la première page
de ces documents, que la cour d’appel a estimé que l’action en contestation de la filiation
engagée par M. C… était recevable.
7. Le moyen qui, en ses septième à neuvième branches, critique des motifs surabondants
de l’arrêt, n’est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen
Énoncé du moyen
8. M et Mme J… font grief à l’arrêt de dire que l’autorité parentale sur l’enfant O… sera
exercée en commun par Mme J… et M. C…, alors « que l’intérêt supérieur de l’enfant doit
être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants ; qu’en
estimant qu’il était de l’intérêt de l’enfant de prévoir que l’autorité parentale serait exercée
en commun par M. H… C… et Mme G… B…, épouse J…, tout en constatant que l’enfant O…
n’avait jamais vécu avec M. C… et qu’elle n’avait plus aucun lien avec lui depuis février 2017,
la cour d’appel n’a pas tiré les conséquence légales de ses propres constatations et méconnu
l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. »
Réponse de la Cour
9. L’article 331 du Code civil prévoit que lorsqu’une action en contestation du lien de
filiation est exercée, le tribunal statue, s’il y a lieu, sur l’exercice de l’autorité parentale.
10. Il résulte de l’article 373-2-1 du Code civil que seul l’intérêt de l’enfant, au sens de l’article 3,
§ 1, de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, dont l’appréciation
est souveraine par les juges du fond, peut permettre, en présence de motifs graves, de
déroger au principe légal de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
11. Après avoir énoncé que la loi pose comme principe l’exercice en commun de l’autorité
parentale, l’arrêt relève que la mère d’O… ne démontre aucun élément grave justifiant d’un
exercice exclusif de l’autorité parentale. Il ajoute que M. C… s’est impliqué dans la vie de
l’enfant depuis sa naissance et que celle-ci l’identifie comme son père, les photographies
et attestations versées aux débats témoignant d’une complicité entre le père et la fille,
celui-ci ayant un comportement attentif et affectueux avec elle.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a souverainement
déduit que l’exercice conjoint de l’autorité parentale était conforme à l’intérêt de l’enfant.
13. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen
Énoncé du moyen
14. M. et Mme J… font grief à l’arrêt de dire que l’enfant portera le patronyme J… C…, alors
« que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les

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décisions concernant les enfants ; qu’en retenant qu’il apparaît conforme à l’intérêt supérieur
de l’enfant que celle-ci adjoigne au nom de J… celui de C…, tout en constatant que l’enfant
O… s’identifiait au « clan J… » avec lequel elle avait toujours vécu et qu’un changement de
son nom s’avérerait traumatisant pour elle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations et violé l’article 3 de la Convention internationale des
droits de l’enfant du 20 novembre 1989. »
Réponse de la Cour
15. Le juge qui statue sur l’attribution du nom de l’enfant, sur le fondement de l’article 331
du Code civil, se détermine en considération de l’ensemble des intérêts en présence et,
plus particulièrement, de celui supérieur de l’enfant, qu’elle apprécie souverainement.
16. Après avoir constaté, d’une part, que M. C… entretenait une relation avec O… depuis les
premières années de sa vie, étant présenté comme son père par Mme J…, d’autre part, que
l’enfant avait porté dès sa naissance le nom de J…, patronyme auquel elle s’était identifiée,
la cour d’appel a souverainement déduit qu’au regard de ce contexte familial, il était de son
intérêt supérieur de porter les deux noms accolés.
17. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

190. L’action en contestation de la possession d’état. Cette action vise à faire annuler l’acte
de notoriété1. Elle peut être exercée par toute personne justifiant d’un intérêt légitime,
dans un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’acte. Une filiation établie par une
possession d’état contraire à la vérité biologique est donc inattaquable après ce délai.
L’objet de la preuve pose quant à lui question. L’article 335 indique en effet que « la filiation
établie par la possession d’état constatée dans un acte de notoriété peut être contestée en
rapportant la preuve contraire ». S’agit-il de prouver que la possession d’état n’existe pas ou
ne revêt pas les qualités requises et/ou que la filiation ainsi établie n’est pas conforme à la
vérité biologique ? Le doute semé par le texte révèle l’ambiguïté de l’acte de notoriété. Cet
acte constate la possession d’état. Il est donc possible de penser qu’il suffit de contester
l’existence de la possession d’état ou prouver qu’elle est viciée pour voir aboutir l’action.
Mais le constat par l’acte de notoriété de cette possession d’état entraîne l’établissement
de la filiation. C’est donc cette dernière que l’on conteste, d’autant que la possession d’état
est avant tout envisagée, dans le Code civil, comme le révélateur de la vérité biologique. Les
auteurs admettent que la preuve puisse avoir l’un ou l’autre de ces deux objets : inexistence
ou vice de la possession d’état, d’une part, non-conformité de la filiation ainsi établie à
la vérité biologique, d’autre part. C’est également la position du ministère de la justice2.
1. Cf. supra n° 173.
2. Circ., 30 juin 2006, préc. : « Il appartient à celui qui conteste la possession d’état constatée dans un acte de notoriété de
rapporter la preuve, par tous moyens, que la possession d’état ne s’est pas valablement constituée, parce qu’elle repose sur
des faits insuffisamment établis ou qu’elle ne présente pas les qualités exigées par l’article 311-2. Le demandeur peut être
également autorisé à prouver que la filiation ainsi présumée n’est pas conforme à la réalité biologique. La jurisprudence

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Lorsqu’il accueille l’action en contestation, le tribunal peut, dans l’intérêt de l’enfant, fixer
les modalités des relations de celui-ci avec la personne qui l’élevait (C.civ., art. 337).

Actions en contestation de la filiation

Actions en contestation de maternité


ou de paternité Action
C. civ., art. 332 à 334. en contestation
de la possession
Défaut de possession d’état
Possession d’état d’état conforme C. civ., art. 335.
conforme au titre au titre
Enfant Tout intéressé Tout intéressé
Père ou mère
Celui qui se prétend
Titulaires parent véritable
de l’action
Ministère public Ministère public Ministère public
dans les conditions dans les conditions dans les conditions
de l’art. 336 C. civ. de l’art. 336 C.civ. de l’art. 336 C. civ.

5 ans à compter du jour 10 ans à compter 10 ans à compter


où la possession d’état de la naissance ou de la délivrance
Délai a cessé ou du décès du de la reconnaissance. de l’acte de notoriété.
de prescription1 parent dont le lien de
filiation est contesté.

La possession d’état
conforme au titre a duré
Fin de non- 5 ans depuis la naissance
recevoir ou la reconnaissance
spécifique si elle a été faite
ultérieurement.

Objet Non-maternité/non-paternité « preuve contraire »


de la preuve

selon laquelle une expertise biologique peut être ordonnée dans le cadre d’une action en contestation de la possession d’état
ne semble pas devoir être remise en cause. » Cf. Caen, 9 janvier 2014, n° 09/01687 : la Cour d’appel admet la preuve biologique.
1. C. civ., art. 321 : à l’égard de l’enfant, le délai est suspendu pendant sa minorité.

152

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L’action à fin de subsides
(C.civ., art. 342 à 342-8)
191. L’action à fin de subsides n’est pas une action relative à la filiation mais une action originale
fondée sur une simple possibilité de paternité et dont la finalité est alimentaire. Elle est
aujourd’hui rarement exercée.
Recevabilité de l’action. L’action appartient à tout enfant dont la filiation paternelle n’est
pas établie1. Selon l’article 342 du Code civil, elle est dirigée contre l’homme « qui a eu des
relations avec sa mère pendant la période légale de conception »2. Elle est ouverte pendant
toute la minorité de l’enfant et, si elle n’a pas été exercée auparavant, celui-ci peut encore
agir pendant les dix ans qui suivent sa majorité.
Preuve. Le demandeur doit rapporter la preuve de l’existence de relations intimes entre
la mère et l’homme défendeur pendant la période légale de conception, par tout moyen.
L’action est en effet fondée sur la seule possibilité de la paternité et non sur cette paternité
en elle-même. Mais en matière de subsides, l’expertise est de droit, comme en matière de
filiation, sauf motif légitime de ne pas y procéder3. Qui prouve le plus, prouve le moins. Le
défendeur a pris un « risque de paternité » en ayant des relations intimes avec la mère. Il
peut toutefois, pour faire échec à l’action, prouver sa non-paternité, au besoin au moyen
d’une expertise biologique qui est là aussi de Droit.
Effets du jugement. Les subsides se règlent sous forme de pension alimentaire, selon les
besoins de l’enfant, les ressources du débiteur et la situation familiale de celui-ci, sans effet
rétroactif4. Le jugement n’établit pas de lien de filiation entre l’enfant et le défendeur et n’a
aucune conséquence sur le nom de famille. Mais, pour condamner le défendeur à verser
des subsides, il a nécessairement constaté des relations entre ce dernier et la mère pendant
la période présumée de conception de l’enfant et donc la possibilité d’une paternité. Or
cette possibilité est prise en compte par la loi puisque le jugement crée entre le débiteur et
l’enfant, ainsi qu’entre chacun d’eux et les parents ou le conjoint de l’autre, un empêchement
à mariage. La loi interdit un mariage qui pourrait être incestueux. Une action ultérieure en
recherche de paternité est tout à fait possible contre le défendeur à l’action à fin de subsides
ou contre un autre homme. Si la filiation de l’enfant à l’égard d’un tiers vient à être établie
par la suite, le débiteur cessera de verser les subsides.

1. Qu’il s’agisse d’une paternité en mariage ou hors mariage. L’action est exercée pendant la minorité de l’enfant par sa mère,
qui agit au nom de l’enfant.
2. S’il est décédé, l’action est dirigée contre ses héritiers et les subsides seront prélevés sur l’héritage. L’action peut même être
dirigée contre celui à l’égard duquel l’établissement de la parenté est impossible en cas d’inceste absolu.
3. Civ. 1re, 14 juin 2005, n° 04-13901.
4. Les subsides sont dus à compter de l’assignation.

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Section 2 – La procréation médicalement assistée

Le Code de la santé publique encadre strictement la pratique de l’assistance médicale à la


procréation (§1). Mais seule la filiation des enfants issus d’une procréation médicalement
assistée avec tiers donneur fait l’objet de dispositions particulières dans le Code civil (§2).

§1. Les dispositions générales relatives à l’assistance médicale à la procréation


Les lois bioéthiques du 29 juillet 1994, modifiées par celles 6 août 20041 et du 7 juillet 20112
ont encadré le recours à l’assistance médicale à la procréation, en la définissant précisément
(A) et en fixant strictement ses conditions (B).

A. La définition de l’assistance médicale à la procréation

192. Pratiques autorisées. L’assistance médicale à la procréation (AMP), selon l’article L. 2141-1
du Code de la santé publique, s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant
la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons,
le transfert d’embryons et l’insémination artificielle. Une liste des procédés biologiques
utilisés est fixée par arrêté du Ministre de la santé sur la base de critères portant sur le
respect du corps humain, notamment l’anonymat, la gratuité, l’interdiction du clonage
et des pratiques eugéniques3 et permet de limiter les pratiques.
193. Don de gamètes. On distingue l’AMP intraconjugale (endogène) de l’AMP avec tiers
donneur (exogène).
Si très peu d’enfants naissent d’une procréation médicalement assistée avec don4, cette
dernière a donné lieu à des débats importants relatifs à l’anonymat du donneur5 et à la
connaissance par l’enfant de ses origines personnelles. Le Conseil d’État a eu l’occasion
d’affirmer la conformité à l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme
de l’interdiction d’avoir accès à des données identifiantes concernant le donneur6. Mais un
certain nombre d’arguments ont été avancés en faveur de la modification de la loi, pour
permettre aux enfants concernés d’avoir accès à leurs origines sans que leur filiation ne soit

1. Loi n° 2004-800 du 6 août 2004.


2. Loi n° 2011-814 du 7 juill. 2011.
3. L’article L. 2141-1 du Code de la Santé Publique renvoie aux articles 16 à 16-8 du Code civil.
4. Environ 5 % des enfants qui naissent annuellement en France grâce à une technique d’AMP sont issus de dons de gamètes :
Rapport annuel 2015 de l’agence de la biomédecine, https://www.agence-biomedecine.fr.
5. C.S.P., art. L. 1211-5, qui reprend C. civ., art. 16-8. La règle de l’anonymat implique que « le donneur ne peut connaître l’identité
du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un
élément ou produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée ».
6. CE, 12 nov. 2015, n° 372121 et CE, 28 décembre 2017, n° 396571.

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pour autant remise en cause. Ainsi, le Rapport Théry1 proposait-il de distinguer nettement
« filiation » et « origines » et, sans remettre en cause le principe de l’anonymisation du don
de gamètes et d’embryons, d’instituer un droit d’accès à l’identité du ou des donneurs pour
les personnes majeures nées de dons qui en feraient la demande. La nouvelle loi bioéthique,
en cours de discussion parlementaire, devrait justement permettre à l’enfant majeur issu
d’un don d’accéder, s’il le souhaite, à l’identité du donneur2.

B. Les conditions de l’assistance médicale à la procréation

Les conditions énoncées à l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique sont relatives,
d’une part, à la finalité de l’AMP, et, d’autre part, à ses bénéficiaires3.
194. Finalité. L’AMP doit, jusqu’à présent, avoir pour finalité de remédier à l’infertilité patho-
logique, médicalement diagnostiquée, d’un couple, ou d’éviter la transmission à l’enfant
ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Cette finalité pourrait
évoluer si l’AMP était ouverte par la prochaine loi bioéthique aux couples de femmes voire
aux femmes seules.
195. Bénéficiaires. Les bénéficiaires de l’AMP sont pour l’heure les couples, mariés ou non, mais
composés d’un homme et d’une femme. Pour les couples non mariés, la preuve d’une vie commune
d’au moins deux ans n’est plus nécessaire depuis 20114. La question de l’ouverture de l’AMP
aux couples de femmes ou même aux femmes seules s’est posée avec une intensité accrue
depuis la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
Pour contourner l’interdiction, un certain nombre de femmes se rendent, par exemple, en
Belgique, en Espagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni pour bénéficier d’une insémination ;
l’épouse de la mère ayant ensuite la possibilité d’adopter l’enfant5.

1. Filiation, origines, parentalité – Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail
Filiation, origines, parentalité (Sous la présidence d’Irène Théry), http://www.justice.gouv.fr. Une levée relative de l’anonymat
avait été envisagée par le Gouvernement lors de la révision des lois bioéthiques en 2011, mais l’idée avait été rejetée par le
Parlement.
2. Le donneur aura nécessairement donné son consentement exprès à cette possibilité au moment du don (cf. les dispositions
spécifiques concernant les dons antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi). Le Sénat souhaite toutefois que le donneur renou-
velle son consentement au moment de la demande d’accès à son identité par l’enfant majeur.
3. Des règles supplémentaires concernent le transfert d’embryon. Cf. C.S.P., art. L. 2141-3 s.
4. Loi n° 2011-814 du 7 juill. 2011.
5. C. civ., art. 345-1 : adoption de l’enfant du conjoint ; avis de la Cour de cassation du 22 sept. 2014, reproduit infra ; Versailles,
16 avril 2015, nos 14/04253, 14/05360, 14/07327, 14/05368, 14/07323 et Versailles, 15 févr. 2018, nos 17/05285 et 17/05286. Cf.
également la proposition de loi visant à réformer l’adoption, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le
4 déc. 2020 (TA N° 525), afin, notamment, d’ouvrir l’adoption aux couples non mariés. Cf. infra n° 213. La dernière mouture de
la loi bioéthique va dans le même sens.A défaut d’adoption, sur le droit de visite et d’hébergement pouvant être accordé à la
compagne de la mère sur le fondement de l’art. 371-4 C. civ., cf. Civ. 1re, 24 juin 2020, n° 19-15198 et CEDH, 12 nov. 2020, Honner
c/ France, n° 19511/16.Sur la transcription de la mention de la compagne ou épouse de la mère en cas d’AMP dans un couple de
femmes, cf. Civ. 1re, 18 déc. 2019, nos 18-14751 et 18-50007, reproduit infra ; M. Farge, « Transcription des filiations maternelles
de l’enfant issu d’une AMP à l’étranger », Dr. fam., n° 7-8, juill. 2020, comm. 113 sur Civ. 1re, 18 mars 2020, n° 18-15368 : « Ni
la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à la procréation ni celle que son acte de naissance désigne
la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à la transcription,

155

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On pensait le principe de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples
de femmes et aux femmes seules acquise dans son principe puisque l’Assemblée nationale
comme le Sénat l’avait votée en première lecture1. La deuxième lecture du Sénat a toutefois
été animée d’une confusion houleuse ayant conduit à la suppression de l’article 1er du texte2.
Les membres du couple doivent être en âge de procréer3 et vivants. Le décès de l’un d’eux
fait donc, en principe, obstacle à l’insémination ou au transfert d’embryons. Le Code de la
santé publique précise que seuls les gamètes et les tissus germinaux recueillis et destinés
à être utilisés conformément aux normes de qualité et de sécurité en vigueur, ainsi qu’aux
principes mentionnés dans le Code de la santé publique et le Code civil, peuvent faire
l’objet d’une autorisation d’importation ou d’exportation4. Pourtant, le Conseil d’État,
dans une décision du 31 mai 20165, a permis l’exportation du sperme du mari décédé de
la requérante vers un établissement de santé espagnol afin qu’il soit procédé à l’insémi-
nation post mortem, autorisée en Espagne pendant les douze mois qui suivent le décès. Il
a jugé la loi française, par elle-même, compatible avec les stipulations de la convention
européennes des droits de l’homme mais estimé, au terme d’une appréciation concrète
de son application à la situation qui lui était soumise, qu’« en l’absence de toute intention
frauduleuse de la part de la requérante, le refus qui lui [avait] été opposé […] [portait], eu
égard à l’ensemble des circonstances de [l’affaire], une atteinte manifestement excessive à
son droit au respect de la vie privée et familiale […] »6. L’interdiction de la PMA post mortem
a également été questionnée dans le cadre du projet de loi bioéthique en discussion mais
ne semble finalement pas remise en cause.
Enfin, chacun des membres du couple doit exprimer son consentement à l’AMP. Ce dernier est
privé d’effet dans l’hypothèse de l’introduction d’une demande en divorce ou en séparation
de corps, de cessation de la communauté de vie ou de révocation par écrit auprès du médecin

sur les registres de l’état civil français de l’état civil, de cet acte probant au sens de l’article 47 du Code civil » (sur la position
antérieure, cf. H. Fulchiron, « La filiation des enfants nés par PMA et GPA à l’étranger : la stabilisation », Dr. fam. 2018, n° 3,
comm. 63 et les arrêts cités de la CA à Rennes). Pour une comparaison avec la GPA, cf. infra n° 204 s.
1. Avec des divergences, notamment sur le remboursement par la Sécurité Sociale dans cette hypothèse : AN, Projet de loi,
TA n° 343, 15 oct. 2019 et Sénat, projet de loi, TA n° 55, 4 févr. 2020.
2. Projet de loi relatif à la bioéthique, Sénat, n° 53, 3 févr. 2021. En raison des divergences importantes avec la version du texte
issue de la deuxième lecture de l’Assemblée nationale (Texte n° 474, 31 juill. 2020), une commission mixte paritaire a été
réunie le 17 févr. 2021 mais a échoué à élaborer un texte de compromis. Le processus législatif traine en longueur, depuis sa
présentation en conseil des ministres en juillet 2019. Espérons qu’à l’heure où est publié cet ouvrage la loi a été adoptée !
3. Cf. Versailles, 5 mars 2018, Agence de la biomédecine, arrêts n° 17 VE 00824 et n° 17 VE 00826.
4. C.S.P., art. L. 2141-11-1.
5. CE, 31 mai 2016, n° 396848. Cf. aussi TA de Rennes, ord. 11 oct. 2016, n° 1604451 (accueille la demande de la veuve) ; TA
Toulouse, 13 oct. 2016, n° 1405903 (rejette la demande de la veuve) ; CE, ord. 24 janv. 2020, n° 437328 (transfert d’embryon ;
pas d’atteinte à l’article 8 Conv. EDH car le déplacement en Europe est fondé seulement sur la possibilité légale d’y faire
procéder à un transfert d’embryon post mortem en l’absence de circonstances particulières). Cf., sur ces deux dernières
affaires, J.-R. Binet, « Insémination post mortem : d’une injustice à l’autre », Dr. fam. 2016, n° 12, comm. 267. Sur une demande
faite par la mère du défunt, cf. CEDH, 12 nov. 2019, n° 23038/19, Petithory Lanzmann c/ France.
6. L’installation de l’intéressée en Espagne ne résultait pas « de la recherche, par elle, de dispositions plus favorables à la
réalisation de son projet que la loi française, mais de l’accomplissement de ce projet dans le pays où demeure sa famille
qu’elle a rejointe ».

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chargé de mettre en œuvre l’AMP. Lorsque l’assistance médicale nécessite l’intervention
d’un tiers donneur, il est donné devant un notaire, qui informe le couple, le cas échéant,
des conséquences au regard de la filiation1.

Avis n° 15011 du 22 septembre 20142


LA COUR DE CASSATION,
Vu les articles L.441-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants
du code de procédure civile,
Vu la demande d’avis formulée le 23 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Poitiers,
reçue le 27 juin 2014, dans une instance introduite par Mme X… épouse Y… aux fins d’adoption
plénière de l’enfant de sa conjointe, et ainsi libellée :
« Le recours à la procréation médicalement assistée, sous forme d’un recours à une insémi-
nation artificielle avec donneur inconnu à l’étranger par un couple de femmes, dans la mesure
où cette assistance ne leur est pas ouverte en France, conformément à l’article L.2141-2 du
code de la santé publique, est-il de nature à constituer une fraude à la loi empêchant que
soit prononcée une adoption de l’enfant né de cette procréation par l’épouse de la mère ?
L’intérêt supérieur de l’enfant et le droit à la vie privée et familiale exigent-ils au contraire
de faire droit à la demande d’adoption formulée par l’épouse de la mère de l’enfant ? »
Vu les observations écrites déposées par Me Corlay pour les associations Juristes pour
l’enfance et l’Agence européenne des adoptés ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Sarcelet,
avocat général, entendu en ses conclusions orales ;
EST D’AVIS QUE : Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une
insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé
de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les
conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Civ. 1re, 18 décembre 2019, nos 18-14.751, 18-50.007


[…] Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 18 décembre 2017), aux termes de leurs actes de naissance
dressés par le bureau de l’état civil du district de Lambeth (Londres, Royaume-Uni), M…
Y…-A… est née le […] à Londres, ayant pour mère Mme Y… et pour parent Mme A…, toutes
deux de nationalité française, et O… Y…-A… est né le […] à Londres, ayant pour mère Mme A…
et pour parent Mme Y…. Celles-ci ont eu recours à une assistance médicale à la procréation
au Royaume-Uni.
2. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’étant
opposé à leur demande de transcription des actes de naissance sur les registres de l’état
civil consulaire, au motif qu’ils n’étaient pas conformes à l’article 47 du Code civil, Mmes Y…
et A… l’ont assigné à cette fin.

1. C. civ., art. 311-20.


2. Demande n° 1470006-ECLI:FR:CCASS:2014:AV15011.

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3. Par un arrêt du 20 mars 2019 (1re Civ., 20 mars 2019, pourvois n° 18-14.751 et 18-50.007,
publié), la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de l’avis de la Cour européenne
des droits de l’homme et de l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation à inter-
venir sur le pourvoi n° 10-19.053.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-14.751, pris en ses trois premières branches
Énoncé du moyen
4. Mmes Y… et A… font grief à l’arrêt de rejeter la demande de Mme A… de transcription de
l’acte de naissance de M… Y…-A…, s’agissant de sa désignation comme parent de l’enfant,
et la demande de Mme Y… de transcription de l’acte de naissance de O… Y…-A…, s’agissant
de sa désignation comme parent de l’enfant alors :
« 1°/ que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé
dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des
données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant
après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont
déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la filiation de l’enfant est établie à l’égard
de ses parents par l’acte de naissance ; qu’en déboutant Mme A… de sa demande de trans-
cription de l’acte de naissance de M… Y…- A… s’agissant de sa désignation comme parent
de l’enfant, après avoir constaté que selon l’acte de naissance de M…, celle-ci a pour mère
Mme Y…, ce qui n’est pas contestable en l’absence de données extérieures ou d’éléments
tirés de l’acte établissant que cet acte serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont
déclarés ne correspondraient pas à la réalité, et que Mme A… est parent de M…, la cour
d’appel a violé les articles 310-3, 47 et 34, a), du Code civil ;
2°/ que tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé
dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des
données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant
après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont
déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la filiation de l’enfant est établie à l’égard
de ses parents par l’acte de naissance ; qu’en déboutant Mme Y… de sa demande de trans-
cription de l’acte de naissance de O… Y…-A… s’agissant de sa désignation comme parent
de l’enfant, après avoir constaté que selon l’acte de naissance de O…, celui-ci a pour mère
Mme A…, ce qui n’est pas contestable en l’absence de données extérieures ou d’éléments
tirés de l’acte lui-même établissant que cet acte serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui
y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité, et pour parent Mme Y…, la cour d’appel
a violé les articles 310-3, 47 et 34, a), du Code civil ;
3°/ qu’en déboutant Mme A… de sa demande de transcription de l’acte de naissance de M…
Y…-A… s’agissant de sa désignation comme parent de l’enfant et Mme Y… de sa demande
de transcription de l’acte de naissance de O… Y…-A… s’agissant de sa désignation comme
parent de l’enfant, la cour d’appel a méconnu le principe général de droit international privé
de continuité du statut personnel, procédant également de l’intérêt supérieur de l’enfant,
garanti par l’article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l’enfant. »
Réponse de la Cour

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Vu les articles 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits
de l’enfant, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fonda-
mentales et 47 du Code civil :
5. Aux termes de l’article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989, dans
toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques
ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
6. Aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,
de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
7. Aux termes de l’article 47 du Code civil, tout acte de l’état civil des français et des étrangers
fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres
actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même
établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié
ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
8. Il se déduit de ces textes qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de
naissance étranger d’un enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établis-
sement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né d’une assistance médicale à
la procréation ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en
qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres
français de l’état civil, lorsque l’acte est probant au sens de l’article 47 du Code civil.
9. Pour rejeter la demande de transcription de l’acte de naissance de M… s’agissant de la
désignation de Mme A… comme parent et la demande de transcription de l’acte de naissance
de O… s’agissant de la désignation de Mme Y… comme parent, l’arrêt retient que les actes
de naissance, bien que réguliers et non falsifiés, désignent respectivement Mmes A… et Y…
comme parent sans qu’une adoption n’ait consacré le lien de filiation à l’égard de la conjointe
de la mère et alors qu’un enfant ne peut avoir qu’une seule mère biologique.
10. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les actes de l’état civil
étrangers étaient réguliers, exempts de fraude et avaient été établis conformément au
droit en vigueur en Angleterre, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile,
il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627
du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen unique
du pourvoi n° 18-14.751 et sur le pourvoi n° 18-50.007, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de Mme A…, tendant à la
transcription de l’acte de naissance de M…, X…, E… Y…-A…, née le […] à Londres (Royaume-Uni),

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s’agissant de sa désignation comme parent de l’enfant, et la demande de Mme Y… tendant
à la transcription de l’acte de naissance de O… Y…-A…, né le […] à Londres (Royaume-Uni),
s’agissant de sa désignation comme parent de l’enfant l’arrêt rendu le 18 décembre 2017,
entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 23 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes ; […]

§2. Les dispositions spéciales relatives à la filiation de l’enfant conçu


par procréation médicalement assistée avec tiers donneur
Le droit commun de la filiation est applicable à la filiation de l’enfant conçu avec les gamètes
du couple1. Les dispositions spéciales en la matière ne concernent donc que l’enfant conçu
avec tiers donneur, c’est-à‑dire issu d’un don de gamètes ou d’embryons, et concernent,
d’une part, l’interdiction d’établir la filiation à l’égard du donneur (A), et, d’autre part,
l’établissement (B) et la contestation de la filiation (C) à l’égard du couple receveur.

A. L’interdiction d’établir la filiation à l’égard du donneur

196. L’article 311-19 du Code civil édicte une prohibition absolue d’établir la filiation à l’égard
du donneur. Aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant
issu de la procréation médicalement assistée. Aucune action en responsabilité ne peut en
outre être exercée contre l’auteur du don.
Ces règles sont couramment présentées comme les corolaires de l’anonymat du donneur
mais ce lien est à nuancer dans la perspective d’une évolution concernant cet anonymat
puisque procréation et origines seront très probablement tout à fait être distinguées de
la filiation en elle-même2.

B. L’établissement de la filiation à l’égard du couple receveur

197. C’est le Droit commun qui s’applique à l’établissement de la filiation à l’égard du couple
ayant bénéficié de la procréation médicalement assistée. Rien ne permet d’ailleurs à
l’officier d’état civil qui établit l’acte de naissance de l’enfant de deviner les circonstances
de sa conception, du moins s’agissant d’un couple homme-femme. La désignation de la
mère dans l’acte de naissance de l’enfant établira la filiation à son égard. La présomption
de paternité trouvera en outre à s’appliquer si le couple est marié. À défaut, le père recon-
naîtra l’enfant. La contrainte est néanmoins plus importante ici que dans le droit commun
puisque « celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît
pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant. En
1. Cf. Civ. 1re, 16 mars 2016, n° 15-13427 ; JCP 2016, 532, J.-R. Binet ; D. 2016, p. 977, note F. Viney ; Dr. fam. 2016, n° 5, comm. 104 H.
Fulchiron.
2. Cf. supra n° 193.

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outre, sa paternité est judiciairement déclarée […] »1. La mère peut donc agir en recherche
de paternité conformément au Droit commun. L’action ne porte toutefois pas sur la vérité
biologique mais sur le consentement donné à la PMA.
La question de l’établissement de la filiation dans l’hypothèse d’une procréation médica-
lement assistée au sein d’un couple de femmes a été fortement réfléchie et débattue dans le
cadre des discussions relatives à la nouvelle loi bioéthique2. La question n’est effectivement
pas très simple, certaines solutions étant susceptibles d’éclabousser sinon bouleverser le
droit commun de la filiation, et doit être tranchée en toute connaissance de cause3.

C. La contestation de la filiation à l’égard du couple receveur

198. L’article 311-20 alinéa 2 pose un principe, trouvant ses limites dans deux tempéraments.
En effet, le consentement donné à une PMA avec don de gamètes interdit toute action
en contestation de la filiation établie à l’égard du couple receveur et toute action aux fins
d’établissement d’une autre filiation, sauf à alléguer que le consentement a été privé d’effet
ou que l’enfant n’est pas issu de la PMA4.

Section 3 – La gestation pour autrui

199. Définition. Les expressions « maternité pour autrui », « maternité de substitution » ou


« gestation pour autrui » (GPA)5, désignent les situations dans lesquelles une femme – la
« mère porteuse » – accepte, gratuitement ou en échange d’une contrepartie financière, de
porter un enfant pour une personne seule ou un couple – le(s) « parent(s) d’intention » – et
de l’abandonner à la naissance pour le remettre à ces derniers. L’enfant peut être conçu
avec les propres ovocytes de la mère porteuse, qui a alors un lien génétique avec l’enfant.
La mère porteuse peut aussi être inséminée avec un embryon conçu à partir des gamètes
du couple demandeur ou encore avec les gamètes de l’un des membres du couple et d’un
donneur tiers. Dans ces deux derniers cas, elle n’a pas de lien génétique avec l’enfant.

1. C. civ., art. 311-20 al. 4 et 5.


2. Notamment : reconnaissance conjointe anténatale (projet de loi adopté en 1re lecture par l’AN, préc.) ou adoption par la
mère d’intention (texte issu de la première lecture du Sénat, préc.).
3. Cf. l’audition commune des universitaires H. Fulchiron, M. Mesnil et J.-R. Binet le 28 novembre 2019 par la commission
spéciale, www.senat.fr.
4. Cf. Civ. 1re, 14 oct. 2020, n° 19-12373, 19-18791, Dr. fam. 2021, n° 1, comm. 3, C. Siffrein-Blanc.
5. Souvent employées indifféremment, elles le sont parfois plus spécifiquement pour marquer les différences entre les
pratiques, notamment entre la maternité de substitution ou « procréation pour autrui » qui vise la situation dans laquelle
la mère porteuse, elle-même génitrice, est inséminée avec le sperme du père d’intention, et la simple gestation pour autrui,
au sens plus strict, qui vise la situation dans laquelle l’embryon est conçu avec les gamètes du couple demandeur.

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La pratique de la GPA est particulièrement sensible et controversée ; elle provoque des
réactions virulentes. La majorité des pays européens, dont la France, l’interdisent sur leur
territoire (§1). Certains enfants naissent néanmoins de GPA valablement effectuées à
l’étranger et leur situation pose question au retour en France (§2).

§1. La prohibition de la gestation pour autrui en France


Si la France maintient une interdiction ferme (A), celle-ci pose de plus en plus question (B).

A. Une interdiction ferme

200. Cour de cassation. La pratique ayant commencé à se développer alors qu’il n’existait aucune
disposition législative sur la question, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la licéité
des associations de mise en relation des parents demandeurs et des mères porteuses1 et
sur l’adoption par la mère d’intention de l’enfant issu d’une GPA. Elle a alors cassé, dans
l’intérêt de la loi, un arrêt ayant prononcé l’adoption, en condamnant fermement le contrat
de mère porteuse comme contraire aux principes d’indisponibilité du corps humain et
d’indisponibilité de l’état de personnes et en considérant que l’adoption était par conséquent
l’ultime phase d’un processus constituant un détournement de l’institution de l’adoption.

Cour de cassation, Assemblée plénière, 31 mai 1991, n° 90-20105


Sur le pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de
Cassation :
Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l’article 353 du même Code ;
Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à
concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au
principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité
de l’état des personnes ;
Attendu selon l’arrêt infirmatif attaqué que Mme X…, épouse de M. Y…, étant atteinte
d’une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée
artificiellement, a porté et mis au monde l’enfant ainsi conçu ; qu’à sa naissance, cet enfant
a été déclaré comme étant né de Y…, sans indication de filiation maternelle ;
Attendu que, pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par Mme Y…, l’arrêt retient
qu’en l’état actuel des pratiques scientifiques et des mœurs, la méthode de la maternité
substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l’ordre public, et que cette
adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et
Mme Y… pratiquement depuis sa naissance ;
Qu’en statuant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus
d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en

1. Civ. 1re, 13 déc. 1999, n° 88-15655.

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exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant
atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce
processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la cour d’appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l’intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt rendu le
15 juin 1990 par la cour d’appel de Paris.

201. Lois bioéthiques. À l’occasion des lois bioéthiques du 29 juillet 1994, le Législateur a inséré
dans le Code civil la disposition d’ordre public selon laquelle « toute convention portant sur
la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle »1. L’interdiction est donc
générale et concerne tant les pratiques « altruistes » que les pratiques rémunérées ; tant
la simple gestation que la procréation pour autrui ; tant les couples demandeurs stériles
que ceux qui ne le sont pas. Les conventions dites de mère porteuse sont frappées de
nullité absolue. La mère légale est la mère porteuse, sauf si elle accouche dans le secret.
L’article 336 du Code civil, qui n’est pas spécifique à cette situation, prévoit en outre que
la filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices
tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi. Le Code
pénal, enfin, prévoit des sanctions diverses et punit notamment le fait de s’entremettre
entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant
de porter cet enfant en vue de leur remettre2.

B. Une interdiction en question

202. Fondements. L’interdiction d’avoir recours à une GPA en France est fondée sur l’indispo-
nibilité du corps humain et de l’état des personnes. Elle vise notamment à éviter le « trafic
de ventres », l’instrumentalisation des corps des femmes et des enfants, et l’exploitation
de la misère. L’intérêt de l’enfant est ici pensé en amont, avant même sa conception, et de
manière relativement abstraite.
203. Questions. Cette interdiction fait néanmoins aujourd’hui l’objet de discussions, sous l’effet
des revendications croissantes, notamment des couples stériles et des couples homosexuels.
Le débat est également alimenté par le fait que, pour contourner l’interdiction française,

1. Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, art. 3. C. civ., art. 16-7 et 16-9. Sur les conséquences, cf. H. Fulchiron, « Vérité biologique,
prohibition de la GPA, fraude à l’adoption et intérêt de l’enfant : comment trouver un juste équilibre ? », commentaire de
l’arrêt Civ. 1re, 12 sept. 2019, n° 18-20472, Dr. fam., 2019, n° 11, comm. 216.
2. C. pénal, art. 227-12. Cf. TGI de Versailles, 26 févr. 2019, n° 16/07633, D. IP/IT 2020, p. 69, note B. Musseau : site internet espagnol
mais ciblant le public français, proposant de faire l’intermédiaire entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un
enfant et une femme acceptant de le porter ; le contenu du site a été jugé manifestement illicite, par référence aux articles 16-7
du C. civ. et 227-12 du C. pén., par le tribunal, qui a par conséquent enjoint à l’hébergeur de le rendre inaccessible sur le
territoire français.

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certains couples se rendent à l’étranger, dans des pays où la gestation pour autrui est licite1.
La reconnaissance de la filiation des enfants nés d’une GPA effectuée de manière licite dans
un pays qui l’autorise2 conduit à s’interroger sur la pertinence du maintien de l’interdiction
stricte en France alors qu’une levée de l’interdiction pourrait permettre d’encadrer une
pratique qui de toute façon a lieu à l’étranger3.
Une telle évolution pourrait conduire à bousculer, voire à remettre en cause, le fondement
même de tout le Droit français de la filiation par procréation, mater semper certa est, et rejoint
bien d’autres questions, comme l’anonymat du donneur dans la procréation médicalement
assistée ou l’accouchement sous X, conduisant à différencier filiation et origines.

§2. La situation des enfants nés de gestations pour autrui valablement effectuées
à l’étranger
Contrastant avec l’inertie caractérisant la première question, la deuxième, après une période
de stabilité (A), a connu un mouvement significatif ces dernières années (B).

A. Une position ferme

204. Position de refus. La Cour de cassation a pendant plusieurs années refusé l’établissement
et la reconnaissance en France de la filiation, à l’égard des parents d’intention, des enfants
nés de GPA effectuées à l’étranger.
Elle refusait ainsi de prononcer l’adoption de ces derniers par la mère d’intention4 et de
faire produire effet, à l’égard de celle-ci, à la possession d’état5. Elle a également refusé
la reconnaissance par la mère d’intention, assez logiquement puisqu’en droit français, la
mère est celle qui accouche, donc la mère porteuse. Mais la reconnaissance par le père
d’intention, même s’il est bien le père biologique, a également été annulée6.
Elle refusait parallèlement la transcription de l’acte de naissance ou du jugement d’adoption
étrangers sur les registres d’état civil français7.

1. Pays autorisant ou tolérant la GPA : notamment Belgique, Grèce, Russie, Ukraine, Inde. Mais cf. pour l’Inde J. Couard,
« Parution d’une étude sur la gestation pour autrui en Inde », Dr. fam. 2016, n° 12, alerte 99 : « Afin d’endiguer le phénomène
et sous la pression de certains États, le gouvernement indien a donc fermé l’accès à la GPA aux étrangers en 2015 tout en
confirmant les possibilités d’y recourir pour les couples indiens ».
2. Infra, n° 206 s.
3. Des arrêts récents concernant l’adoption par le parent d’intention de l’enfant issu d’une GPA étrangère montrent bien la
difficulté de protéger la mère porteuse, lorsque celle-ci n’est pas mentionnée dans l’acte de naissance étranger en qualité
de mère : Civ. 1re, 4 nov. 2020, n° 19-15.739 et 19-50. 042.
4. Civ. 1re, 9 déc. 2003, n° 01-03927.
5. Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17130.
6. Annulation de la reconnaissance paternelle : Civ. 1re, 13 sept. 2013, n° 12-18315.
7. Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 10-19053 et 09-66486 ; Civ. 1re, 13 sept. 2013 n°12-18315 et n° 12-30138 ; Civ. 1re, 19 mars 2014, n° 13-50005.
La transcription est définie par la circulaire portant instruction générale relative à l’état civil (IGREC) en date du 11 mai 1999
comme : « l’opération par laquelle un officier de l’état civil reporte sur ses registres un acte de l’état civil reçu ailleurs que
dans sa circonscription, ou une décision judiciaire relative à l’état civil ». Elle permet d’obtenir des actes français.

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Fondées juridiquement sur la contrariété à l’ordre public français en matière interna-
tionale, plus précisément au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes et/ou
sur la fraude à la loi française, les décisions de la Cour de cassation étaient inspirées par la
crainte que l’acceptation revienne à valider la pratique et à encourager le détournement
de la loi française.
205. Conséquences. Il est difficile de mesurer précisément les conséquences de cette position, les
avis étant parfois contradictoires. Le Défenseur des droits dénonçait la situation juridique
incertaine des enfants concernés notamment pour circuler hors de France et hériter des
parents d’intention, ainsi que les difficultés rencontrées par les parents d’intention pour
exercer l’autorité parentale1. Pour certains auteurs, à l’inverse, ces enfants ne rencontraient
aucune difficulté dans leur vie quotidienne2. La Cour de cassation elle-même jugeait, dans
ses arrêts du 6 avril 2011, que l’annulation de la transcription ou l’absence d’effet conféré
à la possession d’état ne privait pas les enfants de la filiation que le droit étranger leur
reconnaissait, ni ne les empêchait de vivre avec les parents d’intention3.
La situation était néanmoins au minimum inconfortable, sinon très complexe au quotidien
et posait la question de l’intérêt de l’enfant. Ces constats ont conduit à une évolution
significative.

1. Décision du 5 juin 2015, n° MSP-MLD-MDE-2015-093 : Les enfants concernés rencontrent des difficultés pour circuler hors du
territoire français puisqu’ils « se voient refuser la délivrance de passeports car ni leur filiation, ni leur nationalité française ne
sont reconnues », malgré la circulaire du 25 janvier 2013 [circ. dite « Taubira » : délivrance de certificats de nationalité française
aux enfants nés de GPA à l’étranger validée par CE, 12 déc. 2014, Association Juristes pour l’enfance et autres, n°367324, 366989,
366710, 365779, 367317, 368861]. En outre, « l’enfant né à l’étranger d’une GPA ne peut hériter des parents d’intention que
s’il a été institué légataire ; ses droits successoraux sont alors calculés moins favorablement ». Ces enfants « ne disposent
[…] pas d’état civil français et de livret de famille ; de ce fait, les parents rencontrent de nombreuses difficultés dans leur
vie quotidienne pour exercer l’autorité parentale, pour procéder au rattachement des enfants à la Sécurité Sociale, à leur
inscription à l’école, ou pour bénéficier des prestations familiales ou d’un congé parental ».
2. F. Chénedé, « État civil des enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger : reconnaissance ? », RLDC 2015, n° 128, actes du
colloque organisé par l’UCLY, L’état de la personne ou la personne dans tous ses états, ss dir. C. PETIT et L.-D. MUKA TSHIBENDE.
« […] si le droit français refuse de consacrer juridiquement leur filiation, il ne fait nullement obstacle à leur accueil et à leur
éducation par leurs parents d’intention. C’est d’ailleurs ce qui distingue la solution française, qui peut être jugée propor-
tionnée, de la position des autorités italiennes, plus récemment condamnées par la CEDH, pour avoir retiré l’enfant à ses
parents d’intention (CEDH, 27 janv. 2015, aff. 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie) [Cf. depuis CEDH, Gde ch., 24 janvier
2017, n°25358/12.]. De manière plus générale, il faut rappeler à quel point l’affirmation selon laquelle ces enfants seraient
des “fantômes de la République” est grossièrement mensongère : autorisés à entrer sur le territoire national, bénéficiant de la
nationalité française, vivant avec leurs parents, qui peuvent être désignés tuteurs, ces enfants ne rencontrent dans leur vie
quotidienne, de l’aveu même des associations militantes, aucune difficulté, et c’est tant mieux, pour l’inscription à la Sécurité
Sociale, à la crèche, à l’école ou encore dans un établissement de soins (sur cette réalité, v. Contribution à la réflexion sur la
maternité pour autrui, Les rapports du Sénat, nº 421, 2008, p. 44) ».
3. Civ. 1re, 6 avr. 2011, préc.

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B. Une évolution significative

206. CEDH. La Cour européenne des droits de l’homme, le 26 juin 2014, dans les arrêts Mennesson
et Labassée1, a marqué un tournant décisif. Elle a condamné la France sur le fondement
de la violation de la vie privée des enfants2. C’est le refus de reconnaître et de permettre
l’établissement en droit interne du lien de filiation à l’égard de leur père biologique qui
est expressément condamné, la Cour attirant l’attention sur l’importance de la filiation
biologique comme élément de l’identité. La mère d’intention n’est quant à elle pas évoquée
expressément3.

CEDH, 26 juin 2014, Mennesson c/ France n° 65192/11 (extraits)


■ […]
99. Il est concevable que la France puisse souhaiter décourager ses ressortissants de
recourir à l’étranger à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire
(paragraphe 62 ci-dessus). Il résulte toutefois de ce qui précède que les effets de la
non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants ainsi conçus
et les parents d’intention ne se limitent pas à la situation de ces derniers, qui seuls ont
fait le choix des modalités de procréation que leur reprochent les autorités françaises :
ils portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie
privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris
sa filiation, se trouve significativement affecté. Se pose donc une question grave de
compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect
doit guider toute décision les concernant.
100. Cette analyse prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents
d’intention est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation
biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun (voir, par exemple, l’arrêt Jäggi
précité, § 37), on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le
priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est
établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance.
Or, non seulement le lien entre les troisième et quatrième requérantes et leur père
biologique n’a pas été admis à l’occasion de la demande de transcription des actes de
naissance, mais encore sa consécration par la voie d’une reconnaissance de paternité
ou de l’adoption ou par l’effet de la possession d’état se heurterait à la jurisprudence
prohibitive établie également sur ces points par la Cour de cassation (paragraphe 34
ci-dessus). La Cour estime, compte tenu des conséquences de cette grave restriction sur
l’identité et le droit au respect de la vie privée des troisième et quatrième requérantes,

1. CEDH, 26 juin 2014, Menesson et Labassée contre France, n° 65941/11 et 165192/11. Le pourvoi en cassation sera réexaminé suite
à cette condamnation : Cour de réexamen des décisions civiles, 16 févr. 2018, n° 001.
2. Conv. EDH, art. 8.
3. La France a par la suite été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, le 21 juillet 2016 (CEDH, Foulon et
Bouvet c/ France, Dr. fam. 2016, comm. 201, H. Fulchiron ; Cour de réexamen, 16 févr. 2018, n° 002) et le 19 janvier 2017 (CEDH,
Laborie c/ France, Dr. fam. 2017, n° 2, comm 34 H. Fulchiron), mais pour des affaires jugées en droit interne avant le revirement
de 2015.

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qu’en faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit
interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’État défendeur est
allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation.
101. Étant donné aussi le poids qu’il y a lieu d’accorder à l’intérêt de l’enfant lorsqu’on
procède à la balance des intérêts en présence, la Cour conclut que le droit des troisième
et quatrième requérantes au respect de leur vie privée a été méconnu.
Conclusion générale
102. Il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit des requérants
au respect de leur vie familiale. Il y a en revanche eu violation de cette disposition
s’agissant du droit des troisième et quatrième requérantes au respect de leur vie privée.
[…]

207. Cour de cassation. Suite à cette condamnation, la Cour de cassation a modifié sa position
dans deux arrêts d’Assemblée plénière du 3 juillet 20151, sur le fondement des articles 47
du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a retenu que
la convention de GPA ne faisait plus obstacle à la transcription sur les registres français
d’état civil de l’acte de naissance étranger, dès lors que l’acte n’est ni irrégulier, ni falsifié
et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la « réalité ».

Article 47
Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les
formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données
extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes
vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne
correspondent pas à la réalité.

208. Transcription de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil français en ce
qu’il désigne le père. La Cour d’appel de Rennes a eu l’occasion d’appliquer cette nouvelle
jurisprudence, notamment dans deux arrêts du 7 mars 20162. Dans la première affaire3, l’acte
d’état civil californien mentionnait l’enfant comme étant né du père français d’intention et

1. Cass. Ass. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50002 et 14-21323, D. 2015. 1819, note Fulchiron et Bidaud-Garon ; ibid. 1773, obs. Sindres ;
ibid. 1919, obs. Bonfils et Gouttenoire ; AJ fam. 2015. 496, obs. Chénedé ; ibid. 364, obs. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2015. 581,
obs. Hauser ; Gaz. Pal. 2015. 2949, obs. Le Maigat ; Dr. fam. 2015, n° 166, obs. Binet.
2. H. Fulchiron, « GPA : une nouvelle lecture a minima des arrêts Labassée et Mennesson », Dr fam. 2016, n° 5, étude 9. Cf.
aussi Rennes, 28 sept. 2015, n° 14/07321 et n° 14/05537, Dr. fam. 2015, n° 11, comm. 201 J.-R. Binet. La Cour d’appel de Rennes
connaît en appel des décisions du TJ de Nantes, dans le ressort duquel se trouve le Service central de l’état civil des Français
de l’étranger.
3. N° 15/03859.

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de la mère porteuse américaine. Les juges rennais ont ordonné la transcription, en l’absence
d’indices de contrariété à l’article 47 du Code civil, notamment en l’absence de doute émis
par le ministère public quant à la paternité biologique du père d’intention.
209. Transcription impossible de l’acte de naissance en ce qu’il désigne la mère d’intention.
Dans la deuxième affaire jugée par la Cour d’appel de Rennes le 7 mars 20161, les actes de
naissance ukrainiens désignaient le père, a priori biologique et, cette fois, la mère d’intention.
Les juges d’appel ont ordonné la transcription seulement partielle de l’acte, c’est-à‑dire
uniquement concernant la filiation paternelle, estimant qu’il n’était pas possible de faire
apparaître la mère d’intention, qui n’avait pas accouché. Les énonciations de l’acte sont
donc considérées comme ne correspondant pas à la réalité lorsque la femme indiquée en
qualité de mère n’est pas celle qui accouche.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser sa position de 2015 dans quatre arrêts du
5 juillet 20172. Elle a confirmé l’impossibilité de transcrire l’acte de naissance étranger sur
les registres de l’état civil français concernant la mère d’intention en précisant que la réalité,
au sens de l’article 47 du Code civil, est celle de l’accouchement. Elle a également précisé
que ce refus de transcription résulte de la loi, poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la
protection de l’enfant et de la mère porteuse, vise à décourager cette pratique prohibée par
les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit
au respect de la vie privée et familiale des enfants puisque leur accueil au foyer des parents
d’intention n’est pas remis en cause et qu’il n’y a plus d’obstacle à la transcription lorsque
les conditions de l’article 47 sont remplies3, ni à l’établissement de la filiation paternelle.
210. Adoption par l’époux(se) du père. Toutefois, la Cour de cassation admet, depuis ses arrêts
du 5 juillet 2017, que l’adoption puisse permettre de créer un lien de filiation entre les
enfants et l’époux ou l’épouse de leur père. Elle vise, outre les textes sur l’adoption, le droit
au respect de la vie privée et familiale des enfants4 ainsi que leur intérêt supérieur5, et décide
que le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait plus obstacle, en lui-même, au
prononcé de l’adoption, par l’époux ou l’épouse du père, de l’enfant né de cette procréation,
si les conditions légales de l’adoption sont réunies, notamment le consentement de la mère
porteuse si la filiation est établie à son égard, et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.6
Cette position permettant la création d’un lien de filiation avec le parent d’intention qui n’a
pas de lien biologique avec l’enfant par la voie de l’adoption et donc sans remise en cause
du principe mater semper certa est, pilier du droit de la filiation par procréation, semblait

1. N° 15/03855.
2. Nos 15-28.597, 16-16.901/16-50.025, 16-16455 et 16-16.495, JCP 2017, n° 39, p. 1691, note A. Gouttenoire, D. 2017, n° 30, p. 1737,
comm. H. Fulchiron, Dr. fam. 2017, n° 9, p. 10, comm. J.-R. Binet. Cf. aussi Civ. 1re, 29 nov. 2017, n° 16-50061.
3. La Cour précise par ailleurs que la transcription concernant le père n’est pas subordonnée à une expertise judiciaire.
4. Conv. EDH, art. 8.
5. Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, art. 3 § 1.
6. Cf. Paris, 30 janv. 2018, JurisData n° 2018-003358 : adoption plénière par le père d’intention non conforme à l’intérêt de
l’enfant. Cf. également Civ. 1re, 4 nov. 2020, préc.

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relativement équilibrée. Saisie d’une demande d’avis consultatif par la Cour de cassation
française1 dans l’affaire Mennesson, la Cour européenne des Droits de l’homme a d’ailleurs
validé la position de cette dernière. L’évolution ne s’arrête toutefois pas là.

CEDH 10 avril 2019, P16-2018-001, Avis consultatif2


« Pour le cas d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui (GPA) et issu des gamètes
du père d’intention et d’une tierce donneuse et alors que le lien de filiation entre l’enfant et
le père d’intention a été reconnu en droit interne,
1. le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme, requiert que le droit interne offre une possibilité de
reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, désignée dans
l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale ».
2. le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, ne
requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état
civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre
voie, telle l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités
prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre,
conformément à l’intérêt de l’enfant ».

211. Transcription intégrale. La Cour de cassation, suite à cet avis consultatif, a validé la trans-
cription de l’acte de naissance des jumelles Mennesson à l’égard de leur mère d’intention,
motivant sa décision sur les conditions, énoncées par la Cour de Strasbourg et non remplies
en l’espèce, dans lesquelles l’adoption est considérée comme suffisante : « Il se déduit de
l’art. 8 Conv. EDH qu’au regard de l’intérêt de l’enfant […] [qui exige un examen de chaque
situation au regard des circonstances particulières qui la caractérisent] la reconnaissance
du lien de filiation à l’égard de la mère d’intention mentionnée dans l’acte étranger doit
intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé.
[…] Il résulte de ce qui précède, qu’en l’espèce, s’agissant d’un contentieux qui perdure depuis
plus de quinze ans, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des
conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la
vie privée de Mmes E… et J… D… consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, et alors qu’il y a lieu de mettre fin à cette
atteinte, la transcription sur les registres de l’état civil de Nantes des actes de naissance
établis à l’étranger de E… et J… D… ne saurait être annulée »3.

1. Cass. Ass. plén. 5 oct. 2018, n° 10-19.053.


2. Il s’agit du premier avis consultatif de la Cour à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er août 2018, du Protocole additionnel n° 16
à la Convention européenne.
3. Cass. Ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19053, J.-R. Binet, « Clap de fin pour la saga judiciaire Mennesson », Dr. Fam. 2019, n° 12,
comm. 261.

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La Cour de cassation, de manière plus étonnante, a ensuite généralisé, afin d’ « unifier le
traitement des situations », la solution de la transcription intégrale de l’acte de naissance
étranger lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du Code civil, tant à l’égard
du père biologique qu’à l’égard de son époux/épouse ou compagnon/compagne comme
parents1, alors même que la Cour européenne des droits de l’homme a plusieurs fois eu
l’occasion de réaffirmer que l’adoption pouvait, à certaines conditions, être suffisante2.
La réalité, exigée par l’article 47 du Code civil, des énonciations comportées dans l’acte de
naissance étranger est désormais appréciée au regard du droit étranger concerné, et non
plus au sens de la loi française qui renvoie à l’accouchement.
Ces arrêts ont provoqué l’intégration de dispositions dans le cadre de l’examen du projet
de loi bioéthique visant à briser cette jurisprudence, en ajoutant à l’article 47 du Code
civil la précision selon laquelle la réalité est appréciée au regard de la loi française3, afin
d’empêcher la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant
la filiation d’un enfant né d’une GPA lorsqu’il mentionne comme mère une autre femme
que celle qui a accouché ou deux pères.

Civ. 1re, 18 novembre 2020, 19-50.043


[…]
Faits et procédure
3. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 13 mai 2019), aux termes de son acte de naissance étranger,
J… A…-N… est né le […] à Kamloops (Colombie britannique, Canada), ayant pour parents
M. A… et M. N…, tous deux de nationalité française. Les deux hommes ont eu recours à une
convention de gestation pour autrui au Canada.
4. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’étant
opposé à leur demande de transcription de l’acte de naissance sur les registres de l’état
civil consulaire, MM. A… et N… l’ont assigné à cette fin.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas
de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et deuxième branches
Énoncé du moyen

1. Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-11815 et 18-12327 ; Civ. 1re, 18 nov. 2020, n° 19-50043 ; Civ. 1re, 13 janv. 2021, nos 19-17929 et 19-50046.
2. CEDH, 12 déc. 2019, C et E c/ France, nos 1462/18 et 17348/18 ; CEDH, 16 juill. 2020, D c/ France, n° 11288/18 : refus de transcription
de l’acte étranger à l’égard de la mère d’intention, mère génétique de l’enfant désignée dans l’acte de naissance et épouse du
père ; l’existence d’un lien génétique n’a pas pour conséquence que le droit au respect de la vie privée et familiale requière
la reconnaissance du lien de filiation par l’unique voie de la transcription de son acte de naissance, dès lors que le lien de
filiation peut être établi par une autre voie, en l’espère suffisamment rapide.
3. Projet de loi relatif à la bioéthique, adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 31 juill. 2020, n° 474, art. 4 bis.

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6. MM. A… et N… font grief à l’arrêt de rejeter la demande de M. N… tendant à la trans-
cription de l’acte de naissance de J… A…-N…, s’agissant de sa désignation comme parent
de l’enfant, alors :
« 1°/ que l’article 47 du Code civil permet simplement d’écarter les actes d’état civil qui n’ont
pas été établis conformément à la loi dont ils relèvent ; que leur régularité formelle doit être
examinée au regard des conditions posées par la loi étrangère ; qu’en refusant la transcription
de l’acte de naissance de l’enfant J… en ce qui concerne la désignation de M. N… en qualité
de parent, au motif que les faits déclarés ne correspondaient pas à la réalité biologique de
l’enfant, sans examiner la régularité de l’acte de naissance au regard de la loi canadienne,
dont il relevait, la cour d’appel a violé l’article 47 du Code civil ;
2°/ qu’il se déduit de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la circonstance que la
naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui
ne peut à elle seule faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance du lien de filiation
à l’égard du parent d’intention mentionnée dans un acte étranger laquelle doit intervenir au
plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et le parent d’intention s’est concrétisé ; qu’en énonçant
que le refus de transcription de la filiation paternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à
l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit
un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à
décourager cette pratique prohibée, la cour d’appel a refusé la transcription de l’acte de
naissance de l’enfant J… par des motifs fondés sur l’existence d’une convention de gestation
pour autrui à l’origine de la naissance de l’enfant, et a violé l’article 8 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits
de l’enfant, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fonda-
mentales et 47 du Code civil :
7. Aux termes de l’article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, dans toutes
les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou
privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
8. Aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,
de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
9. Aux termes de l’article 47 du Code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers
fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres
actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même
établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié
ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

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10. Il se déduit du deuxième de ces textes, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits
de l’homme (avis consultatif du 10 avril 2019), qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant,
la circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention
de gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, ne peut, à elle
seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de
l’enfant, faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi par les autorités de
l’État étranger, en ce qui concerne le père biologique de l’enfant, ni à la reconnaissance du
lien de filiation à l’égard de la mère d’intention mentionnée dans l’acte étranger, laquelle doit
intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé
(Ass. plén., 4 octobre 2019, pourvoi n° 10-19.053, publié, paragraphe 6).
11. Le raisonnement n’a pas lieu d’être différent lorsque c’est un homme qui est désigné
dans l’acte de naissance étranger comme « parent d’intention ».
12. La jurisprudence de la Cour de cassation (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvois n° 15-28.597,
Bull. 2017, I, n° 163, n° 16-16.901 et 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164 et n° 16-16.455, Bull. 2017, I,
n° 165) qui, en présence d’un vide juridique et dans une recherche d’équilibre entre l’interdit
d’ordre public de la gestation pour autrui et l’intérêt supérieur de l’enfant, a refusé, au visa
de l’article 47 du Code civil, la transcription totale des actes de naissance étrangers des
enfants en considération, notamment, de l’absence de disproportion de l’atteinte portée
au droit au respect de leur vie privée dès lors que la voie de l’adoption était ouverte à
l’époux ou l’épouse du père biologique, ne peut trouver application lorsque l’introduction
d’une procédure d’adoption s’avère impossible ou inadaptée à la situation des intéressés.
13. Ainsi, dans l’arrêt précité, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a admis, au
regard des impératifs susvisés et des circonstances de l’espèce, la transcription d’actes de
naissance étrangers d’enfants nés à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, qui
désignaient le père biologique et la mère d’intention.
14. Les mêmes impératifs et la nécessité d’unifier le traitement des situations ont conduit
à une évolution de la jurisprudence en ce sens qu’en présence d’une action aux fins de
transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en
reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né
à l’issue d’une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père
biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles
à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au
sens de l’article 47 du Code civil (1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.327, publié, et
1re Civ., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-11.815, publié).
15. Pour ordonner la transcription partielle de l’acte de naissance de J… et rejeter la demande
en ce que cet acte désigne M. N… en qualité de parent, l’arrêt retient que la désignation de
celui-ci ne peut correspondre à la réalité biologique, ce dont il résulte que les faits qui y sont
déclarés ne correspondent pas à la réalité, et que la transcription partielle ne porte pas une
atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, au
regard du but légitime poursuivi, dès lors que l’accueil de l’enfant au sein du foyer constitué
par son père et son compagnon n’est pas remis en cause par les autorités françaises et que
ce dernier aura la possibilité de créer un lien de filiation avec l’enfant par un biais autre
que la transcription, n’étant pas établi que la voie de l’adoption serait fermée au motif qu’il
figure dans l’acte de naissance comme parent.
16. En statuant ainsi, alors que, saisie d’une demande de transcription d’un acte de l’état
civil étranger, elle constatait que celui-ci était régulier, exempt de fraude et avait été établi

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conformément au droit de l’Etat de Colombie Britannique, la cour d’appel a violé les textes
susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Tel que suggéré par le mémoire déposé au soutien du pourvoi incident, il est fait appli-
cation des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de
procédure civile.
18. La cassation prononcée n’implique pas, en effet, qu’il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen du
pourvoi incident, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. N… tendant à la
transcription, sur les registres de l’état civil, de l’acte de naissance de J… A…-N…, né le […] à
Kamloops, BC (Colombie Britannique, Canada), s’agissant de sa désignation comme parent
de l’enfant, l’arrêt rendu le 13 mai 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; […]

Section 4 – L’adoption

212. L’adoption crée un lien de filiation qui ne repose pas sur la procréation mais, d’une part, sur
la volonté de ceux qui consentent à l’adoption, des adoptants et de l’adopté en fonction de
son âge et, d’autre part, sur le jugement puisqu’elle est prononcée par le tribunal judiciaire.
Si elle existait d’une certaine manière dans l’Antiquité1, le modèle d’aujourd’hui est en réalité
assez récent. Quasiment inexistante dans l’Ancien Droit, elle a été restaurée par Napoléon
Bonaparte qui l’a intégrée dans le Code civil en la réservant aux adoptés majeurs, dans
l’objectif essentiel de transmettre la succession, et sans rupture des liens avec la famille
d’origine. Néanmoins, la première guerre ayant fait de nombreux orphelins, la loi du 19 juin
1923 a permis l’adoption d’enfants mineurs, toujours sans rupture des liens avec la famille
d’origine. Le Décret-loi du 29 juillet 1939 a quant à lui ajouté la « légitimation adoptive » des
enfants de moins de cinq ans par des couples mariés de plus de quarante ans sans enfants,
qui se rapproche davantage de l’adoption plénière d’aujourd’hui.
Une grande refonte a ensuite été opérée par la loi du 11 juillet 19662, qui a véritablement
consacré les deux formes actuelles de l’adoption – l’adoption simple et l’adoption plénière –
et ouvert cette dernière aux personnes seules. Depuis la loi du 22 décembre 19763, il n’est
plus nécessaire de ne pas avoir d’enfants pour adopter. La loi du 5 juillet 19964 a simplifié

1. Cf. JurisClasseur Civil Code, art. 343 à 370-2 – Fasc. 10 : filiation adoptive par Cl. Neirinck.
2. L. n° 66-500 du 11 juill. 1966.
3. L. n° 76-1179 du 22 déc. 1976.
4. L. n° 96-604 du 5 juill. 1996.

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le processus tandis que celle du 6 février 20011 a introduit dans le Code civil des règles de
Droit international privé concernant l’adoption internationale. L’ordonnance du 4 juillet
20052 n’a en revanche modifié l’adoption que sur certains points techniques.
Enfin, la loi du 17 mai 20133, en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même
sexe, leur a ouvert l’adoption4. Ce faisant, elle a indirectement bouleversé l’institution, sans
remettre en cause la distinction entre l’adoption plénière (§1) et l’adoption simple (§2), qui
diffèrent assez peu concernant leurs conditions mais nettement concernant leurs effets.

§1. L’adoption plénière


L’adoption plénière est celle qui produit les effets les plus radicaux puisqu’elle rompt les
liens avec la famille d’origine (B). Elle est soumise, dans l’intérêt de l’enfant, à des condi-
tions strictes qui évoluent au fil des bouleversements que connaît le Droit de la famille
dans son ensemble (A).

A. Les conditions

La volonté n’est pas suffisante. Un certain nombre de conditions de fond et de forme sont
prévues par la loi et sont relatives, d’une part, à l’adoptant et, d’autre part, à l’adopté.

1. Les conditions relatives à l’adoptant


Ces conditions sont liées à la personne et à la situation familiale de l’adoptant, à sa diffé-
rence d’âge avec l’adopté et, le cas échéant, à l’agrément.
213. Situation personnelle et familiale. Les articles 343 et suivants du Code civil distinguent
l’adoption par un couple de l’adoption par une personne seule.
L’adoption conjointe n’est permise qu’aux couples mariés depuis plus de deux ans ou dont
les membres sont âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans, non séparés de corps. Les couples
mariés de personnes de même sexe peuvent donc adopter, depuis que le mariage leur
est ouvert. En revanche, les couples non mariés, de sexe différent ou de même sexe, ne
peuvent jusqu’à présent pas adopter5.

1. L. n° 2001-111 du 6 févr. 2001.


2. Ord. n° 2005-759 du 4 juill. 2005.
3. L. n° 2013-404 du 17 mai 2013, préc.
4. C. civ., art. 6-1.
5. Une proposition de loi visant à réformer l’adoption a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 déc. 2020
(TA N° 525), afin, notamment, d’ouvrir l’adoption aux couples non mariés : « L’adoption peut être demandée par un couple
marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un Pacs ou deux concubins. Les adoptants doivent être en mesure
d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins un an ou être âgés l’un et l’autre de plus de 26 ans ».

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Une personne, qu’elle soit célibataire ou en couple, pourra quant à elle adopter individuel-
lement si elle est âgée de plus de 28 ans et avec le consentement de son conjoint si elle est
mariée. Dans l’hypothèse particulière de l’adoption de l’enfant du conjoint, la condition
d’âge n’est toutefois pas exigée.
Si l’adoptant a déjà des descendants, le tribunal vérifiera que l’adoption n’est pas de nature
à compromettre la vie familiale1.
214. Différence d’âge avec l’adopté. L’article 344 du Code civil pose par ailleurs une condition
liée à la différence d’âge minimum entre l’adoptant et l’adopté. Les adoptants doivent en
effet avoir quinze ans de plus que les adoptés. Toutefois le tribunal peut, s’il y a de justes
motifs, prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est inférieure à celle-ci. Elle n’est
en outre que de dix ans pour l’adoption de l’enfant du conjoint.
215. Agrément. Enfin, dans l’hypothèse de l’adoption d’un enfant pupille de l’État, d’un enfant
remis à un organisme autorisé pour l’adoption (OAA)2 ou d’un enfant étranger qui n’est
pas l’enfant du conjoint de l’adoptant, le tribunal vérifie, avant de prononcer l’adoption,
que le ou les requérants ont obtenu l’agrément pour adopter ou en étaient dispensés3.

Conseil constitutionnel, 17 mai 2013, décision n° 2013-669 DC,


Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
[…]

SUR L’ADOPTION

32. Considérant que les articles 343 et 346 du Code civil, applicables tant à l’adoption plénière
qu’à l’adoption simple, disposent, d’une part, que l’adoption « peut être demandée par
deux époux… » et, d’autre part, que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce
n’est par deux époux » ; qu’en outre, il résulte tant de l’article 356 du Code civil, applicable
à l’adoption plénière, que de l’article 365 du même code applicable à l’adoption simple,
compte tenu de la portée que la jurisprudence constante de la Cour de cassation confère
à ces dispositions, que la faculté d’une adoption au sein d’un couple est réservée aux
conjoints ; que, par suite, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même

1. Cf. pour des exemples d’appréciation de cette dernière condition : Agen, 15 mai 2013, 12/01359, JurisData 2013-010350 et
Douai, 6 juin 2013, 12/04631, JurisData 2013-011823.
2. Organisme de droit privé autorisé par le président du conseil départemental et qui sert d’intermédiaire pour l’adoption,
CASF art. L225-11 s.
3. C. civ., art. 353-1. Si l’agrément a été refusé ou s’il n’a pas été délivré dans le délai légal de neuf mois, le tribunal peut prononcer
l’adoption s’il estime que les requérants sont aptes à accueillir l’enfant et qu’elle est conforme à son intérêt ; il est néanmoins
peu probable que le tribunal prononce l’adoption dans la première hypothèse. La procédure d’agrément relève du Code de
l’action sociale et des familles. Le ou les adoptants doivent être agréés par un arrêté du président du conseil départemental
après avis d’une commission qui vérifie qu’ils remplissent les qualités nécessaires pour adopter sur les plans familial, éducatif
et psychologique. Les refus et retraits d’agrément sont motivés et contrôlés par les juridictions administratives. Une nouvelle
demande est possible après un délai de 30 mois. L’agrément est valable sur tout le territoire pour 5 ans, avec confirmation
régulière du souhait d’adopter et entretiens d’actualisation du dossier.

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sexe a pour conséquence de permettre l’adoption par des couples de personnes de
même sexe ainsi que l’adoption au sein de tels couples ;
33. Considérant que les articles 7 et 8 de la loi modifient les articles 345-1 et 360 du Code
civil afin de fixer les conditions dans lesquelles un enfant ayant déjà fait l’objet d’une
adoption par une personne peut ultérieurement être adopté par le conjoint de cette
personne ;
34. Considérant que l’article 13 de la loi insère dans le Code civil un article 6-1 aux termes
duquel : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et
obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du
présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe » ;
35. Considérant que les requérants mettent en cause l’intelligibilité de ces dispositions,
la conformité à la Constitution de l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes
de même sexe et les modifications apportées par les articles 7 et 8 aux dispositions
du Code civil relatives à l’adoption ;

En ce qui concerne l’intelligibilité des dispositions relatives à l’adoption :


36. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions du Code civil qui font
référence à la filiation désignent distinctement « le père » et « la mère » ; qu’en prévoyant
que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et obligations, que
les époux soient de même sexe ou de sexe différent, les dispositions de l’article 13
conduisent, d’une part, à ce que les mots « père » et « mère » puissent désigner deux
hommes ou deux femmes et, d’autre part, à ce que la portée de ces mots varie selon
qu’ils sont ou non placés dans le titre VII du livre Ier du Code civil ; qu’il en résulterait
une méconnaissance des exigences de clarté et de précision de la loi ; qu’en permettant
l’établissement d’un lien de filiation à l’égard de deux personnes de même sexe sans
modifier les dispositions du titre VII du livre Ier du Code civil, ces dispositions rendraient
en outre inintelligibles certains articles du Code civil, notamment ses articles 320,
330, 333, 336 et 336-1 ; que seraient également incompréhensibles les dispositions de
l’article 310 du Code civil relatives à l’égalité entre les enfants ;
37. Considérant que les députés requérants font en outre valoir qu’en s’abstenant d’apporter
les modifications nécessaires aux règles relatives à la présomption de paternité, à
la procréation médicalement assistée et à la gestation pour le compte d’autrui, les
dispositions contestées auraient en outre rendu l’ensemble de ces règles incohérentes
et inintelligibles ;
38. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que
lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur
constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4,
5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions
suffisamment précises et des formules non équivoques ;

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Quant au titre VII du livre Ier du Code civil :
39. Considérant que, s’agissant des règles relatives à l’établissement et à la contestation
de la filiation, le livre Ier du Code civil comprend un titre VII, consacré à « la filiation »,
et un titre VIII, consacré à « la filiation adoptive » ;
40. Considérant que le titre VII distingue entre la filiation maternelle et la filiation pater-
nelle ; que l’article 320 du Code civil, qui figure au sein de ce titre VII, dispose : « Tant
qu’elle n’a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à
l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait » ; que, par suite, les dispositions
de cet article font obstacle à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations pater-
nelles soient établies à l’égard d’un même enfant ; qu’ainsi, en particulier, au sein d’un
couple de personnes de même sexe, la filiation ne peut être établie par la présomption
de l’article 312 du Code civil ; que le mariage est sans incidence sur les autres modes
d’établissement de la filiation prévus par le titre VII du livre Ier du Code civil ;
41. Considérant qu’au sein du titre VIII, l’article 358, applicable aux enfants ayant été adoptés
en la forme plénière, dispose : « L’adopté a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes
droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation est établie en application
du titre VII » du livre Ier ; qu’en prévoyant, à titre de mesure générale de coordination,
que la filiation adoptive emporte les mêmes effets, droits et obligations reconnus par
les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier, que les époux ou les parents
soient de sexe différent ou de même sexe, les dispositions de l’article 6-1 du Code civil
n’ont pas entendu faire obstacle à l’application de la règle selon laquelle, les enfants
adoptés, que leurs parents soient de même sexe ou de sexe différent, bénéficieront
des mêmes droits que ceux dont la filiation est légalement établie en application de
ce titre VII ;
42. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doit être écarté le grief tiré de ce que
l’article 6-1 du Code civil entacherait le titre VII du livre Ier du Code civil d’inintelligibilité ;

Quant à l’article 13 de la loi :


43. Considérant qu’à l’exception des dispositions du titre VII du livre Ier du Code civil, les
règles de droit civil, notamment celles relatives à l’autorité parentale, au mariage,
aux régimes matrimoniaux et aux successions, ne prévoient pas de différence entre
l’homme et la femme s’agissant des relations du mariage, des conséquences qui en
résultent et des conséquences relatives à l’établissement d’un lien de filiation ; que, par
suite, en prévoyant que le mariage et la filiation emportent les mêmes effets, droits et
obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent
ou de même sexe, sans supprimer les références qui, dans ces textes, désignent les
« père » et « mère » ou « le mari et la femme », l’article 6-1 du Code civil ne rend pas ces
règles inintelligibles ;
44. Considérant que, d’une part, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour
effet de modifier la portée des dispositions de l’article 16-7 du Code civil aux termes
desquelles : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte
d’autrui est nulle » ; que, d’autre part, il résulte de l’article L. 2141-2 du code de la santé
publique que l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infer-
tilité pathologique, médicalement diagnostiquée d’un couple formé d’un homme et

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d’une femme en âge de procréer, qu’ils soient ou non mariés ; que les couples formés
d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation
différente de celle des couples de personnes de même sexe ; que le principe d’égalité
ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations diffé-
rentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec
l’objet de la loi qui l’établit ; que, par suite, ni le principe d’égalité ni l’objectif de valeur
constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi n’imposaient qu’en ouvrant
le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, le législateur modifie
la législation régissant ces différentes matières ;
45. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que l’article 13 de
la loi serait entaché d’inintelligibilité doivent être écartés ;

En ce qui concerne l’adoption par des personnes de même sexe


ou au sein d’un couple de personnes de même sexe :
46. Considérant que, selon les requérants, la possibilité conférée à deux personnes de
même sexe d’adopter un enfant porte atteinte au « principe de valeur constitution-
nelle de la filiation bilinéaire fondée sur l’altérité sexuelle », proclamé par les lois de la
République, ainsi qu’au droit constitutionnel de tout enfant à voir sa filiation établie
à l’égard de son père et de sa mère ; que l’adoption par deux personnes de même sexe
porterait en outre atteinte au droit de l’enfant de mener une vie familiale normale
ainsi qu’à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ; qu’il en résulterait également
une méconnaissance des stipulations de l’article 3-1 de la Convention internationale
relative aux droits de l’enfant ;
47. Considérant qu’ils soutiennent encore que, lorsque l’enfant est adopté en la forme
plénière par deux personnes de sexe différent, l’effacement de la filiation antérieure
garantirait la préservation du secret de l’adoption et ferait entrer l’enfant dans la famille
de l’adoptant « comme un enfant biologique » ; que la possibilité d’une adoption par
deux personnes de même sexe conduirait au contraire nécessairement à révéler l’orien-
tation sexuelle des adoptants et la nature adoptive de la filiation ; qu’il en résulterait
une atteinte au droit à la protection de la vie privée et à l’égalité devant la loi ;
48. Considérant qu’ils font enfin valoir que, compte tenu notamment des difficultés que
rencontreront les couples de personnes de même sexe pour adopter, la possibilité d’un
établissement de la filiation à l’égard de deux personnes de même sexe incitera ces
couples à recourir à l’étranger à la procréation médicalement assistée et à la gestation
pour le compte d’autrui en fraude à la loi française ;

Quant aux griefs tirés de l’atteinte au principe d’égalité


et au droit de mener une vie familiale normale :
49. Considérant, en premier lieu que, d’une part, en permettant l’adoption par deux
personnes de même sexe ou au sein d’un couple de personnes de même sexe, le légis-
lateur, compétent pour fixer les règles relatives à l’état et à la capacité des personnes
en application de l’article 34 de la Constitution, a estimé que l’identité de sexe des
adoptants ne constituait pas, en elle-même, un obstacle à l’établissement d’un lien de

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filiation adoptive ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son
appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, pour l’établissement d’un lien
de filiation adoptive, de la différence entre les couples de personnes de même sexe et
les couples formés d’un homme et d’une femme ;
50. Considérant que, d’autre part, en vertu de l’article 356 du Code civil, l’adoption plénière
confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine ; que le principe
d’égalité impose que les enfants adoptés en la forme plénière bénéficient, dans leur
famille adoptive, des mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants dont la
filiation est établie en application du titre VII du livre Ier du Code civil ; qu’une telle
exigence est satisfaite par les dispositions de l’article 358 du Code civil précité ;
51. Considérant, en outre, que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789
implique le respect de la vie privée ; que, toutefois, aucune exigence constitutionnelle
n’impose ni que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé ni que les liens de
parenté établis par la filiation adoptive imitent ceux de la filiation biologique ; que,
par suite, le grief tiré de ce que la possibilité d’une adoption par deux personnes de
même sexe porterait atteinte au principe d’égalité et au droit à la protection de la vie
privée doit être écarté ;
52. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n’ont ni pour objet
ni pour effet de reconnaître aux couples de personnes de même sexe un « droit à
l’enfant » ; qu’elles ne soustraient pas les couples de personnes de même sexe aux
règles, conditions et contrôles institués en matière de filiation adoptive ; qu’en effet,
ces dispositions ne modifient pas la règle, fixée par le premier alinéa de l’article 353-1
du Code civil, aux termes duquel : « Dans le cas d’adoption d’un pupille de l’État, d’un
enfant remis à un organisme autorisé pour l’adoption ou d’un enfant étranger qui
n’est pas l’enfant du conjoint de l’adoptant, le tribunal vérifie avant de prononcer
l’adoption que le ou les requérants ont obtenu l’agrément pour adopter ou en étaient
dispensés » ; qu’il n’est pas davantage dérogé à la règle, fixée par le premier alinéa de
l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles, aux termes duquel : « Les
pupilles de l’État peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l’aide
sociale à l’enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui
se sont établis entre eux justifient cette mesure, soit par des personnes agréées à
cet effet, soit, si tel est l’intérêt desdits pupilles, par des personnes dont l’aptitude à
les accueillir a été régulièrement constatée dans un État autre que la France, en cas
d’accord international engageant à cette fin ledit État » ; que s’appliquent également
les dispositions de son article L. 225-17 qui prévoit : « Les personnes qui accueillent, en
vue de son adoption, un enfant étranger doivent avoir obtenu l’agrément prévu aux
articles L. 225-2 à L. 225-7 » ; qu’ainsi, les couples de personnes de même sexe qui désirent
adopter un enfant seront soumis, comme ceux qui sont formés d’un homme et d’une
femme, à une procédure destinée à constater leur capacité à accueillir un enfant en
vue de son adoption ;
53. Considérant, d’une part, que la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée
peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient,
la complètent ou affectent son domaine ; qu’en l’espèce les dispositions contestées
affectent le domaine des articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des

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familles ; que les dispositions relatives à l’agrément du ou des adoptants, qu’ils soient
de sexe différent ou de même sexe, ne sauraient conduire à ce que cet agrément soit
délivré sans que l’autorité administrative ait vérifié, dans chaque cas, le respect de l’exi-
gence de conformité de l’adoption à l’intérêt de l’enfant qu’implique le dixième alinéa
du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, sous cette réserve, les dispositions des
articles L. 225-2 et L. 225-17 du code de l’action sociale et des familles ne méconnaissent
pas les exigences du dixième alinéa du Préambule de 1946 ;
54. Considérant, d’autre part, que les dispositions contestées ne dérogent pas aux dispo-
sitions de l’article 353 du Code civil, selon lesquelles l’adoption est prononcée par le
tribunal de grande instance à la requête de l’adoptant si les conditions de la loi sont
remplies « et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant » ; que ces dispositions,
applicables que les adoptants soient de même sexe ou de sexe différent, mettent en
œuvre l’exigence résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946
selon laquelle l’adoption ne peut être prononcée que si elle est conforme à l’intérêt de
l’enfant ;
55. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions
contestées méconnaîtraient le dixième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ;
qu’il en va de même du grief tiré de ce que les droits de l’enfant seraient inégalement
protégés selon qu’ils sont adoptés par des parents de même sexe ou par des parents
de sexe différent ;

Quant aux autres griefs :


56. Considérant, en premier lieu, que la tradition républicaine ne saurait être utilement
invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la
Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe
fondamental reconnu par les lois de la République ; que la législation républicaine
antérieure à la Constitution de 1946 relative aux conditions de l’adoption et aux
conditions d’établissement de la maternité et de la paternité a toujours compris des
règles limitant ou encadrant les conditions dans lesquelles un enfant peut voir établir
les liens de filiation à l’égard du père ou de la mère dont il est issu ; que notamment,
l’action en recherche de paternité a vu son régime juridique modifié par la loi du
16 novembre 1912 sur la déclaration judiciaire de paternité naturelle et que l’action en
recherche de paternité des enfants adultérins a été interdite jusqu’à la loi n° 72-3 du
3 janvier 1972 sur la filiation ; que de même les règles relatives à l’adoption de l’enfant
mineur ont été modifiées par la loi du 19 juin 1923 sur l’adoption ; qu’ainsi, en tout état
de cause, doit être écarté le grief tiré de la méconnaissance d’un principe fondamental
reconnu par les lois de la République en matière de « caractère bilinéaire de la filiation
fondé sur l’altérité sexuelle » ; qu’il en va de même du grief tiré de la méconnaissance
d’un principe constitutionnel garantissant le droit de tout enfant de voir sa filiation
concurremment établie à l’égard d’un père et d’une mère ;
57. Considérant en deuxième lieu, que, si les dispositions de l’article 55 de la Constitution
confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à
celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être
assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution ; qu’ainsi, en

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tout état de cause, doit être rejeté le grief tiré de la méconnaissance de la Convention
internationale relative aux droits de l’enfant ;
58. Considérant, en troisième lieu, que l’éventualité d’un détournement de la loi lors de
son application n’entache pas celle-ci d’inconstitutionnalité ; qu’il appartient aux
juridictions compétentes d’empêcher, de priver d’effet et, le cas échéant, de réprimer
de telles pratiques ;
59. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ouverture de l’adoption par des couples
de personnes de même sexe et au sein de ces couples n’est pas contraire aux exigences
constitutionnelles précitées ; que les dispositions des articles 1er et 13 de la loi déférée,
qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l’adoption d’un enfant ayant déjà fait l’objet d’une adoption :
60. Considérant que l’article 7 de la loi insère dans l’article 345-1 du Code civil un 1° bis afin
de permettre l’adoption de l’enfant du conjoint « Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une
adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard » ; que
l’article 8 de la loi insère dans l’article 360 du même code un troisième alinéa aux termes
duquel : « L’enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple
ou plénière, peut l’être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme
simple » ;
61. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu’en maintenant la règle selon
laquelle un enfant adopté ne peut faire l’objet d’une seconde adoption tout en levant
cette interdiction pour permettre l’adoption de l’enfant du conjoint, les dispositions
des articles 7 et 8 porteraient atteinte à l’égalité devant la loi ;
62. Considérant que l’article 346 prohibe l’adoption par deux personnes si ce n’est par
deux époux ; que le deuxième alinéa de l’article 360 permet « s’il est justifié de motifs
graves » l’adoption simple de l’enfant ayant déjà fait l’objet d’une adoption plénière ; qu’il
ressort du second alinéa de l’article 356 du Code civil, s’agissant de l’adoption plénière,
ainsi que du premier alinéa de l’article 365 du même code, s’agissant de l’adoption
simple, que l’adoption de l’enfant du conjoint produit des effets identiques à ceux de
l’adoption par deux époux ; que les modifications apportées aux articles 345-1 et 360
du Code civil fixent les conditions dans lesquelles un enfant ayant déjà fait l’objet d’une
adoption, peut ultérieurement être aussi adopté par le conjoint de l’adoptant ; qu’en
réservant cette possibilité à l’adoption de l’enfant du conjoint, le législateur a pris en
compte, comme il lui était loisible de le faire, la différence entre les adoptions au sein
du couple et les autres formes d’adoption ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte au
principe d’égalité doit être écarté ;
63. Considérant que, par suite, les dispositions des articles 7 et 8 de la loi déférée, qui
ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
[…]
D É C I D E:
Article 1er.- Les articles 1er, 7, 8, 11 à 14, 19, 21 et 22 de la loi ouvrant le mariage aux couples
de personnes de même sexe sont conformes à la Constitution.

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Article 2.-Sous la réserve énoncée au considérant 53, les articles L. 225-2 et L. 225-17
du code de l’action sociale et des familles sont conformes à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

2. Les conditions relatives à l’adopté


Ces conditions sont liées à l’âge, au placement de l’enfant et à son adoptabilité. L’adoption
doit en outre être conforme à son intérêt1.

a) Âge
216. Selon l’article 345 du Code civil, l’adoption plénière n’est en principe permise qu’en faveur
des enfants âgés de moins de quinze ans. Elle est néanmoins possible pendant toute la
minorité et les deux ans qui suivent la majorité si l’enfant a plus de quinze ans et a été
accueilli avant d’avoir cet âge par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions
légales pour adopter ou s’il a fait l’objet d’une adoption simple avant cet âge. Si l’enfant
a plus de treize ans, il doit en outre consentir à son adoption2 et peut se rétracter jusqu’à
son prononcé.

b) Placement
217. Préalablement au prononcé de l’adoption, l’enfant doit en outre être accueilli au foyer du
ou des adoptants pendant au moins six mois. On parle de placement en vue de l’adoption
lorsque les adoptants se sont adressés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou à un organisme
autorisé pour l’adoption, sachant que les enfants de moins de deux ans doivent nécessai-
rement être remis à l’ASE ou un OAA, sauf dans l’hypothèse d’une adoption intrafamiliale3.
Le placement consiste dans la remise effective de l’enfant aux futurs adoptants et fait échec
à la remise à la famille d’origine et à toute reconnaissance ou déclaration de filiation4. C’est
pourquoi l’enfant dont la filiation n’est pas établie ne peut être placé en vue de l’adoption
avant l’écoulement d’un délai de deux mois.

Conseil constitutionnel, 7 févr. 2020, Décision 2019-826 QPC


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 20 novembre 2019 par la Cour de cassation
(première chambre civile, arrêt n° 1079 du même jour), dans les conditions prévues à
l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette
question a été posée pour M. Justin A. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil
d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil

1. Cf. Cons const., 17 mai 2013, décision n° 2013-669 DC, préc. et reproduite supra.
2. Devant un notaire, les autorités consulaires ou les services de l’Aide Sociale à l’Enfance lorsque l’enfant lui est confié.
3. C. civ., art. 348-5. L’enfant de plus de deux ans peut quant à lui avoir été remis directement aux adoptants par ses parents
qui consentent à l’adoption.
4. C. civ., art. 352. Cf. sur les effets du placement à l’égard du père biologique de l’enfant souhaitant le reconnaitre ou l’ayant
reconnu cf. Civ. 1re, 7 avr. 2006, n° 05-11285 (affaire « Benjamin »), préc. ; Cons. Constit. 7 févr. 2020, n° 2019-826 QPC (déc.
reproduite) et Civ. 1re 27 janv. 2021, nos 19-15921, 19-24608 et 20-14012 (déc. reproduite).

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constitutionnel sous le n° 2019-826 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article 351 du Code civil, dans
sa rédaction résultant de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption, et du premier
alinéa de l’article 352 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 66-500 du 11 juillet
1966 portant réforme de l’adoption.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel ;
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le Code civil ;
– la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 portant réforme de l’adoption ;
– la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitu-
tionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
(…)
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Le deuxième alinéa de l’article 351 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du
5 juillet 1996 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de
l’adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant ».
2. Le premier alinéa de l’article 352 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet
1966 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille
d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance ».
3. Le requérant soutient tout d’abord que ces dispositions, qui s’opposent à toute recon-
naissance d’un enfant à compter de son placement en vue de l’adoption, méconnaîtraient,
dans le cas d’un enfant né d’un accouchement secret, le droit de mener une vie familiale
normale. En effet, dès lors que le placement de l’enfant peut intervenir dès l’expiration
d’un délai de deux mois après son recueil par le service de l’aide sociale à l’enfance, le père
de naissance, lorsqu’il ignore les date et lieu de naissance de l’enfant, serait dans l’impos-
sibilité de le reconnaître avant son placement en vue de l’adoption et donc d’en solliciter la
restitution. Par ailleurs, en s’opposant à toute reconnaissance de l’enfant dès son placement
en vue de l’adoption, ces dispositions privilégieraient la filiation adoptive au détriment de
la filiation biologique en méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant et d’un principe
fondamental « selon lequel la filiation biologique est première et l’adoption seulement
subsidiaire ». Enfin, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi.
D’une part, elles soumettent aux mêmes délais et procédure le père et la mère de naissance
alors que seule cette dernière est informée des conséquences de l’accouchement secret.
D’autre part, elles institueraient une différence de traitement entre le père de naissance
et les futurs adoptants en empêchant le premier d’établir sa filiation après le placement

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en vue de l’adoption quand les seconds bénéficieraient, dès cet instant, de la garantie de
l’établissement d’un lien de filiation.
4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « deux mois »
figurant au deuxième alinéa de l’article 351 du Code civil et sur les mots « et à toute recon-
naissance » figurant à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 352 du même code.
Sur les griefs tirés de la méconnaissance de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur
de l’enfant et du droit de mener une vie familiale normale :
5. Aux termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La
Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.-Elle
garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la
santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Il en résulte une exigence de protection
de l’intérêt supérieur de l’enfant.
6. Le droit de mener une vie familiale normale résulte de ce même dixième alinéa.
7. L’article 326 du Code civil permet à la mère, lors de l’accouchement, de demander que soit
préservé le secret de son admission et de son identité. L’article L. 224-4 du code de l’action
sociale et des familles prévoit que, lorsqu’ils ont été recueillis par le service d’aide sociale
à l’enfance depuis plus de deux mois, les enfants dont la filiation n’est pas établie ou est
inconnue, au nombre desquels figurent les enfants nés d’un tel accouchement secret, sont
admis en qualité de pupille de l’État. Selon l’article L. 224-6 du même code, pendant ce délai
de deux mois, les père et mère peuvent reconnaître l’enfant et le reprendre immédiatement,
sans aucune formalité. Au-delà de ce délai, la décision d’accepter ou de refuser la restitution
d’un pupille de l’État, qui peut être contestée devant le tribunal judiciaire, est prise par le
tuteur, avec l’accord du conseil de famille.
8. Il résulte des dispositions contestées de l’article 351 du Code civil que lorsque la filiation
de l’enfant n’est pas établie, le placement en vue de l’adoption ne peut pas intervenir avant
l’expiration du délai de deux mois à compter du recueil de l’enfant au terme duquel il est
admis en qualité de pupille de l’État. Les dispositions contestées de l’article 352 du Code
civil prévoient que le placement en vue de l’adoption fait échec à toute reconnaissance.
9. D’une part, en prévoyant qu’un enfant sans filiation ne peut être placé en vue de son
adoption qu’à l’issue d’un délai de deux mois à compter de son recueil, le législateur a
entendu concilier l’intérêt des parents de naissance à disposer d’un délai raisonnable pour
reconnaître l’enfant et en obtenir la restitution et celui de l’enfant dépourvu de filiation à
ce que son adoption intervienne dans un délai qui ne soit pas de nature à compromettre
son développement. D’autre part, la reconnaissance d’un enfant pourrait faire obstacle à la
conduite de sa procédure d’adoption. En interdisant qu’une telle reconnaissance intervienne
postérieurement à son placement en vue de son adoption, le législateur a entendu garantir
à l’enfant, déjà remis aux futurs adoptants, un environnement familial stable.
10. Le père de naissance peut reconnaître l’enfant avant sa naissance et jusqu’à son éventuel
placement en vue de l’adoption. Dans le cas d’un enfant né d’un accouchement secret,
l’article 62-1 du Code civil prévoit que, si la transcription de la reconnaissance paternelle
s’avère impossible, le père peut en informer le procureur de la République, qui doit procéder
à la recherche des date et lieu d’établissement de l’acte de naissance de l’enfant. De plus, il
résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la reconnaissance d’un enfant avant

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son placement en vue de l’adoption fait échec à son adoption même lorsque l’enfant n’est
précisément identifié qu’après son placement.
11. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du
législateur sur la conciliation qu’il y a lieu d’opérer, dans l’intérêt supérieur de l’enfant remis
au service de l’aide sociale à l’enfance, entre le droit des parents de naissance de mener une
vie familiale normale et l’objectif de favoriser l’adoption de cet enfant, dès lors que cette
conciliation n’est pas manifestement déséquilibrée.
12. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du droit de mener une
vie familiale normale et de l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur
de l’enfant doivent être écartés.
– Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi :
13. Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit
être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne
s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à
ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre
cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui
l’établit. Si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même façon des personnes
qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter
différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.
14. Si, dans le cas d’un accouchement secret, le père et la mère de naissance se trouvent
dans une situation différente pour reconnaître l’enfant, les dispositions contestées, qui se
bornent à prévoir le délai dans lequel peut intervenir le placement de l’enfant en vue de
son adoption et les conséquences de ce placement sur la possibilité d’actions en reconnais-
sance, n’instituent en tout état de cause pas de différence de traitement entre eux. Elles
n’instituent pas davantage de différence de traitement entre les parents de naissance et les
futurs adoptants. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant
la loi doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent
aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes
à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er.-Les mots « deux mois » figurant au deuxième alinéa de l’article 351 du Code
civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption,
et les mots « et à toute reconnaissance » figurant à la deuxième phrase du premier alinéa
de l’article 352 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966
portant réforme de l’adoption, sont conformes à la Constitution.
Article 2.-Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée
dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

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Civ. 1re, 27 janvier 2021, 19-15921 ; 19-24608 ; 20-14012
Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 19-15.921, n° R 19-24.608 et n° U 20-14.012


sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Riom, 5 mars, 5 novembre et 17 décembre 2019), I… T… H… est
née le […] . Sa mère a demandé le secret de son accouchement. Le lendemain, l’enfant a
été admise, à titre provisoire, comme pupille de l’État puis, à titre définitif, le 24 décembre
suivant. Le conseil de famille des pupilles de l’État a consenti à son adoption le 10 janvier
2017 et une décision de placement a été prise le 28 janvier. L’enfant a été remise au foyer
de M. et Mme R… le 15 février. Après avoir, le 2 février 2017, entrepris des démarches auprès
du procureur de la République pour retrouver l’enfant, et ultérieurement identifié celle-ci,
M. A… , père de naissance, l’a reconnue le 12 juin. M. et Mme R… ayant déposé une requête
aux fins de voir prononcer l’adoption plénière de l’enfant, M. A… est intervenu volontai-
rement à l’instance.
[…]
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi n° Y 19-15.921, pris en sa deuxième branche

Énoncé du moyen

8. M. A… fait grief à l’arrêt de dire que son action est irrecevable et de prononcer l’adoption
de l’enfant I… T… H… , alors « qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée
et familiale ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne, la vie familiale s’étend à la relation
potentielle qui aurait pu se développer entre un père naturel et un enfant né hors mariage et que la vie
privée, qui englobe des aspects importants de l’identité personnelle, inclut le droit au regroupement
d’un père avec son enfant biologique ainsi que l’établissement d’un lien juridique ou biologique entre
un enfant né hors mariage et son géniteur ; toujours selon la jurisprudence de la Cour européenne, la
notion de vie privée inclut le droit à la connaissance de ses origines, l’intérêt vital de l’enfant dans son
épanouissement étant également largement reconnu dans l’économie générale de la Convention ; que
l’annulation par la cour d’appel de l’acte de reconnaissance de I… par son père après son placement en
vue de l’adoption et la décision de prononcer l’adoption plénière de l’enfant constituent une ingérence
dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale de M. A… et de I… garanti par l’article 8
de la Convention ; qu’il appartient au juge de vérifier si concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise,
une telle ingérence est nécessaire dans une société démocratique, et, pour ce faire, d’apprécier la
nécessité de la mesure au regard du but poursuivi, son adéquation et son caractère proportionné à
cet objectif ; après avoir constaté que M. A… avait démontré sa détermination, par les nombreuses
démarches qu’il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de I…, à faire reconnaître
sa paternité sur l’enfant et qu’il était prouvé, par les expertises biologiques, qu’il était bien le père
biologique de I…, la cour d’appel a annulé l’acte de reconnaissance au motif que le placement en vue
de l’adoption faisait échec à toute déclaration de filiation en application de l’article 352 du Code civil

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et a retenu qu’il était de l’intérêt de I… de voir prononcer son adoption par les époux R… avec lesquels
elle avait noué des liens affectifs forts qu’il serait traumatisant de rompre brutalement ; qu’en se
déterminant ainsi par des motifs ne prenant en compte que les conséquences immédiates qu’aurait
sur l’enfant une séparation avec la famille d’accueil sans prendre en considération les effets à long
terme d’une séparation permanente avec son père biologique et sans rechercher, ainsi qu’elle y était
invitée, si concrètement, les autorités nationales, sollicitées à plusieurs reprises par M. A… , avaient
pris les mesures nécessaires et adéquates pour garantir l’effectivité de son droit à voir établi un lien
futur entre lui et sa fille, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 8 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen […]
Bien-fondé du moyen
Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fonda-
mentales, l’article 352, alinéa 1er, du Code civil et l’article 329 du code de procédure civile :
12. Le premier de ces textes dispose :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour
autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
13. Selon le deuxième, le placement en vue de l’adoption met obstacle à toute restitution
de l’enfant à sa famille d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute
reconnaissance.
14. Aux termes du troisième, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention
au profit de celui qui la forme. Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relati-
vement à cette prétention.
15. Il résulte de la combinaison des deux derniers textes que l’intervention volontaire dans
une procédure d’adoption plénière du père de naissance d’un enfant immatriculé défini-
tivement comme pupille de l’État et placé en vue de son adoption est irrecevable, faute de
qualité à agir, dès lors qu’aucun lien de filiation ne peut plus être établi entre eux.
16. Ces dispositions, qui constituent une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la
vie privée et familiale du père de naissance, poursuivent les buts légitimes de protection
des droits d’autrui en sécurisant, dans l’intérêt de l’enfant et des adoptants, la situation de
celui-ci à compter de son placement en vue de l’adoption et en évitant les conflits de filiation.
17. Il appartient cependant au juge, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, de procéder,
au regard des circonstances de l’espèce, à une mise en balance des intérêts en présence, celui
de l’enfant, qui prime, celui des parents de naissance et celui des candidats à l’adoption, afin
de vérifier que les dispositions de droit interne, eu égard à la gravité des mesures envisagées,
ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale
du père de naissance.

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18. Pour déclarer M. A… irrecevable en son intervention volontaire et annuler sa reconnais-
sance de paternité, l’arrêt retient que, s’il a démontré sa détermination, par les nombreuses
démarches qu’il a engagées pendant les mois qui ont suivi la naissance de l’enfant, à faire
reconnaître sa paternité, il ne justifie pas d’une qualité à agir dès lors que le lien de filiation
ne peut être établi.
19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’irrecevabilité
de l’action du père de naissance, qui n’avait pu, en temps utile, sans que cela puisse lui être
reproché, faire valoir ses droits au cours de la phase administrative de la procédure, ne portait
pas, eu égard aux différents intérêts en présence, une atteinte disproportionnée au droit
au respect de sa vie privée et familiale en ce qu’elle interdisait l’examen de ses demandes,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
Et sur les premiers moyens des pourvois n° R 19-24.608 et n° U 20-14.012, rédigés en
termes identiques, réunis
Vu l’article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :
20. La cassation de l’arrêt du 5 mars 2019 entraîne, par voie de conséquence, celle des arrêts
des 5 novembre et 17 décembre 2019, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni de saisir la Cour
européenne des droits de l’homme pour avis consultatif, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 5 mars, 5 novembre
et 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;

c) Adoptabilité
218. Plusieurs catégories d’enfants sont adoptables. Selon la terminologie employée par le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères, l’enfant est adoptable soit par consen-
tement familial, soit par décision administrative, soit par décision de justice1.
219. Consentement familial. Selon l’article 347 du Code civil, peuvent en premier lieu être
adoptés les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont consenti
à l’adoption. Il s’agit principalement des enfants remis volontairement à l’ASE ou à un
OAA. Le consentement est en principe donné par les père et mère ou l’un d’eux si l’autre
est décédé, dans l’impossibilité de manifester sa volonté, a perdu ses droits d’autorité
parentale ou encore si la filiation n’est pas établie à son égard2. Il est donné par le Conseil
de famille lorsque les deux parents sont décédés, privés de l’autorité parentale ou dans
l’impossibilité de manifester leur volonté, après avis de la personne qui dans les faits prend
soin de l’enfant3.

1. www.diplomatie.gouv.fr.
2. C. civ., art. 348 et 348-1.
3. C. civ., 348-2. Lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l’adoption de l’enfant en le remettant au service
de l’aide sociale à l’enfance ou à un organisme autorisé pour l’adoption, le choix de l’adoptant est laissé au tuteur avec
l’accord du conseil de famille des pupilles de l’État ou du conseil de famille de la tutelle organisée à l’initiative de l’organisme
autorisé pour l’adoption (C. civ., art. 348-4).

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Le consentement est recueilli par un notaire ou les agents diplomatiques ou consulaires
français à l’étranger, ou encore le service de l’ASE auquel l’enfant est remis. La rétractation
est possible pendant deux mois. Au-delà, les parents peuvent encore demander la resti-
tution de l’enfant à condition qu’il n’ait pas encore été placé en vue de son adoption1. Si la
personne qui l’a recueilli refuse de le rendre, le tribunal judiciaire statue dans l’intérêt de
l’enfant2. Il peut prononcer l’adoption en cas de refus de consentir lorsque les parents se
sont désintéressés de l’enfant au point de compromettre sa santé ou sa moralité3.
220. Décision administrative. Peuvent également être adoptés les pupilles de l’État, c’est-à‑dire
les enfants n’ayant jamais eu de lien avec la famille d’origine ou l’ayant perdu, autrement
dit ceux dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue, ou qui ont été abandonnés
et recueillis par l’aide sociale à l’enfance4. Ces enfants, qui constituent la majorité des
enfants adoptables en France, sont admis en qualité de pupilles de l’État par un arrêté du
Président du Conseil départemental5. Ils font l’objet d’un régime de tutelle particulier, le
préfet étant tuteur6.
221. Décision judiciaire. Sont également adoptables les enfants déclarés judiciairement
délaissés dans les conditions prévues aux articles 381-1 et 381-2 nouveaux du Code civil7.
Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui
les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui
précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par
quelque cause que ce soit.

C. civ. (extrait) – De la déclaration judiciaire de délaissement parental


Article 381-2

Le tribunal judiciaire déclare délaissé l’enfant recueilli par une personne, un établissement
ou un service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui se trouve dans la situation
mentionnée à l’article 381-1 pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en
déclaration judiciaire de délaissement parental. La demande en déclaration de délaissement
parental est obligatoirement transmise, à l’expiration du délai d’un an prévu à l’article 381-1,
par la personne, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance
qui a recueilli l’enfant, après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont

1. C. civ., art. 351 al. 2 et 3 et 352. Sur la conformité de ces articles à la Constitution, cf. Cons. Const. 7 févr. 2020, n° 2019-826
QPC reproduite supra.
2. C. civ., art. 348-3.
3. C. civ., art. 348-6.
4. Cf. pour plus de précisions sur les catégories d’enfants admis en qualité de pupille de l’État, CASF, art. L. 224-4.
5. CASF, art. L. 224-8.
6. Ce qui les rend adoptables en réalité, c’est le consentement des parents au moment de la remise à l’ASE ou le consentement
du conseil de famille des pupilles de l’État.
7. Ces articles remplacent depuis la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant l’ancien article 350 relatif
à la déclaration judiciaire d’abandon.

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été proposées. La demande peut également être présentée par le ministère public agissant
d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants.
La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention
exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constituent pas un acte suffisant
pour rejeter de plein droit une demande en déclaration de délaissement parental et n’inter-
rompent pas le délai mentionné au premier alinéa du présent article.
Le délaissement parental n’est pas déclaré si, au cours du délai mentionné au premier alinéa,
un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande
est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.
Le délaissement parental peut être déclaré à l’endroit des deux parents ou d’un seul.
Lorsqu’il déclare l’enfant délaissé, le tribunal délègue par la même décision l’autorité
parentale sur l’enfant à la personne, à l’établissement ou au service départemental de l’aide
sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.
La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité
de l’enfant.

Civ. 1re, 16 mars 2016, n° 15-10780 (extrait)1


« Mais attendu qu’ayant relevé que le père avait été incarcéré du 14 juillet 2011 au 5 novembre
2011, puis du 14 novembre 2011 au 14 janvier 2012, qu’il ne savait pas correctement écrire
et que l’examen psychiatrique de sa personnalité avait révélé d’importantes difficultés
d’élaboration, les juges du second degré ont souverainement estimé que M. X… Z… ne
pouvait être considéré comme s’étant désintéressé de son fils dans l’année précédant la
requête, ce dont ils ont, à bon droit, déduit que les conditions de l’article 350 du Code civil
n’étaient pas remplies. »

222. Enfants du conjoint. Une dernière catégorie d’enfants adoptables doit être mentionnée.
L’adoption plénière de l’enfant du conjoint est en effet permise dans quatre hypothèses :
lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint ; lorsque l’enfant a fait
l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard2 ;
lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ; ou
enfin lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au
premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant3.

1. Cet arrêt concerne l’art. 350 anc. mais la solution aurait probablement été la même sous l’empire des nouveaux textes : le
désintérêt doit être volontaire.
2. Cette deuxième hypothèse a été ajoutée par la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même
sexe, préc.
3. C. civ., art. 345-1.

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d) Intérêt de l’enfant
Le tribunal vérifie donc que l’ensemble des conditions précédentes sont remplies et ne
prononce, de manière plus générale, l’adoption plénière, que si elle est conforme à l’intérêt
de l’enfant1, en prenant en considération les effets importants qu’elle produit.

B. Les effets

223. État civil. L’adoption plénière est prononcée par le tribunal judiciaire au terme d’une
procédure gracieuse2. Le jugement doit être transcrit sur les registres d’état civil du lieu
de naissance de l’adopté, ou ceux du service central de l’état civil du ministère des affaires
étrangères à Nantes lorsque l’adopté est né à l’étranger3. La transcription ne contient
aucun élément relatif à la filiation d’origine4 et tient lieu d’acte de naissance pour l’adopté.
Mais le caractère adoptif de la filiation n’est pas dissimulé. La copie intégrale de l’acte de
naissance fait en effet mention du jugement d’adoption plénière5, du moins lorsqu’elle est
délivrée à la demande de l’adopté ou de l’adoptant ou sur autorisation du procureur de la
République6. Les extraits d’acte de naissance avec filiation indiquent quant à eux les parents
adoptifs sans aucune référence au jugement d’adoption, et protègent donc la vie privée
de l’intéressé. L’acte originaire est revêtu de la mention « adoption » et considéré comme
nul. Il n’est pas détruit mais l’officier d’état civil ne doit donc en principe plus le divulguer7.

1. C. civ., art. 353. Cf. Chambéry, 28 avr. 2015, n° 14/02523, JurisData 2015-009553 : adoption par l’épouse de la mère de l’enfant
conçu à l’aide d’un donneur connu mais qui ne souhaite pas être parent (cf. en particulier l’appréciation de l’intérêt de
l’enfant). Depuis la loi du 14 mars 2016, l’article 353 dispose que le mineur capable de discernement doit être entendu par
le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le tribunal à cet effet.
2. C. pr. civ., art. 1166 et 1167. Les adoptants adressent une requête au tribunal. Cette requête formalise leur consentement,
qui peut être rétracté jusqu’à ce que la décision prononçant l’adoption devienne définitive. L’enfant sera auditionné s’il le
demande et s’il a le discernement suffisant. Adoption posthume : Cf. art. 353 al. 4 et 5.
3. La transcription doit être faite dans les quinze jours de la date à laquelle la décision passe en force de chose jugée. C. civ.,
art. 354.
4. Le Code civil évoque la filiation « réelle » de l’adopté (art. 354 al. 3).
5. Cf. circ., 29 mai 2013, de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, NOR : JUSC1312445C,
annexe 2.
6. Décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l’état civil, NOR : JUSC1703743D, art. 37. Afin de connaître les personnes auxquelles
les copies intégrales, les extraits avec ou sans filiation peuvent être délivrées, cf. les articles 27 s. du décret.
7. L’accès sera parfois possible avec communication au CNAOP et en cas d’allégation d’un cas d’inceste lors du mariage de
l’adopté.

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Secret de l’identité des parents d’origine/
absence de secret de l’adoption à l’égard de l’adopté
Conseil d’État, 16 octobre 2019, n° 4202301

Vu la procédure suivante :
Mme B… F… née C… a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler
la décision du 12 mars 2012 par laquelle le D… national pour l’accès aux origines person-
nelles a refusé de lui communiquer l’identité de sa mère. Par un jugement n° 1500074 du
30 septembre 2015, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15PA04869 du 30 janvier 2018, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté
l’appel formé par Mme B… F… contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et 27 juillet
2018 au secrétariat du contentieux du D… d’État, Mme F… demande au D… d’État :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l’État, la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
– le Code civil ;
– le code de l’action sociale et des familles ;
– la loi du 27 juin 1904 sur le service des enfants assistés ;
– l’acte dit “loi” n° 182 du 15 avril 1943 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d’Etat en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de La Varde, Buk
Lament, Robillot, avocat de Mme C… épouse F… ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… F… née C… a été
adoptée par M. E… C… et son épouse par jugement du 6 novembre 1952, quelques mois
après sa naissance, déclarée le 11 juin 1952. Elle s’est adressée en septembre 2010 au D…
national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) pour tenter d’obtenir l’identité
de ses parents biologiques. Par une décision du 12 mars 2012, le CNAOP a refusé de lui
communiquer l’identité de sa mère biologique. Mme F… se pourvoit contre l’arrêt par

1. S’agissant du secret, à l’égard de la mère biologique, de l’identité des parents adoptifs et de la nouvelle identité de l’enfant,
cf. CE, 17 octobre 2012, n° 348440.

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lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre le
jugement du 30 septembre 2015 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ayant
rejeté sa demande d’annulation de cette décision.
2. Aux termes de l’article L. 147-1 du code de l’action sociale et des familles “ A… D… national,
placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, est chargé de faciliter, en liaison avec
les départements et les collectivités d’outre-mer, l’accès aux origines personnelles “. Selon
l’article L. 147-2 du même code, ce D… “ reçoit : 1° La demande d’accès à la connaissance
des origines de l’enfant formulée : /-s’il est majeur, par celui-ci ; […]/ 2° La déclaration de
la mère ou, le cas échéant, du père de naissance par laquelle chacun d’entre eux autorise
la levée du secret de sa propre identité ; […] “. L’article L. 147-5 prévoit que pour répondre
aux demandes dont il est saisi, ce D… recueille copie notamment “ des éléments relatifs à
l’identité : 1° De la femme qui a demandé le secret de son identité et de son admission lors de
son accouchement dans un établissement de santé et, le cas échéant, de la personne qu’elle
a désignée à cette occasion comme étant l’auteur de l’enfant […] “. L’article L. 147-6 du même
code dispose enfin que le D… communique aux personnes qui ont formulé et maintenu leur
demande l’identité de la mère de naissance dans les cas qu’il énonce, notamment “ s’il n’y
a pas eu de manifestation expresse de [la volonté de la mère] de préserver le secret de son
identité, après avoir vérifié sa volonté “.
3. Il résulte de ces différentes dispositions que le CNAOP est tenu de refuser de satisfaire à
la demande d’une personne, visant à connaître l’identité de la femme ayant accouché d’elle,
lorsque cette dernière a manifesté la volonté de taire son identité lors de l’accouchement
et a renouvelé expressément cette volonté en réponse à la demande de levée du secret.
4. En premier lieu, pour juger que la décision de refus opposée à Mme F… par le CNAOP
ne méconnaissait pas les dispositions citées au point 2, les juges d’appel ont estimé, après
avoir cité les articles 8 et 9 de la loi du 27 juin 1904 relative au service des enfants assistés,
d’une part, que les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur du régime organisé par
le code de l’action sociale et des familles décrit plus haut permettait à une mère de garder
le secret sur son identité, d’autre part, que le CNAOP avait accompli les diligences prévues
par les dispositions citées ci-dessus de ce code dont il ressortait la volonté expresse de la
mère biologique de Mme F… de maintenir le secret. Si, en faisant application de la loi de
1904 alors que cette loi avait été abrogée par l’acte dit “ loi “ n° 182 du 15 avril 1943 relative
à l’assistance à l’enfance, encore en vigueur à la date de l’accouchement, les juges d’appel,
dont l’arrêt est suffisamment motivé, ont commis une erreur de droit, celle-ci est sans
incidence sur le sens de leur décision dès lors que les dispositions de cet acte, en particulier
les articles 6, 7, 11 et 39 organisaient la possibilité pour une mère de confier son enfant à des
tiers en maintenant le secret de son identité. Il y a lieu, en conséquence, de remplacer, par
une substitution de pur droit qui n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, le
texte sur lequel la cour s’est fondée par l’acte dit “ loi “ du 15 avril 1943. Ainsi le moyen tiré de
ce que la Cour administrative d’appel aurait commis une erreur de droit relative à la portée
de la loi du 27 juin 1904 est inopérant.
5. En second lieu, les dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles
organisent la possibilité de lever le secret de l’identité de la mère de naissance en permettant
de solliciter la réversibilité du secret de son identité sous réserve de l’accord de celle-ci
et définissent ainsi un équilibre entre le respect dû au droit à l’anonymat garanti à la

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mère lorsqu’elle a accouché et le souhait légitime de l’enfant né dans ces conditions de
connaître ses origines. En estimant que Mme F…, dont il ressort des pièces du dossier soumis
aux juges du fond qu’elle a pu disposer, hormis l’identité de sa mère biologique encore en
vie, d’informations relatives à sa naissance recueillies par le CNAOP, n’était pas fondée à
soutenir que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues, la cour adminis-
trative d’appel n’a pas commis d’erreur de qualification juridique.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme F… n’est pas fondée à demander l’annulation de
l’arrêt attaqué. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : Le pourvoi de Mme F… est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B… F… et à la ministre des solidarités et
de la santé.

Civ. 1re, 31 mars 2016, n° 15-13147

Sur le moyen unique :


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 18 décembre 2014) et les pièces de la procédure,
qu’au mois de septembre 2007, M. X… a sollicité, en vue d’obtenir des documents d’identité,
des copies intégrales de son acte de naissance, auprès de la commune d’Argenteuil ; que
les copies, délivrées par l’officier de l’état civil, mentionnaient qu’il avait fait l’objet d’une
légitimation adoptive, transcrite le 15 avril 1966 et contenaient des indications relatives à
sa filiation d’origine ; qu’estimant que cette révélation lui causait un préjudice, il a assigné
l’Agent judiciaire de l’État ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que sont impératives les dispositions à caractère général du paragraphe 197-8 de l’ins-
truction générale relative à l’état civil (IGREC) du 11 mai 1999 selon lesquelles, dans le cas
d’une adoption prononcée avant l’entrée en vigueur de la loi n° 66-500 du 12 juillet 1966
portant réforme de l’adoption, la copie intégrale de son acte de naissance demandée par
une personne qui ne fait pas état de son adoption et de son nom d’origine, ne peut lui être
délivrée que si l’acte ne contient aucune précision quant à sa filiation d’origine ; qu’en
déboutant M. X… de sa demande indemnitaire dirigée contre l’État tendant à obtenir
réparation du préjudice subi du fait de la divulgation de sa qualité d’enfant adopté à l’occasion
la délivrance, par l’officier d’état civil de la mairie d’Argenteuil, d’une copie intégrale de
son acte de naissance mentionnant sa filiation d’origine, aux motifs que les restrictions
contenues au paragraphe 197-8 de l’IGREC ne reposent, en l’état du droit positif, sur aucun
fondement légal ou réglementaire, la cour d’appel a violé cette disposition réglementaire ;
2°/ qu’en toute hypothèse, lorsqu’un enfant a fait l’objet d’une adoption plénière, d’une légiti-
mation adoptive ou d’une adoption comportant rupture des liens avec la famille d’origine,
les extraits des actes le concernant doivent, sans aucune référence au jugement, indiquer
comme père et mère les adoptants ; qu’en déboutant M. X… de sa demande indemnitaire
dirigée contre l’État tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de la divulgation

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de sa qualité d’enfant adopté à l’occasion la délivrance, par l’officier d’état civil de la mairie
d’Argenteuil, d’une copie intégrale de son acte de naissance mentionnant sa filiation d’origine,
sans examiner si celle-ci ne pouvait être fondée sur l’article 12 du décret n° 62-921 du 3 août
1962, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu qu’en l’absence de secret de l’adoption imposé par la loi, et de disposition
légale ou réglementaire prévoyant que le caractère adoptif de la filiation soit dissimulé
lors de la délivrance de copies intégrales d’actes de naissance, la cour d’appel a exactement
décidé, sans être tenue de répondre à un moyen inopérant fondé sur les dispositions
relatives à la délivrance d’extraits, que l’officier de l’état civil n’avait pas commis de faute ;
que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Civ. 1re, 18 octobre 2017, n° 16-19740

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 1er avril et 27 mai 2016), que, soutenant que la notice
relative à leur nom de famille figurant dans l’ouvrage intitulé « Le simili-nobiliaire français »
faisait état du caractère adoptif de la filiation de M. Jean X… et invoquant l’atteinte ainsi
portée à leur vie privée, celui-ci et son fils, M. Christophe X…, ont assigné M. Y…, l’auteur de
cet ouvrage, et la société Sedopols, qui l’a édité, aux fins d’obtenir la suppression de toute
mention de leur nom dans les éditions ultérieures, ainsi que la réparation de leur préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. Y… et la société Sedopols font grief à l’arrêt du 1er avril 2016 de dire qu’ils
ont porté atteinte à la vie privée de M. Jean X… et de les condamner à payer à ce dernier des
dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l’état civil d’une personne ne fait plus partie
de la sphère de la vie privée protégée par l’article 9 du Code civil lorsqu’il devient accessible
au public ; qu’en l’espèce, pour estimer que la divulgation, dans un ouvrage destiné au public,
de la filiation adoptive de M. Jean X… portait atteinte à la vie privée de l’intéressé, la cour
d’appel a considéré que la filiation adoptive de celui-ci appartient à son histoire personnelle
et à l’intimité de sa famille ; qu’en statuant ainsi, tout en admettant que, conformément à
l’article 17 de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008, M. Y… avait pu consulter et obtenir une
copie intégrale de l’acte de naissance de M. Jean X…, ce dont il résulte que ces éléments ne
relevaient plus, à ce stade, de la sphère de la vie privée de l’intéressé, la cour d’appel a omis
de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 9 du Code
civil, ensemble l’article L. 213-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction issue de la loi du
15 juillet 2008 ;
Mais attendu que, s’il résulte de l’article L. 213-2, I, 4°, e), du code du patrimoine, dans
sa rédaction issue de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, que les
registres de naissance de l’état civil constituent, à l’expiration d’un délai de soixante-
quinze ans à compter de leur clôture, des archives publiques communicables de plein droit
à toute personne qui en fait la demande, certaines des informations qu’ils contiennent
et, notamment, celles portant sur les modalités d’établissement de la filiation, relèvent
de la sphère de la vie privée et bénéficient, comme telles, de la protection édictée par les
articles 9 du Code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des

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libertés fondamentales ; que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que,
quand bien même l’acte de naissance de M. Jean X…, portant mention de son adoption,
avait pu être consulté par M. Y… en application de l’article 17 de la loi, précitée, du 15 juillet
2008, cet acte ayant été dressé depuis plus de soixante-quinze ans, la divulgation, dans un
ouvrage destiné au public, de la filiation adoptive de l’intéressé, sans son consentement,
portait atteinte à sa vie privée ; que le moyen n’est pas fondé ;
[…]
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

224. Substitution de filiation. L’adoption plénière confère de manière irrévocable à l’enfant


une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine : l’adopté cesse d’appartenir à sa famille
« par le sang », sous réserve des empêchements à mariage qui subsistent. L’adopté a donc
les mêmes droits découlant de la filiation que l’enfant issu d’une filiation par procréation,
notamment les droits successoraux, même dans la succession des grands-parents1. Par
conséquent, l’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant2 et l’adoptant peut demander
à ce que le prénom de l’adopté soit modifié par le tribunal3.
L’adoption de l’enfant du conjoint constitue néanmoins une exception puisqu’elle
maintient le lien de filiation à l’égard de ce conjoint et produit, pour le surplus, les effets
d’une adoption par deux époux4.

§2. L’adoption simple


Les conditions de l’adoption simple sont proches de celles de l’adoption plénière (A) mais
ses effets sont très différents (B).

A. Les conditions

225. Particularités. Il existe quelques particularités par rapport à l’adoption plénière, qui
concernent les conditions relatives à l’adopté. L’adoption simple est en effet permise quel
que soit l’âge de l’adopté, qui peut être majeur, et il n’y a pas de condition liée à l’accueil ou
au placement en vue de l’adoption5. La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de
personnes de même sexe a en outre précisé qu’un époux peut adopter en la forme simple
l’enfant que son conjoint a adopté en la forme simple ou plénière.

1. C. civ., art. 358.


2. Cf. infra n° 271.
3. C. civ., art. 357.
4. C. civ., art. 356. Refus d’accorder l’adoption plénière de l’enfant du concubin : cf. Civ. 1re, 28 févr. 2018, n° 17-11.069.
5. C. civ., art. 360.

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226. Conditions communes. Le Code civil opère pour le reste un large renvoi aux règles relatives
aux conditions de l’adoption plénière. L’adoptant est soumis aux mêmes conditions relatives
à sa situation familiale, son âge et sa différence d’âge avec l’adopté1. L’enfant de plus de
13 ans doit consentir personnellement à son adoption, laquelle est bien entendu soumise
aux consentements des père et mère ou du conseil de famille si l’enfant est mineur. Plus
largement, l’adoption ne sera prononcée que si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant2.

Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-16401


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 9 janvier 2012), que A… X… est née le 25 mars 1990, de
M. X…, qui l’a reconnue le 26 mars 1990, et de Mme Y…, qui l’a reconnue le 22 octobre 1990 ;
que le 12 août 2009, M. Z…, époux de Mme Y…, a déposé une requête en adoption simple
d’A… ; que, par jugement du 16 décembre 2009, le tribunal de grande instance a accueilli
sa demande et dit que l’adoptée porterait désormais le nom de Z… ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de mentionner que les plaidoiries se sont tenues en
chambre du conseil en présence du ministère public ;
Attendu qu’il résulte des mentions de l’arrêt que le ministère public a conclu le 8 avril 2011
à l’infirmation du jugement, ce dont il ressort qu’il a donné son avis sur l’application de la
loi ; que le moyen n’est donc pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de prononcer l’adoption simple d’A… X… alors, selon
le moyen :
1°/ que le refus de consentement opposé par les parents à l’adoption simple n’est abusif
que s’il est démontré qu’ils se sont désintéressés de l’enfant au risque d’en compromettre
la santé ou la moralité ; qu’en faisant peser sur le père la charge de démontrer l’intérêt qu’il
portait à sa fille, la cour d’appel a violé l’article 348-6 du Code civil ;
2°/ que le caractère abusif du refus ne peut résulter que d’une attitude arbitraire et malicieuse ;
qu’en déduisant ce caractère abusif du désintérêt qu’aurait manifesté M. X… sans rechercher
si celui-ci n’avait pas pour souci de voir l’enfant ne pas rompre totalement les liens familiaux,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 348-6 du Code civil ;
3°/ que le silence gardé à l’allégation d’un fait ne vaut pas reconnaissance de ce fait ; qu’en
ayant déduit du silence des conclusions de M. X… relativement au paiement de la pension
alimentaire qu’il ne la versait plus depuis longtemps, quand M. Z… s’était borné à alléguer
que la pension alimentaire n’avait quasiment jamais été versée, la cour d’appel a violé
l’article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article 348 du Code civil que le consentement des parents
à l’adoption simple de l’adopté majeur, qui n’est plus placé sous leur autorité, n’est pas
requis ; que, la cour d’appel ayant constaté que l’adoptée était née le 25 mars 1990 et qu’elle

1. C. civ., art. 361.


2. Cf. Aix-en-Provence, 15 sept. 2015, n° 2015/858, JurisData n° 2015-021604 et Versailles, 1er oct. 2015, n° 14/04235, JurisData
n° 2015-021749, Dr. fam. 2016, n° 3, comm. 48 par A. Molière.

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avait consenti à son adoption le 19 avril 2009, préalablement au dépôt de la requête le
12 août 2009, il en résulte que le refus du père de consentir à l’adoption simple de sa fille
majeure était sans incidence sur la décision ; que par ce motif de pur droit substitué, dans
les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués par le moyen,
l’arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

B. Les effets

La procédure est la même que pour l’adoption plénière et le jugement est transcrit sur les
registres d’état civil1. Mais les effets sont différents puisque l’adoption simple ne rompt
pas le lien avec la famille d’origine. Elle lui superpose un nouveau lien de filiation et est
révocable.

1. Le maintien du lien avec la famille d’origine

227. Conservation des droits. « L’adopté reste dans sa famille d’origine […] et y conserve tous
ses droits ». Il y conserve donc ses droits héréditaires et les empêchements à mariage
continuent à s’appliquer entre l’adopté et sa famille d’origine2. L’adopté conserve en outre
en principe son nom de famille3.
228. Obligation d’entretien. L’obligation d’entretien est maintenue mais seulement de manière
subsidiaire : les père et mère de l’adopté ne sont tenus de lui fournir des aliments que s’il ne
peut les obtenir de l’adoptant4. Inversement, l’adopté a toujours une obligation alimentaire
à l’égard de sa famille d’origine mais, d’une part, l’exception d’indignité5 peut jouer pour
l’exclure et, d’autre part, l’adopté est dispensé de l’obligation s’il a été admis en qualité de
pupille de l’État ou retiré de son milieu familial par décision judiciaire pendant au moins
trente-six mois au cours des douze premières années de sa vie6.
229. Autorité parentale. En revanche les parents de naissance perdent leurs droits d’autorité
parentale, sauf dans l’hypothèse de l’adoption de l’enfant du conjoint.

1. Les extraits d’acte de naissance avec filiation mentionnent, outre les parents d’origine, les parents adoptifs et font référence
au jugement d’adoption : Décret du 6 mai 2017 préc., art. 37 al. 2. Adoption simple à titre posthume : cf. Montpellier, 2 août
2017, n° 17/00782, Dr. fam. 2017, n° 12, comm. 242 H. Fulchiron.
2. C. civ., art. 364.
3. Cf. infra n° 272.
4. Une contribution partielle est possible : Civ. 1re, 14 avril 2010, n° 09-12456.
5. C. civ., art. 207.
6. CASF, art. L. 132-6.

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2. L’adjonction d’un nouveau lien de filiation

230. Nouveaux droits et obligations. L’adoption simple crée un nouveau lien de filiation entre
l’adopté et l’adoptant. Par conséquent, le nom de famille de l’adoptant est en principe adjoint
à celui de l’adopté1 et les empêchements à mariage s’appliquent au sein de la nouvelle
famille2. L’adopté doit des aliments à l’adoptant s’il est dans le besoin et, réciproquement,
l’adoptant doit des aliments à l’adopté3. L’adopté et ses descendants ont en outre, dans
la nouvelle famille, les mêmes droits successoraux qu’un enfant issu d’une filiation par
procréation4, mais l’adopté n’a pas la qualité d’héritier réservataire dans la succession des
ascendants de l’adoptant.

Civ. 1re, 10 février 2016, n° 14-23326


[…]
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 15 avril 2014), que M. X… a présenté une requête aux
fins d’adoption simple de la fille de son épouse, Mme Y…, épouse Z…, née le 17 octobre 1966 ;
que Mmes Chantal et Brigitte X…, filles de l’intéressé, se sont opposées à cette demande ; qu’un
jugement a accueilli la demande et dit que l’adoptée porterait désormais le nom de Y…-X… ;
Attendu que Mme Chantal X… fait grief à l’arrêt de confirmer ce jugement alors, selon le
moyen, que la demande d’adoption simple motivée uniquement par la volonté de l’adoptant
de transmettre son patrimoine à l’adopté constitue un détournement de l’institution ;
qu’en ayant seulement énoncé qu’il ne saurait être sérieusement allégué que la démarche
entreprise par Michel X… n’avait qu’une visée successorale, sans rechercher si cette visée
successorale ne résultait pas du mensonge de M. X… sur sa véritable situation de fortune
démontrée par les nombreux documents versés aux débats par les filles légitimes de M. X…,
qui prouvaient que contrairement à ses affirmations, l’adoptant disposait de nombreux biens
immobiliers en Espagne ainsi que des valeurs monétaires conséquentes, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale au regard des articles 353 et 361 du Code civil ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que M. X… avait connu Nadia Y… alors qu’elle n’était
âgée que de 10 ans et n’avait plus aucun contact avec son père biologique, l’arrêt retient
que, s’étant marié avec sa mère, il a vécu quotidiennement avec elle et l’a toujours consi-
dérée comme sa propre fille et qu’il entretient avec ses enfants des relations fréquentes et
chaleureuses, les considérant comme ses propres petits-enfants ; que la cour d’appel en a
souverainement déduit que l’intéressé, âgé de 83 ans, avait souhaité, à la fin de sa vie, voir
consacrer la relation filiale qu’il entretenait avec Mme Y… depuis plus de 30 ans, ce dont
il résultait que la démarche entreprise n’avait pas une visée exclusivement successorale ;

1. C. civ., art. 363. Cf. infra n° 272.


2. C. civ., art. 366.
3. C. civ., art. 367. La question de savoir s’il existe une obligation alimentaire entre adopté et grands-parents adoptifs est
discutée.
4. Sur la fiscalité successorale de l’adoption simple, cf. H. Fulchiron, « Adoption simple-Heurs et malheurs fiscaux de l’héritier
adopté simple », Dr. fam. 2017, n° 11, comm. 225 sur Aix-en-Provence, 19 sept. 2017, n° 15/22362.

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qu’elle a ainsi, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient
inopérante, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

231. Autorité parentale. L’adoptant est en principe investi à l’égard de l’adopté de tous les
droits d’autorité parentale.
Il existe toutefois une exception concernant l’adoption de l’enfant du conjoint. En effet,
dans cette hypothèse, le parent biologique et l’adoptant sont tous les deux titulaires
de l’autorité parentale. Le parent biologique conserve cependant seul l’exercice, sauf
déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal
judiciaire aux fins d’un exercice en commun1. Cette exception ne concerne que l’adoption
de l’enfant du conjoint. La Cour de cassation refuse par conséquent l’adoption de l’enfant
par le (la) concubin(e) ou le (la) partenaire de la mère ou du père car celle-ci entrainerait
le transfert des droits d’autorité parentale à l’adoptant et priverait le parent biologique,
qui entend pourtant continuer à élever l’enfant, de ses propres droits2.
232. Révocabilité. La loi 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant3 a modifié l’article 370
du Code civil sur la révocabilité de l’adoption simple, qui dispose désormais que s’il est
justifié de motifs graves, l’adoption peut être révoquée, lorsque l’adopté est majeur, à la
demande de ce dernier ou de l’adoptant. Lorsque l’adopté est mineur, la révocation de
l’adoption ne peut en revanche être demandée que par le ministère public4.

Civ. 1re, 13 mai 2020, n° 19-13419


[…]
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 30 novembre 2018), un jugement du 18 décembre 2007 a
prononcé l’adoption simple, par M. C…, de Mme G…, née le […], fille de son épouse. Selon
actes notariés du 9 juin 2009, M. et Mme C… ont fait donation à leur fille de plusieurs biens
immobiliers. En septembre 2011, M. C… a introduit une requête en divorce. Par acte du
23 septembre, il a assigné Mme G… en révocation de son adoption simple et des donations
qu’il lui avait consenties.
Examen des moyens

1. C. civ., art. 365.


2. Cf. Civ. 1re, 20 février 2007, n° 04-15676. La délégation-partage de l’autorité parentale est en revanche envisageable à de
strictes conditions : Cf. Civ. 1re, 24 févr. 2006, n° 04-17090, infra n° 252 et Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-19275. Mais cf. supra n° 213
la proposition de loi visant à réformer l’adoption.
3. Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016-art. 32.
4. C. civ., art. 370 anc. : La révocation de l’adoption simple pouvait être prononcée par un jugement pour motifs graves, à la
demande de l’adoptant si l’enfant est âgé de plus de 15 ans, de l’adopté ou, si ce dernier était mineur, du ministère public,
de ses père et mère biologiques, ou, à défaut, d’un membre de la famille d’origine.

200

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Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le second moyen, ci-après annexés
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement
pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur la première branche du premier moyen
Énoncé du moyen
3. Mme G… fait grief à l’arrêt d’accueillir la demande tendant à la révocation de son adoption
simple par M. C…, alors « que, d’une part, s’il est justifié de motifs graves, l’adoption peut
être révoquée, lorsque l’adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l’adoptant ;
que l’insanité d’esprit de l’adoptant au moment de l’adoption ne constitue pas un motif
grave, lequel ne peut s’entendre que d’un motif survenu postérieurement au jugement
d’adoption ; qu’en jugeant que l’insanité d’esprit de M. C… au moment de l’adoption consti-
tuait un motif grave justifiant la révocation de l’adoption, cependant que le jugement
d’adoption simple avait acquis force de chose jugée, la cour a violé, par fausse application,
l’article 370 du Code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 353, alinéa 1er, ensemble l’article 370, alinéa 1er, du Code civil, ce dernier dans sa
rédaction issue de l’article 32 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 :
4. Selon le premier de ces textes, l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par
le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine
du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt
de l’enfant. Selon le second, s’il est justifié de motifs graves, l’adoption peut être révoquée,
lorsque l’adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l’adoptant.
5. Il résulte de ces dispositions que l’intégrité du consentement de l’adoptant, en tant que
condition légale à l’adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci,
de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l’adoptant, qui est indissociable
du jugement d’adoption, ne peut se faire qu’au moyen d’une remise en cause directe de
celui-ci par l’exercice des voies de recours et non à l’occasion d’une action en révocation de
cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d’un motif grave, résidant
dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption.
6. Pour accueillir la demande de révocation de l’adoption, l’arrêt retient que les constatations
médicales résultant de l’examen psychiatrique effectué sur l’adoptant démontrent que ce
dernier n’était pas sain d’esprit au moment où il a donné son consentement à l’adoption.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l’arrêt prononce la révocation de l’adoption
simple de Mme U… G… C… par M. Q… C…, l’arrêt rendu le 30 novembre 2018, entre les parties,
par la cour d’appel de Nancy ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt
et les renvoie devant la cour d’appel de Metz ; […]

201

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Effets de l’adoption simple

Maintien du lien Adjonction d’un nouveau lien


avec la famille d’origine de filiation
L’adopté conserve tous ses droits L’adopté a les mêmes droits successoraux
successoraux. qu’un enfant issu d’une filiation
par procréation. Idem pour
Droits ses descendants.
successoraux
Mais il n’a pas la qualité d’héritier
réservataire dans la succession
des ascendants de l’adoptant.

Maintien de l’obligation d’entretien Obligation alimentaire réciproque.


à l’égard des parents de naissance,
mais de manière subsidiaire.
Obligation alimentaire de l’adopté
à l’égard de sa famille d’origine mais :
Droits
alimentaires – L’adopté en est dispensé s’il a été
admis en qualité de pupille de l’État
ou retiré de son milieu familial
pendant au moins 36 mois au cours
des 12 premières années de sa vie.
– Exception d’indignité.

Empêchements Les empêchements à mariage Les empêchements à mariage


à mariage subsistent. s’appliquent.

Perte des droits d’autorité parentale Principe : l’adoptant est investi à l’égard
sauf adoption de l’enfant du conjoint. de l’adopté de tous les droits d’autorité
parentale.
Exception pour l’adoption de l’enfant
Autorité du conjoint : le parent biologique
parentale et son conjoint sont tous les deux
titulaires de l’autorité parentale mais
le parent biologique en conserve seul
l’exercice sauf déclaration conjointe
en vue d’un exercice en commun.

Principe : conservation. Principe : Adjonction du nom de


Nom de famille l’adoptant à celui de l’adopté.

202

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L’adoption internationale

233. L’adoption est dite internationale lorsqu’il existe un élément d’extranéité. Il peut s’agir
de l’adoption, en France ou à l’étranger, d’un enfant étranger par un Français, de l’adoption
d’un Français par un étranger ou encore de l’adoption d’un étranger par un étranger en
France. Le cas qui pose le plus souvent question en France est celui d’une personne française
souhaitant adopter un enfant étranger.
Il ne s’agit ici que d’une présentation sommaire. L’adoption internationale soulève des
questions complexes relevant du Droit international privé. Quelle est la juridiction compétente
pour prononcer une telle adoption ? Quelle est la loi applicable ? Une adoption prononcée
à l’étranger est-elle reconnue en France ?

Textes applicables :
■ Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération
en matière internationale1.
■ C.civ., art. 370-3 s.

Conditions :
■ C. civ., art. 370-3 : les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant.
Si les adoptants sont deux époux, il s’agit de la loi qui régit les effets du mariage, c’est-
à‑dire la loi nationale commune ou la loi du domicile commun2.
■ Mais :
– L’agrément est nécessaire pour l’adoption d’un enfant étranger. Il n’y a toutefois
pas d’accueil préalable de l’enfant.
– En outre, quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement
libre et éclairé du représentant légal de l’adopté. Les conditions liées au consen-
tement de l’adopté et à sa représentation sont soumises à sa loi nationale.
– La question de l’adoptabilité de l’enfant relève enfin nécessairement de la loi
nationale de celui-ci. Il est donc impossible de prononcer l’adoption du mineur
étranger si la loi nationale de l’enfant la prohibe3 sauf s’il est né et réside habituel-
lement en France4.

1. Ratifiée par la France le 30 juin 1998 et entrée en vigueur en France le 1er octobre 1998, J.O. 13 sept. 1998.
2. Si l’adoptant est français, c’est donc la loi française qui s’applique. Si les adoptants sont étrangers et si la loi nationale des
deux époux interdit l’adoption, celle-ci ne peut être prononcée. L’adoption en France d’un enfant, français ou étranger, par
des parents marocains est par exemple impossible.
3. Cette impossibilité ne s’applique pas aux majeurs.
4. Cet enfant a vocation à devenir français (C. civ., art. 21-7).

203

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Effets :
■ C. civ., art. 370-4 : les effets de l’adoption prononcée en France sont ceux de la loi française.
■ C. civ., art. 370-5 : l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les
effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de
filiation préexistant. À défaut, elle produit les effets d’une adoption simple.

Le procureur de la République de Nantes peut néanmoins s’opposer à la transcription si,


par exemple, le consentement des représentants légaux n’a pas été donné de manière
libre et éclairée.

204

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CHAPITRE 2
Les corollaires de la filiation

Le droit des personnes et le droit de la famille sont traditionnellement étudiés distinctement.


Ils constituent néanmoins un ensemble difficilement sécable, si ce n’est artificiellement. En
effet, un certain nombre d’éléments, qui relèvent pour la plupart habituellement du droit
des personnes, découlent directement du lien de filiation. Leur compréhension implique
donc de maîtriser les règles relatives à l’établissement de ce dernier. Ces règles ayant été
exposées dans le chapitre précédent, les corollaires de la filiation que constituent l’obli-
gation d’entretien (section 1), l’autorité parentale (section 2) et le nom de famille (section 3)
peuvent être présentés dans le présent chapitre1.

Section 1 – L’obligation d’entretien

234. L’obligation d’entretien résulte directement de l’établissement de la filiation, indépen-


damment de l’exercice et même de la titularité de l’autorité parentale.

Article 371-2
Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses
ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est
retiré, ni lorsque l’enfant est majeur.

Il convient d’apporter des précisions concernant les débiteurs de cette obligation (§1), mais
aussi son objet (§2), sa durée (§3) et son exécution (§4), avant de la comparer à l’obligation
alimentaire, avec laquelle elle est parfois confondue (§5).

1. L’attribution de la nationalité, qui découle directement de la filiation avec un Français (cf. C. civ., art. 18 et 18-1), relève quant
à elle d’un cours ou d’ouvrages spécifiques.

205

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§1. Les débiteurs de l’obligation d’entretien

235. Obligation parentale. Les débiteurs de l’obligation d’entretien sont les parents, peu importe
qu’ils soient mariés ou non, qu’ils vivent ensemble ou séparément1. L’obligation est en effet
directement liée à la parenté ; le retrait de l’autorité parentale n’y met pas fin et la faute
de l’enfant créancier ne peut dispenser le débiteur de son obligation.
Elle ne concerne que les parents et pas les autres ascendants. C’est l’obligation alimentaire
des grands-parents qui prend le relais en cas de décès des parents ou de manière subsidiaire
si les parents ne sont pas totalement en mesure d’assurer leur obligation.
L’obligation d’entretien est enfin unilatérale, autrement dit elle ne concerne que les parents
envers leurs enfants.

§2. L’objet de l’obligation d’entretien

236. « Nourrir, entretenir et élever ». L’objet de l’obligation d’entretien est plus large que
celui d’une simple obligation alimentaire. Son contenu est souvent décrit par référence à
l’article 203 du Code civil, qui concerne formellement les époux mais peut en réalité être
étendu à tous les parents puisque l’article 371-2, lui, ne distingue pas. Selon l’article 203, les
époux contractent ensemble l’obligation de « nourrir, entretenir et élever » leurs enfants.
« Nourrir » l’enfant fait référence à la fourniture d’aliments à proprement parler. L’« entre-
tenir » implique plus largement la fourniture des conditions matérielles (vêtements,
logement…). « Élever » l’enfant consiste enfin à permettre son développement et assurer
son éducation. On parle d’ailleurs, en particulier en cas de séparation, de contribution à
l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

§3. La durée de l’obligation d’entretien

237. Durée limitée. L’obligation d’entretien a une durée limitée puisqu’elle n’a pas vocation
à durer toute la vie de l’enfant créancier. Elle ne cesse pour autant pas de plein droit à la
majorité de ce dernier et persiste au-delà, sauf pour le débiteur à démontrer que l’enfant
n’est plus dans le besoin ou du moins qu’il peut subvenir seul à ses besoins. L’enfant majeur
peut d’ailleurs agir lui-même pour réclamer le versement d’une contribution à son entretien
et son éducation, qui peut perdurer pendant la période des études et de recherche d’emploi,
mais pas davantage en principe.

1. Lorsque les parents sont mariés, les dépenses liées à l’obligation d’entretien entrent dans les charges du mariage (C. civ.,
art. 214). Cf. supra n° 65.

206

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Article 373-2-5
Le parent qui assume à titre principal la charge d’un enfant majeur qui ne peut lui-même
subvenir à ses besoins peut demander à l’autre parent de lui verser une contribution à son
entretien et à son éducation. Le juge peut décider ou les parents convenir que cette contri-
bution sera versée en tout ou partie entre les mains de l’enfant.

§4. L’exécution de l’obligation d’entretien

238. Forme. L’obligation d’entretien s’exécute en principe en nature. Mais en cas de séparation
ou lorsque enfant majeur ne vit plus avec ses parents, l’article 373-2-2 prévoit que la contri-
bution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant prend la forme d’une pension alimentaire
dont le montant est déterminé en fonction des ressources des deux parents et des besoins
de l’enfant1. Ce montant varie en fonction du nombre d’enfants et de l’amplitude du droit
de visite et d’hébergement. Le ministère de la justice a mis en place un barème des pensions
alimentaires, qui est un outil simplement indicatif pour le juge. Un « simulateur » de pension
alimentaire est même à disposition des parents sur le site du ministère2.
Le débiteur peut toutefois demander à exécuter son obligation par la prise en charge directe
d’une dépense d’entretien, comme les frais de scolarité. La pension alimentaire peut aussi
prendre la forme d’un droit d’usage et d’habitation par la fourniture d’un logement.
Si la consistance des biens du débiteur le permet, elle peut être remplacée, partiellement
ou totalement, par un capital, qui pourra prendre la forme du versement d’une somme
d’argent3, d’un usufruit ou de l’affectation de biens productifs de revenus.
239. Révision. La révision de la pension alimentaire est possible en fonction de l’évolution
des besoins de l’enfant et des ressources des parents, même si elle a été fixée dans une
convention homologuée par le juge ou encore dans une convention de divorce par consen-
tement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats
déposé au rang des minutes d’un notaire4.
240. Inexécution. En cas d’inexécution volontaire ou de désaccord sur la mise en œuvre de l’obli-
gation d’entretien, il est possible d’engager une action devant le juge aux affaires familiales
qui fixera les modalités d’exécution. Le fait, pour le débiteur de l’obligation d’entretien, de
ne pas exécuter la décision judiciaire ou le titre5 lui imposant de verser une contribution
à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter

1. La pension alimentaire est indexée sur l’indice des prix à la consommation. Sur l’intermédiation de l’organisme débiteur des
prestations familiales, cf. C. civ., art. 373-2-2, II ; D. Everaert-Dumont, « Le nouveau service public de versement des pensions
alimentaires », Dr. fam., 2020, n° 6, Étude n° 20.
2. http://www.justice.fr/simulateurs/pensions/bareme
3. La somme sera versée entre les mains d’un organisme accrédité chargé d’accorder en contrepartie à l’enfant une rente
indexée. C. civ., art. 373-2-3.
4. C. civ., art. 373-2-13.
5. C. civ., art. 373-2-2, I, 2° au 5°.

207

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intégralement de cette obligation, constitue le délit d’abandon de famille puni de deux ans
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende1. Sur le plan civil, les voies d’exécution et
de recouvrement spécifiques aux créances alimentaires peuvent être mises en œuvre2.
Dans l’hypothèse de l’établissement judiciaire de la paternité, les effets du jugement
remontent à la naissance puisque ce dernier est déclaratif. La filiation est donc rétroacti-
vement établie et l’obligation d’entretien du père remonte également à la naissance. La règle
« aliments ne s’arrérage pas » ne s’applique pas ici3. La mère peut donc en principe réclamer
une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dont le montant est susceptible
d’être particulièrement élevé pour le père débiteur puisqu’elle calculée depuis la naissance.
Toutefois, l’action en paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant
est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil4. Il n’est donc
pas possible de réclamer les sommes dues au-delà des cinq ans précédant la demande.

§5. La comparaison avec l’obligation alimentaire

241. L’obligation d’entretien a un certain nombre de points communs avec l’obligation alimen-
taire mais doit en être distinguée sur certains points. Les débiteurs de l’obligation alimen-
taire sont plus nombreux et sa durée plus longue, tandis que son objet est plus réduit et
la temporalité de son exécution différente.
242. Débiteurs. L’obligation alimentaire est fondée sur la parenté, mais aussi sur l’alliance et
plus généralement l’idée de solidarité familiale. L’article 205 du Code civil prévoit ainsi que
les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans
le besoin. L’article 206 fait quant à lui peser une obligation alimentaire sur les gendres et
belles-filles à l’égard de leurs beaux-parents5. Contrairement à l’obligation d’entretien,
cette obligation alimentaire est réciproque6 et la faute du créancier indigne peut décharger
le débiteur7.

1. C. pén., art. 227-3.


2. Paiement direct, saisie de prestations familiales, etc. Cf. infra n° 238. Les solutions amiables sont toutefois privilégiées. La
loi n° 2016-1827 du 23 déc. 2016 a créé l’ARIPA (Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires devenue
agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires), qui propose une aide au recouvrement à certaines
conditions. Cf. également le dispositif d’intermédiation des CAF et MSA mis en place par L. 2019-1446 du 24 décembre 2019
de financement pour la Sécurité Sociale.
3. La règle « aliments ne s’arréragent pas » empêche les créanciers d’aliments de demander l’exécution de l’obligation alimentaire
pour la période antérieure à la demande. Elle est fondée sur la présomption selon laquelle si le créancier n’a rien demandé
avant, c’est qu’il n’était pas dans le besoin. On ne peut toutefois pas considérer que l’enfant mineur n’est pas dans le besoin.
Le contenu de l’obligation d’entretien excède en outre celui de l’obligation alimentaire.
4. Civ. 1re, 25 mai 2016, n° 15-17993 ; Civ. 1re, 8 juin 2016, n° 14-26273 ; Civ. 1re, 22 juin 2016, n° 15-21783, D. 2016. 1881, note Guyon-
Renard ; ibid. 2017. 729, obs. Granet-Lambrechts ; RDC 2016. 660, note Libchaber ; Dr. fam. 2016, n° 9, comm. 177 A. Molière.
5. Cette obligation joue seulement au premier degré et cesse, d’une part, lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et
les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés et, d’autre part, en cas de divorce.
6. L’obligation alimentaire est subsidiaire.
7. C. civ., art. 207 complété par loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : en cas
de condamnation du créancier pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l’un de ses ascendants, descendants,
frères ou sœurs, le débiteur est déchargé automatiquement de son obligation alimentaire à l’égard du créancier, sauf décision

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Civ. 1re, 21 novembre 2012, n° 11-20140
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu que M. Michel X…fait grief à l’arrêt attaqué (Toulouse, 29 juin 2010) de rejeter sa
demande tendant à voir condamner ses fils, MM. Guillaume X…et Raphaël X…à lui verser
une pension alimentaire de 900 euros par mois ;
Attendu qu’ayant énoncé que les pièces versées aux débats établissent que M. Michel X…a
laissé à ses enfants des messages téléphoniques réitérés contenant des propos humiliants
et injurieux allant jusqu’au déni de paternité en ce qui concerne l’un d’eux, la cour d’appel
a souverainement estimé que le père avait gravement manqué à ses obligations envers les
débiteurs alimentaires ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu’il critique un motif
surabondant de l’arrêt, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

Civ. 1re, 18 janvier 2007, n° 06-10833


Sur le moyen unique :
Attendu que M. Vincent X… fait grief à l’arrêt attaqué (Limoges, 28 février 2005) de l’avoir
débouté de sa demande tendant à voir condamner M. et Mme X… à lui verser une pension
alimentaire de 305 euros par mois, alors, selon le moyen, qu’en décidant que M. et Mme X…
étaient fondés à opposer l’exception d’indignité à la demande de pension alimentaire formée
à leur encontre, la cour d’appel aurait violé les articles 203 et 207 du Code civil ;
Mais attendu qu’après avoir retenu à bon droit que la demande de pension alimentaire de
M. Vincent X… était fondée sur les articles 205 à 207 du Code civil, la cour d’appel a relevé
que par les violences qu’il avait exercées à diverses reprises sur ses parents, celui-ci avait
gravement manqué à ses obligations d’honneur et de respect à leur égard, de sorte qu’ils
devaient être déchargés de la dette alimentaire ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; […]

243. Objet. Les aliments recouvrent ce qui est indispensable à assurer la subsistance, comme
la nourriture, le logement, les vêtements et les frais médicaux. Le contenu de l’obligation
alimentaire est donc plus réduit que celui de l’obligation d’entretien, laquelle couvre mais
dépasse l’obligation alimentaire.

contraire du juge. En outre, le retrait de l’autorité parentale emporte, pour l’enfant, dispense de l’obligation alimentaire, par
dérogation aux articles 205 à 207, sauf disposition contraire dans le jugement de retrait (C. civ., art. 379 al. 2).

209

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244. Durée. Alors que l’obligation d’entretien a une durée limitée, l’obligation alimentaire est
une obligation personnelle qui existe pendant toute la durée de vie du créancier1, sans être
transmissible aux héritiers du débiteur2.
245. Exécution. En pratique, l’obligation alimentaire n’est visible que lorsque l’un des créanciers
est dans le besoin. Les aliments sont alors accordés dans la proportion du besoin de celui
qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit3 et sont versés en nature (hébergement,
fourniture de nourriture par exemple) ou en argent (pension alimentaire). Ici, la règle
« aliments ne s’arréragent pas » s’applique. Il n’est donc plus possible de réclamer ce qui ne
l’a pas été précédemment. Il s’agit d’une différence importante avec l’obligation d’entretien.
En cas d’inexécution, outre les moyens issus du droit commun, il est possible de mettre en
œuvre des moyens spécifiques au recouvrement des pensions alimentaires4.
246. Révision. Comme pour l’obligation d’entretien, la révision est toujours possible.

Obligation d’entretien et obligation alimentaire-comparaison

Obligation d’entretien Obligation alimentaire


Parents unilatéralement même Ascendants à l’égard des descendants
en cas d’indignité. et gendre et belle-fille à l’égard
Débiteurs des beaux-parents, réciproquement,
sauf indignité5.

Nourrir, entretenir, élever. Seulement aliments (ce qui est nécessaire


Objet à la subsistance).

Durée limitée (n’a pas vocation à durer Durée de vie du créancier.


Durée toute la vie de l’enfant créancier mais
ne cesse pas de plein droit à la majorité).

Nature ou argent. Idem.


Exécution Non application de la règle « aliments Application de la règle « aliments
ne s’arréragent pas » ne s’arréragent pas ».

1. À l’exception des frais funéraires, qui, lorsque la succession ne peut les prendre en charge, sont assumés par l’enfant même
s’il a renoncé à la succession de son parent, en fonction de ses ressources (et réciproquement).
2. Mais une autre obligation alimentaire peut prendre le relai.
3. C. civ., art. 208.
4. Cf. supra n° 240.
5. Les époux sont également tenus l’un à l’égard de l’autre d’un devoir de secours, qui est une obligation alimentaire. Cf. supra
n° 63.

210

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Civ. 2e 17 juillet 1985, n° 83-13552
Sur le moyen unique, pris en sa première branche : vu les articles 207, alinéa 2 et 295 du
Code civil ;
Attendu que si, lorsque le créancier a lui-même manqué gravement à ses obligations envers
le débiteur, le juge peut décharger celui-ci de tout ou partie de sa dette, c’est seulement
quand celle-ci est une dette alimentaire résultant des dispositions des articles 205, 206 et
207, alinéa 1, du code précité ;
Que cette faculté ne s’étend pas à l’obligation d’entretien et d’éducation qui pèse sur les
père et mère à l’égard de leurs enfants ;
Attendu que pour débouter Mme x… de sa demande, fondée sur l’article 295 du Code civil,
tendant à obtenir de M. Y…, son ex-mari, le versement d’une contribution à l’entretien et à
l’éducation de leurs deux enfants communs, qui, devenus majeurs mais poursuivant leurs
études, ne pouvaient subvenir à leurs propres besoins, l’arrêt énonce que la rupture totale
et volontaire des relations avec leur père en raison du divorce, constituait, de la part des
enfants, un manquement grave à leurs obligations, de nature à permettre l’application des
dispositions du 2e alinéa de l’article 207 du Code civil ;
Qu’en faisant application de ces dispositions à l’obligation d’entretien et d’éducation à
laquelle M. Y… était tenu envers ses filles, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen,
CASSE ET ANNULE l’arrêt rendu le 24 mars 1983 entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Section 2 – L’autorité parentale

247. Évolution. Le Code civil de 1804 réservait la « puissance paternelle » au mari. La loi du 4 juin
19701 a remplacé la puissance paternelle par l’autorité parentale en la confiant en principe
aux deux parents, du moins lorsqu’ils étaient mariés. L’exercice conjoint de l’autorité
parentale a ensuite progressivement été généralisé. La loi dite Malhuret du 22 juillet 19872
a complété la loi de 1970 et supprimé le terme de « garde ». La loi du 8 janvier 19933 a donné
compétence au juge aux affaires familiales pour tout ce qui concerne l’autorité parentale
et consacré le principe d’égalité des parents en la matière. L’égalité a été achevée par
la loi du 4 mars 20024, qui a procédé à un remaniement assez profond du Code civil en
supprimant toute distinction entre enfant légitime et enfant naturel dans le domaine de
l’autorité parentale. La loi du 9 Juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement
aux femmes, aux violences au sein du couple, et aux incidences de ces dernières sur les
enfants5 a créé l’ordonnance de protection du juge aux affaires familiales et contient des

1. L. n° 70-459 du 4 juin 1970.


2. L. n° 87-570 du 22 juillet 1987.
3. L. n° 93-22 du 8 janv. 1993.
4. L. n° 2002-305 du 4 mars 2002.
5. L. n° 2010-769 du 9 juil. 2010.

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dispositions relatives à l’autorité parentale et à la résidence de l’enfant. Celles du 17 mai 2013
ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe1 et du 14 mars 2016 relative à
la protection de l’enfant ainsi que deux nouvelles lois sur les violences2 ont également eu
des conséquences sur l’autorité parentale.
248. Définition. Le Code civil réserve l’expression « autorité parentale » à la personne de l’enfant,
alors que ses biens sont soumis à l’administration légale. Il définit l’autorité parentale
comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant et
précise qu’elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant
pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et
permettre son développement, dans le respect dû à sa personne3.
L’autorité parentale est en lien direct avec la filiation puisqu’elle appartient aux parents.
La détermination de ses titulaires (§1) doit toutefois être distinguée de la détermination
des personnes à qui est confié son exercice (§2). En effet, bien que les deux coïncident le
plus souvent, un parent peut être titulaire de l’autorité parentale sans l’exercer. L’inverse
n’est toutefois pas vrai.

§1. La titularité de l’autorité parentale


Les titulaires de l’autorité parentale sont en principe les parents (A). Mais dans certaines
hypothèses elle peut leur être retirée (B).

A. L’attribution de l’autorité parentale

249. Parents. La titularité de l’autorité parentale est une conséquence directe de l’établissement
de la filiation. Si le lien de filiation est établi à l’égard d’un seul parent, lui seul est titulaire
de l’autorité parentale. Si le lien de filiation est établi à l’égard des deux parents, ils en sont
tous deux titulaires. Si l’un d’eux décède, l’autre reste seul titulaire.
En revanche, si la filiation de l’enfant n’est établie à l’égard d’aucun des deux parents, ou
s’ils sont tous les deux décédés, la prise en charge de l’enfant relève du régime de la tutelle4.

1. L. n° 2013-404 du 17 mai 2013. C. civ., art. 6-1 issu de la loi du 17 mai 2013 : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les
mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre 1er du présent code
[filiation charnelle], que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ». Technique de « l’article balai »,
qui évite de remplacer, dans toutes les dispositions intéressées les termes « pères et mères » par les termes « parents »,
notamment pour l’autorité parentale. L’autorité parentale est un effet de la filiation adoptive pour les parents de même
sexe : deux parents de même sexe peuvent être titulaires et exercer l’autorité parentale. Il faut donc lire « parents » au lieu
de « père et mère ».
2. L. n° 2019-1480 du 28 déc. 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et L. n° 2020-936 du 30 juill. 2020 visant
à protéger les victimes de violence.
3. C. civ., art. 371-1.
4. La tutelle des mineurs relève du programme de droit des personnes et mérite d’être comparée à la tutelle des majeurs
concernant les biens. Elle n’est donc pas étudiée dans cet ouvrage.

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250. Contenu. Même lorsqu’il n’en a pas l’exercice, le titulaire de l’autorité parentale conserve
le devoir de contribuer à l’entretien et l’éducation de l’enfant. Il conserve aussi un certain
nombre de prérogatives. Il a le droit d’entretenir des relations avec l’enfant, d’être informé
des choix importants relatifs à sa vie et de surveiller son éducation1. Le droit de consentir
au mariage, à l’émancipation et à l’adoption appartient en outre aux parents indépen-
damment des modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Mais l’autorité parentale peut, dans certains cas extrêmes, être retirée.

B. Le retrait de l’autorité parentale

Celui auquel l’autorité parentale est retirée n’en est plus titulaire2. A fortiori il ne l’exerce
plus. Les liens sont rompus dans l’intérêt de l’enfant. Il s’agit d’une mesure emportant de
graves conséquences et qui est donc soumise à de strictes conditions.
251. Conditions. Les conditions du retrait varient en fonction de la juridiction qui le prononce.
Le retrait peut être prononcé par une juridiction pénale à l’encontre des parents condamnés
comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou d’un délit commis sur leur enfant
mineur, par leur enfant mineur ou sur la personne de l’autre parent3. Le juge civil prononcera
quant à lui le retrait soit dans l’hypothèse d’une mise en danger manifeste de l’enfant, soit
en cas d’abandon4. La mise en danger de la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant par
les parents peut résulter soit de mauvais traitements, soit d’une consommation habituelle
et excessive d’alcool ou de l’usage de stupéfiant, soit d’un défaut de soins ou d’un manque
de direction, soit de leur inconduite notoire ou comportement délictueux, notamment
lorsque l’enfant est témoin de pressions ou violences exercées par l’un des parents sur
l’autre. L’abandon résulte quant à lui de l’abstention pendant plus de deux ans, par les
parents, d’exercer et accomplir leurs devoirs suite à une mesure d’assistance éducative5.
252. Effets. Les effets du retrait sont variables. Le principe est le retrait total6, qui s’étend à tous
les enfants mineurs nés au moment du jugement. Le ou les parents concerné(s) perd(ent)
alors tous les attributs de l’autorité parentale7. Le juge peut toutefois prononcer un retrait

1. C. civ. art. 373-2-1.


2. Cf. infra, n° 257, le nouveau dispositif de retrait de l’exercice de l’autorité parentale.
3. C. civ., art. 378 al. 1.
4. C. civ., art. 378-1. L’action est intentée soit par le ministère public, soit par un membre de la famille ou le tuteur de l’enfant,
soit par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant est confié.
5. Une mesure d’assistance éducative peut être ordonnée par le juge des enfants si la santé, la sécurité ou la moralité de celui-ci
sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont
gravement compromises. Cf. C. civ., art. 375 s.
6. C. civ., art. 378, 378-1, 379.
7. Mais les droits et devoirs liés à la parenté persistent, comme les droits de succession.

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seulement partiel dans l’intérêt de l’enfant, limité aux attributs qu’il spécifie1. Il peut aussi
décider que le retrait total ou partiel de l’autorité parentale n’aura d’effet qu’à l’égard de
certains des enfants déjà nés2.
Lorsqu’il prononce le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, le tribunal statue
également sur le sort de l’enfant. Celui-ci peut être confié à l’autre parent, ou, si ce dernier
est décédé ou s’il a lui aussi perdu l’exercice de l’autorité parentale, à un tiers qui devra
demander l’ouverture d’une tutelle, ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
Dans cette dernière hypothèse, si le retrait est total, l’enfant acquiert le statut de pupille de
l’État et est adoptable ; si le retrait est partiel, les pouvoirs sont répartis entre les parents
et l’aide sociale à l’enfance.
Le retrait est provisoire. Sauf si l’enfant a été placé en vue de son adoption, les parents
peuvent en effet demander au tribunal judiciaire de mettre fin à la mesure en cas de circons-
tances nouvelles, mais seulement un an au plus tôt après le jugement définitif de retrait3.
Tous les titulaires de l’autorité parentale n’en ont pas forcément l’exercice.

§2. L’exercice de l’autorité parentale


L’autorité parentale est le plus souvent exercée par les parents (A). Cet exercice peut
néanmoins dans certaines hypothèses être délégué (B).

A. L’exercice par les parents

Le principe est la coparentalité, c’est-à‑dire l’exercice en commun de l’autorité parentale


par les deux parents. Mais il arrive par exception qu’un seul d’entre eux exerce l’autorité
parentale.

1. L’exercice en commun
Il convient de voir dans quels cas l’exercice de l’autorité parentale est dévolu aux deux
parents avant d’expliquer selon quelles modalités elle est ainsi exercée.
253. Dévolution. L’article 372 alinéa 1er du Code civil pose le principe selon lequel « les père et
mère exercent en commun l’autorité parentale ». L’exercice conjoint est donc le principe,
que les parents soient mariés ou non, ensemble ou séparés. Il n’existe plus, depuis la
loi du 4 mars 2002, aucune différence en fonction de la nature de la filiation. Il résulte
néanmoins de l’alinéa 2 du même article que cette règle doit être précisée. Les parents
exercent en commun l’autorité parentale si la filiation est établie à l’égard de l’un et de
l’autre au plus tard un an après la naissance de l’enfant. Dans l’hypothèse où la filiation

1. Cf. infra, n° 257, la possibilité désormais pour le juge de ne retirer que l’exercice de l’autorité parentale.
2. C. civ., art. 379-1.
3. C. civ., art. 381.

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est établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance1 de l’enfant ou a été
judiciairement déclarée, l’autorité parentale sera encore exercée en commun si les parents
font une déclaration conjointe adressée au directeur des services de greffe judiciaires du
tribunal judiciaire, qui implique que les parents soient d’accord, ou sur décision du juge
aux affaires familiales2.
254. Modalités. Il s’agit maintenant de voir de quelle manière l’autorité parentale est en pratique
exercée conjointement. Le principe est la codécision. Les décisions concernant l’enfant sont
en effet prises en commun par les parents, quelle que soit leur gravité.
Mais pour des raisons pratiques évidentes, il existe une présomption de pouvoir pour les
actes usuels. Quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale, chacun des parents est
en effet présumé agir avec l’accord de l’autre à l’égard des tiers de bonne foi, c’est-à‑dire de
ceux qui ne pouvaient pas connaître le désaccord parental, le cas échéant3. Le Code civil ne
dit toutefois pas ce qu’est un acte usuel. Cette notion s’oppose à celle d’acte « important »,
mais ce dernier n’est pas davantage défini4. Il ressort de la jurisprudence que l’adjonction à
titre d’usage du nom du parent qui ne l’a pas transmis est un acte important5, par exemple,
tandis que la réinscription dans un établissement scolaire est un acte usuel6.
En cas de désaccord, le juge aux affaires familiales peut être saisi sur le fondement de
l’article 373-2-6 qui prévoit de manière assez générale que celui-ci règle les questions
qui lui sont soumises dans le cadre de l’autorité parentale en veillant spécialement à la
sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

1. Dans cette hypothèse, le mariage des parents après la naissance de l’enfant n’emporte pas de plein droit exercice en commun
de l’autorité parentale : Civ. 1re, avis, 23 sept. 2020, n° 20-70002, Dr. fam., 2020, n° 12, comm. 161, V. EGEA.
2. Ces démarches supplémentaires visent notamment à s’assurer que le parent à l’égard duquel la filiation a été établie en
premier soit informé de l’établissement tardif de la filiation à l’égard de l’autre et à préserver l’intérêt de l’enfant. Civ. 1re, avis,
23 sept. 2020, n° 20-70002, préc. : La compétence du directeur des services du greffe judiciaire pour recevoir une déclaration
conjointe ne fait pas obstacle à celle du JAF qui, s’il est saisi sur le fondement de l’art. 372 al. 3 du C. civ., doit se prononcer
sur un exercice en commun de l’autorité parentale, même lorsque la demande est formée conjointement par les parents.
La saisine du JAF n’est donc pas exclusivement réservée aux hypothèses de désaccord parental.
3. C. civ., art. 372-2.
4. Cf. proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, n° 371, adoptée par l’Assemblée nationale en
première lecture le 27 juin 2014 : « Constitue un acte important l’acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant
ou qui touche à ses droits fondamentaux. » « Le changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les
modalités de résidence de l’enfant ou le droit de visite de l’autre parent, et le changement d’établissement scolaire sont
des actes importants ».
5. Civ. 1re, 3 mars 2009, 05-17163.
6. Cf. aussi le tableau récapitulatif des actes usuels et des actes importants du Rapport J. LEONETTI, Intérêt de l’enfant, autorité
parentale et droits des tiers, La documentation française, 2009. L’établissement d’un passeport ou d’une carte nationale
d’identité est considéré, de manière contestée, comme un acte usuel et requiert la signature d’un seul parent. Néanmoins,
l’article 373-2-6 al. 3 du Code civil prévoit que le juge aux affaires familiales peut ordonner l’interdiction de sortie du terri-
toire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le
procureur de la République. L’article 371-6 prévoit également que l’enfant quittant le territoire national sans être accompagné
d’un titulaire de l’autorité parentale est muni d’une autorisation de sortie du territoire signée d’un titulaire de l’autorité
parentale. La rédaction de cet article issu de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale pose question en ce qu’il
permettrait au parent titulaire mais non exerçant d’autoriser la sortie sans l’accord de l’autre parent.

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Lorsque les parents sont séparés, le principe reste celui de la codécision avec présomption
de pouvoir pour les actes usuels. Il faut en revanche fixer la résidence habituelle de l’enfant
et la contribution à son entretien et son éducation. Les parents peuvent faire homologuer
une convention dans laquelle ils règlent ces points d’un commun accord1 ou saisir le JAF
dans le cas contraire2. La résidence sera fixée soit de manière alternée chez les deux parents,
soit chez l’un d’eux avec fixation d’un droit de visite et d’hébergement pour l’autre, en
fonction de ce que commande l’intérêt de l’enfant3. La contribution à son entretien et à
son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des
parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié4.

Civ. 1re, 23 septembre 2015, n° 14-23724


Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 10 septembre 2013), que des relations de M. X… et
de Mme Y… sont nés deux enfants : A…, le 21 février 2005, et B…, le 30 mars 2006 ; que ces
derniers ont été placés à l’aide sociale à l’enfance le 5 janvier 2010, placement renouvelé le
14 novembre 2011 ; que M. X…, qui exerce conjointement l’autorité parentale avec Mme Y…,
l’a assignée devant un juge aux affaires familiales afin de se voir autorisé à faire baptiser
les enfants ;
Attendu qu’il fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d’appel, l’exposant soutenait qu’il n’avait pas à s’expliquer sur ses
convictions et pratiques religieuses ; que le choix du baptême ne méconnaissait pas l’intérêt
de ses enfants ; qu’une demande de baptême n’a aucune incidence sur une demande de
renouvellement de placement ou de suspension de droit de visite du père ; que la mère, non
comparante, s’était opposée téléphoniquement à la demande sans le moindre motif ; que
la motivation affirmative et péremptoire de la cour d’appel sans développement entache
sa décision d’un défaut de motifs (violation de l’article 455 du code de procédure civile) ;
2°/ qu’il appartenait uniquement au juge aux affaires familiales de statuer sur le conflit
parental concernant l’exercice de l’autorité parentale, le contrôle du juge ne pouvant
alors porter que sur le danger que pouvait représenter la demande présentée par le père ;
que la cour d’appel ne pouvait se borner à affirmer péremptoirement que les enfants ne
désirent pas être baptisés ; que ce sacrement ne correspond pas à leur intérêt et à adopter
les motifs du jugement rejetant la demande du père parce qu’il n’établirait pas la réalité
de ses convictions et de sa pratique religieuse ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt attaqué a violé
les articles 8 et 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion ;

1. C. civ., art. 373-2-7. Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de
l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
2. C.civ., art. 373-2-8. En cas de désaccord, le juge s’efforce de concilier les parties. À l’effet de faciliter la recherche par les parents
d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, il peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur
accord, désigner un médiateur familial pour y procéder (C. civ., art. 373-2-10).
3. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un
espace de rencontre désigné par le juge (C. civ., art. 372-2-9 al. 3).
4. C. civ., art. 373-2-2. Cf. supra n° 238.

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Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé, par motifs adoptés, que le conflit d’autorité
parentale relatif au baptême des enfants devait être tranché en fonction du seul intérêt
de ces derniers, la cour d’appel a relevé, par motifs propres et adoptés, d’une part, que les
enfants, âgés de 6 et 7 ans, ne souhaitaient pas être baptisés car ils ne comprenaient pas le
sens de cette démarche, d’autre part, qu’ils ne souhaitaient pas, en l’état, revoir leur père,
dont les droits de visite avaient été suspendus en raison de son comportement menaçant et
violent ; qu’elle en a souverainement déduit, sans méconnaître la liberté de conscience et de
religion du père, qu’en l’état du refus de la mère, la demande de ce dernier, qui n’était pas
guidée par l’intérêt supérieur des enfants, devait être rejetée ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.

2. L’exercice unilatéral
Par exception, l’autorité parentale est exercée par un seul parent dans certaines hypothèses
qu’il convient de décrire avant d’étudier les modalités de cet exercice unilatéral.
255. Dévolution. Il a déjà été dit que l’exercice de l’autorité parentale est unilatéral dès l’origine
lorsque, selon l’article 372 al. 2, la filiation est établie à l’égard de l’un des parents plus
d’un an après la naissance ou lorsque la filiation a été judiciairement déclarée à l’égard
du second parent, en l’absence de déclaration conjointe ou décision du JAF en faveur d’un
exercice en commun.
En outre, le parent hors d’état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de
son absence ou de toute autre cause perd l’exercice de l’autorité parentale1. L’autre l’exerce
donc seul de plein droit dans ces hypothèses.
Le décès de l’un des parents entraîne également l’exercice unilatéral par l’autre. Si les deux
parents exerçaient jusque-là l’autorité parentale, le survivant l’exerce seul à compter du
décès. Si le parent décédé l’exerçait seul, l’autre recouvre automatiquement l’exercice.
Or, en principe, si l’exercice était unilatéral, c’est que l’intérêt de l’enfant commandait
qu’il en soit ainsi. Le JAF peut donc décider de confier l’enfant à un tiers, qui accomplira
les actes usuels, si « des circonstances particulières l’exigent ». Il peut aussi charger le tiers
de requérir l’ouverture d’une tutelle.

1. C. civ., art. 373.

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Enfin, l’exercice de l’autorité parentale sera unilatéral en cas de séparation si et seulement
si l’intérêt de l’enfant l’exige. La décision du juge privant l’un des parents de l’exercice de
l’autorité parentale le cas échéant doit être spécialement motivée au regard de l’intérêt
de l’enfant puisque la séparation des parents est en principe sans incidence sur les règles
de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale1.
256. Modalités. Lorsque l’autorité parentale est exercée par l’un des parents seulement, les
pouvoirs de décision sont concentrés entre ses mains. L’autre conserve néanmoins les
prérogatives attachées à la titularité de l’autorité parentale. Il a notamment le droit et le
devoir de surveiller l’entretien et de l’éducation de l’enfant et le droit d’être informé des
choix importants relatifs à la vie de ce dernier2, ce qui ne lui donne pas le droit d’intervenir
directement mais éventuellement de saisir le JAF. Il doit aussi continuer à contribuer
à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et conserve le droit d’entretenir des relations
personnelles avec lui en exerçant un droit de visite et d’hébergement, lequel ne peut être
refusé que pour motif grave3.

3. La suspension et le retrait de l’exercice

257. L’objectif de lutte contre les violences familiales, renforcé récemment, a conduit le légis-
lateur à modifier et compléter le dispositif existant en matière d’autorité parentale, quitte
à brouiller un peu les lignes traditionnelles, notamment entre titularité et exercice de
l’autorité parentale.
La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille4 a ainsi
complété les dispositions relatives au retrait de l’autorité parentale5 en ajoutant la possi-
bilité pour le juge de retirer son exercice.
Elle a également introduit un nouvel article 378-2 dans le Code civil, qui prévoit la suspension
de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement
du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur
la personne de l’autre parent jusqu’à la décision du juge et pour une durée maximale de six
mois, à charge pour le procureur de la République de saisir le juge aux affaires familiales
dans un délai de huit jours.

B. L’exercice délégué

La délégation d’autorité parentale est prévue aux articles 377 et 377-1 du Code civil. Elle est
prononcée par le JAF à certaines conditions et produit des effets plus ou moins importants.

1. C. civ., art. 373-2 et 373-2-1. Ex : Civ. 1re, 12 Octobre 2017, n° 17-16760.


2. C. civ., art. 373-2-1 in fine.
3. C. civ., art. 373-2-1 al. 2.
4. Préc.
5. C. civ. art. 978, 379-1 et 380 modifiés. Le Code pénal a également été modifié en ce sens.

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258. Conditions. La délégation peut être volontaire ou forcée. Elle est volontaire lorsqu’elle
est consentie par le ou les parents1. Elle est en effet prononcée par le juge à la demande
des parents « lorsque les circonstances l’exigent » et, même si le texte ne le dit pas expres-
sément, si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Le délégataire peut être un particulier
membre de la famille ou proche digne de confiance, un établissement agréé pour le recueil
des enfants ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance. Ce délégataire doit
d’ailleurs bien être désigné par les parents dans leur requête. À défaut, cette dernière sera
rejetée par le juge qui ne pourra désigner d’office une autre personne.
La délégation est en revanche dite « forcée » lorsque le juge est saisi par un tiers. La demande
peut émaner du particulier, établissement ou service de l’aide sociale à l’enfance qui a
recueilli l’enfant, d’un membre de la famille ou du ministère public2. Elle sera prononcée
en cas de désintérêt manifeste des parents ou d’impossibilité pour eux d’exercer l’autorité
parentale ou encore, depuis la loi du 28 décembre 2019, lorsque l’un des parents est poursuivi
ou condamné pour crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entrainé la mort
de celui-ci3, et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, lequel peut d’ailleurs demander
à être entendu par le juge et être représenté par un administrateur ad hoc. L’article 381-1
du Code civil prévoit en outre que lorsqu’il déclare l’enfant délaissé, le tribunal délègue
par la même décision l’autorité parentale sur l’enfant à la personne, à l’établissement ou
au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce
dernier a été confié4.
259. Effets. La délégation ne porte que sur l’exercice de l’autorité parentale. Les parents
en demeurent donc titulaires. Mais il faut distinguer la « délégation-transfert » de la
« délégation-partage ».
La délégation-transfert entraîne dépossession du délégant et transfert de ses prérogatives
au délégataire. Le transfert est total ou partiel mais les parents conservent en principe
toujours un droit de visite et d’hébergement et contribuent à l’entretien et à l’éducation
de l’enfant. Le droit de consentir à l’adoption du mineur n’est en outre jamais délégué5.
Dans la délégation-partage, introduite en 20026, l’exercice de l’autorité parentale est,
comme son nom l’indique, partagé. Les parents restent associés. La présomption de pouvoir
pour les actes usuels est applicable à l’égard des actes accomplis par le ou les délégants et

1. L’accord des deux parents est nécessaire s’ils exercent tous les deux l’autorité parentale. Si un seul l’exerce, lui seul est apte
à déléguer l’exercice de son autorité. Mais dans ce cas il doit informer l’autre parent puisqu’il s’agit d’un choix important
relatif à la vie de l’enfant.
2. La loi du 14 mars 2016, préc., a en effet ajouté le ministère public (C. civ. art. 377 al. 3) avec l’accord du tiers candidat à la
délégation. Le ministère public peut être informé par transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou avis de
ce dernier. Sont ainsi concernés les enfants placés (cf. mesures d’assistances éducatives prononcées par le juge des enfants
en cas de danger, C. civ., art. 375 s.). Les parents restent titulaires de l’autorité parentale et des prérogatives compatibles
avec la mesure.
3. C. civ., art. 377 nouveau.
4. Sur les conditions et les effets de la déclaration judiciaire de délaissement parental cf. infra n° 221.
5. C. civ., art. 377-3.
6. Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, art. 7.

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le délégataire, et le JAF pourra être saisi pour trancher les éventuels conflits. Cette forme
de délégation est donc soumise à l’accord des parents et doit correspondre aux besoins de
l’éducation de l’enfant. Elle est notamment voire principalement destinée à permettre à
un tiers qui au quotidien élève l’enfant d’obtenir la consécration juridique de son lien avec
celui-ci et les pouvoirs dont il a besoin en pratique1. La délégation-partage volontaire a ainsi
permis de partager avec le beau-parent et notamment, avant la loi du 17 mai 2013, avec
la personne de même sexe avec laquelle le parent vit, l’exercice de l’autorité parentale2.
Mais la condition selon laquelle la délégation doit être justifiée par les circonstances laisse
un pouvoir d’appréciation au juge. Les juges du fond ont parfois été très souples, alors
que la Cour de cassation a au contraire apporté une restriction en exigeant la preuve de
circonstances « particulières »3.
La délégation, qu’elle soit volontaire ou forcée, totale ou partielle, peut prendre fin ou être
transférée par un nouveau jugement, s’il est justifié de circonstances nouvelles4.

Section 3 – La dévolution du nom de famille

260. Lien avec la filiation. La dévolution du nom de famille relève traditionnellement du cours
de Droit des personnes. Elle constitue néanmoins un corollaire de la filiation puisqu’elle
en découle directement. Les règles qui gouvernent la dévolution du nom sont d’ailleurs
intégrées aux dispositions générales relatives à la filiation dans le Code civil. Elles ont fait
l’objet de réformes d’ampleur et complexes.
261. Égalité, liberté et complexité. Avant le 1er janvier 2005, l’enfant légitime portait le nom
du père alors que l’enfant naturel portait le nom de celui à l’égard duquel la filiation était
établie en premier5.
La réforme issue des lois du 4 mars 2002 et 18 juin 20036, entrée en vigueur le 1er janvier
2005, a bouleversé le dispositif de dévolution du nom. Elle a été guidée par l’idée d’égalité
des sexes, c’est-à‑dire entre le père et de la mère ; la suppression du terme « patronyme » et
la possibilité du « double-nom » en sont les symboles ; mais également par l’égalité entre

1. Cf. concernant les droits des tiers indépendamment de l’hypothèse d’une délégation, C. civ., art. 371-4 : « L’enfant a le droit
d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit.
Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent
ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à
son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».
2. Civ. 1re, 24 févr. 2006, n°04-17090.
3. Civ. 1re, 8 juill. 2010, n° 09-12623. Sur l’accord nécessaire du parent, cf. Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-19275.
4. C. civ., art. 377-2. Caen, 10 mars 2016, n° 15/01208, Dr. fam. 2016, n° 5, comm. 108 H. Fulchiron : « Dès lors, et au regard de
la circonstance nouvelle que constitue la séparation entre la compagne et la mère biologique, seule titulaire de l’autorité
parentale et dont l’accord est nécessaire pour maintenir la délégation, il ne peut qu’être mis fin à cette dernière […] ».
5. Donc souvent la mère. L’enfant naturel portait le nom du père en cas d’établissement simultané de la filiation.
6. L. n° 2002-304, J.O. 5 mars 2002 et L. n° 2033-516, J.O. 19 juin 2003.

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les enfants-nés dans ou hors mariage – et entre les couples mariés ou non. Le principe
du « choix de nom » posé par la réforme symbolise aussi la place accordée aux volontés
individuelles et à la liberté des parents.
Des retouches ont été apportées par l’ordonnance du 4 juillet 2005 et la loi du 16 janvier
2009 relatives à la filiation, ainsi que par la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux
couples de personnes de même sexe.
Il résulte de ces différentes modifications une certaine mais inutile complexité du système,
tenant pourtant en seulement quelques articles du Code civil, dont il faut bien distinguer
le champ d’application. En effet, les règles d’attribution du nom de famille seront diffé-
rentes selon que la filiation de l’enfant est établie à l’égard de ses deux parents le jour de la
déclaration de naissance (§1), n’est établie qu’à l’égard de l’un d’entre eux (§2), ou n’est pas
établie (§3). Le nom de l’enfant adopté fait en outre l’objet de dispositions spéciales (§4).

§1. Le nom de l’enfant dont la filiation est établie à l’égard des deux parents

Article 311-21

Modifié par LOI n° 2013-404 du 17 mai 2013-art. 11


Lorsque la filiation d’un enfant est établie à l’égard de ses deux parents au plus tard le jour de
la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent
le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs
deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun
d’eux. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du
nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est
établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard
de l’un et de l’autre. En cas de désaccord entre les parents, signalé par l’un d’eux à l’officier
de l’état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors
de l’établissement simultané de la filiation, l’enfant prend leurs deux noms, dans la limite
du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique.
En cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les
parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent
alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte,
au plus tard dans les trois ans de la naissance de l’enfant.
Lorsqu’il a déjà été fait application du présent article, du deuxième alinéa de l’article 311-23
ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi
vaut pour les autres enfants communs.
Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par
une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.

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Le raisonnement relatif à l’application de l’article 311-21 du Code civil implique de respecter
rigoureusement plusieurs étapes. Il convient en effet de vérifier que la situation entre dans
le champ d’application de cette disposition (A) avant d’appliquer le principe du choix de
nom (B) ou, à défaut, les règles subsidiaires (C).

A. Le champ d’application de l’article 311-21 du Code civil

262. Deux hypothèses. L’article 311-21 vise la situation dans laquelle la filiation d’un enfant est
établie à l’égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de la naissance
ou par la suite mais simultanément. Deux hypothèses sont donc à distinguer.
La première, et de loin la plus courante, est celle dans laquelle la filiation est établie à l’égard
des deux parents au plus tard le jour de la déclaration de naissance. Il peut s’agir, par exemple,
de l’enfant né de parents mariés et dont la filiation est établie automatiquement à l’égard
de la mère par la mention du nom de cette dernière dans l’acte de naissance et à l’égard
du père par le jeu de la présomption de paternité. Il peut également s’agir de l’enfant, né
de parents non mariés, dont le nom de la mère est inscrit dans l’acte de naissance et dont
la filiation est établie à l’égard du père par une reconnaissance faite avant ou au plus tard
le jour de la déclaration de naissance.
La seconde hypothèse est celle dans laquelle la filiation est établie « par la suite », c’est-à-
dire après la déclaration de naissance, mais simultanément à l’égard des deux parents. Il
s’agit d’une hypothèse résiduelle puisque, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du
4 juillet 2005 ayant réformé la filiation, la mère n’a plus besoin de reconnaître l’enfant pour
établir la filiation maternelle. Il faut donc imaginer la situation dans laquelle la mère n’est
pas désignée dans l’acte de naissance en raison d’un accouchement sous X, d’une omission
accidentelle, ou encore d’une supposition ou substitution d’enfant, mais reconnaît l’enfant
après la déclaration de naissance et conjointement avec le père.

B. Le principe du choix de nom

263. Modalités de choix. Lorsque la filiation est établie comme indiqué ci-dessus, le principe est
le choix de nom. Les parents peuvent en effet attribuer à l’enfant soit le nom du père, soit
le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’ordre qu’ils choisissent. Ils procèdent
à ce choix en remplissant une déclaration conjointe de choix de nom auprès de l’officier
d’état civil, lors de la déclaration de naissance.
264. Nom double et nom composé. L’enfant né après le 1er janvier 20051 peut donc porter un
double nom, qu’il convient de distinguer du nom composé. Le nom composé comporte un
ou plusieurs vocables et est transmissible uniquement dans son intégralité. Il constitue

1. La loi du 4 mars 2002 n’est pas applicable aux enfants nés avant la date de son entrée en vigueur. Toutefois, dans le délai de
dix-huit mois suivant cette date, soit jusqu’au 30 juin 2006, les parents exerçant l’autorité parentale pouvaient demander
par déclaration conjointe à l’officier d’état civil, au bénéfice de l’ainé des enfants communs lorsque celui-ci avait moins de

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une entité unique et insécable. Ses différents vocables sont traditionnellement séparés
par un tiret ou un simple espace. Le double nom est quant à lui constitué de deux parties.
Il est transmissible mais divisible1. Il est possible de n’en transmettre qu’une des deux
parties. Pour le différencier du nom composé, une circulaire avait imposé aux services
de l’état civil de séparer les deux parties du double nom par un « double tiret » mais ce
texte a été jugé entaché d’incompétence par le Conseil d’État2. Le double tiret a donc été
supprimé et remplacé par un simple espace. Dans les actes d’état civil, la rubrique « nom
de famille » est désormais complétée par une deuxième ligne indiquant quelles sont les
deux parties du double nom3.

treize ans au 1er sept. 2003 ou à la date de la déclaration (l’enfant devait donc être né après le 1er sept. 1990), l’adjonction en
deuxième position du nom du parent qui ne lui avait pas transmis. Le nom ainsi dévolu valait pour l’ensemble des enfants
communs, nés et à naître (L. n° 2002-304, 4 mars 2002, art. 23). Sur la différence de traitement des enfants nés avant l’entrée
en vigueur des lois de 2002 et 2003 et ayant plus de treize ans au 1er sept. 2003, cf. CEDH, 27 août 2013, n° 38275/10, De Ram
c/ France (absence de violation des art. 8 et 14 Conv. EDH).
1. La division étant obligatoire ou facultative en fonction des cas, Cf. infra n° 265.
2. CE, 4 déc. 2009, n° 315818, Dr. fam. 2010, Repère 2, obs. P. Murat ; RTD civ. 2010, p. 295, obs. J. Hauser.
3. Sur la période se situant entre la décision du Conseil d’État et la nouvelle circulaire, et sur les possibilités de rectifications des
doubles noms comportant un double tiret, cf. C. Petit, « Nouvelles modalités d’indication des “doubles noms” dans les actes
d’état civil. Égalité, liberté et … complexité », Dr. fam. 2012, Étude, p. 13. L’officier de l’état civil peut supprimer le double-tiret
lorsque l’intéressé en fait la demande.

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Déclaration conjointe de choix d’un nom de famille1
Nous soussignés,
Prénom(s) : Abel
NOM du père : GAUTIER MARTIN
(1re partie : GAUTIER 2nde partie : MARTIN) (1)
[…]
Prénom(s) : Fatiha
NOM de la mère : SOUMARE
[…]
attestons sur l’honneur que l’enfant à naître est notre premier enfant commun et déclarons
choisir pour lui le nom de famille suivant :
GAUTIER SOUMARE (1re partie : GAUTIER 2nde partie : SOUMARE) (1)
Nous sommes informés :
1- que ce nom sera inscrit dans l’acte de naissance de notre enfant si cette déclaration est
remise à l’officier de l’état civil lors de la déclaration de naissance et sous réserve que le lien
de filiation soit établi à l’égard de chacun de nous ;
2- que ce nom sera également celui de nos autres enfants communs (article 311-21 du Code civil).

Fait à …………………………… le …………………………….

Signatures
du père  de la mère

Avertissement : En application de l’article 441-7 du Code pénal est puni d’un an d’emprison-
nement et de 15 000 € d’amende le fait :
1° d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;
2° de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;
3° de faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié.
Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque
l’infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui.
_______________________________________________________________
(1) Ne remplir cette rubrique qu’en présence d’un double nom, c’est-à‑dire d’un nom dévolu en application de la loi du 4 mars
2002 relative au nom de famille, uniquement pour les personnes nées après le 1er septembre 1990 ayant bénéficié d’une
déclaration conjointe d’adjonction ou de changement de nom. Les parents qui portent un nom composé indivisible n’ont
pas à remplir cette rubrique, ce nom étant intégralement transmissible à la génération suivante.

1. Extrait de la circ. du 25 oct. 2011 relative à la modification des modalités d’indication des « doubles noms » issus de la loi
n° 2002-304 du 4 mars 2002 dans les actes de l’état civil : suppression du double tiret (NOR : JUSC1028448C).

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265. Limites au choix. Le choix du nom de famille de l’enfant par ses parents connaît deux limites.
La première réside dans la volonté d’assurer l’unité du nom au sein des fratries. L’article 311-21
alinéa 3 énonce ainsi clairement que « le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour
les autres enfants communs ».1
La seconde limite tient au nombre de noms qui peuvent être transmis à l’enfant. Lorsque
les parents ont décidé d’accoler leurs deux noms, ils ne peuvent en transmettre qu’un seul
chacun2. A contrario, lorsqu’un seul nom est transmis à l’enfant, si ce nom est double, il peut
tout à fait être transmis dans son intégralité. C’est d’ailleurs le principe. Mais les parents
peuvent aussi choisir de n’en transmettre qu’une partie3.

1. Cette règle ne concerne toutefois que les hypothèses dans lesquelles les parents ont été en mesure de faire un choix de nom
pour le premier enfant (« Lorsqu’il a déjà été fait application du présent article, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de
l’article 357 à l’égard d’un enfant commun ») et ne permet en réalité pas toujours d’éviter la pluralité de noms au sein de la
fratrie. Cf. C. Petit, « Difficultés d’application de la législation relative au nom de famille : appel au législateur », préc. et CA
Versailles, 31 janv. 2013, LPA 2014, n° 155, p. 10, chron. F. Dekeuwer-Defossez.
2. C. civ., art. 311-21 al. 1er : « dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux ».
3. C. civ., art. 311-21 al. 4 : « Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une
déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants ».

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La déclaration de choix de nom n’est toutefois pas obligatoire. Il existe donc des règles
subsidiaires.

C. Les règles subsidiaires

Il existe deux règles subsidiaires. La première s’applique en l’absence de déclaration


conjointe ; la seconde lorsqu’au défaut de déclaration s’ajoute la manifestation expresse
d’un désaccord parental.
266. Première règle subsidiaire : absence de déclaration conjointe. Dans l’hypothèse où les
parents s’abstiennent de procéder à la déclaration conjointe, soit volontairement parce
qu’ils souhaitent laisser s’appliquer la règle subsidiaire, soit parce qu’ils ne sont pas d’accord,
la règle suivante va s’appliquer : l’enfant prendra le nom de celui de ses parents à l’égard
duquel sa filiation est établie en premier lieu1 et le nom de son père si sa filiation est
établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre. Il faut donc distinguer l’établissement
successif de la filiation de son établissement simultané à l’égard des deux parents. Dans
cette dernière hypothèse, la suprématie du nom paternel demeure, rompant ainsi l’égalité
posée en principe. Il peut donc être utile pour la mère de reconnaître l’enfant, l’ordre des
reconnaissances étant déterminant en l’absence de déclaration conjointe2.

Exemple
Louis est né le 19 mars 2018. Ses parents, Elodie MARTIN et Marc DURAND, ne sont pas
mariés et n’ont pas fait de déclaration conjointe. Il a été reconnu par son père le 4 janvier 2018.
En l’absence de reconnaissance maternelle, il s’appelle Louis DURAND.
S’il a été reconnu par sa mère le 10 décembre 2017, il s’appelle Louis MARTIN.

CA Grenoble, 16 oct. 2012, n° 12/01317 (Résumé)3


Les parents de jumelles avaient procédé à leur reconnaissance prénatale simultanée. L’officier
d’état civil avait indiqué sur l’acte de naissance des enfants un nom double constitué des noms
des deux parents conformément, semble-t‑il, à la volonté de ces derniers sans qu’ils n’aient
toutefois matériellement rempli de déclaration conjointe. La rectification a été demandée
par le procureur de la République en faveur du nom du père et ordonnée par le président du

1. Du moins s’il est l’aîné. Cf. supra n° 265.


2. Sur l’incohérence du système, les règles relatives au nom n’étant pas conformes à l’esprit des réformes relatives à la filiation
et la date d’effet des reconnaissances n’étant pas respecté, cf. C. Petit, « Difficultés d’application de la législation relative
au nom de famille : appel au législateur ? », RLDC 2011, 4351 et « Difficultés d’application de la législation relative au nom de
famille : simplification ? », RLDC 2015, 5919.
3. Dr. fam. 2013, comm. 87, note C. Neirinck.

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Tribunal de Grande Instance. Les parents faisaient valoir en appel l’omission, par l’officier
d’état civil, de faire remplir une déclaration. La Cour d’appel a toutefois confirmé la décision1.

267. Seconde règle subsidiaire : désaccord parental signalé. L’article 311-21 prévoit l’hypothèse
particulière dans laquelle l’un des parents n’ayant pas fait de déclaration conjointe de
choix de nom signale le désaccord parental à l’officier de l’état civil, au plus tard le jour de
la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l’établissement simultané de la
filiation. Une deuxième règle subsidiaire est prévue dans ce cas : l’enfant prend les noms
de ses deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés
selon l’ordre alphabétique. L’égalité entre le nom du père et celui de la mère est ici rétablie.
Cette nouvelle règle subsidiaire, venant ajouter de la complexité à la complexité, est issue
de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage, et par conséquent l’adoption, aux couples de
personnes de même sexe. En effet, l’adoption conférant le nom de l’adoptant à l’adopté2,
la règle subsidiaire en vigueur depuis 2005 posait difficulté en cas d’adoption d’un enfant
par deux hommes ou deux femmes. La règle du double nom dans l’ordre alphabétique a
donc été consacrée pour les enfants adoptés3. Pour les autres enfants et dans l’objectif de ne
pas créer de rupture d’égalité, l’article 311-21 a été modifié « par ricochet » mais en limitant,
pour « sauver » le nom du père, l’application du double nom dans l’ordre alphabétique aux
hypothèses de désaccord signalé4.

Statistiques5
Si le principe est l’égalité entre le nom de la mère et le nom du père depuis 2005, le nom du
père est toujours très majoritaire en pratique.
Près de 85 % des enfants nés en 2015 ont reçu le nom du père. C’est le cas pour près de 95 %
des naissances en mariage et environ de 75 % des autres.
5 % environ seulement des enfants ne reçoivent que le nom de la mère qui n’est alors dans
l’immense majorité des cas pas mariée.
Enfin, environ 10 % des enfants reçoivent les deux noms.
Le subsidiaire et la tradition l’emportent donc sur le principe et l’esprit de la loi.

1. Sur l’impossibilité pour le juge d’adjoindre les deux noms, quand bien même l’absence de déclaration conjointe proviendrait
du décès du père, cf. Civ. 1re, 7 mai 2010, n° 09-10.997. Cf. aussi l’utilisation de la procédure administrative de changement
volontaire de nom : CE, 12 déc. 2012, n° 357865.
2. Par substitution dans l’adoption plénière et en principe par adjonction dans l’adoption simple, Cf. infra nos 271 et 272.
3. C. civ., art. 357 al. 4 et 363 al 3.
4. Sur cette réforme, cf. C. Petit, « Modification des règles relatives au nom de famille des enfants : égalité, liberté et complexité
(suite) », RLDC 2013, 5162. Cf. également le modèle indicatif de déclaration de désaccord proposé par la circulaire du 29 mai
2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (dispositions du Code civil), NOR :
JUSC1312445C.
5. INSEE, statistiques état civil sur les naissances en 2015, https://www.insee.fr/fr/statistiques. Les chiffres sont relativement
stables : près de 82 % des enfants nés en 2019 portent le nom du père (« Origine du nom de famille des nés vivants selon la
situation matrimoniale des parents », année 2019, www.insee.fr/fr/statistiques).

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Les règles sont logiquement différentes lorsque la filiation de l’enfant est, au moins dans
un premier temps, établie à l’égard d’un seul parent.

§2. Le nom de l’enfant dont la filiation est établie à l’égard d’un seul parent

Article 311-23

Modifié par LOI n° 2016-1547 du 18 novembre 2016-art. 57


Lorsque la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un parent, l’enfant prend le nom de ce parent.
Lors de l’établissement du second lien de filiation puis durant la minorité de l’enfant, les
parents peuvent, par déclaration conjointe devant l’officier de l’état civil, choisir soit de lui
substituer le nom de famille du parent à l’égard duquel la filiation a été établie en second
lieu, soit d’accoler leurs deux noms, dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de
famille pour chacun d’eux. Le changement de nom est mentionné en marge de l’acte de
naissance. En cas d’empêchement grave, le parent peut être représenté par un fondé de
procuration spéciale et authentique.
Toutefois, lorsqu’il a déjà été fait application de l’article 311-21, du deuxième alinéa du présent
article ou de l’article 357 à l’égard d’un autre enfant commun, la déclaration de changement
de nom ne peut avoir d’autre effet que de donner le nom précédemment dévolu ou choisi.
Si l’enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire.

268. Nom du parent. Les enfants dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de l’un des parents
prennent le nom de ce parent.
269. Changement de nom. Toutefois, il est possible pour les parents, s’ils sont d’accord, de faire
une déclaration de changement de nom devant l’officier d’état civil, lors de l’établissement
du second lien de filiation et pendant toute la minorité de l’enfant, afin de substituer le
nom du second parent ou accoler les deux noms, avec le consentement de l’enfant de
plus de treize ans1. Là encore, la déclaration ne peut néanmoins avoir d’autre effet que de
donner le nom précédemment dévolu ou choisi au premier enfant commun. Il s’agit ici d’un
changement de nom lié au changement d’état, à ne pas confondre avec le changement
volontaire de nom résultant d’une procédure administrative2.

1. Depuis le 18 janvier 2009, les enfants nés avant 2005 bénéficient de cette possibilité (mais la déclaration conjointe ne peut
avoir pour objet qu’une adjonction).
2. C. civ. art. 61.

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§3. Le nom de l’enfant dont la filiation n’est pas établie

270. Attribution administrative. Lorsque la filiation de l’enfant n’est pas établie à sa naissance,
par exemple dans les hypothèses d’enfants trouvés ou d’accouchement sous X, l’article 57
alinéa 2 du Code civil met en place une attribution administrative de nom : « […] La femme
qui a demandé le secret de son identité lors de l’accouchement peut faire connaître les
prénoms qu’elle souhaite voir attribuer à l’enfant. À défaut ou lorsque les parents de celui-ci
ne sont pas connus, l’officier de l’état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu
de nom de famille à l’enfant […] ».

§4. Le nom de l’enfant adopté

271. Adoption plénière. L’adoption plénière confère à l’enfant adopté le nom de l’adoptant,
selon l’article 357 du Code civil. Lorsqu’il s’agit de l’adoption de l’enfant du conjoint ou de
l’adoption par deux époux, les adoptants procèdent à un choix de nom par déclaration
conjointe, jointe à la requête en adoption, en respectant les limites habituelles1. En
l’absence de déclaration conjointe, l’enfant prend le nom de l’adoptant et de son conjoint
ou les noms des deux adoptants dans l’ordre alphabétique, selon la règle modifiée par la
loi du 17 mai 2013 pour l’adapter à l’hypothèse où l’enfant est adopté par deux hommes
ou par deux femmes.
272. Adoption simple. L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant
au nom de ce dernier2. Mais cette adjonction, prévue à l’article 363 du Code civil, peut
s’avérer complexe lorsque l’adopté et/ou l’adoptant porte(nt) un nom double et en cas
d’adoption par deux époux.
Dans la première hypothèse, « le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom
de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix
du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir
le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à
défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du
premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté »3.
Dans la seconde hypothèse, « le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des époux
adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de
famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants,
qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En

1. Limite d’un nom de famille pour chacun des parents et unité du nom au sein de la fratrie, cf. supra n° 265.
2. Si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction.
3. C. civ., art. 363 al. 2.

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cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en
seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier
nom de l’adopté »1.
L’article 363 prévoit tout de même la possibilité de déroger au cumul des noms de l’adopté
et de(s) adoptant(s) puisque le tribunal peut, à la demande de l’adoptant, décider que
l’adopté ne portera que le nom de celui-ci ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint,
qu’il conservera son nom d’origine. Dans l’hypothèse d’une adoption par deux époux, le
nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui
de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un
seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement
à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette
substitution du nom de famille est nécessaire2.

Nom de famille et nom d’usage

273. Il faut distinguer le nom de famille attribué à la naissance, obligatoire et transmissible, du


nom d’usage, non-obligatoire et intransmissible. Le nom d’usage de la femme mariée ne
dépend aucunement de la filiation et ne sera donc pas étudié. En revanche, le nom d’usage
peut également résulter de la filiation. En effet, « toute personne majeure peut ajouter à
son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.
À l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’exercice
de l’autorité parentale »3. Cette règle permet par exemple à l’enfant né de parents non
mariés, qui s’est vu attribuer le nom du père, de porter, à titre d’usage, le nom de ses deux
parents. La mère est ainsi plus facilement identifiable et ainsi dispensée, dans certaines
hypothèses en pratique, d’avoir à produire le livret de famille4.

1. C. civ., art. 363 al. 3.


2. C. civ., art. 363 al. 4.
3. Loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la
gestion des biens des enfants mineurs, art. 43 (non codifié).
4. Le projet de loi Justice XXI prévoyait la possibilité pour un enfant majeur d’adjoindre à son nom de naissance, plus seulement
à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui avait pas transmis. Cette disposition a été censurée par le Conseil
constitutionnel : Cons. Const., 17 nov. 2016, n° 2016-739 DC, JO 19 nov., § 58.

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Index

(Les numéros renvoient aux paragraphes)


A – partage : 259
– transfert : 259
Accouchement sous X : 163, 170, 184 s., 217, 223, 270 – volontaire : 258
Acte de notoriété : 167, 173, 187, 190 exercice en commun : 253 s.
Acte sous signature privée contresigné par avocat : 122 s. exercice unilatéral : 255 s.
Acte de reconnaissance : 168, 171. présomption de pouvoirs : 254
séparation des parents : 153 s., 254 s.
Action à fin de subsides : 191
retrait : 251, 252, 257
Action en constatation de la possession d’état : 187 titularité : 249 s.
Action en contestation de maternité et paternité : 189
Action en contestation de la possession d’état : 190 B
Actions en contestation de la filiation : 188 s. Bague de fiançailles : 25
Actions en établissement de la filiation : 184 s. Bigamie : 33, 42, 44
Action en recherche de maternité : 184
C
Action en recherche de paternité : 185
Action en rétablissement des effets de la présomption Communauté de vie : 18, 54, 58, 90
de paternité : 186 Concubinage 11 s.
âge : 17
Adoption : 212 s. consentement : 18
gestation pour autrui : 200, 210 s.
définition : 11, 12
internationale : 233
dommages et intérêts : 151
nom de famille : 224, 227, 230, 271, 272
sexe des concubins : 13
placement : 217
désunion : 130, 146 s.
plénière : 213 s.
simple : 225 s. Consentement : v. Mariage, Pacs, Concubinage
Âge Contrat de mariage : 77
adoption : 213, 214, 216 Contribution
mariage : 15 aux charges du mariage : 65 s.
Pacs : 15 à l’entretien et à l’éducation de l’enfant : 101, 118, 159,
concubinage : 17 234 s., 254
Agrément : 215 Convention
Aide matérielle : 65 s. divorce par consentement mutuel : 110 s., 120 s.
pacte civil de solidarité : 38
Alliance : 30 s., 48, 50
Assistance (devoir) : 10, 53, 58 D
Assistance médicale à la procréation : 192 s. Délaissement parental : 221
Audition : Demande reconventionnelle : 95, 96, 139
époux (mariage) : 37, 45
Dette
enfant mineur (divorce) : 110 s.
– ménagère : 70 s.
reconnaissance : 171
– de la vie courante : 72 s.
Autorité parentale : 247 s.
Devoir
adoption simple : 229, 231
d’assistance : 53, 58
définition et contenu : 248, 250
de communauté de vie : 54 s., 58
délégation : 258 s.
de contribution aux charges du mariage : 65 s.
– forcée : 258
de fidélité : 52, 60

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de respect : 56 G
de secours : 63, 64
innommé : 55 Gestation pour autrui : 199 s.
Divorce 82 s. I
accepté : 88
altération définitive du lien conjugal : 89 s. Indivision
causes : 83 s. Pacs : 79
consentement mutuel concubinage : 69, 80
– extra-judiciaire : 120 s.
M
– judiciaire : 110 s.
conséquences : 131 s. Majeurs protégés :
contentieux : 88 s. divorce : 87
demande reconventionnelle : 95, 96, 139 mariage : 9
dommages et intérêts : 138, 150 s. Pacs : 10
faute : 92 s. Mariage
jugement : 103 s., 108, 114, 116 âge : 15
majeurs protégés : 87 audition : 37, 45
mesures provisoires : 101, 107 célébration : 39
passerelles : 84 complaisance (de) : 20, 21, 45
preuve : 86 consentement : 19 s.
procédure : 98 s., 112 s. – existence : 20 s.
réconciliation : 93 – intégrité : 25 s.
Dommages et intérêts définition : 9, 12
divorce : 138 s., 150 devoirs entre époux : 46 s.
Pacs : 152 effets
concubinage : 151 – extra-patrimoniaux : 47 s.
Don de gamètes : 193, 196 s. – patrimoniaux : 63 s.
empêchement
E – alliance : 30, 31
– dirimant : 42
État civil
– lien de couple : 33
adoption : 223
– parenté : 28
mariage : 41
– prohibitif : 42
Pacs : 41
étrangers : 45
possession d’état : 167
forcé : 25, 45
Empêchement formalités préalables : 37
mariage : 28 s., 42 formation : 12 s.
Pacs : 29 s. liberté : 25, 45
Enrichissement injustifié : 148 s. majeurs protégés : 9
Excuse nullité : 16, 21, 25, 26, 33, 44, 45
Divorce pour faute : 94 opposition : 21, 43
Expertise : 165, 183, 187 posthume : 22
publicité : 41
F putatif : 44
sexe des époux : 14
Famille : 1 s., 49, 51
Mère porteuse : 199 s.
Faute : 92 s.
Mesures provisoires : 101, 107
Fiançailles : 25
Fidélité : 52, 60 N
Filiation : Nom de famille : 260 s.
actions en justice : 174 s. adoption : 271, 272
contestation : 188 s. choix de nom : 262 s.
effet de la loi : 163 s. nom composé : 264
établissement : 163 s., 184 s. nom double : 264
preuve : 183

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Nom d’usage : Possession d’état : 162, 172 s.
époux : 48, 142 acte de notoriété : 173, 187
filiation : 273 action en constatation : 187
Nullité : cf. Mariage et Pacs. contestation : 190
notion : 172
O Présomption de paternité : 164 s., 186
Obligation alimentaire : 241 s. Présomption mobilière
adoption simple : 228 mariage : 75
débiteurs : 242 Pacs : 75
durée : 244 Prestation compensatoire : 132 s.
exécution : 245 disparité : 132
objet : 243 divorce par consentement mutuel : 136
révision : 246 évaluation : 134
Obligation d’entretien : 159, 228, 234 s. forme : 133
adoption : 228 révision : 135
débiteurs : 235 fin : 137
durée : 237 Procréation médicalement assistée : 192 s.
enfant majeur : 237 Pupilles de l’État : 220
exécution : 238 s.
Putativité : 44
objet : 236
prescription quinquennale : 240 R
rétroactivité : 240
révision : 239 Réconciliation : 93
sanctions : 240 Reconnaissance : 168 s.
Opposition Régime matrimonial : 76, 77
mariage : 43 Respect : 56
reconnaissance : 171
S
P
Secours : 63, 64
Pacte civil de solidarité 10 s. Séparation de biens
âge : 15 mariage : 77
consentement : 19 s. Pacs : 78
– existence : 24 concubinage : 80
– intégrité : 27
convention : 38 Séparation de corps : 81
définition : 10, 12 Solidarité
désunion : 127 s., 141 s. époux : 71 s.
devoirs entre partenaires : 46 s. partenaires : 72 s.
dommages et intérêts : 152 Société créée de fait : 147 s.
effets :
– extra-patrimoniaux : 50 s. T
– patrimoniaux : 64 s. Transcription (acte de naissance)
empêchements adoption : 223
– alliance : 30 assistance médicale à la procréation : 195
– lien de couple : 34 gestation pour autrui : 204 s.
– parenté : 29
enregistrement : 40
formalités préalables : 38
majeurs protégés : 10
nullité : 16, 24, 27, 34
publicité : 41
sexe des partenaires : 13
Parenté : 29 s.
Placement : 217
Pension alimentaire : 238 s.

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Table des matières

Sommaire.....................................................................................................................................................................1
Principales abréviations.....................................................................................................................................3
Introduction...............................................................................................................................................................5

PR EMIÈR E PARTIE
Le lien de couple

CH A PITR E 1
L’union..............................................................................................................11

Section 1 – La formation du couple............................................................................................13


§1. Les conditions de fond...........................................................................................................................................14
A. Les conditions intrinsèques à chacun des membres du couple..........................................................................................14
1. L’indifférence au sexe..........................................................................................................................................................14
2. L’âge minimum...................................................................................................................................................................16
3. Le consentement................................................................................................................................................................17
a) Existence................................................................................................................................................................................................ 17
b) Intégrité................................................................................................................................................................................................ 20
B. Les conditions relatives à l’absence de lien préexistant.....................................................................................................24
1. Les empêchements fondés sur les liens de parenté et d’alliance............................................................................................24
a) Parenté...................................................................................................................................................................................................25
b) Alliance...................................................................................................................................................................................................26
2. Les empêchements fondés sur le lien de couple.................................................................................................................... 27
§2. Les conditions de forme........................................................................................................................................ 28
A. L’absence de formalisme du concubinage........................................................................................................................... 28
B. Le formalisme du mariage et du Pacs.................................................................................................................................. 29
1. Les formalités préalables................................................................................................................................................... 29
2. La célébration ou l’enregistrement..................................................................................................................................... 30
3. La publicité.........................................................................................................................................................................31

Section 2 – La vie de couple....................................................................................................... 38


§1. Les effets extra-patrimoniaux..............................................................................................................................39
A. Les effets familiaux............................................................................................................................................................... 39
1. Mariage............................................................................................................................................................................ 39
2. Pacs et concubinage...........................................................................................................................................................40
B. Les effets personnels............................................................................................................................................................40
1. Mariage............................................................................................................................................................................40
2. Pacs..................................................................................................................................................................................46
3. Concubinage..................................................................................................................................................................... 47

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§2. Les effets patrimoniaux.........................................................................................................................................47
A. Les devoirs pécuniaires entre membres du couple............................................................................................................. 47
1. Le devoir de secours entre époux.........................................................................................................................................48
2. La contribution aux charges du mariage et du Pacs............................................................................................................48
B. Les pouvoirs pécuniaires des membres du couple dans leurs rapports avec les tiers..................................................... 52
1. L’obligation à la dette........................................................................................................................................................ 52
2. La présomption mobilière...................................................................................................................................................55
C. Le régime des biens du couple.............................................................................................................................................. 55
1. Mariage............................................................................................................................................................................ 56
2. Pacs.................................................................................................................................................................................. 56
3. Concubinage..................................................................................................................................................................... 57

CH A PITR E 2
La désunion.................................................................................................... 58

Section 1 – Les causes et la procédure.......................................................................................58


§1. La désunion prononcée par le juge.......................................................................................................................59
A. Les divorces contentieux.......................................................................................................................................................61
1. Les cas de divorces contentieux...........................................................................................................................................61
a) Le divorce accepté................................................................................................................................................................................. 61
b) Le divorce pour altération définitive du lien conjugal.......................................................................................................................62
c) Le divorce pour faute........................................................................................................................................................................... 64
2. La procédure des divorces contentieux............................................................................................................................... 68
a) La procédure des divorces contentieux avant le 1er janvier 2021...................................................................................................... 69
– Phase de conciliation........................................................................................................................................................................... 69
– Phase de jugement............................................................................................................................................................................... 70
b) La procédure des divorces contentieux depuis le 1er janvier 2021.....................................................................................................73
B. Le divorce par consentement mutuel judiciaire................................................................................................................. 76
1. La demande d’audition de l’enfant mineur.......................................................................................................................... 76
2. La procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire.............................................................................................. 77
§2. La désunion sans juge............................................................................................................................................81
A. Le divorce par consentement mutuel extrajudiciaire........................................................................................................ 81
B. La désunion formalisée des partenaires.............................................................................................................................84
C. La désunion informelle des concubins................................................................................................................................ 85

Section 2 – Les conséquences....................................................................................................85


§1. Les conséquences entre les membres du couple.................................................................................................85
A. Les compensations pécuniaires propres au divorce........................................................................................................... 85
1. La prestation compensatoire............................................................................................................................................. 86
2. Les dommages et intérêts de l’article 266............................................................................................................................91
B. Les autres conséquences......................................................................................................................................................94
1. La fin des devoirs entre membres du couple........................................................................................................................ 94
2. La perte de l’usage du nom du conjoint............................................................................................................................... 94
3. La perte des droits successoraux du conjoint survivant....................................................................................................... 95
4. La liquidation des intérêts patrimoniaux........................................................................................................................... 95
5. Les dommages et intérêts de l’article 1240....................................................................................................................... 104
§2. Les conséquences à l’égard des enfants.............................................................................................................107
A. L’exercice de l’autorité parentale........................................................................................................................................ 108
B. La résidence......................................................................................................................................................................... 108
C. La contribution à l’entretien et à l’éducation.................................................................................................................... 109

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DEU X IÈME PARTIE
Le lien enfant-parent

CH A PITR E 1
La filiation......................................................................................................119

Section 1 – La filiation par procréation « charnelle ».............................................................. 121


§1. L’établissement non contentieux de la filiation................................................................................................. 121
A. L’effet de la loi....................................................................................................................................................................... 121
1. Filiation maternelle en et hors mariage............................................................................................................................. 121
2. Filiation paternelle en mariage.........................................................................................................................................122
a) Champ d’application de la présomption de paternité..................................................................................................................... 122
b) Exclusion de la présomption de paternité........................................................................................................................................124
c) Rétablissement de la présomption de paternité............................................................................................................................. 125
B. La reconnaissance................................................................................................................................................................126
C. La possession d’état..............................................................................................................................................................129
§2. Les actions en justice relatives à la filiation....................................................................................................... 132
A. Les règles générales applicables aux actions relatives à la filiation.................................................................................132
B. Les actions relatives à l’établissement de la filiation......................................................................................................... 137
C. Les actions relatives à la contestation de la filiation........................................................................................................ 146

Section 2 – La procréation médicalement assistée.................................................................154


§1. Les dispositions générales relatives à l’assistance médicale à la procréation................................................. 154
A. La définition de l’assistance médicale à la procréation....................................................................................................154
B. Les conditions de l’assistance médicale à la procréation.................................................................................................. 155
§2. Les dispositions spéciales relatives à la filiation de l’enfant conçu
par procréation médicalement assistée avec tiers donneur.............................................................................160
A. L’interdiction d’établir la filiation à l’égard du donneur................................................................................................... 160
B. L’établissement de la filiation à l’égard du couple receveur............................................................................................ 160
C. La contestation de la filiation à l’égard du couple receveur.............................................................................................. 161

Section 3 – La gestation pour autrui........................................................................................ 161


§1. La prohibition de la gestation pour autrui en France........................................................................................162
A. Une interdiction ferme........................................................................................................................................................162
B. Une interdiction en question...............................................................................................................................................163
§2. La situation des enfants nés de gestations pour autrui valablement effectuées à l’étranger........................164
A. Une position ferme.............................................................................................................................................................. 164
B. Une évolution significative..................................................................................................................................................166

Section 4 – L’adoption............................................................................................................... 173


§1. L’adoption plénière.............................................................................................................................................. 174
A. Les conditions.......................................................................................................................................................................174
1. Les conditions relatives à l’adoptant..................................................................................................................................174
2. Les conditions relatives à l’adopté.....................................................................................................................................182
a) Âge........................................................................................................................................................................................................ 182
b) Placement............................................................................................................................................................................................ 182
c) Adoptabilité.........................................................................................................................................................................................188
d) Intérêt de l’enfant.................................................................................................................................................................................191
B. Les effets............................................................................................................................................................................... 191

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§2. L’adoption simple.................................................................................................................................................196
A. Les conditions.......................................................................................................................................................................196
B. Les effets...............................................................................................................................................................................198
1. Le maintien du lien avec la famille d’origine.......................................................................................................................198
2. L’adjonction d’un nouveau lien de filiation.........................................................................................................................199

CH A PITR E 2
Les corollaires de la filiation....................................................................... 205

Section 1 – L’obligation d’entretien......................................................................................... 205


§1. Les débiteurs de l’obligation d’entretien........................................................................................................... 206
§2. L’objet de l’obligation d’entretien...................................................................................................................... 206
§3. La durée de l’obligation d’entretien................................................................................................................... 206
§4. L’exécution de l’obligation d’entretien............................................................................................................... 207
§5. La comparaison avec l’obligation alimentaire.................................................................................................. 208

Section 2 – L’autorité parentale................................................................................................ 211


§1. La titularité de l’autorité parentale..................................................................................................................... 212
A. L’attribution de l’autorité parentale....................................................................................................................................212
B. Le retrait de l’autorité parentale.........................................................................................................................................213
§2. L’exercice de l’autorité parentale.........................................................................................................................214
A. L’exercice par les parents......................................................................................................................................................214
1. L’exercice en commun.......................................................................................................................................................214
2. L’exercice unilatéral..........................................................................................................................................................217
3. La suspension et le retrait de l’exercice..............................................................................................................................218
B. L’exercice délégué.................................................................................................................................................................218

Section 3 – La dévolution du nom de famille......................................................................... 220


§1. Le nom de l’enfant dont la filiation est établie à l’égard des deux parents......................................................221
A. Le champ d’application de l’article 311-21 du Code civil.................................................................................................... 222
B. Le principe du choix de nom............................................................................................................................................... 222
C. Les règles subsidiaires.........................................................................................................................................................226
§2. Le nom de l’enfant dont la filiation est établie à l’égard d’un seul parent....................................................... 228
§3. Le nom de l’enfant dont la filiation n’est pas établie........................................................................................ 229
§4. Le nom de l’enfant adopté.................................................................................................................................. 229

Index........................................................................................................................................................................... 231

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