Vous êtes sur la page 1sur 9

DOSSIER 1 – formation du contrat sanction des

CONTRATS conditions
de validité d’un contrat la valeur juridique et des effets du pacte
de
préférence sanction du non-respect d’un pacte de
préférence DROIT
DES

Avertissement : il ne sera pas tenu compte de la réforme du droit des


obligations intervenue en 2016.

Le professeur Jean-Aymard des COURS, agrégé de droit


romain, a enseigné toute sa carrière à la faculté de droit d’Aix-
en-Provence. Né en 1916, il est à la retraite depuis 25 ans et se
passionne aujourd’hui pour l’histoire du costume judiciaire.
Bibliophile averti, il a également pour ambitieux projet de
reconstituer la bibliothèque de PORTALIS1, à laquelle il a
consacré sa thèse.

I - Manteau de TRONCHET

En parcourant la Revue historique de droit français et étranger


du deuxième trimestre 2016, reçue le matin même, le
professeur des COURS découvre une petite annonce libellée
comme suit : « A céder : manteau d’hermine de premier président
de la Cour de cassation, avec simarre mais sans épitoge3, ayant
peut-être appartenu à TRONCHET. Prix ferme : 3 000 euros ».
Fou de joie, le professeur des COURS se précipite sur son
antique téléphone à cadran pour manifester son acceptation,
sans exception ni réserve. Il découvre que le cédant n’est autre
que l’un de ses collègues et néanmoins ami.
Malheureusement, le vendeur fait savoir au professeur des

1
Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807) : juriste, il fut l’un des rédacteurs
du code civil. 3 Il s’agit d’accessoires du manteau.
COURS qu’il retire son offre (pourtant adressée la semaine
précédente à la Revue historique de droit français et étranger)
et qu’il souhaite finalement conserver le manteau.
Désappointé, le professeur des COURS vient vous consulter.

TRAVAIL À FAIRE

1.1 Le vendeur peut-il retirer son offre ?

À force de persuasion (et en échange d’une invitation à un


colloque consacré à l’influence d’AUBRY et RAU sur le
costume judiciaire), le professeur des COURS se rend
finalement chez son collègue pour examiner le manteau,
parler longuement de sa passion, et conclure l’affaire.
Quelques mois plus tard, lors d’un échange avec son tailleur,
il découvre que le manteau a été confectionné selon une
technique apparue à la fin du XIXème siècle et qu’il n’a donc
pas pu appartenir à TRONCHET, décédé en 1806. Furieux, le
professeur des COURS entend remettre en cause la vente.

TRAVAIL À FAIRE

1.2 Est-il possible de remettre en cause la vente et d’engager la


responsabilité du vendeur ?

II - Notes manuscrites de PORTALIS

Un antiquaire d’Aix-en-Provence possède plusieurs feuillets


écrits de la main de PORTALIS. Les convoitant depuis près de
30 ans, le professeur des COURS a obtenu il y a quelques mois
un droit de préférence sur ceux-ci, d’une durée de trois ans et
assorti d’une indemnité d’immobilisation. Ce délai devait
permettre au professeur des COURS de réunir les fonds
nécessaires à l’achat des feuillets. Hélas, l’antiquaire vient de
céder les feuillets au doyen de la faculté d’Aix, ancien thésard
du professeur des COURS, parfaitement au courant de
l’existence du pacte de préférence et de la passion de son
ancien maître.

TRAVAIL À FAIRE

1.3 Le professeur des COURS peut-il entrer en possession des feuillets


?

1.4 Peut-il engager la responsabilité de l’antiquaire et de son ancien


élève ?

2016 CORRIGE DOSSIER 1

1.1 Le vendeur peut-il retirer son offre ?

Problème de droit
Cette question pose le problème de la formation du contrat et plus
précisément de la rencontre de l’offre et de l’acceptation.

Règles applicables
L’offre est une proposition de conclure un contrat qui peut être faite à
une personne déterminée ou au public et qui présente les
caractéristiques suivantes :

• Elle doit être claire, donc sans ambiguïté ;

• Elle doit être ferme c’est-à-dire qu’elle doit manifester l’intention


de l’offrant d’être engagé en cas d’acceptation et ne doit donc pas
être soumise à des conditions.
• Elle doit être précise, tant sur la prestation ou la chose offerte que
sur son prix.

Tant qu’elle n’a pas été acceptée, l’offre peut être retirée et l’offrant
peut donc changer d’avis, sauf s’il est précisé qu’elle est valable
pendant un certain délai ou si la loi impose son maintien pendant un
certain temps.

L’acceptation pure et simple de l’offre réalise l’échange des


consentements, donc la conclusion du contrat.

En matière de vente, le code civil précise d’ailleurs que la vente est


parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à
l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et
du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

L’acceptation de l’offre peut être tacite ou expresse, un accord oral


étant parfaitement valable.

Application au cas
En l’espèce, l’annonce parue dans la Revue historique du droit
français est tout à fait précise puisque qu’elle mentionne l’objet de
la vente et le prix.

N’étant assortie d’aucune réserve, cette proposition ferme constitue


bien une offre qui engage le vendeur en cas d’acceptation.

L’appel du professeur des Cours qui manifeste téléphoniquement son


acceptation sans exception ni réserve peut donc réaliser l’échange des
consentements.

Le vendeur peut d’autant moins retirer son offre que celle-ci ayant été
adressée une semaine auparavant à la revue qui a publié l’annonce,
elle n’a donc pas été maintenue pendant un délai raisonnable. En
revenant aussi rapidement sur une offre écrite, précise et ferme, le
vendeur fait indiscutablement preuve d’une légèreté blâmable.

1.2 Est-il possible de remettre en cause la vente et d’engager la


responsabilité du vendeur ?

Problème de droit
Cette question pose le problème de la sanction des conditions de
validité d’un contrat.

Règles applicables
Dans le droit français des contrats le consentement est à l'origine de
l'engagement de chacun.

Pour exprimer la volonté réelle des parties, il doit donc être donné
librement et en toute connaissance de cause, ce qui signifie qu’il ne
doit pas être faussé par certains défauts que l’on appelle des vices du
consentement et qui sont au nombre de trois : l’erreur, le dol et la
violence.

Il y a erreur en cas d’appréciation fausse de la réalité par celui qui


s’engage dont le consentement est alors vicié car il n’est pas donné en
toute connaissance de cause.

Selon l’article 1110 du Code civil, « L’erreur n’est une cause de nullité de
la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose
qui en est l’objet. »
Il peut s’agir de la matière dont cette chose est faite ou d’une qualité
essentielle de cette chose, c’est-à-dire une qualité sans laquelle celui
qui s’est trompé n’aurait pas conclu le contrat.

Une telle erreur peut être sanctionnée par la nullité du contrat.


Application au cas
En l’espèce, l’erreur commise par le professeur des Cours porte
effectivement sur une qualité essentielle pour lui, à savoir le fait que
le manteau ait appartenu à Tronchet.

On peut penser qu’au cours des longues discussions qu’il a eues avec
le vendeur à ce propos, il a dû mentionner l’importance qu’il attachait
à l’origine du manteau.

Mais dans la mesure où l’annonce publiée par le vendeur faisait


référence à « un manteau d’hermine… ayant peut-être appartenu à
Tronchet », on peut également supposer que lors de ces discussions,
le vendeur a dû rappeler l’existence de cette incertitude au
professeur des Cours.

Dès lors qu’il a accepté cet aléa de la vente, l’acheteur ne peut donc
plus prétendre avoir été victime d’une erreur, ni agir pour obtenir la
nullité du contrat.

Il ne pourra pas davantage mettre en cause la responsabilité du


vendeur, puisqu’en précisant bien que l’origine du manteau était
incertaine, il n’a pas cherché à tromper le professeur des Cours et n’a
donc commis aucune faute.

1.3 Le professeur des Cours peut-il entrer en possession des feuillets ?

Problème de droit
Cette question pose le problème de la valeur juridique et des effets du
pacte de préférence.

Règles applicables
On parle de pacte de préférence lorsqu’une personne s’engage à
proposer à un bénéficiaire de conclure un contrat avec lui, avant d’en
proposer la conclusion à quelqu’un d’autre. C’est donc une priorité
que le promettant accorde au bénéficiaire.

Si celui-ci refuse le contrat, le promettant retrouve la liberté de


s’engager avec une autre personne.

La valeur juridique du pacte de préférence est reconnue dès lors que


l’accord en question est suffisamment précis.

Le non-respect de l’engagement pris ne peut cependant pas être


sanctionné par une exécution forcée de la vente promise car
l’obligation de celui qui s’engage n’est pas une obligation de donner,
mais une obligation de faire qui consiste à accorder une priorité pour
la conclusion d’un contrat.

Or la sanction de l’inexécution d’une telle obligation prend la forme


d’une indemnisation du créancier pour le préjudice qu’il subit du fait
du non-respect de ses engagements par le débiteur.

En principe, le créancier ne peut donc pas obtenir l’annulation du


contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et ne peut
pas davantage obtenir d’être substitué au tiers contractant, sauf
lorsqu’il est possible d’établir que celui-ci était de mauvaise foi et
avait connu l’existence du pacte ainsi que l’intention du bénéficiaire
de s’en prévaloir.

Application au cas
En l’espèce, l’accord intervenu entre l’antiquaire et le professeur des
Cours est un pacte de préférence assorti d’une contrepartie
financière.
S’il peut prouver que l’acquéreur des feuillets écrits par Portalis
connaissait l’existence de ce pacte ainsi que son intention d’en
bénéficier, le professeur des Cours pourrait donc obtenir l’annulation
de cette vente intervenue en méconnaissance de ses droits, ainsi que la
substitution à l’acquéreur.

1.4 Peut-il engager la responsabilité de l’antiquaire et de son ancien


élève ?

Problème de droit
Ce cas pose le problème de la sanction du non-respect d’un pacte de
préférence.

Règles applicables
Celui qui accorde un droit de préférence pour la conclusion d’une
vente prend un véritable engagement envers le bénéficiaire de cette
priorité.

Lorsque le débiteur d’une obligation prise dans le cadre d’un pacte


de préférence ne respecte pas son engagement, il engage donc sa
responsabilité contractuelle envers le bénéficiaire, particulièrement
lorsque cette préférence est assortie d’une contrepartie financière.

Quant au tiers qui connait l’existence du pacte et qui participe à son


inexécution en toute connaissance de cause, il engage également sa
responsabilité envers le créancier de l’obligation, mais il s’agit alors
d’une responsabilité délictuelle, donc extracontractuelle.

Application au cas
En l’espèce, le professeur des Cours peut donc engager à la fois la
responsabilité contractuelle de l’antiquaire qui n’a pas respecté la
priorité qu’il lui avait accordée moyennant le paiement d’une
indemnité d’immobilisation, et la responsabilité délictuelle de son
ancien élève qui ayant sciemment contribué à l’inexécution du pacte,
lui a donc causé un préjudice

Vous aimerez peut-être aussi