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Mise en Condition Tissulaire en Prothèse Totale Adjointe

« Dr. L. DAFFEUR - Maitre Assistante en Prothèse Dentaire »


 Introduction :
Lorsqu'un patient se présente à notre consultation en vue d'être appareillé en prothèse totale
ou partielle ; il est rare qu'il soit prêt psychologiquement et physiologiquement à subir toutes
les étapes de la construction d'une prothèse et de s'adapter facilement à cette dernière, d'où
l'intérêt d'une préparation préalable par une mise en condition tissulaire.
I. Définition :
La mise en condition tissulaire est la séquence préliminaire indispensable à tout traitement
prothétique, elle est destinée à améliorer les structures biologiques, anatomiques et
physiologiques de tous les tissus en contact avec la prothèse en moulant ces tissus dans une
position voisine à leur position physiologique.
II. Intérêts :
▪ Redonner aux tissus ostéo-muqueux en contact avec l'intrados, les bords et l'extrados de la
prothèse leur viscoélasticité, leur épaisseur ainsi que leur adhérence aux plans profonds en
moulant ces tissus dans une position voisine à leur position physiologique ;
▪ Améliorer la forme, le volume et le degré de depressibilité des lignes de réflexion de la
muqueuse afin d'assurer l'étanchéité du joint périphérique ;
▪ Augmenter l'espace bio fonctionnel ainsi que les surfaces d'appui prothétiques afin d'assurer
une bonne stabilité par la répartition des forces au cours des différentes fonctions ;
▪ Améliorer l'intégrité psychique et organique d'une nouvelle prothèse.
III. Indications :
 D'ordre Psychique :
- Prothèse actuelle aux dimensions réduites interdisant la réalisation d'une prothèse plus
volumineuse ;
- Réflexe acquis de posture erronée ou position anormal de la langue ;
- Age avancé de l'édenté interdisant l'intégration psychique immédiate.
 D'ordre Organique :
- Traitement des tissus de revêtement hyperhemiés ; des tissus d'appuie ou périphérique
comprimés, déplacé et ayant perdus leurs épaisseurs physiologique (par osmose) et leurs
élasticité sous des prothèses ancienne, mal équilibrées.
- Traitement des blessures réversibles dues aux sur extensions de la prothèse actuelle.
- Guidage de cicatrisation après chirurgie pré prothétique.
 D'ordre Prothétique :
- Cas difficiles avec résorption de niveau III ou IV de KLEIN ;
- Réalisation d'enregistrements piézographiques ;
- Rétrécissement important de l'espace bio-fonctionnel réservé à la prothèse.
IV. Avantage :
- Permet d'obtenir une restauration anatomo-physiologique, durable mécaniquement et
biologiquement.
- Permet le moulage des tissus dans une position voisine de leur position physiologique.
- Réduit les erreurs d'occlusion.
- Limite au maximum les risques d'insuccès au stade de rebasage.
V. Conditionneurs Tissulaires :
On appelle matériau de mise en condition tissulaire tout matériau plastique ou élastique
appliqué d'une façon temporaire dans l'intrados, sur les bords ou sur l'extrados d'une prothèse,
afin de permettre aux tissus en contact avec lui de retrouver leurs caractéristiques
histologiques, anatomiques et physiologiques.
Caractéristiques d'un conditionneur tissulaire :
- Biocompatibilité ;
- Grande fluidité initiale ;
- Importante capacité de déformation retardée ;
- Gélification relativement lente ;
- Répartition uniforme des pressions ;
- Une bonne aptitude à absorber une partie des contraintes occlusales ;
- Relativement flexible et peu élastique pour conserver une épaisseur optimale.
Composition chimique :
Se présentent sous forme de deux produits :
⇒ une poudre (constituée par des copolymères de méthacrylate d'éthyle et de méthacrylate de
méthyle. On ajoute soit du peroxyde de di-benzoyle soit du dioxyde de titane) ;
⇒ un liquide (solution alcoolique de plastifiants, l'alcool utilisé est l'éthanol, les plastifiants
sont le phtalate de butyle, le butyle glyconate, le benzyle salicylate, auxquels un élément
aromatique est adjoint).
Principales présentations commerciales :
Il existe sur le marché de nombreuses résines à prise retardée et il semblerait que le praticien
les utilise de manière intuitive sans vraiment se préoccuper de leurs indications réelles : Le
Coe-comfort (GC America) ; Le Fitt (Kerr) ; L'Hydro-cast (Kay See Dental) ; Le Viscogel (Dentsply).

Préparation du mélange :
Le dosage de la poudre et du liquide peut être pondéral ou volumétrique suivant les doses
préconisées par le fabricant. Une fois le dosage effectué, la poudre est lentement incorporée
au liquide.
Propriétés du mélange :
La réaction de prise se fait par gélification.
Phase I : Phase physique ou liquide. Le liquide est versé dans un godet en verre ou en matière
inerte puis la poudre y est lentement incorporée ; 10 à 15 secondes de spatulation permettent
d'obtenir un mélange homogène, la durée de cet état sans réaction chimique est de 2 à 3 min.
Cette période constitue le moment idéal pour transférer le matériau dans l'intrados de la
prothèse, en raison de la fluidité optimale de ce matériau qui permet alors une répartition
sélective et une absence totale d'inclusion d'air.
Phase II : Phase chimique visqueuse ou début de polymérisation. La réaction entre la poudre
et le liquide commence, le mélange devient collant (transformation du liquide en gel). Cette
phase dure 2 à 3 minutes et constitue une phase d'attente pour le praticien.
Phase III : Phase plastique (active). Dès que le matériau ne colle plus aux doigts, la prothèse
est insérée en bouche. Cette phase est caractérisée par deux viscosités :
~ Au début : Une grande viscosité qui favorise une insertion aisée en bouche (cette plasticité
initiale détermine un retour de l’espace prothétique utilisable à un volume maximum).
~ Après 3 à 5 minutes : Apparition d'une plasticité apte à enregistrer les mouvements
musculaires, cette phase dure environ 12 minutes.
Phase IV : phase d'élasticité. Elle s'étale sur une à trois semaines, correspond aux déformations
réversibles de la résine sous l'effet des contraintes occlusales puis l'élasticité disparaît peu à
peu. Cette élasticité IIaire assure un massage permanant des tissus de revêtements des structures
anatomiques et leur donne leur aspect le plus biologique.
Il faut changer le matériau (il est temporaire) tous les 5 à 6 jours (ou moins) parce qu'il perd
son caractère de massage au niveau des tissus de soutiens (au-delà de 8 jours, il devient
malodorant et change de coloration).
Phase V : phase de dessiccation. A ce stade le matériau adhère d'une façon intime à la base de
la prothèse, il perd son caractère de confort (perte d'élasticité) et devient granuleux et irritant
pour la muqueuse en contact, il devient inutilisable cliniquement.
Action sur les tissus, réaction des tissus : varient selon le degré d'élasticité ou de plasticité.
- Au moment de l'insertion lorsque la plasticité est plus importante, le matériau fusera dans
les moindres replis au niveau de toutes les zones du joint périphérique.
- Son action sur les tissus recouvrant les surfaces d'appui est nulle (ne comprime pas) ou
bienveillante.
- Les portions les plus flottantes de la fibromuqueuse ne subissent aucun déplacement il y a
contact simple sans compression.
- L'absence d'agression qui caractérise un tel contact détermine un relâchement reflexe
des fibres musculaire de toute la zone para prothétique.
- Ceux-ci se détendent, ils laissent la muqueuse reposer sur l'infrastructure osseuse,
élargissant ainsi considérablement l'espace qui pourra être occupé par la future prothèse.
- Donc les techniques de mise en condition tissulaire constituent une appréciation directe ou
indirecte des propriétés spécifiques du matériau qui sont :
 l'absence d'agression ou de compression ;
 le relâchement reflexe de la tonicité des fibres musculaires ;
 l'élargissement de la surface d'appui.
VI. Techniques de mise en condition tissulaire :
1) Techniques de mise en condition tissulaire pré prothétique :
Plusieurs variantes sont décrites dans la littérature, elles sont répertoriées en techniques
directes et techniques indirectes. Les plus utilisées sont les techniques directes.
A. Thérapeutique Générale :
Avant toute décision thérapeutique pré prothétique, il importe d'exiger la suppression
d'anciennes prothèses soit par :
a) Confiscation des prothèses mal conçues :
Selon Le Joyeux la confiscation entraine au bout de deux semaines une guérison partielle ou
totale des muqueuses dans 80% des cas. Cependant selon la profession du patient, l'utilisation
de ces prothèses est parfois indispensable elles nécessitent alors un certain nombre de
modifications.
b) Modifications à apporter aux anciennes prothèses :
Ces modifications concernent les surfaces d'appuis, les surfaces polies et les surfaces
occlusales par :
- Correction des problèmes occlusaux : la dimension verticale d'occlusion est le plus
souvent sous-évaluée, elle sera corrigée à l'aide de résine auto polymérisable blanche
placée sur les faces occlusales des dents postérieures (2 à 3 mm), ceci se fait pendant
plusieurs séances jusqu'à obtention d'une DVO correcte (mise en condition articulaire).
- Élimination des sur-extensions et remarginage des zones où le joint périphérique est
insuffisant.
- Correction des surfaces polies par piézographie analytique, ou selon la technique
empirique en créant des surfaces concaves vestibulaires et en meulant le tiers lingual
des dents postérieures pour aménager un espace suffisant à la langue.
- Des rinçages des tissus mous à l'aide de solution salée sont recommandés 3 fois par jours
(stimulation de la circulation sanguine).
B. Construction d'une prothèse transitoire :
a) Technique classique :
Indiquée chez le patient édenté jamais appareillé présentant un étalement important de la
langue et une résorption importante des crêtes alvéolaires.
Technique de réalisation : Après l'empreinte préliminaire muco-statique au plâtre, on réalise
une empreinte secondaire analytique anatomo-fonctionnelle classique. Les autres séquences
sont conduites avec beaucoup de prudence jusqu'à polymérisation de la prothèse transitoire.
b) Technique actuelle :
Se fait par réalisation de duplicatas des prothèses existantes non seulement chez les patients
appareillés souhaitant conserver leurs prothèses ou les patients pressés imposant une
technique plus rapide mais également lorsque les mémoires tissulaires neuromusculaire ont
été imprégnées de la prothèse actuelle à tel point que le praticien ne doit en aucun cas les
perturber.
Technique de réalisation : Il faut au préalable corriger toute erreur d'occlusion, et le volume
prothétique est contrôlé, à ce stade la prothèse doit être considérée comme un porte-empreinte
individuel.
Étape 1 : Amélioration du joint de la prothèse supérieure par remarginage fractionné des
bords ; Prise d'empreinte dynamique sous pression occlusale.
Étape 2 : Réadaptation de la prothèse inferieure de la même manière. Si DV et RC erronées :
correction de l'articulé. Remarginage des bords en un seul temps (pâte à oxyde de zinc).
Empreinte dynamique sous pression occlusale.
Étape 3 : Les deux prothèses stabilisées envoyées au laboratoire pour réaliser un duplicata de
chacune.
Étape 4 : Correction de l'équilibre occluso-articulaire.
Les prothèses transitoires ainsi obtenues par duplicata constituent une excellente base de
départ pour une mise en condition tissulaire.
C. Mise en condition tissulaire proprement dite :
⇒ Technique directe : (les manipulations interviennent toutes dans la cavité buccale).
- Prothèse transitoire : c’est un procédé thérapeutique pré prothétique de 1 er ordre obtenu soit
à partir d’un duplicata de la prothèse actuelle améliorée, soit par une empreinte Iaire ; véhicule
du matériau de mise en condition tissulaire.
- Préparation du matériau : Poudre-liquide dans un godet selon les recommandations du
fabricant, le mélange est rendu homogène par une courte spatulation.
- Garnissage des prothèses :
- L'intrados est diminué de 1 mm d'épaisseur.
- Il faut prendre la précaution de vernir la prothèse et de laisser sécher (surtout l'extrados)
afin de pouvoir décoller le matériau à la séance suivante.
- Le garnissage de la prothèse mandibulaire est, en général, réalisé avant celui de la
prothèse maxillaire.
- Le matériau est versé dans la prothèse transitoire avec beaucoup de précaution en raison
de sa fluidité.
- Dès que le matériau ne colle plus aux doigts, la prothèse est insérée en bouche, le
matériau fuse lentement dans les replis de la ligne de réflexion de la muqueuse.
- 2 à 3 minutes plus tard la viscosité du matériau augmente, l'enregistrement dynamique
des structures para prothétiques débute.
- La prothèse maintenue par le praticien, le patient contracte les muscles de la lèvre, la
pointe de sa langue effectue des mouvements latéraux non forcés droits et gauches puis
vers le haut et vers l'avant.
- La prothèse supérieure est ensuite insérée et la mandibule est guidée en relation centrée.
- Le patient est invité à déglutir plusieurs fois puis la conversation est engagée.
- Après une dizaine de minutes, la prothèse inférieure est retirée puis examinée :
 Le matériau provoque une sensation de confort ;
 Des extensions immédiates sont enregistrées à deux niveaux spécifiques : la
région sublinguale et les poches de Fish.
- Les zones de pression (résine rose apparente) sont réduites par meulages, recouvertes
par de la résine à prise retardée et la prothèse replacée en bouche.
- Ce geste est répété tant que le matériau ne recouvre pas de manière uniforme l'intrados
de la prothèse (1.5 mm minimum) les excès éliminés à l'aide de ciseaux fins.
- Après gélification du matériau, les bords doivent êtres épais et arrondis.
La premier séance est la plus longue, le matériau d'abord plastique puis élastique va
transformer le comportement des organes en relation avec la prothèse, la 2ème séance pouvant
intervenir au bout de 2 à 3 jours, la totalité du matériau est éliminée et les même opérations
sont effectuées, de nouvelles extensions apparaissent à chaque fois.
Au fur et à mesure des séances, la coloration et l'épaisseur tissulaire deviennent plus
physiologiques.
Le nombre de séances nécessaires à la réalisation d'une mise en condition tissulaire est variable
de 15 jours à un mois.
⇒ Technique indirecte : son incapacité à obtenir un élargissement, même minime de la
surface d'appui si important au niveau de l'arcade inférieure nous ont fait préférer la technique
directe décrite précédemment (elle nécessite une étape laboratoire : modèle en plâtre) donc
étape plus longue.
2) Mise en Condition tissulaire post prothétique :
Elle est dite post prothétique car elle est réalisée après l'insertion d'une prothèse complète
définitive (prothèse d'usage).
⇒ Indications générales :
- Patient jeune ou dont les structures anatomiques ne sont altérées que superficiellement
par la prothèse actuelle ;
- Existence d'un équilibre psychique, neuromusculaire et articulaire peu ou pas du tout
perturbé ;
- Instabilité inexplicable de la prothèse survenant au moment de son insertion ou très peu
de temps après.
⇒ Indications spécifiques : (généralement elle concerne une seule édentation)
 A l'arcade supérieure :
- Désir de voir disparaître certaines rides au niveau de la face et des joues ; DV sous-évaluée
se doublant d'un plan d'occlusion maxillaire trop haut situé ;
- Certaines exigences phonétiques.

 A l'arcade inférieure :
Lorsque le plan d'occlusion mandibulaire est trop bas situé se doublant d'une dimension
verticale sous-évaluée.

 Conclusion :
L'importance de la mise en condition chez l'édenté total n'est plus à démontrer,
convenablement menée, elle conduira à un traitement sans difficultés où chaque obstacle est
largement appréhendé et surmonté et ne peut plus venir s'opposer à l'intégration définitive de
la future prothèse adjointe complète en assurant l'amélioration des surfaces d'appuis et
provoquer l'oublie des réflexes erronés d'occlusion.

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