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Pendant les années 1980, la didactique des sciences parlait de représentations des
élèves. C'est un concept importé de la psychologie sociale et dont l'utilisation en
didactique des sciences essentiellement, s'est révélée très féconde :
« Tout apprentissage d'un concept ou d'une connaissance scolaire, affirme à cet effet
J-P. Astolfi, vient interférer avec un déjà là conceptuel ou notionnel qui, même s’il est
faux sur le plan scientifique, sert de système d'explication efficace et fonctionnel pour
l'apprenant... De telle sorte qu'enseigner un concept ou une connaissance scolaire ne
peut plus se limiter à un apport d'informations correspondant à l'état de la science du
moment. Ces données ne seront efficacement intégrées par l'apprenant que si elles
parviennent à transformer durablement ses représentations. Autrement dit, un
véritable apprentissage se définit au moins autant par les transformations
conceptuelles qu'il produit chez l'individu que par le produit de connaissancs qui lui
est dispensé.» (Astolfi J.-P., Didactique des sciences, Paris, PUF,1989, p.)
Les conceptions
L'acquisition de connaissances n'est pas la simple mémorisation d'informations
fournies par l'extérieur (le professeur, le livre, les médias, etc.). Ces informations sont
filtrées, interprétées, mises en relation (ou en compétition) avec des connaissances
préalables. Le sujet qui apprend ne photographie pas le monde, il le reconstruit sans
cesse en se construisant lui-même (pas de copie conforme, ni de « prêt-à-penser »).
À partir de ce postulat, le savoir n’est pas transmissible « passivement », il est
construit par l’élève à partir d’expériences vécues dans son milieu. Les situations
auxquelles il est confronté sont sources d’apprentissage, car elles permettent une
confrontation de ces connaissances à l’exigence de la situation.
Source : www.filhr.ac-bordeaux.fr
Origine et caractéristiques des conceptions d’élèves
Si l’on considère que les enfants sont les principaux acteurs dans leur processus
d’apprentissage et les constructeurs de leur propre savoir, notons que le nombre
limité de connaissances qu’ils maîtrisent, de même que leur capacité réduite à utiliser
un système de pensée rationnelle et logique (surtout chez les plus jeunes), donne
lieu à un grand nombre d’idées et de concepts naïfs, personnels, mal construits et
mal maîtrisés (Bishop, 1980b; Driver, Guesne et Tiberghien, 1985; Bransford, Brown
& Cocking, 1999; Duit, s.d.), concepts que les chercheurs ont nommé de diverses
manières : misconceptions (en anglais), représentations, conceptions, fausses
conceptions, conceptions erronées, etc. Ces conceptions sont de plus des obstacles
à l’apprentissage de concepts plus abstraits et plus proches de ce que les experts
professent (Driver, 1981). Il est donc essentiel, pour ceux et celles qui conçoivent
l’enseignement, de tenir compte de ce « déjà- là » conceptuel avec lequel les enfants
abordent toute nouvelle situation d’apprentissage, puisqu’il s’agit souvent des seuls
outils intellectuels à leur disposition en situation d’apprentissage (Giordan & de
Vecchi, 1987). Il s’agit d’une profonde remise en question de la façon « traditionnelle
» d’enseigner les sciences, remise en question basée sur une nouvelle vision de
l’apprentissage :
« […] for the learner, learning is the revision of his or her own cognitive
structure, that is a shift in the way he or she perceives and construes events
and behaves in situations. This view of learning implies that an appreciation
of the student’s view of the world, and the student’s meanings for words,
needs to be fully appreciated if teaching is to be successful. » (Osborne &
Gilbert, 1980, p. 379)
Une vision de l’apprentissage axée sur la remise en question des conceptions des
apprenants, dont nous avons parlé à la section précédente, est une des
conséquences les plus profondes du constructivisme, une perspective philosophique
et psychologique qui prétend que les individus construisent eux-mêmes leurs propres
savoirs (Schunk, 2004). Il existe plusieurs acceptions du mot constructivisme en
éducation, mais toutes reposent sur les mêmes bases, à savoir :
Les origines des conceptions sont diverses : elles correspondent à des explications
personnelles construites « sur-le-champ » par les apprenants confrontés à des
manipulations directes ou des observations de phénomènes naturels immédiatement
perceptibles, ou mis en contact avec les idées véhiculées par leur environnement
social (autres enfants, professeurs, parents, émissions de télévision, cinéma, etc.).
Certaines conceptions sont également liées au développement affectif de l’enfant et
au travail de son inconscient (Thouin, 2004). D’autres, enfin, sont liées au
développement historique des connaissances; on peut d’ailleurs établir un parallèle
entre elles et les idées qui ont joué un rôle important dans l’évolution de la pensée
humaine (Duschl, Hamilton & Grandy, 1992).
Représentations
Tout apprentissage vient interférer avec un déjà-là conceptuel qui, même s’il est faux
sur le plan scientifique, sert de systèmes d’explication efficace et fonctionnel pour
l'apprenant.
Une représentation peut être considérée comme un modèle personnel d'organisation
des connaissances par rapport à un problème particulier. Etant toujours une
représentation de quelque chose, on ne peut l'étudier que dans un contexte
particulier.
La différence entre représentation et concept scientifique n'est pas une différence de
degré mais ils constituent deux modes de connaissances distincts. Il y aurait comme
une dualité dans les systèmes d'explication : l'un correspondant aux connaissances
scolaires, mobilisé dès lors que les élèves ou les étudiants reconnaissent un type de
problème canonique qu'ils ont l'habitude de résoudre; l'autre correspondant aux
représentations, qui ressurgit inchangé lors d'une correspondance établie avec la
référence scolaire. Le concept est un nœud de relations définies en termes
opératoires; la représentation est un mode de connaissances à prédominance
figurative. Le passage de la représentation au concept implique une réorganisation
des processus cognitifs, une "mutation intellectuelle". Les représentations sont
généralement considérées comme des systèmes de connaissances qu’un sujet
mobilise spontanément face à une question ou à un problème, que ceux-ci aient ou
non fait l’objet d’un apprentissage. Elles renvoient à des façons particulières de
raisonner qui se réfèrent à un modèle explicatif préexistant aux apprentissages
formels. Michel Develay voit en elles des « théories personnelles du monde »
(Develay, 1992).
la représentation forme un système : il s’agit d’un système d’idées,
d’explications qui constituent le cadre de référence des élèves. Ce système
est organisé et structuré ;
la représentation est un processus : il est évolutif et personnel. Il permet au
sujet d’agréger au système ce qu’il rencontre et intègre au fur et à mesure de
son expérience, qu’elle soit d’ordre privé ou scolaire (Halté, 1992) ;
la représentation se constitue antérieurement aux situations d’enseignement
scolaire. C’est un « déjà là », fruit de l’expérience première.