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Ohadata D-06-16

PRESENTATION DES DISPOSITIONS SUR LA VENTE COMMERCIALE

Par Joseph ISSA-SAYEGH


Professeur agrégé

SOMMAIRE

I. La formation de la vente commerciale


A. Les conditions de forme
B. Les conditions de fond
1) La rencontre des volontés
a) L'offre
b) L'acceptation
2) L'interprétation de la volonté et du comportement des parties

II. Les effets de la vente commerciale


A. Les obligations du vendeur
1) L'obligation de livraison
a) Le lieu de livraison
b) Le moment de la livraison
c) La remise de documents
2) L'obligation de conformité
a) Le principe
b) Les conséquences
3) L'obligation de garantie
B. Les obligations de l'acheteur
1) Le paiement du prix
a) Le lieu du paiement
b) Le moment du paiement
2) L'obligation de prendre livraison
C. Les effets à l'égard des marchandises
1) Le transfert de propriété
2) Le transfert des risques

III. Le contentieux de la vente commerciale.


A. Les règles générales
1) L'exception d'inexécution
2) La résolution
a) Le principe
b) Les conséquences
3) Les intérêts et les dommages-intérêts
4) L'exonération de la responsabilité
5) La prescription
B. Les règles spéciales
1) Les sanctions de l'inexécution des obligations du vendeur
2) Les sanctions de l'inexécution des obligations de l'acheteur
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LA VENTE COMMERCIALE

L'acte uniforme sur le droit commercial général (AUDCG) consacre un Livre V (articles 202
à 288) à la vente commerciale.

Définition. La vente commerciale est la vente de marchandises intervenant entre commerçants,


personnes physiques ou morales. Le vendeur et l'acheteur sont des professionnels du commerce qui
passent un contrat ayant pour objet des marchandises (article 202).

Il s'ensuit que les dispositions du Livre V de l'AUDCG régissant la vente commerciale ne


s'appliquent pas (articles 203 et 204) :

- à la vente aux consommateurs, c'est à dire aux personnes qui agissent à des fins
personnelles n'entrant pas dans le cadre de leur activité personnelle; c'est là une des rares définitions
législatives du consommateur;

- à la vente non contractuelle, c'est à dire aux ventes judiciaires ou aux enchères;

- à la vente ayant pour objet des valeurs mobilières, des effets de commerce, des monnaies,
des devises, des créances;

- aux contrats dans lesquels la part prépondérante de l'obligation de la partie qui fournit les
marchandises consiste dans la fourniture de main d'oeuvre ou d'autres services; en vertu de la
théorie de l'accessoire suivant le principal, de tels contrats sont des prêts de main-d'oeuvre ou des
contrats d'entreprise.

D'après l'article 205, la vente commerciale, ainsi définie, est soumise au droit commun de la
vente et à celui du Livre V de l'AUDCG. C'est là un des rares exemples de renvoi exprès au droit
national par le droit uniforme de l'OHADA. Cela signifie que la vente commerciale est soumise à la
somme des dispositions du droit commun de la vente de chaque Etat partie (le code civil ou le code
de commerce ou la loi nationale ayant modifié lesdits codes; pour le Sénégal, il s'agit des articles
264 à 371 du COCC) et à celles de l'AUDCG. Toutefois, si des dispositions de l'AUDCG sont
contraires à celles du droit commun ayant le même objet, c'est celles de l'AUDCG qui l'emporteront
par application de l'article 1er, alinéas 1 et 2 dudit acte uniforme.

Ajoutons que les dispositions de l'AUDCG relatives à la vente commerciale sont supplétives
et non d'ordre public (sauf les articles 275 à 280 relatifs à la prescription. Voir infra, article 281). Il
en résulte que rien n'interdit aux parties de modifier les règles légales de formation et d'exécution de
ce contrat.

Les dispositions du Livre V sont inspirées, semble-t-il, de celles de la Convention de Vienne


(11 avril 1980) sur les contrats de vente internationale des marchandises

Nous envisagerons successivement :


- la formation de la vente commerciale (I);
- les effets de la vente commerciale (II);
- le contentieux de la vente commerciale (III).

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I. LA FORMATION DE LA VENTE COMMERCIALE.

La vente commerciale est soumise à des conditions de fond et de forme particulières par
rapport au droit commun.

A. Les conditions de forme.

Le contrat de vente commerciale est un contrat purement consensuel. Il peut être écrit ou
verbal; il n'est soumis à aucune condition de forme. Le terme "écrit" doit s'entendre de toute
communication utilisant un support écrit, y compris le télégramme, le télex ou la télécopie que
celle-ci soit expédiée par un fax ou par un ordinateur (c'est nous qui précisons) (article 208).

En l'absence d'écrit, il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoin (article 209).

B. Les conditions de fond.

La vente commerciale étant purement consensuelle, sa formation repose sur le mécanisme


de la rencontre et de l'accord des volontés. L'AUDCG pose les règles essentielles de la rencontre
des volontés (1) et celles de leur interprétation (2).

1) La rencontre des volontés.

Comme pour de nombreux contrats commerciaux, la vente débute par une offre du vendeur
qui doit être acceptée par l'acquéreur.

a) L'offre

* L'offre est une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes
déterminées si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de son auteur d'être lié en
cas d'acceptation (article 210, alinéa 1). Selon nous, on doit retenir la même définition de l'offre
lorsqu'elle est faite au public et en permanence (sans détermination des destinataires).

La proposition est suffisamment précise lorsqu'elle désigne les marchandises et fixe


(expressément ou implicitement) la quantité et le prix ou donne les indications permettant de les
déterminer (article 210, alinéa 2).

* La vente ne peut être valablement conclue si le prix des marchandises n'a pas été fixé à
moins que les parties se soient référées au prix habituellement pratiqué au moment de la conclusion
du contrat dans la branche commerciale considérée pour les mêmes marchandises vendues dans des
conditions comparables (article 235). Si le prix est fixé d'après le poids des marchandises, c'est le
poids qui, en cas de doute, détermine le prix (articles 236). Bien que ces deux articles figurent dans
le chapitre relatif aux obligations de l'acheteur, ils trouvent une meilleure place dans la partie
relative à la formation du contrat.

* L'offre prend effet (lie son auteur) lorsqu'elle parvient à son destinataire (article 211).
Toutefois, elle peut être révoquée:

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- si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié son acceptation;

- si le délai prévu pour l'acceptation est expiré sans acceptation, même si l'offre est stipulée
irrévocable.

Une offre, même irrévocable, prend fin lorsqu'elle est rejetée et que son rejet par le
destinataire parvient à l'auteur de l'offre (article 211, alinéa 4).

b) L'acceptation

* L'acceptation consiste en une déclaration ou en tout autre comportement du destinataire


indiquant qu'il acquiesce à l'offre.

Il est possible qu'une réponse tendant à être l'acceptation d'une offre mais qui contient des
éléments complémentaires ou différents n'altérant pas essentiellement les termes de l'offre, constitue
une acceptation. Par contre, si une telle réponse contient des additions, des limitations ou autres
modifications, elle doit être considérée comme un rejet de l'offre et constitue une contre-offre
(article 214) à laquelle doit acquiescer le pollicitant pour que le contrat soit formé.

Le silence ou l'inaction, à eux seuls, ne peuvent valoir acceptation (article 212).

* L'acceptation d'une offre prend effet (forme le contrat selon l'article 217) au moment où
l'indication d'acquiescement parvient à l'auteur de l'offre (article 213, alinéa 1).

Toutefois, pour cela, elle doit parvenir à son destinataire dans le délai stipulé ou, à défaut
d'une telle stipulation, dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances de la transaction et
du moyen de communication utilisé par l'auteur de l'offre (article 213, alinéa 2).

Si l'offre est faite par écrit (télégramme, lettre) le délai d'acceptation commence à courir du
jour de l'émission (de l'envoi) de l'offre, le cachet des services postaux faisant foi (article 215, alinéa
1).

Si l'offre a été faite verbalement, elle doit être acceptée immédiatement, à moins que les
circonstances n'impliquent le contraire (article 213, alinéa 3). Toutefois, un délai d'acceptation peut
être stipulé par un moyen de communication instantané (téléphone, télex, télécopie); dans ce cas, le
délai commence à courir au moment où l'offre parvient au destinataire (article 215, alinéa 2).

Enfin, l'acceptation peut être rétractée si la rétractation parvient au pollicitant avant le


moment où l'acceptation aurait pris effet (article 216).

NB. L'offre ou l'acceptation ou toute autre manifestation d'intention est considérée comme
étant parvenue à son destinataire lorsqu'elle a été faite verbalement ou lorsqu'elle a été délivrée par
tout autre moyen au destinataire lui-même, à son principal établissement ou à une adresse postale
(article 218).

2) L'interprétation de la volonté et du comportement des parties.

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Les articles 206 et 207 posent des règles d'interprétation qui ne sont pas sans rappeler les
dispositions des articles 1156 et suivants du code civil (ou 99 et suivants du COCC).

a) La volonté et le comportement d'une partie doivent être interprétés selon


l'intention de celle-ci lorsque l'autre partie connaissait ou ne pouvait ignorer cette intention. A
défaut, ils doivent être interprétés selon le sens qu'une personne raisonnable et de même qualité que
l'autre partie, placée dans la même situation, leur aurait donnés.

Pour déterminer l'intention d'une partie ou celle d'une personne raisonnable, on doit tenir
compte des circonstances de fait et, notamment, des négociations qui ont pu avoir lieu entre les
parties, des pratiques qui se sont établies entre elles, voire des usages en vigueur dans la profession
concernée.

b) Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti et par les habitudes
qui se sont établies dans leurs relations commerciales.

Sauf convention contraire, elles sont réputées s'être tacitement référées, dans le contrat, aux
usages professionnels dont elles avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui, dans
le commerce, sont largement connus et régulièrement observés par les parties à des contrats de
même nature dans la branche commerciale considérée.

NB Ces règles valent pour la formation comme pour l'exécution du contrat de vente
commerciale.

II. LES EFFETS DE LA VENTE COMMERCIALE.

La vente commerciale engendre des obligation à la charge des deux parties et des effets à
l'égard des marchandises.

A. Les obligations du vendeur.

Le vendeur assume principalement trois obligations : celle de livraison; celle de conformité


et celle de garantie. Ces obligations sont soumises aux conditions prévues par le contrat et par le
Livre V (article 219).

1) L'obligation de livraison.

a) Le lieu de livraison.

Si le contrat ne prévoit pas de lieu particulier pour la livraison des marchandises, le vendeur
est tenu :

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- si le contrat prévoit un transport des marchandises, de remettre ces marchandises à un
transporteur pour leur livraison à l'acheteur ;

- dans les autres cas, de mettre les marchandises à la disposition de l'acheteur au lieu où
celles-ci ont été fabriquées ou au lieu où elles sont stockées ou au lieu où le vendeur a son principal
établissement (article 220). Il semble que le vendeur a donc le choix entre ces différents lieux et
qu'il choisira celui qui a sa préférence.

Dans le cas où le vendeur est obligé de prendre des mesures pour le transport des
marchandises, il doit conclure les contrats nécessaires pour que ce transport soit effectué jusqu'au
lieu prévu avec l'acheteur et ce, par les moyens de transport appropriés et selon les conditions
d'usage (article 221, alinéa 1). Il en est de même pour l'assurance; toutefois, s'il n'est pas tenu de
souscrire lui-même une assurance de transport, il doit fournir à l'acheteur, à la demande de celui-ci,
tous les renseignements dont il dispose et qui sont nécessaires à la conclusion de ce contrat (article
221, alinéa 2).

b) Le moment de la livraison

Le vendeur doit livrer les marchandises à la date fixée par le contrat ou à celle déterminable
par référence au contrat (le 30 juin 1998; 30 jours à partir de la réception de l'acceptation ou du
paiement...).

Si une période de temps est fixée ou déterminable par référence au contrat, (printemps
1998, pendant les trente jours suivant le paiement...) la livraison doit se faire pendant cette période.

Dans tous les autres cas, la livraison doit se faire dans un délai raisonnable (déterminé
d'après les usages ou la raison) (article 222).

c) La remise de documents.

Le vendeur est également obligé de délivrer, s'il y a lieu, tous les documents se rapportant
aux marchandises (lettre de voiture, de transport aérien, connaissement, documentation technique...)
(article 219). Dans ce cas, il doit le faire au lieu, au moment et dans la forme prévus au contrat
(article 223).

2) L'obligation de conformité

a) Le principe

Le vendeur doit livrer les marchandises dans la quantité, la qualité, la spécification, le


conditionnement et l'emballage correspondant à ceux prévus au contrat. Sauf si les parties en
conviennent autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si (article 224):

- elles sont propres à l'usage auquel servent habituellement les marchandises de même type;

- elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté à la connaissance du vendeur au
moment de la conclusion du contrat;

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- elles possèdent les qualités d'une marchandise dont le vendeur a remis à l'acheteur
l'échantillon ou le modèle;

- elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel prévu pour des marchandises
de même type ou, à défaut de mode habituel, de manière propre à les conserver et à les protéger.

b) Les conséquences

* Le vendeur est responsable de tout défaut de conformité existant au moment du transfert


des risques à l'acheteur, même si ce défaut n'apparaît qu'ultérieurement (article 225).

Toutefois, le vendeur peut réparer le manquement à son obligation de conformité en cas de


livraison anticipée. Il peut, en effet, dans ce cas, et jusqu'à la date prévue pour la livraison, soit
livrer une partie ou une quantité manquante ou des marchandises nouvelles en remplacement des
marchandises non conformes au contrat, soit réparer tout défaut de conformité des marchandises à
condition que ce droit ne cause à l'acheteur ni dommages ni frais (article 226).

* De son côté, l'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai
aussi bref que possible eu égard aux circonstances (article 227, alinéa 1).

Si le contrat implique un transport de marchandises, l'examen peut être différé jusqu'à leur
arrivée à destination. Si les marchandises sont déroutées ou réexpédiées par l'acheteur sans que
celui-ci ait eu raisonnablement la possibilité de les examiner, l'examen peut être différé jusqu'à leur
arrivée; mais cela n'est possible que si, au moment de la conclusion du contrat, le vendeur
connaissait ou aurait dû connaître la possibilité de ce déroutage ou de cette réexpédition (article
227, alinéas 2 et 3).

* L'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce
pas au vendeur en précisant la nature de ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où
il l'a constaté ou aurait dû le constater.

Dans tous les cas, il est déchu de ce droit s'il ne l'exerce pas dans un délai d'un an à compter
de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises à moins d'une durée
contractuelle de garantie plus longue (article 229).

3) L'obligation de garantie

L'obligation de garantie est double.

* Elle consiste, en premier lieu, pour le vendeur, à livrer des marchandises libres de tout
droit ou prétention d'un tiers à moins que l'acheteur n'accepte de prendre les marchandises dans ces
conditions (article 230)( garantie du trouble de droit).

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* En outre, le vendeur doit garantie du vice caché de la chose vendue qui diminue tellement
son usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un prix moindre s'il l'avait connu
(article 231, alinéa 1).

Cette garantie bénéficie :

- à l'acheteur contre le vendeur;


- au sous-acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire pour le vice caché
affectant la chose dès sa fabrication (article 231, alinéa 2).

Une clause limitative de garantie (pour les seuls vices cachés? pour les troubles de droit
également? l'article 232 ne le précise pas) est possible mais doit être interprétée restrictivement. Le
vendeur qui invoque une telle clause doit apporter la preuve que l'acheteur en a connu et accepté
l'existence lors de la conclusion de la vente (article 232).

B. Les obligations de l'acheteur.

L'acheteur s'oblige à payer le prix et à prendre livraison des marchandises dans les
conditions prévues au contrat et suivant les dispositions du Livre V (article 233).

1) le paiement du prix

L'obligation de payer le prix comprend celle de prendre toutes les mesures et d'accomplir
toutes les formalités destinées à permettre le paiement du prix prévu par le contrat ou par les lois et
règlements (article 234) (se procurer des devises, donner des ordres de virement ou de prélèvement
bancaire; approvisionner un compte où est domicilié le paiement...).

a) Le lieu du paiement

A défaut de stipulation d'un lieu particulier de paiement, l'acheteur est tenu de payer le prix
au vendeur (article 237):

- à l'établissement de celui-ci;

- ou au lieu de livraison des marchandises si le paiement doit être fait contre livraison;

- ou au lieu de remise des documents si le paiement doit être fait contre remise de ces
documents.

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b) Le moment du paiement.

L'acheteur doit payer le prix à la date fixée par le contrat ou résultant du contrat sans qu'il
soit besoin d'aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur (article 239). Il résulte de
cette disposition que l'acheteur est en faute dès que cette date est avenue sans paiement de sa part
(voir, cependant, infra, article 263 pour les intérêts).

A défaut de stipulation particulière sur le moment du paiement, celui-ci doit avoir lieu
lorsque le vendeur met à la disposition de l'acheteur : soit les marchandises, soit les documents
représentatifs des marchandises (bon à enlever, lettre de voiture, connaissement, lettre de transport
aérien...). Mais le vendeur peur faire du paiement une condition de la remise des marchandises ou
des documents (article 238).

Si le contrat implique un transport des marchandises, le vendeur peut en faire l'expédition


sous condition que celles-ci ou le document représentatif ne soient remis à l'acheteur que contre
paiement du prix. Même dans ce cas, les parties peuvent expressément prévoir que le prix ne sera
payé qu'après examen des marchandises (article 238, alinéas 2 et 3).

2) L'obligation de prendre livraison

L'obligation de prendre livraison consiste pour l'acheteur à accomplir tout acte (juridique et
matériel : autorisation de transport, d'importation, mise à disposition d'un lieu de livraison...) qu'on
peut attendre de lui pour permettre au vendeur d'effectuer la livraison des marchandises et à retirer
les marchandises (article 240).

Si l'acheteur tarde à prendre livraison des marchandises ou n'en paie pas le prix alors que le
paiement et la livraison doivent se faire en même temps, le vendeur, s'il a les marchandises en sa
possession (dans ses magasins) ou sous son contrôle (chez un mandataire ou un transporteur) doit
prendre les mesures nécessaires raisonnables pour en assurer la conservation, eu égard aux
circonstances (article 241, alinéa 1).

Il est fondé à les retenir jusqu'à obtention du paiement du prix et remboursement de ses
dépenses de conservation (exception d'inexécution et droit de rétention) (article 241, alinéa 2).

Inversement, si l'acheteur a reçu les marchandises et entend les refuser, il doit prendre les
mesures raisonnables pour en assurer la conservation eu égard aux circonstances. Il est fondé à les
retenir jusqu'à obtention du remboursement de ses dépenses de conservation par le vendeur (article
242).

Quelques précisions sont données sur cette obligation de conservation. La partie tenue
d'assurer la conservation des marchandises peut :

- les déposer dans les magasins d'un tiers aux frais de l'autre partie à condition que les frais
de ce dépôt ne soient pas déraisonnables (article 243);

- les vendre par tous moyens appropriés si l'autre partie tarde à en reprendre possession, à
en payer le prix ou à payer les frais de conservation sous réserve de lui notifier son intention de les
vendre; la partie qui vend les marchandises a le droit de retenir sur le produit de la vente un montant
égal aux frais de conservation ; elle doit le surplus à l'autre partie (article 244) mais uniquement si
cette dernière est restée (vendeur n'ayant pu livrer, devenue (acheteur insatisfait ayant néanmoins
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payé le prix) ou redevenue (le vendeur après résolution de la vente) propriétaire des marchandises
(c'est nous qui précisons).

C. Les effets à l'égard des marchandises.

La vente a pour objet et effet principal de transférer la propriété des marchandises et, par
voie de conséquence, de transférer les risques.

1) Le transfert de propriété

Le principe est que le transfert de propriété s'opère dès la prise de livraison de la


marchandise par l'acheteur. Mais les parties peuvent convenir d'une autre règle de transfert (article
283), notamment reporter ce transfert jusqu'au paiement complet du prix par la clause de réserve de
propriété (article 284, alinéa 1).

Une telle clause n'a d'effet entre les parties que si l'acheteur en a eu connaissance par sa
mention dans le contrat de vente, le bon de commande, le bon de livraison et, au plus tard, le jour de
celle-ci (article 284, alinéa 2). On peut raisonnablement penser que si une telle clause n'était pas
prévue jusqu'au moment de la livraison, ce peut être, en raison de son caractère essentiel, une cause
légitime de refus de l'acheteur de prendre livraison et de considérer le contrat comme non formé.

Vis à vis des tiers, la clause de réserve de propriété ne sera opposable que si elle a été
régulièrement publiée au registre du commerce et du crédit mobilier. Rappelons que les articles 59
et 60 de l'AUDCG qui organisent cette publicité prévoient que ladite clause doit figurer dans une
convention ou dans un bon de commande accepté par l'acheteur; il n'y est point question d'un bon
de livraison accepté par ce dernier et cette omission peut faire difficulté sauf si la jurisprudence
admet l'équivalence de ces deux derniers documents.

2) Le transfert des risques

Le transfert de propriété entraîne le transfert des risques. Il en résulte que toute perte ou
détérioration des marchandises survenue après ce moment ne dispense pas l'acheteur de payer le
prix sauf si ces événements sont dus à un fait du vendeur (mauvais emballage ou conditionnement,
par exemple...) (article 285).

Encore convient-il de préciser que s'il s'agit de marchandises non encore individualisées au
nom de l'acheteur, elles ne sont réputées avoir été mises à la disposition de l'acheteur que
lorsqu'elles ont été clairement identifiées aux fins du contrat et le transfert des risques n'intervient
qu'à ce moment (article 288). A vrai dire, cette disposition vaut également pour le transfert de
propriété par raisonnement par analogie (voire a fortiori) et il eût été, peut-être, plus indiqué de faire
figurer cette disposition dans le chapitre consacré au transfert de propriété.

Lorsque le contrat de vente implique un contrat de transport des marchandises, les risques
sont transférés à l'acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur, même si
le vendeur est autorisé à conserver les documents représentatifs des marchandises (article 286).
Cette disposition appelle deux commentaires :

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- le transfert des risques à un tel moment n'est possible que si les parties n'ont convenu
d'aucun autre moment de transfert de propriété;

- si les risques sont à la charge de l'acheteur, cela ne signifie pas que le transporteur
(accident, mauvais arrimage...) ou le vendeur (mauvais emballage ou mauvais conditionnement) ne
peut voir sa responsabilité recherchée.

Il se peut que les marchandises soient vendues (ou revendues) en cours de transport; dans ce
cas, le transfert des risques s'opère au moment où le contrat est conclu, sauf si au moment de la
conclusion du contrat, le vendeur avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les
marchandises avaient péri ou avaient été détériorées et qu'il n'en avait pas informé l'acheteur; dans
ce cas, la perte ou la détérioration est à la charge du vendeur (article 287).

III. LE CONTENTIEUX DE LA VENTE COMMERCIALE.

Le contentieux de la vente commerciale est régi par des règles générales et par des règles
particulières selon que l'inexécution du contrat est le fait du vendeur ou de l'acheteur.

A. Les règles générales.

1) L'exception d'inexécution.

Bien qu'elle soit de principe dans tous les contrats synallagmatiques, l'exception
d'inexécution est rappelée par l'article 245 en ces termes : "Une partie peut demander à la
"juridiction compétente l'autorisation de différer l'exécution de "ses propres obligations lorsqu'il
apparaît, après la conclusion "du contrat, que l'autre partie n'exécutera pas une partie "essentielle
de ses obligations du fait :

" 1°) d'une grave insuffisance dans sa capacité d'exécution ou;


" 2°) de son insolvabilité ou;
" 3°) de la manière dont elle s'apprête à exécuter ou exécute "le contrat".

Cette disposition appelle les observations suivantes :

- l'exception d'inexécution étant de principe dans les contrats synallagmatiques, il paraît


surprenant de le rappeler et de l'autoriser à travers un recours judiciaire; en effet, il est de droit
constant que le créancier de l'obligation non exécutée qui entend l'utiliser le fasse proprio motu sous
réserve de voir son comportement apprécié et, éventuellement, sanctionné par la justice en cas de
recours de l'autre partie;

- certes, l'article 245 prévoit deux cas préventifs d'exception d'inexécution (1°, 2° et 3°,
première proposition) mais même dans ces hypothèses, rien n'interdit au créancier insatisfait ou qui
a des raisons de craindre qu'il le sera d'utiliser cette exception sans recourir préalablement à la
justice;

- ce recours à la justice est une source de lenteur et de frais dans la mise en oeuvre de
l'exception qui doit être rapide;

- la juridiction compétente visée par ce texte peut être le juge des référés ou le juge du fond;
si la formulation générique a été utilisée, c'est parce que l'OHADA n'est pas compétente pour
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s'immiscer dans l'organisation judiciaire des Etats parties; l'aurait-elle été qu'elle n'aurait pu préciser
la juridiction compétente tant les dénominations des juridictions compétentes peuvent varier d'un
Etat à l'autre et que cette formulation générale convient parfaitement pour désigner le juge du fond
et celui des référés.

2) La résolution

a) Le principe

La résolution est également un principe général du droit des contrats. Malgré cela, l'article
246 le rappelle dans des termes assez semblables à ceux employés pour exprimer l'exception
d'inexécution. "Si, avant la date de l'exécution du contrat, il est manifeste qu'une partie commettra
un manquement essentiel à ses obligations, l'autre partie peut demander à la juridiction compétente
la résolution de ce contrat".

Les mêmes observations que pour l'article 245 peuvent être faites à propos de la nécessité de
recourir à la justice et de la juridiction compétente.

L'article 248 précise ce qu'il faut entendre par manquement essentiel; il s'agit de tout
manquement qui cause à l'autre partie un préjudice tel qu'il la prive substantiellement de ce qu'elle
était en droit d'attendre du contrat à moins que ce manquement n'ait été causé par le fait d'un tiers
ou la survenance d'un événement de force majeure (Voir infra l'exonération de responsabilité,
article 267).

b) Les conséquences

b-1 Les conséquences générales

* La résolution du contrat libère les deux parties de leurs obligations sous réserve des
dommages et intérêts qu'elles peuvent devoir. La résolution n'a pas d'effet sur les stipulations du
contrat relatives au règlement des différends (clause d'arbitrage; clause pénale) ni sur leurs droits et
obligations inhérents à la résolution (par exemple : restitution des marchandises et du prix;
dommages et intérêts; intérêts...) (article 269).

En principe, la partie qui a exécuté le contrat totalement ou partiellement peut réclamer


restitution à l'autre partie de ce qu'elle a fourni ou payé en exécution du contrat (article 270).

b-2 Les conséquences à l'égard de l'acheteur

* L'acheteur ne peut obtenir la résolution du contrat ou exiger la livraison de marchandises


de remplacement (dans ce dernier cas, on se trouve plutôt dans l'hypothèse de l'article 250 que dans
celle de la résolution) s'il lui est impossible de restituer les marchandises dans l'état où il les a
reçues. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas si l'impossibilité de restituer les marchandises
dans l'état où il les a recues ou dans un état sensiblement identique (emballages ouverts; produits
détruits ou modifiés après vaine tentative de les utiliser conformément aux fins envisagées par les
parties...) n'est pas due à un acte (fautif?) ou une omission (fautive?) de sa part (article 271).

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Lorsque l'acheteur doit restituer les marchandises en tout ou en partie, il doit également au
vendeur l'équivalent de tout profit qu'il a retiré des marchandises ou d'une partie de celles-ci
(utilisation ou mise en location des appareils ou des machines avant leur restitution par l'acheteur,
par exemple) (article 273, alinéa 2).

L'acheteur qui a perdu le droit de demander la résolution du contrat ou d'exiger du vendeur


la livraison des marchandises de remplacement (mais, dans ce dernier cas, est-on encore dans le
cadre d'une résolution?) conserve le droit de se prévaloir de tous les autres moyens qu'il tient du
contrat (et de la loi, tels, par exemple, ceux de demander des dommages et intérêts - articles 249 et
263 et suivants - et d'exiger du vendeur l'exécution de toutes ses obligations - article 250 -).

b-3 Conséquences à l'égard du vendeur

* Quant au vendeur, il doit restituer tout ou partie du prix s'il reçoit restitution de tout ou
partie des marchandises. Dans ce cas, il doit également payer des intérêts sur le montant du prix
restitué à compter du jour du paiement (article 273, alinéa 1).

3) Les intérêts et dommages et intérêts

a) Les intérêts

Si une partie ne paie pas le prix (l'acheteur) ou toute autre somme due (le vendeur ou
l'acheteur pour les frais de conservation; voir supra les développements sur l'obligation de livrer et
celle de recevoir livraison), l'autre partie a droit à des intérêts sur cette somme calculés au taux légal
applicable en matière commerciale. Il est certain que le taux d'intérêt applicable sera celui d'un Etat
partie mais lequel au cas où on aurait affaire à une vente internationale : celui du lieu de formation
du contrat ? celui du lieu où la somme litigieuse aurait dû être payée ? celui de la juridiction saisie ?
Il est dommage qu'une réponse à cette question n'ait pas été donnée car on aurait évité un conflit de
loi que l'acte uniforme était destiné à résouudre précisément. Les intérets courent de l'envoi de la
mise en demeure adressée au débiteur de la somme par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception ou par tout moyen écrit (article 263. Cependant, voir supra les observations sous l'article
239 à propos du paiement du prix). Les intérêts sont dus sans préjudice des dommages et intérêts
que le créancier peut demander en réparation de son préjudice (voir infra).

b) Les dommages et intérêts

Les dommages et intérêts pour un manquement au contrat par une partie sont égaux à la
perte subie ou au gain manqué par l'autre partie (article 264). Malgré la formule alternative
employée par ce texte, on peut raisonnablement admettre que les dommages peuvent être constitués
par une perte subie et un manque à gagner s'ils sont nettement distincts.

Lorsque le contrat est résolu et que l'acheteur a procédé à un achat de remplacement (de la
marchandise restituée), il peut demander des dommages et intérêts correspondant à la différence
entre le prix du contrat et celui de remplacement (plus élevé), outre tous autres dommages et
intérêts (article 265 qui admet ainsi le cumul avec les dommages et intérêts prévus par l'article 264).
De même, le vendeur qui revend les marchandises restituées à un prix moins élevé que celui du
précédent contrat résolu, a le même droit (article 265).

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La partie qui invoque un manquement essentiel au contrat doit prendre toutes les mesures
raisonnables eu égard aux circonstances (!), pour limiter sa perte, y compris le manque à gagner
résultant de ce manquement. Sinon, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages
et intérêts égale au montant de la perte qui aurait pu être ainsi évitée (article 266).

4) L'exonération de responsabilité

Aucune partie n'est responsable de l'inexécution d'une de ses obligations si elle prouve que
cette inexécution est due, notamment à un cas de force majeure ou au fait d'un tiers, sauf si le tiers
est chargé par elle d'exécuter tout ou partie du contrat (article 267).

Cette disposition est classique. Toutefois, à part le fait du cocontractant à qui l'inexécution
des obligations d'une partie serait imputable, on voit mal comment justifier l'adverbe "notamment".
Par ailleurs, il ne suffit pas qu'un tiers soit chargé, par la partie défaillante, d'exécuter tout ou partie
du contrat par un des contractants pour que celui-ci soit retenu dans les liens de la responsabilité;
encore faut-il qu'il ait été spécialement chargé par celle-ci d'exécuter particulièrement l'obligation
inexécutée ou mal exécutée.

5) La prescription

* Le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux ans (article 274,
alinéa 1). Rappelons que le délai de prescription de droit commun en matière commerciale est de
cinq ans (article 18).

* La prescription n'est pas d'ordre public. Elle doit être invoquée par la partie qui y a intérêt
(article 282). Toutefois, toutes les règles qui suivent (article 275 à 280) sont d'ordre public et toute
convention qui leur serait contraire est réputée non écrite (article 281).

* Le délai de prescription court à partir de la date à laquelle l'action peut être exercée
(article 274, alinéa 2). Toutefois, l'acte uniforme prévoit des points de départ particuliers et des cas
d'interruption de ce délai.

* L'action fondée sur un manquement au contrat peut être exercée à partir de la date où ce
manquement s'est produit (article 275, alinéa 1). Cette disposition est sévère dans la mesure où le
manquement peut n'être connu que longtemps après s'être produit.

Si l'action est fondée sur un défaut de conformité de la marchandise, elle peut être exercée à
partir de la date à laquelle le défaut a été découvert ou aurait dû être raisonnablement découvert par
l'acheteur ou l'offre de remise de la chose refusée par celui-ci (article 275, alinéa 2).

Si l'action est fondée sur le dol commis avant ou au moment de la conclusion du contrat ou
résulte d'agissements frauduleux ultérieurs, elle peut être exercée à partir de la date à laquelle le fait
a été ou aurait dû être raisonnablement découvert (article 275, alinéa 3).

Dans le cas où le vendeur a donné une garantie contractuelle, le délai de prescription


commence à courir à partir de la date d'expiration de la garantie (article 276).

* Le délai de prescription est interrompu dans les cas suivants :

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- lorsque le créancier accomplit un acte qui, d'après la loi de la juridiction saisie (renvoi à la
loi nationale de l'Etat partie sur lequel se trouve cette juridiction) est considéré comme interruptif de
prescription (article 277);

- lorsque l'une des parties engage la procédure d'arbitrage prévue entre elles (article 278).

* Une demande reconventionnelle est considérée comme introduite à la même date que la
demande principale à laquelle elle est opposée si les deux demandes dérivent du même contrat
(article 279).

* L'article 280 prévoit deux cas où l'interruption de la prescription provoquée par l'une des
parties contre une autre produit le même effet à l'égard d'autres personnes.

Une procédure introduite contre un débiteur fait cesser le cours de la prescription contre un
codébiteur solidaire si le créancier (le demandeur?) informe ce dernier de la procédure, par écrit
(quelle forme d'écrit ?), avant l'expiration du délai de prescription.

lorsqu'une procédure est introduite par un sous-acquéreur contre l'acheteur, le délai de


prescription cesse de courir pour le recours de l'acheteur contre le vendeur si l'acheteur informe le
vendeur, par écrit (quelle forme d'écrit ?), de l'introduction de la procédure avant l'expiration du
délai de prescription.

B. Les règles spéciales.

Outre les règles générales, l'AUDCG a prévu des disposiitons particulières pour règler les
difficultés d'exécution de la vente commerciale, qu'elles soient le fait du vendeur ou de l'acheteur.

1) Les sanctions de l'inexécution des obligations du vendeur

Les principes. Les articles 249 à 255 règlent cette situation particulière en posant le principe que si
le vendeur manque à ses obligations, l'acheteur est fondé à demander : l'application de ces
dispositions; des dommages intérêts (article 249) sans qu'il soit précisé s'il doit faire un choix entre
ces deux voies ou s'il peut les cumuler. Mais les articles qui suivent prouvent que ce cumul est
possible, au moins dans les cas où il est prévu expressément par certains d'entre eux.

L'acheteur peut exiger du vendeur qu'il exécute toutes ses obligations (article 250, alinéa 1).

Manquement dans les livraisons successives. L'article 247 donne des exemples de manquement à
propos des contrats à livraisons successives. Dans de tels contrats, si l'inexécution par l'une des
parties d'une obligation relative à la livraison constitue un manquement essentiel (non remise des
documents par le vendeur; non retrait des marchandises par l'acheteur, par exemple), l'autre partie
peut demander la résolution du contrat à la juridiction compétente (alinéa 1).
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Elle peut aussi la demander pour des livraisons déjà reçues ou pour des livraisons futures si,
en raison de leur connexité, ces livraisons ne peuvent être utilisées aux fins envisagées par les
parties au moment de la conclusion du contrat (alinéa 2) (machines livrées sans pièces détachées ou
sans produits consommables ou inversement).

Livraison avant la date et livraison d'une quuantité supérieure. Bien que logé dans la section
réservée aux sanctions de l'inexécution des obligations de l'acheteur, l'article 262 doit trouver sa
place dans la section consacrée aux sanctions de l'inexécution des obligations du vendeur et étudié
sous cette rubrique car il concerne les manquements du vendeur dans son obligation de livrer.

Si le vendeur livre des marchandises avant la date fixée, l'acheteur a la faculté d'en prendre
livraison ou de refuser la prise de livraison.

S'il livre une quantité de marchandises supérieure à celle prévue au contrat, l'acheteur peut
accepter ou refuser de prendre livraison de la quantité excédentaire. Mais s'il accepte, il doit la
payer au tarif du contrat.

Défaut de conformité des marchandises. Si les marchandises ne sont pas conformes au contrat et
si ce défaut de conformité constitue un manquement essentiel au contrat, l'acheteur peut exiger du
vendeur la livraison de marchandises de remplacement à la condition que cette demande soit faite
au moment de la dénonciation du défaut ou dans un délai raisonnable à compter de cette
dénonciation (article 250, alinéa 2).

L'alinéa 3 de l'article 250 prévoit la possibilité pour l'acheteur de demander la réparation du


défaut de conformité (en nature ? par des dommages et intérêts ?) à la condition de le faire au
moment où il dénonce ce défaut ou dans un délai raisonnable à compter de cette dénonciation. Cette
possibilité ne lui est-elle reconnue que lorsque le défaut de conformité ne constitue pas un
manquement essentiel au contrat ou même si tel est le cas ? Il nous semble qu'il peut l'utiliser dans
les deux cas dès lors qu'il établit que le défaut de conformité lui cause un dommage.

Délai supplémentaire imparti par l'acheteur. L'acheteur peut impartir au vendeur un délai
supplémentaire de durée raisonnable pour l'exécution de ses obligations (article 251, alinéa 1). Dans
ce cas, l'acheteur ne peut, avant l'expiration de ce délai, se prévaloir d'aucun des moyens dont il
dispose en cas de manquement au contrat, sauf si le vendeur lui notifie qu'il n'exécutera pas ses
obligations dans le délai imparti (article 251, alinéa 2). L'acheteur ne perd pas son droit de
demander des dommages et intérêts pour retard dans l'exécution (article 251, alinéa 3).

Réparation du manquement par le vendeur. Le vendeur peut aussi, spontanément, même après la
date de livraison, réparer, à ses frais, tout manquement à ses obligations sans que l'acheteur perde
son droit de demander des dommages intérêts (article 252).

Si le vendeur demande à l'acheteur de lui faire savoir s'il accepte l'exécution et si l'acheteur
ne lui répond pas dans un délai raisonnable, le vendeur peut exécuter ses obligations dans le délai
qu'il a indiqué dans sa demande et l'acheteur ne peut, durant ce délai, se prévaloir d'un moyen
incompatible avec l'exécution de ses obligations par le vendeur (article 253).

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Résolution. L'acheteur peut demander la résolution du contrat à la juridiction compétente (voir
supra sur ce point) (article 254) :

- si l'inexécution par le vendeur de l'une quelconque de ses obligations ou de l'une


quelconque des dispositions précédemment exposées constitue un manquement essentiel au contrat;
le contrat ne peut être résolu dans sa totalité que si l'inexécution partielle ou le défaut de conformité
constitue un manquement essentiel au contrat (article 255, alinéa 2);

ou encore

- si, en cas de défaut de livraison, le vendeur ne livre pas les marchandises dans les délais
supplémentaires qui auraient pu lui être accordés.

Toutefois, si le vendeur a, malgré tout, livré les marchandises, l'acheteur est déchu du droit
de considérer le contrat résolu (ou de demander la résolution en justice) s'il ne l'a pas fait dans un
délai raisonnable :

- en cas de livraison tardive, à partir du moment où il a su que la livraison avait été


effectuée;

- en cas de manquement autre que la livraison tardive (sans précision de point de départ du
délai raisonnable).

NB. Les articles 251 à 254 s'appliquent aussi lorsque le vendeur ne livre qu'une partie des
marchandises ou lorsqu'une partie seulement des marchandises livrées est conforme au contrat
(article 255, alinéa 1).

2) Les sanctions de l'inexécution des obligations de


l'acheteur.

Les principes. Les articles 256 à 262 règlent cette situation particulière en posant le principe que si
l'acheteur manque à ses obligations, le vendeur est fondé à demander : l'application de ces
dispositions; des dommages intérêts (article 256) sans qu'il soit précisé s'il doit faire un choix entre
ces deux voies ou s'il peut les cumuler. Mais les articles qui suivent prouvent que ce cumul est
possible, au moins dans les cas où il est prévu expressément par certains d'entre eux.

Délai supplémentaire. Le vendeur peut impartir à l'acheteur un délai supplémentaire de durée


raisonnable pour l'exécution de ses obligations. Pendant ce délai, il ne peut se prévaloir d'aucun des
moyens dont il dispose contre l'acheteur en cas de manquement au contrat sauf s'il reçoit
notification de ce dernier qu'il n'exécuterait pas ses obligations dans le délai imparti. Mais le
vendeur ne perd pas son droit de demander des dommages et intérêts pour retard dans l'exécution
(article 257).

Réparation de l'acheteur. Même après la date de livraison, l'acheteur peut réparer, à ses frais, tout
manquement à ses obligations, à condition que cela n'entraîne pas un retard déraisonnable et ne
cause pas au vendeur un inconvénient déraisonnable et une incertitude quant au paiement du prix.
Toutefois, le vendeur ne perd pas son droit de demander des dommages et intérêts en réparation de
son préjudice (article 258, alinéas 1 et 2).
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L'acheteur peut demander au vendeur de lui faire savoir s'il accepte l'exécution; si le vendeur
ne lui répond pas dans un délai raisonnable, l'acheteur peut exécuter ses obligations dans le délai
qu'il a demandé; le vendeur ne peut, durant ce délai, se prévaloir d'aucun moyen incompatible avec
l'exécution de ses obligations par l'acheteur (article 258, alinéa 3 et 4).

Défaut de conformité des marchandises etréduction du prix. En cas de défaut de conformité des
marchandises au contrat, que le prix ait déjà été payé ou non, l'acheteur peut réduire le prix
proportionnellement à la différence entre la valeur que les marchandises effectivement livrées
avaient au moment de la livraison et celle que des marchandises conformes auraient eue à ce
moment (article 260).

Résolution. Le vendeur peut demander la résolution judiciaire (sur ce point, voir supra) (article 259)
:

- si l'inexécution par l'acheteur de l'une quelconque de ses obligations constitue un


manquement essentiel au contrat;

- ou, en cas de défaut de prise de livraison, si l'acheteur ne prend pas livraison dans le délai
supplémentaire proposé par le vendeur.

* Les articles 261 et 262 laissent perplexes :

- d'une part, ils règlent uniquement les sanctions de l'inexécution des obligations du vendeur
et non de l'acheteur comme annoncé dans l'intitulé de la section 3 où ils sont logés;

- or, l'article 261 est la répétition de l'article 255 (relatif aux manquements du vendeur) alors
qu'il aurait dû viser les manquements de l'acheteur;

- dès lors, la référence faite dans l'article 261, alinéa 1 aux articles 258 à 260 est erronée
puisqu'une telle référence est incompatible avec les manquements imputables au vendeur dans
l'article 261;

- l'article 262 doit donc être relogé dans la section 2 intitulée "Sanctions de l'inexécution des
obligations du vendeur" (voir supra).

Joseph ISSA-SAYEGH
Professeur Agrégé
Universités de Nice et d'Abidjan

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