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Le mot ébahissement
est extrêmement fort, et la comparaison augmente encore la disproportion entre ce détail
réaliste, un nécessaire à couture, et l’émerveillement de Frédéric, ainsi mis à distance de façon
à faire sourire le lecteur de la naïveté du jeune amoureux.
- À cet étonnement succède une curiosité sans bornes, une « curiosité douloureuse qui n’avait
pas de limites » (dans cette formule, la relative adjective insiste sur le caractère absolu de la
curiosité amoureuse) qui s’attache indifféremment aux éléments importants et aux détails
insignifiants de la vie de la femme aimée. Frédéric souhaite « connaître les meubles de sa
chambre », ce qui résonne de manière comique, et lorsqu’il découvre la fille de la femme qu’il
aime, qui a « sept ans bientôt », il se réjouit « d’entendre ces choses, comme s’il [avait] fait
montre bien que ce n’est pas le cas, et que la joie de Frédéric est fondée sur une illusion : il
croit posséder la femme qu’il aime en apprenant des détails de sa vie.
- C’est en fait Frédéric qui se rêve en héros romantique : amoureux au premier coup d’œil
comme par magie, il se laisse aller au lyrisme et à l’imagination et aimerait se conduire
comme un chevalier servant, mais Flaubert rabat durement les ambitions de son personnage
en se moquant des clichés romantiques dépassés du jeune homme et en replaçant, par
l’intervention du mari, l’action de son roman dans un cadre réaliste bourgeois : « Ma femme,
es-tu prête ? cria le sieur Arnoux ». Le « ma femme » ne laisse aucun doute sur l’impossibilité
de l’amour entre Frédéric et la belle inconnue, et ramène le jeune homme et le lecteur sur
terre, ou plutôt sur le pont du bateau.
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