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ENTREPRENEURIAL
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Isabelle BORIES-AZEAU
Maître de conférences - Université de Montpellier – MRM - Institut Montpellier Management
Avenue Dugrand - Bâtiment D - 34960 Montpellier Cedex 2 - 06 10 54 06 02 - isabelle.bories-azeau@univ-montp1.fr
Fatiha FORT
Professeur - Montpellier SupAgro - UMR MOISA - 2 Place Viala - 34060 Montpellier Cedex 1 - fatiha.fort@supagro.fr
Florence NOGUERA
Professeur des Universités - Université Paul Valéry, Montpellier 3 – CORHIS - Site St Charles
Rue du Professeur Henri Serre – 34080 Montpellier - florence.noguera@univ-montp3.fr
Catherine PEYROUX
Maître de conférences - Université Paul Valéry, Montpellier 3– MRM
Route de Mende - 34199 Montpellier Cedex 5 - catherine.peyroux@univ-montp3.fr
L’évolution des politiques publiques d’Enseignement Ainsi, progressivement, l’Université devient un acteur
Supérieur et de Recherche (ESR) depuis une vingtaine clé de l’écosystème entrepreneurial. Cet écosystème
d’années s’est traduite notamment par l’incitation se caractérise par « la complexité et la diversité des
faite aux universités de s’impliquer dans l’écosys- acteurs, des rôles et des facteurs environnementaux
tème entrepreneurial territorial selon deux axes dont les interactions déterminent la capacité entre-
principaux : faciliter le transfert de technologie et des preneuriale d’une région ou d’une localité » (Spilling,
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1 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux Libertés et Responsabilités des Universités.
2 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche.
3 Depuis la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 sur l’orientation de l’enseignement supérieur (loi « Edgard Faure »), les Universités ont le statut
juridique d’établissements publics à caractère scientifique et culturel (EPSC) qui les dote de la personnalité morale et de l’autonomie administrative,
financière et pédagogique.
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La problématique centrale de cet article a trait à la L’analyse des éléments de contexte souligne la polari-
contribution de l’Université au renforcement des liens sation territoriale des Universités (1.1.) qui s’intègrent
entre porteurs de projets, laboratoires de recherche et ainsi dans une approche collective de l’entrepreneuriat
structures d’accompagnement pour créer de la valeur (1.2.) en s’impliquant dans l’écosystème entrepreneu-
pour le territoire et ses acteurs. Autrement dit, com- rial régional (1.3.).
mentfaciliter les proximités et la gestion des interfaces
entre les étudiants porteurs de projet, les laboratoires
de recherche universitaires et les structures d’accom-
pagnement ? L’hypothèse avancée est que la gestion 1.1. Un contexte institutionnel
des proximités et le renforcement du positionnement qui accentue la polarisation
de l’Université dans l’écosystème entrepreneurial territoriale des universités
peuvent en faire un acteur déterminant dans le proces-
sus de création d’entreprises sur le territoire. Les universités françaises ont connu cette dernière
décennie un fort mouvement de réforme, à l’instar des
Afin d’apporter des éléments de réponse à ce question- Universités des pays de l’Organisation de Coopération
nement, nous présentons les résultats d’une recherche et de Développement Économique (OCDE).
développée dans le cadre du Laboratoire d’Excellence
« Entreprendre » de l’Université de Montpellier por- Ainsi, la LRU de 2007 leur a confié davantage de res-
tant sur des structures d’accompagnement à la création ponsabilités et leur a transféré de nouvelles charges.
d’entreprises innovantes du Languedoc Roussillon. Cette loi est sous-tendue par les principes du New
Cette recherche, menée par quatre chercheurs, s’ins- Public Management (Hood, 1991) qui incite les orga-
crit dans une approche méthodologique inter-orga- nisations publiques à tendre vers plus d’efficacité ; et
nisationnelle mobilisant les parties prenantes dans plus de libertés leur sont accordées en contrepartie
l’entrepreneuriat. d’une contractualisation d’objectifs (a priori) et d’une
évaluation de la performance (a posteriori). Cette
Après avoir précisé le cadre d’analyse de la recherche évaluation se fonde dans les universités sur le dé-
(1), et sa méthodologie (2), nous développerons et dis- ploiement d’outils de mesure dans leur gestion et leur
cuterons les premiers résultats (3). pilotage (Chatelain-Ponroy et al., 2013), concourant à
l’instauration d’un contrôle de gestion (Petitjean et al.,
2014). Cette efficacité peut être aussi évaluée par leur
capacité à satisfaire une demande sociale (Côme, 2011)
du fait de leur responsabilité sociale (Chatelain-Ponroy
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l’Université dans la nouvelle territorialité semble alors ayant été soulevée dès 1999 avec la loi sur l’innovation
caractérisée par : et la recherche4.
▪ laterritoriales
création par les pouvoirs publics de structures
dont le mode de fonctionnement re-
La loi ESR de 2013 a introduit des changements im-
portants en termes de missions et de coopération terri-
pose sur la proximité et la transversalité et qui ont toriale de l’Université. Selon l’article 6 de ce texte, par
pour objectif de favoriser une coordination régio- exemple, le service public de l’enseignement supérieur
nale pour un projet partagé : pôles de recherche contribue « à l’attractivité et au rayonnement des
et d’enseignement supérieur (PRES) qui ont fait territoires aux niveaux local, régional et national ».
place avec la loi ESR de 2013 aux communautés De la même façon, les compétences et le périmètre des
d’universités et d’établissements (COMUE), ré- territoires ont évolué avec la loi MAPTAM de 20145 et
seaux thématiques de recherche avancée (RTRA), la loi NotRE de 20156. Prenant la mesure de ces enjeux
réseaux thématiques de recherche et de soins territoriaux, la Conférence des Présidents d’Université
(RTRS), pôles de compétitivité… ; a signé en février 20177 une convention cadre de coo-
pération avec l’Association des Régions de France pour
▪ ledesoutien financier de l’enseignement supérieur et
la recherche par les collectivités territoriales ;
définir de nouvelles bases de travail, tout en renforçant
les liens entre ces deux acteurs.
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entre univers public et privé, ou l’accompagnement à convergence des acteurs autour de projets communs
la création d’entreprises innovantes (Schieb-Bienfait et (Fort et al., 2013). L’accompagnement à la création
Boldrini, 2016). En outre, parmi les évolutions issues de d’entreprise, au sens large, peut être alors envisagé
la loi ESR, on note le soutien des universités à l’entre- comme une coproduction fondée sur des transferts,
preneuriat avec des dispositifs comme : des échanges, appropriations et apprentissages
(Fayolle, 2004) pour favoriser l’accompagnement au
▪ les PÉPITES (Pôles Étudiants pour l’Innovation,
le Transfert et l’Entrepreneuriat) territoriaux
cours duquel « l’entrepreneur va réaliser des appren-
tissages multiples et pouvoir accéder à des ressources
pour développer la création d’entreprise par les ou développer des compétences utiles à la concrétisa-
étudiants ; tion de son projet » (Cuzin et Fayolle, 2005 : p. 79). À
l’échelle territoriale, cette coproduction suppose des
▪ le(Société
renforcement de l’articulation incubateurs/SATT
Anonyme de Transfert de Technologie) au
interactions entre différents acteurs :
progressivement sur la base de cette définition. L’état sur une logique d’appartenance (les agents se recon-
de l’art d’Hannachi et Chabaud (2013) indique que la naissent par des positionnements relatifs à des projets)
littérature reconnaît que ces écosystèmes regroupent et à la proximité institutionnelle liée à une logique de
des acteurs interconnectés sur un territoire donné et similitude (les agents partagent des codes, règles, re-
englobent a minima les éléments suivants, liés de ma- présentations pour anticiper leur comportement res-
nière ouverte et dynamique : pectif). La proximité géographique peut renforcer ces
logiques d’appartenance et de similitude (Angeon et
▪ universités et instituts de recherche et
développement ;
al., 2006). Mais pour générer des interactions et une
« coordination localisée » (Torre, 2014), elle doit être
▪ ressources humaines qualifiées ; structurée et activée par la proximité organisée (Torre
▪ réseaux formels et informels ; et Rallet, 2005) qui facilite les interactions entre les
▪ investisseurs providentiels
gouvernements ; acteurs impliqués dans des dispositifs territoriaux et
▪ prestataires de services professionnels.
et capitaux-risqueurs ; inscrits dans des logiques d’appartenance.
▪ Les enjeux de cette mise en relation ont été étudiés
Suresh et Ramraj (2012) identifient les acteurs de par les recherches sur l’écosystème entrepreneurial.
l’écosystème entrepreneurial comme un ensemble de Benneworth et al. (2017) ont, par exemple, montré
parties prenantes (Freeman, 1984) aux objectifs et at- que les interactions entre les universités et les ac-
tentes différents. La relation de l’Université à ses par- teurs territoriaux pouvaient contribuer à l’innovation
ties prenantes repose essentiellement sur son choix territoriale via des échanges de connaissances. Selon
de prendre en compte leurs attentes, leur satisfaction Harrison et Leitch (2010), l’une des caractéristiques
et des conséquences de son activité sur celles-ci. Les de cet écosystème est l’apport d’innovations technolo-
structures d’accompagnement représentent alors giques et d’entrepreneurs par les centres de recherche
un lieu privilégié de coopération entre ces parties universitaires. L’écosystème entrepreneurial participe
prenantes dans une gouvernance entendue comme, ainsi d’une dynamique de construction de ressources
suivant Leloup et al. (2005) et Le Galès (2006), un matérielles et immatérielles liées à un territoire or-
processus de coordination d’acteurs territoriaux ganisé. Ces ressources reposent sur la capacité des
impliqués dans l’accompagnement, pour mieux or- acteurs à nouer des relations inter-organisationnelles,
ganiser ce projet collectif, et adossé à une proximité à partir desquelles ils construisent ou renouvellent les
géographique et organisée. ressources locales (Mendez et Mercier 2006).
L’analyse des interactions entre les parties prenantes L’ancrage territorial de l’Université s’appuie sur des
renvoie à celle des proximités liées à des mécanismes relations de proximité avec ses parties prenantes.
d’échange, de coopération et d’adaptation des activités Mais malgré l’intérêt évident pour les universités à
entre les agents du territoire dans le cadre d’actions développer des liens avec les acteurs de l’écosystème
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Dans une première approche descriptive, nous avons La recherche a été menée au sein d’un territoire ; elle
voulu identifier les différentes parties prenantes au s’inscrit dans une approche méthodologique inter-or-
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Acteurs institutionnels 19
Acteurs institutionnels politiques 6
Acteurs institutionnels experts 13
Financeurs 2
Structures d’accompagnement 19
Directeurs 13
Techniciens, chargés de missions 6
Porteurs de projets 12
Enseignants chercheurs 4
TOTAL 57
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niveau territorial. C’est ce que souligne la responsable 3.2. Le constat d’un déficit
du PÉPITE-LR, également enseignant-chercheur : de proximité organisée
« Aujourd’hui, on nous [PÉPITE-LR] considère La proximité organisée se fonde sur les proximités or-
comme un apporteur d’affaires via l’entrepreneuriat ganisationnelle et institutionnelle liées à une logique
étudiant. On voit bien qu’aujourd’hui, c’est une popu- de similitude (Zimmerman, 2008). Nos résultats
lation cible pour l’ensemble des acteurs de l’écosys- indiquent en premier lieu un déficit de proximité orga-
tème, y compris pour les incubateurs académiques ». nisationnelle, notamment avec les structures d’accom-
pagnement : les porteurs de projet mentionnent leurs
Si les difficultés des acteurs des territoires éloignés des difficultés à développer leur projet dans le cadre d’un
universités à se constituer en interlocuteurs audibles partenariat de recherche, généralement public/privé :
ou en réseaux bien identifiés sont réelles, on constate
aussi que la proximité géographique ne suffit pas. « J’ai été mis en partenariat avec un labo de recherche
Ainsi, le responsable du Pôle Création et services aux mais ce n’était pas adapté » ; « C’est très dur de tra-
entreprises d’un organisme consulaire (chambre de vailler avec une équipe de recherche, un labo. Ce n’est
commerce et d’industrie), interrogé sur ses relations pas évident de faire un partenariat de recherche.
avec le réseau local des acteurs de l’entrepreneuriat, ne Pour moi, ce n’est pas une réussite en soi. Il y a des
mentionne pas la structure universitaire de la commu- différences de compétences, ce n’est pas le même lan-
nauté d’agglomération. gage. Il y a le problème de l’échelle du temps qui n’est
pas la même pour un labo et pour un créateur » (un
La proximité des acteurs peut être envisagée comme un porteur de projet).
cadre de structuration inter-organisationnel qui facilite
les rencontres, les échanges d’information et le partage À travers l’évocation des difficultés de langage commun
des connaissances (Rallet, 2002). Mais il s’agit d’une et de communication entre chercheurs académiques et
forme de proximité initialement neutre que les acteurs porteurs de projets, transparaît en second lieu l’ab-
territoriaux ont à activer (Detchenique, 2013). La sence d’une réelle proximité institutionnelle.
proximité géographique doit donc s’accompagner d’une
proximité organisée qui facilite les interactions entre les « On a été déçus de la collaboration, du travail qui a
acteurs de l’écosystème entrepreneurial territorial. été fourni. Ce que j’espérais c’est un vrai échange. Il y
a un contrat et quand je lui ai demandé des comptes…
La distance géographique par rapport aux ressources Avec d’autres projets plus « ingénieurs », ils com-
et réseaux universitaires peut induire une distancia- muniquent mieux. Il y a quand même un « gap ».
tion culturelle : « Ici, la culture entrepreneuriale n’est L’ingénieur qui travaille avec nous a beaucoup de mal
pas la même qu’à M., ni les ressources en termes de re- pour communiquer avec son chercheur référent » (un
cherche » (Le directeur d’une pépinière d’entreprises), porteur de projet).
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s’impliquer dans les projets. La relation est évidente termes de mission de service public mise en avant
entre les porteurs et le centre de recherche, mais les par deux enseignants-chercheurs : « On est dans un
porteurs de projet ne s’en rendent pas compte ». Ce service public. On est en soutien ; sinon, ce n’est plus
que semblent confirmer deux enseignants-chercheurs : la même mission. D’autant qu’on n’a pas les mêmes
« Avec le co-accompagnant professionnel on a essayé moyens que les structures d’accompagnement. Notre
d’être complémentaire dans nos apports à l’étudiant. offre pour l’accompagnement ce n’est pas compa-
L’accompagnant professionnel était plus dans les rable » ; « En fait, on a deux objectifs : sensibiliser et
choses très pratiques, les aides qui peuvent être mo- soutenir les projets qui démarrent. C’est vraiment un
bilisées, les différents dispositifs, formations que l’étu- rôle de service public ».
diant peut avoir. Du coup, moi avec l‘étudiant, j’étais
plus dans l’utilisation des outils de gestion, comme par Ces propos appellent implicitement les universités à
exemple, comment on fait un questionnaire, un plan organiser une proximité dans l’écosystème entrepre-
de financement ; Peut-être que du fait de côtoyer le pu- neurial territorial pour renforcer leur capacité à créer
blic étudiant au quotidien et d’être habitué à interagir de la valeur dans cet écosystème, par un apport de res-
avec lui on a une sorte de compétence. Alors peut-être sources, comme le rappelle un enseignant-chercheur :
qu’un accompagnant professionnel est moins apte à « On “fabrique” des porteurs de projet. On est un
les accompagner car il est moins à l’écoute de leurs vivier pour l’écosystème entrepreneurial dans son en-
attentes, étant plus habitué à un public plus âgé qu’il semble. On crée de la valeur économique finalement,
côtoie. Nous, les universitaires, on est plus habitués même si c’est de manière indirecte. Parce qu’on va
aux étudiants et on peut s’ajuster. Peut-être que face à mettre sur le marché des personnes qui vont être un
une population d’entrepreneurs jeunes, notre compé- soutien à l’entrepreneuriat, aux institutions, à l’éco-
tence distinctive c’est notre capacité à être pédagogue système entrepreneurial ».
avec ce public jeune, à être patient, plus indulgent
qu’on peut l’être dans le monde professionnel où on a
des objectifs plus contraignants et moins de temps à
accorder à l’apprentissage ». 3.3. L’implication des universités
dans la construction d’une
La divergence de représentations, de codes et de lan- proximité organisée :
gages est aussi mise en avant par les élus : une attente forte des
parties prenantes
« Les différents acteurs de l’accompagnement ont
des logiques organisationnelles, des périmètres de « L’obligation de création en Languedoc Roussillon »
champ d’action, de pouvoir qui ne sont pas toujours soulignée par un expert de l’entrepreneuriat suscite
évidents » (un élu). des attentes fortes des parties prenantes de la dyna-
mique entrepreneuriale régionale, notamment sur la
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La fusion de structures peut alors renforcer la cohérence réseaux d’affaires et de gagner en légitimité (Gartner,
territoriale de l’accompagnement entrepreneurial : 1985 ; Messeghem et Sammut, 2010).
« On peut imaginer une fusion entre l’incubateur aca- La proximité organisationnelle en appuyant la proximi-
démique et l’Agence régionale de l’innovation LR » té organisée par le partage de règles et de représenta-
(un technicien d’une structure d’accompagnement). tions collectives et en favorisant la structuration, peut
ainsi être envisagée comme un substitut de la proximité
Les pratiques de co-accompagnement relèvent de la géographique, comme le suggère Boschma (2004).
même logique :
Au final, il s’agit de mener une réflexion sur les dispo-
« Dans les laboratoires de recherche qui sont des sitifs de soutien à cette proximité organisationnelle,
sites d’incubation, il n’y a pas d’accompagnement, à savoir la traduction opérationnelle des politiques
nous faisons du co-accompagnement » (un technicien publiques (Fixari et Pallez, 2016) en faveur du dévelop-
d’une structure d’accompagnement). pement de l’entrepreneuriat sur le territoire, et sur la
cohérence entre l’intention politique et l’opérationnel
La construction d’une proximité organisée suppose aus- (Horvath et Dechamp, 2016). Cela conduit à s’inter-
si le développement de dispositifs structurants pour ces roger sur le positionnement des universités dans ces
techniciens : dispositifs.
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La formalisation des coordinations de l’action collective d’action et de jeux politiques (Bories-Azeau et Loubès,
entrepreneuriale suppose en effet des modalités orga- 2013), et à des choix stratégiques des universités qui ne
nisationnelles en mesure de favoriser le transfert de sont pas clairement explicités (Goy, 2015), au détriment
connaissance en dehors de la proximité géographique d’une lisibilité de leur positionnement dans l’écosys-
(Freel, 2003). tème entrepreneurial. Mais ce cadre d’action peut aussi
relever de politiques territoriales qui favorisent la coo-
Des procédures contractuelles, plus ou moins explicites, pération des acteurs territoriaux de l’entrepreneuriat
liant les universités aux parties prenantes de l’écosys- et l’émergence d’un projet collectif dans une logique
tème entrepreneurial territorial via un engagement « construite » (Horvath et Dechamp, 2016).
formel réciproque, et qui précisent les engagements en
termes d’apports et de création de valeur ajoutée de ces
parties prenantes (Hill and Jones, 1992), peuvent sou-
tenir cette formalisation. L’objectif est de « contractua-
liser », notamment par des partenariats publics/privés,
la proximité organisée qui structure cet écosystème et
qui fait émerger un projet collectif entrepreneurial fa-
vorable aux interactions et à la coordination d’acteurs
territoriaux hétérogènes. Cette contractualisation fa-
cilite des mécanismes d’ajustement entre les différents
acteurs de l’écosystème entrepreneurial. Nous rejoi-
gnons ici Bouba-Olga et Grossetti (2008 : p. 13) selon
qui « la proximité relationnelle ne peut se construire
qu’en définissant les relations entre organisations ».
Les universités sont ainsi en capacité de favoriser le rap-
prochement des représentations des parties prenantes
de l’écosystème entrepreneurial territorial, en créant un
cadre cognitif. Il s’agit de développer un capital social
territorial i.e. « la somme des ressources actuelles ou
potentielles, tangibles et intangibles encastrées à l’in-
térieur, disponibles au travers, et dérivées du réseau de
relations possédé par un acteur individuel ou collectif,
l’accès à ces ressources devant avoir des conséquences
positives pour l’action » (Plociniczak, 2003 : p. 456).
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