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SUJET : Le droit de poursuite des créanciers et la procédure collective d’apurement du

passif
Problématique : Quels sont les effets de l’ouverture de la procédure collective
d’apurement du passif sur le droit de poursuite des créanciers ?

PARTIE 1 : LA PROCEDURE COLLECTIVE, UN MOYEN DE RESTRICTION DU


DROIT DE POURSUITE DES CREANCIERS

La procédure collective peut être défini comme 1« un terme générique désignant toute
procédure dans laquelle le règlement des dettes et la liquidation éventuelle des biens du
débiteur ne sont pas abandonnés à l’initiative individuelle de chaque créancier, mais organisés
de manière à ce que tous les créanciers puissent faire valoir leurs droits ». En d’autres termes,
ce dispositif intervient dans un moment ou l’entreprise sera en difficulté donc incapable de
faire face à ses dettes c’est à dire incapable de pouvoir payer ses créanciers.

De ce fait, dès son ouverture, le droit de poursuites des créanciers sera bouleversé dans la
mesure où la procédure collective a ses propres règles qui sont différentes de celles du droit
commun. En effet , l’ouverture d’une procédure collective aura pour effet de restreindre
provisoirement le droit de poursuites des créanciers afin de permettre à l’entreprise en
difficulté de pouvoir poursuivre son activité mais également de regrouper les poursuites en
vue d’un paiement organisé. Cette restriction aura pour but dans un premier temps de
suspendre les poursuites individuelles des créanciers afin d’éviter que le paiement soit « le
prix de la course » (Chapitre I). Dans un second temps, la procédure collective va soumettre
les créanciers à une discipline collective dans laquelle des règles seront mises en place pour
un paiement organisée (Chapitre II).

1
LE CANNU P., ROBINE D. : Droit des entreprises en difficulté ,9ème édition, Dalloz, 2022, Page 2
Chapitre 1 : L’interdiction des poursuites individuelles contre le débiteur

En droit civil des obligations2, la possibilité est offerte aux créanciers de poursuivre de
manière juxtaposée3 un même débiteur défaillant. En effet, selon Philippe Pétel, chacun d’eux,
peut exercer, individuellement, une action en justice ou une procédure d’exécution sur
n’importe quel bien du débiteur4. Cela justifie cet adage selon lequel « le paiement est le prix
de la course.»

Cependant, la procédure Collective déroge à ce principe puisque dès son ouverture il


n’est plus permis aux créanciers de poursuivre individuellement leur débiteur pour recouvrer
leurs créances. Ainsi, elle va harmoniser, organiser les poursuites en privant les créanciers
d’agir seuls pour défendre leurs droits. Ce gel des poursuites individuelles ne concerne que les
actions dirigées contre le débiteur. Il s’agit d’une règle d’ordre public interne et international.
C’est en cela que l’article 75 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif dispose : « la décision d’ouverture du redressement
judiciaire ou de la liquidation des biens interromps ou interdit toute action en justice de la
part de tous les créanciers composant la masse […] interdit également les procédures
d’exécution à l’encontre du débiteur »5. Il ressort de cet article que le domaine de cette

2
Art. 1142, 1147,1182 du C.civ. ; selon ces articles en droit civil des obligations, la mauvaise exécution ou
l’inexécution d’une obligation offre aux créanciers la possibilité de sanctionner ou de faire sanctionner le
débiteur. Ils pourront donc saisir le juge de cette affaire, qui, au vue des faits va prononcer soit une décision
d’exécution forcée, soit le paiement de dommage et intérêts, soit l’exception d’inexécution etc... Ce qui fait la
particularité des poursuites en droit commun c’est qu’elles peuvent se faire en même temps par tous les
créanciers
3
Par poursuites juxtaposée, il faut entendre des poursuites faites de manière désorganisée ou chacun des
créanciers agit en même temps pour obtenir le recouvrement de leur du
4
Voir : Pétel P., Procédure collectives, 9ème édition, Dalloz, Page 2
5
Art. 75 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives : La décision d’ouverture du
redressement judiciaire ou de la liquidation des biens interrompt ou interdit toute action en justice de la part
de tous les créanciers composant la masse, qui tend :  1° à la condamnation du débiteur au paiement d’une
somme d’argent ;  2° à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. La décision
d’ouverture arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les
meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif
avant la décision d’ouverture. Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou
résolution de leurs droits sont, en conséquence, suspendus pendant toute la durée de la suspension des
poursuites elles‐mêmes. Les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait
interdiction est vaste. Plusieurs créanciers et actions seront donc soumis à cette
suspension (Section 1) ce qui implique des effets multiformes (Section 2).

Section 1 : Une interdiction au champ d’application varié

Selon le vocabulaire juridique6, le champ d’application fait référence au domaine


d’application d’une règle c’est à dire à l’ensemble des matières et des personnes auxquelles
s’applique cette règle. Ainsi, le champ d’application de cette règle d’interdiction des
poursuites prévues en procédure collective est varié en ce sens qu’il existe une multiplicité de
créanciers concernés par cet interdiction (PARAGRAPHE I) et également une variété de
poursuites concernées par l’interdiction (PARAGRAPHE 2).

Paragraphe 1 : Une multiplicité des personnes concernées par l’interdiction


Plusieurs créanciers sont soumis à ce principe d’interdiction des poursuites individuelles.
Il s’agit en principe des créanciers antérieurs (A) mais on assiste également à l’étendue du
principe aux créanciers postérieurs (B).

A. Les créanciers antérieurs par principe

L’AUPCAP ne donne pas de définition ‘ des créanciers antérieurs’. Le code de commerce


français ne définit pas également ces créanciers. Cependant, en droit français 7 comme en
droit ivoirien il existe un article qui cite explicitement « les créanciers antérieurs » comme
soumis à la règle de l’interdiction des poursuites. En droit ivoirien selon l’article 9 8de l’Acte

produit sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le syndic dûment appelé, mais tendent uniquement à
la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Les actions en justice et les procédures
d’exécution autres que celles visées ci‐dessus ne peuvent plus être exercées ou poursuivies au cours de la
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens qu’à l’encontre du débiteur, assisté du syndic
en cas de redressement judiciaire ou représenté par le syndic en cas de liquidation des biens.
6
CORNU G. : Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, PUF 14ème édition mise à jour, 2022
7
Art. 622-7 du C.Com. « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute
créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de
créances connexes. »
8
Art.9 de l’AUPCAP « La décision d’ouverture du règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles tendant à obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision pour une durée
maximale de trois mois, qui peut être prorogée d’un mois dans les conditions prévues à l’article 13, alinéa 2,
uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives, la décision d’ouverture du
règlement préventif suspend toutes les poursuites individuelles tendant au paiement des
créances nées antérieurement au jugement d’ouverture. On peut également partir d’une
déduction de l’article 75 de l’AUPCAP. En effet, l’article 75 dispose que : « La décision
d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens interrompt ou interdit
toute action en justice de la part de tous les créanciers composant la masse ». On arrive donc à
se demander qui sont les créanciers composant la masse ? Or la masse des créanciers est
composé de tous les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture. On déduit donc de cet
article que, par principe, sont soumis à la suspension des poursuites les créanciers antérieurs.
L’objectif affiché à travers une telle disposition qui vise tous les créanciers antérieurs, est de
favoriser le redressement de l’entreprise en lui octroyant un répit, ou de permettre dans
l’hypothèse de la liquidation des biens, la réalisation de l’actif du débiteur dans des conditions
optimales9. Par créanciers antérieurs, il faut entendre les créanciers dont les créances sont nées
antérieurement au jugement ouvrant la procédure. En d’autres termes, la créance doit exister
avant la date à laquelle la procédure a été ouverte. L’antériorité s’apprécie donc au regard du
fait générateur de la créance 10. Ainsi, pour déterminer si une créance est antérieure à
l’ouverture d’une procédure collective, on examine la date à laquelle l’obligation ou la dette à
11
l’origine de la créance est née. C’est ce qu’affirme PEROCHON en ces termes : « est
antérieure la créance dont le fait générateur est survenu avant l’ouverture de la procédure
collective». L’un des critères donc à prendre en compte pour déterminer qu’il s’agit d’une
créance antérieure est d’abord le fait générateur de la créance. Ensuite, une telle créance se
doit d’être régulière c’est à dire qui ne doit pas être frappées d’inopposabilité au sens des
articles 6812 et 6913 de l’AUPCAP.

Dans ce grand groupe des ‘créanciers antérieurs’, nous retrouvons les créanciers
chirographaires, les créanciers munis de privilèges généraux et même ceux titulaires de
suretés réelles spéciales. Les créanciers chirographaires sont ceux qui sont démuni de toute
sûreté particulière14. En d’autres termes qui ne jouissent d’aucun privilège. Les créanciers
munis de privilèges généraux et ceux titulaire de suretés réelle spéciales sont ceux qui
sans préjudice de l’application de l’article 14 alinéa 3 ci‐dessous. »
9
Robert Nemedeu, Le principe d’égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle, n° 54, p.253
10
KOUAMO DARLY RUSSEL : l’égalité des créanciers dans les procédures collectives, Université d’ABOMEY-
CALAVI, 2010
11
PEROCHON F., BONHOMME R. : Entreprises en difficulté instrument de crédit et de paiement, Lextenso
édition, n°235, p.221
12
Voir Art.68 de l’AUPCAP
13
Voir l’Art.69 de l’AUPCAP
14
CORNU G. : Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, PUF 14ème édition mise à jour, 2022
bénéficie d’un certain rang de priorité dans le cadre de la procédure collective. Cependant,
nous pouvons désormais ajouter à ce grand groupe les cautions et coobligés. Comme dit plus
haut, le principe d’arrêt des poursuites individuelles ne concerne que les actions dirigées
contre le débiteur lui-même. Cela signifie que l’arrêt des poursuites individuelles ne joue
qu’au profit du débiteur lui-même15. Désormais, cette règle est étendue aux cautions et
16
coobligés. En effet selon l’article 75-1 de l’AUPCAP, il ressort qu’on ne peut plus
poursuivre également les cautions et coobligés. En effet, selon cette règle dès l’ouverture
d’une procédure de redressement judiciaire, toutes les actions ou poursuites judiciaires ,
contre les personnes ayant consenti une sureté personnelle, s’étant porté garante ou ayant mis
en gage leurs biens pour l’entreprise en difficulté , seront provisoirement suspendues.
Cependant elle ne s’applique qu’aux cautions ou coobligés personne physique. Cette règle
vise donc à protéger du moins temporairement les personnes qui ont consenti une sureté
personnelle ou ayant fourni des biens en garantie pendant la période d’observation du
redressement judicaire. On en déduit donc que les personnes morales sont exclues de cette
règle.

Pour résumer tout ce qui précède, on remarque donc qu’il existe une multiplicité de créanciers
qui sont concernés par le principe d’interdiction des poursuites individuelles.

B. Les créanciers postérieurs par exception

En principe, selon l’article 75 de l’AUPCAP, seuls les créanciers antérieurs ou de la masse


sont soumis au principe de suspension des poursuites individuelles. L’Acte uniforme
OHADA17 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ne définit
pas les créanciers postérieurs. Selon PAIDY RAISSA, on peut définir ces créanciers comme
« ceux dont les créances sont nées après le jugement ouvrant la procédure, suivant que leurs
droits soient nés de manière irrégulière ou de manière régulière »18. Il découle donc de cette
définition que les créanciers postérieurs sont subdivisés en deux grands groupes suivant que
15
Pétel P., Procédure collectives, 9ème édition, Dalloz, Page 100
16
Art. 75 Al.1 de l’AUPCAP : « La décision d’ouverture du redressement judiciaire suspend toute action contre
les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien
en garantie à compter dudit jugement et durant l’exécution du concordat de redressement judiciaire. »
17
Art.117 de l’AUPCAP : « Toutes les dettes nées régulièrement, après la décision d’ouverture, de la
continuation de l’activité et de toute activité régulière du débiteur ou du syndic sont des créances de la masse,
sauf celles nées de l’exploitation du locataire‐gérant qui restent exclusivement à sa charge sans solidarité avec
le propriétaire du fonds. »
leurs droits soient nés de façon régulière ou non : les créanciers contre la masse et les
créanciers hors de la masse. Les créanciers contre la masse sont ceux dont la créance est née
postérieurement au jugement d’ouverture mais de façon régulière. En d’autres termes ces
types de créanciers seront payés en priorité par rapport aux autres créanciers. C’est pourquoi
ils ont reçu la qualification de « créanciers méritants19 ». Les créanciers hors de la masse
quant à eux, sont ceux dont la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture mais
de manière irrégulière. Ils sont également appelés créanciers postérieurs non privilégiés et
qualifiés de « créanciers non méritants20 ».

L’AUPCAP n’a certes pas défini explicitement les créanciers postérieurs mais il s’est
intéressé à la notion de créance postérieure en ces termes « Toutes les dettes nées
régulièrement, après la décision d'ouverture, de la continuation de l'activité et de toute activité
régulière du débiteur ou du syndic, sont des créances contre la masse (…) ». Il ressort de cet
article que les créances postérieures nées régulièrement ne sont pas soumises au principe de
l’interdiction des poursuites individuelles. Mais force est de constater qu’aucune disposition
de l’AUPCAP ne prévoit clairement l’interdiction du paiement, voire de la poursuite
individuelle des créanciers postérieurs hors la masse 21. En faisant une lecture à contrario de
l’article 117, on arrive à la conclusion selon laquelle ce sont les créances contre la masse
parce que nées de manière régulière qui bénéficieront du droit de poursuites individuelles. De
ce fait, les créances postérieures qui ne sont pas nées régulièrement seront soumises au
principe de l’interdiction de poursuites prévues par l’article 75 de l’AUPCAP . Ainsi ces
créanciers postérieurs seront soumis à la discipline collective et ne pourront être payés qua la
fin de la procédure.

On remarque donc qu’il y’a eu une extension du principe de la suspension des poursuites
individuelles a une catégorie de créanciers postérieurs : les créanciers hors de la masse ou
créanciers postérieurs non privilégiées.

18
Paidy Raissa : La classification diversifiée des créanciers dans les établissements de crédit en difficulté en
zone CEMAC, Université de NGAOUNDERE-(CAMEROUN)
19
SIDIBE SALEY HAROUNA : Le sort des créances postérieures en droit français et en droit de l’organisation pour
l’harmonisation en Afrique du droit des affaires ( OHADA) , thèse en vue d’obtenir le grade de docteur ,
Université Nice Sophia Antipolis , 30 Septembre 2013 , page 274
20
V. mémoire de SIDIBE SALEY HAROUNA, page 274
21
SIDIBE SALEY HAROUNA : Le sort des créances postérieures en droit français et en droit de l’organisation
pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires ( OHADA) , thèse en vue d’obtenir le grade de docteur ,
Université Nice Sophia Antipolis , 30 Septembre 2013 , Page 275
Paragraphe 2 : Une variété de poursuites concernées par l’interdiction
L’article 7522 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement
du passif dispose que la décision d’ouverture d’une procédure collective va suspendre un
certains nombres d’actions. D’abord les actions en justice (A) et ensuite les voies
d’exécutions (B).

A. Les actions en justice

L’action en justice s’entend comme la possibilité offerte à une personne de s’adresser à la


justice pour faire reconnaitre ses droits*. Tout citoyen est ainsi libre de poursuivre une tierce
personne ou de se défendre afin de garantir le respect de ses droits 23. Cependant, L ’AUPCAP
prévoit en son article 75 que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidations des biens va interdire ou suspendre toutes actions en justice de la part de tous
créanciers antérieurs tendant au paiement d’une somme d’argent et à la résolution d’un contrat
pour défaut de paiement de somme d’argent. De cet article ressort un principe qui est celui de
24
l’interdiction de paiement. De ce fait, dès lors qu’une entreprise est en cessation de
paiement, qu’il s’agisse d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens, les créanciers antérieurs n’ont plus la liberté d’intenter des actions en justice qui
auraient pour but d’obtenir un paiement de la part du débiteur. De plus, les créanciers ne
peuvent plus non plus résilier leurs contrats, antérieurs au jugement d’ouverture de la
procédure, pour défaut de paiement du débiteur.

Cette suspension des actions en justice a pour objectif de gérer les actifs de l’entreprise
encore disponible afin d’essayer de la restructurer. Pour y arriver, toutes les actions des
créanciers qui auront pour finalité de puiser dans les ‘fonds disponibles’ du débiteur seront
suspendues. Par action en paiement, il faut entendre une action en justice intentée par un
créancier contre son débiteur dans le but d’obtenir le paiement d’une somme d’argent en
raison soit d’une dette soit d’une obligation contractuelle. Pour illustrer ce principe de
suspension des actions en justice tendant au paiement, on peut citer à titre d’exemple un arrêt
rendu par la CCJA25. Dans cette affaire, la société K. a conclu un contrat d'exclusivité par
22
V. article 75 cité plus haut
23
Voir : Universalis vu sur le https://www.universalis.fr/encyclopedie/action-en-justice/ ,consulté le 02
Octobre 2023
24
Selon Art.1-3 de l’AUPCAP , la « cessation de paiements » est : l’état où le débiteur se trouve dans
l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où les
réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui
permettent de faire face à son passif exigible
25
CCJA, 18 mai 2017, n° 128/2017, vu sur https://www.lexbase.fr/article-juridique/42508327-breves-effets-de-
la-decision-de-suspension-des-poursuites-individuelles-sur-une-demande-d-injonctio , consulté le 02 octobre
lequel ils se chargeaient de la distribution et de la vente du poisson pêché par la société C.
Devant les difficultés nées en 2003, la société K. a sollicité sa mise sous règlement préventif
et la suspension des poursuites individuelles pour des créances évaluées à 303 000 000 F CFA
(soit 461 920,17 euros). Par ordonnance rendue le 24 juillet 2003, le président du tribunal de
grande instance de Douala a ordonné la suspension des poursuites et désigné un expert aux
fins de dresser un rapport sur la situation économique de la société K. Nonobstant la
signification faite à la société C., celle-ci engageait une procédure d’injonction 26 de payer
contre la société K devant le tribunal de grande instance qui, par ordonnance du 19 novembre
2003, condamna la société K de payer à la société C la somme 421 135 532 F CFA (soit 642
016,49 euros) en principal. L'opposition n'ayant pas prospéré, la cour d'appel a confirmé
l'injonction de payer en ramenant le montant de la créance à 282 203 481 F CFA (soit 430
216,10 euros). La société K. s'est alors pourvue en cassation. Elle a fait grief à l'arrêt attaqué
d'avoir violé l' article 9 de l'Acte uniforme du 10 avril 1998, portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif, en ses alinéas 1 et 4, en ce qu'il a fait droit à
l'injonction de payer nonobstant l'ordonnance n° 461 du 24 juillet 2003 ayant suspendu les
poursuites individuelles contre le débiteur et cela même quand il s'agit d'actions cambiaires.
La CCJA saisit de l’affaire a retenu qu'en l'espèce, la créance de la société C. désignée par le
débiteur et née avant l'ordonnance du 24 juillet 2003, tombe nécessairement sous le coup de
cette disposition. Par conséquent, après évocation, la Haute juridiction déclare la requête
tendant à l'injonction de payer irrecevable. Cet arrêt met en évidence le principe de la
suspension des actions en justice pour ce qui ait des actions tendant au paiement des créances
antérieurs au jugement d’ouverture.

Les actions en résolution27 d’un contrat sont des actions visant à annuler les obligations d’un
contrat lorsque l’une des parties n’exécute pas ou plus ses obligations. L’article 75 ne suspend
que les actions en résolution pour défaut de paiement c’est à dire les actions visant à annuler
un contrat du fait du non-paiement d’une partie par le débiteur. Par exemple l’action en
résiliation d’un bail pour non-paiement de loyer n’est pas recevable dès l’ouverture d’une
procédure collective. Selon l’article 10128 du code des baux, en cas de non-paiement le
2023
26

27
Voir https://www.legalstart.fr/fiches-pratiques/relations-commerciales/resolution-dun-contrat/#:~:text=La
%20r%C3%A9solution%20d'un%20contrat%20est%20l'annulation%20des%20obligations,comme%20n'ayant
%20jamais%20exist%C3%A9. , consulté le 03 Octobre 2023
28
Art. 101 du code des baux « Le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions
du bail. A défaut de paiement du loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra
demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion du preneur, et de tous occupants de
son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses
bailleur peut saisir la juridiction compétente pour demander la résiliation du bail et
l’expulsion du preneur. Cependant, dès l’ouverture d’une procédure collective le bailleur n’a
plus cette possibilité d’intenter une action en justice pour défaut de paiement de loyers
antérieurs au prononcé du jugement d’ouverture.

B. Les voies d’exécutions

Les voies d’exécution29 peuvent être définies comme des procédures légales mise à la
disposition du créancier pour lui permettre d’obtenir l’exécution forcée de sa créance, lorsque
le débiteur ne s’exécute pas volontairement. Il s’agit donc d’un ensemble de procédure mise
en place pour contraindre une partie à respecter une décision de justice. Ces voies d’exécution
sont régies par l’AUPSRVE30. Selon l’article 28 de cet acte uniforme : « A défaut d’exécution
volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions
prévues par le présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses
obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de
ses droits (...) ». Par conséquent, à défaut d’exécution volontaire du débiteur plusieurs voies
d’exécution seront offertes au créancier impayé dans le but de contraindre ce dernier à
répondre de son obligation. Ces procédures civiles d’exécution sont offertes individuellement
à chaque créancier pour la réalisation de ses droits 31. On peut citer à titre d’exemple des
procédures d’exécutions forcées telles que les saisies immobilières, les saisies ventes, etc....
Toutefois, en procédure collective, cette règle ne s’applique plus. En effet l’article 75 de l’acte
uniforme sur les procédures collectives énonce que la décision d’ouverture d’une procédure
collective arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur
les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas
produit un effet attributif avant la décision d’ouverture. Ainsi, on remarque une certaine
opposition concernant l’application des voies d’exécution entre le droit commun et la
procédure collective. En effet, dès l’ouverture de la procédure collective, le créancier impayé

et conditions du bail. Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent
article, et informer le preneur qu'à défaut de paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un
délai d'un mois, la résiliation sera poursuivie. Le bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel
est exploité un fonds de commerce doit notifier sa demande aux créanciers inscrits. Le Jugement prononçant la
résiliation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la demande
aux créanciers inscrits. »
29
KAHISHA MUNEMEKA A. : Le droit OHADA de l’exécution forcée, Académia, 2019
30
Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du
31
n’a plus la possibilité de recourir à une voie d’exécution pour contraindre son débiteur, que ce
soit sur les biens meubles ou immeubles de celui-ci. A titre d’exemple, une saisie vente sera
arrêtée que si la procédure collective intervient avant la vente des meubles. Si au contraire la
procédure collective est ouverte après qu’il y’ait eu vente des meubles, on ne pourra donc pas
en demander l’annulation. De même, 32la saisie immobilière, n’est en principe arrêtée, que si
le jugement d’ouverture de la procédure collective est rendu avant l’adjudication 33. Il faut
comprendre par cet exemple que si une entreprise en difficulté est en procédure de saisie
immobilière, celle-ci ne pourra être interrompue que si la procédure collective est ouverte
avant la date prévu pour l’adjudication.

Enfin, l’article 75 énonce également que toute procédure de distribution n’ayant pas produit
un effet attributif avant la décision d’ouverture est également suspendu. Il faut comprendre
par cette disposition que si une procédure de distribution provenant de la vente des biens
meubles ou immeubles n’a pas abouti à la répartition entre les créanciers du prix de la vente et
que survient une procédure collective, celle-ci est suspendue.

Section 2 : Une interdiction à portée multiforme


La portée d’une règle fait référence à son objet et ses effets directs. Le principe de
l’interdiction des poursuites individuelles a une portée multiforme en ce sens que les effets
qui en découleront seront matérialisés sous plusieurs formes. En premier lieu, cela donnera
lieu à une interdiction des poursuites nouvelles (Paragraphe 1) et une interruption des
poursuites en cours (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une interdiction des poursuites nouvelles


L’interdiction des poursuites nouvelles a pour objectif d’empêcher les créanciers d’entamer de
nouvelles poursuites pendant une période donnée. En effet qu’il s’agisse d’une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens, toutes les poursuites qui seront lancées
après l’ouverture des dites procédures seront interdites. Pour étayer cette idée, nous
analyserons d’abord la proscription des actions en justice (A) et ensuite l’interdiction de la
mise en œuvre de procédure de voie d’exécution (B).

A. La proscription des actions en justice

32
Répertoire du droit commercial *
33
Déclaration par laquelle le juge ou un officier public, qui procède à la mise aux enchères d’un bien meuble ou
immeuble, attribue ce bien à celui qui porte l’enchère la plus élevée. Il s’agit de l’ensemble des formalités
d’une vente aux enchères
Apres l’ouverture de la procédure collective, toutes les actions en justices qui seront intentées
par un créancier dans le but de recouvrer une créance impayée seront interdites. Cette
interdiction aura pour but de

A. L’interdiction de la mise en œuvre de procédure de voie d’exécution

Paragraphe 2 : Une interruption des poursuites en cours


L’interruption consiste à retarder la continuité d’une chose. Dans ce contexte précis, il faut
entendre par interruption, l’arrêt momentané des poursuites judiciaires qui avait été entamé
avant le déclenchement de la procédure collective. Le principe est que dès l’ouverture de la
procédure collective, ces poursuites en cours seront suspendues (A) et il y’aura une
transformation de l’objet desdites poursuites (B)

B. La suspension des poursuites en cours


L’article 75 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives dispose
que « les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait
produit sa créance». Les poursuites ou instances en cours font référence aux actions ou
poursuites judiciaires qui avaient été engagé contre l’entreprise en difficulté avant que ne soit
ouverte la procédure collective. Et le principe est que ces poursuites ou instances en cours
seront interrompues dès l’ouverture de la procédure collective. En d’autres termes, qui
s’agisse d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, dès le
jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective, toutes les instances 34 en cours,
antérieurs a ce prononcé seront arrêté momentanés en vue d’éviter des situations qui vont
contraindre le débiteur a devoir user des dernières ressources disponibles dans son actif. On
en vient donc à se demander à quel moment peut-on considéré une instance comme étant en
cours ? Une instance est considéré comme étant en cours à partir du moment où le défendeur a
reçu une assignation du demandeur et qu’une date a été arrêté pour l’audience*.

Cette interruption des poursuites concerne les instances menées contre le débiteur. De ce fait
sont considérés comme des instances en cours, donc soumises à la règle de l’interruption, les
instances tendant au paiement d’une somme d’argent, les instances en résolution d’un contrat

34
Je fais référence ici à toutes les actions tendant au paiement d’une somme d’argent et des actions en
résolution d’un contrat pour défaut de paiement
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pour défaut de paiement de somme d’argent etc... En droit français, la jurisprudence
considère que seule une instance devant une juridiction du fond est une instance en cours
pouvant donner lieu à fixation de la créance: c'est pour cette raison qu'un pourvoi en
cassation n'est pas une instance en cours.

Une juridiction de fond est le lieu de départ du long voyage qu’est l’instance. Elle
constitue le premier niveau de l’instance. Elle juge le fond de l’affaire et à ce titre est
donc habiliter à fixer une créance. C’est donc par elle qu’on peut considérer qu’une
instance est en cours. La cour de cassation quant à elle, est envisagée comme l’étape de
fin qui aura pour but de contester les décisions rendu par la juridiction de fond et la cour
d’appel. De ce fait, arrivé à cette étape on ne peut plus considérer l’instance comme étant
en cours mais plutôt comme étant « achever » parce qu’elle aura pour seule but de soit de
confirmer soit de réajuster une décision prise par les autres juridictions et non de fixer
une créance. Par contre, 36les instances dans lesquelles le débiteur est demandeur ne peuvent
être considérées comme des instances en cours même si elles interviennent après le jugement
d’ouverture de la procédure collective. L’arrêt37 rendu par la cours de Cassation civile le 7
septembre 2017 justifie cette idée. Dans cet arrêt , la cour de cassation a retenu que « si le
débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire ne peut faire l'objet d'une condamnation
à paiement au titre d'une née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, si bien
que l'action en paiement diligentée à son encontre ne peut tendre qu'à la fixation au passif du
montant de sa dette, cette règle est radicalement inapplicable dans l'hypothèse inverse où c'est
le débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire qui est créancier d'une personne ou
d'une entreprise in bonis qui, comme telle, peut parfaitement faire l'objet d'une condamnation
à paiement (…) ». De plus, ne peuvent être considéré comme des instances en cours,
l’instance en référé qui ne sera pas interrompu malgré l’ouverture d’une procédure collective.
C’est ce qu’a retenu la cours de cassation dans un 38arrêt en ces termes « L'instance en cours
qui, aux termes de l'article L 622-22 du Code de Commerce dans sa rédaction issue de la loi
du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises est interrompue jusqu'à ce que le créancier
poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la
juridiction saisie du principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de cette

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Voir https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206761/instance-en-cours-et-procedure-collective- , consulté le
10 Octobre 2023
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Voir https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206761/instance-en-cours-et-procedure-collective- , consulté le
10 octobre 2023 *
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Cass. Civ 3ème 7 Septembre 2017 n°16-19874
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Com. 2 oct. 2012, no 11-21.529
créance ; que tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation
provisionnelle, de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la
procédure de vérification des créances et à la décision du juge commissaire (…) .

C. La transformation de l’objet des poursuites en cours

Chapitre 2 : La constitution d’une discipline collective des créanciers

Section 1 : Le regroupement des créanciers en une masse


Paragraphe 1 : L’organisation de la masse des créanciers
D. L’identification des créanciers appartenant à la masse
E. Le syndic de la masse des créances
Paragraphe 2 : Le transfert des pouvoirs au syndic
F. La représentation de la masse des créanciers par le syndic
G. L’intervention exceptionnelle des contrôleurs en cas de carence du syndic

Section 2 : La soumission des créanciers aux impératifs de production et de vérification


des créances
Paragraphe 1 : L’obligation de production/déclaration des créances
H. La procédure de déclaration des créances
I. La sanction du défaut de déclaration
Paragraphe 2 : La vérification et l’admission des créances
J. La vérification des créances par le syndic
K. L’intervention/rôle du juge-commissaire dans la vérification des créances
Partie 2 :

Chapitre 1 : La résistance du droit de poursuites fondée sur des données organiques


Section 1 : l’exceptionnelle indiscipline de certains créanciers face à l’ouverture des
procédures collectives
Paragraphe 1 : la situation privilégiée des salariées
A. L’étendue du privilège des salariés

B. Les implications de la reconnaissance du privilège sur le droit de poursuites des


créanciers
Paragraphe 2 : le sort du bailleur d’immeuble
A. La fermeture pour le bailleur de toute action fondée l’ouverture du redressement
judiciaire ou de la liquidation des biens

B. L’ouverture au bailleur d’actions fondée sur tout autre motif

Section 2 : le sort des personnes liées au débiteur


Paragraphe 1 : le sort des cautions et coobligés
A. La caution, une option de poursuites offertes aux créanciers
B. La possibilité d’ouverture des poursuites contre les coobligés
Paragraphe 2 : le sort du conjoint du débiteur
A.

Chapitre 2 : la résistance du droit de poursuites justifiée par des données matérielles

Section 1 : les limites de la règle de l’interdiction des poursuites imposées par l’acte
uniforme
Paragraphe 1 : Déduction d’une possibilité de poursuites pour les actions non prévues
par l’article 75
A. La possibilité d’exercer des actions ne tendant pas au paiement

B. Louverture des actions en résiliation fondée sur tout autre motif que le défaut de
paiement

Paragraphe 2 : Les tempéraments ou atténuations des poursuites prévues par l’article


75
A. Les tempéraments relatifs aux actions

B. Les tempéraments relatifs aux voies d’exécution

Section 2 : le particularisme de certaines actions


Paragraphe 1 : l’action en revendication ou en restitution
A. L’exercice de l’action en revendication

B. Le régime juridique de l’action en revendication

Paragraphe 2 : les actions personnelles intentées par les créanciers à l’encontre du


débiteur
A.

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