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CHANTAL DAOUST

UNE PRÉCIEUSE ET RIDICULE


ÉTUDE DE CARACTÈRES

Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en arts visuels
pour l'obtention du grade de maître es arts [M.A.]

ECOLE DES ARTS VISUELS


FACULTÉ D'AMÉNAGEMENT, D'ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC

2007

© Chantai Daoust, 2007


Il

RÉSUMÉ

Entre les arts visuels, la scénographie et le design graphique, une trame s'est tissée,

l'espace de cette maîtrise en arts visuels. La plume de Molière, qui a donné naissance aux

Précieuses ridicules il y a de cela plus de 350 ans, s'est à nouveau prêtée au jeu de la création.

C'est à travers les personnages de Magdelon, Cathos, Gorgibus, le Marquis de Mascarille et le

Vicomte de Jodelet que j'ai déployé l'univers de la typoésie. Je me suis intéressée aux différen­

tes formes que peut empruter le langage écrit afin qu'il soit détourné en un langage visuel. Pour

ce faire, j'ai documenté ma recherche de la vie de gens qui ont marqué l'histoire, d'événements

socioculturels et d'œuvres tant littéraires qu'artistiques unissant le XVIIe siècle à notre ère. Le plai­

sir que j'ai éprouvé en donnant forme aux caratères de ces personnages m'a permis d'exprimer

la convergence des passions qui m'habitent.


TABLE DES MATIERES

Résumé

Table des matières

Liste des figures IV

Introduction

Chapitre 1. Le momentum: l'impulsion des mots 3


1.1 L'influence des passions 4
1.2 L'émergence d'une question 5
1.3 L'évidence d'une action 7

Chapitre 2. Le maître m o t : la typoésie 9


2.1 Découvrir la typoésie 10
2.2 Dévoiler le langage visuel de la poésie 17
2.3 Déployer la typoésie 26

Chapitre 3. L'essence des m o t s : la naissance d'un caractère 32


3.1 Le caractère typographique 33
3.2 Le caractère psychologique 37
3.3 Le caractère typoétique 41

Chapitre 4. Le fin m o t : les œuvres 45


4.1 Le personnage de Magdelon 46
4.2 Le personnage de Cathos 50
4.3 Le personnage de Gorgibus 54
4.4 Le personnage du Marquis de Mascarille 57
4.5 Le personnage de Vicomte de Jodelet 60
4.6 Mise en espace des œuvres lors de l'exposition 63

Conclusion 67

Bibliographie 68
IV

L I S T E DES F I G U R E S

page

1. Police de caractères Le Peignot 10


Dessinée par A. M. Cassandre et diffusée par la fonderie Deberny et Peignot, 1930.
Reproduit du Manuel de design typographique, Letraset, Canada, 1993, p. 68.

2. Emmet Williams 12
Typoème, a-Entwicklung (Déploiement de a), 1958.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 238.

3. Chantai Daoust 12
Personnage de Magdelon, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 44.

4. HerbLubalin 12
Typoème, Mother and child, 1966.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 133.

5. Chantai Daoust 12
Personnage de Gorgibus, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 53.

6. Raymond Gid 13
Typoème, Serpents, 1967.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993 p. 154.

7. Chantai Daoust 13
Personnage de Cathos, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 51.

8. Man Ray 13
Typoème, Lautgedicht, 1924.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 123.

9. Chantai Daoust 13
Personnage de Cathos, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 50.

10. Jérôme Peignot 14


Typoème, Le vol des accolades, 1992.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 166.

11. Claude Melin 14


Typoème, Violon.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 412.
V

12. Grapus 15
Typoème, 1980.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 340.

13. Paul Nagy 15


Typoème, Métro-police, 1976.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 119.

14. Henry Matisse 16


Typoème, Couverture composée pour la revue Minotaure, n° 9, 1936.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 356.

15. Chantai Daoust 16


Personnage du Vicomte de Jodelet, tache d'encre gestuelle numérisée
et retouchée à l'aide d'un logiciel graphique, 2006.

16. Schéma de L'évolution spirituelle de la poésie 18


Le site officiel du lettrisme, (page consultée le 4 décembre 2006), [En ligne,
adresse URL: http://www.lelettrisme.com/pages/02_creations/poesie.php].

17. Charles Baudelaire, poème La beauté 19


Poésie française, (page consultée le 11 janvier 2007), extrait du recueil
Les fleurs du mal, [En ligne, adresse URL: http://www.poesie.webnet.fr/
poemes/France/baudelai/13.html].

18. Paul Verlaine, poème L'angoisse 20


Poésie française, (page consultée le 11 janvier 2007), extrait du recueil
Poèmes saturniens, [En ligne, adresse URL: http://www.poesie.webnet.fr/
poemes/France/verlaine/5.html].

19. Arthur Rimbaud, poème Mouvement 21


Poésie française, (page consultée le 11 janvier 2007), extrait du recueil
Illuminations, [En ligne, adresse URL: http://www.poesie.webnet.fr/
poemes/France/rimbaud/57.html].

20. Stéphane Mallarmé, extrait du poème Un coup de dés jamais n'abolira le hasard 22
Poete.com, Mallarmé, (page consultée le 11 janvier 2007), [En ligne,
adresse URL: http://www.poetes.com/mallarme/coup_de.htm].

21. Tristan Tsara, extrait du poème Bilan 23


Bilan de Tzara - commentaire, (page consultée le 11 janvier 2007).
Reproduit dans Dada, Paris, Jean Michel Place, 1981, 256 pages, [En ligne,
adresse URL: http://perso.univ-lyon2.fr/~edbreuil/Dada/Tzara/Bilan/Bilan.html].

22. Isidore Isou, poème Cris pour 5,000,000 de Juifs égorgés 24


Notes du cours de français 601-102 du Collège de Valleyfield,
Anthologie des poésies québécoise et française, 1987, p. 112.
VI

23. Chantai Daoust 26


Personnage de Magdelon, mise en corps par taches d'encre gestuelles, 2006.

24. Chantai Daoust 26


Personnage de Magdelon, tache d'encre gestuelle numérisée
et retouchée à l'aide d'un logiciel graphique, 2006.

25. Paul Rand 27


Typoème, Page 8, 1987.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 345.

26. Chantai Daoust 28


Personnage de Magdelon, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 45.

27. Chantai Daoust 28


Personnage de Cathos, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 48.

28. Reinhard Dôhl 29


Typoème, Apfel Wurm (Le ver est dans le fruit).
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 275.

29. Chantai Daoust 30


Personnage de Gorgibus, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 52.

30. Œuvre d'Eugen Gomringer 30


Typoème, Sans titre, Eugène Gomringer, 1954.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 226.

31. Chantai Daoust 31


Personnage de Magdelon, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 46.

32. Mary Ellen Soit 31


Typoème, Lilas, 1966.
Reproduit de Jérôme Peignot, Typoésie, Imprimerie nationale, Paris, 1993, p. 220.

33. Romain du Roi, planche représentant la construction des lettres G et H 33


Jadette Laliberté, Formes typographiques: historique, anatomie, classification,
Saint-Nicolas, Presses de l'Université Laval, 2004, p. 19.

34. Police de caractères Adobe Casion Régulier 33


D'après des spécimens de pages imprimées par William Casion entre 1734 et 1770.
Police de caractères utilisée pour le personnage de Gorgibus, page écran.
VII

35. Police de caractères NotCasIon Two 34


Mark Andresen, fonderie Emigré, 1995.
Police de caractères utilisée pour le personnage de Magdelon, page écran.

36. Police de caractères NotCasIon One 34


Mark Andresen, fonderie Emigré, 1995.
Police de caractères utilisée pour le personnage de Cathos, page écran.

37. Police de caractères Anna's Bijous Hearts 35


Ann Stretton, 2004.
Police de caractères utilisée pour le personnage du Marquis de Mascarille,
page écran.

38. Police de caractères Anna's Bijous Tricyclops 35


Ann Stretton, 2004.
Police de caractères utilisée pour le personnage du Vicomte de Jodelet,
page écran.

39. Motif de Pierre-Simon Fournier, dit Fournier le jeune 36


Bertram Schmidt Friderichs, 1712-1760 Typographie par Fournier le jeune,
Paris, Jacques Damas, 1991, p. XVI.

40. Chantai Daoust 41


Personnage de Magdelon, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 47.

41. Chantai Daoust 41


Personnage de Cathos, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 49.

42. Chantai Daoust 42


Personnage de Gorgibus,
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2006, p. 54.

43. Chantai Daoust 43


Personnage du Marquis de Mascarille, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 57.

44. Chantai Daoust 43


Personnage du Vicomte de Jodelet, 2006.
Une précieuse et ridicule étude de caractères, 2007, p. 58.
1

INTRODUCTION

Ce mémoire de maîtrise en arts visuels relate la trajectoire artistique que j'ai emprun­

tée, depuis mes premières impulsions jusqu'à la réalisation de 17 personnages de la pièce

Les Précieuses ridicules\ Deux aspects de cette maîtrise sont incontournables: ce texte

d'accompagnement qui discute et analyse mon processus de création et une exposition présen­

tée à la Salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins de l'Université Laval, du 21 mai au

1 er juin 2007. Tout au long de cette production, des rencontres, des expériences et des décou­

vertes, toutes plus enrichissantes les unes que les autres, ont donné lieu à une succession de

hasards qui ont guidé la conception de ce corpus d'œuvres.

Le point de départ de ce parcours, énoncé au premier chapitre de cet ouvrage, témoigne

des éléments précurseurs qui m'ont amenée à entamer ce projet de recherche. Il résume les

étapes de réflexion quant à l'intégration de mes différents champs d'études dans le but de

renouveler ma pratique artistique. Il est ainsi le raffinement de l'objet de ma recherche, tant en arts

visuels et en scénographie qu'en design graphique. Le momentum fut la prise de conscience que

certains mots, une fois réunis, portent en eux l'impulsion nécessaire au dépassement de soi.

Si le premier chapitre fut le fruit d'une quête de sens de mon cheminement, le deuxième

en présente un élément bien précis: ma rencontre avec la typoésie et la mise en contexte de

mon travail dans le cadre de cette dernière. Avec celle-ci s'est déployé mon désir de remonter

jusqu'aux racines de la poésie afin de mieux cerner, d'un point de vue littéraire, historique et

artistique, le détournement du langage écrit en un langage visuel typoétique.

1. MOLIÈRE, Les Précieuses ridicules, Paris, Larousse-Bordas, « Petits classiques Larousse texte intégral », 1998.
2

Dans un troisième temps, c'est autour du mot caractère que s'est articulé ma réflexion.

Qu'il s'agisse des caractères typographiques ou du caractère psychologique des personnages

de Molière, l'approfondissement de la forme visuelle de ces expressions s'est avéré être l'un

des fondements de ma démarche. Toujours dans la continuité de ma découverte de la typoésie,

le caractère typoétique m'a permis de souligner les liens formels, culturels et historiques exis­

tant entre les différentes interprétations du mot caractère.

Finalement, le chapitre quatre aborde les étapes de création par la présentation de cha­

cune des œuvres composant mon corpus. Toutes les différentes versions des personnages

que j'ai conçus, ainsi que les répliques du texte de Molière qui les ont inspirées, sont dévoilées.

Puisque la mise en espace proposée par l'exposition n'est qu'un passage limité dans la vie de

mon projet de maîtrise, j'ai senti le besoin d'en préserver un déploiement intégral dans ce texte

d'accompagnement.

Ce mémoire décrit mes recherches sur le détournement de la forme écrite vers la forme

visuelle typoétique, et ce, à travers l'étude des personnages de la pièce Les Précieuses ridi-

cules de Molière dont ils sont le support.


3

1. Le momentum: l'impulsion des mots

Lorsque le rideau se lève et que le noir de la scène s'estompe dans les pensées éparses

des spectateurs, tout est là. Avant même que les premiers mots ne soient prononcés, le cœur

de l'œuvre bat, là, en silence sous les regards des projecteurs. L'auteur qui, un jour, a pressenti

l'éruption des paroles qui bouillonnaient en lui, fait soudainement sien ce moment intime où la

salle n'attend plus que la délivrance des mots.

La beauté des dialogues au théâtre réside aussi dans leurs silences. Tous ces mots qui

se chuchotent, percutent, s'embrasent et se tuent puisent leur puissance dans les vides qui

se tissent entre les personnages. Il y a en eux comme un pressentiment que quelque chose

d'important va se passer. Comme une certitude que tout est possible. Puis, s'échapperont

d'autres mots qui porteront eux aussi la puissance de l'action, l'impulsion du verbe.

Le chemin que j'ai parcouru avant d'entreprendre ce projet de maîtrise en arts visuels fut à

l'image d'un dialogue de scène. D'abord l'abandon. L'évacuation de tout ce que peut comporter

le choc d'un retour après une année vécue à l'étranger. Le désert. L'indicible besoin de taire la

déception d'atteindre le port, la case départ. Puis, dans ce tarissement inhabité, une envie qui

survient: renouveler mon travail. Aucune logique ne pouvait encore définir cette impulsion qui

jaillissait du fond de moi-même, mais elle était bien là. Persistante et rebelle. Je la sentais me

bousculer de l'intérieur sans jamais m'indiquer le chemin à emprunter. Puis enfin, vint le mo-

mentum. Mon instinct m'imposait sa volonté, m'ordonnait des mots pêle-mêle dont les images

me captivaient. Je savais avec conviction que le moment était venu, qu'un événement important

allait se passer. « Elle sait aussi quelque chose d'autre, que dorénavant le temps est sans doute

arrivé où elle ne peut plus échapper à certaines obligations qu'elle a envers elle-même. »2

2. Marguerite DURAS, L'amant, Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 46.


4

1.1 L'influence des passions

Le momentum, comme je l'ai nommé précédemment, fut le jaillissement de trois expres­

sions qui ont entraîné le coup d'envoi de mon processus de création. Comme au développe­

ment d'un tirage photographique, ce momentum s'est révélé à la lumière du mot art: arts vi-

suels, arts scénographiques et arts graphiques. C'est désormais dans la communion de mes

trois champs de formation que s'inscrivait enfin une nouvelle avenue porteuse d'un univers

fécond, dont les études à la maîtrise en arts visuels allaient m'en permettre l'exploration.

Molière disait: « On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas d'abord ; et

souvent en de simples lieux... »3 À l'instar des personnages de Valère et Lucas, dont la quête

d'un remède pour Lucinde les mène au Médecin malgré lui, mon parcours académique a déter­

miné la trajectoire artistique de mon projet de maîtrise. Ma réflexion m'amenant à constater qu'il

n'était plus nécessaire de porter ces trois formations artistiques indépendamment les unes des

autres puisqu'elles convergeaient, mon itinéraire s'est précisé. Du passage de ces passions à

travers ma démarche et de ma démarche à travers celles-ci, a émergé le désir d'une nouvelle

création dont l'œuvre Les Précieuses ridicules m'a permis de m'imprégner des influences de

chacune d'elles.

Tout au long du processus qui m'a amenée à entamer ce projet de maîtrise, une réflexion

sur mon parcours académique s'est déployée en trois actes et s'est imposée. D'abord les

arts au Cégep, puis la scénographie au Conservatoire et, finalement, le design graphique à

l'Université. Pour moi qui me suis toujours passionnée tant pour l'histoire, la recherche des

techniques et des matériaux ainsi que pour la production d'œuvres, il devait assurément y ré­

sider là une réponse, un sens commun.

3. MOLIÈRE, Molière théâtre complet, Le médecin malgré lui, Genève, Éditions RVG, 1986, p. 394.

1.2 L'émergence d'une question

Félix Gonzalez-Torres a écrit: «Je tends à me considérer comme un metteur en scène de

théâtre qui essaie de véhiculer certaines idées en réinterprétant la notion de distribution des

rôles: auteur, public, et metteur en scène.» 4 Ce qui m'interpelle dans son approche artistique,

c'est la liberté et l'adresse avec lesquelles il réunit diverses disciplines et renouvelle l'art con­

temporain. Qu'il s'inspire des supports médiatiques publicitaires ou du design urbain, il parvient

avec aisance à intégrer les spectateurs dans ses mises en scène poétiques. Comme un droit

au cœur, il atteint l'universelle sensibilité de la nature humaine.

Lors de mon parcours académique, qui s'est décuplé en autant d'expériences profession­

nelles, dont la pratique du métier de scénographe et celle de designer graphique, il me fut donné,

à maintes reprises, de reconnaître qu'une méthode de travail commune semblait se dégager de

chacune de ces approches. J'aimais puiser spontanément à même les différentes sources de

connaissances de mes champs d'études, afin de favoriser un enrichissement mutuel au profit

d'une œuvre finale. Cette constatation a donc fait émerger une importante question lors de mon

processus d'entrée à la maîtrise: comment intégrer mon expérience académique et profession­

nelle au service d'une œuvre artistique dont je serais l'auteure ? Il était fondamental, à cette

étape, de réaliser que, contrairement à ma pratique professionnelle en design graphique, où

les œuvres originent habituellement d'une commande, je devrais développer ma propre source

d'enthousiasme et de motivation. « C'est avant tout la création du contenu qui définit le statut et

le rôle de l'auteur. C'est pourquoi le graphisme d'auteur concerne tous les rôles du graphiste,

et qu'il doit être associé à un réel investissement dans la création du contenu - le graphiste se

doit de se comporter en auteur. Là est la clé pour réussir le graphisme d'auteur - l'importance

du contenu.» 5

4. Burkhard RIËMSCHNEIDER et Uta GROSENICK, L'art d'aujourd'hui, Kôln, Taschen, 2001, p. 58.
5. lan HOLCROFT, Définir le graphisme d'auteur, Étapes, n° 120, mai 2005, p. 80.
(i

C'est donc dans l'esprit de l'interdisciplinarité que j'ai trouvé une terre d'accueil à

l'émergence de cette question. Cette disposition me permettait d'y enraciner une œu­

vre d'auteure dont la nature pouvait simultanément être à la source de mes trois sphères

d'activités. À la croisée des chemins entre les arts visuels, les arts scénographiques et les arts

graphiques, l'interdisciplinarité répondait parfaitement à l'essentiel de mon questionnement

quant à l'intégration de mon expérience académique et professionnelle au service d'une

œuvre artistique: «L'interdisciplinarité tout en favorisant la recherche des interactions des

savoirs et de leur complémentarité nous invite à une certaine ouverture d'esprit. Cette notion

d'interdisciplinarité n'est en aucun cas une valeur en soi, c'est avant tout une approche. »6

Ainsi, puisqu'interdisciplinarité et graphisme d'auteur proposent la communication, la

permutation et l'application d'un ensemble de méthodes et de connaissances, l'interaction de

mes compétences artistiques était désormais incontournable. Cet échange, qui encourage

l'enrichissement mutuel des spécialités, m'a convaincue quant à l'élaboration autodidacte de

mon contenu.

6. INTERDISCIPLINARITÉ. AMCAC (Amérique centrale, Andine et Caraïbe), Interdisciplinarité, (page consultée


le 9 janvier 2007), [En ligne, adresse URL: http://www.amcac.vije.net/itineraires/interdisciplinarite.htm].
I

1.3 L'évidence d'une action

Puisque l'interdisciplinarité, en tant qu'approche, correspondait à l'intégration de mon par­

cours, l'évidence de mieux cerner mes intérêts à l'intérieur de chacun de mes champs artistiques

s'est imposée. J'ai donc dégagé les éléments que je tenais particulièrement à développer et qui

apparaissaient convenir à mon projet de recherche.

En arts visuels

C'est à partir de la mise en espace d'impressions numériques (en couleur et en noir et

blanc) afin de les exposer dans une installation artistique, que j'ai tissé entre cette dernière et la

mise en scène, un langage visuel dont les personnages en seraient la corrélation. D'après une

mise en lumière feutrée des lieux, je compte recréer une ambiance scénique où chaque œuvre

serait, en soi, le théâtre d'une courte scène.

En arts scénographiques

L'idée d'une conception bidimensionnelle de silhouettes et de costumes de certains person­

nages de la pièce Les Précieuses ridicules de Molière, correspondait parfaitement à mes motiva­

tions scénographiques, non pas dans un but d'en faire des affiches mais dans l'esprit d'esquisses

de personnages que le scénographe présente au metteur en scène. Mais pourquoi iLes Précieu-

ses ridicules ? Et pourquoi Molière ? D'abord Molière, parce qu'il devenait essentiel à mes yeux

de choisir un texte écrit en français, afin d'avoir une compréhension juste du récit. Également,

parce que le faste et la richesse historique de l'époque à laquelle il a vécu, soit l'empire du Roi

Soleil au XVIIe siècle, m'inspiraient particulièrement.

En arts graphiques

Quant aux Précieuses ridicules, c'est le design typographique qui en a déterminé le choix.

C'est plus précisément l'aspect ludique et poétique du langage précieux qui a interpellé mon

désir de jouer avec la typographie. Puisqu'à travers les personnages, Molière se moque de la
H

langue française avec une pointe touchante d'humanité, la satire du langage précieux dont il fait

usage me permettait l'exploration de diverses stratégies graphiques. En effet, puisqu'il y a dans

ses dialogues une surenchère de mots inspirés d'un jargon visuellement riche, les caractères

typographiques devenaient matière par excellence à l'interprétation des personnages. En somme,

ce projet propose la création de personnages bidimentionnels, d'après sa pièce Les Précieuses

ridicules, dans une approche tant poétique que typographique, dont la présentation fera l'objet

d'une installation en tant qu'oeuvre.


1
9

2. Le maître mot: la typoésie

À l'image d'une clé de voûte, la découverte du mot typoésie est venue souder chacune des

pierres d'angle de mes pratiques artistiques. Si l'interdisciplinarité en permettait l'exploration

simultanée, la typoésie s'est avérée être le lien fondamental les unissant dans leur finalité

visuelle. En juxtaposant le génie de Molière à ces trois formes artistiques, la création de mes

personnages s'est révélée dans le désir de transposer les mots en images.

Cette contraction des termes typographie et poésie laisse place à une fructueuse interpré­

tation où, plus que l'écriture, les caractères typographiques dans lesquels elle est versée sont

matière à expression artistique. « La vraie poésie est celle où l'écriture a son mot à dire. »7 Elle

permet également au mot poésie d'être abordé dans une perspective plus vaste que le sens

littéraire auquel nous sommes habitués. D'un point de vue plastique et graphique, l'ensemble

des personnages que j'ai créés donnent naissance à une production typoétique. D'une part,

typographique étant donné l'importance qu'y joue l'écriture, de l'autre poétique, considérant

que, dans sa définition, Etienne Souriau y décrit avec justesse le sens auquel je fais référence

lorqu'il est question de la poésie de mes personnages. «On parle ainsi de la poésie d'un

tableau, d'une pièce de musique, mais aussi d'oeuvre non-humaines, tel un paysage par ex­

emple. En ce sens la poésie est la capacité que possède un objet quelconque de produire en

nous une réaction affective et intellectuelle pareille à celle produite par un poème. »8

7. Christian DOTREMONT, Typoésie, Paris, Imprimerie nationale, 1993, p. 33.


8. Etienne SOURIAU, Vocabulaire d'esthétique, Paris, Quadrige / Presses Universitaires de France, 1990. p. 1149.
10

2.1 Découvrir la typoésie

Ma découverte de la typoésie est intimement liée à celle de Jérôme Peignot dont je

ferai une brève présentation. Par la suite, j'exposerai quelques typoèmes, œuvres issues de

la typoésie, afin de mieux situer ma pratique dans le contexte graphique et artistique de cette

approche. Concepteur du mot typoésie, père spirituel du genre littéraire et auteur en 1993

de l'anthologie du même nom, Jérôme Peignot est romancier, poète, spécialiste de l'histoire

de l'écriture ainsi qu'héritier d'une éminente descendance de fondeurs de caractères. Son

arrière-grand-père, son grand-père et son père ont dirigé la fonderie Deberny-Peignot créée

au XIXe siècle. L'association avec Deberny vient du nom de Madame de Bemy, compagne et

mécène d'Honoré de Balzac à qui elle finança l'entreprise de fondeur de caractères. Cette affi­

liation avec la famille Peignot est donc purement commerciale plutôt que familiale. L'une des

créations typographiques de la fonderie, encore disponible de nos jours, est la police Peignot

(Figure 1 ) conçue par l'artiste français A. M. Cassandre, dont voici un exemple :

p i i 111 r n i i i 11 AbcdEfqhijklMNopQRSTuv wxyz


H ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ
1254567890 /E06/E0 &?!£$(.,«)
M*«-CUi

Figure 1

Né en 1926, Jérôme Peignot a plublié une trentaine d'ouvrages dont L'or des fous, Jérô-

miades III qui lui a valu l'obtention du prix Sainte-Beuve en 1962. En 1985, il reçoit son diplôme

de doctorat à la Sorbonne. Selon lui, «Rimbaud, Mallarmé, Appolinaire, les futuristes, les da­

daïstes, sont les précurseurs indirects de la typoésie.» 9 Il considère d'ailleurs cette dernière

comme étant l'incarnation contemporaine du calligramme.

9. Jérôme PEIGNOT, Hypermédia, Université de Paris 8, (page consultée le 13 février 2007), [En ligne, adresse URL:
http://hypermedia.univ-paris8.fr/Groupe/cr00/cr10. htm#4].
11

L'éventail des représentations visuelles de la typoésie est vaste. En fait, la typoésie est

un ensemble de compositions dont les auteurs sont poètes, designers graphiques, peintres,

artistes et compositeurs. Jérôme Peignot la décrit ainsi :

J'ai forgé ce mot à la manière des mots-valises de James Joyce. Il associe typo­
graphie à poésie et tourne autour de cette idée très simple qui me vient d'un ami ma­
rocain, le poète Abdelkebir Khatibi. Il me disait que dans le monde arabe l'écriture
fait partie de ce qu'elle véhicule, ce dont témoignent les calligrammes. Je dirais moi
signe-signifiant-signifié. Au fond, la typoésie est l'avatar moderne du calligramme.
Jérôme Peignot10

À travers elle, Jérôme Peignot interroge, entre autres, la sémantique des caractères typo­

graphiques, le lien qu'entretient la langue avec la typographie ainsi que la lecture des blancs

typographiques (l'espacement séparant les lettres, les mots, etc.), frontière entre la compréhen­

sion et l'abstraction de l'écriture. De mon point de vue, je la qualifie de symbiose entre la poésie

littéraire, les arts visuels et les arts graphiques. L'étendue de ses applications typographiques

font foi d'une étonnante variation de stratégies graphiques. J'entends par stratégies graphiques

les moyens utilisés afin de faire participer un élément typographique du contenu à la forme

esthétique. Dans le contexte de mon travail, le contenu typographique étant généré par

l'intégration des répliques de la pièce aux silhouettes des personnages, cela m'a permis

d'explorer sous un autre angle ces mêmes stratégies graphiques. Toujours en lien avec le

contenu, il est à noter que j'ai préféré me concentrer sur la représentation multiple des person­

nages principaux, soit : Magdelon, Cathos, Gorgibus, le Marquis de Mascarille et le Vicomte de

Jodelet, plutôt que de présenter la distribution dans son intégralité. Cette décision fut d'ailleurs

liée au défi que je me suis donné d'intégrer différentes stratégies graphiques à travers un même

personnage et d'en conserver une cohérence visuelle. Dans les exemples de typoèmes qui sui­

vent, j'ai fait la démonstration de ces stratégies graphiques par le biais de la libre expression

de la lettre (Figure 2), du mot (Figure 4), de la phrase (Figure 6), du paragraphe (Figure 8),

des signes typographiques (Figure 10), des signes musicaux (Figure 11), des chiffres (Figure

12), de la typographie tridimentionnelle (Figure 13) et, finalement, de la typographie gestuelle

10. Jérôme PEIGNOT, Le matricule des anges, (page consultée le 16 janvier 2007), article paru dans Le Matricule
des Anges, n° 19 de mars-avril 1997, [En ligne, adresse URL: http://www.lmda. net/mat/MAT01 966.html].
12

aa ■ | Q
• . • • . •

Figure 2 Figure 3

Figure 4 Figure 5

(Figure 14). Parallèlement, j'ai jumelé certaines de mes œuvres qui ont, elles aussi, fait l'objet

d'une recherche d'intégration typographique. Dans les figures 2 et 3, la stratégie graphique

utilisée est la répétition de la lettre. Tandis que les figures 4 et 5 utilisent la mise en abyme du

mot afin de transformer le langage écrit en langage typoétique.


Ki

\-\i é

Figure 6 Figure 7

Figure 8 Figure 9

Tout comme les lettres sont intimement liées aux structures des mots, les phrases sont indis­

sociables de celles des paragraphes. Dans les figures 6 et 7, les lettres et les mots sont l'objet d'une

stratégie graphique dont la composition est en arabesque. Les phrases des figures 8 et 9 sont ras­

semblées en paragraphes dont la stratégie commune est la terminaison en drapeau, c'est-à-dire

l'alignement à gauche avec une longueur de phrases variable, par opposition au texte justifié.
14

Figure 10

Figure 11

Au-delà des signes d'ordre alphabétique, la typoésie inclut d'autres signes qui ne sont pas en

lien avec mes personnages, mais dont l'apport demeurait pertinent à ma recherche. Qu'il s'agisse

de la transposition de signes typographiques en vol d'oiseaux (Figure 10) ou celle de signes mu­

sicaux en instrument de musique (Figure 11 ), la métaphore en tant que stratégie graphique libère

un second niveau de compréhension de la forme écrite. Les signes quittent alors leur référence

littéraire et deviennent matière à l'expression d'une œuvre artistique et graphique.


15

Figure 12

Figure 13

Dans le cas de la figure 12, la stratégie graphique de fusion entre les chiffres 6 et 9 est par­

ticulièrement élégante et juste. Le 300e anniversaire de la Comédie-Française est ici souligné

de belle façon, dans un esprit ludique digne de Molière, puisque cette institution est elle-même

le fruit d'une fusion entre le Théâtre de Guénégaud (troupe légataire de Molière) et celui de

l'Hôtel de Bourgogne. Louis XIV ordonna cette alliance le 25 août 1680. Dans la figure 13 sont

empilées, sous forme d'agglomération urbaine, des matrices de caractères afin de recréer

l'esprit d'une métropole typographique, rebaptisée pour l'occasion Métro-police. Variation de la

stratégie de répétition utilisée pour les figures 2 et 3, l'amoncellement est ici plus propice aux

intégrations typographiques tridimensionnelles aussi incluses par la typoésie.


16

Sur» < >


*

<

< * •
o
Figure 14

Figure 15

À titre de dernier élément comparatif avec la typoésie, le Minotaure typographique qu'Henri

Matisse a illustré (Figure 14) pour la couverture de sa revue témoigne d'une approche manuelle.

Cette stratégie graphique donne vie à ce personnage mi-humain et mi-taureau de la mytholo­

gie grecque. Ce tracé gestuel libre lie formellement les figures ci-haut, puisque j'ai procédé par

taches d'encre pour la création des silhouettes de mes personnages (Jodelet en figure 15).
17

2.2 Dévoiler le langage visuel de la poésie

Lors de mon processus de recherche, j'ai élargi ma cueillette de données vers les mou­

vements artistiques faisant usage de la typographie. Cette quête m'a ouvert la voie vers la

calligraphie, la pictographie abstraite, la poésie concrète, l'art machine et le lettrisme. Mon

attention s'est alors portée sur la relation commune entre ces termes: «Thèse are terms re-

ferring to a wide variety of efforts to reinstate the mystery and magie of letters, words, verbal

and pictographie symbols by emphasizing their visual nature. »11 Ce passage détourné vers la

forme poétique s'est avéré essentiel puisqu'il répondait à mes préoccupations formelles sur

l'organisation spatiale des caractères. Il a porté à ma connaissance une meilleure compréhen­

sion de la progression de la forme écrite littéraire vers la forme écrite artistique, et ce, à travers

une succession de poètes qui ont marqué l'histoire.

Afin de dévoiler le langage visuel de la poésie, j'ai orienté ma démarche selon les étapes

suggérées par le schéma de l'évolution spirituelle de la poésie (Figure 16), tiré du lettrisme.

Je présenterai dans les pages qui suivent les auteurs mentionnés ainsi qu'une sélection de

poèmes qui me semblent représentatifs de l'époque de chacun et qui ont marqué l'avancement

du langage visuel poétique. Pour Charles Beaudelaire, j'ai choisi le poème La beauté (Figure

17), pour Paul Verlaine L'angoisse (Figure 18), pour Arthur Rimbaud Mouvement (Figure 19),

pour Stéphane Mallarmé un extrait du poème Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (Figure

20), pour Tristan Tzara le poème dadaïste Bilan (Figure 21) et, finalement, pour Isidore Isou

Cris de 5,000,000 de Juifs égorgés (Figure 22). Chaque œuvre sera sommairement analysée

en fonction de son langage visuel. Il ne s'agit pas ici d'une analyse linguistique, mais bien d'une

méthode comparative formelle questionnant l'approche d'un nouveau dialogue esthétique en­

tre la typographie et l'image. Le désir de détailler cette suite logique de poèmes m'est venu

du besoin de comprendre le cheminement historique et artistique de la poésie traditionnelle

vers la typoésie. Cette généalogie de la lignée des grands poètes, dont fait état le Schéma

11. H. H. ARNASON, History of Modem Art, Painting, sculpture, architecture, New York, Prentice-Hall/Abrams, 1968, p. 626.
Traduction libre de l'auteure: «Ces termes sont le fruit d'un effort visant à rétablir le mystère et la magie des lettres,
les mots et des symboles pictographiques, en soulignant leur essence visuelle. »
18

Schéma de l'évolution spirituelle de la poésie

i.MUtjiiiMini. la destruction de l'anecdote


pour la forme du POÈME
annihilation du poème pour la
forme du VERS
la destruction du vers pour le
MOT
l'arrangement du MOT et son
perfectionnement
destruction du mot pour le
RIEN
l'arrangement du RIEN
- LA LETTRE - pour la
création de l'anecdote

Figure 16

de l'évolution spirituelle de la poésie (Figure 16), était accompagnée d'un commentaire qui a

retenu mon attention : « Les sujets ou anecdotes sont éliminés progressivement au profit d'une

recherche hermétique sur l'équilibre des vers et l'arrangement des beautés de la langue. Sous

les métaphores, les images, les mots précieux et rares, se dégagent les lois d'une poésie qui se

déconstruit. »12 C'est précisément l'expression une poésie qui se déconstruit qui m'a interpelée.

Formellement, comment un telle chose était-elle possible? Comment la poésie avait-elle pu se

déconstruire au cours d'un siècle?

En fait, ce schéma et le mouvement du lettrisme, dont les assises reposent encore

aujourd'hui sur la manifestation prédominante de la lettre et du signe, m'ont fourni l'occasion

idéale de comprendre cette déconstruction poétique littéraire. Depuis l'œuvre du XVIIIIe siècle

de Charles Baudelaire, jusqu'à celle du XXe siècle d'Isidore Isou, non seulement la rigou­

reuse composition esthétique et cadencée des poèmes s'est-elle métamorphosée, mais toute

l'expression du langage avait également subi un éclatement sémantique inouï.

12. Eric MONSINJON, Le site officiel du lettrisme, (page consultée le 4 décembre 2006),
[En ligne, adresse URL: http://www.lelettrisme.com/pages/02_creations/poesie.php].
19

La beauté de Charles Baudelaire (1821-1867)

Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,


Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Quatrain
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;


J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,


Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Tercet
Consumeront leurs jours en d'austères études;
Sizain
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles!

Figure 17

Le poème La beauté de Charles Baudelaire (Figure 17) a été créé d'après le modèle du

sonnet dont l'origine italienne date du XIIIe siècle. Il n'adhère cependant pas intégralement à la

forme classique puisque l'alternance des rimes diffère. Dans la structure traditionnelle, un pied

est une syllabe; un vers est une phrase; un alexandrin est un vers (phrase) de douze pieds

(syllabes); un quatrain est l'équivalent d'une strophe (paragraphe) de quatre vers (phrases);

un tercet est également l'équivalent d'une strophe (paragraphe) mais de trois vers (phrases);

un sizain est la combinaison de deux strophes (paragraphes) de trois vers (phrases) chacun.

Un sonnet se définit donc comme suit: «[...] un poème à forme fixe, présentant comme seules

variétés plusieurs combinaisons de rimes. Il se compose de quatorze vers distribués en deux

quatrains et un sizain, organisé lui-même en deux tercets. Dans la forme classique, les qua­

trains sont sur deux rimes embrasées (a b b a), les tercets présentant deux schémas possibles

(c c d e d e) ou (c c d e e d). »13

13. Gérard DESSONS, Introduction à l'analyse du Poème, Paris, Dunod,1996, p. 16.


L'angoisse de Paul Verlaine (1844-1896)

Nature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs


Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, des chants,


Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même œil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie


Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille


Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d'affreux naufrages appareille.

Figure 18

Dans L'angoisse de Paul Verlaine (Figure 18), la forme s'assouplit mais, toutefois, avec une

certaine complexité de lecture. Certes, la structure en deux quatrains et deux tercets persiste

toujours, mais le vers (phrase) s'est libéré de l'alexandrin. La ponctuation devient donc essen­

tielle à la bonne compréhension du sens, puisqu'une même idée n'est plus contenue à l'intérieur

d'un rythme métrique de douze syllabes, mais se poursuit dans le vers suivant, donnant lieu au

vers libéré. Le vers-libre est donc à cette époque une grande révolution. C'est plus précisément

à la fin du XIXe siècle que des poètes comme Rimbaud et Verlaine professent la rupture du prin­

cipe métrique de l'écriture et se destinent à la dissolution de l'alexandrin. Cette nouvelle concep­

tion de la forme poétique met un terme à une tradition qui persistait depuis Victor Hugo.
21

Mouvement d'Arthur Rimbaud (1854-1891)

Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,


Le gouffre à l'étambot,
La célérité de la rampe,
L'énorme passade du courant,
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.

Ce sont les conquérants du monde


Cherchant la fortune chimique personnelle;
Le sport et le confort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l'éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce vaisseau.
Repos et vertige
À la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d'étude.

Car de la causerie parmi les appareils, le sang, les fleurs, le feu, les bijoux,
Des comptes agités à ce bord fuyard,
- On voit, roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s'éclairant sans fin, - leur stock d'études;
Eux chassés dans l'extase harmonique,
Et l'héroïsme de la découverte.
Aux accidents atmosphériques les plus surprenants,
Un couple de jeunesse s'isole sur l'arche,
- Est-ce ancienne sauvagerie qu'on pardonne ? -
Et chante et se poste.

Figure 19

Toujours dans l'esprit du vers-libre, le poème Mouvement (Figure 19) poursuit, entre autres,

la métamorphose de la forme classique en quittant définitivement le sonnet et en omettant caté­

goriquement de marquer la cadence par l'alternance des rimes. À l'image de sa désinvolture,

Arthur Rimbaud ne fait plus de compromis avec la littérature, il impose sa plume. «À seize ans

ce bohémien a déjà fait deux fugues loin de Charleville. À l'épreuve de 1870 et de la Commune,

ses révoltes d'adolescent se font plus dures et l'exigence de changer la vie plus impérieuse. »14

14. Dominique RINCÉ et Bernard LECHERBONNIER, Littérature du XIXe siècle, Textes et documents, Paris, Nathan,
1986, p. 494.
Tl

Un coup de dés jamais n'abolira le hasard de Stéphane Mallarmé (1842-1898)

C'ÉTAIT LE NOMBRE
»W lltlluirr
EXISTÂT-IL
aulrvmt'nt qu'IiaHutf nation épanc d'agno*!e
COMMANÇÂT-IL ET CESSÂT-IL
MIUI ilaiii que nir cl ckM quaad apparu
enfla
par quelque profusion répandue en rareté
SE CHIFFRÂT-IL

évidence de la foraine pour pe* qu'uni


ILLUMINÂT-IL

CE SERAIT
* -—•--. Indiffén'iamenl naît aulanl
LE HASARD
Choit
la plume
rythmique suspens du sinistre
s'ensevelir
aux écumes originelles
naguères d'où sursauta son délire jusqu'à une cime
flétrie
par la neutralité identique du gouffre
Figure 20

À cette étape, le virage est décisif. Mallarmé (Figure 20) entame une autre distance avec

l'écriture manuscrite qui marque l'arrivée de l'imprimerie. Les blancs qui correspondaient jadis

à l'interlignage désobéissent soudainement aux règles et s'imposent en tant que dialogue avec

la surface imprimée. Le rythme n'est plus séquence par les rigoureuses coupures syllabiques

de l'alexandrin, mais par les blancs et les mots. La force de corps (la taille), l'inclinaison et

l'espacement de ces derniers sont désormais des codes du langage écrit. Par déclinaison, la

phrase fait aussi l'objet d'une discontinuité dans le discours. « La dimension visuelle du poème

allait s'imposer comme représentation de l'oralité du langage, figurant dans l'écriture le dyna­

misme de la parole. [...]Au cours du XIXe siècle, le blanc typographique est devenu un élément

fondamental de l'écriture du poème, une composante de son rythme. [...] le blanc n'est pas le

vide, il participe du langage, comme le silence [...] »15 II est à noter que les calligrammes de

Guillaume Apollinaire dont la mise en page artistique est notoire, se trouvent dans la même

tranche généalogique que ceux de Stéphane Mallarmé.

15. Gérard DESSONS, Introduction à l'analyse du Poème, Paris, Dunod,1996, p. 57.


23

Bilan de Tristan Tzara (1896-1963)

BILAN
rk-ewt, crustacée long bleu r(|lominl

itiau to pn/odïtf al touche ^J jrj / f (3

H* Matât /fl ffl/He paradis / \ H J \ O

Hâta sur les rails I travers hypocrisie ttuorti rttstmbkmti


m M M l <«' les dents J'écoule «tnlte bon* (et M
té MM BWt extraction de hamefone ou corridor Irlcolort)
haut * * M et /n Inifrii'i du vide (soude)
M mlm o/i réveille le nombril (tonde)
M b ftnfrtjkt et la seringue pour phoiphore

tMShtkt* an tir kntMm imutiMi tal»ilri4t

les chiffres astroniinipes acclimatisies


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lun «M* H U M r*#**UHI 1* H W M tfV Mil, M
f

syphilis blanchiuant sur las bina dei | l i « i n


joli TAMBOUR crépuscule
auto arts autopsie cataracte
0 nécrologuet prophylactiques des enlr'acles antarctiques n

tVnPal.;|

Figure 21

À l'instar de Mallarmé, Tristan Tzara, fondateur du mouvement Dada, poursuit l'idée que la

poésie n'est pas uniquement le fruit du langage métaphorique de l'esprit, mais peut également

puiser sa source créative à même le langage visuel de la surface imprimée. Dans la citation qui

suit, il décrit les étapes d'une méthode de collage de mots se rapprochant du jeu du cadavre

exquis, dont les règles arbitraires de la composition dominent sur l'entendement logique de la

pensée. Le poème Bilan (Figure 21) présente le rendu de l'application de cette méthode.

Pour faire un poème dadaïste. Prenez un journal. Prenez des ciseaux. Choisis­
sez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre
poème. Découpez l'article. Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui
forment cet article et mettez-les dans un sac. Agitez doucement. Sortez ensuite
chaque coupure l'une après l'autre. Copiez consciencieusement dans l'ordre où
elles ont quitté le sac. Le poème vous ressemblera. Et vous voilà un écrivain infini­
ment original et d'une sensibilité charmante, encore qu'incomprise du vulgaire.
Tristan Tzara16

16. Tristan TZARA, Bilan de Tzara, commentaire, (page consultée le 11 janvier 2007), [En ligne,
adresse URL: http://perso.univ-lyon2.fr/~edbreuil/Dada/Tzara/Bilan/Bilan.html].
24

Cris pour 5,000,000 de Juifs égorgés d'Isidore Isou (1925- )

- H2 -
CRIS PO'R 5 . U 0 O . 0 0 0 oe j u i r s ÉGORGÉS

Islder* IMU né an 1925


(AAUQUt)
0 ÎVA ÎGUt ÎNA f
(I) A * * ve ÎNNcauéTRANcauéM i *
J « * î rou Y » T

GuiOUFf OÙOÙ OUNSMIHg

(CRESCENOO JUSQU'AU MURLEUtNT)


IOUON VE IN IN SOUDN L O U D N KLEININ
S C H O U D N G U É I N I N FAIERE aurSN REININ
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IOUON IOUON S C H H I S N youoN M A Î N Î N
... (2)
GOUHT HOURT FEÎriOUTH
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(ZXP I RAT I O N rORT E )

AUSCM*ir z- SCMW i r z SCMWITZ


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JCMEN»AL0: (PRIt*C)
ÛOUHHJALOi CMEMA ISRAtLLE B A R O U H AOONAi
AOONOÔTÏÏT Aoor.oi: ISRAELLE KlOISCHANOU
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R A I N E - IILOE WAr*ENSGUERGUE
■VOI ZANI.ENNE FANNY UOTSCHE RACHCLLC
01 : ÇHHEMA ISRAC.LLE!
É L OuiNOU LAO!
CLOHENOU
EMAO!

(.GÉMISSEMENT, s'ÉTOUfTANlf VERS LA f U )


(2;

Figure 22

Finalement, Isidore Isou pousse l'expérience jusqu'aux confins de sa contemporanéité

en faisant éclater le mot au profit de la lettre (Figure 22). Cette désorganisation alphabétique

donne naissance à un univers à prédominance sonore. Les codes du langage sont bous­

culés. Seul autre signe encore persistant du mode de la communication écrite: la ponctua­

tion. L'incohérence tant du fond que de la forme est également inhérente à la mise en page,

puisque le sens de la lecture est confus.


25

Ce Cris pour 5,000,000 de Juifs égorgés marque la fin de ce bref survol historique et formel

du schéma de l'évolution spirituelle de la poésie [Figure 16], telle que proposée depuis la figure

16 jusqu'à la figure 22. Ce parcours important de ma démarche artistique a permis la mise en

contexte de mon travail en lien avec l'évolution graphique de la poésie. En prenant conscience

des étapes de la déconstruction de la poésie, j'ai mieux cerné l'origine de ses influences con­

temporaines. J'ai constaté que la structure du genre poétique littéraire s'était engagée dans

une minimisation de la forme écrite, alors qu'elle était au départ d'une complexité rythmique

et mathématique très stricte. Comme dans un besoin de réduire la pensée à sa plus simple

expression, la déconstruction lente de l'alexandrin vers un balbutiement syllabique s'est avérée

être l'aboutissement de cette évolution. La typoesie est donc, à mon sens, une suite logique

à cette démarche artisque, graphique et sémantique de la mise en espace du langage écrit.

En somme, de mon observation sur le dialogue esthétique entre la typographie et l'image a

émergé un intérêt pour développer le détournement du langage écrit en un langage visuel.


26

2.3 Déployer la typoésie

Bien que ma découverte de Jérôme Peignot et de son anthologie sur la typoésie se soient

faites après la création des mes œuvres, les approches par lesquelles mon travail d'atelier s'est

situé dans ladite typoésie sont multiples. Mon but, en déployant la typoésie, fut de dégager cer­

tains traits communs entre ma démarche artistique et celle de Jérôme Peignot. Pour ce faire, j'ai

résumé en quatre points les approches sur lesquelles repose mon processus de création des

personnages de Molière. Il y sera question de l'intervention du hasard, l'intégration d'un contenu

textuel, la mise en espace des blancs et l'insertion de motifs et de textures typographiques.

L'intervention du hasard

Après avoir étudié les costumes d'époque et le contexte socioculturel du XVIIe siècle, j'ai

instinctivement et directement dessiné à l'encre de Chine chaque silhouette de personnage

sur du papier blanc. Au hasard des taches qui ont imbibé aléatoirement la surface immaculée,

l'interprétation subjective de mes recherches historiques s'est transposée en personnages. La

figure 23 présente ma première étape de création : une esquisse à l'encre selon une approche

Figure 23 Figure 24
27

traditionnelle au pinceau du médium. La figure 24 présente, quant à elle, le rendu de cette même

silhouette mais une fois numérisée et détourée à l'aide du logiciel Photoshop. Le hasard fut donc

dans ma démarche un excellent mode de création qui m'a permis d'esquisser au-delà de 200

esquisses de personnage. Les taches provoquées jetèrent les assises du vocabulaire visuel et

poétique de mon projet de maîtrise. Cette étape fut ma première transposition en images des

mots dont Molière s'est servi pour décrire les personnages des Précieuses ridicules. Dans le

typoème Page 8 de Paul Rand (Figure 25), le hasard se manifeste également dans la transposi­

tion du chiffre 8 en lettre g. Un hasard dont le résultat est le fruit d'une recherche formelle, tout

comme je l'ai fait en étudiant les détails des costumes d'époque. Je ne considère donc pas le

hasard comme étant uniquement le résultat d'un geste fortuit, mais bien le rendu d'une recher­

che qui mène à un deuxième niveau de lecture, d'où sa valeur poétique.

I ^ige
Figure 25

L'intégration d'un contenu textuel

Dans un second temps, une fois les personnages campés dans leurs attitudes théâtrales,

j'ai vêtu ces derniers. Pour ce faire, je me suis servi de certaines répliques citées par les per­

sonnages dans la pièce. Leurs costumes sont donc en partie composés des mots que Molière

a utilisés pour donner vie aux personnages. Les caractères typographiques de ces répliques

sont ainsi devenus matière plastique au service de leurs tenues vestimentaires. Dans la figure

26, le discours de Magdelon est tissé à même l'étoffe de sa manche. Il est à la fois à l'image

de son caractère raffiné et prétexte aux fines dentelles de l'époque. Dans la figure 27, Cathos,
28

deuxième Précieuse de l'histoire, exprime à Gorgibus son exaltation pour les allures galantes

et les Billets-Doux. « En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le moyen

de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en galanterie ? Je m'en vais gager qu'ils

n'ont jamais vu la carte de Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et Jolis-

Vers sont des terres inconnues pour eux. [...] »17 Par souci d'explorer au maximum le détourne­

ment du langage écrit en un langage visuel, j'ai volontairement omis de conserver la lisibilité du

texte de Molière. Mon but en utilisant les répliques en tant que contenu textuel n'était pas de

reconstituer l'histoire mais bien d'en extraire un potentiel graphique et poétique.

Figure 26 Figure 27

Ce même esprit de libre intégration d'un texte à une forme se retrouve également dans le

travail de l'Allemand Reinhard Dôhl. Son typoème de la figure 28 propose le galbe d'une pomme

dont le contenu textuel réfère à la chair du fruit. Tout comme dans le cas de mes personnages, le

contenant et son contenu sont intimement liés sans que la lisibilité ne fasse obstacle au rendu.

17. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 51-52.


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Figure 28

La mise en espace des blancs

Considérant qu'entre les lettres, les mots et les phrases, l'existence des blancs est propice

à l'interprétation des émotions, et que la modification de ces silences typographiques amène une

charge poétique, j'ai usé de cette approche afin d'exprimer graphiquement le tempérament des

personnages. Cette transformation volontaire et contrôlée du contenu textuel permet un rendu

artistique. À titre d'exemple dans la figure 29, la scène finale où Gorgibus voit s'écrouler ses

espoirs de marier les Précieuses se prêtait parfaitement à ce jeu. Puisqu'il se présentait sous un

jour autoritaire au début de la pièce et rompu à la fin, j'ai accentué les blancs entre les mots du

début de sa réplique, afin de mettre en évidence la structure rigide de sa pensée, et j'ai lente­

ment décomposé ces espacements, reproduisant ainsi la tension dramatique des événements.

GORGIBUS, les battant. Oui, oui, je vous vais contenter, et voici la monnaie dont
je vous veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous en
fasse autant. Nous allons servir de fable et de risée à tout le monde, et voilà ce
que vous vous êtes attiré par vos extravagances. Allez vous cacher, vilaines; allez
vous cacher pour jamais. Et vous, qui êtes cause de leur folie, sottes billevesées,
pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons, sonnets et son­
nettes, puissiez-vous être à tous les diables!
Molière18

18. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 106-107.


30

Figure 29

Cette manipulation par la mise en valeur de la partie muette du texte donne à l'œuvre un

moyen d'expression poétique. Dans le typoème d'Eugen Gorimger (Figure 30), cette abstraction

de la forme écrite s'illustre aisément. Par la simple ablation d'un mot qui crée un trou dans une

organisation typographique très structurée, on sent prendre forme tout le sens de son message

et de la mise en espace du silence.

silencio silencio silencio


silencio silencio silencio
silencio silencio
silencio silencio silencio
silencio silencio silencio

Figure 30
31

L'insertion de motifs et de textures typographiques

De la même façon que j'ai sélectionné un extrait de texte pour illustrer chacun des person­

nages, j'ai choisi un extrait de tissu afin qu'il devienne un élément significatif du costume. Par

exemple dans la figure 31, j'ai numériquement intégré au galbe de Magdelon des tissus qui sont

devenus son chapeau, sa chemise et sa jupe. Ces matières textiles ont été minutieusement

détourées, proportionnées et colorées afin de faire corps avec sa silhouette. Cette sélection de

tissus est inspirée de ma recherche historique et culturelle sur le XVII e siècle. Dans un esprit

plus métaphorique, j'ai aussi décomposé les répliques des personnages afin d'organiser les

lettres en forme de motifs et de textures. La figure 32, Lilas, de Mary Ellen Soit, s'appuie sur

cette même organisation des lettres en motifs afin de créer la représentation schématisée d'une

fleur. Une fois de plus, la poésie s'inscrit dans la forme d'un métalangage visuel.

Figure 31 Figure 32

Déployer la typoésie, cerner des approches qui lient ma pratique à cette dernière fut donc

pour moi une occasion de découvrir d'autres artistes passés maîtres dans l'art du langage

visuel de la poésie. Cette expérience comparative m'a permis de briser l'isolement dans lequel

s'était enlisée ma pratique puisqu'elle ne répond ni aux critères de l'affiche, ni à ceux d'une

production réaliste de costumes.


32

3. L'essence des mots: la naissance d'un caractère

Lorsque j'ai choisi le mot caractère à l'intérieur du titre de mon mémoire, c'est parce qu'il

portait en lui deux champs d'interprétation auxquels je m'intéresse particulièrement: le carac­

tère typographique et le caractère psychologique. Ces deux angles de lecture, que j'expliquerai

subséquemment, sont les fondements mêmes de ma pratique puisque c'est à partir d'eux que

j'ai créé mes personnages. De plus, en approfondissant ma recherche étymologique du mot

caractère, un troisième sens clé s'est distingué. D'après la langue anglaise, le mot caractère

est la traduction de characters dont l'essence se rapporte au nom personnages. Ainsi, tout le

propos de ce projet de maîtrise est contenu à l'intérieur d'un seul mot: caractère.

Le caractère typographique

Sa définition concerne directement l'univers du symbole, du signe et de la lettre. Les

variations de ses compositions s'expriment principalement par l'intermédiaire de l'écriture et du

design graphique. En lien direct avec ma formation de graphiste, les caractères typographiques

sont devenus une part du contenu de mon projet de maîtrise, ainsi que ma matière de prédilec­

tion quant à mon interprétation des personnages de Molière.

Le caractère psychologique

En scénographie, avant même de dessiner quelque costume que ce soit, il est essentiel

de découvrir la nature des personnages, l'état d'âme dont ils sont vêtus. En d'autres mots, il ne

suffit pas de concevoir une enveloppe corporelle, mais encore faut-il connaître la personnalité

qui l'habite. Le caractère psychologique d'un personnage théâtral se décrit donc comme suit:

Des attributs moraux ou psychiques peuvent être conférés au personnage de théâtre


de manière organisée et systématique. C'est le cas dans la comédie (—► Comédie)
dite de caractère - commedia dell'arte, «nouvelle comédie» grecque, comédie
latine, comédie du XVIIe siècle [...], ou théâtre de boulevard - mais aussi de certains
drames (—► Drame) du XVI e et du XVIIe siècles, tels que Hamlet de Shakespeare. »
P. Charvet19
19. Pascal CHARVET, et autres, Pour pratiquer les textes de théâtre, 5« édition, Bruxelles : DeBoeck ; Paris : Duculot,
1992, p. 94.
33

3.1 Le caractère typographique

À l'image du classicisme français, le caractère typographique le Romain du Roi (Figure 33)

fut créé au XVIIe siècle par Philippe Granjean. Destiné uniquement au service de l'Imprimerie

royale, celui-ci fut aux yeux de tous, tant prolétaires que monarques avoisinants, l'emblème

même de la vision fastueuse de Sa majesté Louis XIV. Encore aujourd'hui, à la lecture de ses

pleins et déliés (les variations d'épaisseur de la lettre), de sa rigoureuse architecture et de sa

stature imposante, on peut y lire non seulement «[...] une correspondance de style entre un

caractère et un texte [...]»20 mais une corrélation entre un homme et son pouvoir. Ainsi, les

caractères typographiques ont une histoire, un auteur et un récit qui leur sont propres. Les

pages qui suivent en font état, et sont en lien avec les polices de caractères que j'ai choisies

pour chacun des personnages.

ABCDEFGHIJKLM
NOPQRSTUVWXYZ
abcdefghijklm
nopqrstuvwxyz
Figure 33 Figure 34

Lors de ma conception des personnages de Gorgibus, Magdelon, Cathos, Mascarille et Jode-

let, j'ai déterminé trois polices de caractères dont l'expression du dessin correspondait à celle de

leur tempérament. Ainsi, pour les faux aristocrates Mascarille et Jodelet, mon choix s'est arrêté

sur la fonte Ann's Bijous (Figures 37 et 38). Pour les deux filles, Magdelon et Cathos, la fonte Not-

Caslon (Figures 35 et 36). Et pour Gorgibus le père, la fonte Adobe Casion Régulier (Figure 34).

William Casion, Britannique d'origine, était graveurde caractères. Auteurdecette fonte à laquelle il

légua son nom, l'importance de son œuvre est historique. Aux États-Unis à la fin du XVIIIe siè-

20. Damien GAUTIER, Typographie, guide pratique, 2" édition, Paris, Pyramyd, 2001, p. 5.
34

de, le Casion, dont les techniques d'impression dépendaient des outillages britanniques, était

la fonte chérie des imprimeurs coloniaux. Lorsqu'arriva, en ces temps de guerre, la rédaction

de la Déclaration d'indépendance des États-Unis, la toute première version imprimée qui suivit

l'original manuscrit le fut en Casion. Ce caractère, pour le moins traditionnel, marqua donc son

entrée dans le siècle des lumières, succédant à celui du Roi Soleil.

'fac^^î/zcytwjcfz.
Figure 35 Figure 36

Par opposition au Casion, Cathos et Magdelon ont été créées sous la griffe du NotCasIon

(Figures 35 et 36). Cette police typographique est l'œuvre de Mark Andresen, de la réputée

fonderie Emigré. Illustrateur américain du XXI e siècle, Mark Andresen s'est inspiré de l'opulence

des festivités du Mardi Gras de la Louisianne en Nouvelle-Orléans. À l'image de l'architecture du

célèbre quartier français des XVIIIe et XIXe siècles, la fonte NotCasIon exprime l'effervescence

et l'incroyable faste de l'événement. « It was meant as a joke, really, but I became serious about

finishing it as I started to enjoy the odd gracefulness of it. It réels like drunken sailors on shore

leave - the Black Sheep of the Casion Family. »21 Une grâce étrange écrit-il, ce qui n'est pas

sans rappeler l'objet de la préciosité du XVII e siècle et son prestige douteux. Techniquement, la

fonte NotCasIon est le fruit d'un collage spontané de matrices fragmentées de la fonte Casion

Swash Italie, autre cousine proche de la famille typographique du Casion. L'esprit de mouton

noir dans lequel Mark Andresen a conçu cette police correspondait parfaitement au tempéra­

ment rebelle des Précieuses.

21. Mark ANDRESEN, Emigré Fonts, (page consultée le 22 octobre 2006), [En ligne, adresse URL: http://www.emigre.com/
Bios.php?d=23]. Traduction libre de l'auteure: «Ce travail était une plaisanterie, mais la grâce étrange qui s'en dégageait
m'a convaincu de le terminer. Ce caractère chancelle comme un marin saoul, il est le mouton noir de la famille Casion. »
35

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Figure 37

se
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Figure 38

Puis, enfin, la fonte Ann's Bijous (Figures 37 et 38) pour les deux valets costumés sous

de fausses apparences en aristocrates. Moins nobles qu'il n'y paraît, ces personnages sont

des imposteurs. Ann Stretton est la conceptrice de la police Ann's Bijous et voue une pas­

sion boulimique aux motifs ornementaux. Pour cette travailleuse autonome de notre époque,

l'éventail de ses créations visuelles passe de la conception de sites web, de bijoux, d'affiches

et menus objets (cartes de souhaits, gaminets, tasses...), à celle de polices de caractères. Elle

est l'auteure de près de 50 fontes Dingbat. Par définition, un caractère Dingbat est un alpha­

bet dissimulé derrière des images de type iconographique ou illustratif. Ainsi, chaque dessin

ornemental cache un signe typographique du clavier numérique. Les lettres, les chiffres et les

ponctuations deviennent alors illisibles, d'où l'imposture des messages qui sont encryptés aux

yeux des lecteurs dupés. La souche étymologique du mot Dingbat tirerait ses racines du jargon

populaire anglophone, désignant un comportement irrationnel. La famille des Dingbats est très

vaste puisque beaucoup d'adeptes, tant profanes que connaisseurs en matière de typographie,

en enrichissent le contenu.
36

Bien que cette catégorie de caractères soit typiquement contemporaine, un certain rap­

prochement formel avec l'œuvre de l'un des plus importants typographes du XVIIIe siècle,

Pierre-Simon Founier, dit Fournier le jeune, est inévitable. Fournier le jeune, tout comme Wil­

liam Caslon, vécut sous les lumières de son siècle, soit de 1712 à 1760. Il fut d'ailleurs l'élève

de Caslon à l'Académie de Saint-Luc, à Paris. Son art de fondeur de caractères d'imprimerie

hérita de tout le raffinement et l'élégance française de cette époque. C'est à lui que l'on doit

notamment l'introduction de la note musicale ronde telle que nous la connaissons aujourd'hui

et qui était autrefois carrée, et la publication de plusieurs ouvrages de référence tant sur la

technique que sur l'histoire de la fonderie et l'alignement des hauteurs de majuscules avec le

jambage supérieur des minuscules. Le lien artistique auquel je fais référence, entre les carac­

tères Dingbats et Fournier le jeune, réside essentiellement dans l'engouement de ce dernier

pour les motifs floraux et ornementaux (Figure 39) dont la représentation s'apparente à l'esprit

des fontes Dingbat d'Ann Stretton.

Figure 39

L'approfindissement de ma recherche sur l'histoire de la typographie m'a permis de créer

des liens existant entre la pièce de Molière, son siècle et notre ère; entre les personnages

fictifs de la pièce, des personnalités historiques marquantes et des designers graphiques d'au­

jourd'hui. En dépit du fait que plusieurs centaines d'années se soient écoulées depuis la créa­

tion des Précieuses ridicules, l'esthétique ornemental du style baroque du XVII e siècle demeure

encore très actuel en typographie.


37

3.2 Le caractère psychologique

Tout comme les individus que nous sommes et que nous côtoyons quotidiennement, les

personnages de théâtre possèdent eux aussi leur personnalité intime. Qu'ils soient bourreaux

ou victimes, maîtres ou valets, crapules ou justiciers, ils partagent avec les spectateurs des

situations où la tragédie et la comédie les confrontent aux méandres du destin. Au-delà du

dénouement de leur récit, leur caractère psychologique influence le jeu des comédiens qui les

incarneront, ainsi que la conception scénographique des lieux et des costumes. Afin de bien

cerner les intentions de Molière quant à la nature des personnages, prospecter et analyser cha­

cune de leurs entités fut essentiel à ma démarche. Voici d'abord un court résumé de la pièce.

Résumé de la pièce Les Précieuses ridicules de Molière

Cette comédie de Molière débute au moment où La Grange et Du Croisy, prétendants

choisis par Gorgibus pour épouser les Précieuses, quittent furieux les lieux de la rencontre. Ces

derniers, vexés d avoir été jugés d après leur apparence quotidienne, décident de se venger et

d envoyer chez les deux pecques leurs valets prétentieux, Mascarille et Jodelet, qui se feront

passer pour Marquis et Vicomte richement vêtus. Cathos et Magdelon, n y voyant que du feu, se

laissent inconditionnellement berner par leurs discours séduisants, brodés de mensonges éhon-

tés. La farce atteint son apogée lorsque les gendarmes, envoyés par La Grange et Du Croisy,

investissent la demeure de Gorgibus et mettent à nu les deux larrons à leur tour dupés, et ce,

sous les regards consternés du maître de la maison et de ses deux protégées. Cette pièce porte

à réfléchir sur la prétention et la naïveté des gens qui associent aux apparences une valeur et un

rang social.

Magdelon

Jeune femme en âge de se marier, Magdelon est la fille de Gorgibus et la cousine de

Cathos. Cette protagoniste, l'une des Précieuses de la pièce, aspire aux prétendants telle une

22. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 48.


38

fleur aux abeilles. Coquette et vaniteuse jusqu'à se «graisser le museau» 22 de pommades

inlassablement, cette romantique se rebaptise même d'après l'héroïne d'un roman. D'un tem­

pérament oisif à l'esprit insoumis, Magdelon n'hésite pas à désavouer les propos de son père

lors d'une tirade avec ce dernier sur les vertus du mariage. Autoritaire et condescendante

envers Marotte, sa servante ingénue, elle lui dicte l'usage du langage précieux en se moquant

de son éducation élémentaire. Fraîchement débarquée à Paris, émigrant de sa campagne

natale, elle finira avec Cathos, toutes deux jetées aux confins du ridicule par excès de raffine­

ment et de bonnes manières.

Cathos

Deuxième protagoniste de l'histoire, Cathos est la nièce de Gorgibus dont, on ne sait

pourquoi, il est également le tuteur. Tout comme le caractère italique est la copie inclinée du

caractère romain (caractère dont le dessin est droit), Cathos est sans contredit le prolonge­

ment de Magdelon. Dans son inclination aveugle et loyale pour les propos de sa cousine, elle

en caricature sottement les mondanités et la prétention. D'un tempérament snob et vaniteux,

jamais elle ne verra la flagrante grossièreté du piège tendu par les deux valets. Tandis que son

cœur bat pour celui de Jodelet, celui de Magdelon s'émeut devant les charmes de Mascarille.

Cathos étant la version lourdaude de sa cousine, elle ne pourra éviter la rupture de ses espoirs

sous le poids accablant de sa bêtise.

Gorgibus

Père et oncle des deux Précieuses, Gorgibus est un homme de tête aux valeurs tradition­

nelles. En emménageant dans la Ville lumière, son plan est incontestable: marier à de bons

partis ses jeunes protégées, dont la charge financière lui pèse. Il n'a «que faire ni d'air ni de

chanson» 23 de leurs balivernes idylliques. Dans sa détermination d'imposer obstinément sa

vision du mariage, ce bourgeois sous-estime malheureusement l'opiniâtreté de Magdelon dont

il est lui-même le modèle. Sa fierté sera rudement mise à l'épreuve alors que les deux pré-

23. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 49.


39

tendants qu'il avait choisis, capricieusement rejetés, seront vengés en déguisant leurs valets

sous de faux atours. Également victime d'une sévère désillusion, Gorgibus n'aura d'autre

choix que de ravaler son orgueil en vouant ses filles au couvent afin d'éviter d'être la moquerie

du tout Paris.

Le Marquis de Mascarille

Premier imposteur travesti en faux noble à se présenter chez les Précieuses, Mascarille

est valet de profession. Ses antécédents de beau parleur et de pédant trouveront grâce aux

yeux des demoiselles mais vengeance à ceux des maîtres: La Grange et Du Croisy. Dans

un pacte avec ces derniers, Mascarille (valet de La Grange) et Jodelet (second imposteur et

valet de Du Croisy) souligneront l'épaisse naïveté de leurs prétendantes en les éblouissants

de belles paroles, toutes plus fausses les unes que les autres. Bien que grossier dans son

nouveau rôle de bourgeois, le Marquis de Mascarille demeure parfaitement crédible aux yeux

de Magdelon, à laquelle il se dévoue et s'identifie plus particulièrement. Jamais, hormis au

dénouement de la pièce, cette dernière n'arrivera à traduire l'arnaque dont elle sera victime.

Si l'habit ne fait pas le moine, Mascarille en est l'incarnation fieffée. Mais il le fait avec tant de

style et d'élégance, de galans «petits noeuds de ruban» 24 et de canons «volants de lingerie

très fournis» 25 , qu'aucune des princesses n'arrivera à lire la fausse identité de ses propos.

D'après le registre de la comedia d'ell arte, il s'apparente à Scaramouche ou Pantalon.

Le Vicomte de Jodelet

Second faussaire et comparse de Mascarille, le Vicomte de Jodelet est une machination

de son maître Du Croisy. Sous sa fausse apparence de valeureux soldat, Jodelet soutient le

rôle de Mascarille tout comme Cathos soutient celui de Magdelon. Au XVII e siècle, dans la

farce traditionnelle, Jodelet est l'enfariné de service. Charmeur et orateur de discours fraudu­

leux, il pavanera devant Cathos à qui il jettera poudre aux yeux sans vergogne. Ses appari­

tions sont succinctes mais toujours savoureuses.

24. François BOUCHER, Histoire du costume en Occident de l'antiquité à nos jours, Paris, Flammarion, 1965, p. 433.
25. lbid.,o. 427.
40

Jodelet était bien le dernier, valet de comédie, pitre de foire, insatiable goulu et
fieffé poltron, célèbre par son nez de blaireau, ses longues moustaches, sa barbe
noire, son ton nasillard. Avec l'aide de Scarron, il avait réussi à créer un type qui
devait quelque chose au zani italien mais plus encore au gracioso espagnol. Il était
par-dessus tout un fariné à la gauloise, comme Gros Guillaume, enraciné dans le
terroir médiéval.
Alfred Simon 26

Les caractères psychologiques fourmillent de qualificatifs qui font des personnages dra­

matiques des êtres vivants pourvus d'une âme. Découvrir leur nature émotionnelle attise autant

notre aversion que notre sympathie. Cela nous permet de leur prêter vie et de leur donner une

forme, un visage, une couleur et un espace. Sans curiosité pour leur essence existentielle, il

m'aurait été impossible de cerner l'étoffe dont ils sont faits.

26. Alfred SIMON, Molière, une vie, Lyon, La Manufacture, 1987, p. 144.
41

3.3 Le caractère typoetique

Après avoir mis en contexte les caractères typographiques que j'ai attribués aux person­

nages ainsi que leurs caractères psychologiques, l'exploration du caractère typoetique a provo­

qué la rencontre de ces deux univers. En fait, j'entends par caractère typoetique la juxtaposition

des caractères typographiques et psychologiques qui a eu pour effet de les unir. Le caractère

typoetique est l'ensemble des liens formels, historiques et culturels qui valident les raisons pour

lesquelles j'ai attribué telle typographie à tel personnage. Ils sont les fils qui lient mes choix artis­

tiques à ma pratique et qui ont tissé la trame poétique des personnages.

Figure 40 Figure 41

NotCasIon pour Magdelon et Cathos

À l'instar des deux Précieuses Magdelon (Figure 40) et Cathos (Figure 41), la police Not-

CasIon (Figures 35 et 36) se déploie avec élégance et raffinement. Le dessin de cette fonte

arbore deux galbes - NotCasIon Two pour Magdelon et NotCasIon One pour Cathos - aux

allures très féminines dont l'un semble être la réplique de l'autre. Cette parenté visuelle me
42

permettait non seulement d'exprimer le lien parental unissant les deux jeunes filles mais égale­

ment de confirmer la complicité de leur conduite superficielle. De plus, le nom NotCasIon faisant

directement contraste avec celui du caractère Casion attribué au père, cela me permettait de

confronter les valeurs libertines aux valeurs traditionnelles, le présent au passé et la jeunesse à

l'expérience. Comme le NotCasIon et le Casion appartiennent à deux générations de typogra­

phes, leurs divergences artistiques sont historiquement incontestables. Les fractures des con­

tours de la police NotCasIon, inspirées des matrices brisées du Casion Swash Italie, renforcent

l'idée d'effondrement dramatique des deux protagonistes. Ces pecques de campagne fraîche­

ment emménagées à Paris ne pouvaient trouver meilleure métaphore que le nom de la fonderie

Emigré (diffuseur de la fonte NotCasIon) pour imager leur pérégrination de la campagne vers la

grande ville. _ , , . .
Il n en faut point douter, us
elles sont achevées1.

je n'entends rien a toute*


cci baliverne*; je veux
être maître absolu; j
et pour trancher toute*
sorte* de diKour», ou
vou» «crez mariées
toutes deux avant
qu'il soit peu,
ou, ma foi ! vou*
serez religieuse* :

j'en fait
bon serment

Figure 42

Casion pour Gorgibus

Le caractère typoétique de Gorgibus (Figure 42) est marqué de l'affrontement avec ses

protégées aux idées volages. De la même façon que William Casion faisait figure des valeurs

ancestrales britanniques au sein des nouvelles colonies américaines, la fonte Adobe Casion
43

Régulier (Figure 34) est imprégnée de références traditionnelles. Sa droiture et sa rectitude en

font un caractère franc, net et direct. La légende populaire veut d'ailleurs qu'il fut dit à l'égard

de ceux qui tiennent à être clairement entendus : « When in doubt, set it in Casion. »27 Pour ce

père qui devra, malgré lui, subir l'affront de la duperie en constatant l'écroulement de son plan

matrimonial, Gorgibus est l'incarnation à petite échelle de l'autoritaire Louis XIV. En ce sens,

l'esprit rationnel et méthodique de la police Casion met en valeur sa détermination.

Figure 43 Figure 44

Anna's Bijous pour Mascarille etJodelet

Ce qui m'a poussée à choisir des caractères Dingbats pour Mascarille et Jodelet (Figures

43 et 44) est le fait qu'ils sont tous deux illisibles aux yeux de leurs prétendantes. Leur impos­

ture, bien que grossière, est si parfaite sous les regards en pâmoison des Précieuses, qu'elles

n'arriveront jamais à les traduire pour ce qu'ils sont en réalité, soit de simples valets. Ma pré-

27. Jadette LALIBERTÉ, Formes typographiques: histoire, anatomie, classification, Saint-Nicolas, Presses de l'Université
Laval, 2004, p. 18. Traduction libre de l'auteure: « Dans le doute, écrivez-le en Casion. »
44

férence s'est portée vers Anna's Bijous Hearts (Figure 37), une typographie en forme de cœurs

pour Mascarille, car il ne cesse de débiter de frauduleuses sérénades amoureuses. Jodelet,

quant à lui, qui se targue de ses aventures épiques à la guerre, méritait bien le caractère Anna's

Bijous Tricyclops (Figure 38) dont la forme parodie celle des médailles de bravoure des vété­

rans. Leurs répliques ont donc été encryptées sous forme de codes iconographiques correspon­

dant ainsi aux apparences mensongères qu'ils ont projetées d'eux-mêmes.

Ainsi, la création du caractère typoétique témoigne de la convergance existant entre les

caractères typographique et psychologique des personnages. Cette démarche m'aura permis

d'approfondir ma perception des personnages d'un point de vue esthétique et psychique. Les

liens que j'ai réussi à établir entre ces deux approches furent mes dernières étapes de recher­

che théorique avant ma lancée dans la réalisation matérielles des œuvres.


4!)

4. Le fin mot: les œuvres

Ce dernier chapitre de mon texte d'accompagnement est consacré à la présentation indivi­

duelle de tous les personnages que j'ai créés. Ce fin mot donne une vision d'ensemble de mon

œuvre. Les pages qui suivent contiennent toutes les interprétations que j'ai faites des person­

nages de Magdelon (4.1, 4.1a, 4.1b, 4.1c), Cathos (4.2, 4.2a, 4.2b, 4.2c), Gorgibus (4.3, 4.3a,

4.3b), le Marquis de Mascarille (4.4, 4.4a, 4.4b,) et le Vicomte de Jodelet (4.5, 4.5a, 4.5b), ainsi

que les répliques de la pièce dont je me suis inspirée. Choisir de créer cinq des neuf person­

nages principaux, et ce, en plusieurs versions - considérant les contraintes de temps inhérentes

à ce projet de maîtrise - m'a permis de répondre à deux objectifs personnels : d'une part, le

plaisir d'illustrer ces derniers dans plus d'une scène de la pièce, de l'autre, celui d'explorer avec

plus de profondeur les différents caractères d'un même personnage. La sélection des répliques

du texte, attribuées à chacun d'eux, s'est faite parfois de façon très spontannée alors qu'à

d'autres moments, certaines de ces répliques se sont imposées d'elles-mêmes. À vrai dire, je

me suis laissée inspirer par la teneur des propos, leur humour percutant et leurs réparties sa­

voureuses. Ces extraits ce sont imposés de soi car ils ont fait écho aux personnages, d'emblée

ils ont attiré mon attention en m'évoquant leur nature profonde.

Subséquemment à la présentation des personnages, suivent les photographies de la mise

en espace des œuvres qui ont été dévoilées au public dans la Salle d'exposition du pavillon

Alphonse-Desjardins de l'Université Laval (4.6), du 21 mai au 1 er juin 2007. Un mémoire de

maîtrise étant composé d'une exposition et de son texte d'accompagnement, il s'est avéré

indispensable d'allouer à ce denier un espace attestant du passage éphémère de l'œuvre dans

le temps, d'y laisser une trace dans la mémoire collective.


46

4.1 Le p e r s o n n a g e de Magdelon
Exploration du costume d'époque (du corsage et des noeuds en papillon),
par la répétition de la lettre.

Scène 4 : MAGDELON. « Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes etonnements,
c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on jamais parlé dans le beau
style de Cathos ni de Magdelon? et ne m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces
noms pour décrier le plus beau roman du monde?» 28

28. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 52-53.


47

4 . 1 a Le p e r s o n n a g e d e Magd&lon
Exploration du costume d'époque (d'une texture de dentelle),
par l'intégration du paragraphe.

Scène 4 : MAGDELON. « Mon père, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien que moi, que le
mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut qu'un amant, pour être agré­
able, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, le tendre et le passionné, et que
sa recherche soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la promenade, ou
dans quelque cérémonie publique, la personne dont il devient amoureux; ou bien être conduit
fatalement, chez elle par un parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il cache
un temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend plusieurs visites, où l'on ne manque
jamais de mettre sur le tapis une question galante qui exerce les esprits de l'assemblée. Le jour
de la déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de quelque jardin, tandis
que la compagnie s'est un peu éloignée; et cette déclaration est suivie d'un prompt courroux,
qui paraît à notre rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre présence. Ensuite il
trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer insensiblement au discours de sa passion,
et de tirer de nous cet aveu qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux
qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, les persécutions des pères, les jalousies
conçues sur de fausses apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui
s'ensuit. Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières et ce sont des règles
dont, en bonne galanterie, on ne saurait se dispenser. Mais en venir de but en blanc à l'union
conjugale, ne faire l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le roman
par la queue! encore un coup, mon père, il ne se peut rien de plus marchand que ce procédé;
et j'ai mal au cœur de la seule vision que cela me fait. » 29

29. MOLIÈRE, (1998), op. cit., 1998, p. 49-51.


48

4.1b Le personnage de Magdelon


Exploration du costume d'époque, des motifs et des textures typographiques.

Scène 4 : MAGDELON. «Mon père, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien que moi, que
le mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut qu'un amant, pour être
agréable, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux, le tendre et le passionné, et que
sa recherche soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la promenade, ou
dans quelque cérémonie publique, la personne dont il devient amoureux; ou bien être conduit
fatalement, chez elle par un parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il cache
un temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend plusieurs visites, où l'on ne manque
jamais de mettre sur le tapis une question galante qui exerce les esprits de l'assemblée. Le jour
de la déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de quelque jardin, tandis
que la compagnie s'est un peu éloignée ; et cette déclaration est suivie d'un prompt courroux, qui
paraît à notre rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre présence. Ensuite il trouve
moyen de nous apaiser, de nous accoutumer insensiblement au discours de sa passion, et de
tirer de nous cet aveu qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux qui se
jettent à la traverse d'une inclination établie, les persécutions des pères, les jalousies conçues
sur de fausses apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui s'ensuit. Voi­
là comme les choses se traitent dans les belles manières et ce sont des règles dont, en bonne
galanterie, on ne saurait se dispenser. Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, ne faire
l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le roman par la queue! encore
un coup, mon père, il ne se peut rien de plus marchand que ce procédé; et j'ai mal au cœur de
la seule vision que cela me fait. »30

30. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 49-51.


49

4.1c Le personnage de Magdelon


Exploration du mouvement par l'orientation du texte et la décomposition des lettres.

Scène 4 : MAGDELON. «Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me
fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu vous faire apprendre le bel air
des choses. »31

31. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 49.


!,()

4 . 2 Le p e r s o n n a g e de Cathos
Exploration des contraintes imposées par la forme de la silhouette
afin d'intégrer une expression en tant que motif.

Scène 4 : CATHOS. « En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le moyen
de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en galanterie? Je m'en vais gager qu'ils
n'ont jamais vu la carte de Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et Jolis-
Vers sont des terres inconnues pour eux. Ne voyez-vous pas que toute leur personne marque
cela, et qu'ils n'ont point cet air qui donne d'abord bonne opinion des gens? Venir en visite
amoureuse avec une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête irrégulière en
cheveux, et un habit qui souffre une indigence de rubans!... mon Dieu, quels amants sont-ce
là ! Quelle frugalité d'ajustement et quelle sécheresse de conversation ! On n'y dure point, on n'y
tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats ne sont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en
faut plus d'un grand demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soient assez larges. »32

32. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 51-52.


51

4.2a Le personnage de Cathos


Exploration des contraintes imposées par la contreforme de la silhouette
afin d'intégrer le contenu texte aux motifs.

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Scène 4: CATHOS. «Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit furieusement
à entendre prononcer ces mots-là; et le nom de Polixene que ma cousine a choisi, et celui
d'Aminte que je me suis donné, ont une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord. »33

33. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 53.


52

4 . 2 b Le p e r s o n n a g e d e Cathos
Exploration de la fusion entre un personnage et les attributs graphiques de sa
réplique en intégrant un paragraphe avec teminaison en drapeau et un mot
en tant que motif.

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Cn -tiz/nf
'«Ai-, $ ton/Cl
i//vf9>Cd fdlMfu 'àk//u('M'Ll Soi
<flj .far;//

Scène 14: CATHOS. «Quoi! vous laisser battre de la sorte!» 34

34. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 100.


53

4.2c Le personnage de Cathos


Exploration de la phrase en arabesque en lien avec le discours volubile
des deux Précieuses.

SCÈNE 5 : CATHOS. « Mon Dieu ! ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière !
que son intelligence est épaisse et qu'il fait sombre dans son âme!

MAGDELON. Que veux-tu, ma chère? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine à me per­
suader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois que quelque aventure, un jour, me
viendra développer une naissance plus illustre.

CATHOS. Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et pour moi, quand je
me regarde aussi... »35

35. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 59.


54

4.3 Le personnage de Corgîbus


Exploration des blancs typographiques par la déconstruction du discours.

Scène 17: GORGIBUS, les battant. «Oui, oui, je vous vais contenter, et voici la monnaie dont
je vous veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous en fasse autant.
Nous allons servir de fable et de risée à tout le monde, et voilà ce que vous vous êtes attiré par
vos extravagances. Allez vous cacher, vilaines ; allez vous cacher pour jamais. Et vous, qui êtes
cause de leur folie, sottes billevesées, pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers,
chansons, sonnets et sonnettes, puissiez-vous être à tous les diables! »36

36. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 106.


55

4.3a Le personnage de Gorgibus


Exploration de la mise en abîme du mot afin de transformer le langage écrit
en langage typoétique.

Scène 4 : GORGIBUS. « Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est une
chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de débuter par là. »37

37. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 49.


56

4 . 3 b Le p e r s o n n a g e d e Gorgibus
Exploration du caractère rigide et Spartiate du père par l'évocation de la grille
de mise en page.

Il n'en faut point douter, us


elles sont achevées1.

je n'entends rien à toutes


ces balivernes ; je veux A
être maître absolu ; £
et pour trancher toutes
sortes de discours, ou
vous serez mariées
toutes deux avant
qu'il soit peu,
ou, ma foi ! vous
1 1 n'en faut point
serez religieuses : douter, eues «ont

j'en fais un achevée*1. (Haut.) Encore

un coup, je n'entends rien


bon serment. à toute! cci baliverne* ;

je veux Être maître absolu ;

et pour trancher toute*

sorte* de discours, ou

vous serei mariées toutes

deux avant qu'il soit peu,

ou, ma foi E vous serez

religieuses : j'en fais un

IH.H S

Scène 4 : GORGIBUS à part. « Il n'en faut point douter, elles sont achevées. (Haut.) Encore un
coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes; je veux être maître absolu; et pour trancher
toutes sortes de discours, ou vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi!
vous serez religieuses: j'en fais un bon serment. »38

38. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 54.


57

4.4 Le personnage du Marquis de Masquarille


Exploration du personnage de Pantalon de la comédia d'ell arte auquel est associé
celui de Mascarille et son discours amoureux (d'où la couleur rouge du costume
et le masque au nez profilé).

Scène 9: MASCARILLE. «Quelque vol de mon cœur, quelque assassinat de ma franchise. Je


vois ici des yeux qui ont la mine d'être de fort mauvais garçons, de faire insulte aux libertés, et
de traiter une âme de Turc à More. Comment diable, d'abord qu'on les approche, ils se mettent
sur leur garde meurtrière ? Ah ! par ma foi, je m'en défie, et je m'en vais gagner au pieds, ou je
veux caution bourgeoise qu'ils ne me feront point de mal. »39

39. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 69.


58

4.4a Le personnage du Marquis de Masquarills


Exploration de l'attitude pédante de Mascarille dont l'impressionnant chapeau
à plumes est composé de caractères Dingbats fragmentés et surdimensionnés.

Scène 9: MASCARILLE. « Il est vrai qu'il est honteux de n'avoir pas des premiers tout ce qui
se fait; mais ne vous mettez pas en peine: je veux établir chez vous une Académie de beaux
esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas un bout de vers dans Paris que vous ne sachiez
par cœur avant tous les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m'en escrime un peu quand
je veux; et vous verrez courir de ma façon, dans les belles ruelles de Paris, deux cents chan­
sons, autant de sonnets, quatre cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter
les énigmes et les portraits. »40

40. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 72-74.


59

4 . 4 b Le p e r s o n n a g e du Marquis de Masquarille
Exploration de l'élégance et de la richesse des textiles de l'époque par la surchage
et le débordement typographique.

Scène 9: MASCARILLE. «Belle demande! Aux grands comédiens. Il n'y a qu'eux qui soient
capables de faire valoir les choses; les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on
parle; ils ne savent pas faire ronfler les vers, et s'arrêter au bel endroit: et le moyen de con­
naître où est le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par là qu'il faut faire
le brouhaha?» 41

41. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 79-80.


4.5 Le personnage du Vicomte de Jodelet
Exploration de la bravoure par la mise en page du texte disposé en auréole.

Scène 11 : JODELET, découvrant sa poitrine. « Voici un autre coup qui me perça de part en
à l'attaque de Gravelines. »42

42. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 91.


(il

4 . 5 a Le p e r s o n n a g e du Vicomte de Jodelet
Exploration de la supercherie par la présence d'un faux motif d'époque,
créé de toute pièce, dont le contenu texte devient le support.

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Scène 14: JODELET. «C'est une gageure. »43

43. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 100.


62

4.5b Le personnage du Vicomte de Jodelet


Exploration de la destruction du caractère typographique et du motif,
en tant que représentation de l'esprit guerrier.

Scène 11 : JODELET. « La guerre est une belle chose; mais, ma foi, la cour récompense bien
mal aujourd'hui les gens de service comme nous. »44
44. MOLIÈRE, (1998), op. cit., p. 90.
63

4.6 Mise en espace des œuvres lors de l'exposition

Les photographies qui suivent sont un témoignage visuel du lieu d'exposition. Telle une

visite guidée, elles attestent de la mise en espace, de la mise en lumière et du design de

présentation des œuvres. Les bas de vignettes explicatives complètent la documentation sur

l'événement. La scénographie du parcours invite le spectateur à s'approprier les lieux sur toute

sa superficie. Au fur et à mesure de la visite, l'œuvre se dévoile en deux temps à l'instar d'un

passage de la scène vers la coulisse ou celui du recto vers le verso d'un imprimé. D'abord, le

spectateur est accueilli avec les impressions en noir et blanc de très grands formats, puis, il est

invité à découvrir les impressions en couleur de 24 po par 36 po à l'endos des premières. Les

impressions numériques sont disposées au centre de la salle alors que deux murs sont réservés

à la présentation de mon processus de création. Quatre panneaux résument textuellement

l'essentiel de ma démarche artistique tandis qu'une mosaïque de silhouettes à l'encre de Chine

résume visuellement une partie du travail de recherche accompli. J'ai conçu cette installation de

telle sorte à m'approprier tout l'espace de la galerie, comme les comédiens s'approprient l'aire

de jeu de la scène. Faisant ainsi, il m'était possible de maintenir le spectateur en alerte lors de

sa découverte de l'œuvre, et ce, peu importe l'angle par lequel il l'aborderait.

Affiche présentant l'exposition, Vue sur la salle d'exposition depuis le corridor


à l'entrée de la salle. du pavillon Alphonse-Desjardins.
64

Entrée de l'exposition. Présentoir d'accueil offrant le communiqué de l'événement, le livre des commentaires,
les remerciements, la feuille commentant le parcours ainsi que le dossier de presse.

Vue d'ensemble de la salle depuis l'entrée. Vue d'ensemble de la salle depuis l'arrière.

Vues latérales de la salle et de la disposition des impressions numériques couleur et noir et blanc.
65

Présentation de 145 reproductions miniatures des personnages dessinés


à l'encre de Chine, ainsi que 3 panneaux résumant le caractère typographique,
psychologique et typoétique. Sans toutefois tomber dans l'élaboration fastidieuse
de ma démarche, j'ai tenu à laisser ces quelques traces de mon processus de
création afin d'éviter l'imperméabilité de l'œuvre à laquelle le spectateur se bute
trop souvent en art contemporain.
66

f 1
A i
1 ^H
* |

Impressions numériques en noir et blanc de 36 po Impressions numériques en couleur


par 114 po, sur papier végétal. Ce plan de l'exposi­ de 24 po par 36 po, sur papier mat.
tion présente l'échelle humaine. Ce rapport de taille
a été créé dans le but de rapprocher le spectateur
de l'expérience théâtrale. Les esquisses agrandies
sont ainsi transposées aux dimensions réelles
d'un comédien.

Les petites pièces de tissu accrochées au coin supé­


rieur gauche de l'esquisse sont un clin d'ceil aux échan­
tillons qui sont apposés aux esquisses de costumes,
présentées au metteur en scène lors des rencontres de
production. Elles sont également les extraits textiles
ayant servi à la conception de mes personnages.

La fin de ce chapitre porte en elle l'achèvement de deux années intenses de recherches

en arts visuels, en scénographie et en design graphique. L'œuvre dans son unicité ainsi que

dans son ensemble a été présentée, et ce, depuis son contexte de création jusqu'à celui

d'exposition. Cette dernière étape aura été, pour moi, l'occasion de jeter un regard sur la finalité

matérielle de mon travail dans une perspective bidimensionnelle et tridimensionnelle.


67

CONCLUSION

M'amuser. User de l'âme des formes, de la typographie, de la poésie, de l'espace, de la

lumière, de la matière et des mots, pour rendre celle des personnages. Jouer. Jouer comme

jouent les comédiens sur scène. M'engager. Porter, jusqu'à sa finalité, une création, au-delà des

méandres de son parcours. Tels ont été les défis et les aspirations de cette recherche. Le per­

sonnage théâtral qui fut, tout au long de mon exploration, mon support typoétique, a permis que

je prête vie à ma démarche artistique et de rendre à cette dernière un corps qui s'est incarné en

17 œuvres, et ce, dans la convergence de mes champs académiques. Mon désir d'approfondir

les diverses formes que peut emprunter le détournement du langage écrit en un langage visuel

typoétique a conduit ma pratique au cœur du graphisme d'auteur, me rapprochant ainsi d'une

constellation d'artistes dont les univers sont habités des mêmes passions.

Les avenues par lesquelles ce travail de recherche pourrait s'engager encore davantage

sont multiples. En fait, il serait possible d'en décupler les rendus par le nombre d'auteurs exis­

tants. Chaque plume ayant son style propre, son époque et son ton dramatique pourrait inspirer

ma démarche artistique. À titre d'exemple, l'écriture absurde d'Eugène Ionesco pourrait animer

les personnages d'une gestuelle débridée et de collages loufoques. D'autres projets dont un livre

d'artiste, une tournée d'expositions dans les centres universitaires canadiens et les théâtres, une

participation à des festivals de théâtre, une réédition illustrée du texte de Molière, la création d'un

catalogue d'exposition, la publication dans un magazine de design graphique, la conception d'un

dispositif scénique afin d'y jouer la pièce dans une mise en scène contemporaine, l'animation

virtuelle des personnages à travers l'effervescence typographique de leur discours ainsi que des

échanges avec la Comédie-Française et Jérôme Peignot sont tous porteurs d'avenir. Je retiens

de ce projet de maîtrise, plus que la production d'un corpus d'œuvres, la réalisation de soi à tra­

vers la détermination. Une expérience où l'œuvre de Molière trouve encore toute son essence

à travers la théâtralité de la vie.


68

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Cinématographie

VATEL, réalisé par Roland Joffé, écrit par Jeanne Labrune,


co-production France / Royaume-Uni, 2001, durée: 1 h57 min.

LE ROI DANSE, réalisé par Gérard Corbiau, écrit par Gérard Corbiau et Andrée Corbiau,
co-production France / Belgique, 2000, durée: 1 h48 min.

MOLIÈRE, réalisé par Ariane Mnouchkine, écrit par Ariane Mnouchkine,


France, 1977, Première époque, durée: 1 h55 min, Deuxième époque, durée: 2h08 min.
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Révision linguistique: Hélène Brodeur

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