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Chapitre 3 Les marchés financiers : obligations et actions

Les marchés financiers sont le lieu de confrontation des besoins et des capacités de

financement des agents économiques. Non seulement les marchés financiers doivent

satisfaire les préférences des agents économiques, mais ils doivent aussi allouer les

ressources d’épargne de manière efficace. Ainsi, l’efficacité économique implique que

les marchés doivent allouer l’épargne aux secteurs ou projets économiques les plus

rentables.

Ce chapitre s’intéresse aux marchés des valeurs mobilières et des titres à moyen et

long terme. On distingue le marché primaire ∗ qui est celui de l’émission des nouveaux

titres du marché secondaire*, dit aussi marché de l’occasion ou Bourse, où les

détenteurs de titres peuvent les revendre.

La détention d’un titre est un droit sur le revenu futur de son émetteur ou sur ses

actifs dans le cas de la détention d’un titre liée à un droit de propriété. Dès lors, la

question centrale est celle de leur valorisation. Quelle est la valeur des revenus futurs

qu’un détenteur de titre peut escompter ? Pour répondre à cette question, le point

important est que l’épargnant (celui qui détient le titre) est intéressé par la valeur

actuelle estimée de ses revenus futurs. Autrement dit, le principe de l’actualisation*

dans lequel le taux d’intérêt joue un rôle majeur est fondamental sur les marchés

financiers.

Comme le rappelle Mishkin (2007 : p.91), « l’idée de base du concept de valeur

actualisée est qu’un euro à recevoir dans un an a moins de valeur qu’un euro reçu

tout de suite, ne serait-ce parce qu’un euro reçu aujourd’hui peut être placé dans un

compte d’épargne qui rapporte un intérêt, et permet donc d’avoir plus d’un euro dans


Pour les notions suivies d’un « * », voir aussi le glossaire.

1
un an ». On retrouve ici un principe fondamental du comportement des agents

économiques : ces derniers déprécient le futur par rapport au présent.

Ce chapitre est composé de trois sections. Les deux premières sont consacrées aux

deux principaux compartiments des marchés financiers : l’obligataire (section 1) et le

marché des actions (section 2). Enfin, on présente quelques données empiriques

concernant les marchés obligataires et actions et les principaux acteurs de ces

marchés en accordant une attention particulière aux nouveaux acteurs (section 3) 1.

A la fin du chapitre 3, vous devez être en mesure :

• de définir ce que l'on appelle une obligation et d'expliquer la formation de son

cours sur le marché de l'occasion. Il convient ici de bien comprendre la relation inverse

taux d'intérêt - prix des obligations ;

• d'expliquer le principe d'actualisation et son importance pour calculer le

rendement lié à la détention d'une obligation ;

• d'expliquer l'influence des caractéristiques des emprunteurs (risque de défaut)

et des titres (liquidité) sur la formation du taux d'intérêt ;

• de définir la structure des taux d'intérêt et d'utiliser les différentes approches

permettant de comprendre sa forme ;

• de montrer la relation qui existe entre taux d'intérêt nominal et taux d'inflation

en utilisant la relation de Fisher ;

1 Références de base du chapitre :


- F. Mishkin (2007), Monnaie, banque et marchés financiers, 8ème édition, Pearson Education,
Paris, chapitres 4, 5, 6 et 7 ;
- J.F. Goux (2013), Macroéconomie monétaire et financière, théories, institutions, politiques,
7ème édition, Economica, Paris, chapitre 4.
- S. Lecarpentier-Moyal et P. Gaudron (2011), Economie monétaire et financière, 6ème édition,
Economica, Paris, chapitre 9 ;
- J.P. Allegret et B. Courbis (2000), Monnaie et financement, collection Dyna’Sup, Vuibert,
chapitre 2, section 3 et chapitre 4, section 2

2
• d’expliquer les principales raisons pour lesquelles les taux d’intérêt à long

terme suivent une tendance à la baisse depuis le début des années 1980 ;

• de définir ce que l'on appelle une action et pourquoi leurs détenteurs sont

appelés créanciers résiduels ;

• de montrer que le prix d'une action est lié à la valeur actualisée des flux de

revenus qu'elle procure à son détenteur au cours du temps ;

• de montrer l'importance de l'efficience informationnelle pour comprendre la

notion de prix fondamental d'une action ;

• de montrer que la présence de bulles et de comportements mimétiques remet

en cause cette idée d'efficience informationnelle ;

• de définir les investisseurs institutionnels et de montrer leur importance sur

les marchés ;

• de définir ce que l'on appelle les fonds souverains et leurs fonctions.

Section 1 Le marché obligataire

D’une manière générale, une obligation est un titre représentatif d’une fraction d’un

emprunt émis par une société, privée ou publique, ou un Etat. Il s’agit donc d’un titre

de dette négociable sur un marché de l’occasion. Son porteur reçoit périodiquement

des intérêts, calculés par rapport à la valeur nominale (ou faciale) de l’obligation. Le

principal peut lui être remboursé in fine ou avant l’échéance finale.

On s’intéresse dans un premier temps à la question fondamentale de la formation des

cours. Nous verrons qu’elle repose sur une relation fondamentale inverse entre taux

d’intérêt à long terme et prix des obligations à un moment donné (1.1.). Le reste de la

section étudie la question de la formation des taux d’intérêt. On commence par voir

dans quelle mesure le niveau de risque des emprunteurs – ceux qui demandent des

3
capitaux – exerce une influence sur le coût de leurs emprunts, soit aussi le taux

d’intérêt à long terme demandé par les investisseurs (ceux qui offrent des capitaux).

(1.2.). Ensuite, nous introduisons un concept fondamental appelé la la notion de

structure des taux d’intérêt – appelée aussi courbes des rendements - qui permet

d’établir un lien entre les rendements d’un même titre pour des maturités différentes

(1.3.). Dit autrement, on établit une relation entre taux d’intérêt à court terme et taux

à long terme. Enfin, on analyse la relation entre les taux d’intérêt nominaux et le

taux d’inflation à travers la notion de taux d’intérêt réels (1.4.). Cette relation nous

permet de comprendre comment l’inflation anticipée exerce une influence sur le

niveau des taux d’intérêt à long terme.

1.1. La fixation des cours

La fixation des cours sur le marché obligataire de l’occasion repose sur le principe de

base suivant : il existe une relation inverse entre taux d’intérêt et prix des actifs

financiers. Lorsqu’un agent effectue un placement, il choisit l’instrument qui lui

rapporte le rendement le plus élevé possible. Partant de la notion d’actualisation

(1.1.1.), on montre d’abord la relation entre cours du titre et taux d’intérêt (1.1.2.)

pour exprimer ensuite le taux de rendement de l’obligation sur une période donnée

(1.1.3.).

1.1.1. Taux d’intérêt, capitalisation et actualisation

Soit un agent qui dispose de 100 euros et les prête à un autre agent pour un an en lui

demandant un intérêt de 10 euros. Dans cette situation, le taux d’intérêt de cette

10 euros
opération est le suivant : i = = 0,10 = 10% . Ainsi, pour un placement d’un an, il
100 euros

4
reçoit 100 euros × (1 + 0,10) = 110 euros ; pour une durée de deux ans, il reçoit

100 euros × (1 + 0,10) × (1 + 0,10) = 100 euros × (1 + 0,10) 2 = 121 euros .

En généralisant pour n années au taux d’intérêt i, il reçoit 100 euros × (1 + i) n .

Ainsi, la somme présente de 100 est équivalente à la somme de 100 (1+ i)n° dans un

futur de n années. Cette formule permet de manière générale d’exprimer une

équivalence intertemporelle. Si A est la valeur présente et F la valeur future en n

d’un bien ou d’une somme d’argent, F = A (1 + i)n°. Cette valeur future est obtenue à

partir de la valeur présente capitalisée au taux i. Inversement, connaissant une

valeur dans le futur n, soit F, on obtient son équivalent présent, actuel, par la relation

A = F / (1+i)n°. Le taux i apparaît alors comme le taux d’actualisation* permettant de

ramener une valeur future à sa valeur présente : A est la valeur actualisée de F au

taux i.

Pour n périodes, nous avons : 𝐴𝐴 = 𝐹𝐹 ⁄(1 + 𝑖𝑖)𝑛𝑛 .

1.1.2. La relation le cours d’un titre et le taux d’intérêt

Prenons l’exemple d’une obligation à coupons* : elle se caractérise par le versement

annuel d’un certain montant d’intérêt (le coupon) et par le paiement final de sa valeur

faciale* à l’échéance. Le cours ou prix P de cette obligation à coupons est égal à la

somme des flux qu’il permet d’encaisser durant sa vie, ces flux étant actualisés au

taux i, soit :

C C C VF
P= + 2
+ .... + n
+ (1)
1 + i (1 + i ) (1 + i ) (1 + i ) n

avec C le paiement du coupon par période, FV la valeur faciale de l’obligation, n le

nombre d’années avant l’échéance et i le taux actuariel brut*, ou taux de rendement

à l’échéance. Ce taux est donc le taux d’actualisation qui établit une égalité entre le

5
prix du titre et la valeur présente des flux futurs qui lui sont associés. En faisant

tendre n vers l’infini, nous obtenons une obligation perpétuelle dont le prix s’écrit :

C
P= (2)
i

Ainsi, le prix de l’obligation varie inversement au taux d’intérêt.

Soit, par exemple, une obligation perpétuelle émise à la valeur faciale de 1 000 euros

et au taux d’intérêt facial de 10 %. Elle rapporte un coupon annuel de 100 euros, C =

100. A l’émission elle est vendue 1 000 euros, son prix correspond bien alors à un taux

i1 de 10 % puisque 1 000 = P = C/i = 100/0,1.

Supposons qu’un an plus tard le taux d’intérêt sur le marché soit de i2 = 20 %, le prix

de l’obligation devient alors P = 100/0,2 soit 500. En effet, le passage du taux d’intérêt

de 10 % à 20 % signifie que les détenteurs d’obligations émises à 10 % ne touchent

que 100 euros alors qu’ils pourraient en obtenir 200 en acquérant de nouvelles au

prix de 1 000. Ainsi, les anciennes obligations sont moins attractives. Leur prix va

baisser jusqu’au niveau qui leur donne le même taux de rendement à l’échéance que

les nouvelles, soit 0,2 (soit 100 / 500).

1.1.3. Le taux de rendement d’une obligation sur une période donnée.

Le taux de rendement d’une obligation entre t et t+1 se définit comme les paiements

de coupons d’intérêt perçus auxquels s’ajoute la modification de son prix exprimée en

pourcentage de son prix d’achat initial. On a ainsi :

C + Pt +1 − Pt
RDT = ou RDT = C + Pt +1 − Pt (3)
Pt Pt Pt

Si le ratio coupon / prix d’achat initial, représentant le rendement courant, est noté

ic et le taux de gain en capital est noté g , on a

RDT = ic + g (4)

6
Le taux de rendement peut différer du rendement courant, lié au taux d’intérêt facial,

du fait d’importantes fluctuations du prix de l’obligation liées aux variations du taux

d’intérêt sur le marché. Il en résulte des pertes ou gains en capital d’autant plus forts

que l’échéance est éloignée, comme le montre le tableau 1.

Ce tableau se lit de la manière suivante (Mishkin, 2007 : 101-102). Il représente les

rendements obtenus pour une année concernant des titres qui diffèrent par leur

maturité (colonne n) lorsque le taux d’intérêt passe de 10 % à 20 %.

Selon le tableau, le seul titre dont le rendement égal au taux d’intérêt initial – soit

10 % - est celui dont la durée avant l’échéance correspond exactement à la durée de

détention sur laquelle le rendement a été calculé. Par hypothèse, il s’agit d’une durée

d’un an, ce qui correspond à l’obligation située à la dernière ligne du tableau. La

dernière colonne RDT montre bien que le rendement est égal au taux d’intérêt initial

pour ce titre.

Tableau 1 Effet d’un accroissement du taux d’intérêt de 10 à 20 % sur le cours des

titres

n C/Pt % Pt Pt+1 ∆P RDT


(1) (2) (1) + (2)
30 10 1000 502 - 49,8 - 39,8
10 10 1000 581 - 41,9 - 31,9
4 10 1000 742 - 25,8 - 15,8
2 10 1000 847 - 15,3 - 5,3
1 10 1000 1000 0,0 + 10,0
Note : voir l’annexe 1 pour le détail des calculs

Pour les autres obligations, une hausse du taux d’intérêt entraine une perte en capital

dès que la maturité dépasse la durée de détention (ici un an). Plus la maturité est

éloignée (colonne n), plus le rendement obtenu est fiable et dévie du taux initial égal

à 10 %.

7
En conséquence, le titre obligataire est donc bien un actif risqué, par opposition à la

monnaie dont le rendement nul est sûr et qui représente ainsi l’actif liquide. Dans

leurs choix financiers, les agents doivent donc intégrer les variations des taux

d’intérêt qui sont à l’origine des variations de cours et par là même des plus ou moins-

values. Or, le taux d’intérêt est une grandeur anticipée.

Un exemple des effets de la hausse des taux d’intérêt à long terme sur le prix des

obligations est la crise des marchés obligataires de 1994 qui a entraîné les pertes en

capital les plus élevées depuis plus de dix ans : 1 500 milliards de dollars, soit près

de 10 % du PIB de l’OCDE (Banque des Règlements Internationaux (BRI), 65e

Rapport Annuel, Bâle, p.108). Cette crise a été initiée par l’accroissement des taux

longs aux États- Unis (hausse de près de 200 points de base2 en 1994), elle a eu une

« portée géographique extraordinaire » selon l’expression de la BRI puisque on a

observé un accroissement généralisé des rendements obligataires. La hausse des

rendements obligataires a été à l’origine des pertes en capital essuyées par les

investisseurs internationaux. Ainsi, la hausse s’est située entre 200 et 300 points de

base avec un accroissement minimal pour le Japon et la Suisse (près de 120 points de

base) et une augmentation maximale pour la Suède, l’Italie et l’Espagne (entre 300

et 400 points de base).

2 Un point de base est équivalent à un centième de point de pourcentage. Cette expression est très
largement utilisée dans le monde de la banque et de la finance. Le point de base est défini comme la
différence entre deux pourcentages, multipliée par cent. Par exemple, la différence entre deux taux
d'intérêt de 2,00 % et 2,50 % est de 0,5 point de pourcentage, soit 50 points de base. Si une banque
centrale augmente son taux d'intérêt directeur de 1 % à 1,5 %, on dira qu'elle l'a relevé de 50 points de
base.

8
1.2. Taux d’intérêt et risque

 Voir la vidéo Ch3_01_Taux d'intérêt et risque

Les deux graphiques qui suivent présentent l’évolution des taux de rendement de

titres à 10 ans émis par différentes entités. Le Graphique 1 montre, sur sa partie

gauche, les rendements des titres émis par des entreprises très peu risquées (AAA),

des entreprises risquées (BBB) et les Etats pour la zone euro tandis que la partie

droite présente les mêmes données pour les Etats-Unis (Aaa et Baa).

Graphique 1 Rendements à 10 ans pour différentes catégories d’émetteurs

12 Zone euro Etats-Unis


10 10
8 9
8
6 7
6
4 5
4
2 3
0 2
1
01/01/2002
01/12/2002
01/11/2003
01/10/2004
01/09/2005
01/08/2006
01/07/2007
01/06/2008
01/05/2009
01/04/2010
01/03/2011
01/02/2012
01/01/2013
01/12/2013
01/11/2014
01/10/2015
01/09/2016
01/08/2017
01/07/2018
01/06/2019
01/05/2020
01/04/2021
01/03/2022
01/02/2023

-2 0
01/01/1997
01/03/1998
01/05/1999
01/07/2000
01/09/2001
01/11/2002
01/01/2004
01/03/2005
01/05/2006
01/07/2007
01/09/2008
01/11/2009
01/01/2011
01/03/2012
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01/09/2015
01/11/2016
01/01/2018
01/03/2019
01/05/2020
01/07/2021
01/09/2022
AAA Rated BBB Rated Gouvernement Corporate Aaa Corporate Baa Etat

Source : Macrobond (connexion : 12 juillet 2023)

Le Graphique 2 ci-dessous considère quant à lui les rendements à 10 ans de titres

publics dans différents pays.

Source : Macrobond (connexion : 12 juillet 2023)

9
Ces graphiques révèlent deux faits très importants. En premier lieu, pour une même

date, on voit que les rendements diffèrent entre les émetteurs, mais aussi entre les

différents pays. En second lieu, même si les taux d’intérêt adoptent la même

tendance, il apparaît que les écarts entre eux, appelés spreads, diffèrent au cours du

temps.

Afin d’expliquer les deux faits précédents, il convient d’introduire dans l’analyse les

notions de risque et de liquidité 3.

Comme tous contrats de dettes, les obligations sont soumises au risque de défaut de

son émetteur. Le risque de défaut caractérise une situation dans laquelle l’émetteur

d’une obligation n’est pas en mesure de faire face au paiement des intérêts, voir aussi

au remboursement du principal (le montant initial emprunté) à l’échéance de

l’obligation. Le point important est que la prise en compte par le prêteur – le

détenteur de l’obligation – de ce risque de défaut exerce une influence sur la formation

du taux d’intérêt. D’une manière générale, et c’est ce que montre le Graphique 1, les

investisseurs ont tendance à considérer qu’une entreprise connaissant des difficultés

économiques, et faisant donc l’objet d’une notation inférieure (BBB (Baa) ici), sera

plus risquée qu’une firme en bonne santé (notée AAA (Aaa)), ce qui implique que le

taux payé par la première tend à être plus élevé que celui versé par la seconde. La

logique est d’intégrer une prime de risque* dans le taux d’intérêt que doit verser la

firme BBB au moment d’émettre des obligations afin d’inciter les investisseurs à les

acheter. Il doit en résulter des taux d’intérêt pour les entreprises BBB qui sont plus

élevés que ceux des firmes AAA. Le graphique montre aussi que les taux payés par

les Etats sont inférieurs à ceux que doivent verser les firmes AAA et BBB. Cela

3 On prend appui ici sur Mishkin (2007), pages 146-152.

10
provient du fait que les investisseurs vont considérer que l’Etat ne peut pas faire

défaut car il est en mesure d’augmenter les impôts pour faire face à ses engagements.

De ce fait, on va souvent considérer que les obligations émises par les Etats – les

obligations souveraines* – seront les obligations sans risque sur le marché

obligataire. Cette caractérisation implique que les taux longs des obligations

souveraines doivent être les plus bas.

Cependant, les Etats ne sont pas exempts de risques de défaut sur leur dette.

Le défaut d’un Etat – appelé aussi défaut souverain* – caractérise une situation dans

laquelle un Etat n’est plus en mesure d’honorer dans les termes prévus dans le

contrat de dette les paiements d’intérêt ou le principal et / ou lorsqu’une opération de

restructuration de sa dette est effectuée en impliquant des conditions moins

favorables aux prêteurs. Le défaut peut être partiel, ce qui signifie que les intérêts

continuent à être payés mais pas le principal. Un accord sur l’arrêt momentané des

paiements (moratoire) s’avère nécessaire lorsque le défaut est total.

Les défauts souverains ne sont pas des événements rares. On en observe à l’occasion

des guerres napoléoniennes et dans les trois décennies qui suivent, au cours de la

dépression des années 1870 – 1890, dans les années 1930, dans les années 1980 puis

dans la décennie 2010.

On emploie souvent l’expression « cycles de défauts » au sens où le défaut d’un pays

est rarement un phénomène isolé4.

La possibilité d’un défaut des Etats implique que les niveaux de risque sur les dettes

publiques varient, ce qui est exprimé par des taux d’intérêt différents selon les Etats

émetteurs (voir le Graphique 2 plus haut). Lorsque des Etats connaissent des crises

4Reinhart C.M. et Rogoff K.S. (2009), This time is different, eight centuries of financial folly, Princeton
University Press.

11
importantes – à l’instar de la Grèce à partir de 2010 – la prime de risque pays par

l’Etat pour émettre de nouvelles obligations peut devenir très élevée. Le Graphique

3 montre cela en calculant l’écart d’intérêt, le spread, entre le taux d’intérêt pays par

la Grèce et celui pays par l’Allemagne. On voit clairement une explosion de la prime

de risque pour la Grèce, contrepartie de l’élévation de son niveau de risque.

Graphique 3 Ecart des taux d’intérêt à 10 ans entre la Grèce et l’Allemagne

Source : Eurostat, Macrobond (dernière connexion : 12 juillet 2023)

Une autre caractéristique importante d’une obligation exerçant une influence sur le

taux d’intérêt est sa liquidité. Rappelons que la liquidité d’un actif fait référence à la

possibilité de le convertir rapidement et à un faible coût en monnaie. Une implication

importante de cette définition est que plus la liquidité d’un actif est élevée, plus les

investisseurs sont incités à le détenir.

Sur un marché, on peut estimer la liquidité d’un actif en considérant le nombre de

transactions – le turnover – effectué dans la journée. Plus celui-ci est élevé, plus le

marché est considéré comme liquide. En effet, des transactions journalières élevées

signifient qu’il y a sur le marché un grand nombre de vendeurs et d’acheteurs – on

12
parle de contreparties – ce qui doit permettre de vendre facilement et à un faible coût

l’actif considéré. Une autre manière de mesurer la liquidité d’un actif est d’observer

la volatilité de son prix et / ou de son rendement. Plus le prix et les rendements

varient dans le temps, plus le marché est considéré comme peu liquide car cela

indique que toute transaction nouvelle implique une variation du prix ou du

rendement.

D’une manière générale, dans beaucoup de pays, et particulièrement dans les

économies développées, les titres émis par l’Etat sont plus liquides que ceux émis par

les entreprises privées. Cette caractéristique est un élément permettant de

comprendre le spread positif que l’on doit observer entre les différents taux d’intérêt.

1.3. Taux d’intérêt et maturité des titres

Après avoir présenté les principes de base, on analyse les fondements théoriques de

la structure par termes des taux d’intérêt. Dans un troisième temps, on montre ses

liens avec la politique monétaire conduite par les banques centrales aujourd’hui.

Enfin, on avance quelques éléments d’explications à la forme de la structure des taux

d’intérêt dans les principaux pays développés depuis les années 2000.

1.3.1. Principes de base

Cette structure, dite aussi courbe des rendements*, désigne les rendements de titres

aux caractéristiques similaires (même risque, même liquidité, même fiscalité) selon

des termes (échéances) différents. Cette courbe donne ainsi une liaison entre les taux

d’intérêt à court terme et les taux à long terme. Par exemple, en prenant en compte

des titres d’Etat, la structure des taux fait apparaître les taux à un mois, trois mois…,

dix ans liés à ces titres. Le Graphique 4 représente les trois formes principales que

peut prendre la courbe des rendements. En abscisse se trouve la durée des placements

13
(1, 2, 3, …, n ans). En ordonnée figure le rendement correspondant au taux d’intérêt

lié à la détention du titre pendant 1, 2, 3, …, n années.

Graphique 4 Les formes types de la courbe des rendements

(1) Forme ascendante (2) Forme plate (3) Forme descendante

Taux de Taux de Taux de


rendement rendement rendement

Échéances Échéances Échéances

Le graphique suggère que la courbe des rendements peut prendre trois formes :

- la forme ascendante (partie gauche), forme 1, dans laquelle les taux courts sont

inférieurs aux taux longs ;

- la forme dite plate (partie centrale), forme 2, où les taux courts et les taux longs

tendent à s’égaliser ;

- la forme descendante (partie droite), parfois dite aussi inversée, forme 3, où les taux

courts sont supérieurs aux taux longs.

Il convient d’expliquer ces formes.

1.3.2. L’approche théorique.

Différentes théories permettent d’expliquer les formes de la courbe des taux.

1.3.2.1. La théorie des anticipations

Selon la théorie des anticipations, le taux d’intérêt à long terme d’un titre est égal à

la moyenne des taux courts anticipés par les agents sur la durée de vie de ce titre.

Cela signifie que si les agents anticipent qu’en moyenne les taux courts seront de 8 %

au cours des dix prochaines années, alors le taux d’un titre de maturité dix ans doit

être de 8 %. Autrement dit, les agents sont indifférents entre détenir un titre pendant

14
dix ans avec un taux de 8 % ou détenir pendant un an un titre de même rendement

et racheté dix fois. L’hypothèse sous-jacente à cette théorie est que les titres sont de

parfaits substituts ; d’où, l’indifférence des agents par rapport à l’échéance.

De manière plus technique, la théorie des anticipations peut s’expliquer de la manière

suivante5. Le taux d’intérêt à n années se calcule par moyenne géométrique des n

taux à un an anticipés, soit :

(1 + 𝑖𝑖𝑛𝑛 )𝑛𝑛 = (1 + 𝑖𝑖1 )�1 + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,1 ��1 + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,2 � … �1 + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,𝑛𝑛−1 �

avec in le taux long (n années), i1 le taux court (un an) et 𝑖𝑖1𝑎𝑎,𝑘𝑘 le taux court anticipé

pour dans k années (k = 1 à N-1).

En approximant, le taux long peut s’écrire comme une moyenne arithmétique des

taux courts anticipés :

1
𝑖𝑖𝑛𝑛 = �𝑖𝑖 + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,1 + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,2 + ⋯ + 𝑖𝑖1𝑎𝑎,𝑛𝑛−1 �
𝑛𝑛 1

Si les agents anticipent que le taux court va rester constant pendant n années, alors

le taux à n ans (taux longs) sera égal au taux à un an (taux court). Si les agents

anticipent une hausse des taux courts, le taux long sera supérieur au taux court.

Ainsi, la forme 1 (forme ascendante) révèle une anticipation de hausse des taux qui

justifie la détention de titres à court terme malgré une rémunération inférieure à

celle des titres à long terme (attente d’une baisse du cours des obligations).

Une structure plate (forme 2) révèle une anticipation de stabilité des taux, le taux à

terme à terme étant égal au taux futur.

5A. Bénassy-Quéré, L. Boone et V. Coudert, Les taux d’intérêt, collection Repères, La Découverte,
Paris, 2003.

15
Une structure inversée (forme 3) révèle une anticipation de baisse des taux, qui

justifie la détention de titres longs malgré une rémunération inférieure à celle des

titres courts.

La théorie des anticipations fournit une explication au fait que tous les taux ont

tendance à évoluer en même temps. En effet, une augmentation aujourd’hui des taux

à court terme est généralement interprétée comme des taux courts plus élevés

demain, ce qui justifie alors l’accroissement des taux longs aujourd’hui. Cependant,

dans un contexte de stabilité des prix, ce principe est d’une portée moins générale : si

l’augmentation des taux courts liés à l’action de la banque centrale est jugée crédible

(du point de vue de la lutte contre l’inflation), alors les taux longs peuvent baisser (on

anticipe des taux courts plus bas). Si les taux courts sont bas aujourd’hui, la forme 1

est prédominante : les agents anticipent une hausse demain. S’ils sont élevés, on

anticipe alors leur baisse (forme 3).

1.3.2.2. La théorie de la segmentation des marchés

Selon la théorie de la segmentation des marchés, les titres sont imparfaitement

substituables en raison des préférences des agents : certains préfèrent des échéances

courtes, d’autres des maturités longues. Dès lors, chaque marché est segmenté. Cela

signifie par exemple que le jeu de l’offre et de la demande sur les titres à un an est

indépendant des rendements sur d’autres maturités. Cette théorie apporte une

justification au fait que la forme 1 est souvent considérée comme normale. En effet,

la demande de titres longs est souvent inférieure à celle de titres courts : le prix des

titres longs est plus bas et leur taux plus élevé.

16
1.3.2.3. La théorie de la préférence pour la liquidité

Selon la théorie de la préférence pour la liquidité, les agents exigent une

rémunération d’autant plus élevée qu’ils vont prêter à long terme. En effet, la

détention d’actifs liquides est synonyme de sécurité. Le taux à long terme est alors

égal à la moyenne des taux à court terme sur la durée de vie du titre à laquelle on

ajoute une prime de liquidité*.

La forme ascendante (forme 1) correspond à l’existence d’une prime de liquidité, alors

que, selon la théorie des anticipations, elle révélait l’existence d’anticipations à la

hausse des taux courts.

Une courbe plate (forme 2) correspond à l’absence de toute prime de liquidité, les

agents considérant alors que le risque est identique quelle que soit l’échéance de

l’investissement.

Une courbe inversée (forme 3) correspond à l’existence d’une prime d’illiquidité : les

agents préfèrent acquérir des titres à long terme, considérant que le risque lié à la

détention de ces titres est plus faible que pour des échéances plus rapprochées.

La théorie de la préférence pour la liquidité explique pourquoi les taux se modifient

en même temps de la manière suivante : l’augmentation des taux courts aujourd’hui

induit des taux courts en moyenne plus élevés demain, ce qui accroît les taux longs.

Elle explique aussi pourquoi, lorsque les taux courts sont bas, la forme ascendante de

la courbe des rendements est observée. Dans cette situation, les agents anticipent

une hausse des taux courts jusqu’à un niveau jugé normal. Ainsi, la moyenne

anticipée des taux courts est plus élevée. Il convient de noter qu’en raison de la

présence de la prime de liquidité, les taux longs doivent s’accroître davantage que

dans les deux théories précédentes (la pente des courbes est plus forte). Enfin, si la

17
forme ascendante paraît normale, c’est en raison de la prime de liquidité qui doit

s’accroître avec l’échéance.

Le Graphique 5 illustre de manière simple l’idée de structure des taux d’intérêt. Il

compare ainsi pour trois pays les taux de rendement des obligations d’Etat* à un an

et les taux de rendement des obligations d’Etat à 10 ans.

Graphique 5 Taux des obligations à un an et taux des obligations d’Etat à dix ans

10 6 9
8
5
8 7
4 6
6 5
3
4
4
2 3
2
2 1
1
0 0 0

01/01/1994
01/04/1995
01/07/1996
01/10/1997
01/01/1999
01/04/2000
01/07/2001
01/10/2002
01/01/2004
01/04/2005
01/07/2006
01/10/2007
01/01/2009
01/04/2010
01/07/2011
01/10/2012
01/01/2014
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01/10/2022

-1
-2
-2

France, 1 an France, 10 ans Suisse, 1 an Suisse, 10 ans Etats-Unis, 1 an Etats-Unis, 10 ans

Source : Macrobond (connexion : 23 mai 2023)

Le graphique montre clairement que la tendance lourde est bien un taux court

inférieur au taux long (forme 1).

Les années 2000 sont particulièrement intéressantes. A partir de mai 2004, la banque

centrale des Etats-Unis a régulièrement remonté ses taux d’intérêt pour faire face

aux pressions inflationnistes de plus en plus importantes à cette période. Or, en dépit

de ces augmentations régulières (le taux des Fed funds est ainsi passé de 1,00 % en

juin 2003 à 3,75 % en septembre 2005), les taux d’intérêt à long terme ont peu réagi

aux Etats-Unis, mais aussi dans la zone euro. On a donc observé un aplatissement de

la courbe des taux aux Etats-Unis, moins marqué dans la zone euro car les taux courts

ont monté plus tardivement. Sur le graphique, l’aplatissement se traduit par le fait

que les taux courts se sont de plus en plus rapprochés des taux longs.

18
Cette évolution traduit ce que l’on appelle parfois « l’énigme des taux » depuis que le

Président de la banque centrale des Etats-Unis à ce moment-là, Alan Greenspan, a

utilisé cette expression en février 2005.

En effet, alors que dans les précédents épisodes de durcissement monétaire, les taux

longs augmentaient, dans la période évoquée les rendements du Trésor 10 ans ont

enregistré un repli cumulé de 50 points de base (pb) en dix mois jusqu’à mi-mai 2005,

pour s’établir à 4,12 % aux États-Unis. De même, dans la zone euro et au Japon, ils

ont cédé respectivement 107 pb et 49 pb de fin juin 2004 à mi-mai 2005. Le Graphique

5 montre une inversion de la courbe des taux en Suisse pratiquement à la même

période qu’aux Etats-Unis.

La crise financière mondiale de 2008-2009 a entrainé une très forte baisse des taux

d’intérêt à court terme accompagnée de celle des taux longs, mais à un rythme moins

rapide. En conséquence, la courbe des taux s’est de nouveau « pentifiée » dans le sens

normal, mais sur des niveaux de taux d’intérêt très bas. Cette tendance n’a pas

changé de manière significative dans la zone euro et en Suisse. Au contraire, on voit

aux Etats-Unis, à partir de fin 2015, un aplatissement de la courbe des taux lié à la

fin de la politique d’aisance quantitative aux Etats-Unis. Ainsi, les taux courts ont

augmenté de manière significative mais sans forte réaction des taux longs. Du début

2019 à la crise liée à la COVID-19, la courbe des taux est presque plate aux Etats-

Unis, puis elle se « pentifie » de nouveau sous l’impact de la forte baisse des taux

courts pour répondre aux conséquences économiques de la crise sanitaire.

La baisse des taux d'intérêt à long terme nominaux et réels est une tendance lourde

des 40 dernières années.

19
 Voir aussi la vidéo Ch3_02_Baisse structurelle des taux d'intérêt à long

terme_Explications

Le graphique 6 illustre ce mouvement pour les pays du Groupe des Sept hors Italie.

On voit clairement que les taux réels sont marqués par un trend baissier qui débute

dès les années 1980, donc bien avant la crise financière mondiale. Une vaste

littérature s'est attachée à comprendre ce mouvement baissier structurel en utilisant

le concept de « taux d’équilibre » ou « taux naturel », que l'on peut définir comme étant

« le taux d’intérêt réel compatible avec une production à son niveau potentiel et une

inflation à sa cible » (BIS, Rapport Annuel 2018, p. 39).

Un premier ensemble de travaux met en avant la dynamique de l'investissement et

de l'épargne des agents privés. Ce type d'explications est à rapprocher de la thèse de

la « stagnation séculaire » mise en avant par L.H. Summers (2015) mais dont les

origines remontent à A.H. Hansen (1939)6.

Graphique 6 Moyenne des taux d'intérêt sur les emprunts d'État protégés contre

l'inflation dans le Groupe des Sept hors Italie

Source : Rachel L. et Summers L.H. (2019)7, p. 9.

6 Summers L. H. (2015), « Have we entered an age of secular stagnation », IMF Economic Review,
vol. 63, pp. 277-280. Hansen A.H. (1939), « Economic progress and declining population », The
American Economic Review, vol. 29, no 1, pp. 1-15.
7 Rachel L. et Summers L.H. (2019), « On falling neutral real rates, fiscal policy, and the risk of secular

stagnation », Brookings Paper on Economic Activity, printemps, pp. 1-76.

20
La faible dynamique de l'investissement repose sur deux facteurs principaux. D'une

part, on observe depuis la fin des années 1970 une baisse tendancielle de la

productivité des facteurs dans les principaux pays avancés. En outre, la croissance

potentielle8 des économies est elle aussi en baisse. La conséquence est un impact

négatif sur les rendements marginaux du capital et, par là même, sur

l'investissement des firmes. D'autre part, les coûts relatifs du capital (notamment les

équipements informatiques) tendent à diminuer, ce qui à son tour réduit les dépenses

d’investissement. L'épargne quant à elle répond à des évolutions démographiques

elles aussi structurelles telles que le vieillissement de la population et l'accroissement

de l’espérance de vie. Dans son Panorama de la société 2019, l'OCDE montre que si,

en 1970, il y avait, en moyenne dans les pays de l'OCDE, 18 personnes âgées de 65 ans

et plus pour 100 personnes âgées de 20 à 64 ans, ce ratio est passé à 28 en 2015. Les

projections prévoient un doublement de ce ratio (à 57 %) d'ici à 2060. Selon la théorie

du cycle de vie, le vieillissement de la population se traduit par une hausse

structurelle du taux d’épargne. Celle-ci est amenée à augmenter jusqu’au moment où

les agents économiques sont à la retraite. Ils puisent alors dans cette épargne afin de

maintenir leur sentier désiré de consommation au cours du temps. L'évolution de

l'épargne, à l'échelle macroéconomique, est aussi influencée par la montée des

inégalités présentes dans les économies avancées depuis le début des années 1980.

En effet, les ménages à revenus élevés ont une propension à épargner supérieure

8 La croissance potentielle peut se définir comme le taux de croissance du PIB potentiel, soit « la
croissance que l’économie peut maintenir à long terme, hors effets de court terme liés à un écart entre
la demande et le niveau potentiel de l’offre ». Le PIB potentiel est « le niveau maximum de production
que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui
se traduisent par des poussées inflationnistes ». Source : Banque de France, « La croissance
potentielle : une notion déterminante mais complexe », Focus no 13, 2 mars 2015.
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/focus-13_2015-03-02_fr.pdf

21
relativement aux ménages les plus pauvres et à ceux de la classe moyenne. L. Rachel

et L.H. Summers (2019) ont étudié l'évolution du taux naturel agrégé pour les pays

de l'OCDE. Un résultat particulièrement remarquable de leur travail est de montrer

que le taux naturel serait négatif si on éliminait l'influence des politiques budgétaires

sur ces taux, influence qui s'exerce notamment via la hausse structurelle des

dépenses liées aux retraites et à la santé. Les deux auteurs soulignent ainsi que les

dynamiques de l'épargne et de l'investissement des agents privés jouent un rôle

déterminant dans la baisse structurelle des taux d'intérêt naturels.

P.O. Gourinchas et H. Rey (2016)9 reprennent la thèse du saving glut pour expliquer

la faiblesse des taux d'intérêt réels à trois mois sans risque (bons du Trésor). Le

saving glut est la conséquence de deux principales tendances. La première est la

demande accrue d’actifs sûrs, en particulier celle des pays émergents. La seconde

tendance est ce que G.B. Eggertsson et P. Krugman (2012)10 ont appelé le delevaring

shock (choc de désendettement). Les pays les plus frappés par la crise financière

mondiale ont connu un tel choc, qui est équivalent à un accroissement de la

propension à épargner. Il est possible de rapprocher cet argument de l'évolution en

longue période du ratio consommation/richesse dans les pays avancés. C'est ce que

font P.O. Gourinchas et H. Rey (2016) pour un échantillon de quatre pays

(Allemagne, États-Unis, France et Royaume-Uni) sur la période 1920-2011. Les deux

auteurs montrent que dans les périodes d'euphorie financière, ce ratio diminue

fortement en raison de la hausse des prix des actifs. Deux points bas sont identifiés :

9 Gourinchas P.O. et Rey H. (2016), « Real interest rates, imbalances and the curse of regional safe
asset providers at the Zero Lower Bound », in The future of the international monetary and financial
architecture, ECB Conference proceedings, pp. 70-109.
10 Eggertsson G.B. et Krugman P. (2012), « Debt, deleveraging, and the liquidity trap: a Fisher-

Minsky-Koo approach », The Quarterly Journal of Economics, vol. 127, no 3, pp. 1469–1513.

22
1928-1929 et 1997. Cependant, la crise financière provoque une chute de la richesse

des agents privés consécutive à la baisse du prix des actifs. Elle est suivie par une

période d'ajustement au cours de laquelle le ratio consommation/richesse s'accroît.

Or, au cours de cette période d'ajustement, les taux d'intérêt réels sans risque se

situent à des niveaux très bas, et ce, de manière durable.

Dans son Rapport annuel 2018, la BRI met en avant un déterminant peu étudié dans

la littérature : le facteur monétaire. Selon la BRI, les facteurs monétaires ont des

« effets sur les taux d’intérêt réels plus persistants qu’on ne le suppose

habituellement » (BRI, 2018, p. 46). Deux canaux principaux peuvent expliquer cette

influence sur les taux d'intérêt réels. D'une part, certains régimes monétaires – en

particulier l'étalon-or et le régime de ciblage d'inflation – ancrent de manière plus

efficace les anticipations d’inflation conduisant alors à une transmission continue des

variations du taux d’intérêt nominal aux taux réels. D'autre part, dans la mesure où

la politique monétaire exerce une influence sur les phases d’expansion et de

contraction des cycles financiers et que ces derniers peuvent eux-mêmes exercer une

influence durable sur l'économie réelle – notamment par une correspondance

contraction financière-récession macroéconomique persistante – les taux d'intérêt

réels sont affectés.

Une conclusion importante de cette littérature sur la faiblesse structurelle des taux

longs est que les gouvernements et les banques centrales doivent accepter de mener

des politiques économiques expansionnistes afin de sortir les économies d'une forme

de trappe à inactivité où la demande agrégée est fortement contrainte. Cette

préconisation est l'objet d'intenses débats.

23
1.4. La distinction taux d’intérêt nominal – taux d’intérêt réel

 Voir Vidéo Ch3_03_Taux d'intérêt nominal et taux d'intérêt réel

Nous avons raisonné jusqu’à présent en termes de taux d’intérêt nominal*, c’est-à-

dire un taux d’intérêt ne tenant pas compte de l’inflation. Or, les agents économiques,

emprunteurs comme prêteurs, peuvent être sensibles non pas au taux nominal mais

au taux d’intérêt effectivement représentatif de ce que coûte ou rapporte une

opération d’emprunts. Dans ce cas, ce qui importe est le taux d’intérêt réel*. Ce

dernier est calculé comme la différence entre le taux d’intérêt nominal et le taux

d’inflation anticipé.

Pour comprendre cette relation que nous allons expliciter, on peut raisonner comme

si l’intérêt reçu par le prêteur était un salaire. Lorsque l’on est un salarié, ce qui

compte ce n’est pas le salaire affiché sur la fiche de paye, le salaire nominal, mais ce

qu’il peut effectivement acheter avec, ce que l’on appelle le pouvoir d’achat. Ce dernier

se déduit de la différence entre le salaire nominal et l’inflation anticipée, ce que l’on

appelle le salaire réel. La distinction taux d’intérêt nominal – taux d’intérêt réel

repose sur la même idée.

Le taux d’intérêt réel est défini par la relation de Fisher 11 qui exprime une relation

entre le taux d’intérêt nominal, le taux d’intérêt réel et l’inflation anticipée. Cette

relation s’écrit :

(1 + 𝑖𝑖) = (1 + 𝑖𝑖𝑟𝑟 )(1 + 𝜋𝜋 𝑎𝑎 ) soit aussi 𝑖𝑖 = 𝑖𝑖𝑟𝑟 + 𝜋𝜋 𝑎𝑎 + (𝑖𝑖𝑟𝑟 × 𝜋𝜋 𝑎𝑎 )

avec i le taux d’intérêt nominal, ir le taux d’intérêt réel et πa l’inflation anticipée.

Cette relation peut se simplifier en écrivant 12 :

11 Du nom de l’économiste américain Irving Fischer (1867-1947).


12 En effet, pour de petites valeurs de ir et de πa, le terme ir x πa est très petit. On peut alors le négliger.

24
𝑖𝑖 = 𝑖𝑖𝑟𝑟 + 𝜋𝜋 𝑎𝑎

Selon cette relation, les agents anticipant une inflation positive exigent une

augmentation de leur rémunération nominale afin de compenser la perte anticipée

de pouvoir d’achat. Par exemple, un accroissement de l’inflation anticipée de 5 %

provoque une augmentation de 5 % de i.

Lorsque le taux d’inflation* est supérieur au taux d’intérêt nominal, alors le taux

d’intérêt réel est négatif, ce qui encourage l’emprunt, mais pas les placements.

Lorsque le taux d’inflation diminue plus rapidement que le taux d’intérêt nominal,

alors le taux réel augmente, ce qui encourage le placement et décourage l’emprunt

qui est plus coûteux.

Le Graphique 7 présente l’écart entre le taux de rendement à 10 ans des emprunts

d’Etat et le taux d’inflation pour l’Allemagne, la France, l’Italie et la Suisse.

Graphique 7 Taux d’intérêt réel dans quelques pays avancés, 1960-2023 (avril)

Source : Macrobond (connexion : 23 mai 2023)

25
Le graphique montre bien dans quelle mesure l’inflation relativement élevée de

l’inflation en France et en Italie dans la seconde moitié des années 1970 a favorisé

l’endettement en raison de taux d’intérêt réels très faibles, voire même négatifs. A

contrario, le retournement des taux d’intérêt nominaux et le recul de l’inflation au

début des années 1980 a conduit à une très forte augmentation des taux d’intérêt

réels, ce qui a fortement pesé sur l’activité économique.

Section 2 Le marché des actions

L’émission d’actions représente le principal moyen pour les entreprises d’augmenter

leurs capitaux propres*.

Contrairement aux obligations, les actions représentent des titres d’associés.

L’actionnaire possède en effet une fraction du capital social de l’entreprise émettrice

et jouit de tous les droits qui s’y attachent, dont le droit de vote aux assemblées et la

rémunération des fonds immobilisés sous la forme de dividendes.

Les dividendes ne peuvent être versés que lorsque les résultats de l’exercice sont

bénéficiaires. Il convient aussi de préciser que les salariés de l’entreprise, ses

créanciers et ses prêteurs ont un privilège par rapport à l’actionnaire si la société fait

faillite. C’est la raison pour laquelle l’actionnaire est qualifié de « créancier résiduel »

ou en tant que détenteur d’un « droit résiduel ». Le risque encouru par l’actionnaire

est compensé par une possibilité de revenu, le dividende, à laquelle s’ajoute celle

d’une valorisation de l’action (plus-value en capital).

Cette section est consacrée uniquement à la question de l’évaluation du prix des

actions. Dans un premier temps, on introduit le raisonnement de base de permettant

de déterminer le prix d’une action (2.1). Dans un second temps, on aborde l’hypothèse

d’efficience du marché des actions qui revient à se poser la question suivante : le prix

26
courant des actions reflète-t-il en moyenne leur prix d’équilibre ? (2.2). L’appendice 1

disponible sur Moodle présente les principales caractéristiques liées au

fonctionnement du marché des actions.

2.1. L’analyse économique du marché des actions

Comme nous l’avons souligné dans l’introduction de ce chapitre, une des fonctions des

marchés financiers est de pouvoir permettre aux détenteurs de titres d’estimer leur

valeur. Nous avons alors mis en avant l’idée de base suivante : la valorisation d’un

actif repose sur les flux de revenus futurs qu’il génère durant sa durée de vie. Ce

principe est au cœur de l’évaluation du prix d’une action. Il est important de souligner

que la question de l’évaluation du prix d’une action va au-delà de sa valorisation pour

son détenteur. En effet, une « bonne » évaluation des valeurs boursières doit conduire

à une meilleure allocation des capitaux entre les différents secteurs de l’économie

ayant des besoins de financement.

Supposons 13 un épargnant qui décide d’acquérir, sur les conseils de son courtier, les

actions de la société Omega. Au moment de sa prise de décision, les informations

diffusées par le marché et les analystes sont les suivantes :

- les actions de la société Omega ont une valeur unitaire de 50 euros ;

- la société Omega verse un dividende annuel de 2 euros ;

- la presse financière révèle que les analystes de marché anticipent au cours de

l’année une augmentation de la valeur unitaire de l’action de 10 euros.

La question que l’on se pose est la suivante : compte-tenu de ces informations, notre

épargnant doit-il acquérir cette action ? La réponse à cette question repose sur celle

13On prend appui ici sur F. Mishkin (2007), Monnaie, banque et marchés financiers, 8ème édition,
Pearson Education, Paris, p.170-171.

27
qui sera donnée par l’épargnant à une autre question : le prix de l’action constaté sur

le marché aujourd’hui reflète-t-il correctement les anticipations des analystes ?

Pour déterminer si c’est le cas, il convient de déterminer la valeur actualisée des flux

de revenus futurs générés par la détention de cette action. Le raisonnement est très

proche de celui mené dans la section 1 de ce chapitre à propos de la détermination du

prix d’une obligation. Cependant, dans le cas du prix de l’action de la société Omega,

le taux d’actualisation est défini comme le taux de rendement – appelé aussi taux de

rentabilité – demandé par les actionnaires. Il ne s’agit donc pas du taux d’intérêt, ce

qui était le cas pour le prix des obligations.

Le prix des actions repose sur deux déterminants : le dividende versé par la société

et le prix de vente final de l’action. Ce sont ces deux variables qui sont donc utilisées

pour calculer la valeur actualisée d’une action. On a ainsi :

𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷 𝑃𝑃
𝑃𝑃0 = (1+𝑘𝑘1 ) + (1+𝑘𝑘1 (1)
𝑒𝑒 𝑒𝑒 )

avec P0 le prix actuel de l’action (soit aussi le prix constaté sur le marché au moment

de décider de son achat). L’indice t = 0 désigne l’instant présent ; Div1 est le dividende

payé à la fin de la première année ; ke le taux de rentabilité exigé par les actionnaires ;

et P1 le prix de l’action à la fin de la première année. Comme nous sommes à l’instant

t = 0, il s’agit d’une anticipation pour l’épargnant.

Supposons que le taux de rentabilité qui satisfait l’épargnant est 12 %. Il est alors

possible d’utiliser l’équation (1) pour calculer le prix d’une action de la Société Omega.

Les données du calcul sont les suivantes :

- ke = 0,12 ;

- Div1 = 2 ;

- P1 = 60.

28
La valeur actuelle théorique de l’action de la Société Omega est la suivante :

2 60
𝑃𝑃0 = + = 55,36 €
1 + 0,12 1 + 0,12

Dans la mesure où le prix actuel de l’action est de 50 euros, notre épargnant peut

l’acheter car l’opération, sur la base des données précédentes, est rentable.

Cependant, il convient de noter que le fait que la valeur de marché soit inférieure à

la valeur théorique peut résulter de la présence d’un risque perçu par les autres

investisseurs à propos des perspectives de rendements de la Société Omega. Dans un

tel cas, les investisseurs vont exiger un rendement supérieur au 12 % posé

précédemment.

L’analyse précédente peut être généralisée de la manière suivante.

Au lieu d’avoir une seule période, on suppose à présent qu’il existe n périodes. Cela

implique que les revenus actualisés liés à la détention d’une action de la Société

Omega repose sur une série de n dividendes (une par période) et sur le prix de revente

de l’action à la fin de la n-ième période.

L’équation (1) est alors généralisée à n périodes de la manière suivante :

𝐷𝐷 𝐷𝐷 𝐷𝐷 𝑃𝑃
𝑃𝑃0 = (1+𝑘𝑘1 )1 + (1+𝑘𝑘2 )2 + ⋯ + (1+𝑘𝑘𝑛𝑛 )𝑛𝑛 + (1+𝑘𝑘𝑛𝑛 )𝑛𝑛 (2)
𝑒𝑒 𝑒𝑒 𝑒𝑒 𝑒𝑒

Un point important doit être souligné. Pour utiliser l’équation (2) dans l’évaluation

du prix d’une action, il est nécessaire de faire une hypothèse sur le cours de l’action

au moment de sa revente (soit Pn). Dans le cas où n est grand, c’est-à-dire que

l’horizon de revente est très éloigné, cette question a peu de conséquence sur P0. Plus

précisément, la valeur actualisée du produit de la vente d’une action qui vaudra 50

euros dans 80 ans, au taux d’actualisation de 12 %, est de 0,006 centime d’euro

50€
�(1+0,12)80� = 0,006€. Cet exemple nous conduit à une conclusion importante : il est

29
possible de calculer la valeur d’une action en prenant en compte uniquement la valeur

actualisée des flux de dividendes.

Le modèle généralisé d’évaluation d’une action par les dividendes s’écrit de la

manière suivante :

𝐷𝐷𝑡𝑡
𝑃𝑃0 = � (3)
(1 + 𝑘𝑘𝑒𝑒 )𝑡𝑡
𝑡𝑡=1

On retrouve bien l’idée selon laquelle le prix actuel de l’action est estimé à partir du

flux actualisé de dividendes versé par l’entreprise.

2.2. L’efficience des marchés actions en question

Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, et plus particulièrement dans le

chapitre 1, une fonction essentielle des marchés financiers est de mettre en

correspondance les agents à capacité de financement et ceux à besoin de financement.

Il est cependant une fonction sous-jacente à cette mise en correspondance qui est

essentielle, c’est celle de la capacité des marchés à allouer de manière la plus efficace

possible des ressources rares. Cette fonction est discutée à travers ce que l’on appelle

l’efficience des marchés.

On définit en premier lieu l’efficience des marchés financiers (2.2.1.). Ensuite, on

explique les principes de base de l’efficience en l’appliquant aux marchés des actions

(2.2.2.). Enfin, on souligne les limites de cette hypothèse (2.2.3.).

2.2.1. Définition de l’efficience informationnelle

On dira qu'un marché est efficient du point de vue informationnel lorsqu'en moyenne

il n'est pas possible d’obtenir des profits en excès de transactions effectuées sur la

30
base d'informations publiques. On distingue trois formes d'efficience

informationnelle 14 :

- la forme faible : l'information considérée consiste exclusivement dans la série des

prix (ou des rendements) passés. Aucun opérateur ne peut obtenir un rendement

anormal en utilisant les prix ou rendements du passé dans la mesure où tout le monde

les connaît ;

- la forme semi-forte : les prix absorbent toute l'information publique disponible. Nul

opérateur ne peut donc obtenir de rendements en excès en se fondant sur ces éléments

- la forme forte : les prix reflètent aussi les informations privilégiées.

2.2.2. L’efficience du marché des actions 15

 Voir la vidéo Ch3_04_Efficience du marché des actions_Principes de base de

l'efficience

Le point de départ de l’analyse est le suivant : sur un marché efficient d’un point de

vue informationnel, on considère que le prix des actions reflète l’intégralité des

informations disponibles sur le marché à un moment donné. On sait que le taux de

rendement d’un actif financier – ici une action – est la somme de deux composantes

divisées par le prix d’achat initial de l’action :

- les gains en capital liés à la variation du prix de l’action entre le moment de l’achat

et le moment de la vente ;

- les flux de dividendes reçus pendant la durée de détention de l’action.

On a ainsi :

14 E. Fama (1970), « Efficient capital markets: a review of theory and empirical work », The Journal of
Finance, vol.25, n°2, p. 383-417.
15 Ce paragraphe prend appui sur F. Mishkin (2007), op. cit., p.179-182.

31
(𝑃𝑃𝑡𝑡+1 −𝑃𝑃𝑡𝑡 )+𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷
𝑅𝑅 = 𝑃𝑃𝑡𝑡
(4)

avec R, le taux de rendement de l’action entre t et t + 1 ; Pt+1, le prix de l’actif au

moment de la revente à t + 1 ; Pt, le prix de l’actif à son achat à t ; et Div, les flux de

dividendes entre t et t + 1.

Dans l’équation (4) ci-dessus, la seule variable qui n’est pas connue par un agent au

temps t est le prix futur de l’action (soit Pt+1). En notant 𝑃𝑃𝑡𝑡,𝑡𝑡+1


𝑎𝑎
le prix anticipé de

l’action à t pour t + 1, alors le taux de rentabilité anticipé de l’action, Ra, peut s’écrire

de la manière suivante :
𝑎𝑎
�𝑃𝑃𝑡𝑡,𝑡𝑡+1 −𝑃𝑃𝑡𝑡 �+𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷𝐷
𝑅𝑅 𝑎𝑎 = (5)
𝑃𝑃𝑡𝑡

Avant d’aller plus loin, il est important d’introduire une hypothèse fondamentale

concernant le comportement des agents du point de vue de leurs anticipations. Plus

précisément, l’hypothèse d’efficience des marchés suppose que les agents forment des

anticipations rationnelles. Cela signifie qu’ils utilisent de manière optimale toute

l’information dont ils disposent à un moment donné – on parle d’ensemble

d’informations – pour obtenir la meilleure prédiction – elle sera dite optimale – du

prix futur de la variable considérée, ici le prix futur de l’action.

Ainsi, dans l’équation (5), on a supposé que les agents anticipaient à t le prix futur de

l’action pour une période t + 1. De manière plus rigoureuse, on peut écrire :

X ta,t +1 = E ( X t +1 / I t ) avec X ta,t +1 la valeur prévue d’une variable (ici une action) en t pour

t+1, It l'ensemble d'informations disponibles à l'instant t et E l'espérance

mathématique de Xt+1 conditionnée par It. L’écriture en termes d’espérance

mathématique est liée au fait que les agents forment les meilleures anticipations

possibles.

32
Les anticipations étant optimales (o), on peut donc écrire que
𝑎𝑎 𝑜𝑜
𝑃𝑃𝑡𝑡,𝑡𝑡+1 = 𝑃𝑃𝑡𝑡+1

et donc que

𝑅𝑅 𝑎𝑎 = 𝑅𝑅 𝑜𝑜

Comme le souligne F. Mishkin (2007 : p.180), il est impossible d’observer Ra et 𝑃𝑃𝑡𝑡,𝑡𝑡+1


𝑎𝑎
.

Afin de les approximer, il est nécessaire de conduire un raisonnement en termes

d’offre et de demande sur le marché des actions.

L’idée centrale est de considérer que le rendement anticipé, Ra, va varier tant que sur

le marché la quantité demandée et la quantité offerte ne seront pas égales. Autrement

dit, la détermination du taux de rendement anticipé est équivalente à la

détermination du taux de rendement d’équilibre où quantités offertes et demandées

sont égales. En notant R* le taux de rendement d’équilibre, on obtient l’égalité 𝑅𝑅 𝑎𝑎 =

𝑅𝑅 ∗ . Comme sous l’hypothèse d’anticipations rationnelles, nous avons écrit que 𝑅𝑅 𝑎𝑎 =

𝑅𝑅 𝑜𝑜 , on peut en déduire que 𝑅𝑅 𝑜𝑜 = 𝑅𝑅 ∗ . Cela signifie que sur un marché efficient, le prix

actuel d’une action est tel que la prévision optimale du taux de rentabilité avec des

agents utilisant de manière optimale toute l’information disponible est égale à la

rentabilité d’équilibre (donnée par R*) de l’action (Mishkin, 2007 : p.180).

L’implication essentielle de l’analyse qui précède est que sur un marché efficient, les

prix observés reflètent en permanence les prix d’équilibre.

Pour comprendre cette implication, il faut montrer que sur un marché efficient les

prix – ou les rendements – ne peuvent pas dévier durablement de leur valeur

d’équilibre. On dira alors qu’il n’existe sur le marché aucune opportunité d’arbitrage

(ou de profit) qui serait inexploitée. L’idée est ainsi de considérer que :

33
- lorsque à un moment donné 𝑅𝑅 𝑜𝑜 > 𝑅𝑅 ∗ , alors les investisseurs achètent le titre en

question, ce qui accroît son prix (Pt) et par là-même diminue son rendement (Ro) ;

- lorsque à un moment donné 𝑅𝑅 𝑜𝑜 < 𝑅𝑅 ∗ , alors les investisseurs vendent le titre en

question, ce qui diminue son prix et par là-même augmente son rendement.

Deux remarques s’imposent ici. D’une part, le raisonnement précédent considère de

manière implicite que la spéculation16 est stabilisante. En effet, les investisseurs

achètent quand ils pensent que les prix sont bas et vendent lorsqu’ils considèrent que

les prix sont élevés. Les prix du marché sont ainsi constamment ramenés vers leur

valeur d’équilibre. D’autre part, si des opportunités de profit demeuraient

inexploitées de manière durable, cela signifierait que les investisseurs n’utilisent pas

de manière optimale toute l’information disponible, ce qui serait contradictoire avec

l’hypothèse d’anticipations rationnelles et, par implication, avec celle d’efficience des

marchés.

Une autre implication de l’hypothèse d’efficience, en apparence paradoxale, est l’idée

selon laquelle les cours des titres suivent une marche aléatoire. Afin de comprendre

cette idée, il faut en revenir au fait que les opérateurs connaissent toute l'information

pertinente, qu'ils sont capables d'intégrer ses effets dans la distribution de

probabilités de la variable considérée et qu'ils sont en mesure d'utiliser ces

connaissances dans leurs opérations d'achats - ventes.

16 N. Kaldor (1939) a donné la définition suivante de la spéculation, très largement utilisée : il s’agit

d’un « achat ou vente de biens avec intention de revente (ou de rachat) à une date ultérieure, lorsque
l'action est motivée par l'espoir d'une modification du prix en vigueur et non par l'avantage lié à l'usage
du bien ». La spéculation est donc une opération risquée. Elle ne repose pas sur la détention d’un bien
en raison de l’utilité que l’on peut en retirer mais sur la détention de ce bien (ou de cet actif) dans la
perspective de le revendre plus tard avec une plus-value. Source : « Speculation and Economic
Stability », Review of Economic Studies, vol.7, n°1 ; p.1-27, traduction française sous le titre
« Spéculation et stabilité économique », Revue française d'économie, 1987, vol. 2, n°3, p.115-164.

34
Dans ce contexte, l'hypothèse de marche aléatoire signifie que le meilleur prédicteur

du prix futur d’une action est le prix observé aujourd'hui. Autrement dit, la variation

du prix d’une action entre deux points du temps – t et t + 1 par exemple – est

indépendante de l'information connue initialement. Il ne peut en être autrement dans

la mesure où l'information est supposée s'intégrer infiniment rapidement au prix des

actions. Plus précisément, on dira qu'à l'instant t, les opérateurs ne peuvent pas

prévoir les variations futures du prix d’une action puisque celles-ci dépendent des

modifications des informations qui participent à la formation des prix futurs, mais

qui sont inconnues à t. Si elles étaient connues, l'hypothèse d'efficience fait qu'elles

seraient intégrées dès aujourd’hui au prix de l’action. Le prix de l’action va donc

suivre une marche aléatoire : il est impossible de prévoir ses variations futures. En

conséquence, la meilleure prévision possible du cours de l’action à t + 1, c'est-à-dire

l'espérance mathématique conditionnelle à l'ensemble d'informations en t, est le cours

de l’action d'aujourd'hui (à t), en terme formel, nous avons donc : E(Pt,t+1 /I t )=Pt . Cela

provient du fait que le prix d'aujourd'hui intègre toute l'information pertinente

disponible. La variation du prix d'une période sur l'autre ne dépend que des effets de

surprise affectant les anticipations des acteurs et est indépendante de l'information

disponible initialement.

2.2.3. Peut-on considérer que les marchés financiers sont efficients ? 17

L’efficience des marchés financiers implique que ces derniers tendent à s’autoréguler

au sens où la spéculation étant stabilisante, il en résulte le fait que les cours

17On s’appuie ici sur J.P. Allegret et P. Le Merrer (2015), Economie de la mondialisation, 2ème édition,
p.265-274 et Mankiw G.N. et Taylor M.P. (2015), Principes de l’économie, 4ème édition, Paris, p.800-
807.

35
reviennent toujours vers leurs « vraies » valeurs, c’est-à-dire vers leur valeur

d’équilibre.

Sur des marchés efficients, des déviations persistantes et croissantes – ce que l’on

appelle des bulles – des valeurs courantes par rapport aux valeurs d’équilibre ne

peuvent pas être observées. Les formations de bulles sont observées sur les marchés,

comme par exemple la bulle sur les valeurs liées aux nouvelles technologies de

l’information et des télécommunications.

Quelques données permettent de donner un aperçu de ce que RJ. Shiller (2000)

nomme L’exubérance irrationnelle des marchés 18. Le Graphique 8 est tiré des

données compilées par Shiller depuis de nombreuses années. Il montre pour les Etats-

Unis l’évolution en longue période du Price Earning Ratio (PER) qui est le rapport

entre le cours d’une action et le bénéfice par action. Ainsi, en supposant un capital

composé de 500 000 actions à 200 euros l’unité, un résultat net de 20 millions d’euros,

200
alors le PER est égal à �20000000� = 5. Autrement dit, la société en question vaut
500000�

cinq fois son bénéfice. D’un point de vue économique, le PER mesure dans quelle

mesure le marché est cher relativement à la capacité des firmes à dégager des profits.

18Du nom de son ouvrage Irrational exuberance publié en 2000 à Princeton University Press et traduit
en français la même année chez Valor. R.J. Shiller a reçu le Prix Nobel d'économie en 2013 en
compagnie notamment d'Eugène Fama.

36
Graphique 8 Etats-Unis : Price Earning Ratio de l’indice SP500 ajusté du cycle, 1881-

2022 (janvier)

Source : Macrobond, S&P/Robert Shiller

Le graphique fait apparaître deux périodes où le PER a atteint des niveaux

particulièrement élevés, 1929 et fin 1999, deux périodes qui correspondent toutes les

deux à des krachs boursiers. On voit aussi que la période après la libéralisation

financière du début des années 1980 est marquée par un net accroissement des PER

suggérant que les prix des actions sont de moins en moins reliés avec la capacité des

firmes à générer des profits.

Une manière complémentaire de s’interroger sur la capacité des marchés financiers

à refléter les prix d’équilibre est de rapprocher en longue période le prix des actions

et les profits. Le Graphique 9 montre clairement que jusqu’à la fin des années 1970

les deux courbes se suivent d’assez près, mais elles divergent ensuite. On observe en

effet une augmentation beaucoup plus importante des prix des actions relativement

aux profits dégagés par les firmes.

37
Graphique 9 Etats-Unis : prix des actions et profits des entreprises, prix constants,
1871 – 2021 (décembre)

5000 70

4500
60
4000

3500 50

3000
40
2500
30
2000

1500 20
1000
10
500

0 0

01/01/1871
01/07/1875
01/01/1880
01/07/1884
01/01/1889
01/07/1893
01/01/1898
01/07/1902
01/01/1907
01/07/1911
01/01/1916
01/07/1920
01/01/1925
01/07/1929
01/01/1934
01/07/1938
01/01/1943
01/07/1947
01/01/1952
01/07/1956
01/01/1961
01/07/1965
01/01/1970
01/07/1974
01/01/1979
01/07/1983
01/01/1988
01/07/1992
01/01/1997
01/07/2001
01/01/2006
01/07/2010
01/01/2015
01/07/2019
01/01/1871
01/07/1875
01/01/1880
01/07/1884
01/01/1889
01/07/1893
01/01/1898
01/07/1902
01/01/1907
01/07/1911
01/01/1916
01/07/1920
01/01/1925
01/07/1929
01/01/1934
01/07/1938
01/01/1943
01/07/1947
01/01/1952
01/07/1956
01/01/1961
01/07/1965
01/01/1970
01/07/1974
01/01/1979
01/07/1983
01/01/1988
01/07/1992
01/01/1997
01/07/2001
01/01/2006
01/07/2010
01/01/2015
01/07/2019
Index, Price Return, Average of Period Index (Shiller), Constant Prices, Dividends Index (Shiller), Constant Prices, Dividends

Source : Macrobond, S&P/Robert Shiller

Comment peut-on expliquer la présence de bulles sur les marchés financiers ?

La réponse principale réside dans le fait qu’un investisseur – conscient d’être en

interaction avec les autres investisseurs sur le marché – ne prend pas seulement en

compte les informations qu’il reçoit sur la valeur fondamentale d’un titre, mais

intègre aussi l’opinion des autres investisseurs sur la valeur de ce titre.

Dans cette perspective, on est amené à souligner que les cours des titres

(représentatifs d'actifs productifs soulignons-le) sont soumis à l'opinion collective des

opérateurs. L'objectif de chaque investisseur n'est plus d'essayer d'estimer le risque

lié à un projet d'investissement particulier en captant des informations elles-mêmes

spécifiques, il est plutôt d'estimer ce qu'est l'opinion modale du marché à un moment

donné. Le marché financier est dès lors le théâtre de ce que André Orléan appelle le

mimétisme. Il existe sur le marché une dualité en termes de sources d'informations.

On distingue d'une part, des informations d'origine fondamentale, exogènes au

marché et, d'autre part, des informations liées à la conscience de l'acteur d'intervenir

sur un marché face à d'autres opérateurs, informations purement endogènes. Les

influences interpersonnelles et les dynamiques de groupes sont alors déterminantes

38
dans l'évaluation des cours représentatifs de titres productifs. Chaque individu

cherche à se conformer aux croyances du groupe, donc à suivre et à former la tendance

du marché. Plus la valeur fondamentale est fondée sur des bases imprécises, plus le

comportement mimétique aura tendance à se développer. Or, ces bases imprécises

ont d'autant plus de chances de se développer que les acteurs du marché sont peu

incités à rechercher des informations précises.

Comme l’a souligné J.M. Keynes (1936), les comportements des spéculateurs peuvent

être assimilés à un concours de beauté. Ainsi, les participants au marché tentent de

deviner la valeur des fondamentaux : ils cherchent à choisir des actions appropriées

étant donné l’état de l’économie. Mais ils s’engagent également dans un jeu à somme

nulle pour deviner les actions des autres agents, le gain d’un joueur dépendant de la

distance entre son action et l’action des autres. Plus la distance est petite, plus le gain

est grand. On parle alors de complémentarités stratégiques au sens où le gain espéré

d’un investisseur dépend du comportement des autres. Il existe donc un motif de

coordination pour les preneurs de décision et un motif fondamental. Ainsi, l’action

d’un investisseur dépend-elle non seulement du fondamental de l’économie, mais

aussi de ce que les autres décident de faire. Cette approche a connu des

développements importants avec la littérature consacrée aux croyances d’ordre

supérieure (Morris et Shin).

39
Section 3 Les acteurs des marchés financiers

Les acteurs concernent l’émission des titres (3.1.) et leur détention (3.2.).

3.1. Les émetteurs de titres

On distingue les émetteurs d’obligation d’un côté (3.1.1) et les émissions d’actions de

l’autres (3.1.2). Dans les deux cas, une attention particulière est portée au cas du

marché financier suisse.

3.1.1. Les émissions d’obligations

Comme souligné dans l’introduction de ce chapitre, les obligations sont des titres de

dette négociables sur un marché de l’occasion. Lorsque l’on s’intéresse aux principaux

émetteurs d’obligations, il est important de garder à l’esprit que nous observons une

partie de la structure de financement de l’économie. Or, cette structure repose

souvent à la fois sur des considérations historiques – par exemple comment s’est opéré

le financement des entreprises non-financières – et réglementaires (par exemple le

séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts aux Etats-Unis entre 1932

et 1999 ou la composition des fonds propres décidée par les superviseurs (Bâle I, II et

III)) 19.

Le marché obligataire suisse est un marché relativement liquide qui bénéficie du

statut de valeur refuge du Franc suisse. Comme le rappellent Meier et al. (2023), il

se caractérise par deux spécificités importantes : (i) le marché de la dette privée est

plus important que celui de la dette publique (voir Graphique 00 infra) et (ii) il existe

un marché particulièrement actif pour les émissions étrangères. Plus de la moitié de

19
Pour les étudiants intéressés, voir le Supplément 2 Stabilité financière, règlementation prudentielle et supervision
financière.

40
ces dernières proviennent de trois zones économiques : Union européenne, États-Unis

et Canada.

Les emprunts suisses sont dominés par les banques, les entités gouvernementales

(c'est-à-dire la Confédération, les cantons et les communes) et, de manière croissante,

les deux instituts Pfandbrief qui servent à la constitution de ressources à long terme

pour les banques engagées dans des financements hypothécaires. Leur

développement est lié à des exigences réglementaires ayant pour objectifs d'éviter

l'occurrence de crises immobilières telles que celles des Etats-Unis et de l'Espagne au

moment de la crise financière mondiale de 2008-2009. La taille relativement petite

du marché des obligations d'Etat en Suisse est quant à elle liée à une meilleure

maitrise de la dette publique que ce que l'on observe dans d'autres pays avancés

(Graphique 10).

Graphique 10 Dette publique en % du PIB dans quelques pays avancés

Source : International Monetary Fund, World Economic Outlook database 2023

Comme dit précédemment, à l’exception de quelques pays qui ont réussi à maîtriser

leur dette, les principaux émetteurs sont les Etats (Graphique 11). Aux Etats-Unis

où le financement par crédit bancaire des entreprises non-financières est moins

41
répandue qu’en Europe continentale, on voit que ces firmes sont les deuxièmes

principales émettrices. A contrario, les marchés obligataires sont encore peu

développés au sein de la zone euro. Les banques apparaissent dès lors comme des

agents émetteurs importants d’obligations.

Graphique 11 Titres de dette en Zone euro, aux Etats-Unis et en Suisse, répartition


des émetteurs en % du total
Zone euro Etats-Unis Suisse

100 100 100 31,7 42,7 18,6


90 90 90
80 80
80
70 70
70
60 60
50 50 60
40 40 50
30 30 40
20 20 30
10 10 20
0 0
10
0

1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Entreprises non financières Etat Institutions monétaires financières Gouvernement fédéral Secteur financier Entreprises non financières Sociétés non financières Sociétés financières Administrations publiques

Sources : Banque centrale européenne, Federal Reserve System et Banque nationale

suisse

Pour terminer, il est important de souligner que les pays émergents connaissent

depuis le milieu des années 2000 – particulièrement après 2008 – une expansion

remarquable des financements par titres.

3.1.2. Les marchés actions

Les marchés boursiers suisses ont connu des transformations significatives visant à

les rendre plus attractifs au niveau mondial. En ce sens, la Suisse a suivi un

mouvement initié par le Bigbang britannique en 1986. Plus précisément, depuis 1987,

les marchés suisses se sont davantage intégrés aux marchés boursiers internationaux

et ce, dans un contexte d'intensification de la concurrence entre les places financières

à l'échelle mondiale. La Suisse a dû aussi faire face au mouvement de concentration

des places boursières qui a été particulièrement important à la fin des années 1990 -

début années 2000.

42
Comme le rappellent Meier et al. (2023 : 456-457), comparé à d'autres pays avancés,

le marché boursier suisse est relativement jeune. Cet état de fait est lié à une

industrialisation relativement lente et à la présence initiale de nombreuses

entreprises privées n'ayant pas besoin de faire appel à des capitaux externes. La

première bourse suisse, située à Genève), a ouvert en 1850. Après cette date,

d'importants besoins d capitaux sont apparus pour financer en particulier des grands

projets d'infrastructure. Comme d'autres pays développés avant la Suisse, ces projets

d'infrastructure ont favorisé le développement des marchés boursiers domestiques.

C'est ainsi que d'autres bourses ont été créées à Bâle (1866), Lausanne et Zurich

(1873), Berne (1884), Saint-Gall (1887) et Neuenburg (1905). La SIX Swiss Exchange,

basée à Zurich, est le résultat d'une fusion en 1993 des bourses encore en activité à

ce moment-là de Bâle, Genève et Zurich.

Une particularité du marché des capitaux suisses est de faire face à peu de

restrictions imposées par le gouvernement fédéral. Il s'agit donc d'un marché

« largement autocontrôlé », source de flexibilité pour répondre aux besoins changeant

des marchés. Les coûts de transaction réduits rendent aussi la place financière suisse

particulièrement attractives pour les investisseurs.

Le Tableau 2 montre pour les années 2000, 2010 et 2022 l’évolution du classement de

la bourse suisse en termes de capitalisation boursière exprimée en dollars américains.

La capitalisation boursière résulte de la multiplication du nombre d'actions cotées

(dimension volume) sur une place par les cours de bourse des entreprises cotées

(dimension prix). En dépit d’un recul significatif par rapport à notre année de départ,

le SIX Swiss Exchange reste parmi les 17 premières places financières.

43
Tableau 2 Capitalisation boursière des 17 premières places boursières mondiales, en

dollars
2000 2010 2022
NYSE 11442383 1 NYSE 13394081,8 1 NYSE 24060385,92
Nasdaq - US 3578593 2 Nasdaq - US 3889369,88 2 Nasdaq - US 16237594,4
Japan Exchange Group Tokyo 3157221,78 3 Japan Exchange Group Tokyo 3827774,2 3 Shanghai Stock Exchange 6724470,89
LSE Group London Stock Exchange 2576991,34 4 LSE Group 3613063,97 4 Euronext 6064467,44
Euronext Paris 1446634,12 5 Euronext 2930072,44 5 Japan Exchange Group 5380475,46
Deutsche Boerse AG 1270243,17 6 Shanghai Stock Exchange 2716470,22 6 Shenzhen Stock Exchange 4700872,09
SIX Swiss Exchange 792315,95 7 Hong Kong Exchanges and Clearing 2711316,16 7 Hong Kong Exchanges and Clearing 4566809,06
TMX Group 770116,51 8 LSE Group London Stock Exchange 2686880,88 8 National Stock Exchange of India 3387366,67
Borsa Italiana 768363,35 9 TMX Group 2170432,73 9 LSE Group London Stock Exchange 3095983,43
Euronext Amsterdam 640456,3 10 Euronext Paris 1911515,39 10 TMX Group 2744719,7
Hong Kong Exchanges and Clearing 623397,74 11 BSE India Limited 1631829,54 11 Saudi Exchange (Tadawul) 2638591,15
BME Spanish Exchanges 504219,32 12 National Stock Exchange of India 1596625,26 12 Deutsche Boerse AG 1889663,94
ASX Australian Securities Exchange 372794,35 13 B3 - Brasil Bolsa Balcão 1545565,66 13 Nasdaq Nordic and Baltics 1856730,17
NASDAQ OMX Nordic Stockholm 328339,04 14 ASX Australian Securities Exchange 1454490,57 14 SIX Swiss Exchange 1830524,61
Taiwan Stock Exchange 247601,87 15 Deutsche Boerse AG 1429719,05 15 ASX Australian Securities Exchange 1679171,93
B3 - Brasil Bolsa Balcão 226152,31 16 Shenzhen Stock Exchange 1311370,08 16 Korea Exchange 1644507,58
Johannesburg Stock Exchange 204300,79 17 SIX Swiss Exchange 1229356,54 17 Taiwan Stock Exchange 1447690,51

Source : World Federation of Exchange, https://statistics.world-exchanges.org/

(consultation le 16 mai 2023)

En termes relatifs, mesurés ici par le Produit intérieur brut, la Suisse se classe

parmi les places financières les plus importantes (Tableau 3).

Tableau 3 Ratio capitalisation boursière / PIB pour quelques pays, en %

2000 2010 2015 2016 2017 2018 2019 2020


Brésil 34,5035 69,9719 27,2184 42,2432 46,2665 47,8277 63,3838 68,2312
Chine 66,1694 74,0223 65,1701 70,7634 45,5197 59,6326 83,1613
France 105,931 72,2639 85,6152 87,306 105,94 84,772
Allemagne 65,2082 42,0547 51,1022 49,4557 61,2927 44,1299 53,9608 59,3828
Hong Kong 363,141 1185,86 1029,43 995,217 1274,79 1055,82 1349,46 1777,54
Inde 48,1748 105,183 82,9616 76,0981 96,3988 84,4384 80,7658 97,2927
Japon 63,5466 66,4651 110,124 99,0331 126,202 105,141 120,841 133,295
Russie 62,3834 28,8407 48,7201 39,6027 34,7617 46,7493 46,6794
Afrique du sud 134,627 221,63 212,265 293,993 322,711 213,744 272,299 313,475
Suisse 283,131 203,727 216,382 201,747 239,397 195,932 250,688 266,083
Etats-Unis 147,379 114,848 137,688 146,307 164,894 148,273 158,572 194,889

Source : World Bank, Global Financial Development,

https://databank.worldbank.org/source/global-financial-development# (consulté le

17 mai 2023)

On observe dans les pays avancés un recul du nombre d’entreprises cotées et,

parallèlement, un accroissement dans les pays émergents. Au sein des pays avancés,

la Suisse ne fait pas exception (Graphiques 12 et 13).

44
Graphique 12 Nombre d’entreprises cotées pour 1 000 000 habitants

OCDE BRICS Suisse


100 10500 24 350
10000 23
90 300
9500 22
9000 21 250
80
8500 20
200
70 8000 19
7500 18 150
60
7000 17 100
6500 16
50 50
6000 15
40 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 0
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019

1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
Nombre Poids

Source : World Bank, World Development Indicators

https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators (consultation

le 17 mai 2023)

Graphique 13 SIX Swiss Exchange, évolution du nombre d’entreprises côtés, 2000-

2021

Source : World Federation of Exchange, https://statistics.world-exchanges.org/

(consultation le 16 mai 2023)

Les facteurs explicatifs des tendances observées sur les marchés primaires peuvent

être regroupés en (i) facteurs liés à la demande d'actions et (ii) facteurs liés à l'offre

d'actions.

La demande d'actions de la part des firmes joue un rôle déterminant. Avant la crise

financière globale de 2008, des changements importants ont affecté à la fois le niveau

45
de l'investissement des entreprises et leur épargne. Plus précisément, ces deux

éléments ont évolué de telle manière à réduire le besoin en fonds externes.

L'accroissement de l'épargne des entreprises peut s'expliquer par une augmentation

de leur profitabilité, de bas niveaux d'investissement relativement au PIB, une baisse

relative du prix des biens d'investissement et une augmentation des investissements

en dehors de la zone OCDE. Les changements dans la régulation des marchés ont

aussi joué un rôle significatif. Ainsi, aux Etats-Unis, le Sarbanes-Oxley Act de 2002

a augmenté les contraintes réglementaires des firmes faisant l'objet d'une cotation

publique. Des évolutions réglementaires similaires ont été observées en France (Loi

sur la sécurité financière de 2003) et en Italie (Loi sur l'épargne de 2006). Certains

avancent le point de vue selon lequel l'arrivée de nouveaux intervenants au

comportement court-termiste, par exemple les Fonds négociés en bourse (Exchange-

traded funds), a pu réduire la visibilité sur les marchés actions.

Du côté des facteurs d'offre, les scandales financiers qui ont émaillé les places depuis

la fin des années 1990 ont sapé la confiance des investisseurs. Le trading à haute

fréquence a pu lui aussi avoir une influence négative en laissant apparaître le

sentiment que certains investisseurs pourraient avoir accès à des informations

privilégiées liées au traitement de masse des données. Rappelons ainsi, le Flash

Crash de 2010 attribué au trading à haute fréquence - au cours duquel l'indice Dow

Jones Industrial Average a perdu 998,52 points avant de regagner environ 600 points,

entre 14 h 42 et 14 h 52 - a été suivi par un retrait du marché de la part des

investisseurs, en particulière les fonds mutuels. Un autre facteur lié à l'offre est la

dynamique démographique. Ainsi, le vieillissement de la population tend à déplacer

l'allocation des actifs des actions vers les titres à revenus fixes.

46
3.2. Les principaux intervenants en termes de détentions de titres
Trois groupes d’intervenants sont distingués : les investisseurs institutionnels

(3.2.1.) et les fonds souverains (3.2.2.).

3.2.1. Les investisseurs institutionnels

Les investisseurs institutionnels englobent un ensemble hétérogène d’investisseurs

qui ont pour point commun de gérer l’épargne d’agents économiques à des horizons

plus ou moins longs. Ainsi, les fonds de pension*, les compagnies d’assurance, les

fonds d’investissement* – tels que, par exemple, les fonds mutuels – font partie de

cette catégorie.

Les investisseurs institutionnels sont devenus des acteurs majeurs des marchés

financiers en raison des montants croissants d’épargne qu’ils gèrent (Graphique 14).

Graphique 14 Actifs gérés par les investisseurs institutionnels, en % PIB

Source : OCDE (2021), Base de données sur les investisseurs institutionnels

En termes de placements, les investisseurs institutionnels privilégient la détention

de titres (plus de 70 % du total des actifs détenus). Si, aux États-Unis, la part des

obligations et des actions est presque égale, les investisseurs institutionnels français

détiennent davantage d’obligations. En Allemagne, et ce, contrairement aux autres

47
pays, le poids des devises et des dépôts représente un tiers des placements. La

géographie des actifs gérés demeure marquée par la présence d’un biais domestique.

Ce dernier caractérise la préférence pour la détention d’actifs du pays d’origine. Au-

delà de leur frontière, les investisseurs institutionnels tendent à détenir des actifs

issus d’autres pays avancés.

L’influence des investisseurs institutionnels est double. D’une part, en raison du

volume en jeu, des déplacements de capitaux, limités de leur point de vue, ont des

conséquences importantes sur les marchés. D’autre part, en détenant des actions

d’entreprises cotées, ils exercent une influence déterminante sur la gestion des

firmes, ce que l’on appelle le gouvernement d’entreprise. En effet, l’apparition des

fonds de pension dans le capital des entreprises a modifié les relations entre

actionnaires et dirigeants. On est passé d'une situation de confrontation entre des

dirigeants et une multitude d'actionnaires, à une situation où l'actionnariat, tout en

demeurant diversifié, est moins passif qu'auparavant et suit de manière plus étroite

les stratégies élaborées par les dirigeants d'entreprises.

Les compagnies d’assurance et fonds de pension ont pour point commun de gérer une

épargne longue dédiée à la préparation de la retraite à la prévoyance et à l’assurance

contre les risques liés au vieillissement et à la longévité de la vie. Ce sont en France

les compagnies d’assurance-vie et, dans les pays ayant fondé leur régime de retraite

sur la capitalisation, les fonds de pension qui gèrent les montants les plus importants

versés par les salariés pour leur assurer une rente viagère après leur départ en

retraite 20.

20 J. Glachant et al. (2010), Investissements et investisseurs de long terme, Rapport du Conseil


d’Analyse Economique, 91, La Documentation Française, Paris.

48
3.2.2. Les fonds souverains

Les fonds souverains* ont émergé dans les pays bénéficiant des avantages procurés

par le renchérissement des matières premières (pays du Moyen-Orient, Norvège,

Russie) ou ayant accumulé des réserves de change importantes (Chine et autres pays

d’Asie).

Les fonds souverains n’ont pas d’engagements contractuels au passif : pas de dépôts

; pas d’engagements auprès d’épargnants individuels. Ils représentent plutôt une

forme d’épargne collective forcée destinée à lisser dans le temps le bénéfice d’une

ressource immédiate. On peut les définir par trois éléments : les fonds souverains

sont la propriété d’administrations publiques ; ils investissent des fonds publics ; ils

sont pour partie investis dans des actifs financiers étrangers.

Les objectifs précis assignés aux fonds souverains sont variés, mais on peut

considérer qu’ils remplissent deux grands types de missions :

- une mission d’auto-assurance contre les fluctuations du prix du pétrole pour les

fonds souverains des États détenteurs de réserves d’hydrocarbures, ou contre les

crises de change pour les fonds souverains des États disposant de réserves de change

excédentaires. Après avoir souffert d’attaques spéculatives sur leurs monnaies

pendant la crise asiatique de 1977- 1998, les banques centrales d’Asie ont, à partir

du début des années 90, accumulé des réserves de change dans le double objectif de

prévenir l’appréciation de leurs monnaies – pour préserver la compétitivité de leurs

exportations – et de disposer d’une marge de sécurité contre une crise de change ;

- une mission de lissage intertemporel face à la perspective d’épuisement des réserves

pétrolières. Les fonds souverains permettent de répartir de manière équitable à

travers les générations les revenus des ressources naturelles, en convertissant des

49
actifs non renouvelables en actifs financiers pérennes. C’est dans cette perspective

qu’ils ont émergé comme catégorie d’acteurs financiers à côté des Banques centrales

et des entreprises publiques. Les Banques centrales ont des horizons de long terme

mais des politiques de placement « conservatrices » destinées à préserver un degré de

liquidité élevé des actifs. Par rapport aux banques centrales, les fonds souverains se

caractérisent par une politique de placement plus risquée, fondée sur la recherche

d’une rentabilité plus élevée que celle procurée par les traditionnels placements en

obligations et bons du Trésor américains. Par rapport aux entreprises publiques, les

fonds souverains se caractérisent par une politique d’investissements plus diversifiée.

Dans la pratique, la stratégie d’investissement des fonds souverains doit arbitrer

entre deux types de mission : une mission de développement de l’économie locale

d’une part, une stratégie de placements financiers diversifiés d’autre part.

Le graphique 15 montre l’augmentation des avoirs gérés par les fonds souverains

2008.

Graphique 15 Actifs gérés par les fonds souverains, 2008-2021, en milliards de


dollar

Source : https://www.statista.com/topics/8616/sovereign-wealth-funds/#dossierKeyfigures

50
Cette augmentation des actifs gérés par les fonds souverains est en partie la

conséquence de l’accroissement de leur nombre depuis la décennie 2000 (Graphique

16).

Graphique 16 Nombre de fonds souverains créés en longue période

Source : https://www.statista.com/topics/8616/sovereign-wealth-funds/#dossierKeyfigures

Le graphique 17 montre en janvier 2022 que le principal fonds souverain est le fonds

norvégien lié aux recettes pétrolières de la Norvège.Graphique 17 Principaux fonds

souverains, janvier 2022, en milliards de dollars

Source : https://www.statista.com/topics/8616/sovereign-wealth-funds/#dossierKeyfigures

51
Raymond (2013) 21 rappelle que la montée en puissance des fonds souverains soulève

trois interrogations principales. En premier lieu, ces fonds étant la propriété d’Etat,

il convient de se demander si ces investisseurs publics sont antinomiques ou non avec

le mouvement de libéralisation financière. En second lieu, leur stratégie

d’investissement ne répond pas nécessairement au seul principe de maximisation de

la performance financière du portefeuille. Les fonds souverains peuvent en effet

suivre des objectifs relevant de la politique stratégique des Etats d’origine. Enfin, il

convient de s’interroger sur l’impact des fonds souverains sur les performances des

entreprises dont ils détiennent des participations et, plus largement, sur la stabilité

financière.

Afin d’apporter quelques éléments de réponses à ces questions, il convient en premier

lieu de préciser la taille des fonds souverains relativement à celle d’autres

investisseurs internationaux. Selon le SWF Institute, les fonds souverains ont détenu

en 2011 des actifs pour un montant de 4,7 trillions de dollars. Ce montant peut être

rapproché de l’encours mondial des réserves de change (près de 10 trillions de

dollars). Les actifs gérés par les fonds souverains sont deux fois plus élevés que ceux

des fonds spéculatifs, mais ils représentent moins de 6 % des actifs gérés par les fonds

de pension et les fonds mutuels (Raymond, 2013).

En termes de placements, les fonds souverains appartenant à la catégorie des fonds

d’épargne et des fonds de pension tendent à investir dans des actions. Leur

comportement semble proche de celui des investisseurs privés. Ce point de vue est

corroboré par le fait qu’à court terme les entreprises qui bénéficient de leurs prises

Raymond H. (2013) « Les fonds souverains et la stabilité financière », in Les systèmes financiers,
21

mutations, crises et régulation, édité par C. de Boissieu et Couppey-Soubeyran, Éditions Economica,


4e édition, Paris, p. 89.101.

52
de participation voient leur rentabilité boursière s’accroître. Les fonds de

stabilisation ont un comportement de placement plus proche de celui des banques

centrales. Ils investissent en effet davantage dans des actifs peu risqués et facilement

mobilisables.

Raymond (2010 22 et 2013) souligne que les fonds souverains ont exercé une influence

stabilisatrice lors de la crise financière mondiale. Ainsi, entre juillet 2007 et octobre

2008, ils ont apporté plus de 55 milliards de dollars à des banques de pays avancés

en difficultés financières (Etats-Unis : Citigroup (17,4 milliards), Merrill Lynch (9,9

milliards), Morgan Stanley (5,6 milliards) ; Royaume-Uni : Barclays (8,4 milliards) ;

Suisse : UBS (11,6 milliards), Crédit Suisse (0,6 milliard) ; Italie : Unicrédit (1,6

milliards). Après la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, un certain

nombre de fonds souverains ont retiré une partie de leurs capitaux placés à l’extérieur

afin de stabiliser leurs marchés financiers domestiques. Ils ont joué le rôle

« d’investisseurs domestiques en dernier ressort » (Raymond, 2010).

22 Raymond H. (2010), « Sovereign Wealth Funds as domestic investors of last resort during crises »,
International Economics, 2010/3, n°123, p.121‑159.

53
Annexe 1

Afin de trouver les valeurs du tableau, on applique la formule 1.

n C/P t % Pt P t+1 ∆ P RDT


-1 -2 (1) + (2)
30 10 1000 502 -49,8 -39,8
10 10 1000 581 -41,9 -31,9
4 10 1000 742 -25,8 -15,8
2 10 1000 847 -15,3 -5,3
1 10 1000 1000 0 10

Prix de
Coupons l'obligation Pt+1
Périodes
1 83,3333333
2 69,4444444 694,444444 847,222222 ((1000/(1+0,2)^2)) = 694,44
3 57,8703704 ^ signifie puissance
4 48,2253086 482,253086 741,126543
5 40,1877572
6 33,4897977
7 27,9081647
8 23,2568039
9 19,3806699
10 16,1505583 161,505583 580,752791
11 13,4587986
12 11,2156655
13 9,3463879
14 7,78865658
15 6,49054715
16 5,40878929
17 4,50732441
18 3,75610368
19 3,1300864
20 2,60840533
21 2,17367111
22 1,81139259
23 1,50949383
24 1,25791152
25 1,0482596
26 0,87354967
27 0,72795806
28 0,60663171
29 0,50552643
30 0,42127202
Somme 497,89364 4,21272023 502,10636 ((1000/(1+0,2)^30)) = 4,21

54

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