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Séance II :
Développer les institutions financières et les marchés financiers
Emma Andrianasolo
Commission de Supervision Bancaire et Financière, Madagascar
Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles des auteurs. Le fait
qu’elles soient reprises directement ou par hyperliens sur le site Internet du FMI n’implique
en aucun cas que le FMI, le Conseil d’Administration du FMI ou la direction du FMI les
approuvent ou les partagent.
Finance Africaine au 21ème siècle
Tunis 4-5 mars 2008
La microfinance à Madagascar :
promotion d’un secteur viable
par
microfinance....................................................................................................... 3
Conclusion ……………………………………………………………………………...……18
Quelques indicateurs sur Madagascar
2006 2007
-dont banques 7 8
-dont établissements financiers 7 8
-dont Institutions de microfinance 9 9
2
PROJET
Historique
Madagascar est un pays habité par 18,2 millions de malagasy formés en majorité de ruraux
qui résident dans des zones souvent d’accès difficile et dont la principale source de revenu est
l’agriculture, l’élevage ou la pêche. Les exploitations agricoles souffrent énormément de
financement et la production s’en fait sentir. Les priorités des gouvernements qui se sont
succédés ont de ce fait porté sur la recherche de solutions tendant à l’accroissement de la
production du secteur primaire par le biais, notamment, de leur financement. Les actions se
sont concentrées sur l’offre de petits crédits à travers des organismes privés et
gouvernementaux. Dans certains cas, l’appui du gouvernement a même consisté en prise en
charge directe des besoins financiers ou en apport sous forme de subventions.
Vers la fin des années 1980, avec la libéralisation du secteur financier, un projet pilote de
promotion de petits services financiers privés a été mis en œuvre. Le programme consistait à
faciliter la mise à la disposition des ruraux de services financiers à travers l’incitation à
l’épargne et le crédit rural. A cet effet, des systèmes de microfinancement ont été implantés
par des promoteurs étrangers, en même temps assistants techniques, qui se sont vus répartir
des régions du pays. Le fonctionnement du système a été inspiré par une pratique courante
dans les relations au sein des villages à savoir l’esprit d’entraide et la coopération mutuelle.
Les organisations mises en place bénéficiaient généralement de subventions d’équipement et
d’exploitation. Après une dizaine d’années d’exercice, les résultats ont été jugés concluants.
L’intérêt de la population pour les services de microfinance s’est amplifié et les caisses se
sont multipliées.
En 1995, la loi régissant les activités bancaires a été adoptée. Elle définit les opérations
bancaires et consacre la commission bancaire comme seule autorité de surveillance des
établissements de crédit. Par ailleurs, il s’est avéré que l’institutionnalisation des organismes
offrant des services de microfinance issus pour la plupart du projet pilote, était devenue
indispensable pour asseoir leur crédibilité. C’est ainsi qu’une loi portant sur les activités des
institutions financières mutualistes fut publiée en 1996. Des organisations mutualistes,
opérant en tant que projet, ont demandé et obtenu leur agrément de la Commission Bancaire
dès 1999 en régularisation de leur situation vis-à-vis de la loi. Depuis, neuf réseaux
mutualistes ont été agréés. Par contre, les non mutualistes avaient deux alternatives, soit celle
de se ranger par rapport à l’une des formes d’établissements de crédit prévues par la loi
bancaire, formes dont aucune ne prévoyait pourtant pas spécialement l’activité de
microfinance, soit celle d’attendre l’adoption d’une réglementation propre des institutions
non mutualistes tout en étant opérationnelles.
Vers le début des années 2000, ayant adhéré aux Objectifs du Millénaire pour le
Développement, et conformément au Document de Stratégie pour la Réduction de la
Pauvreté, Madagascar a décidé de faire de la microfinance l’instrument privilégié de réduction
de moitié sa population pauvre en 2015. Cette politique, qui se proposait d’étendre
l’implantation des institutions de microfinance pour couvrir tout le pays, a été confirmée en
2007 par le MAP (Plan d’action pour Madagascar) couvrant la période 2007-2012. Le MAP
dispose parmi ses différents engagements que les ménages pauvres et à bas revenus auront
l’opportunité d’accéder à des crédits à des conditions avantageuses leur permettant d’
entreprendre des activités génératrices de revenu et qu’une vaste gamme de produits
financiers sera fournie à une large proportion de la population.
3
Le gouvernement s’est engagé à affranchir les démunis de leur situation de pauvreté par le
biais de l’accès aux services financiers dans le cadre d’une politique axée sur trois grandes
orientations, à savoir :
- la poursuite de la mise en œuvre de projets de grande envergure appuyés par
des bailleurs institutionnels visant la promotion des IMF,
- la définition d’un cadre réglementaire favorable au bon fonctionnement des
IMF,
- la mise en place d’une autorité de supervision des IMF adaptée leurs risques et
en même temps, apte à accompagner le développement des institutions.
Continuant sur la ligne de conduite qu’il s’est tracée depuis des dizaines d’années,
Madagascar a mis en œuvre, à partir de 1999, un programme pluriannuel de
microfinancement avec comme objectif l’amélioration des revenus et du niveau de vie de la
population pauvre en fournissant un environnement favorable au développement du
secteur de la microfinance. Environ 117 000 ménages étaient alors ciblés, soit pour une
moyenne de 5 personnes par ménage, quelques 585 000 habitants.
L’exécution du projet a été confiée à un organisme privé à but non lucratif dont la mission
principale consistait, en la création de caisses de microfinance autonomes et pérennes
offrant des services financiers durables à la population pauvre et devant se passer d’appui
extérieur à terme. Cet organisme devait, en outre, appuyer le développement des
compétences dans la promotion du secteur.
D’autres projets non moins importants financés dans le cadre de relations bilatérales ou
multilatérales ont été mis en œuvre. Quelques uns d’entre eux couvrent, en plus du secteur
financier, d’autres domaines relatifs à la création d’IMF, au refinancement de lignes de crédit
auprès des banques, aux appuis technique des responsables d’IMF et de la CSBF.
Les années 2000 ont vu les efforts du gouvernement s’affermir davantage pour permettre à la
microfinance d’accomplir la mission d’offrir des services financiers à la population
déshéritée. En 2004, la Stratégie nationale de la microfinance (SNMF) a été définie. La
SNMF se propose notamment de « rassembler les acteurs autour d’actions aptes à renforcer le
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Le constat de l’insuffisance des capacités des dirigeants et aussi des techniciens, souvent non
préparés à la gestion d’une IMF, situation qui génère de fréquentes crises de gouvernance ou
un taux élevé de rotation, a amené le gouvernement à lancer un vaste programme de
formation à l’intention de tous les acteurs de la microfinance avec l’appui de plusieurs
partenaires financiers étrangers. Le programme couvre plusieurs domaines et s’étale sur une
longue période. Il est constitué de différents composants selon la catégorie du bénéficiaire de
la formation ciblée.
- A l’intention des réseaux, elles vont des modules théoriques de quelques jours pour
les techniciens aux formations pratiques permanentes auprès des institutions pour
imprégner les dirigeants sociaux et exécutifs ou les gestionnaires des connaissances
nécessaires à l’accomplissement de leur mission ;
- En faveur de la population, ce sont plutôt des séances d’information-formation et
aussi de vulgarisation afin de la sensibiliser à l’utilité des services financiers et
l’éduquer à la gestion de l’épargne et du crédit. Plus particulièrement, la culture de
crédit a été inculquée à la population qui, pour avoir eu l’habitude de bénéficier de
subventions non remboursables, ne se préoccupait pas jusqu’alors d’honorer les
échéances ;
- Par ailleurs, le renforcement des capacités de la CSBF, nécessaire pour la réalisation
de contrôle efficace spécifique aux établissements de microfinance, s’est avéré
indispensable. En effet, le contrôle d’IMF est un exercice relativement récent par
rapport à celui des banques classiques auquel les inspecteurs ont été habitués ;
- A l’endroit des autorités locales et aux personnes susceptibles d’être intéressées par
la création d’IMF, des programmes de vulgarisation ont été réalisés par voie de clips
publicitaires, émissions radiophoniques ou télévisées ainsi que des films.
En collaboration avec tous les intervenants et les différents acteurs, le gouvernement a défini
un cadre légal et règlementaire souple dont l’objectif primordial est de permettre le
développement harmonieux du secteur.
La loi sur les activités de microfinance a été adoptée en 2005. Il s’agit de la première loi
régissant ce type d’activités et qui s’applique aussi bien aux IMF mutualistes que non
mutualistes. Elle cherche à permettre à toutes les initiatives de microfinance, y compris les
petites, de s’institutionnaliser et de fonctionner dans un cadre sécurisant.
En effet, pour le législateur malagasy, l’offre de services de microfinance est une activité
bancaire, et les IMF, au même titre que les banques, sont des établissements de crédit.
L’exercice d’activités bancaires est conditionné à l’obtention de l’autorisation préalable de la
CSBF, la seule autorité de contrôle qui est, en outre, chargée de surveiller le bon
fonctionnement des établissements de crédit et, le cas échéant, de les sanctionner.
La loi prévoit trois niveaux d’IMF. Selon son degré de développement, les risques auxquels
elle s’expose du fait de ses opérations bancaires et de son mode de fonctionnement, l’IMF est
classée dans l’un des trois niveaux prévus.
Les textes d’application précisent, entre autres, les formes juridiques, le capital minimum et
les opérations autorisées.
-Aux IMF de niveau 1 qui sont considérées comme à risques mineurs, étant donné la taille
réduite de leurs opérations, une « licence » est accordée et l’intervention de la CSBF se limite
à s’assurer de l’existence d’une structure légère de gouvernance et de la régularité des
opérations bancaires.
La forme de société commerciale est exigée des IMF non mutualistes lorsqu’ elles collectent
des dépôts du public. Les autres peuvent prendre la forme d’association. Pour les mutualistes,
les caisses de base gardent la forme coopérative quelque soit leur niveau d’appartenance,
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dans la mesure où elles ne sont autorisées à recevoir que les épargnes de leurs membres. Par
contre, les structures de regroupement peuvent se constituer en sociétés.
Un capital minimum progressif selon le niveau de classification est requis pour l’exercice de
l’activité à partir du moment où l’IMF prend la forme de sociétés. La valeur du capital éxigé
est au moins conforme au droit commun. IL devient plus important quand l’ IMF se livre à la
collecte de dépôts du public.
La composition du portefeuille
La composition du portefeuille est soumise à des conditions permettant aux IFM de remplir
leur mission sociale tout en leur facilitant l’atteinte de leur viabilité. Il est exigé des IMF 2
et 3 de réserver trente pour cent de leur portefeuille pour des petits crédits au bénéfice des
défavorisés, mais en compensation, il leur est permis de dépasser le plafond de crédit autorisé
pour leur niveau, à concurrence de dix pour cent de leur portefeuille. L’objectif est de couvrir
leurs charges et contribuer à l’atteinte de leur viabilité.
Dans cette optique, la CSBF intervient dans trois domaines précis, à savoir la définition du
cadre juridique, l’accompagnement des réseaux dans le cadre de leur supervision, et la
participation à la Stratégie nationale de la microfinance. Ainsi :
elle est très active dans la définition des textes constituant le cadre juridique applicable aux
institutions de microfinance
Elle a été la cheville ouvrière dans l’élaboration de la loi et de ses décrets d’application. Elle
propose au gouvernement les règles qu’elles jugent indispensables pour la bonne santé des
IMF, elle donne son avis sur les projets de textes qui ont trait à la microfinance en plus des
instructions d’application de la loi dont elle a la seule compétence. Soucieuse d’obtenir un
dispositif réglementaire adapté aux spécificités du contexte du pays et qui contribue à
l’expansion du secteur, elle adopte une démarche participative en associant tous les acteurs
aux différentes étapes des travaux de préparation.
-les échanges et les relations qu’elle entretient avec les responsables d’IMF lors des
instructions des demandes d’agrément, en vue d’améliorer la qualité de ces dossiers et de
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réunir les meilleures conditions exigées pour la viabilité des IMF. L’expérience a montré
qu’un grand nombre des demandes soumises présentent initialement des incohérences. Le
Secrétariat Général de la CSBF est, en conséquence, souvent obligé de tenir de longues
séances de travail avec les promoteurs avant qu’ils ne parviennent à constituer un dossier
cohérent pouvant être soumis à la décision des membres de la Commission.
-- les formations et les éclaircissements que les IMF lui réclament durant les contrôles sur
place et régulièrement à distance lors du contrôle permanent. L’exercice de cette activité est
mis à profit pour apporter les précisions ou les explications demandées par les dirigeants pour
une bonne gestion de leurs institutions.
Ainsi, outre la surveillance des IMF proprement dite, une certaine forme d’assistance pour
une meilleure conduite des affaires est attendue de l’autorité de tutelle. Cette activité
appréciée particulièrement par les mutualistes, nécessite une plus grande disponibilité des
inspecteurs en dépit de l’insuffisance de leur effectif.
Catégorie mutualiste non mutualiste mutualiste non mutualiste mutualiste non mutualiste
Société Coopérative Association, ONG, Société Coopérative SARL, SA SA Société Coopérative SA
Forme juridique IMF de base SARL, SA
Unions et Non autorisée Société Coopérative, SA Société Coopérative, SA
Fédérations
Capital minimum exigé Non applicable sauf pour les sociétés . IMF de base : 8 005$ . Sarl : 32 019 $ 106 730 $ . IMF de base : 160 096$ 373 556$
. Union : 32 019$ . Sa : 53 365 $ . Union : 266 826 $
. Fédération : 53 365$ . Fédération : 533 652$
Épargne Nomenclature Dépôts des Pas de dépôts Dépôts des membres Pas de dépôts Dépôts du public Dépôts des membres Dépôts du public
membres
Plafond 267$
Crédits Durée des crédits Court terme Court et moyen termes Court, moyen et long termes
Opérations non autorisées : Émissions chèques et opérations libellées en devises ou celles relatives au financement du commerce international
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L’évolution de la microfinance a été remarquable. A l’heure actuelle, elle est présente dans la
plupart des régions du pays mais avec une couverture inégale, les zones urbaines et les
agglomérations ayant une plus forte densité.
Depuis 1996, année de publication de la loi sur les institutions financières mutualistes, neuf
réseaux d’IMF mutualistes ont obtenu l’agrément de la CSBF. Ces réseaux regroupent 447
caisses et guichets. Elles desservent le pays et sont implantées dans les zones urbaines mais
surtout dans les zones rurales enclavées. L’évolution du nombre de caisses a été
considérable jusqu’au début des années 2000, période où, ayant prévu des signes précurseurs
de défaillance, la CSBF a été amenée à recommander la limitation de l’expansion
géographique des caisses pour plutôt se préoccuper de la consolidation des acquis.
Grâce aux efforts d’animation, les membres des caisses se sont de plus en plus étoffées :
elles rassemblent au total 342 910 adhérents, soit en moyenne 767 adhérents chacune contre
seulement 113 dix années plus tôt. Comparé au secteur des banques qui compte seulement 8
établissements avec 139 guichets, l’attrait de la microfinance mutualiste est remarquable. En
effet, un guichet de microfinance est actuellement aux services de 37 000 habitants contre,
pour les banques, un guichet pour trois fois plus de personnes.
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Nombres de caisses 155 204 248 271 336 363 337 370 386 399 421 447
Var en% - 31,6% 21,6% 9,3% 24,0% 8,0% -7,2% 9,8% 4,3% 3,4% 5,5% 6,2%
Nombres de membres 17 590 28 294 47 472 60 775 92 946 116 977 135 305 179 399 198 912 232 347 294 173 342 910
Var en% - 60,9% 67,8% 28,0% 52,9% 25,9% 15,7% 32,6% 10,9% 16,8% 26,6% 16,6%
Effectif moyen par caisse 113 138 191 224 276 322 407 485 515 582 698 767
Var en% - 22,1% 38,4% 17,3% 23,2% 16,7% 26,4% 19,2% 6,2% 13,0% 19,9% 9,9%
10
700
300 000
600
Nbre des membres
250 000
Nbre de caisses
500
200 000
400
150 000
300
100 000
200
50 000 100
0 0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
année
Les statistiques sont moins disponibles pour les non mutualistes qui, pour le moment, ne
sont pas toutes réglementées, la loi sur la microfinance n’ayant pas encore reçu
d’application de leur part.
Les IMF non mutualistes se sont aussi répandues mais à un rythme moins soutenu que les
mutualistes, du fait notamment de l’absence de cadre juridique adapté à leurs activités, ce qui
a sans doute réduit l’intérêt des investisseurs. Elles ont coexisté avec les mutualistes dans les
grandes villes mais n’ont effectivement commencé à étendre leurs zones d’implantation que
ces dernières années. Pour la fin 2007, une dizaine d’établissements sont dénombrés parmi
lesquels trois réseaux plus importants servant de très petits crédits à des particuliers et à des
micro-entrepreneurs. Ces établissements sont opérationnels dans quelques régions. Pour les
autres, malgré leur relative multiplicité, leurs activités bancaires sont encore assez limitées
comparativement à l’ensemble de leurs prestations de services non financiers.
Les IMF mutualistes sont animées par l’esprit d’entraide et de coopération. Leurs excédents
d’exploitation ne sont pas distribués mais renforcent le capital ou financent les ristournes.
Les actionnaires sont constitués par les membres qui, lors des délibérations, sont régis par le
principe « un homme, une voix » quelque soit le nombre de parts sociales dont ils sont
détenteurs.
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Les membres des organes d’administration sont des élus par les adhérents en assemblée
générale et assurent bénévolement leur mission. La gestion de l’institution est confiée à un
exécutif souvent, jusqu’à récemment, ancien assistant technique auprès du réseau. Leurs
honoraires sont financés par des subventions de bailleurs de fonds étrangers. Des
techniciens locaux aident l’exécutif en tant qu’animateurs, inspecteurs ou développeurs.
Comparés à leurs responsabilités, leurs salaires peu motivants sont sources de fréquentes
rotations.
Les IMF non mutualistes peuvent être classées en deux groupes qui se distinguent par leurs
objectifs :
--d’une part, celles qui, formées en association, s’assignent une mission d’ordre
social et distribuent des petits crédits en fonction des fonds dont elles sont dotées. Certains
réseaux comportent de nombreux guichets couvrant plusieurs régions du pays. En plus des
activités bancaires, cette catégorie d’institutions dispense des formations à l’intention de la
frange de la population la plus défavorisée en vue de les aider à la création de micro-
entreprises individuelles ;
L’adoption en 2005 d’une loi unique sur les activités de microfinance qui régit à la fois toutes
les catégories d’institutions, qu’elles soient mutualistes ou non mutualistes, a ouvert la porte
aux investisseurs étrangers. Ainsi, dès la fin de 2006, trois établissements de crédit qui se
spécialisent dans la microfinance, ont obtenu leur agrément. Ce sont des établissements
fortement capitalisés et visant un but lucratif. Installés dans la capitale et dans quelques
grandes villes, ils deviennent des concurrents que les IMF déjà installées ont à affronter
malgré l’inégalité des moyens et la divergence des objectifs.
Les établissements de crédit qui ont jusqu’alors réservé leurs opérations aux mieux nantis, se
sont désormais tournées vers la clientèle plus pauvre en éliminant le seuil minimum
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d’épargne, en offrant directement des petits crédits, en accordant des lignes de financement
aux IMF ou en participant à leur capital.
Dans un souci d’efficacité et en attendant que les IMF fassent leur preuve, les services
financiers qu’elles sont autorisées à offrir sont limités à l’octroi de crédits auquel s’ajoute la
collecte de dépôts de leurs membres ou clients. La gestion de chèques ou la réalisation
d’opérations libellées en devises étrangères ne leur sont pas permises. Toutefois, sous réserve
de la disposition d’un capital assez conséquent et de la constitution en société commerciale,
la loi sur la microfinance habilite les IMF non mutualistes à collecter des dépôts du public
pour contribuer à la monétarisation de l’épargne et accroître leurs ressources. Ces services
sont, dans la plupart des cas, accompagnés de formations.
Les crédits octroyés financent en général les activités génératrices de revenus, les greniers
communs villageois pour stocker les produits en attendant des cours plus avantageux, la
location vente mutualiste qui est une sorte de crédit-bail pour les équipements ou les animaux
de trait, certaines activités commerciales, et aussi des évènements sociaux tels les mariages,
les rentrées scolaires ou les transferts de corps de la résidence principale vers le village natal.
Le remboursement se fait sur une courte durée, quelques mois, pour les crédits sociaux, sinon,
il peut parfois s’échelonner sur un plus long terme supérieur, à trois ans.
Les coûts semblent parfois prohibitifs, plus de 4 pour cent par mois pour les mutualistes, mais
cela ne découragent pas pour autant les membres qui jusqu’alors n’avaient d’autres recours
qu’auprès des usuriers dont les taux exigés atteignent parfois annuellement 250 pour cent. Les
non mutualistes, de leur côté, imposent des taux d’intérêt (2 à 2 ,5 pour cent par mois) à peine
inférieurs à ceux appliqués par les banques.
Les dépôts collectés concernent en majorité des comptes à vue non rémunérés, quoique ces
dernières années aient vu se développer la collecte de dépôts de moyen et long termes
quelquefois rémunérés. La constitution de dépôts forcés proportionnels est souvent nécessaire
pour l’obtention de crédits. Jusqu’à l’adoption de la loi sur la microfinance, seules les IMF
mutualistes étaient autorisées à collecter des dépôts volontaires.
Certains réseaux d’ IMF dispensent, en outre, soit des séances de formation ou d’ateliers à
leurs membres ou clients et même à des tiers, soit des modules de remise à niveau pour
leurs techniciens. Les divers thèmes qui y sont développés visent l’amélioration du niveau de
vie de la population par l’intermédiaire du recours aux besoins financiers. Ces thèmes
sensibilisent non seulement sur les bienfaits qu’offrent l’utilisation des crédits ou la
sécurisation de l’épargne par leur monétarisation, mais aussi sur la gestion des ressources des
ménages, la gestion de petits projets agricoles ou d’élevage, ou l’utilisation de nouveaux
produits financiers. Pour certains établissements qui concentrent plus particulièrement leurs
efforts aux formations, les activités bancaires sont à titre expérimental.
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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Encours de dépots 184 542 1 068 3 361 7 416 11 150 10 372 18 992 21 803 25 510 31 317 42 243
Var en % - 194,6% 97,0% 214,7% 120,6% 50,4% -7,0% 83,1% 14,8% 17,0% 22,8% 34,9%
Encours de crédits 975 1 090 2 304 5 364 7 562 9 260 11 212 19 519 25 382 36 236 41 772 62 373
Var en % - 11,8% 111,4% 132,8% 41,0% 22,5% 21,1% 74,1% 30,0% 42,8% 15,3% 49,3%
70 000
60 000
(en millions d'Ariary)
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
année
A fin 2007, l’encours des crédits distribués par les IMF mutualistes est passé de 62,4
milliards ariary (soit 33,3 millions USD) contre 41,8 milliards (soit 19,5 millions USD) un an
auparavant marquant une nette progression annuelle de 49 pour cent.
Au total, 82 307 emprunteurs ayant eu droit à 114 341 crédits ont été dénombrés contre
72 335 crédits pour 60 447 emprunteurs un an auparavant, soit une hausse respective de 36
pour cent l’effectif des emprunteurs et de 58 pour cent pour le nombre des crédits.
Une multiplication du nombre de crédits par individu est constatée (1,38 contre 1,19) reflétant
l’intérêt croissant des membres à l’utilisation des crédits.
Le nombre de comptes de dépôts recensés est passé de 258 612 à 311 786 de 2006 à 2007,
soit un accroissement de plus de 20 pour cent. L’encours de fin d’année s’est accru de 34,8
pour cent.
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Pour les non mutualistes, même si, en valeur absolue, le volume des octrois de crédits par les
trois principaux réseaux semble insignifiant, néanmoins, son évolution est remarquable car il
a été triplé par rapport à l’année précédente, ce qui mérite d’être retenu. Les encours de fin
d’années présente une hausse de 45 pour cent.
La part de la microfinance dans les activités bancaires reste, toutefois, insignifiante. Elle
se situe à 2,22 pour cent de celles des établissements de crédit traditionnels, nonobstant la
multiplication de l’effectif de la population touchée. Les dépôts et les crédits en représentent
respectivement 1,55 et 3, 43 pour cent.
D’après les données disponibles, la santé financière du secteur affiche ces dernières années
une évolution favorable tout au moins sur la base de la masse bilancielle.
Les activités de crédit tout comme celles des dépôts connaissent une croissance régulière
d’année en année. Malgré l’augmentation des autres formes de dépôts, ceux à vue en
constituent plus de 60 pour cent de l’ensemble. Le portefeuille de crédits continue à
s’améliorer, la culture de crédit commence à s’instaurer même dans les régions dans
lesquelles les débiteurs rechignaient auparavant à respecter les échéances. Néanmoins, des
efforts restent à fournir pour réduire le niveau des arriérés de paiement à 30 jours car le taux
de délinquance se situe encore pour l’ensemble du secteur mutualiste à presque 8 pour cent
ces dernières années. L’analyse individuelle montre toutefois que quelques IMF sont en
meilleure santé.
Les IMF respectent les normes prudentielles applicables aux établissements de crédit et, à
l’exception de quelques unes, sont préparées à des ratios plus sévères. En effet, des ratios
spécifiques aux activités de microfinance sont en cours d’élaboration afin de tenir compte des
conditions particulières au secteur.
Au niveau des résultats, les revenus nets d’intérêt qui constituent le principal produit des
IFM connaissent une progression liée à l’accroissement du volume des crédits distribués et
des intérêts sur les BTA. En y ajoutant les frais d’études de dossiers et autres honoraires, les
résultats opérationnels sont d’autant plus favorables. Mais, comme de leur part, les charges
administratives, notamment le coût de l’assistance technique, sont aussi assez conséquentes,
l’autonomie fonctionnelle n’est pas encore atteinte dans certains réseaux (trois sur les neuf
agréés). Le résultat net du secteur est à peine positif mais en amélioration. Cela est toutefois
à relativiser dans la mesure où, prises individuellement, certaines IMF peuvent se passer
d’assistance financière.
En somme, au moins trois grands réseaux d’ IMF agréés sont aptes à faire le lien entre la
microfinance et le réseau bancaire de par le volume de leurs activités et la taille de leurs
opérations individuelles. Confiantes dans leur gestion, les banques classiques leur apportent
les compléments de financement pour leurs opérations de crédit. Les relations d’affaires
commencent à se tisser avec les banques. Par ailleurs, grâce aux efforts de certaines IMF suite
à l’accroissement du volume de dépôts mobilisés, l’excédent de leurs ressources internes leur
permet de financer le budget du Trésor Public pour leur participation au marché des Bons du
Trésor. De plus, leur expérience et leur professionnalisme leur permettent d’intégrer le
marché financier.
15
La microfinance est en bonne voie, l’effectif de la population ciblée a été largement dépassé.
Cependant l’illusion de cette bonne marche ne doit pas cacher les risques liés à la fragilité des
réseaux notamment mutualistes. Ces difficultés ne sont pas seulement d’origine interne mais
proviennent aussi de facteurs exogènes. Quelques éléments de réponse ont déjà été apportés
mais que l’on sait non encore suffisants pour l’atteinte des objectifs de réduction de la
pauvreté.
--les élus qui doivent vaquer leurs occupations pour assumer des fonctions auprès des
réseaux à titre bénévole, deviennent de moins en moins motivés,
--la rotation trop fréquente des techniciens traduit l’incapacité des IMF à fidéliser leurs
agents qui se laissent tentés par des offres plus sécurisants,
--les appuis financiers sont souvent absorbés par les honoraires de l’assistance
technique. Face au contraste avec leur condition, les adhérents ne se sentent souvent
pas concernés par l’avenir de leurs réseaux.
Les crises de croissance se transforment en blocage mettant en jeu l’avenir des IMF.
--Certaines institutions affiliées à la structure de regroupement et se sentant aptes à
fonctionner par leurs propres moyens, cherchent à se désaffilier alors qu’en fait, elles
n’ont en pas la capacité, d’où une perturbation au sein du réseau ;
--des difficultés sont constatées une fois que le réseau devient plus étendu et que le
contrôle interne ne suit pas. Ainsi, le système d’autogestion qui laisse le pouvoir de
décision à des dirigeants élus non avertis, a été à la source d’une détérioration rapide
du portefeuille de crédits, entraînant la fermeture de plusieurs caisses et, par la suite,
un dysfonctionnement au niveau de l’institution. Les pertes ainsi engendrées ont érodé
les fonds propres disponibles. Un début de redressement n’a pu avoir lieu sans
l’intervention de la CSBF qui a dû mettre le réseau sous administration provisoire ;
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--l’extension des zones d’implantation a été parfois priorisée par les opérateurs au
détriment du transfert de compétence. Ce qui perpétue la dépendance du réseau vis-à-
vis d’appui technique extérieur ;
--la quasi inexistence de ressources longues ou d’épargne stable limite les activités des
IMF. De plus, les IMF hésitent à prêter et préfèrent plutôt placer les dépôts en bons du
Trésor que de les transformer en crédits ;
--l’externalisation de certains services du fait de l’extension de l’IMF, semble
nécessiter l’intervention de prestataires extérieurs. Des précautions sont toutefois à
prendre pour faire face aux risques de dilutions de responsabilité ou de main-mise du
prestataire sur le réseau.
L’équilibre entre vocation sociale et pérennité du réseau n’est pas facilement maîtrisable.
La solution idéale pour soutenir la stratégie gouvernementale de lutte pour la pauvreté réside
dans la création d’institutions de microfinance viables et pérennes qui répondent aux besoins
de financement des ruraux. La poursuite de l’appui qui a été accordé au secteur est
primordiale sans laquelle la mise en confiance des paysans envers ces IMF ne peut aboutir.
D’autres dispositions ont été prises au niveau de la CSBF et des IMF pour mieux sécuriser le
secteur.
Le suivi de la santé des institutions et de leur fonctionnement sera par ailleurs contrôlé plus
régulièrement par la CSBF grâce à la constitution d’une base de données sur les
indicateurs de gestion des institutions et de l’ensemble du secteur de la microfinance. La
base de données permettra non seulement de réaliser une meilleure supervision mais elle
pourra également être consultée par les IMF pour se situer par rapport à l’ensemble du
secteur.
D’autres balises réglementaires sont en étude ou sont déjà appliquées récemment. Ainsi pour
encourager le transfert de compétence, il est désormais interdit à un assistant technique qui a
appuyé un réseau pendant plus de 6 mois de prétendre y devenir un exécutif. Par ailleurs, une
instruction de la CSBF définit les structures minimales de gouvernance exigées pour chaque
niveau d’IMF.
Des réflexions sur l’utilisation des progrès technologiques pour les négociations de services
financiers sont également en cours, afin de pouvoir offrir des services financiers dans les
zones enclavées souffrant de l’inexistence d’énergie électrique ou pour diversifier le
portefeuille de crédits.
En outre, il est prévu de fournir des équipements informatiques aux IMF non pourvues, outils
indispensables au meilleur suivi de leur fonctionnement.
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Conclusion
Le secteur de la microfinance est aujourd’hui en pleine expansion, stade il est parvenu non
sans difficulté. Il contribue désormais au développement du marché financier. Sa santé reste
cependant précaire mais elle dispose de plusieurs atouts : la volonté confirmée du
gouvernement de continuer d’ en faire l’instrument privilégié de réduction de la pauvreté, la
faiblesse du taux de pénétration et les besoins croissants de la population, une demande
potentielle élevée, la disposition de bailleurs de fonds à appuyer le développement du secteur,
la prise de conscience des intervenants d’avoir un vision commune pour les actions à
entreprendre, l’intérêt des investisseurs à opérer dans le secteur…
Après une analyse plus approfondie des résultats d’autres préoccupations ont émergé, et
des questions y afférents n’ont pas trouvé de réponses :
Ce sont autant de questions qui se posent et pour lesquelles des réflexions doivent être menées
pour que la finance africaine du 21ème siècle ne devienne pas un instrument d’enrichissement
des riches et ne dévie pas de sa mission de servir l’économie tout en affranchissant les
pauvres de leur condition de pauvreté.