La gestion du risque de crédit par l’analyse financière
1) La présentation de l’analyse financière et son rôle dans la gestion du risque de crédit :
Exercer la profession de banquier implique la capacité à évaluer les risques. Chaque institution financière réalise une évaluation financière afin de décrire et juger la santé financière des entreprises sollicitant un prêt. Cette analyse a pour objectif de "scruter le passé pour comprendre le présent et anticiper l'avenir" (Vernimmen, 1998, p.162), et c'est dans cette optique que le diagnostic financier prend forme. Son but est d'estimer la solvabilité future de l'entreprise en se basant sur l'analyse des données comptables qu'elle présente, privilégiant principalement une approche quantitative. Au Maroc, le diagnostic financier se concentre particulièrement sur l'examen de deux états financiers : le bilan financier, qui offre un aperçu du patrimoine et, par conséquent, de la situation financière globale, ainsi que le compte des produits et des charges (CPC), révélant les résultats de l'entreprise. Le bilan comptable, axé principalement sur les considérations fiscales, ne fournit pas une évaluation précise du risque de crédit. C'est la raison pour laquelle les banques élaborent un autre bilan, connu sous le nom de "bilan financier". Ce bilan est présenté après l'affectation du résultat, et les éléments de l'actif et du passif y sont classés respectivement par ordre de liquidité croissante et d'exigibilité croissante. La préparation du bilan financier à partir du bilan comptable nécessite quelques ajustements. En utilisant le CPC (compte des produits et des charges), il est possible d'établir, grâce à divers retraitements, l'ESG (état des soldes de gestion). Cet outil est essentiel pour évaluer le résultat en analysant des soldes tels que la marge commerciale, la valeur ajoutée (VA), la capacité d'autofinancement (CAF), etc. L'analyse financière repose sur l'examen de soldes et de ratios sur une période donnée, généralement sur un minimum de trois exercices comptables. Les ratios clés que la banque doit évaluer comprennent les ratios de structure financière, tels que le ratio de financement des immobilisations, l'équilibre financier, l'indépendance financière, la capacité de remboursement, etc. ; les ratios de liquidité, incluant la rotation du crédit clients, la rotation du crédit fournisseurs, etc. ; et les ratios de rentabilité, principalement la marge commerciale, la rentabilité économique, la rentabilité financière, etc. L'orientation du diagnostic financier vers la détection des entreprises exposées à des fragilités doit inclure la capacité à repérer des signes précurseurs de la probabilité de défaillance, car les difficultés se manifestent généralement à travers des indicateurs spécifiques. Selon l'Union Européenne des Experts Comptables (citée par Casta et Zerbib, 1979), les signaux de détérioration peuvent se résumer ainsi par : un fonds de roulement négatif ou une situation nette négative, l'utilisation importante de prêts à court terme pour financer des projets difficilement réalisables rapidement, des emprunts considérables arrivant à échéance sans possibilité de renouvellement, incapacité à honorer les dettes à l'échéance normale, persistance d'une gestion déficiente, etc. Peyramaure et Squarcioni (1981) ont également identifié des indicateurs de difficulté, tels que le prolongement des délais de paiement des fournisseurs ou, à l'inverse, leur réduction, le recours à de nouveaux et coûteux modes de financement (affacturage, crédit-bail), l'augmentation des frais financiers, la cession d'actifs immobilisés, la suspension des dividendes, etc. Bien que le diagnostic financier offre un aperçu de la santé financière des entreprises et permette l'identification de celles susceptibles de faire défaut, il présente toutefois plusieurs limites entraînant des conséquences néfastes.
2) La présentation de l’analyse financière et son rôle dans la gestion du risque de crédit :
Le diagnostic financier présente plusieurs limitations pour une institution bancaire, principalement liées à la construction du bilan financier et à la difficulté de maîtriser les postes à risque. Lors de l'établissement du bilan financier, les banques ne prennent en compte qu'un nombre limité de retraitements économiques, tels que les provisions pour risques et charges, les provisions réglementées, les subventions d'investissements, les comptes courants d'associés, les écarts de conversion actif, les gains ou pertes sur actifs, etc. Un diagnostic financier qui néglige ces retraitements ne permet pas d'améliorer de manière significative la gestion du risque de crédit. Cependant, la prise en compte de ces ajustements entraîne des coûts supplémentaires importants que les banques doivent assumer. De plus, les comptes de l'entreprise sont souvent ajustés pour présenter une image plus favorable que la réalité. Les postes que la banque doit surveiller de près comprennent notamment les frais de recherche et développement, la production immobilisée, les stocks (pouvant être fictifs), les gains exceptionnels, les dettes sur comptes courants des actionnaires, etc. Il s'agit probablement de la méthode la plus ancienne et la plus couramment utilisée dans l'analyse du risque. L'établissement de crédit procède à l'établissement de divers ratios et calculs afin d'évaluer la performance de l'entreprise à partir de son compte de résultat et de son bilan. Selon Ndaynou (2001), cette analyse se concentre sur deux éléments principaux : Le flux de liquidité futur : Calculé en comparant les entrées et les sorties de flux générés par l'activité de l'entreprise, il permet d'évaluer la capacité du débiteur à rembourser ses engagements sans compromettre son activité pendant la durée du prêt. Le banquier peut ainsi suivre l'évolution des bénéfices et s'assurer qu'ils sont suffisants par rapport aux besoins en fonds de roulement. Le fonds de roulement : Il permet d'évaluer l'équilibre financier de l'organisation en indiquant si l'entreprise est viable et capable d'honorer ses engagements. Deux méthodes sont utilisées pour le calcul : soit par le haut du bilan, en différenciant les ressources stables (capitaux propres et dettes à long terme) des emplois stables (actif immobilisé net), soit par le bas du bilan, en différenciant l'actif circulant d'exploitation des dettes à court terme. Cependant, cette méthode ne fournit pas une information exhaustive sur les causes de la défaillance des emprunteurs. Sa perception à travers des indicateurs fournis par l'entreprise reste insuffisante pour la prise de décision, car elle repose sur des états comptables passés. Pour compléter cette analyse, les banques peuvent utiliser d'autres méthodes, notamment des approches qualitatives. Ces dernières impliquent d'examiner les activités de l'entreprise, son environnement et la concurrence sur les marchés où elle opère, afin de comprendre le contexte dans lequel l'entreprise évolue. Il est essentiel de détailler la stratégie, tant du point de vue du diagnostic stratégique (position de l'entreprise au moment du diagnostic) que du choix d'une stratégie de développement (politique et tactique). L'analyse demeure essentiellement comptable dans le sens où elle examine les choix opérés, c'est-à-dire les opérations sélectionnées et leur impact sur les données, dans le cadre du référentiel applicable. Il est crucial de vérifier leur cohérence avec les choix des autres acteurs du secteur et de justifier les pratiques originales. Il convient également de repérer les éventuels changements de politique comptable dans le temps, susceptibles de fausser les comparaisons.