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Ohadata D-06-21

REFLEXION SUR LE MAINTIEN DE L'OBLIGATION DE TRANSFORMATION


DES SOCIETES A RESPONSABILITE EN SOCIETE ANONYME AU REGARD DU
CODE DES PARTICIPATIONS DU GABON APRES L'ENTREE EN VIGUEUR DE
L'ACTE UNIFORME RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET
DU GIE

FLASH N°4 de la Revue Experts Associés, N°5 - Novembre 2005

Depuis quelques mois, la Direction des Participations, au Ministère Gabonais de I'Economie,


des Finances, du Budget et de la Privatisation, envoie des correspondances à des sociétés à
responsabilité limitée demandant à celles-ci de se conformer à l'article 22 du Code des
Participations et leur infligeant une amende pour non respect de la règle édictée par cet article.

De quoi est-il question ?

Au cours de l'année 1983, l'Etat gabonais a adopté un Code des Participations. Ce code résulte
de la loi n°8/83 du 31 décembre 1983, complétée par le décret d'application n° 680/PR du 28
mai 1984. Ce code comportait trois séries de mesures :

1 - la participation de I'Etat à titre gratuit au capital des sociétés,

2 - les participations de l'Etat à titre onéreux dans les sociétés ;

3 - la participation des nationaux au capital des sociétés anonymes.

La Sème série de mesures prévoit, entre autres dispositions, la transformation obligatoire des
SARL en SA lorsque celles-ci atteignent un chiffre d'affaires de 400.000.000 F CFA ou
emploient plus de I00 salariés au cours des deux derniers exercices comptables.

Par l'Ordonnance n° 15/87 du 25 juillet 1987 et le décret n° 1044/PR/MFBP du 27 juillet


1987, le gouvernement gabonais a abrogé expressément l'obligation de participation de l'Etat
à titre gratuit au capital des sociétés.

Il s'agit ici de rechercher si l'obligation de transformation d'une SARL en SA, lorsque la


condition du chiffre d'affaires ou du nombre d'effectif est remplie, est toujours applicable,
après l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du
GIE.

Notre réflexion va tourner autour des points suivants :

- l'application de cette obligation de transformation dans le temps ;

- l'analyse de cette obligation au regard des dispositions des articles 373 et 374 de l'Acte
Uniforme ;

- l'opportunité du maintien de cette disposition.


I- L'APPLICATION DANS LE TEMPS DE L'OBLIGATION DE
TRANSFORMATION RESULTANT DU CODE DES PARTICIPATIONS

Il faut distinguer trois périodes :

- du 31 décembre 1983 au 31 décembre 1997 ;

- du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999 ;

- à partir du 1er janvier 2000.

S'il est indiscutable que du 31 décembre 1983 au 31 décembre 1997, l'obligation de


transformation des SARL en SA s'imposait aux opérateurs économiques du fait qu'il n'existait
pas dans de droit communautaire et que, par conséquent, seul le droit national gabonais
s'appliquait, la question qui se pose est savoir si après l'entrée en vigueur le 1er janvier 1998
de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt
Economique, cette obligation subsiste encore,

La réponse est à la fois positive et négative selon la période à laquelle on se situe.

Elle est positive entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1999, d'une part, parce qu'après
l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme, il a été accordé aux Etats membres la possibilité de
maintenir, pendant une période transitoire de deux (02) ans1, leur législation nationale soit
jusqu'au 31 décembre 1999 et d'autre part que l'abrogation de certaines dispositions du Code
des participations, intervenue le 25 juillet 19872, ne vise expressément que les cessions de
titres sociaux à titre gratuit à l'Etat,

La réponse est, par contre, négative si l'on situe à partir du le janvier 2000 parce qu'à compter
de cette période, les dispositions de l'Acte Uniforme s'imposent à tous les Etats et que le
maintien du Code des participations dans sa rédaction antérieure parait contraire à cet acte, Or
l'acte uniforme a abrogé, à cette date, toutes les dispositions nationales qui lui sont contraires3,

C'est cette contradiction que nous allons essayer de démontrer dans la deuxième partie de
notre réflexion.

II- L'ANALYSE DE CETTE OBLIGATION AU REGARD DES DISPOSITIONS


IMPÉRATIVES DES ARTICLES 374 ET 375 DE L'ACTE UNIFORME

Les conditions de transformation d'une SARL en une forme de société (société anonyme ou
autres) sont fixées par les articles 374 et 375 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés
Commerciales et du GIE,

Aux termes de l'article 374 alinéa 2, «La transformation de la société ne peut être réalisée que
si la société à responsabilité limitée a, au moment où la transformation est envisagée, des

1
Articles 908 et 919 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du GIE
2
Ordonnance n° 15/87 du 25 juillet 1957 et décret n ° 1044/PR/MFBP du 27 juillet 1987
3
Article 10 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique et article 919 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des
Sociétés Commerciales et du GIE.
capitaux propres d'un montant au moins égal à son capital social et si elle a établi et fait
approuver par les associés les bilans de ses deux premiers exercices, »

Quant à l'article 375, il indique que « La transformation ne peut être faite qu'au vu d'un
rapport d'un commissaire aux comptes certifiant, sous sa responsabilité, que les conditions
énoncées à l'article 374 du présent Acte uniforme sont bien remplies. »

Il ressort de l'analyse combinée de ces deux dispositions que la transformation d'une SARL en
SA ne peut être opérée que si les conditions suivantes sont réunies

- Existence de capitaux propres4 d'un montant au moins égal au capital social de la société;

- Etablissement et approbation par les associés des états financiers de synthèse des deux
premiers exercices ;

- Intervention obligatoire du commissaire aux comptes sur le respect des deux premières
conditions (établissement et présentation d'un rapport sur le projet de transformation).

Ces trois conditions sont cumulatives et non alternatives, Aucune transformation ne peut
s'opérer si ces trois conditions ne sont pas réunies.

Rapprochées des dispositions du code des participations, l'on constate qu'aucune de ces
conditions n'est imposée par le droit national gabonais.

Dès lors, est-ce qu'une transformation pourrait être réalisée, juste parce que la société aurait
atteint ou dépassé le chiffre d'affaires de 400 000 000 F CFA ou l'effectif de 100 salariés alors
qu'elle n'aurait pas réuni les conditions des articles 374 et 375 de l'acte uniforme ?

A notre avis, la réponse ne peut être que négative.

Les dispositions des 374 et 375 sont des dispositions d'ordre public, c'est-à-dire impératives
auxquelles aucune disposition de droit interne gabonais, antérieur ou postérieur, ne peut
déroger.

L'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du GIE a une primauté sur le
Code des Participations du Gabon, En effet, suivant le principe de la hiérarchie des normes,
les dispositions supranationales ou internationales issues des traités régulièrement ratifiés par
les autorités compétentes ont une force supérieure à celle des dispositions nationales,

L'OHADA est claire sur la question de la suprématie des normes qu'elle édicte puisque le
traité indique dans son article 10 que « Les actes uniformes sont directement applicables et
obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,
antérieure ou postérieure »55.

En résumé, le code des participations, s'agissant de l'obligation de transformation des SARL


en SA ne peut recevoir application que si la société répond aux conditions posées par les
articles 374 et 375 de l'Acte Uniforme. Cette transformation ne peut être systématique au vu
4
Lire le flash « La perte de Plus de la moitié du capital social : mesures à prendre » paru dans le n°1 de la REVUE EXPERTS
ASSOCIES
5
Lire le commentaire de cet article dans la 2ème édition du Code OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés,
publié par Juriscope, année 2002.
de la seule condition du chiffre d'affaires de 400.000.000 F CFA ou de l'effectif de 100
salariés.

D'ailleurs, l'alinéa 3 de l'article 375 de l'Acte Uniforme sanctionne par la nullité la


transformation réalisée en violation des conditions édictées par l'Acte,

III- SUR L'OPPORTUNITE DU MAINTIEN DE CETTE OBLIGATION DE


TRANSFORMATION

Le maintien de l'obligation de transformation des SARL en SA par le code des participations


est de nature à entraîner des situations où des administrations publiques pourraient imposer
cette transformation sans s'être assurées des dispositions des articles 374 et 375 précitées.

Pour comprendre l'obligation de transformation, Il faut se situer dans le contexte de la mise en


place du code des participations.

A ce propos, le Professeur PAILLUSSEAU, dans une étude consacrée à l'adoption du code


des participations du Caban indiquait que « pour éviter que des sociétés importantes cherchent
à contrecarrer cette participation en adoptant ou en conservant la forme de la société à
responsabilité limitée, l'article 20 de la loi précitée impose aux plus importantes d'entre elles
de se transformer en sociétés anonymes »6,

En d'autres termes, l'obligation de transformation de la SARL en SA n'avait pas d'autre but


que de permettre aux nationaux gabonais, qui, à notre avis, en ont les moyens, d'entrer dans le
capital de ces sociétés.

Or la réalité aujourd'hui est que l'Etat Gabonais permette à des investisseurs étrangers de créer
des sociétés anonymes dans lesquelles ceux-ci détiennent 100% du capital social, sans exiger
d'eux de faire participer des citoyens gabonais au capital de ces sociétés, Cela se conçoit et se
comprend dans la mesure où le droit gabonais consacre les principes de la libre entreprise et
de la liberté d'établissement7. De ce fait, l'obligation de transformation n'a plus de sens,
puisqu'elle est dépourvue de toute portée pratique, devenant ainsi caduque.

Nous dirons même qu'elle est implicitement abrogée, puisque l'agence mandatée par le
Gouvernement Gabonais pour superviser l'ensemble les opérations de création, de
transformation, de modification et de dissolution de société, à savoir l'APIP (8)8,
n'impose pas la condition de participation des Gabonais au capital des Sociétés Anonymes
avant de valider la création des SA détenues à 100% par des investisseurs étrangers.

Comment comprendre qu'on impose à des SARL de droit gabonais de se transformer en SA


sur la base du Code des participations alors que dans le même temps on permet de créer des
SA dont le capital est détenu exclusivement par des étrangers ?

Pour ces raisons et afin d'éviter les situations conflictuelles que pourrait entraîner le maintien
de cette disposition, il serait judicieux que les pouvoirs publics gabonais abrogent

6
Jean PAILLUSSEAU, Professeur à la Faculté de Droit de Rennes, Directeur du Centre de Droit Des Affaires, Etude publiée
par le journal HEBDO INFORMATIONS dans ses numéros 73 et 74 des 29 septembre 1984 et 13 octobre 1984.
7
Loi n° 15 /98 du 23 juillet 1998 portant charte de s Investissements en République Gabonaise et
Règlement n° 17/99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la cha rte des investissements de la CEMAC.
8
APIP : Agence de Promotion des Investissements Privés.
expressément l'obligation de transformation des SARL en SA lorsque les SARL atteignent le
chiffre d'affaires de 400 millions ou un effectif de 100 salariés,

Avec cet article, nous espérons apporter notre contribution à la réflexion suite à l'article publié
par le Cabinet Fidafrica dans sa revue n° 12/04 du 15 février 2004.

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