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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACC Accord de commerce et de coopération (entre


l’Union européenne et le Royaume Uni)
ACTA Accord commercial anti-contrefaçon
ACP (pays) Pays de la zone Afrique, Caraïbe, Pacifique
ACR Accords commerciaux régionaux
ADPIC Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés
au commerce
AELE Association européenne de libre-échange
AECG Accord économique et commercial global
AGCS Accord général sur le commerce des services
ALE Accord de libre-échange
ALENA Accord de libre-échange nord-américain
AMP Accord sur les marchés publics
ANASE Association des nations d’Asie du sud-est
APE Accords de partenariat économique
APEC Forum de coopération économique pour l’Asie-
Pacifique
ASEAN Association of Southeast Asian Nations
CDB Convention sur la diversité biologique
CE Communauté européenne
CEDEAO Communauté économique des États d’Afrique de
l’Ouest
CEE Communauté économique européenne
CETA Comprehensive Economic and Trade Agreement
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CPC Comité pour la politique commerciale
CVDT Convention de Vienne sur le droit des traités
CITES Convention sur le commerce international des espèces
de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

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CNUCED Conférence des Nations unies pour le commerce et


le développement
DG Direction générale
DOM Départements d’outre-mer
DPI Droits de propriété intellectuelle
DTS Droits de tirage spéciaux
EEE Espace économique européen
FMI Fonds monétaire international
GATT (accord Accord général sur les tarifs douaniers et le com-
ou organisation) merce
ICE Initiative citoyenne européenne
IG Indications géographiques
IRA Inflation Reduction Act
JO Journal officiel (de l’UE)
MACF Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
MERCOSUR Marché commun du sud
OIT Organisation internationale du travail
OLP Organisation de libération de la Palestine
OMC Organisation mondiale du commerce
ONG Organisation non gouvernementale
OTC (accord ou Obstacle technique au commerce
mesure)
PTCI Partenariat transatlantique de commerce et d’inves-
tissement
PTOM Pays et territoires d’outre-mer
RCEP Regional and Comprehensive Economic Partner­
ship
RDIE Règlement des différends investisseurs/États
RGPD Règlement général sur la protection des données
personnelles
ROC Règlement sur les obstacles au commerce
RUP Région ultrapériphériques
SPS (accord ou Sanitaire et phytosanitaire
mesure)

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sigles et abréviation  9

s
SRD Système de règlement des différends
TCE Traité instituant la Communauté européenne
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TTIP Transatlantic Trade and Investment Partnership
TUE Traité sur l’Union européenne
UE Union européenne

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PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1. Les traités de commerce ont des racines historiques pro‑


fondes. Voici près d’un siècle, Boris Nolde remarquait, dans une étude
magistrale, que les traités qui viennent organiser et réglementer le
commerce international entre les peuples et nations constituent « l’un
des rouages les plus importants de la vie économique moderne » (1).
Consubstantiel à l’apparition et de l’État sous sa forme moderne, le
droit des traités de commerce est né en Europe au xve siècle, d’abord
sous l’influence de l’Angleterre, avant que sa logique, marquée par le
mercantilisme plus encore que le libéralisme, ne forme partie inté-
grante du droit public européen et soit bientôt étendue et adaptée à
l’ensemble des relations commerciales internationales (2).
Jusqu’à l’entre-deux-guerres, sous l’influence du contexte politique
et économique international, les accords de commerce alterneront des
périodes d’expansion et de reflux alimentés par le désir de protection
des États (3). Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la régulation
des échanges internationaux, organisée jusqu’alors par une série de

(1) B. Nolde, « Droit et technique des traités de commerce », RCADI, t. 3, 1924. Sur le plan
historique, cette étude montre que les traités de commerce ont pour origine des actes de pacifica-
tion unilatéraux, privés ou publics, par lesquels, à l’issue d’un conflit armé, on tentait de protéger
les échanges au moyen de privilèges accordés aux commerçants étrangers pour assurer la sécurité
de leurs séjours. Du VIIIe au xiiie siècle, ce droit à la paix au profit des commerçants étrangers
sera progressivement contractualisé, le plus souvent entre groupements de marchands. À partir
du xive siècle, sous l’impulsion des rois d’Angleterre, des traités de commerce seront passés avec
des villes et des souverains étrangers. Peu à peu, à l’époque moderne, les traités de commerce
s’affirment comme des instruments organisant les échanges internationaux entre les principales
puissances européennes. Les traités de commerce participent ainsi de longue date à l’expression
de la souveraineté et à l’affirmation du droit international sous sa forme moderne.
(2) E. Jouannet, Le droit international libéral-providence : Une histoire du droit interna­
tional, Bruxelles/Paris, Bruylant/LGDJ, 2011.
(3) Au demeurant, l’idée d’un libre-échange généralisé qui aurait caractérisé certaines
périodes, comme la seconde moitié du xixe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, semble
elle-même erronée. En Europe, la véritable percée du libre-échange au xixe siècle s’avère réduite à
une période d’une vingtaine d’années (1860‑1879), initiée par le traité de commerce franco-anglais
et qui prit fin à l’initiative de la Realpolitik de Bismark, initiant une nouvelle envolée des droits de
douane bientôt imitée par les autres puissances européennes. Les États-Unis optèrent pour leur
part dès les années 1860 pour une politique protectionniste tandis que, dans le reste du monde,
l’ouverture des échanges était plus souvent imposée par les puissances coloniales que réellement
consentie. Voy. à ce sujet P. Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Paris, La
Découverte, 1999, spéc. pp. 31 et s.

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12 accord de libre - échange européen

textes conventionnels bilatéraux, négociés États à États, fera l’objet


d’un renversement de méthode. Le GATT (4), organisation multilaté-
rale née de l’application provisoire de l’accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de 1947 (5) puis l’Organisation mondiale
du commerce (ci-après OMC), qui lui a succédé en 1995, se sont pro-
gressivement imposés comme les forums privilégiés de négociation
des accords de libéralisation des droits de douane et plus largement
de régulation des échanges internationaux (6). Cet avènement somme
toute récent du multilatéralisme marque une rupture importante dans
l’histoire des relations commerciales internationales. Mais il n’a jamais
empêché les États de continuer à négocier des accords commerciaux
dits régionaux (ACR) (7).
Ces dernières décennies ont ainsi été le théâtre d’une explosion
sans précédent de ce type d’accords, négociés bilatéralement ou au
sein de groupes régionaux réunissant plusieurs États, qui régissent
de façon croissante le régime des relations commerciales entre pays
membres de l’OMC (8). D’aucuns y voient le signe d’une nouvelle frag-
mentation du système commercial international qui pourrait, à terme,
annoncer le retour à un système de règles entièrement dominé par les
accords bilatéraux (9). On objectera que ces accords reprennent bien

(4) Le GATT, née de l’accord éponyme (General Agreement on Tarifs and Trade – soit l’ac-
cord général sur les tarifs douaniers et le commerce) n’était cependant pas la seule organisation
multilatérale de régulation des échanges internationaux. Ainsi, créé en 1949, le Conseil d’assistance
économique mutuelle (COMECON) régissait entre autres les échanges commerciaux entre les pays
du bloc de l’est. Voy. not. F. Lemoine, Le COMECON, Paris, PUF, 1982.
(5) Également appelé le GATT 1947. Cet accord ne constituait qu’une partie de la charte de
La Havane, traité international prévoyant la création d’une organisation internationale du com-
merce. À défaut d’être parvenus à faire ratifier le traité par le Congrès américain, les négociateurs
de ce traité décidèrent d’appliquer de façon provisoire la partie de cet ensemble conventionnel
consacrée au commerce des marchandises et aux tarifs douaniers. Voy. not., sur le fonctionnement
du GATT dans ses premières années, G. Fischer, « Accord instituant l’organisation de coopération
internationale », AFDI, 1955, pp. 406‑423.
(6) La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED),
organe crée à l’initiative des pays en développement devenu majoritaires au sein de l’Assemblée
générale des Nations unies, parfois décrite comme une sorte d’anti-GATT, n’est jamais parvenue
à s’imposer face à ce dernier.
(7) Possibilité au demeurant reconnue par les règles du GATT/OMC. Voy. not. art. XXIV du
GATT et V de l’AGCS, sur lesquels nous reviendrons ci-dessous, § 14.
(8) On parlera ici de traités plurilatéraux, de façon à désigner des accords commerciaux
négociés entre un groupe réduit de pays et n’ayant pas une vocation universelle. Ceci étant, du
point de vue du droit international et, en particulier de la convention de Vienne, il n’existe que
des traités bilatéraux ou multilatéraux, ces derniers étant qualifiés comme tels dès lors qu’ils ont
été ratifiés par plus de trois parties.
(9) Voy. not. B. Remiche et H. Ruiz-Fabri (dir.), Le Commerce international – entre bi- et multilaté­
ralisme, Bruxelles, Larcier, 2010 ; H. Ghérari, « OMC et accords commerciaux régionaux, le bilatéralisme
conquérant ou le nouveau visage du commerce international », RGDIP, 2008, n° 2, pp. 255‑293 et, du
même auteur, Les Accords commerciaux préférentiels, coll. Droit international, Bruxelles, Larcier, 2013.

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souvent dans leur contenu des règles et des principes déjà consacrés
au plan multilatéral, et permettent de les sécuriser dans un contexte
d’affaiblissement du multilatéralisme et de recours grandissant aux
mesures unilatérales et non concertées (10).

Graphique 1 : Évolution des accords commerciaux régionaux


(1948‑2022) (source : OMC)

2. L’Union européenne, produit et acteur du régionalisme


économique. La Communauté, qui deviendra plus tard l’Union euro-
péenne, a elle-même été fondée sur un accord régional entre États
européens visant à l’établissement d’un espace de libre marché. Le
traité instituant la Communauté économique européenne signé en
1957 prévoyait dès le départ la mise en place d’une union douanière,
impliquant l’élimination de l’ensemble des obstacles tarifaires et non
tarifaires à la liberté de circulation au sein de cet espace marchand
mais aussi, sur le plan extérieur, la conduite d’une politique commer-
ciale commune, fondement alors essentiel de la capacité de cette entité
naissante à négocier et conclure des accords commerciaux avec des
pays tiers (11).

(10) Voy. à ce sujet A. Hervé, « L’unilatéralisme européen comme outil de régulation des
échanges internationaux : un mal nécessaire dans un système multilatéral en voie d’effondrement »,
Fondation Robert Schuman, Policy paper n° 626, mars 2022.
(11) J. Raux, Les relations extérieures de la Communauté économique européenne, Paris,
Cujas, 1968.

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Hérité de l’ancien article 113 du TCE, l’actuel article 207, para-


graphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
(TFUE) (12) prévoit à cet effet que « [l]a politique commerciale com-
mune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui
concerne les modifications tarifaires, la conclusion d’accords tari-
faires et commerciaux relatifs aux échanges de marchandises et de
services, et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle,
les investissements étrangers directs, l’uniformisation des mesures
de libéralisation, la politique d’exportation, ainsi que des mesures de
défense commerciale […] » (13). Dans son expression, cette politique
tournée vers l’extérieur suppose ainsi le recours à des instruments
unilatéraux – notamment à travers la détermination des tarifs doua-
niers applicables – mais implique également la capacité de négocier
des instruments conventionnels régulant les échanges internationaux,
que ce soit sur le plan multilatéral ou dans le cadre d’accords régio-
naux. Cette dernière hypothèse renvoie en particulier à la possibilité de
conclure des accords de libre-échange, lesquels sont très vite apparus
en adéquation avec les objectifs assignés dès ses origines à la politique
commerciale de l’Union.
3. Une politique commerciale européenne marquée par
des contraintes institutionnelles et une orientation libre-
échangiste. Lorsqu’ils mettent en œuvre leurs politiques com-
merciales, les États n’ont généralement pas à s’interroger sur le
fondement de leur action, celle-ci étant intimement liée à la conduite
de leurs relations internationales et à l’expression externe de leur
souveraineté. La politique commerciale de l’Union européenne a
pour spécificité première d’être fondée sur un titre de compétence
hérité d’un transfert organisé par les traités, et par conséquent d’être
sujette à des limites matérielles et un cadre procédural prédéfi-
nis (14). Les rédacteurs du traité de Lisbonne, reprenant l’acquis
du projet de traité constitutionnel, se sont résolus à réaffirmer de
manière explicite l’exclusivité de la compétence de l’Union en matière

(12) Héritier de l’ancien art. 113 du traité CE.


(13) Nous soulignons.
(14) Cette limite s’était notamment vérifiée à l’occasion d’un avis de la Cour de justice rendu
à l’occasion de la conclusion de l’accord instituant l’OMC, la Cour estimant à l’époque que les
domaines couverts par la future organisation relevaient en réalité d’une compétence partagée
entre la Communauté et ses États membre. CJCE, 15 novembre 1994, Avis 1/94, Compétence de
la Communauté européenne pour conclure l’Accord instituant l’Organisation mondiale du
commerce, ECLI:EU:C:1994:384. Voy. not. J. Bourgeois, « L’Avis de la CJCE à propos de l’Uruguay
Round, un avis mitigé », RMCUE, 1994, n° 4, pp. 11 et s.

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commerciale (15). Cette exclusivité s’accompagne d’une extension


continue du champ d’application de la politique commerciale au fil
des révisions des traités qui, par-delà les domaines traditionnels que
sont la politique tarifaire et les échanges de marchandises, couvre
aujourd’hui non seulement le commerce des services et les aspects
commerciaux des droits de propriété intellectuelle mais également,
depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, « l’investissement
étranger direct » (16). Cette évolution a facilité l’activisme de l’Union
dans sa politique conventionnelle libre-échangiste. Mais cette orga-
nisation internationale qu’est l’Union européenne demeure malgré
tout contrainte par la logique de compétence. En 2017, l’avis 2/15 de
la Cour de justice (17), relatif à la capacité de l’Union de conclure
un projet d’ALE avec Singapour, a certes largement confirmé l’éten-
due de la capacité conventionnelle de l’Union en matière de com-
merce. Mais la Cour a aussi posé à cette occasion certaines limites
importantes à cette exclusivité, en particulier dans le domaine de la
protection des investissements étrangers, ce qui a eu pour effet de
freiner les prétentions conventionnelles et réformatrices de l’Union
dans ce domaine clé du droit international économique (18).

(15) L’art. 3, § 1, e), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne indique à cet égard
que la politique commerciale commune relève de la compétence exclusive de l’Union. C’est la
raison pour laquelle les États membres ne peuvent négocier eux-mêmes des traités commerciaux
avec des États tiers ou des organisations internationales.
(16) De l’aveu même de la Cour, « [L]’extension du domaine de la politique commerciale
commune » participe d’une évolution significative du droit primaire de l’Union. Voy. CJUE, 8 juillet
2013, Daiichi Sankyo et sanofi Adventis Deutschland, aff. C-414/11, ECLI:EU:C:2013:520, pt 48.
(17) CJUE, 16 mai 2017, Avis 2/15, Compétence de l’Union pour conclure l’Accord de libre-
échange avec Singapour, ECLI:EU:C:2017:376.
(18) Cet avis confirme le principe selon lequel, en l’état actuel des traités, l’UE a bien désor-
mais une compétence exclusive pour négocier et conclure des accords de libre-échange avec des
pays tiers. Cette exclusivité de la compétence de l’Union à conclure des accords de libre-échange
trouve son origine dans la nature de la compétence en matière de politique commerciale. Un acte
de l’Union relèvera ainsi de cette politique s’il porte spécifiquement sur ces échanges « en ce qu’il
est essentiellement destiné à les promouvoir, à les faciliter ou à les régir et a des effets directs et
immédiats sur ceux-ci » (pt 36 de l’avis). L’exclusivité de la compétence de l’Union en matière de
conclusion des ALE peut également se justifier au regard d’autres bases juridiques prévues dans
les traités conformément à la doctrine issue de la jurisprudence AETR, reprise aux art. 3, § 2, et
216 TFUE, à savoir dès lors qu’un accord externe « est susceptible d’affecter des règles communes
ou d’en altérer la portée » (pts 168 et s. de l’avis). La Cour considère dans l’avis 2/15 que la quasi-
intégralité des matières couvertes par l’ALE UE-Singapour relève de la compétence exclusive. Il
n’en va pas de même en revanche des règles applicables en matière d’investissement, l’assemblée
plénière ayant estimé que les investissements « autres que directs » ainsi que le règlement des
différends investisseurs/États (RDIE), continuent de faire l’objet d’une compétence partagée entre
l’Union et ses États membres. Sur cet avis et ses conséquences, voy. not. M. Dony, « L’Avis 2/15
de la Cour de justice : un “jugement de Salomon” ? », RTDE, 2017, n° 3, pp. 525‑554 et A. Hervé,
« L’Avis 2/15 de la Cour de justice – Et maintenant, que faire du partage des compétences entre
l’Union et ses États ? », CDE, 2018, n° 1, pp. 693‑735.

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16 accord de libre - échange européen

Par-delà les contraintes qui ont pu affecter sa capacité conven-


tionnelle, la politique commerciale commune de l’UE repose sur des
orientations idéologiquement marquées. Un positionnement éminem-
ment favorable à la libéralisation des échanges internationaux a ainsi
été retenu dès les origines de la construction européenne, ce qui s’ex-
plique par la volonté des négociateurs du traité de Rome de rassurer
des pays tiers inquiets de voir émerger une Europe repliée sur la
défense de ses intérêts protectionnistes (19). Par-delà les époques et
les contingences politiques, l’ouverture des marchés n’a eu de cesse
d’être considérée comme un impératif prioritaire de la politique com-
merciale commune. Aujourd’hui encore, l’article 206 TFUE prévoit
ainsi que l’Union « contribue, dans l’intérêt commun, au développe-
ment harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive
des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements
étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et
autres ». Cette même disposition souligne au demeurant, depuis l’en-
trée en vigueur du traité de Lisbonne, que la politique commerciale
est menée « dans le cadre des principes et objectifs de l’action exté-
rieure de l’Union européenne » lesquels sont mentionnés à l’article 21
du traité sur l’Union européenne (TUE), disposition qui insiste sur la
nécessité « d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie
mondiale, y compris par la suppression des obstacles au commerce
international » (20). Ajoutons enfin que l’article 3, paragraphe 5, TUE
indique que, dans ses relations avec le reste du monde, l’Union contri-
bue, entre autres, « au commerce libre et équitable » (21).
4. L’Union européenne comme acteur central de la libérali‑
sation des échanges internationaux. L’Union européenne et avant
elle la Communauté (22) ont participé à l’ensemble des cycles de négo-

(19) On remarquera au demeurant que les instances du GATT n’ont jamais examiné la compatibi-
lité des règles du traité de Rome avec celles de l’accord général, en particulier celles de son art. XXIV.
A. Hervé, « Protectionnisme et politique commerciale de l’Union européenne », in S. Barbou des
Places (dir.), Protectionnisme et droit de l’Union européenne, Paris, Pedone, 2014, pp. 39‑65.
(20) Art. 21, § 2, TUE.
(21) On pourra toutefois objecter que la référence au développement « harmonieux » des
échanges à l’art. 206 TFUE et la mention de l’équité du commerce figurant à l’art. 3, § 5, peuvent
indiquer que l’objectif de libéralisation apparaît d’emblée tempéré par la nécessité, pour l’Union,
de réguler la mondialisation chaque fois que nécessaire. Au demeurant, la politique commerciale
de l’Union obéit très largement à des considérations pragmatiques et laisse aux institutions d’im-
portantes marges de manœuvre en matière de réglementation des échanges que la Cour n’a jamais
réellement contestées. Ibid.
(22) À l’époque qualifié de « Communauté économique européenne » (CEE), étant précisé que
l’appellation « les Communautés » a été retenue au sein du GATT puis de l’OMC jusqu’à l’entrée
en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009.

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ciations multilatérales du GATT à l’origine d’un abaissement continu


et sans précédent des tarifs douaniers décidé au plan multilatéral.
Ce soutien à une ouverture accrue des marchés s’est poursuivi dans
le cadre de l’OMC, dont l’UE est membre à part entière aux côtés
de ses États, même s’il s’est alors heurté à la paralysie décisionnelle
qui caractérise cette organisation. Parallèlement à l’expression de sa
diplomatie commerciale sur le plan multilatéral, l’Union a aussi, très
tôt, négocié une série d’accords de libéralisation dans une logique de
complémentarité voire, dans la période plus récente, de substitution
au système commercial multilatéral.
5. Les accords préférentiels négociés avec les pays géo‑
graphiquement proches de l’Union. Dès les années 1960, la
Communauté a conclu une série d’accords d’association prévoyant
la création d’unions douanières alignées sur le tarif douanier exté-
rieur commun avec des partenaires européens qui n’avaient pas alors
la qualité d’États membres de l’Union européenne mais vocation à
adhérer (Grèce, Turquie, Malte et Chypre) (23). Lors de la décennie
suivante, de nouveaux accords commerciaux préférentiels prévoyant
une levée réciproque des droits de douane dans les échanges commer-
ciaux seront conclus avec l’Espagne (1970), le Portugal et la Suisse
(1972), la Finlande et la Norvège (1973) (24). Dans les années 1980,
la libéralisation des échanges semble marquer le pas, sans doute en
raison de la priorité alors donnée à la pleine réalisation du marché
intérieur et aux négociations multilatérales menées dans le cadre du
cycle de l’Uruguay, destiné à faire naître la future OMC. La libérali-
sation des échanges avec des partenaires susceptibles de rejoindre
l’Union européenne reprendra cependant dès le début des années 1990,
à travers la signature des accords de pré-adhésion des pays d’Europe
centrale et orientale (25). En 1995, le Conseil d’association euro-turc
adopte une décision à l’origine de la création d’une union douanière

(23) La mise en application du tarif douanier extérieur commun dû au demeurant attendre le


1er juillet 1968, à la fin d’une période de transition durant laquelle les droits de douane nationaux
continuaient d’être perçus. Les accords de libéralisation des échanges ont donc été conclus avant
même que cette ouverture des marchés ne soit pleinement réalisée sur le plan interne.
(24) Accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération Suisse, JO,
L 300 du 31 décembre 1972, pp. 189‑280 et accord entre la Communauté économique européenne
et le royaume de Norvège, JO, L 171 du 27 juin 1973, pp. 2‑102. Ces deux textes constituent
aujourd’hui les plus anciens accords de libre-échange de l’UE encore en vigueur.
(25) Voy. en ce sens les parties consacrées au commerce des accords d’association que la CEE
conclut en 1991 avec la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Voy. par ex. l’accord européen
du 16 décembre 1991 établissant une association entre les Communautés européennes et leurs
États membres, d’une part, et la République de Pologne, d’autre part, JO, L 348 du 31 décembre
1993, pp. 2 et s.

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alors conçue comme une antichambre de l’adhésion turque (26). Plus


récemment, les accords de stabilisation et d’association conclus
avec plusieurs pays des Balkans ayant formulé le vœu d’adhérer à
l’Union européenne organisent également la suppression de l’essen-
tiel des restrictions aux échanges de biens et de services, accom-
pagnée de l’engagement du partenaire d’intégrer dans sa législation
interne l’acquis communautaire (27). Il en va de même des accords
d’association « complets et approfondis » que l’Union européenne
a conclus durant la décennie 2010 avec l’Ukraine, la Géorgie et la
Moldavie et qui, s’ils ne prévoient pas une future adhésion de ces pays
à l’Union, ont clairement pour objectif de les arrimer à son espace
normatif et économique (28). Enfin, et sans que ces accords aient eu
pour objet d’anticiper de futurs élargissements, plusieurs pays de la
Méditerranée ont, entre la fin des années 1990 et la première moi-
tié des années 2000, conclu avec l’Union des accords d’association
organisant eux aussi des zones de libre-échange, d’abord limitées au
seul commerce des marchandises (Palestine, Tunisie, Maroc, Israël,
Jordanie, Égypte, Algérie et Libye) (29).
6. L’extension progressive de la logique préférentielle aux
accords conclus avec des partenaires géographiquement éloi‑
gnés. L’ouverture des échanges a été proposée très tôt dans l’his-
toire de la construction européenne à des pays géographiquement
éloignés mais historiquement proches de l’Union à raison des liens
étroits entre ces derniers et d’anciennes puissances coloniales euro-
péennes. Dès 1963, la convention dite de Yaoundé organise ainsi un
système de libéralisation non réciproque des échanges, ou plutôt de
maintien d’un accès au marché privilégié pour les anciennes colo-
nies françaises et belges qui sera, à compter du début des années
1970, reconduit puis étendu aux anciennes colonies africaines bri-
tanniques. Cette méthode héritée de la convention de Yaoundé est
ensuite reprise dans les conventions signées à Lomé, jusqu’à l’ac-
cord de Cotonou, signé en 2000 avec les pays de la zone Afrique,
Caraïbes, Pacifique (ACP). Ce dernier texte prévoyait toutefois de

(26) Décision 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie du 22 décembre 1995 relative à la


mise en place de la phase définitive de l’union douanière, JO, L 35/1 du 13 février 1996.
(27) Voy. par ex. l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés euro-
péennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Serbie, d’autre part, JO, L 278
du 18 octobre 2013, pp. 14‑471.
(28) Voy. par ex. l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États
membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, JO, L 161 du 29 mai 2014, pp. 3‑2137.
(29) Les références de l’ensemble de ces accords figurent en bibliographie.

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mettre fin au caractère non réciproque des préférences accordées


par l’Union à compter du 1er janvier 2008, et a servi de fondement à
la négociation, avec les ­partenaires ACP, d’accords prévoyant désor-
mais une libéralisation réciproque et qualifiés d’accords de partena-
riat économique (APE) (30). À compter du début des années 2000,
l’Union commencera à négocier et conclure d’autres accords de
libéralisation avec des partenaires éloignés. Il en est allé ainsi de
plusieurs pays latino-américains avant que le projet européen libre-
échangiste ne soit ensuite proposé à des pays répartis sur l’ensemble
des régions du globe.
7. L’accélération de la stratégie libre-échangiste de l’Union
au début du nouveau millénaire. Si l’Union n’a jamais véritablement
cessé de négocier des ALE, ce phénomène s’est encore amplifié au
début du siècle. À mesure que l’incapacité de l’OMC à réformer les
règles du commerce mondial et à les adapter aux nécessités contem-
poraines est apparue manifeste, l’Union européenne a fait le choix,
à l’instar des autres membres de l’OMC, de négocier des accords de
libre-échange chaque fois plus ambitieux, et avec un cercle sans cesse
plus étendu de pays partenaires. En 2006, prenant acte des difficultés
à conclure le cycle de Doha, l’Union a publiquement fait part de sa
volonté de conclure une nouvelle génération d’accords avec des pays
émergents et à fort potentiel de croissance, en particulier les pays de
l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) (31), l’Inde, la
Corée du sud ou encore le Brésil à travers le MERCOSUR (32). Ce
virage stratégique assumé par l’Union a au demeurant été encouragé,
au début des années 2010, par l’activisme des autres grandes puis-
sances commerciales, en particulier les États-Unis d’Amérique et la
Chine, dont la rivalité s’est d’abord illustrée, en matière de diplomatie
commerciale, dans la zone Asie-Pacifique (33).

(30) Voy. ainsi les art. 36 et 37 de la convention de Cotonou ainsi que la décision (UE) 2020/13
du Conseil du 19 décembre 2019 modifiant les directives de négociation pour des accords de
partenariat économique avec les pays et régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dans la
mesure où ils relèvent de la compétence de l’Union, JO, L 6 du 10 janvier 2020.
(31) L’ASEAN regroupe 10 États membres. Créée par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la
Thaïlande et les Philippines en 1967, elle a été rejointe par le Brunei (1984), le Vietnam (1995),
le Laos et la Birmanie (1997) et enfin le Cambodge (1999).
(32) Communication de la Commission, « Une Europe compétitive dans une économie mon-
dialisée », COM(2006) 567, 4 octobre 2006.
(33) L’administration Obama initia en effet, dès le début des années 2010, un projet de zone
de libre-échange transpacifique incluant les pays de l’ASEAN, le Japon, la Corée, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande, ainsi que plusieurs États du continent américain. La Chine, après avoir signé
en 2009 un accord avec les pays de l’ASEAN s’engagea dès 2012 dans la négociation du nouveau
traité de libre-échange réunissant 15 États de la région Asie Pacifique – soit les 10 membres de

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Désireuse de consolider et d’étendre l’accès au marché pour ses


opérateurs au début des années 2010, l’Union a alors décidé l’ouverture
de négociations avec des partenaires industrialisés tels que le Canada
(2009), le Japon (2012) et même les États-Unis (2013) (34). Tirant plei-
nement parti de la clarification de sa compétence en matière commer-
ciale consécutive à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’Union
a ainsi signé et conclu depuis une dizaine d’années une multiplicité
d’accords de libre-échange (avec la Corée en 2010, le Canada en 2016,
le Vietnam et le Japon en 2019 et le Royaume-Uni en 2020). Parmi les
grandes puissances commerciales de l’OMC, l’Union est à ce jour celle
qui dispose du réseau conventionnel le plus varié et le plus étendu.
Le présent ouvrage analysera de façon prioritaire le contenu de cette
nouvelle génération d’accords, laquelle couvre une part croissante de
ses échanges internationaux et constitue, comme nous le verrons, une
forme originale de régulation du commerce international.
8. Un réseau conventionnel couvrant une part croissante
des échanges commerciaux de l’Union. En 2020, les échanges de
l’Union européenne couverts par les 67 partenaires commerciaux liés
à l’Union par un accord préférentiel représentaient, selon les don-
nées de la Commission, environ un tiers du commerce extérieur de
l’Union européenne (35). Cette proportion s’est encore accrue avec
la mise en application de l’accord de commerce et de coopération
avec le Royaume-Uni, désormais l’un des principaux partenaires com-
merciaux de l’Union européenne, pour passer à 44 % du commerce
extérieur de l’Union (36). La tendance des règles conventionnelles
issues des ALE à se substituer à celles de l’OMC dans la régulation

l’ASEAN, auxquels il faut ajouter l’Australie, la Corée, le Japon la Nouvelle Zélande. Le texte du
partenariat régional économique global (RCEP) a été signé fin 2020 (http://fta.mofcom.gov.cn/
english/index.shtml).
(34) Concernant la Chine, l’UE préféra cependant négocier un traité commercial centré sur
l’investissement et excluant la libéralisation des échanges. Cette décision fut officialisée à l’oc-
casion de la déclaration commune concluant un sommet UE-Chine en février 2012. Les parties
convinrent également de négocier un accord séparé consacré à la reconnaissance mutuelle des
indications géographiques. Le Conseil adoptera un an plus tard les directives de négociation du
traité sur l’investissement. Le texte de cette négociation, disponible sur le site internet de la
DG commerce, a été paraphé fin 2020 mais il n’a en l’état toujours pas été signé par les parties,
essentiellement pour des raisons politiques.
(35) Source : rapport annuel 2021 sur la mise en œuvre des accords commerciaux de l’Union
européenne, COM(2021) 654 final, 27 octobre 2021.
(36) Cette proportion incluant, outre le Royaume-Uni et les 67 partenaires mentionnés dans
le rapport de 2021, le Vietnam, Andorre, les îles Féroé, l’Islande, le Liechtenstein et Saint Marin.
Source : rapport annuel 2022 sur la mise en œuvre des accords commerciaux de l’Union euro-
péenne, COM(2022) 730 final, 10 octobre 2022. La liste des accords de libre-échange en vigueur,
en application provisoire et en négociation, figure en annexe du présent ouvrage.

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des relations commerciales extérieures de l’Union pourrait d’ailleurs


s’accentuer, si les négociations qu’elle a engagé avec l’Australie et
la Nouvelle-Zélande, les pays du MERCOSUR, l’Indonésie ou encore
l’Inde aboutissent à la conclusion et la mise en œuvre de nouveaux
accords (37). Cette progression doit cependant être nuancée par le fait
qu’aucun accord préférentiel n’est envisagé avec la Chine tandis que
le projet de traité de libre-échange transatlantique a été abandonné
en 2016, peu après l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump,
et qu’il n’a pas été réactivé depuis lors. Les relations commerciales
avec les deux principaux partenaires économiques de l’Union restent
ainsi régies par les règles de l’OMC, du moins lorsqu’elles sont encore
respectées.

Graphique 1 : Commerce extérieur de l’UE (2021) (38)

Le Royaume-Uni est, depuis la mise en application de l’accord


de commerce et de coopération (ACC), le premier partenaire pré-
férentiel de l’Union européenne. Si l’on s’en tient au commerce des

(37) On s’approcherait alors de la moitié des échanges de l’UE couverts par des accords
préférentiels. Il importe de noter toutefois que, depuis l’abandon de la négociation d’un traité de
libre-échange avec les États-Unis et en l’absence d’accord préférentiel avec la Chine, les relations
commerciales avec les deux autres poids lourds du commerce international demeurent encore,
au moins à moyen terme, essentiellement régies par les règles de l’OMC.
(38) Source : Commission européenne, d’après une extraction effectuée en mars 2022 depuis
Eurostat, COM(2022) 730 final, préc.

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marchandises, l’ACC représente ainsi 22,8 % des échanges commer-


ciaux de l’Union avec ses 74 partenaires préférentiels, suivi par la
Suisse (14,8 %), la Turquie (8,3 %), la Norvège (6,9 %) et le Japon
(6,6 %) (39).

Graphique 2 : échanges de marchandises


par partenaires préférentiels (40)

9. L’affirmation progressive d’un droit des ALE de l’Union.


Par-delà ces éléments de nature statistique, le droit issu des ALE
que nous venons d’évoquer constitue aujourd’hui une branche à part
entière du droit de l’Union. Celle-ci s’est progressivement dévelop-
pée en obéissant à une logique spécifique et caractéristique de ce
que nous considérons comme un modèle européen de libéralisation
des échanges. Il convient d’appréhender ce droit dans sa globalité, en
partant de l’idée que les ALE de l’Union, instruments conventionnels
relevant du droit international économique, constituent également
une manifestation matérielle du droit européen. Ce droit exerce une
influence prégnante et croissante sur l’activité des opérateurs éco-
nomiques qui souhaitent exporter depuis le territoire de l’Union ou,

(39) COM(2022) 730 final, préc.


(40) Ibid.

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à l’inverse, accéder à son marché. En dépit d’une faible invocabilité


auprès des juridictions internes (41), les ALE constituent une source
de contrainte pour les autorités publiques de l’Union européenne et
de ses États membres, dès lors que l’exercice de leur pouvoir norma-
tif à l’intérieur du marché commun ne peut ignorer les engagements
contenus dans ces textes conventionnels. Il en va ainsi, en particulier,
du pouvoir législatif exercé par l’Union européenne, y compris dans
des matières qui ne relèvent pas directement de la politique commer-
ciale, dès lors que les règles envisagées sont susceptibles d’affecter
les échanges internationaux de l’Union.
Cette branche émergente du droit est encore aujourd’hui assez peu
comprise et étudiée ou, lorsqu’elle l’est, bien souvent de façon secto-
rielle, focalisée sur tel ou tel chapitre conventionnel spécifique. L’intérêt
doctrinal se concentre aussi naturellement sur des accords déterminés,
qui attirent davantage la lumière que les autres, comme ce fut le cas
de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada
(CETA (42)) voici quelques années (43). Les études globales et transver-
sales consacrées aux accords de libre-échange de l’Union européenne
demeurent rares ce qui s’explique probablement par la technicité des
questions abordées, ainsi que leur grande diversité. De fait, en pratique,
les ALE font, comme nous le verrons, l’objet d’une négociation chapitre
par chapitre, menée parallèlement par des équipes spécialisées et dont
le travail est ensuite coordonné, en particulier par la direction générale
du commerce extérieur sous le regard critique du service juridique de
la Commission. L’évolution du droit des accords de libre-échange est
au demeurant marquée par un mouvement de complexification, consé-
cutif à l’extension continue des matières abordées. La compréhension
de ces accords supposera de surmonter une tendance naturelle à la
spécialisation disciplinaire, et à faire en outre appel à un ensemble de
connaissances qui dépassent souvent la seule matière juridique.
10. Définition des accords de libre-échange. Il n’existe pas, à
proprement parler, de définition juridique faisant autorité de ce qu’est
un accord de libre-échange, y compris en droit international ou dans

(41) Voy. ci-dessous, §§ 211 et s.


(42) L’intitulé français de cet accord est l’accord économique et commercial global (AECG).
Toutefois, ce texte est plus connu du public, y compris dans la littérature francophone, sous son
acronyme anglais, à savoir le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). Nous
avons en conséquence choisi de retenir l’appellation CETA.
(43) Voy. ainsi le dossier spécial consacré au CETA paru dans le second numéro de la revue
des affaires européennes en 2017 dirigé par la professeure C. Rapoport.

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le cadre de la branche plus spécialisée du droit international éco-


nomique (44). En droit de l’Union, ce terme est utilisé de manière
tautologique : est un accord de libre-échange ce que l’Union et ses
institutions qualifient comme tel. En s’appuyant sur la science éco-
nomique, on désignera ici comme des ALE les traités par lesquels les
parties s’engagent à libéraliser et faciliter leurs échanges commerciaux,
qu’il s’agisse des échanges de marchandises ou de services (45). Les
ALE se distinguent des autres accords commerciaux que l’Union peut
négocier par ailleurs sur le fondement de sa compétence en matière
commerciale, tels que les accords de partenariat en matière de com-
merce (46), centrés sur la coopération, mais qui ne permettent pas
de libéraliser le commerce au-delà des engagements figurant dans
les accords de l’OMC. On doit encore différencier les accords de
libre-échange des accords sectoriels, tels ceux qui ont été conclus
par l’Union dans le domaine des indications géographiques (47), les
accords de reconnaissance mutuelle (48) ou encore les accords de
protection des investissements que l’Union négocie désormais sépa-
rément des accords libre-échange (49).

(44) En son art. XXIV, § 8, b), le GATT de 1994 définit les zones de libre-échange dans les
termes suivants « on entend par zone de libre-échange un groupe de deux ou plusieurs territoires
douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres réglementations commerciales res-
trictives […] sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits
originaires des territoires constitutifs de la zone de libre-échange ». Toutefois cette définition,
héritée de l’après-guerre, demeure sommaire et ne couvre que les échanges de marchandises. Plus
récent, l’AGCS est pourtant encore moins précis et se contente d’évoquer en son art. V l’existence
de zones d’intégration économique dont la conformité avec l’accord est conditionnée à l’exigence
d’une libéralisation d’un nombre « substantiel » de secteurs.
(45) Cette définition correspond à celle généralement retenue dans les ouvrages de sciences
économique, qui tendent au demeurant à se concentrer sur la seule suppression des tarifs doua-
niers. Voy. à ce sujet A. Silem, Lexique d’économie, 15e éd., Paris, Dalloz, 2018 ou encore A. Betone,
A. Cazorla et E. Hemdane, Dictionnaire de science économique, 6e éd., Paris, Dunod, 2019.
(46) Ce type d’accord de partenariat et de coopération correspond cependant à un modèle
ancien, qui tend à tomber en désuétude. Voy. à titre d’exemple l’accord de partenariat et de coo-
pération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres,
d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, JO, L 327 du 28 novembre 1997, pp. 3‑69.
(47) Ainsi par ex. la décision (UE) 2020/1832 du Conseil du 23 novembre 2020 relative à la
conclusion de l’accord entre l’Union européenne et le gouvernement de la République populaire
de Chine concernant la coopération relative aux indications géographiques et la protection de
celles-ci, JO, L 408I du 4 décembre 2020, pp. 1 et s. En vertu de cet accord, l’UE et la Chine ont
mutuellement reconnu l’existence de 100 IG originaires de chacune des parties.
(48) Il s’agit là d’accords, le plus souvent sectoriels, destinés à faciliter les échanges entre
deux partenaires, et qui reposent sur l’acceptation commune du bien-fondé des législations en
vigueur. Voy. à titre d’exemple l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération
suisse relatif à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, JO, L 114
du 30 avril 2002, pp. 369‑429.
(49) Le choix de négocier des accords distincts sur la protection des investissements s’est
imposé à la suite de l’avis 2/15 relatif à la compétence de l’Union pour conclure l’accord de libre-
échange UE-Singapour, dans lequel la Cour a indiqué que les matières couvertes par la protection

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À raison de leur caractère aujourd’hui transversal et approfondi,


les ALE sont sans doute devenus le principal instrument conven-
tionnel de la régulation des échanges commerciaux entre l’Union
et ses partenaires. Ces textes contiennent plusieurs centaines d’ar-
ticles, divisés en chapitres organisant la libéralisation des échanges
de marchandises et de services mais couvrant aussi des questions
matérielles qui intéressent, entres autres, l’établissement, l’investis-
sement, la propriété intellectuelle, les marchés publics, le commerce
numérique, la coopération réglementaire, le développement durable
ainsi que le règlement des différends. Ces accords sont en outre
complétés par des annexes qui précisent la réalité de l’ouverture des
échanges réalisés.
Paradoxalement, la libéralisation du commerce suppose de négo-
cier un ensemble de règles nouvelles qui constituent, indirectement,
des réservoirs supplémentaires de complexité juridique et technocra-
tique. En ce sens, le développement des accords de libre-échange de
l’Union européenne constitue une manifestation d’un droit adminis-
tratif global (50).
11. Libre-échange nommé et innommé. Du point de vue nomi-
naliste, on notera que l’appellation accords de libre-échange n’est
pas systématique, la dénomination d’un traité de nature commercial
relevant, à l’instar des autres conventions internationales, d’un choix
discrétionnaire des négociateurs. Certes, ces derniers ont continué,
y compris dans la période récente, de qualifier les textes d’« accords
de libre-échange », comme c’est le cas par exemple des ALE négo-
ciés entre l’UE et la Corée (2010), ou plus récemment le Vietnam ou
Singapour (2019).

des investissements relèvent d’une compétence partagée entre l’UE et ses États membres (voy. ci-
dessous). Voy. par ex. la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord
de protection des investissements entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et
la République de Singapour, d’autre part, COM/2018/194 final. Ces accords aménagent au profit
des investisseurs des parties une série de droits matériels et procéduraux (en particulier l’accès
aux tribunaux d’investissement prévus par ces accords).
(50) Voy. not. C. Bories (dir.), Un droit administratif global ? – A global administrative
Law ?, Paris, Pedone, 2012. La doctrine du droit administratif global tend à identifier le dévelop-
pement de normes de type administratif au-delà de l’État. Elle nous paraît pouvoir être mobilisée
en l’espèce dès lors que les règles des accords de libre-échange tendent à imposer aux autorités
administratives internes une forme de standardisation des comportements et des conduites, des-
tinée à favorisée l’accès au marché et à réduire les obstacles au commerce par-delà les traditions
juridiques internes des États. Voy. égal., R. Maurel, Les sources du droit administratif global,
Travaux du Centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux,
vol. 56, Paris, LexisNexis, 2021.

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26 accord de libre - échange européen

Mais dans bien des cas, les ALE constituent, d’un point de vue
formel, la partie commerciale d’un accord de portée plus large, cou-
vrant aussi bien les aspects économiques que politiques. Il en va ainsi
en particulier des accords d’association (51), ce qui permet alors à
l’Union de présenter ces derniers comme des ensembles convention-
nels englobants et de nature politique, dépassant la seule logique
marchande. Dans certaines hypothèses cependant, l’expression ALE
apparaît délibérément écartée. L’accord conclu avec le Royaume-Uni
de façon à organiser les relations commerciales post-Brexit, alors
même qu’il constitue à ce jour le traité de libre-échange le plus étendu
et approfondi sur le plan commercial négocié par l’Union européenne,
a été pudiquement été appelé « accord de commerce et de coopéra-
tion ». La notion de libre-échange a été évitée à l’heure de dénommer
les accords dits de partenariat économique (APE) négociés avec les
pays de la zone Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) (52), concernant le
CETA signé entre l’UE et le Canada, de même que s’agissant l’accord
entre l’Union européenne et le Japon « pour un partenariat écono-
mique » (53).
Ces choix sémantiques ne sont pas anodins ou techniques et pro-
cèdent en réalité d’une démarche politique. Ils témoignent de la volonté
de l’Union européenne et de ses partenaires de présenter les ALE
comme des projets de partenariat, selon une approche englobante des
relations commerciales qui dépasse le seul prisme du libéralisme éco-
nomique, et qui comporte une dimension régulatrice. Cette démarche
constitue aussi une réponse à une contestation lancinante du libre-
échange, terme sensible et sujet à des crispations aptes à perturber
le processus de négociation.
12. Controverses provoquées par la négociation et la conclu‑
sion des accords de libre-échange. L’Union et ses institutions
politiques ont de longue date manifesté un soutien général au pro-
cessus de négociation des accords de libre-échange, ces derniers étant
considérés comme conformes aux intérêts de l’Union, tant sur le plan
interne que sur la scène internationale. Ce consensus a toutefois été

(51) Voy. à titre d’exemple l’accord d’association UE-Ukraine, dont la partie IV (Commerce
et questions liées au commerce) prévoit l’établissement d’une zone de libre-échange « complète
et approfondie ».
(52) Voy. à titre d’exemple l’accord de partenariat économique entre les États du Cariforum,
d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, JO, L 289 du
30 octobre 2008, pp. 3‑1955.
(53) Accord entre l’UE et le Japon pour un partenariat économique, JO, L 330 du 27 décembre
2018, pp. 3‑899.

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questionné ces dernières années, en particulier à l’occasion de cer-


taines négociations emblématiques. Certes, l’ouverture de l’Union aux
échanges commerciaux avec le reste du monde apparaît globalement
soutenue par les Européens (54). Ceci étant, plusieurs ALE ont pu, ces
dernières années, être à l’origine de tensions politiques. Il en a été ainsi
du CETA, perçu au moment de sa négociation comme une forme de
précurseur du futur traité de libre-échange avec les États-Unis. Si des
accords ont été ratifiés par l’Union sans grands débats et, somme toute,
sans réelles difficultés (ALE avec le Vietnam ou encore le Japon),
certaines négociations suscitent encore de vives controverses, quand
elles ne sont pas ouvertement critiquées par certains États membres.
Il en va ainsi en particulier de l’accord avec le MERCOSUR, auquel
la France est en l’état opposée, à l’instar d’une partie importante du
Parlement européen, en dépit de l’insistance de la Commission à clore
une négociation engagée voici plus de deux décennies.
La crise sanitaire a du reste mis en évidence les dépendances de
l’Union en matière d’accès aux biens et produits étrangers, y compris
les biens de première nécessité, et questionné plus généralement l’uti-
lité du libre-échange. Les interdépendances qu’il est suspecté d’encou-
rager (55), après avoir été décrites comme des facteurs de prospérité
et de stabilité, sont aujourd’hui ressenties comme des signes de fragi-
lités pour l’Union. La guerre d’Ukraine et l’immixtion grandissante de
considérations sécuritaires dans les questions de commerce internatio-
nal interrogent également l’opportunité d’un libre-échange généralisé.
Pour autant, la remise en cause de l’ouverture et de la libéralisation
des échanges internationaux n’a, pour l’heure, pas eu lieu. Si la fra-
gilité de certaines chaînes de valeur (56) et d’approvisionnement a

(54) En dépit toutefois de fortes spécificités nationales. Parmi les trop rares études consacrées
à cette question, voy. le sondage IFOP pour l’hebdomadaire Marianne, « Les opinions publiques
européenne et américaine, le libre-échange et le protectionnisme », mars 2018.
(55) Étant cependant précisé que les problèmes de dépendance aux importations étrangères
dans des secteurs jugés stratégiques – notamment celui des médicaments – le sont à l’égard de
pays, comme l’Inde ou la Chine, qui n’ont pas conclu d’ALE avec l’Union européenne.
(56) L’expression chaîne de valeur renvoie à l’idée selon laquelle la conception d’un produit
suppose de passer par de multiples étapes de production, qui peuvent avoir lieu dans une grande
diversité de pays. Un produit électronique par exemple, sera généralement assemblé dans un
pays à bas salaire, cependant qu’il utilisera un ensemble de composants (et souvent de software)
également conçu et fabriqués dans des pays développés. Il en va de même de la production
textile, secteur dans lequel l’impact social et environnemental des chaînes de valeur apparaît
souvent problématique. Voy. à ce sujet Sustainability and Circularity in the Textile Value Chain
– Global Stocktaking, rapport du programme des Nations unies pour l’environnement, octobre
2020. De nombreux auteurs ont aussi pu souligner que l’accroissement sans précédent du com-
merce international ces dernières décennies s’expliquait en grande partie par un phénomène de
fragmentation des chaînes de valeurs. Celui-ci est lui-même synonyme de fragilité dès lors qu’une

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été dénoncée, au point que plusieurs législations destinées à réguler


ces dernières sont aujourd’hui en discussion (57), le postulat libre-
échangiste de l’Union n’apparaît pas, au moins à court terme, remis en
cause, comme en témoigne la volonté de poursuivre les négociations
de nouveaux accords. La compréhension de la permanence de la stra-
tégie conventionnelle de l’Union vis-à-vis des accords de libre-échange
nécessite de revenir sur les finalités poursuivies par celle-ci.
13. Finalités multiples des accords de libre-échange. Les moti-
vations du négociateur européen ont certes varié au fil du temps et
des époques, ainsi que des partenaires concernés. Elles sont aussi
marquées par des facteurs relativement stables qui justifient, ou du
moins expliquent, la continuité de la politique conventionnelle pour-
suivie, par-delà les contingences et les aléas politiques.
Le choix de négocier des accords de libre-échange obéit tout
d’abord, depuis que ce type de traité existe, à des considérations
d’ordre mercantiliste, l’objectif étant en l’occurrence pour l’Union
d’obtenir au terme des négociations un accès accru aux marchés
étrangers pour ses opérateurs quitte à accepter en retour l’ouverture
de ses propres marchés (58). La Commission européenne a également
justifié ces accords par le fait que la mise en concurrence découlant
de l’ouverture réciproque des marchés contribuerait à renforcer la
compétitivité des entreprises et de l’économie européenne et que
l’abaissement généralisé des barrières au commerce, susceptible de
diminuer le coût des biens et des services et d’en élargir l’accès, béné-
ficierait non seulement aux entreprises à l’origine de ces importations
mais également aux consommateurs européens (59). Le continent
européen est par ailleurs assez pauvre en ressources et matières pre-
mières, qui s’avèrent insuffisantes à alimenter le système industriel qui

difficulté rencontrée sur un maillon de cette chaîne est susceptible de paralyser l’ensemble d’une
production. Voy. not. P. Krugman, M. Obstfeld et M. Melitz, Économie internationale, 12e éd.,
Paris, Pearson, [2015] 2022.
(57) Voy. ainsi la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir
de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937,
COM/2022/71 final, 23 février 2022.
(58) Certains auteurs vont même jusqu’à affirmer que, dans la négociation des traités commer-
ciaux, chaque partie cherche à ouvrir au maximum l’accès au marché de son partenaire, tout en
faisant en sorte de protéger au mieux son propre marché (voy. par ex. G. Shaffer, « Trade Law in
a Data Driver Economy », in S. Peng, C. Lin et T. Streinz, Artificial Intelligence and International
Economic Law – Dispruption, Regulation and Reconfiguration, Cambridge, Cambridge University
Press, 2021, pp. 29‑53, spéc. p. 39).
(59) Communication de la Commission, « Une Europe compétitive dans une économie mon-
dialisée », COM(2006) 567 final, 4 octobre 2006.

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y est implanté. Il est alors nécessaire, sinon vital, de sécuriser juridi-


quement les chaînes d’approvisionnement (60). Les ALE de l’Union
présentent en ce sens, par-delà l’aspect purement économique, une
dimension stratégique et sécuritaire à l’heure des rivalités techno-
logiques et des guerres commerciales (61). C’est notamment dans
cette perspective qu’il faut comprendre la motivation de l’Union à
négocier des ALE avec des pays qui occupent un rôle essentiel dans
le fonctionnement des chaînes de valeur européenne, en particulier
les pays de l’ASEAN.
Certes, les règles de l’OMC limitent déjà certaines formes de
protectionnisme. Cependant les disciplines multilatérales s’avèrent,
à l’examen, surtout destinées à empêcher les discriminations (62).
Le régime OMC ne signifie pas en effet que les échanges entre les
pays membres de cette organisation soient entièrement libéralisés.
Les règles multilatérales n’ont pas pour effet de faire disparaître les
tarifs douaniers (63). De même, l’accord général sur le commerce des
services, près de trente ans après son entrée en vigueur, n’a toujours
pas permis une ouverture significative de ce secteur faute d’engage-
ments de la part des membres depuis les années 1990. Plus encore,
l’échec du cycle de Doha, initié en 2001, a eu pour effet de freiner
tout mouvement significatif de réduction des barrières aux échanges
au plan multilatéral. Les règles de l’OMC n’ont du reste pratiquement
pas évolué depuis 1995 et apparaissent aujourd’hui partiellement ina-
daptées aux évolutions du commerce international. Il en va ainsi d’un
domaine comme le commerce numérique, en dépit de la tentative
récente, et pour l’heure infructueuse, de négocier un accord sur le
commerce électronique dans l’enceinte multilatérale.

(60) Communication de la Commission, « Le Commerce pour tous – Vers une politique du


commerce et de l’investissement plus responsable », COM(2015) 597 final, 14 octobre 2015, p. 5.
(61) A. Van Aaken, C. P. Bown et A. Lang, « Introduction to the Special Issue on ‘Trade
Wars’ », JIEL, 2019, vol. 22, n° 4, pp. 529‑533.
(62) Ainsi par exemple, pour s’en tenir au seul domaine des marchandises, les règles de
l’OMC n’empêchent nullement les membres de maintenir des droits de douane élevés, si ces
derniers correspondent à leurs concessions tarifaires, de même qu’elles ne prohibent pas entiè-
rement toutes mesures de restrictions aux importations ou aux exportations et autres mesures
de défense commerciale (voy. not. art. II, VI, XI, XIII et XIX du GATT). Il en va de même dans le
domaine des services où la libéralisation effective s’avère, compte tenu des engagements encore
très limités des membres, relativement faible.
(63) Il est vrai que ces tarifs sont aujourd’hui, en vertu des négociations commerciales mul-
tilatérales qui se sont déroulées dans le cadre du GATT et de l’OMC, devenus résiduels dans les
pays développés. Ils demeurent cependant encore parfois élevés et dissuasifs dans des secteurs
sensibles, comme l’agriculture. De même, de nombreux pays en développement n’ont pas jugé
opportun de formuler des engagements significatifs en matière tarifaire et peuvent encore mettre
en œuvre des droits de douane élevés.

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30 accord de libre - échange européen

Ces dernières années ont encore été marquées par une remise en
cause de l’une des fonctions essentielles de l’OMC, et un acquis una-
nimement jugé comme fondamental de cette organisation, à savoir la
capacité à assurer le respect et la prévisibilité des règles du commerce
international. Cet affaiblissement de l’OMC et de son système normatif
découle directement du blocage de son mécanisme de règlement des
différends, du fait de la paralysie de son système d’appel depuis la fin
de l’année 2019 (64). Le respect des règles et le fonctionnement des
procédures contentieuses à même de tempérer les rapports de force
dans les relations commerciales internationales avaient constitué en
1995 et pendant près de deux décennies une contribution majeure
de l’OMC, à laquelle l’Union européenne était particulièrement atta-
chée (65). En dépit des efforts entrepris par l’Union européenne et cer-
tains de ses partenaires commerciaux pour soutenir ces procédures,
ce système se trouve dorénavant gravement fragilisé (66).
Dans ce contexte incertain, les accords de libre-échange négociés
par l’Union permettent non seulement de compléter un corps de règles
multilatérales qui s’avère, depuis de trop longues années, impossible à
réformer en profondeur, mais plus encore de garantir le maintien avec
ses partenaires économiques de règles de droit susceptibles de réguler
les relations commerciales et à même d’éviter, sinon de tempérer, la
résurgence du protectionnisme et de l’unilatéralisme (67).
Les ALE de l’Union s’inscrivent au demeurant dans un projet poli-
tique global. Le traité de Lisbonne reconnaît d’ailleurs l’imbrication de
la politique commerciale et des autres politiques de l’Union, en par-
ticulier sa politique extérieure (68). Dès les années 1960, les accords
de libre-échange ont servi des motivations d’ordre politique, qu’il
s’agisse de préparer l’adhésion de futurs États membres, d’assurer le

(64) Voy. not. J. Pauwelyn, « WTO Dispute Settlement Post 2019 : What to Expect ? », JIEL,
2019, vol. 22, n° 3, pp. 297‑321.
(65) A. Hervé, L’Union européenne et la juridictionnalisation du système de règlement des
différends de l’OMC, Bruxelles, Bruylant, 2015.
(66) L’Union européenne a en effet été, avec plusieurs autres membres dont le Brésil, la Chine
et le Canada, à l’origine de la création d’un dispositif d’appel intérimaire fondé sur l’arbitrage qui
est destiné à jouer, entre les pays qui l’acceptent, le rôle de l’ancien Organe d’appel. Ce système a
vocation à s’appliquer entre une quinzaine de membres de l’OMC signataires dans l’attente d’une
hypothétique sortie de crise impliquant un accord multilatéral sur une réforme du système de
règlement des différends. Voy. la déclaration relative à la mise en place d’un arrangement multi-
partite concernant une procédure arbitrale d’appel, JOB/DSB/1/Add.12, 30 avril 2020.
(67) Voy. not. le Tour d’horizon de l’évolution de l’environnement commercial international,
rapport annuel de la directrice générale, OMC, WT/TPR/OV/25, 22 novembre 2022.
(68) Voy. not. art. 207, § 1, TUE qui souligne que « [l]a politique commerciale commune est
menée dans le cadre des principes et objectifs de l’action extérieure de l’Union ».

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développement de bonnes relations avec des pays voisins, voire leur


arrimage économique et juridique à l’espace européen. Les ALE sont
du reste souvent négociés parallèlement à des accords de partenariat
au contenu plus politique.
Les ALE participent de ce fait à l’affirmation de l’identité de l’Union
sur le plan international. Identité en ce sens que les pays tiers qui sou-
haitent obtenir un accès privilégié au marché européen n’ont d’autres
choix que de négocier avec l’Union européenne, qui agit ici au nom
et pour le compte de l’ensemble de ses États membres. Identité aussi
parce que le contenu de ces accords traduit les préoccupations contem-
poraines de l’Union, qu’il s’agisse de sa conception de la régulation de
l’échange et des marchés mais aussi, comme nous le verrons, de ses
préoccupations non exclusivement mercantiles (respects des droits
fondamentaux, droit de réglementer des pouvoirs publics, priorités
sanitaires, environnementales et sociales).
14. Articulation des accords de libre-échange avec les
règles de l’OMC. Du point de vue des règles de l’Organisation
mondiale du commerce, les ALE entrent dans la catégorie des
accords commerciaux régionaux (ACR), qui couvre de façon assez
générique tout accord commercial réciproque entre deux ou plu-
sieurs partenaires n’appartenant pas nécessairement à la même
région. Le GATT de 1994 reconnaît ainsi, en son article XXIV,
« qu’il est souhaitable d’augmenter la liberté du commerce en
développant, par le moyen d’accords librement conclus, une inté-
gration plus étroite des économies des pays participants à de tels
accords » (69). Sont ici concernées tant les unions douanières, qui
prévoient non seulement la suppression des droits de douane entre
les parties, mais aussi la mise en place d’un tarif douanier extérieur
commun que les zones de libre-échange. Les règles du GATT et
de l’AGCS exigent toutefois que, dans les deux cas, les droits de
douane et autres réglementations commerciales restrictives soient
éliminés pour « l’essentiel » des échanges commerciaux entre les
parties à ces ACR (70) qui ne doivent du reste pas avoir une inci-
dence commerciale défavorable pour les pays tiers, membres de

(69) Art. XXIV:4 du GATT de 1994. Voy. égal. art. V:1 de l’AGCS : « [l]e présent accord n’em-
pêchera aucun des Membres d’être Partie ou de participer à un accord libéralisant le commerce
des services entre deux Parties audit accord ».
(70) Art. XXIV:8 du GATT. L’art. V de l’AGCS exigeant pour sa part qu’un nombre « substantiel
de secteurs » soient couverts par l’accord et prévoient l’absence ou l’élimination pour l’essentiel
de toute discrimination au sein de ce dernier (art. V.1).

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32 accord de libre - échange européen

l’OMC. Ces règles ont été complétées par un mémorandum inter-


prétatif de l’article XXIV en 1995 et, en 2006, par un mécanisme
destiné à assurer la transparence des ACR (71), dont l’intérêt pre-
mier est d’avoir systématisé la notification de ces accords auprès
des instances multilatérales, en particulier le comité des ACR de
l’OMC (72). Cet encadrement juridique substantiel et procédural
de l’OMC apparaît pourtant, dans son ensemble, assez limité (73).
Il a pour principal effet d’obliger l’Union à négocier des ALE qui
n’excluent pas une part trop significative des échanges avec son
partenaire, tant sur le plan quantitatif (volume d’échange) que du
point de vue qualitatif, l’ensemble des secteurs de marchandises et
de services étant en principe concernés, y compris les plus sensibles
politiquement (74).
Les ALE de l’Union renvoient de façon systématique aux règles
pertinentes de l’OMC en matière d’ACR, tant dans leur préambule,
où l’objectif de respect du cadre multilatéral est rappelé, que dans
de nombreuses dispositions de fond, qui intègrent régulièrement les
règles des accords – technique dite du renvoi conventionnel – ou
viennent les compléter. Du reste, et même si l’on évoque souvent une
tendance des accords bilatéraux à se substituer au régime juridique
de l’OMC, l’existence d’un ALE entre l’Union et son partenaire n’em-
pêche pas aux règles de l’OMC de continuer de s’appliquer dans la
relation bilatérale.
15. Articulation ALE/Unilatéralisme. Les ALE ne constituent
qu’un instrument de la politique commerciale de l’Union européenne
parmi d’autres. Leur conclusion n’empêche pas l’Union européenne de
recourir à des instruments unilatéraux destinés à réguler les échanges
avec ses partenaires. Il en va ainsi du système européen de préférences
tarifaires que l’Union européenne continue d’accorder aux pays en

(71) Décision du Conseil général de l’OMC du 14 décembre 2006 instituant un mécanisme


pour la transparence des ACR, WT/L/671, 18 décembre 2006.
(72) Ce mécanisme a notamment permis la constitution d’une base de données sans équivalent
sur l’ensemble des ACR. Les ALE de l’Union sont aujourd’hui systémiquement notifiés et nombre
d’entre eux ont fait l’objet d’un examen par le comité des ACR.
(73) A. Antimiani et L. Salvatici, « Regionalism versus Multilateralism : The Case of the
European Union Trade Policy », JWT, 2015, vol. 49, n° 2, pp. 253‑275. À l’instar des ACR existant,
la conformité des ALE négociés par l’Union à ces règles n’a au demeurant jamais été directement
remise en cause par les organes politiques de l’OMC ou dans un rapport de groupe spécial ou
de l’Organe d’appel.
(74) Il n’en demeure pas moins que, notamment dans le domaine des services, l’Union conti-
nue d’écarter explicitement de la libéralisation et même du champ d’application de l’accord cer-
tains secteurs. Il en va ainsi par exemple des services audiovisuels (voy. ci-dessous, §§ 90 et s.).

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présentation générale  33

développement éligibles, du moins tant que ces derniers n’ont pas


conclu avec elle des accords préférentiels (75). Cet emploi des actes
unilatéraux peut toutefois être encadré par les ALE, tant du point de
vue procédural que substantiel.
Ainsi, les tarifs douaniers appliqués par l’Union européenne, et
plus largement les procédures douanières en vigueur à la frontière
de l’Union, sont conditionnés par les engagements dérivant de son
réseau conventionnel. De même, plusieurs législations européennes
adoptées dans le cadre du marché intérieur réitèrent les engage-
ments internationaux de l’Union souscrits dans les ALE (76). Ces
règles conventionnelles n’empêchent pas l’Union de conserver une
autonomie réglementaire, aussi appeler un droit de réglementer,
concept qui se rapporte en définitive à la préservation de l’autono-
mie de l’ordre juridique de l’Union. Il est à cet égard intéressant de
remarquer que la multiplication des ALE s’est aussi accompagnée,
ces dernières années, d’une prolifération des législations unilaté-
rales de l’Union affectant elles-mêmes les échanges internationaux,
au risque de contredire certains engagements. On pourra citer ici,
parmi les textes législatifs actuellement en négociation les pro-
jets de directive sur le devoir de vigilance (77), de réglementation
sur le travail forcé (78), sur l’interdiction de la commercialisation
de produit contribuant à la déforestation (79) ou encore la mise
en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de
l’Union (80).

(75) Règlement (UE) n° 978/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012


appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE)
n° 732/2008 du Conseil, JO, L 303 du 31 octobre 2012, pp. 1‑82.
(76) Voy. ainsi, dans le domaine des marchés publics, la directive 2014/24/UE du Parlement
européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la
directive 2004/18/CE, JO, L 94 du 28 mars 2014, pp. 65‑42, consid. 17 et plus récemment le règlement
(UE) 2022/1031 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022, instituant un instrument
relatif aux marchés publics internationaux, JO, L 173 du 30 juin 2006, pp. 1‑16.
(77) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance
des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937, COM/2022/71
final.
(78) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’interdiction des
produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union, COM/2022/453 final, 14 septembre 2022.
(79) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise à dis-
position sur le marché de l’Union ainsi qu’à l’exportation à partir de l’Union de certains produits
de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le
règlement (UE) n° 995/2010, COM/2021/706 final, 17 novembre 2021.
(80) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme
d’ajustement carbone aux frontières, COM/2021/564 final, 14 juillet 2021 ; règlement (UE) 2023/956
du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 établissant un mécanisme d’ajustement
carbone aux frontières, JO, L 130 du 16 mai 2023, pp. 52‑104.

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34 accord de libre - échange européen

16. Diversité des ALE de l’Union européenne. Une présenta-


tion d’ensemble des accords de libre-échange de l’Union européenne
se heurte à une première difficulté méthodologique, à savoir l’exis-
tence d’une grande diversité de textes applicables, dont le contenu
apparaît assez vite hétérogène. Cette variété s’explique tout d’abord
par le fait que ces accords ont été négociés en fonction d’une série
d’objectifs variables d’un accord à l’autre. La négociation d’un accord
commercial auprès d’un pays éloigné avec lequel l’Union européenne
souhaite préserver des liens économiques et commerciaux privilégiés
(Japon) diffère de celle où l’objectif premier est d’assurer le bon
fonctionnement des chaînes de valeur des opérateurs européens et
de renforcer leur accès à un marché jugé prometteur (Vietnam, Inde).
De même, la nécessité de sécuriser l’accès aux matières premières
au moyen d’un ALE (Chili, Indonésie) se démarque de celle d’organi-
ser un rapprochement voire une future adhésion à l’Union (pays des
Balkans, Ukraine) ou au contraire limiter les effets économiques d’un
retrait (Royaume-Uni).
Par ailleurs, les priorités des négociateurs évoluent en fonction des
époques. Les quelques accords encore en vigueur négociés dans les
années 1970 sont ainsi difficilement comparables aux accords négociés
ces dernières années. Sans aller jusqu’à cet exemple extrême, on doit
également noter que l’extension des compétences de l’Union depuis l’en-
trée en vigueur du traité de Lisbonne, conjuguée à l’évolution récente
des priorités de la politique commerciale, a eu un impact direct sur le
contenu des accords dits de « dernière génération » (CETA, ALE avec
la Corée, Singapour, le Japon et le Vietnam) qui s’est considérablement
enrichi, quantitativement et substantiellement, si on le compare avec
celui des accords négociés au début des années 2000. Un autre facteur
susceptible d’influencer le contenu d’un accord tient au niveau de déve-
loppement du partenaire commercial. Ainsi les accords de partenariat
économique (APE) négociés avec les pays de la zone ACP, en particu-
lier les accords dits « intérimaires » avec des pays africains, prévoient
nombre de dispositions spécifiques, en particulier des mécanismes de
libéralisation asymétriques et des délais de transition assez longs pour
les pays en développement signataires. Ces APE se limitent souvent
au seul commerce des marchandises, avec des clauses de revoyure
prévoyant l’extension future de ces traités à d’autres matières.
17. Unité d’ensemble des ALE et postulat de la modélisation
conventionnelle. L’étude des ALE ne pourra en conséquence faire
l’impasse sur les nombreuses particularités et spécificités de certains

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présentation générale  35

des textes négociés par l’Union. Pour autant, elle repose sur le postulat
d’un modèle européen en matière de libéralisation conventionnelle,
qui se démarque d’autres approches poursuivies par des diplomaties
commerciales concurrentes, en particulier les diplomaties chinoise
et américaine.
Nous reviendrons plus en précision sur cette notion de modéli-
sation conventionnelle européenne au moment d’analyser les règles
de fond des ALE. On se contentera pour l’instant de souligner que
les textes négociés par l’Union sont marqués par des facteurs struc-
turels, en particulier la continuité de l’action de l’administration en
charge des négociations commerciales, à savoir la direction géné-
rale du commerce extérieur de la Commission européenne (DG
commerce). Nonobstant les changements opérés à la tête de cette
direction, l’action de cette administration influente a été marquée
par une forte continuité, en particulier sur le plan idéologique (81),
dont témoignent l’orientation libre-échangiste des communications
de la Commission sur les questions commerciales depuis une tren-
taine d’années. Cette stabilité du négociateur européen, couplée aux
invariants qui structurent les intérêts et partant la définition des posi-
tions de négociation, s’observe notamment à travers le contenu des
directives de négociations ou encore les positions européennes de
négociation rendues publiques depuis quelques années. On la retrouve
sans surprise dans le contenu des accords, dès lors que le négociateur
européen se trouve, dans bien des cas, en position avantageuse dès
lors qu’il est à même de faire peser dans la balance un alignement
sur ses positions en échange d’un accès privilégié au premier marché
mondial.
18. Plan de l’ouvrage. Cette notion de modélisation permet de
présenter l’ensemble de ces accords non comme un tout uniforme
mais comme un ensemble qui, en dépit de sa diversité, répond à une
logique relativement cohérente. Notre présentation dynamique des
ALE de l’Union européenne prendra ainsi le parti pris de cette analyse
systémique et s’articulera autour de trois grands axes principaux à
savoir le processus de négociation de ces accords de libre-échange
(chapitre 1), le contenu de ces textes (chapitre 2) et leur application
(chapitre 3).

(81) Il n’existe pas au demeurant de système des dépouilles comparable à celui qui prévaut
aux États-Unis, où les postes clés au sein des ministères en charge des questions commerciales
(Departement of Commerce et surtout United States Trade Representative) évoluent à chaque
changement d’administration.

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CHAPITRE 1

NÉGOCIER LE LIBRE-ÉCHANGE

Sommaire

Section 1. Les principales étapes de la négociation des ALE 38


Sous-section 1. La décision politique d’engager une négociation
commerciale 40
Sous-section 2. Le « mandat » de négociation des ALE ou l’adoption
des directives encadrant l’action de la Commission 41
Sous-section 3. Le déroulement des négociations 44
Sous-section 4. Signature, conclusion, application provisoire et entrée
en vigueur des accords 48
Section 2. Les acteurs du processus de négociation 52
Sous-section 1. Les acteurs institutionnels 53
§ 1. – La Commission européenne 53
§ 2. – Le Conseil et les États membres 55
§ 3. – Le Parlement européen 57
Sous-section 2. Les acteurs non institutionnels 58

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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38 négocier le libre - échange

19. La négociation des accords : un processus encadré par


le droit international et européen. La négociation des ALE est un
processus complexe et qui s’étale sur plusieurs années, voire plusieurs
décennies dans certains cas. Cette procédure est, au sein de l’Union
européenne, particulièrement encadrée non seulement par les règles
classiques du droit international des traités mais également par les
contraintes internes qui se caractérisent par une place sans équivalent
des procédures caractéristiques de son fonctionnement institutionnel.
Nous présenterons tout d’abord les principales étapes de la négocia-
tion des ALE (section 1). Par-delà les règles applicables, la procédure
de négociation est avant tout un processus vivant, influencé par un jeu
d’acteurs, institutionnels et non institutionnels, dans lequel se mani-
festent plusieurs tensions, non seulement entre l’Union européenne et
son partenaire commercial, mais également au sein de l’Union (sec-
tion 2).

S ection 1. L es principales étapes de la négociation


des ALE

20. Capacité conventionnelle de l’Union européenne.


Bien qu’elle ne soit pas un État, l’Union européenne n’en dis-
pose pas moins du pouvoir de négocier et conclure des accords
internationaux, en particulier des accords de libre-échange. Ce
« treaty making power » européen s’exerce toutefois dans un
cadre contraint qui tient en premier lieu au système de réparti-
tion des compétences entre l’Union et les États membres tel qu’il
est organisé par les traités et précisé dans la jurisprudence de
la Cour (1). En second lieu, la procédure de négociation et de
conclusion des accords de libre-échange repose sur des règles de
droit primaire, en particulier celles énoncées aux articles 218 et
207 TFUE. L’article 218 définit des règles de procédures générales
applicables à l’ensemble des accords entre l’Union et les pays tiers
ou organisations internationales « sans préjudice des dispositions
particulières de l’article 207 » (2), qui intéresse spécifiquement la
politique commerciale. En troisième lieu, la procédure de négo-
ciation obéit à des usages et pratiques qui viennent compléter les

(1) Nous avons déjà évoqué cette question de la compétence de l’Union européenne en
introduction. Voy. ci-dessus, § 3 et note de bas de page n° 18.
(2) Art. 218, § 1, TFUE.

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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négocier le libre - échange  39

règles procédurales. Il ne faut enfin jamais oublier que le processus


de négociation des ALE est avant tout déterminé par des considé-
rations de nature éminemment politique.
21. Capacité conventionnelle du partenaire. La question de la
capacité du partenaire commercial de l’Union européenne à négocier
et conclure un ALE avec elle se pose généralement en des termes
moins complexes, l’Union européenne négociant le plus souvent avec
des États qui disposent d’une pleine souveraineté sur le plan internatio-
nal. Il arrive parfois qu’en vertu des règles constitutionnelles internes à
ces États tiers, certaines questions abordées dans les ALE intéressent
très directement des collectivités infra-étatiques, notamment lorsque
le partenaire est un État fédéral. Il sera alors loisible à ce dernier
d’organiser un système de participation ou d’association des entités
fédérées au processus de négociation, comme ce fut par exemple le
cas de certaines provinces canadiennes, en particulier celle du Québec,
durant la négociation du CETA (3).
L’Union a par ailleurs négocié plusieurs accords avec des parte-
naires n’ayant pas la qualité d’État. Il en va ainsi de l’accord d’asso-
ciation euro-méditerranéen intérimaire de 1997 relatif aux échanges
et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et
l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le
compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande
de Gaza, d’autre part. L’intitulé de ce texte suffit en soi à démontrer
la complexité et la sensibilité politique d’un tel processus (4). De la
même façon, l’Union européenne pourrait théoriquement envisager
de négocier un ALE avec Taïwan (5), qui n’aurait pas pour effet de
reconnaître à cette entité la qualité d’État. Mais il est bien évident que,
dans le contexte actuel, cet acte, qui participerait à une reconnaissance
accrue de Taïwan sur le plan international, pourrait être perçu de façon
très hostile par les autorités de Chine populaire.
L’Union a par ailleurs négocié de longue date des accords avec
d’autres groupements régionaux, qui restent cependant moins intégrés
qu’elle. Il en va ainsi en particulier du Cariforum et, plus récemment,
du MERCOSUR. Pour autant, ce type de négociation bi-régionale n’est

(3) Voy. not. S. Paquin, « Fédéralisme et négociations commerciales au Canada : l’ALE, l’AECG
et le PTP comparés », Études internationales, 2017, vol. 48, nos 3‑4, pp. 347‑369.
(4) JO, L 187 du 16 juillet 1997.
(5) Rappelons au demeurant que le « Taïpei chinois » est reconnu en tant que membre de
l’OMC, où il dispose, au même titre que « Hong Kong Chine » du statut de territoire douanier
autonome.

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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40 négocier le libre - échange

pas toujours évident à mener, comme le montre l’abandon assez rapide


du projet d’ALE UE-ASEAN, envisagé au milieu des années 2000 au
profit de négociation directement menée avec des pays du sud-est
asiatique (Singapour, Vietnam, Thaïlande et Birmanie) ou encore le
laborieux processus de négociation des accords de partenariat éco-
nomique avec des groupements subrégionaux africains.

Sous-section 1. La décision politique


d’engager une négociation commerciale
22. Le choix du partenaire. La décision de négocier un ALE avec
un partenaire commercial n’est pas le fruit du hasard et s’avère mûre-
ment réfléchie et préparée. Les communications de la Commission
dans le domaine de la politique commerciale permettent tout d’abord
de préparer les esprits. En 2006, la communication Europe Globale a
ainsi permis d’annoncer le futur agenda de négociations commerciales,
en particulier le développement de nouveaux accords de libre-échange
avec les marchés émergents (6). Le discours annuel sur l’état de
l’Union auquel se prête la présidence de la Commission est aussi par-
fois l’occasion d’annoncer de futurs accords, comme le fit le président
Juncker en septembre 2017 au sujet de l’Australie et de la Nouvelle-
Zélande (7). La Commission pourra aussi profiter de rencontres ou
de sommets politiques pour dévoiler son intention de négocier de
nouveaux accords, comme ce fut le cas du sommet UE-Inde tenu en
mai 2021 durant lequel fut évoquée la relance des négociations bilaté-
rales d’un ALE, en pause depuis plusieurs années. Ces annonces sont,
du reste, soigneusement anticipées au moyen d’une prise de contact
informelle et discrète avec le partenaire commercial.
L’ouverture effective des négociations supposera en toute hypothèse
une impulsion politique qui aura des origines diverses : Conseil euro-
péen, groupe d’États membres influents, présidence de la Commission
ou encore commissaire européen au commerce à la suite d’une ren-
contre avec son homologue étranger, sans oublier la possible sollicita-
tion de la part d’un pays tiers. L’essentiel sera de constater l’existence
d’un intérêt réciproque à l’ouverture d’une négociation commerciale
qui se traduira, une fois l’annonce officielle, par de premiers actes
juridiques.

(6) « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », COM(2006) 567, 4 octobre
2006. Ce texte fut d’ailleurs à l’époque explicitement soutenu par le Conseil.
(7) J.-C. Juncker, « Discours sur l’état de l’Union », 13 septembre 2017.

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Sous-section 2. Le « mandat » de négociation des ALE


ou l’adoption des directives encadrant l’action de la Commission
23. Base juridique à l’adoption des directives de négo‑
ciation. L’article 207, paragraphe 3, TFUE prévoit que lorsqu’une
négociation d’un accord de commerce avec un pays tiers ou
une organisation internationale est envisagée par l’Union, « [l]a
Commission présente des recommandations au Conseil, qui l’au-
torise à ouvrir des négociations nécessaires […] ». Cette même
disposition ajoute que « ces négociations sont conduites par la
Commission en consultation avec un comité spécial désigné par
le Conseil [le Comité pour la politique commerciale (CPC)] qui
l’assiste dans cette tâche et dans le cadre des directives que le
Conseil peut lui adresser ».
Si l’on suit la lettre du traité, l’adoption de directives de négo-
ciation, à savoir un texte qui définit les marges de manœuvre de la
Commission, n’est pas obligatoire. Juridiquement, la Commission est
simplement tenue de présenter des recommandations au Conseil,
qui pourra alors l’autoriser à ouvrir des négociations. En pratique
cependant, l’adoption de directives de négociation du futur accord,
qui préfigurent son contenu, est une étape incontournable qui traduit,
dans le contexte de la négociation des accords de libre-échange,
les principes de coopération loyale et d’équilibre institutionnel. Ces
directives sont parfois improprement qualifiées de « mandats », un
rapprochement trompeur étant alors opéré avec la procédure en
vigueur aux États-Unis (8).
24. Procédure d’adoption des directives. La Commission sou-
met au Conseil un projet de directives qui sera éventuellement amendé.
Bien que le recours à la majorité qualifiée demeure en théorie appli-
cable (9), ces textes sont adoptés par consensus, après de longues
discussions et de subtils compromis sémantiques. La France a ainsi
dû fortement batailler, en menaçant de s’opposer à l’adoption du texte
proposé par la Commission, afin que les services audiovisuels soient

(8) En vertu de la procédure de droit américain, le Congrès accorde en effet temporairement


à la présidence l’autorité de négocier des accords commerciaux internationaux au terme d’un
mandat, appelé fast-track authority ou, depuis 2002, Trade Promotion Authority (TPA). Il s’agit
alors d’une législation adoptée par le Congrès des États-Unis qui va imposer des objectifs de
négociation qui, s’ils sont effectivement suivis, faciliteront la procédure ultérieure de ratification
de l’accord par le Congrès. Voy. I. F. Fergusson, « Trade Promotion Authority (TPA) and the Role
of Congress in Trade Policy », Congressional Research Service, 15 juin 2015.
(9) Rappelons en effet que le recours à la majorité qualifiée est, sauf précision contraire, la
règle depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (art. 16, § 3, TUE).

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expressément exclus de la libéralisation envisagée lors de l’adoption


des directives de négociation du traité de libre-échange avec les États-
Unis d’Amérique (10).
25. Publication des directives de négociation. Les directives
de négociation sont longtemps demeurées secrètes et réservées à la
seule connaissance des représentants des États membres et de la
Commission. La justification de cette confidentialité tenait princi-
palement à la volonté de ne pas affaiblir la position du négociateur
européen face à ses partenaires commerciaux. Cette pratique est peu
à peu apparue désuète, dès lors que les textes de ces directives ont,
à partir du milieu des années 2000, fait l’objet de fuites dans la presse
et sur des sites largement consultés (Wikileaks) et bientôt relayés de
façon virale sur les réseaux sociaux. Au nom du principe de trans-
parence, la Commission a finalement accepté de publier le texte des
directives sur le site internet de la DG Commerce à partir du milieu des
années 2010. De même, certaines directives sont aujourd’hui publiées
au journal officiel de l’Union européenne. Il en va ainsi des directives
de négociation pour des accords de partenariat économique avec les
pays et régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (11).
26. Contenu des directives. Le contenu des directives tend à être
de plus en plus détaillé, ce qui s’explique par la complexité grandis-
sante des ALE et sans doute également par la politisation des négo-
ciations, alimentée également par la publicité récente des directives,
qui incite la Commission et le Conseil à être extrêmement vigilants
concernant leur contenu. Les directives permettent tout d’abord de cer-
ner la future architecture générale de l’accord, ainsi que les principaux
chapitres qui sont attendus par le négociateur européen, précisant la
couverture matérielle de ce dernier. Il est aussi fréquent que le texte
de ces directives s’attarde sur certaines dispositions ou clauses par-
ticulières. Les directives révisées concernant les APE prévoient ainsi
que les futurs accords contiendront bien une clause de sécurité alimen-
taire ou des règles spécifiques concernant le traitement de la nation
la plus favorisée, de façon à ne pas désavantager les importations en

(10) Directives de négociation concernant le Partenariat transatlantique de commerce et


d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, Bruxelles, 9 octobre
2014, 11103/1/13, REV 1 DCL 1 (fr) (document déclassifié).
(11) Situation qui contraste avec les directives initiales, encore inaccessibles au public. Voy.
la décision (UE) 2020/13 du Conseil du 19 décembre 2019 modifiant les directives de négociation
pour des accords de partenariat économique avec les pays et régions d’Afrique, des Caraïbes et
du Pacifique, dans la mesure où ils relèvent de la compétence de l’Union, JO, L 6 du 10 janvier
2020, pp. 101‑111.

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provenance de l’Union européenne par rapport à celles d’autres pays


tiers (12). Sur certains sujets, on semble ainsi atteindre un degré de
détail qui se rapproche d’une offre de négociation.
27. Nature juridiquement ou politiquement contraignante
des directives de négociation ? La question de la nature contrai-
gnante de la directive adoptée à l’égard du négociateur européen n’est
pas clairement tranchée par le droit primaire. Le problème n’est pas
que théorique, si l’on songe par exemple à la possible généralisation
d’une clause qui obligerait la Commission à obtenir des partenaires
commerciaux de l’Union la ratification et le plein respect de l’accord
de Paris sur le climat (13). Quelles pourraient être les conséquences
d’une violation de cet engagement ? La Cour a considéré, à propos de
directive adoptée dans le cadre de l’article 218, paragraphe 4, que des
directives ayant pour effet de lier de façon contraignante le négocia-
teur européen sont à ses yeux contraires aux règles des traités (14).
Transposable aux négociations des ALE, cette solution découle en
réalité de la logique d’équilibre institutionnel qui implique que la
Commission européenne puisse disposer, en dépit d’une forme d’en-
cadrement politique, des marges de manœuvre indispensables à l’exer-
cice de la fonction de négociatrice que lui reconnaissent les traités. En
définitive, l’éventuelle sanction d’un non-respect de la lettre voire de
l’esprit d’une directive de négociation ne peut être que politique. Le
Conseil pourra alors refuser de signer et de conclure l’accord négocié,
et obliger par là même la Commission à rouvrir des négociations avec
le partenaire, ou plus radicalement à les abandonner.
28. Caducité des directives. Lorsqu’elle propose des directives
de négociation au Conseil, la Commission ne mentionne jamais le
délai des futures négociations. De fait, en matière commerciale, il n’est
pas rare de voir la durée du processus s’étendre sur plusieurs années
voire même, dans des cas plus exceptionnels, sur plusieurs décennies.
Vingt années se sont ainsi écoulées entre l’adoption des directives
concernant un accord avec le MERCOSUR en 1999 et la clôture des
négociations de ce texte en 2019 (15). Les études d’impact initiales, et

(12) Décision (UE) 2020/13, préc., pp. 101-111.


(13) Voy. ainsi les directives de négociation d’un futur accord de libre-échange avec l’Aus-
tralie, 7663/18, 25 juin 2018.
(14) CJUE, 16 juillet 2015, Commission c/ Conseil, aff. C‑425/13, ECLI:EU:C:2015:483,
pts 85‑90.
(15) Du reste, en dépit de l’accord politique auquel sont parvenus les négociateurs sur le
contenu de ce texte, il n’est pas impossible que les négociations du volet libre-échange de l’ac-
cord d’association UE-MERCOSUR soient à nouveau ouvertes de façon à répondre aux critiques

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plus généralement le contexte commercial dans lequel l’autorisation


de négocier a été accordée, sont alors frappées d’obsolescence, de
même que le contenu des directives, à mesure que les priorités de la
politique commerciale de l’Union européenne évoluent. Pourrait à cet
égard être imaginée la mise en place de clauses de rendez-vous qui
permettraient au Conseil de renouveler périodiquement l’autorisation
de poursuivre les négociations (par exemple tous les cinq ans, ou à
chaque nouvelle mandature). La Commission s’est cependant pour
l’heure bien gardée de proposer de tels dispositifs et les États membres
n’en ont semble-t-il pas fait la demande.

Sous-section 3. Le déroulement des négociations


29. Échanges de propositions et réunions bilatérales avec
les représentants du partenaire commercial. Conformément à
l’article 207 TFUE, il revient à la Commission européenne de mener
les négociations commerciales. Cette disposition prévoit en effet que
les négociations des accords commerciaux « sont conduites par la
Commission en consultation avec un comité spécial désigné par le
Conseil pour l’assister dans cette tâche et dans le cadre des directives
que le Conseil peut lui adresser. La Commission fait régulièrement
rapport au comité spécial, ainsi qu’au Parlement européen, sur l’état
d’avancement des négociations ».
En pratique, ce sont les fonctionnaires de la DG Commerce, placés
sous l’autorité du Commissaire européen compétent, et en coordi-
nation avec les autres directions générales de la Commission inté-
ressées, qui pilotent le processus de négociation au nom de l’Union
européenne. Ces derniers rendent compte régulièrement de l’avancée
des négociations auprès des États membres, dans le cadre du comité
pour la politique commerciale et auprès de la Commission du com-
merce international du Parlement européen. Un état des lieux des
négociations commerciales en cours est également publié sur le site
internet de la DG Commerce.
La Commission et son partenaire commercial vont ainsi échan-
ger, pour chacun des sujets abordés, une série de propositions et de
contre-propositions (dénommés « échanges d’offres révisées »). Ces
textes ne lient pas les futures parties mais permettent de constituer

formulées à l’encontre de ce texte, notamment au sein de certains États membres de l’UE et du


Parlement européen.

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la base du projet d’accord. La négociation s’articule autour de cycles


de rencontres bilatérales – plus couramment appelés les « rounds »
de négociations – durant lesquelles les parties échangent leurs points
de vue et tentent de dégager des compromis mutuellement accep-
tables. Ces rencontres, autrefois réalisées lors de réunions se dérou-
lant alternativement sur le territoire de l’une ou l’autre des parties
(Bruxelles ou la capitale du pays concerné), ont lieu de plus en plus
fréquemment en visioconférence (16). Les cycles sont thématiques et
abordent une quantité limitée de sujets, correspondant à des chapitres
de négociation.
30. Langue de la négociation. Les accords de libre-échange de
l’Union européenne sont de facto négociés en langue anglaise, langage
vernaculaire de la diplomatie commerciale internationale. Du reste,
les négociateurs commerciaux, y compris Européens, ont pris l’ha-
bitude de négocier exclusivement en anglais. De même, les proposi-
tions de négociation mises en ligne par la Commission et les versions
non définitives du texte négocié sont toujours publiées dans cette
langue. Aucun partenaire de l’Union, pas même la Chine, n’a jusqu’à
présent demandé de négocier un accord commercial dans sa propre
langue (17). La sortie du Royaume-Uni ne changera vraisemblablement
rien à cet état de fait, l’accord de commerce et de coopération entre
l’Union européenne et le Royaume-Uni ayant d’ailleurs été négocié
en anglais.
31. Publicité des documents de négociation. À l’instar des
directives, les propositions de négociation sont longtemps demeu-
rées confidentielles. Mais, comme pour les directives de négociation,
une telle attitude apparaissait de plus en plus désuète, alimentant
l’impression que l’Union avait en ce domaine quelque chose à cacher,
sans pour autant y parvenir réellement tant les fuites de documents se
sont multipliées. À partir de 2014, sous l’impulsion de la commissaire
au Commerce Cecilia Malmström, la DG Commerce a pris l’habitude
de rendre publiques la plupart de ses propositions de négociation.
En vérité, cette nouvelle pratique n’affaiblit en rien la position du
négociateur européen vis-à-vis de ses partenaires. On peut même se
demander si elle n’a pas contribué à le renforcer, dès lors qu’un texte

(16) Cette pratique des visioconférences s’est d’ailleurs généralisée dans le contexte de la
crise sanitaire.
(17) A. Hervé, « Parler d’une seule voix en plusieurs langues : l’insurmontable défi du multi-
linguisme dans les relations extérieures de l’Union », RAE, 2016, n° 3, pp. 363‑369.

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final qui se démarquerait trop fortement des prétentions européennes


initiales risquerait de rendre plus difficile la signature et la conclusion
de l’accord.
Le procédé de publication des offres de négociation n’est pas systé-
matique et présente des limites. Si les directives initialement adoptées
par le Conseil sont concernées, les offres de concessions (en matière
de tarifs, de services ou de marchés publics) demeurent quant à elles
inaccessibles jusqu’à la signature du texte. De même, les propositions
ou contre-propositions du partenaire ne sont pas soumises à cette
exigence de transparence. Les échanges directs et verbaux entre les
négociateurs demeurent pour leur part, et fort logiquement, confi-
dentiels. À défaut, les indispensables compromis consubstantiels à la
diplomatie et aux négociations commerciales internationales devien-
draient impossibles.
32. Suspension des négociations. À plusieurs reprises ces der-
nières années la Commission a jugé nécessaire de suspendre sine
die certaines négociations commerciales. De sa propre initiative
lorsque les concessions jugées insuffisantes du gouvernement indien
l’ont conduit à cesser de négocier en 2014 (18). De même, en 2014, la
Commission européenne a décidé de suspendre, moins d’un an après
leur ouverture, les négociations engagées avec la Thaïlande, théâtre
d’un coup d’État militaire. L’arrivée au pouvoir de Donald J. Trump
a quant à elle eu pour conséquence d’enterrer les négociations d’un
traité de libre-échange transatlantique engagées sous l’administration
Obama. On le voit, tant des motifs économiques et commerciaux que
politiques peuvent conduire à la suspension voire à l’arrêt définitif
des négociations. Là encore, l’introduction d’une clause de caducité
dans les directives de négociation pourrait s’avérer utile, de sorte que
la réouverture des négociations nécessiterait de renouveler l’accord
politique du Conseil.
33. Clôture des négociations et toilettage juridique de l’ac‑
cord. En vertu d’une logique d’engagement unique, ce n’est qu’une fois
que tous des chapitres discutés seront sujets à un accord de principe
que les négociations pourront, dans leur ensemble, être considérées
comme terminées. Les divergences rédactionnelles, qui figurent entre
crochets dans les dernières versions du texte négociées, seront au
besoin levées à un niveau politique. Le texte doit encore faire l’objet

(18) Avant que les négociations ne reprennent plus récemment, en mai 2021, sans pour autant
que de nouvelles directives de négociations ne soient adoptées.

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d’un toilettage juridique (« legal scrubbing ») confié, du côté de l’Union,


au service juridique de la Commission. Ce dernier s’assurera à cette
occasion que les compromis négociés au plan diplomatique ne posent
pas de difficultés particulières, notamment en termes de conformité
avec le droit de l’Union. Le texte sera également examiné avec soin
par les administrations des États membres et leurs services juridiques.
Durant cette phase, l’accord ne peut plus en principe être réexaminé
d’un point de vue substantiel. Il est désormais d’usage que l’accord de
libre-échange, ou au moins ses principaux chapitres, soit publié sur
le site internet de la DG Commerce avant même l’aboutissement de
cette phase de toilettage juridique. Cette pratique renforce l’objectif
de transparence mais elle ne couvre pas cependant les annexes de
l’accord, où figurent les listes d’engagements tarifaires et d’ouverture
des services. Or, comme nous le verrons, celles-ci s’avèrent essentielles
à l’appréciation du degré réel de libéralisation prévu par le texte.
34. Possible réouverture des négociations. Lors de la négocia-
tion du CETA, un chapitre clé de l’accord a fait l’objet d’une révision
importante durant la phase de toilettage juridique. Sous la pression
de la société civile, d’une partie du Parlement européen et de certains
États membres – en particulier la France et l’Allemagne –, hostiles à la
création d’un système d’arbitrage destiné à régler les différends entre
investisseurs et États, la Commission et les autorités canadiennes ont
été contraints d’accepter de reprendre les négociations d’un chapitre
entier de cet accord (19). La question d’une réouverture des négocia-
tions se pose aujourd’hui concernant d’autres accords, en particulier
les dispositions commerciales de l’ALE avec le MERCOSUR, compte
tenu de la faiblesse des engagements environnementaux, en particulier
climatiques, concédés par les négociateurs.

(19) Les parties convinrent ainsi de substituer aux arbitres, susceptibles d’être sollicités à
l’occasion du règlement des différends investisseurs/États, des juges désignés de façon perma-
nente. Fut également aménagé un mécanisme innovant d’appel des « sentences » prononcées en
première instance par les tribunaux d’investissement. Cette juridictionnalisation du règlement des
différends investisseurs/États est ensuite devenue partie intégrante de la doctrine de la « nouvelle
approche » du droit international des investissements étrangers que défend dorénavant l’Union
européenne, tant dans les accords bilatéraux que dans le cadre des négociations multilatérales.
Elle a aussi rendu possible la signature du CETA et, probablement, la compatibilité de cet accord
avec le droit de l’Union, laquelle a été reconnue par la Cour de justice dans l’avis 1/17 (voy.
CJUE, 30 avril 2019, Avis 1/17, Compatibilité avec le droit primaire de l’Union du règlement des
différends investisseurs/États (RDIE) de l’AECG, ECLI:EU:C:2019:341). Voy. sur ces questions,
A. Hervé, « L’Union européenne comme acteur émergent du droit des investissements étrangers :
pour le meilleur ou pour le pire ? », CDE, 2015, n° 1, pp. 177‑232 ; « Défendre l’ordre juridique de
l’Union en exportant ses valeurs et instruments fondamentaux (Commentaire de l’avis 1/17) »,
RTD eur., 2020, n° 1, pp. 107‑126.

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35. Traduction du texte. Le texte de l’ALE doit être traduit dans


les 24 langues officielles de l’Union européenne étant précisé que les
dispositions finales des accords de libre-échange précisent que toutes
les versions linguistiques font également foi. Le coût de la traduction
explique sans doute pourquoi celle-ci est repoussée à la phase de
signature et d’authentification formelle du texte. On peut cependant
regretter le caractère tardif de ce travail, qui nuit aux exigences de
transparence et d’accessibilité au droit. La Commission a récemment
pris l’habitude de faire traduire dans plusieurs langues de l’Union euro-
péenne (anglais, français, allemand, voire espagnol) un résumé assez
détaillé des dispositions de l’accord (20).

Sous-section 4. Signature, conclusion, application provisoire


et entrée en vigueur des accords
36. Signature des accords. Conformément à ce que prévoit l’ar-
ticle 218, paragraphe 2, TFUE, il revient au Conseil, sur proposition
de la Commission européenne, d’adopter une décision autorisant la
signature des accords. Les textes proposés sont en pratique signés
par la présidence en exercice. À notre connaissance, jamais un texte
soumis à la signature n’a été rejeté par le Conseil, la Commission s’as-
surant par avance de l’existence d’un consensus suffisant (21). C’est
au demeurant ce qui explique pourquoi cette dernière se garde bien
de soumettre aujourd’hui à la signature du Conseil certains accords
commerciaux, notamment celui négocié avec le MERCOSUR en dépit
de son souhait de parvenir à terme à la conclusion du texte.
L’hypothèse d’un refus surprise du Conseil a cependant été tout près
de se réaliser à l’occasion de la signature du CETA. À l’automne 2017,
sous la pression de plusieurs régions et communautés francophones,
la Belgique menaçait de s’opposer à l’ensemble de la procédure de
conclusion de cet accord à commencer par sa signature. Plusieurs

(20) Ainsi, par exemple, figure sur le site de la DG commerce un résumé d’une vingtaine de
pages de la partie commerciale de l’accord d’association UE-MERCOSUR, lequel est néanmoins
précédé de la mention « ceci n’est pas un texte juridique » ce qui traduit en réalité le souci de
la Commission de ne pas être juridiquement contrainte par ce document (source : site de la DG
commerce visité en mai 2023).
(21) Théoriquement, la décision de signer un accord commercial pourrait être prise à la
majorité qualifiée des membres du Conseil, cette procédure étant de principe depuis l’entrée
en vigueur du traité de Lisbonne (voy. art. 16, § 3, TUE). Toutefois, il est politiquement difficile
d’imaginer la mise en minorité d’un État membre au moment de la conclusion d’un accord com-
mercial, l’implication de ce dernier étant ensuite essentielle pour assurer sa mise en œuvre pleine
et entière. Ce constat est d’autant plus évident lorsque l’accord en question est un accord mixte.

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autres États, dont l’Allemagne, la France ou encore la Roumanie et


la Bulgarie, avaient également exprimé des réticences à l’égard de ce
traité. En définitive, un compromis politique fut dégagé in extremis
et prit la forme d’une série de 38 déclarations, formulées par les insti-
tutions de l’Union et les États membres, parfois à titre individuel (22).
En outre, le Canada, l’Union européenne et ses États membres s’ac-
cordèrent sur l’adoption conjointe d’un instrument interprétatif des-
tiné à servir de guide aux parties et aux groupes spéciaux prévus par
l’accord pour régler des différends ou encore aux juridictions internes
chargées de se prononcer sur le sens des dispositions convention-
nelles (23). Ce précédent pourrait d’ailleurs être dupliqué de façon à
faciliter une hypothétique signature de l’accord d’association avec le
MERCOSUR (24).
37. Effets de la signature. La signature permet d’authentifier le
futur accord et arrête le résultat de la négociation sans pour autant
lier formellement l’Union européenne et ses États membres, autrement
que par le principe de bonne foi à l’égard de son partenaire, ce qui
l’engage notamment à poursuivre le processus de conclusion. Ceci
étant dit, conformément aux règles du droit des traités, signature ne
vaut pas engagement à être lié par le texte conventionnel.
38. Application des accords à titre provisoire. Des délais
conséquents, souvent de plusieurs années, peuvent se dérouler entre
la signature des accords et leur conclusion, qui conditionnera leur
entrée en vigueur, en particulier si les accords sont considérés
comme des accords mixtes, soumis à la ratification conjointe des
27 États membres et de l’Union elle-même (25). De façon à éviter

(22) Ces instruments ont ensuite été annexés au procès-verbal du Conseil et publiés conco-
mitamment à la signature du texte. JO, L 14 janvier 2017, p. 3.
(23) Cet instrument interprétatif, de même que ces déclarations, ne viennent donc pas com-
pléter l’accord mais pourront servir d’outil d’interprétation de celui-ci au sens des art. 31 à 33
de la convention de Vienne sur le droit des traités, notamment dans le cadre des procédures de
règlement des différends prévues par ce texte.
(24) À moins que les parties ne décident aussi de négocier un protocole consacré à la question
environnementale et climatique qui aurait une valeur davantage contraignante.
(25) Cela tient à deux raisons principales. Tout d’abord, les accords commerciaux ont
longtemps été considérés comme des accords mixtes, à tout le moins comme contenant des
dispositions conventionnelles relevant d’une compétence partagée entre l’Union et ses États
membres, et exigeant dès lors une ratification conjointe par l’Union et l’ensemble de ses États,
conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives. C’était le cas avant l’entrée en
vigueur du traité de Lisbonne et ce fut également le cas, comme nous l’avons vu, du CETA. En
outre, les accords commerciaux sont encore fréquemment intégrés dans un instrument juridique
global, incluant des dispositions de nature non commerciale. Il en va ainsi des accords d’associa-
tion, qui contiennent une partie consacrée au dialogue politique et à la coopération qui précède

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50 négocier le libre - échange

que ces délais ne privent pendant plusieurs années les accords de


tout effet juridique, l’Union choisit souvent, dans ce type d’hypo-
thèse, d’accompagner la décision de signature du Conseil d’une
autre décision autorisant l’application provisoire des dispositions
des accords considérées comme relevant de la politique commer-
ciale et en conséquence de la compétence exclusive de l’Union euro-
péenne. Ce procédé de l’application provisoire est admis en droit
international (26) et consacré en droit de l’Union par l’article 218,
paragraphe 5, TFUE. Il est du reste souvent envisagé dans les dis-
positions finales des ALE négociés.
Ceci étant, le provisoire peut s’avérer quasi-permanent. L’appli­
cation provisoire de l’ALE entre l’UE et les pays du Cariforum
dure ainsi depuis 2008. Ce cas est certes extrême, mais il est loin
d’être isolé, plusieurs autres accords commerciaux de l’Union, au
premier rang desquels le CETA depuis 2017, étant aujourd’hui mis
en œuvre au titre de cette procédure censée être temporaire (27).
Outre sa longueur, la procédure de l’application provisoire a du
reste eu comme inconvénient de priver le Parlement européen de
ses prérogatives, en contradiction avec la consécration de son pou-
voir d’approbation des accords commerciaux, véritable avancée
démocratique héritée du traité de Lisbonne. Depuis la signature et
la décision d’appliquer provisoirement le CETA, la Commission a
toutefois pris l’habitude de conditionner l’application provisoire des
accords à leur approbation par le Parlement européen (28). Une
lacune du traité de Lisbonne a ainsi été comblée, dans l’attente
d’une éventuelle révision du droit primaire ou d’une cristallisation
de cet engagement par le biais d’un accord interinstitutionnel. Pour
l’heure, cette approbation du Parlement européen renforce la légiti-
mité de l’application provisoire et permet de faire taire les critiques
à son égard.

la partie de l’accord contenant des règles intéressant le commerce. Sauf exception, ces accords
conclus sur la base de l’art. 217 TFUE font l’objet d’une ratification conjointe de la part de l’UE
et de ses États membres.
(26) Voy. en ce sens l’art. 25 de la convention de Vienne sur le droit des traités.
(27) Il en va de même de plusieurs accords négociés avec des pays d’Amérique centrale (Costa
Rica, Honduras, Guatemala, Jamaïque, Nicaragua, Panama et Salvador depuis 2013), le Canada
depuis 2017 ou encore des pays africains visés par des accords dits intérimaires (Cameroun depuis
2014, Comores depuis 2019, Côte d’Ivoire depuis 2015 ou encore Ghana depuis 2016). De même,
l’accord d’association signé avec l’Ukraine a été appliqué de façon provisoire de 2014 à 2017, dans
l’attente de son approbation par les 27 parlements nationaux puis de sa conclusion par l’Union.
(28) Il n’en est allé différemment que pour l’ACC négocié entre l’UE et le Royaume Uni, ce qui
a permis d’éviter l’hypothèse d’un Brexit « dur » dans la période située entre la fin de la période
de transition (fin décembre 2021) et l’approbation de cet accord par le Parlement (avril 2021).

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39. Approbation des accords par le Parlement européen.


Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la conclusion
d’un accord commercial par le Conseil ne peut être décidée sans
son approbation préalable par le Parlement européen (29). Cette
institution a d’ailleurs assez rapidement montré ses crocs en ce
domaine en n’hésitant pas à opposer son refus au projet d’accord
international de lutte contre la contrefaçon (ACTA) en 2012. Cet
épisode lui a permis d’être davantage respecté par la Commission
et de gagner en influence sur le processus de négociation des
accords de libre-échange. Le Parlement n’a cependant pas, à ce
jour, exercé son pouvoir de veto pour s’opposer à des accords de
libre-échange.
40. Conclusion des ALE par le Conseil. Une fois l’accord
approuvé par le Parlement européen, le Conseil est compétent pour
le conclure. L’article 207, paragraphe 4, indique à cet effet que « [p]our
la négociation et la conclusion [des accords commerciaux], le Conseil
statue à la majorité qualifiée ». Cette disposition introduit toutefois
plusieurs exceptions régies par la règle de l’unanimité, notamment
dans l’hypothèse où l’accord comprendrait des dispositions en matière
de service, de propriété intellectuelle ou d’investissement étranger
directs « pour lesquelles l’unanimité est requise pour l’adoption de
règles internes ». Jusqu’à présent, la question de savoir si les ALE, en
particulier ceux négociés après le traité de Lisbonne, relèvent de ce
cas de figure, n’a jamais prêté à débat.
Le consensus s’est en effet imposé dans la pratique de la conclusion
des accords de libre-échange. Par-delà l’application de la règle de vote
applicable en vertu des traités, la recherche de l’assentiment de cha-
cun des États membres s’est imposée. Cela se justifie car la mise en
œuvre de l’accord repose très largement sur des mesures nationales
et ne peut se faire sans le concours et l’assentiment des États et de
leurs administrations (30).
41. L’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange. L’entrée
en vigueur de l’accord est permise une fois achevée la procédure de
conclusion. L’achèvement du processus de ratification de l’accord

(29) Voy. les art. 297 et 218, § 6, TFUE.


(30) Le passage au vote et la possible mise en minorité de certains États membres lors de la
conclusion d’un accord commercial restent théoriquement possibles, mais ne manqueraient pas
de déclencher une bataille politique et contentieuse dont les acteurs du processus décisionnel
ont jusqu’à présent sagement préféré faire l’économie.

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dépendra des procédures constitutionnelles internes de chacune des


parties, qu’il s’agisse de l’Union, de ses États membres en cas de mixité
de l’accord, et enfin de son partenaire commercial (31).
Les textes des ALE prévoient souvent de différer au premier jour
du deuxième mois suivant le mois au cours duquel les parties se sont
mutuellement notifiées l’accomplissement de leurs procédures juri-
diques applicables. Les accords de libre-échange négociés par l’Union
ont vocation à s’appliquer pour une durée illimitée, sauf à être rené-
gociés, comme c’est par exemple le cas actuellement s’agissant des
accords liant l’Union européenne au Mexique et au Chili, ainsi que
potentiellement ceux qui lient l’Union à plusieurs pays méditerranéens
(accords Euromed) (32).

S ection 2. L es acteurs du processus de négociation

42. Un processus inclusif. La négociation des ALE a aujourd’hui


cessé de faire l’objet d’un dialogue fermé et exclusif entre la Commission
et le Conseil, et d’être l’apanage d’un cercle réduit de spécialistes des
arcanes et subtilités de la diplomatie commerciale. En reconnaissant
au Parlement européen le pouvoir d’approuver ces accords, le traité
de Lisbonne a fait de cette institution un acteur incontournable non
seulement au stade de la conclusion des accords mais aussi, par exten-
sion, dès la phase initiale de leur négociation (sous-section 1). Plus
encore, les acteurs non étatiques prennent une part croissante dans
la mécanique décisionnelle qui entoure ces négociations. Il en va ainsi
des plus grandes entreprises et associations d’intérêts économiques
regroupés au plan européen. C’est aussi le cas d’autres acteurs privés,
telles les ONG, et, plus largement, de l’ensemble des représentants de
la société civile organisée qui tentent également, par différents moyens,
de peser sur les négociations (sous-section 2).

(31) Dans le cadre des accords bi régionaux, il faudra aussi parfois attendre que l’accord
soit ratifié par tous les États membres de l’organisation régionale partenaire. Les procédures de
ratification des APE, qui impliquent les organisations régionales africaines et leurs États, s’avèrent
à cet égard particulièrement complexes.
(32) Il n’existe pas à ce jour de « sunset clause » comparable à celle imaginée dans le cadre
de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) au titre de laquelle, passée un délai de 16 ans
après son entrée en vigueur, l’accord expirera automatiquement à moins que les Parties n’en
décident autrement. Cette disposition, voulue par les États-Unis, fait peser à terme une pression
considérable sur ses deux partenaires. Voy. l’art. 34.7 de l’ACEUM.

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Sous-section 1. Les acteurs institutionnels (33)

§ 1. – La Commission européenne
43. Un leadership incontesté. La Commission a toujours joué
un rôle central dans la négociation des accords de libre-échange de
l’Union européenne, en raison de ses prérogatives reconnues dans
le droit primaire mais également de l’expertise qu’elle a forgée au fil
du temps et qui lui confère sur ce sujet une légitimité reconnue tant
au plan européen qu’au niveau international. C’est à la Commission
qu’il reviendra de proposer des directives de négociation, que le
Conseil ne pourra ensuite qu’amender. Ce rôle essentiel d’initiative
se retrouve tout au long des négociations que la Commission mènera
avec le partenaire et sur lesquelles elle garde la maîtrise. C’est aussi
la Commission qui élaborera les propositions au nom de l’Union, qui
décidera de l’opportunité de poursuivre ou de suspendre une discus-
sion, qui jugera bon de retenir ou d’écarter les propositions de ces
partenaires commerciaux. C’est encore la Commission qui acceptera
ou non de clore une négociation et décidera de l’opportunité de por-
ter le texte de l’accord à la signature du Conseil, à l’approbation du
Parlement européen et à la conclusion du Conseil. Cette maîtrise du
calendrier lui confère en définitive la haute main sur tout ce processus.
En contrepartie, la Commission devra régulièrement tenir informé le
Conseil et le Parlement de l’avancée des différents rounds.
Ces pouvoirs reconnus en vertu des traités s’accompagnent d’une
maîtrise de la communication qui se rapporte aux négociations des
ALE. Cette communication politique s’effectue par la voie d’instru-
ments traditionnels – communications de la Commission publiées

(33) Nous en en tiendrons ici à une présentation des institutions politique de l’Union
(Commission, Conseil, Parlement). La Cour de justice n’est pas une institution politique et n’a
donc pas à se prononcer sur l’opportunité de négocier de nouveaux ALE. Mais dans une Union
de droit, où le respect des traités est essentiel, elle joue parfois un rôle clé dans le processus de
négociation de ces accords. La Cour a d’ailleurs été sollicitée ces dernières années afin de clarifier
la compétence de l’Union pour négocier et conclure des ALE – question posée par la Commission
dans l’avis 2/15 préc. relatif à l’ALE UE-Singapour – ou encore au sujet de la compatibilité des
dispositifs conventionnels relatifs à la protection des investissements étrangers – avis 1/17, préc.,
sollicité par la Belgique. La Cour a également été conduite à préciser les conditions dans lesquelles
le choix de poursuivre des négociations commerciales pouvait faire l’objet d’une initiative citoyenne
européenne prévue au titre de l’art. 11, § 4, TUE (Tribunal de l’UE, 10 mai 2017, Efler and Others
v. Commission, aff. T‑754/14, ECLI:EU:T:2017:323, pt 43). À cela s’ajoutent d’autres arrêts qui
intéressent les accords commerciaux, notamment l’arrêt Front Polisario de décembre 2016 au
sujet de l’application des ALE à des territoires contestés, en l’occurrence le Sahara occidental
(CJUE, 21 décembre 2016, Conseil c/ Front Polisario, aff. C-104/16 P, ECLI:EU:C:2016:973). Il est
fort probable que la Cour sera à l’avenir régulièrement sollicitée au sujet de l’interprétation et de
la mise en application des ALE.

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de façon régulière sur l’ensemble des sujets commerciaux, commu-


niqués de presse… – mais elle s’exerce aussi et surtout par le site
internet de la DG commerce. Celui-ci contient un grand nombre de
documents précieux pour qui veut suivre et comprendre le dévelop-
pement des négociations commerciales (textes des accords, résumé
de l’avancée des négociations, propositions de négociation publiées
en ligne, informations concernant les consultations publiques rela-
tives aux ALE…). La Commission a progressivement acquis une
capacité d’expertise en matière de négociation commerciale sans
équivalent tant au sein des institutions de l’Union qu’au niveau des
États membres (34).
Au sein même de la Commission, la présence d’un Commissaire
au commerce remonte à la fin des années 1960, preuve de l’impor-
tance politique de ce sujet pour l’institution. Ce dernier s’appuie
sur la puissante administration que constitue la direction générale
du commerce extérieur, qui exerce un rôle de leadership sur la
question des négociations commerciales. Cette direction ne décide
pourtant pas seule du déroulement des négociations. Elle joue un
rôle de proposition et d’impulsion qui est lui-même doublement
contrebalancé. À un niveau politique tout d’abord car la DG com-
merce ne peut prendre seule l’initiative d’engager une négociation
sans obtenir pour ce faire l’aval du collège des commissaires. À un
niveau administratif ensuite dès lors que, en fonction des sujets
abordés, d’autres directions générales auront également leur mot à
dire. Les directions générales de l’environnement, de l’agriculture
ou encore du marché intérieur seront elles aussi impliquées dans
les négociations des ALE.
44. Positionnement de la Commission sur la question du
libre-échange. La Commission, en particulier sa direction générale
du commerce extérieur, n’a eu de cesse de promouvoir et défendre
le libre-échange et les accords qui viennent l’organiser avec les pays
ciblés. Ces accords sont jugés bénéfiques pour l’Union, tant du point
de vue économique (accès au marché, stimulation de la compétitivité)

(34) Le retrait britannique a d’ailleurs démontré combien cette capacité était précieuse et
essentielle à tout acteur désireux d’affirmer son identité sur le plan de la diplomatie commerciale.
Dès juillet 2016, peu après le résultat du référendum sur le retrait, les autorités britanniques ont pris
soin de doter leur ministère du commerce extérieur de vastes capacités matérielles et humaines
(Department for International Trade devenu en 2023 Department for Business and Trade). L’une
des fonctions prioritaires de ce ministère fut l’embauche, début 2017, de 200 négociateurs commer-
ciaux. Voy. not. le Machinery of Government Changes Statement, UIN HCWS94, 18 juillet 2016.

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que social (bénéfice pour les consommateurs, emplois créés par le


développement des exportations). Les ALE sont aussi perçus comme
des vecteurs de promotion des valeurs de l’Union (35).
Ce soutien de la Commission aux accords de libre-échange ne s’est
jamais démenti et demeure en dépit de l’évolution récente du contexte
des relations économiques internationales. L’émergence du concept
d’autonomie stratégique, dont témoigne la dernière communication de
la Commission sur le commerce publiée en février 2021 (36), n’a pas
eu pour conséquence un changement de logiciel ou, dit autrement,
d’idéologie au sein de l’institution. Au contraire, dans un contexte
d’effondrement du multilatéralisme et de montée des tensions sécu-
ritaires internationales – guerre d’Ukraine, rivalité sino-américaine,
changement climatique, raréfaction des ressources et des matières pre-
mières – les ALE demeurent au sein de la Commission perçus comme
des facteurs de stabilité, une garantie minimale que l’accès au mar-
ché des pays tiers et plus largement le libre commerce demeureront
protégés par des règles juridiques. De fait, l’agenda libre-échangiste
demeure toujours chargé puisque, après la conclusion d’accords déjà
ambitieux ces dernières années, plusieurs négociations d’ALE sont
encore soutenues par la Commission : projets d’ALE avec l’Australie
et la Nouvelle-Zélande, APE avec les pays ACP, ou encore, entre autres
textes d’importance, signature de l’accord pourtant controversée avec
le MERCOSUR et reprise des négociations avec l’Inde, en dépit de la
direction politique passée et actuelle de ces pays.

§ 2. – Le Conseil et les États membres


45. Un soutien nécessaire dans le processus de négociation.
Le soutien du Conseil est indispensable à l’ouverture des négocia-
tions – au stade de l’adoption des directives en particulier (37) – mais
également lorsqu’il s’agira de signer et de conclure les ALE qui lui
sont soumis par la Commission. D’un point de vue institutionnel, doit
ici être rappelé le rôle clé joué par le Comité de la politique com-
merciale, dont l’existence est reconnue à l’article 207, paragraphe 3,
TFUE et qui vient assister la Commission pour toutes les questions se

(35) Voy. en ce sens, Le Commerce pour tous – Vers une politique de commerce et d’inves­
tissement plus responsable, COM(2015) 497 final, 14 octobre 2015.
(36) COM(2021) 564 final, 14 juillet 2021.
(37) Au demeurant, il n’est pas rare que les États membres soient à l’origine d’une négociation
et fassent savoir à la Commission leur souhait d’initier telle ou telle négociation, de les accélérer
ou au contraire de les suspendre.

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rapportant au commerce en général, et aux négociations des accords


commerciaux en particulier. Ce comité se réunit chaque semaine sous
différentes formations et la Commission y est également représentée.
Cette dernière a la charge d’informer les membres du comité des
négociations en cours. Ceux-ci transmettront ensuite cette informa-
tion aux administrations nationales et relaieront également la posi-
tion de leurs États membres d’origine. Les échanges au sein de ce
comité demeurent en principe confidentiels, mais il est fréquent que
la teneur de ces derniers fasse l’objet de fuites dans la presse et les
médias spécialisés. Il est du reste assez évident que les partenaires
commerciaux de l’Union n’ignorent pas grand-chose des débats tenus
au sein de ce comité.
Il n’est pas rare que les États fassent savoir à la Commission leur
souhait de voir démarrer telle ou telle négociation, de les accélérer
ou au contraire de les suspendre. Ces dernières années, on assiste
aussi, de la part de plusieurs dirigeants étatiques, à des interpellations
publiques voire à des tentatives d’influencer très directement la posi-
tion européenne. On se souvient ainsi que les ministres allemand et
français en charge du commerce extérieur avaient publiquement pris
position en 2014 en faveur d’une renégociation du CETA tandis que
la France et les Pays-Bas ont, en 2020, conjointement rendu public un
non papier destiné redéfinir les ambitions de l’Union européenne sur
le sujet du commerce et du développement durable (38).
46. Positionnement des membres du Conseil à l’égard des
ALE. Jusqu’à présent, le Conseil a en réalité soutenu l’agenda libre-
échangiste de la Commission européenne. Il n’en demeure pas moins
qu’à titre individuel les États défendent aussi des intérêts assez
divergents dont le négociateur européen se doit de tenir compte.
L’Allemagne, dont le succès économique repose en grande partie sur
les exportations, a une tendance structurelle à promouvoir la libéra-
lisation des échanges internationaux. Il en va généralement de même
des pays d’Europe centrale. La France et les pays du sud, qui ont
parfois plus de difficulté à faire face à la concurrence internationale,
peuvent être perçus comme plus protectionnistes. Il ne s’agit là cepen-
dant que de généralités car, en pratique, la position des États repose
souvent sur des considérations mercantilistes, tenant à la défense de
leur industrie et de secteurs considérés comme stratégiques (chimie

(38) Non papier sur le commerce, ses conséquences en matière socioéconomique et de


développement durable publié sur le site de la direction générale du Trésor le 12 mai 2020.

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négocier le libre - échange  57

et automobile pour l’Allemagne, agro-industrie pour la France et les


pays méditerranéens et certains pays du nord, libéralisation des visas
de travail pour les pays d’Europe centrale par exemple). Les positions
des États membres peuvent aussi parfois obéir à des considérations
peu prévisibles qui s’expliquent notamment par des mouvements d’hu-
meur de l’opinion publique à l’origine de fortes pressions politiques
internes. Il en a été ainsi par exemple de la menace d’un veto belge à
la signature du CETA (39). S’il a manifestement affaibli le camp des
partisans du libre-échange, le retrait du Royaume-Uni, promoteur tra-
ditionnel du libre-échange et attaché une libéralisation du commerce
transatlantique, n’a pas non plus eu pour effet de faire prévaloir le
protectionnisme au sein du Conseil.

§ 3. – Le Parlement européen
47. Un poids renforcé dans le processus de négociation des
ALE. Alors qu’il n’intervenait, jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne, qu’à titre consultatif, le Parlement européen a acquis un
pouvoir décisif d’approbation des accords commerciaux. Cette ins-
titution a jusqu’à présent soutenu l’ensemble des ALE soumis à son
approbation mais la menace d’un rejet demeure et oblige dans tous
les cas la Commission à prendre en considération son positionne-
ment. L’actuelle procédure d’adoption des directives ne fait certes
pas intervenir le Parlement européen, en dépit des prérogatives qui
lui sont aujourd’hui reconnues en matière d’approbation des accords
commerciaux. Le Parlement a toutefois la possibilité de se prononcer
au sujet des ALE dans la phase initiale de la négociation au moyen de
résolutions dont le contenu peut-être extrêmement détaillé, au point
de venir concurrencer les directives de négociation elles-mêmes (40).
Plusieurs commissions du Parlement ont un intérêt à se prononcer
au sujet des négociations commerciales (Commission de l’agriculture,
de l’environnement ou encore du marché intérieur). Un rôle central est
toutefois dévolu en ce domaine à la Commission du commerce inter-
national (dite commission INTA). Cette dernière contrôle l’action de la

(39) Et ce alors même que, quelques années plus tard, la signature et la conclusion d’ALE
avec le Vietnam ou le Japon ne soulèveront pratiquement aucune difficulté.
(40) Voy. ainsi la résolution du Parlement européen du 8 juillet 2015 contenant les recom-
mandations du Parlement européen à la Commission européenne concernant les négociations
du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) (2014/2228(INI)) ou, plus
récemment, la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2022 sur la future coopération UE-Inde
en matière de commerce et d’investissement (2021/2177(INI)).

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Commission tout au long du processus de négociation et donnera son


avis avant qu’un ALE ne soit éventuellement soumis à l’approbation
de l’assemblée plénière.
48. Position du Parlement européen à l’égard des accords de
libre-échange. Jusqu’à présent, le Parlement européen a, à l’instar
du Conseil, globalement soutenu la stratégie conventionnelle libre-
échangiste de la Commission européenne. En témoignent les résultats
des votes d’approbation des ALE sous les trois dernières législatures
qui ont abouti à un résultat favorable, avec une confortable majo-
rité (41).
La composition de la Commission INTA a jusqu’à présent reflété
de manière globale un appui aux accords de libre-échange de
l’Union européenne (42). Le soutien aux ALE du Parlement européen
demeure, même si l’on doit noter certaines inflexions récentes. Le
Parlement européen a ainsi fait montre de son hostilité à certains
textes, en particulier au volet commercial de l’accord d’association
UE-MERCOSUR dont il a annoncé en octobre 2020 qu’il s’opposerait
en l’état à son approbation (43). En témoigne également la résolution
de novembre 2020 sur la politique commerciale, où le Parlement a
plaidé pour une « autonomie stratégique ouverte », et a conditionné
son éventuel soutien aux futurs ALE à leur caractère équilibré et
durable (44).

Sous-section 2. Les acteurs non institutionnels


49. Une volonté ancienne d’associer les acteurs non institu‑
tionnels de l’Union à la négociation des ALE. Dès les origines, les
traités ont prévu des mécanismes d’association des forces sociales à
la prise de décision dans l’Union, notamment à travers la création du

(41) De 2009 à 2014, le Parlement a approuvé plusieurs ALE dont celui avec la Corée ou encore
l’accord de partenariat économique avec l’Afrique centrale. Sous le mandat de la Commission
Juncker (2014‑2019), le Parlement européen a approuvé l’ensemble des accords qui lui ont été sou-
mis : outre le CETA, l’ALE UE-Japon, l’APE avec la Communauté sud-africaine du développement
(SADC), l’APE intérimaire avec le Ghana et les accords commerciaux complets et approfondis
inclus dans les accords d’association avec l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Dans le cadre de l’ac-
tuelle législature (2019‑2024), le Parlement a approuvé à une très large majorité l’ALE UE-Vietnam
début 2020 et l’accord de commerce et de coopération entre l’UE et le Royaume Uni (2021).
(42) Elle est actuellement présidée par Bernd Lange, député issu des rangs du parti social-
démocrate allemand et du Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates.
(43) Cette annonce a été effectuée à l’occasion d’un vote en plénière relatif à l’adoption du
rapport du député européen J. Warborn consacré à cet accord.
(44) Voy. résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur l’examen de la politique
commerciale de l’Union, 2020/2761(RSP).

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négocier le libre - échange  59

Comité économique et social européen, qui a vocation à réunir des par-


tenaires sociaux représentatifs de l’Union au plan européen. Souvent
de sa propre initiative (45), cette institution produit des avis nombreux
et de qualité au sujet des accords de libre-échange, y compris sur
des matières techniques (46). Pour autant, elle n’est aujourd’hui qu’un
acteur parmi d’autres de la société civile organisée au plan européen.
Une myriade d’acteurs non institutionnels, composés d’entreprises,
d’associations et d’ONG développent, chacun à leur manière, et en
fonction des moyens dont ils disposent, des stratégies d’influence de
façon à assurer la prise en considération de leurs intérêts respectifs
dans la définition de la position de l’Union.
50. Lobbying et négociations commerciales. Ce sont tout
d’abord les entreprises impliquées dans le commerce international,
en particulier celles dont les chaînes de production et de distribu-
tion se répartissent dans plusieurs pays, qui trouvent un intérêt à
la négociation des accords. Les multinationales les plus puissantes
pourront développer leurs propres stratégies d’influence sur les négo-
ciateurs, en défendant ainsi leurs intérêts spécifiques. Pour les autres
entreprises, en particulier les PME, la stratégie d’influence passera
nécessairement par une adhésion à un groupe d’intérêt réunissant
des acteurs comparables au sein d’une même branche ou d’un même
secteur d’activité. Les règles européennes en matière de transparence,
qui ne sont pas spécifiques à la négociation des accords commer-
ciaux (47), permettent aujourd’hui d’avoir une idée précise de la pra-
tique du lobbying et des rencontres tenues entre les institutions et des
représentants des entreprises et autres groupes d’intérêt qui tentent
de faire valoir leurs vues en marge des négociations commerciales.
Ces règles ne sont cependant pas applicables au Conseil et aux États
membres, dont on a pourtant vu le rôle essentiel joué dans la négo-
ciation des accords commerciaux (48).

(45) Le règlement intérieur du CESE lui permet en effet de produire des avis d’initiative dans
des matières où il n’est pas obligatoirement consulté conformément à ce que prévoient les règles
du traité (voy. art. 29, § 2, du règlement intérieur du CESE).
(46) Voy. par ex. avis du Comité économique et social européen sur la protection des inves-
tisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce
et d’investissement de l’UE avec des pays tiers, 2015/C 332/06, JO, C 332 du 8 octobre 2015, p. 45.
(47) Voy. l’accord entre le Parlement européen et la Commission européenne sur le registre
de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d’indépendants qui
participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne, JO, L 277
du 19 avril 2014.
(48) Certaines ONG, en particulier Corporate Europe Observatory, se sont spécialisées dans
la recension des rencontres entre les membres des institutions et les représentants des lobbys
économiques et ont mis en évidence la surreprésentation de ces derniers, en particulier lors des

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60 négocier le libre - échange

51. Cibles du lobbying. L’activité de lobbying intéressant les ALE


se déploie prioritairement auprès des services de la Commission, en
particulier ceux de la DG Commerce. Mais elle peut bien évidemment
aussi viser le Conseil et ses États membres ainsi que le Parlement
européen, en particulier depuis l’acquisition par ce dernier d’un pou-
voir de codécision en matière de politique commerciale. Les collecti-
vités infra-étatiques, locales et régionales, peuvent aussi constituer des
relais pertinents pour des groupes qui ne disposent pas des moyens
suffisants pour être représentés à Bruxelles et qui souhaitent faire
prévaloir des intérêts locaux, par le truchement des représentations
dont ces collectivités peuvent y disposer.
52. Irruption de la société civile organisée dans les négociations
commerciales et recours à l’initiative citoyenne européenne. Ces
dernières années, la société civile a revendiqué un rôle croissant dans le
processus de négociation des accords commerciaux, qui va de pair avec
la prise de conscience des retombées socio-économiques et de l’impor-
tance politique des accords de libre-échange. La contestation des ALE a
été à l’origine de manifestations organisées à Bruxelles et dans plusieurs
États membres de l’Union. Sur le plan institutionnel, le mécanisme de
l’initiative citoyenne européenne, apparu avec le traité de Lisbonne, a été
mobilisé afin de bloquer certaines négociations. L’initiative Stop TTIP
a ainsi fait l’objet d’une demande d’enregistrement dès 2014 afin que la
Commission demande formellement au Conseil d’annuler les directives
de négociations du TTIP et de ne pas conclure le CETA. Le refus par la
Commission européenne d’enregistrer cette demande fit au demeurant
l’objet d’un recours en annulation qui fut accueilli favorablement par le
Tribunal qui souligna à cette occasion que « rien ne justifie […] d’ex-
clure du débat démocratique les actes juridiques visant au retrait d’une
décision autorisant l’ouverture de négociations en vue de la conclu-
sion d’un accord international, de même que les actes ayant pour objet
d’empêcher la signature et la conclusion d’un tel accord » (49). Cette
procédure de l’initiative citoyenne européenne n’a donc pas permis pas
d’obliger juridiquement la Commission à mettre fin aux négociations.
Elle a toutefois témoigné d’une politisation des procédures entourant la
négociation et la conclusion des accords de libre-échange.

réunions organisées au sein de la DG commerce. Voy. les données collectées sur le site internet
de cette ONG à l’adresse https://corporateeurope.org/en/trade.
(49) Tribunal de l’UE, 10 mai 2017, aff. T‑754/14, préc., pt 43, et plus largement L. M. Chauvel,
« The Role of the European Citizens Initiative in the Negotiation and Implementation of FTAs »,
in I. Bosse-Platière et C. Rapoport (dir.), The Conclusion and Implementation of EU Free Trade
Agreements. Constitutional Challenges, Cheltenham, Edward Elgar, 2019, pp. 159‑174.

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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négocier le libre - échange  61

53. Nouveaux mécanismes d’association de la société civile.


La Commission a pris conscience de la nécessité de répondre à ce
phénomène en améliorant l’implication des acteurs non institutionnels
dans le processus de décision intéressant la politique commerciale, en
particulier le processus de négociation des ALE (50). S’inspirant de la
démocratie participative, cette démarche impulsée par la commissaire
au Commerce Cecilia Malmström (2014‑2019) traduit également le sou-
hait de mettre fin à une culture du secret qui caractérisait jusqu’alors
la diplomatie commerciale. De façon pragmatique, la Commission a
sans doute réalisé que mieux valait partager une information choisie
plutôt que de s’exposer à des fuites répétées de documents classés
confidentiels.
54. Multiplication des dispositifs. En premier lieu la Commission
a, à l’instar de ce qui existe en amont de la procédure législative, initié
un grand nombre de consultations publiques ouvertes au plus grand
nombre sur les sujets intéressants le commerce, en amont et pendant
la procédure de négociation des accords de libre-échange. Certaines
consultations, comme celle initiée en 2015 à propos de l’inclusion
d’un mécanisme de protection des investissements étrangers dans les
accords de libre-échange, ont connu un grand succès, au point pro-
bablement de dépasser les attentes des services de la Commission et
de conduire à des réponses manifestement peu en adéquation avec la
ligne initialement défendue par la DG Commerce (51). Ce mécanisme
des consultations s’est ensuite systématisé. Les papiers de positions
transmis par les différents acteurs intéressés sont publiés sur le site
de la Commission qui établit également un rapport final à l’issue de ce
procédé. La Commission met également en place un dialogue régulier
avec la société civile sur les questions commerciales et tient pour ce
faire à jour un calendrier de réunions sur son site internet (52). Les
réunions sont aujourd’hui enregistrées et mise en ligne ce qui contribue
à en élargir l’accès (53).

(50) « Le Commerce pour tous. Vers une politique de commerce et d’investissement plus
responsable », COM(2015) 497 final, 14 octobre 2015.
(51) Voy. le rapport sur la consultation publique en ligne sur les modalités de la protection
des investissements et le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) dans le
cadre du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), SWD(2015) 3 final,
13 janvier 2015.
(52) On pourra toutefois observer que la plupart de ces rencontres sont aujourd’hui organisées
en ligne, ce qui limite singulièrement la qualité et la spontanéité des échanges.
(53) De façon générale, le nombre de vues sur Youtube ne dépasse cependant pas la trentaine,
ce qui relativise l’attention réelle portée à ces questions.

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55. Création temporaire d’un groupe d’experts sur les


accords commerciaux. En septembre 2017, dans le contexte des
tensions liées au processus de conclusion du CETA et des autres ALE
de nouvelle génération, la Commission a prévu d’instituer « un groupe
d’experts sur les accords commerciaux de l’UE » en s’inspirant de la
méthode retenue lors de la négociation du Partenariat transatlantique
de commerce et d’investissement (54). L’instauration de ce groupe de
travail répondait à l’intérêt suscité par les négociations commerciales
au sein de la population de plusieurs États membres et à la nécessité
de rédiger des avis spécialisés susceptibles d’éclairer la Commission
tant au stade des négociations qu’à celui de la mise en œuvre des
accords conclus. Le groupe d’experts sur les accords commerciaux
était notamment chargé de l’informer quant à la manière dont ceux-ci
sont perçus et de faire remonter des éléments du débat public qu’ils
suscitent au sein des États membres (55). Il pouvait aussi alerter la
Commission sur des sujets particuliers. Le groupe comprenait une
vingtaine de membres choisis par la DG commerce au terme d’une
procédure de sélection à laquelle pouvaient participer des ONG « de
niveau européen » incluant des organisations patronales, des syndi-
cats, des associations représentatives ou encore des groupes d’intérêt
économiques. Les réunions du groupe d’experts, en principe confi-
dentielles, étaient présidées par un représentant de la DG commerce
et se tenaient dans les locaux de la Commission. Les membres du
groupe d’experts n’ont toutefois jamais été amenés à codécider avec
la Commission et se limitaient à jouer un rôle consultatif, dans les
limites du cadre défini par elle.
Sans que l’on sache précisément pour quelles raisons, le groupe d’ex-
perts ne s’est réuni que pour une période de deux ans, entre 2017 et 2019.
Le mandat qui lui a été confié a aujourd’hui expiré et la Commission
n’a pas jugé opportun de renouveler cette initiative. Le mécanisme du
dialogue avec la société civile lui apparaît semble-t-il suffisant. Ces
dernières années, le débat sur la légitimité du recours aux ALE s’est du
reste concentré sur la question de l’expertise scientifique, mettant en
avant le rôle hautement politique des études d’impact et leur utilisation
par des acteurs du processus décisionnel intéressant les ALE.

(54) Décision de la Commission du 13 septembre 2017 instituant le groupe d’experts sur les
accords commerciaux de l’Union européenne, C(2017) 6113 final.
(55) On notera d’ailleurs que la Commission a mis en place d’une série de groupes d’experts
compétents sur les autres questions commerciales. Il existe ainsi par exemple un groupe d’experts
consacré aux questions de commerce et de développement durable, ce qui constitue aussi peut-
être un moyen d’exclure ce sujet des réunions du groupe d’experts sur les accords commerciaux.

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négocier le libre - échange  63

56. Rationaliser la quête du libre-échange : le recours aux


experts et aux études d’impact. Les controverses autour de l’op-
portunité de conclure de nouveaux ALE ont conféré à la question de
l’expertise et des études d’impact un rôle central. Aussi surprenant
que cela puisse paraître, la Commission européenne ne dispose pas,
sur le plan interne, des services compétents pour apprécier les retom-
bées économiques, sociales et environnementales de ses ALE. Elle
n’a pas jugé bon de les mettre en place dans le contexte de sa poli-
tique conventionnelle et a privilégié, comme pour d’autres domaines
d’action, le recours à des prestataires extérieurs conformément aux
« lignes directrices pour une meilleure réglementation » (56) et à la
« boîte à outils pour une meilleure réglementation » (57), complé-
tée, en matière commerciale, par certaines règles additionnelles (58).
L’évaluation des ALE se trouve ainsi externalisée auprès de presta-
taires que les services de la DG commerce vont eux-mêmes désigner
à l’issue d’un appel d’offres.
On regrettera cependant que ce recours à l’expertise ne fasse pas
lui-même l’objet d’un procédé plus ouvert et transparent, voire même
d’une délibération publique. Le caractère discrétionnaire du choix
opéré est en effet susceptible de placer le prestataire dans une position
délicate, et de l’amener à anticiper le point de vue et les désirs, réels ou
supposés, de la Commission. En pratique, ce sont le plus souvent des
cabinets de conseil ou des centres d’étude qui obtiennent ces marchés.
Leurs études, soumises à des critères de présentation formels (conci-
sion, accessibilité, sommaire…) doivent obéir à une méthodologie bien
précise qui oblige à prendre en considération différents scenarii de
négociations et à souligner les avantages et inconvénients des ALE.
Elles sont ensuite publiées sur le site de la DG Commerce.
Plusieurs études d’impact ont été menées ces dernières années au
sujet d’accords de libre-échange. La Commission a eu recours à ce
procédé concernant les projets d’ALE avec le Japon (2012) et les États-
Unis (2013) et une possible rénovation de l’Union douanière euro-
turque (2016). Il en a été également ainsi des projets de nouveaux ALE

(56) Voy. en ce sens le document de travail de la Commission européenne, « Better Regulation


Guidelines », SWD(2021) 305 final, 3 novembre 2021. Le chapitre IV de ce document est consacré
exclusivement au recours aux études d’impact.
(57) Document du 3 novembre 2021 annexé à celui cité dans la note précédente.
(58) Voy. ainsi les lignes directrices des études d’impact concernant les effets sur les droits
humains des initiatives en matière de commerce (Guidelines on the Analysis of Human Rights
Impacts in Impact Assessments for Trade-Related Policy Initiatives), mises à disposition sur
le site de la DG commerce, dans la rubrique « Études d’impact ».

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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avec le Mexique (2015) et le Chili (2016) et au moment de l’adoption


des directives de négociations d’ALE avec l’Australie et la Nouvelle-
Zélande (2017).
Les conclusions auxquelles parviennent ces études doivent être
considérées avec précaution, en gardant à l’esprit que les études d’im-
pact sont souvent prédictives, et ne peuvent intégrer avec certitude
le résultat final de la négociation, ni l’évolution du climat général des
échanges internationaux (pandémies, impacts des conflits armés, du
changement climatique…). Malgré tout, la Commission n’hésite pas
à s’appuyer sur ces études d’impact pour défendre le bien-fondé de
l’ouverture de négociations ou la signature d’un projet d’accord, en
particulier lorsqu’elles vont dans le sens d’un accroissement de la
croissance et de l’emploi au sein de l’Union.
57. Études d’impact sur la durabilité (sustainable impact
assessement). Les études d’impact relativement classiques, que nous
venons d’évoquer, ont été jugées insuffisantes en ce qu’elles tendaient
à se focaliser, dans une perspective souvent très productiviste et mar-
quée par le « paradigme croissanciel » (59), sur les effets économiques
des ALE, tout en minorant leurs conséquences sur les plans social et
environnemental. En ligne avec un document consacré à l’évaluation
des accords commerciaux, publié en 2016 par la DG commerce (60)
plusieurs études d’impact sur la durabilité des accords commerciaux
ont été publiées ces dernières années (61).
Sur le fond, ces études sont parfois consacrées de façon spécifique
aux questions de développement durable, en particulier à la problé-
matique environnementale. Tel sera le cas lorsqu’elles sont publiées
parallèlement à des études d’impact classiques qui se concentreront
sur les retombées économiques de l’accord (études d’impact concer-
nant les projets d’ALE avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili
ou encore les États-Unis). En revanche, la Commission qualifiera dans
certains cas les études d’impact de durable lorsqu’elles englobent à
la fois des questions relatives aux effets économiques des accords et

(59) Sur cette notion, voy. A. Bailleux et F. Ost, « Six hypothèses à l’épreuve du paradigme
croissanciel », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 2016, vol. 77, n° 2, pp. 27‑53.
(60) Commission européenne (DG Commerce), « Handbook for Trade Sustainability Impact
Assessement », 2016, https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2016/april/tradoc_154464.PDF. Sur
cette question voy. not. B. Hoekman et H. Rojas-Romagosa, « EU Trade Sustainability Impact
Assessments : Revisiting the Consultation Process », JIEL, 2022, vol. 25, n° 1, pp. 45‑60.
(61) Ces études d’impact sont publiées sur le site internet de la Commission ­européenne
(https:// policy.trade.ec.europa.eu/analysis-and-assessment/sustainability-impact-
assessments_en).

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négocier le libre - échange  65

à leurs conséquences sur le plan de la durabilité. Cette solution a été


retenue concernant l’étude d’impact du projet d’accord négocié avec
le MERCOSUR, qui a par ailleurs pour spécificité de porter sur une
négociation terminée (62). On doit d’ailleurs noter dans ce dernier
cas que les auteurs de l’étude ont, par contraste avec les effets écono-
miques bénéfiques prêtés à cet accord, dégagé des conclusions assez
mesurées concernant ses conséquences en matière de durabilité (63).
58. Études d’impact concurrentes. Les États membres peuvent
également éprouver le besoin de mener leurs propres études d’impact.
Le gouvernement français a procédé de la sorte concernant le CETA
en 2017 (64) et, en 2020, le projet d’accord avec le MERCOSUR. Les
résultats de ces diverses études se sont avérés divergents, l’étude d’im-
pact commandée par la France sur le projet d’accord UE-MERCOSUR
ayant ouvertement critiqué la méthodologie employée dans les tra-
vaux commandés par la Commission. Ces controverses démontrent
la difficulté d’un tel exercice et le caractère incertain des prédictions
des effets économiques et plus encore non économiques d’un ALE,
qu’ils soient sociaux, environnementaux, sanitaires ou climatiques.
Un processus de sélection des experts plus ouvert, plus transparent
et surtout plus démocratique – opéré par exemple sous le contrôle
du Conseil et du Parlement européen – pourrait rendre la démarche
moins sujette à critique.
59. Conclusion du premier chapitre. Cette présentation de la
procédure de négociation des ALE de l’Union européenne met en évi-
dence la dynamique de politisation qui entoure cette procédure, laquelle
était déjà perceptible avant le traité de Lisbonne mais qui n’a cessé de
s’amplifier depuis lors. Cette évolution s’explique par la modification
des procédures elles-mêmes, à raison du pouvoir d’approbation de ces
accords par le Parlement européen, lequel a logiquement réclamé et
obtenu une reconnaissance de son rôle dès les premières étapes de la
procédure de négociation. Elle découle également d’une plus grande
médiatisation de ces accords, qui suscitent désormais l’intérêt au sein
de la société civile européenne. La Commission, dont le rôle demeure
prépondérant dans l’ensemble de la procédure de négociation et de
conclusion de ces accords, a semble-t-il pris acte de cette évolution

(62) Étude d’impact publiée le 23 mars 2021 sur le site de la Commission.


(63) https://policy.trade.ec.europa.eu/news/commission-publishes-final-sia-and-position-
paper-eu-mercosur-trade-agreement-2021‑03‑29_en.
(64) Voy. le rapport de la commission d’évaluation de l’impact du CETA/AECG remis au
Premier ministre le 8 septembre 2017.

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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66 négocier le libre - échange

cependant que des dispositifs permettant de mieux associer les autres


acteurs à l’élaboration des ALE sans brider l’efficacité supposée de
son action et diminuer ses marges de manœuvre restent sans aucun
doute à mieux définir. En toute hypothèse, la politisation accrue de la
procédure de négociation des ALE questionne aujourd’hui en perma-
nence le bien-fondé et la légitimité de cette orientation conventionnelle
libre-échangiste, comme en témoignent les controverses qui affectent
l’évaluation de l’impact des ALE.
La présentation de la procédure de négociation et de conclusion
des ALE est par ailleurs importante car elle a une influence directe
sur le contenu des accords négociés.

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Chapitre 1 - Négocier le libre-échange
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CHAPITRE 2

LA TRADUCTION NORMATIVE DU LIBRE-ÉCHANGE

Sommaire

Section 1. Les règles de libéralisation des échanges commerciaux 71


Sous-section 1. La libéralisation du commerce des marchandises 71
§ 1. – La levée des obstacles de nature tarifaire 71
§ 2. – La levée des obstacles de nature non tarifaire 80
Sous-section 2. La libéralisation du commerce des services 83
Sous-section 3. L’ouverture des marchés publics 88
Sous-section 4. Le commerce électronique 92
Sous-section 5. Les exceptions à la libéralisation 98
§ 1. – Les exceptions générales 98
§ 2. – Les exceptions à caractère spécifique 100
§ 3. – Émergence du droit de réglementer dans les ALE 104
Section 2. Les règles destinées à assurer la loyauté des échanges 105
Sous-section 1. Les règles en matière de propriété intellectuelle 106
§ 1. – Des règles venant compléter l’accord ADPIC 107
§ 2. – Dispositions conventionnelles caractéristiques du modèle
européen : l’exemple des indications géographiques 112
Sous-section 2. Les règles en matière de concurrence 115
§ 1. – Les règles applicables aux entreprises 117
§ 2. – Les règles encadrant le recours aux subventions 119
§ 3. – Particularités de certains accords en matière de concurrence 121
§ 4. – La coopération réglementaire 124
§ 5. – L’émergence de la question de l’énergie et des matières
premières 128
§ 6. – Le renforcement progressif des règles consacrées aux liens
entre commerce et développement durable 131

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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68 la traduction normative du libre - échange

60. Diversité des partenaires et modélisation convention‑


nelle. L’analyse du contenu des ALE de l’Union se heurte à une
difficulté méthodologique tenant à la singularité de chacun des
accords négociés. Nous présenterons cet ensemble de traités de
libre-échange négociés par l’Union européenne de façon globale, en
mettant en évidence l’existence d’un modèle conventionnel euro­
péen déjà évoqué dans l’introduction. Ce dernier présente un cer-
tain nombre d’éléments caractéristiques, de qualités particulières et
de références normatives qui lui sont propres. Il est fondé sur une
logique d’imitation, de reproduction et d’itération, d’une négociation
à l’autre, d’un acquis normatif. Cette modélisation conventionnelle
du libre-échange est rendue possible par la stabilité et la continuité
des positions défendues par l’Union, mais aussi, et surtout, par le
fait que son pouvoir de négociation inhérent à son poids commercial
et diplomatique lui permet souvent d’imposer à ses partenaires un
contenu juridique déterminé.

Il convient toutefois de nuancer cette dernière appréciation en


reconnaissant d’emblée que d’autres facteurs influencent de manière
concurrente les règles des ALE de l’Union européenne. Le contenu des
textes conventionnels est d’abord le produit d’un contexte historique :
les textes négociés depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne
sont en effet très différents de ceux qui l’ont été durant les décennies
1990 et 2000, ne serait-ce que sur le plan quantitatif, les règles conven-
tionnelles ayant au fil du temps tendance à se densifier et se com-
plexifier. L’évolution des préoccupations de l’Union européenne aura
aussi un effet sur le contenu des accords ce qui explique, par exemple,
l’intégration progressive de dispositions consacrées au développement
durable et au changement climatique. Ce contenu est également la
résultante d’une négociation et, partant, d’un rapport de force tenant à
la nature du partenaire – l’Union européenne n’ayant par exemple pas
la même capacité à imposer ses vues lorsqu’elle négocie avec un pays
qui espère une future adhésion (Albanie) et une puissante émergente
(Vietnam). Il est encore influencé par le niveau de développement
économique du pays tiers, l’historique de ses relations avec l’Union,
sa situation géographique, l’importance des échanges commerciaux
et les finalités de la négociation. À l’instar des autres accords inter-
nationaux, les ALE de l’Union constituent à la fois la cristallisation
normative d’un rapport de force, qui se manifeste de manière plus
ou moins feutrée durant les négociations, et le fruit d’un compromis

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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la traduction normative du libre - échange  69

au titre duquel chacune des parties doit avoir le sentiment de retirer


des bénéfices qui justifieront ensuite qu’elle accepte de s’engager à
respecter le texte à travers l’acte de conclusion de celui-ci.
61. Familles d’ALE au contenu similaire. Il est possible de
distinguer quelques grandes familles d’accords de libre-échange actuel-
lement en vigueur. Peuvent ainsi être mentionnés les accords négociés
dans la période récente, essentiellement après le traité de Lisbonne,
avec des partenaires émergents ou développés, que l’on qualifiera
d’accords de dernière génération. On trouve ici des accords négociés
principalement avec des pays asiatiques (Corée, Singapour, Vietnam,
Japon) et latino-américains (Chili, Pérou, Équateur, Bolivie, pays cen-
traméricains et pays membres du MERCOSUR) auxquels s’ajoutent
des pays nord-américains (Mexique, Canada) et, plus récemment
l’Australie (1) et la Nouvelle-Zélande (2). Un autre ensemble d’ALE
identifiables est caractérisé par la proximité géographique du parte-
naire conventionnel et la volonté de rapprochement avec elle sur le
plan normatif. Les accords de stabilisation et d’association – dont le
but avoué est de préparer l’adhésion de pays des Balkans à l’Union
européenne – organisent ainsi, par-delà la libéralisation, une reprise de
l’ensemble de l’acquis communautaire (3). Les accords d’association
négociés avec les membres du partenariat oriental (Géorgie, Ukraine,
Moldavie) s’en rapprochent en ce qu’ils prévoient la mise en place
d’une zone de libre-échange « complète et approfondie » mais aussi un
alignement partiel sur l’acquis communautaire, axé prioritairement sur
des règles couvrant le marché intérieur, et sobrement dénommé « rap-
prochement des législations » (4). Ces mécanismes d’alignement, que
l’on retrouve également dans l’accord instituant l’espace économique
européen, peuvent être jugés attentatoires au pouvoir de réglementer

(1) Accord en cours de négociation.


(2) Accord en projet (négocié mais pas encore signé).
(3) Conformément au titre VI de l’ASA négocié avec l’Albanie, « [l]es Parties reconnaissent
l’importance du rapprochement de la législation existante de l’Albanie avec celle de [l’Union] et
de sa mise en œuvre effective ». À cet effet « [l]’Albanie veille à ce que sa législation actuelle et
future soit rendue progressivement compatible avec l’acquis communautaire » (art. 70). Plusieurs
phases de reprise de l’acquis sont alors prévues, la priorité étant donnée aux règles qui intéressent
le marché intérieur.
(4) Ainsi, l’art. 56 de l’accord d’association UE-Ukraine – consacré à la question des obs-
tacles techniques au commerce – indique que l’Ukraine « prend les mesures nécessaires afin de
se conformer progressivement aux règlements techniques de l’UE […] et s’engage à respecter
les principes et les pratiques définis dans les décisions et réglementations de l’UE pertinents ».
Pour atteindre ces objectifs, « l’Ukraine intègre l’acquis de l’Union européenne pertinent dans sa
législation ». Cette même formule est reproduite à diverses reprises pour d’autres sujets (normes
sanitaires et phytosanitaires, services, marchés publics, droit de la concurrence…).

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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70 la traduction normative du libre - échange

des États tiers, et ce faisant à leur souveraineté. C’est la raison pour


laquelle ils ont été très vite rejetés par le Royaume-Uni dans le cadre de
la négociation du futur accord de commerce et de coopération. Ce der-
nier texte constitue un cas à part d’ALE conclu non pas dans le but de
renforcer des liens commerciaux mais au contraire de limiter les effets
d’une sortie de l’Union européenne et de la désintégration normative
et économique qui s’ensuivit. L’union douanière euro-turque, mise en
place en 1995 en vertu d’une décision fondée sur l’Accord d’associa-
tion de 1963, était quant à elle censée constituer l’antichambre d’une
adhésion qui ne s’est jamais réalisée et constitue un autre cas assez
singulier de libéralisation des échanges commerciaux. Les accords
d’association Euromed, négociés dans le contexte de la fin des années
1990 jusqu’aux années 2000 présentent également, sur le plan des dis-
positions commerciales, nombre de traits communs quant à leur portée
(limitée pour l’essentielle au commerce de marchandises) et à leur
caractère asymétrique, l’Union ayant accepté d’ouvrir davantage son
marché que ses partenaires méditerranéens. On y ajoutera une dernière
famille constituée des accords de partenariat économique (APE) liant
l’Union européenne aux pays de la zone Afrique, Caraïbe, Pacifique
et qui ont en commun d’avoir été négociés avec des partenaires qui
ont longtemps bénéficié de la part de l’Union de préférences unila-
térales (5).
62. Présentation du second chapitre. Le contenu des ALE
couvre en premier lieu des matières et des questions qui permettent de
libéraliser les échanges commerciaux de marchandises et de services
(section 1). Progressivement, l’objectif de régulation des échanges,
dans le but d’assurer à travers le droit une forme de loyauté dans les
relations commerciales est venu façonner la substance des accords et
la formulation des chapitres les plus modernes (section 2).

(5) Sur le fond toutefois, l’accord conclu avec les pays du Cariforum diffère assez sen-
siblement des textes négociés avec les pays Africains et ceux de la zone Pacifique. L’accord
UE-Cariforum, signé en 2008, s’apparente dans son contenu aux accords de dernière génération
précédemment évoqués et couvre un grand nombre de questions commerciales (libéralisation des
échanges de bien mais aussi questions liées au commerce des services, à la propriété intellectuelle,
aux marchés publics et au développement durable…). En revanche les autres APE se concentrent
souvent sur la seule libéralisation du commerce des marchandises. Une présentation de l’ensemble
de ces ALE et de l’état de leur procédure de conclusion figure en annexe du présent ouvrage.

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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la traduction normative du libre - échange  71

S ection 1. L es règles de libéralisation


des échanges commerciaux

63. Diversité des domaines faisant l’objet d’une libérali‑


sation. L’objectif premier des accords de libre-échange de l’Union
est d’organiser une libéralisation des échanges commerciaux dans
le domaine des marchandises (sous-section 1), des services (sous-
section 2), plus récemment des marchés publics (sous-section 3) et
du commerce électronique (sous-section 4), qui dépasse celle prévue
dans le cadre de l’OMC. Pour autant, cette ouverture des échanges
n’est pas absolue et demeure sujette à un certain nombre d’exceptions
(sous-section 5).

Sous-section 1. La libéralisation du commerce des marchandises


64. Une libéralisation reposant sur des mesures tarifaires
et non tarifaires. La libéralisation des échanges de biens et de mar-
chandises suppose tout d’abord une suppression des droits de douane
et autres réglementations commerciales restrictives sur l’essentiel des
échanges commerciaux entre l’Union européenne et son partenaire,
conformément à ce que prévoit l’article XXIV du GATT qui encadre
la possibilité pour les membres de l’OMC de conclure des accords
préférentiels dans le domaine des marchandises (§ 1). La levée des
tarifs douaniers ne suffit cependant pas à assurer la libéralisation des
échanges et se doit d’être accompagnée par une série de dispositions
de nature non tarifaire (§ 2).

§ 1. – La levée des obstacles de nature tarifaire


65. La question douanière. Les ALE ont pour objectif premier de
supprimer les droits de douane et les autres restrictions aux échanges
de biens et de marchandises (A). Les règles applicables aux contrôles
douaniers et aux règles d’origine s’inscrivent dans ce même objectif (B).

A. La suppression des droits de douane et des autres restrictions


au commerce
66. Les tarifs douaniers. La réduction des tarifs douaniers a
été réalisée de façon continue depuis l’après-guerre. Les économies
des pays développés y ont consenti dans le cadre des négociations
commerciales multilatérales successives qui se sont déroulées princi-
palement au sein du GATT. Par ailleurs, les tarifs appliqués s’avèrent,

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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en pratique, souvent bien inférieurs aux plafonds sur lesquels les


membres de l’OMC se sont engagés (6). Les droits de douane appli-
qués aux produits importés dans l’Union européenne sont ainsi en
moyenne inférieurs à 4 % de la valeur du produit (7).
Cette dernière appréciation doit être doublement nuancée. En
premier lieu, l’Union européenne, à l’instar d’autres pays développés
qui pratiquent des tarifs douaniers modérés, peut ponctuellement
maintenir des tarifs douaniers élevés (appelés « pics tarifaires »). Il
en va ainsi des tarifs applicables à l’importation de produits jugés
sensibles, particulièrement dans le domaine agricole. En second
lieu, de nombreux pays ont conservé des droits de douane éle-
vés, qui constituent encore aujourd’hui de réels obstacles au com-
merce et à l’accès au marché pour les opérateurs étrangers. Il en
va ainsi en particulier de certains pays en développement qui, bien
qu’ayant participé aux négociations commerciales internationales
dès l’époque du GATT, ont choisi de ne pas formuler de conces-
sions importantes sur le plan tarifaire, du moins de ne pas aller
aussi loin dans l’abaissement des tarifs que les grandes puissances
industrialisées (8).
67. Suppression des droits de douane. Les ALE débutent géné-
ralement, passés le préambule et quelques dispositions liminaires,
par un ensemble de règles consacrées à l’ouverture du commerce
des marchandises. Ils prévoient dans ce cadre une élimination de

(6) L’art. II du GATT de 1994 couvre la question des listes d’engagements tarifaires des
membres. Ces listes d’engagements, annexées à cet accord, sont formulées par chacun des
membres et visent une liste de produits désignés conformément à leurs nomenclatures tarifaires.
Juridiquement, ces listes ont la même valeur que les accords. Cela signifie concrètement que,
si les membres sont libres de pratiquer des tarifs douaniers inférieurs à ceux prévus dans les
listes (à condition de le faire de façon non discriminatoire), tout dépassement de ce tarif sera
contraire aux règles de l’OMC. Dans cette hypothèse, le membre s’exposera potentiellement à des
sanctions commerciales, à l’issue d’une procédure de règlement des différends, sauf à négocier
avec les autres membres des concessions commerciales équivalentes, conformément à ce que
prévoit l’art. XXVIII du GATT de 1994.
(7) La plupart des droits de douane négociés à l’OMC sont en effet basés sur un calcul ad
valorem. Plus rarement, ils peuvent être déterminés en fonction de la quantité de produits importés
(essentiellement pour les matières premières). Voy. les données de l’OMC sur les profils tarifaires
dans le monde en 2021, https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/world_tariff_profiles21_f.
htm.
(8) Les pays en développements ont souvent été qualifiés de passagers clandestins (free
riders) par les autres membres du GATT et de l’OMC. Leur choix n’a cependant rien d’illicite et
découle de la logique de non réciprocité des concessions tarifaires formulées à l’OMC. Du reste,
si les membres développés ont pu, sans trop de difficultés, se priver des ressources douanières,
il n’en va pas de même de certains pays pauvres, notamment Africains, pour lesquels les droits
de douane contribuent substantiellement au budget de l’État.

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l’essentiel des droits de douane (9). À l’instar de ce qui prévaut au titre


du GATT de 1994, les droits de douane applicables entre les parties
font l’objet de listes d’engagements annexées aux accords (10). Ces
listes prennent la forme de tableaux, dans lesquels figurent les engage-
ments tarifaires (11). Les droits de douane sont ainsi, pour l’essentiel,
supprimés conformément à ce que prévoit un calendrier échelonné
dans le temps, avec par exemple une suppression par étapes de trois,
cinq, voire dix ou vingt ans pour les produits les plus sensibles, tout
particulièrement les produits agricoles.
68. Asymétrie des calendriers de libéralisation. Chacune des
parties formulant ses propres engagements tarifaires, sans exigence
de réciprocité, il n’est pas rare que la libéralisation soit asymétrique,
en particulier lorsque l’Union a négocié l’accord avec un pays en
développement. Cette asymétrie peut se manifester du point de vue
du niveau de suppression des tarifs douaniers, qui peut demeurer
moins élevé pour le partenaire en développement mais également en
aménageant un calendrier plus souple de levée des tarifs douaniers
applicables (12).
69. Prohibition des autres restrictions aux importations
et exportations. Outre les droits de douane, les accords prohibent
également les autres formes de restrictions aux importations ou

(9) La notion de droits de douane fait généralement l’objet d’une définition large. Ainsi, l’art. 2,
§ 4, de l’ALE UE-Japon définit comme « droits de douane » « tous droits ou impositions de toute
nature, y compris les surtaxes ou impositions supplémentaires sous quelque forme que ce soit,
perçus à l’importation ou à l’occasion de l’importation de marchandises ».
(10) Il en va autrement cependant de l’ACC UE-Royaume Uni, qui se contente d’indiquer que
« [s]auf disposition contraire du présent accord, l’imposition de droits de douane est interdite
sur toutes les marchandises originaires de l’autre Partie » (art. 21 de l’accord) et ne contient pas
en annexe de liste de concessions tarifaires. Cette exception est au demeurant logique puisqu’au
départ de la négociation les droits de douane étaient inexistants entre les parties qui s’accordaient
sur la nécessité d’éviter leur réintroduction.
(11) Les règles du système harmonisé (SH) issues de la convention internationale de désigna-
tion et de codification des marchandises, signée à Bruxelles le 14 juin 1983, sont ici utilisées. Dans
ce cadre, l’Union et ses États membres ne sont liés que par une seule liste de droits applicables
et doivent sur ce point être considérés comme une seule et même partie.
(12) Ainsi, les accords Euromed – liant l’UE à l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le
Maroc et la Tunisie – ont prévu, dès leur entrée en vigueur, la suppression par l’Union européenne
de la quasi-intégralité des droits de douane couvrant les importations de produits industriels, et de
80 % de ceux appliqués aux produits agricoles. De leur côté, les pays méditerranéens ont bénéficié
de délais de transition de 12 à 15 ans. À cela s’ajoute la possibilité pour ces pays de maintenir
des droits de douane plus élevés et des quotas spécifiques en matière agricole. Dans le cadre de
l’accord UE-Vietnam, 99 % des importations en provenance du Vietnam feront l’objet de zéro droit
de douane 7 ans après l’entrée en vigueur du texte, ce délai étant de 10 ans s’agissant des mar-
chandises européennes exportées vers le Vietnam. Les parties disposent dans ce dernier cas de la
possibilité d’accélérer la réduction des tarifs douaniers par rapport au calendrier initialement prévu.

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exportations, tels que les quotas ou contingents tarifaires. Il en va ainsi


par exemple des restrictions aux exportations de matières premières.
C’est au demeurant l’un des points d’achoppement majeurs de certaines
négociations actuellement menées par l’Union européenne, comme
celles d’un ALE avec l’Indonésie qui impose depuis plusieurs années
à l’Union européenne des restrictions à l’exportation sur des matières
premières cruciales pour le devenir de l’industrie européenne (13).
En réaction, l’Union négocie avec ses partenaires conventionnels des
mécanismes d’interdiction spécifiques des restrictions aux exporta-
tions, en particulier des monopoles d’exportation (14).
70. Mesures de restriction aux importations et aux exporta‑
tions appliquées à titre temporaire. En dépit de la prohibition que
nous venons d’évoquer, le recours à des mesures de restriction des
exportations ou des importations peut, dans certaines circonstances,
répondre à une nécessité impérieuse. Cette réalité s’est d’ailleurs rappe-
lée aux Européens dans le contexte de la crise sanitaire, lorsque les États
membres ont été contraints, dans un contexte de pénuries de masques
et d’autres produits utilisés dans la lutte contre la pandémie de Covid-19
au printemps 2020, d’imposer dans l’urgence de type de mesures (15).
Les ALE de l’Union autorisent au demeurant ces restrictions à titre
exceptionnel en incorporant les règles pertinentes de l’OMC, en par-
ticulier l’article XI du GATT de 1994. Cette disposition autorise en
effet l’instauration de licences d’importation ou les restrictions aux
exportations « appliquées temporairement pour prévenir une situa-
tion critique due à une pénurie de produits alimentaires ou d’autres
produits essentiels pour la Partie contractante exportatrice, ou pour
remédier à cette situation ». Quelques jours après la mise en œuvre
des dispositions de l’accord de commerce et de coopération entre

(13) En particulier le nickel et d’autres ressources nécessaires à la fabrication de batteries


électriques. L’Union européenne a au demeurant engagé à ce sujet une procédure de règlement
des différends auprès de l’OMC (Indonésie – Mesures relatives aux matières premières, WT/
DS592, 22 novembre 2019). Voy. à ce propos la communication de la Commission, « Un approvi-
sionnement sûr et durable en matières premières critiques au service de la double transition »,
COM(2023) 165 final, 15 mars 2023.
(14) Voy. à cet égard le projet de chapitre consacré à la question des matières premières
dans l’ALE négocié avec le Chili ainsi que la proposition de texte de l’UE dans le contexte de la
négociation d’un ALE avec l’Indonésie. Nous reviendrons ci-dessous de façon spécifique sur le
développement récent de chapitres conventionnels intéressant le sujet des matières premières
(§§ 165 et s.).
(15) Règlement d’exécution (UE) 2020/568 de la Commission, 23 avril 2020, JO, L 129 du
24 avril 2020, pp. 7‑15. Voy. égal. sur cette question, J. Pauwelyn, « Export Restrictions in Times
of Pandemic : Options and Limits Under International Trade Agreements », JWT, 2020, vol. 54,
n° 5, pp. 727‑747.

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l’Union européenne et le Royaume-Uni, l’Union a ainsi, conformément


au texte de cet accord (16), décidé de mettre en place un système
d’autorisation à l’exportation applicable aux vaccins contre le Covid-19
et aux produits nécessaires à leur fabrication (17).
71. Maintien de certaines restrictions à titre permanent.
Certains contingents tarifaires sont exceptionnellement maintenus, à
titre temporaire ou définitif, en vertu de systèmes de licences d’im-
portation. Politiquement, ces dispositifs s’avèrent indispensables pour
organiser le commerce de certains produits sensibles. Il en va ainsi
des importations de viande de volaille, de viande porcine, de bœuf,
de sucre ou encore de maïs dans l’Union européenne.
72. Clause de statu quo en matière de libéralisation. Par
une clause de statu quo (stand still), très courante dans les ALE de
l’Union, les parties s’engagent à maintenir le marché au moins aussi
ouvert à l’avenir qu’au moment de la conclusion de l’accord. Les par-
ties s’engagent ainsi à ne pas augmenter leurs tarifs douaniers ou à
en introduire de nouveaux. Logiquement, la réintroduction de tarifs
douaniers via de nouveaux droits, taxes ou charges d’effet équivalent
est également prohibée (18). À la différence des règles du GATT/
OMC, les ALE de l’Union ne comportent pas de dispositions permettant
de renégocier éventuellement certains tarifs douaniers (19). Une telle
modification supposera d’en passer par une procédure d’amendement
de l’accord qui, dans certains cas, pourra être confiée aux organes
institutionnels instaurés par ce dernier (20).
73. Clause de la nation la plus favorisée. L’Union et son parte-
naire commercial peuvent avoir intérêt à ce que de futurs accords, que
l’une ou l’autre des parties négocierait avec un pays tiers, ne viennent

(16) L’art. 26 de l’ACC souligne ainsi qu’« [u]ne Partie n’adopte pas ni ne maintient d’interdic-
tion ou de restriction applicable à l’importation de toute marchandise provenant de l’autre Partie
ou à l’exportation ou la vente à l’exportation de toute marchandise à destination du territoire de
l’autre Partie, sauf si c’est conformément à l’art. XI du GATT de 1994 […] ».
(17) Voy. le règlement d’exécution (UE) 2021/111 de la Commission du 29 janvier 2021 subor-
donnant l’exportation de certains produits à la présentation d’une autorisation d’exportation, JO,
L 31I du 30 janvier 2021, pp. 1‑8.
(18) Voy. ainsi l’art. 2, § 13, de l’ALE UE-Japon ou l’art. 2, § 6, de l’ALE UE-Corée. Les ALE
reprennent aussi souvent les prescriptions de l’art. VIII du GATT de 1994, qui les obligent à faire
en sorte que toutes les redevances et impositions perçues à l’importation ou à l’exportation soient
bien limitées au montant du coût approximatif des services rendus et ne constituent pas une
mesure de protection déguisée. Voy. par ex. l’art. 2, § 16, de l’ALE UE-Japon.
(19) Voy. en ce sens l’art. XXVIII du GATT qui permet aux membres de s’accorder sur une
éventuelle modification des listes tarifaires.
(20) Voy. ci-dessous, § 176.

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rendre le commerce avec ce dernier plus avantageux. L’intégration


de cette préoccupation est d’autant plus nécessaire que les ALE sont
aujourd’hui, comme nous l’avons vu, de plus en plus nombreux. L’ALE
UE-Japon prévoit ainsi une clause de réexamen automatique des préfé-
rences « lorsqu’une Partie accorde une réduction tarifaire plus impor-
tante ou plus rapide, un contingent plus élevé ou tout autre traitement
plus favorable que celui prévu dans le présent accord à un pays tiers
sur la base d’un accord international […] qui modifie l’équilibre du mar-
ché de ces marchandises dans l’Union européenne ou au Japon » (21).
D’autres accords, notamment certains APE, poussent plus loin cette
logique en rendant automatique l’attribution du traitement de la nation
la plus favorisée. Ainsi, dans le cadre de l’accord UE-CEDEAO, la
partie européenne ou les pays africains concernés bénéficieront auto-
matiquement d’un traitement tarifaire plus favorable qui sera ultérieu-
rement accordé, par l’autre partie, à des pays tiers (22).
74. Clause du traitement national. Les ALE de l’Union incorpo-
rent au sein des dispositions relatives à la libéralisation du commerce
des marchandises une clause du traitement national qui renvoie à la
règle définie à l’article III du GATT (23). Les lois et réglementations
doivent à ce titre être appliquées de la même façon selon que seront
concernés des produits nationaux ou importés. Ce traitement non
discriminatoire s’impose également en matière d’imposition intérieure,
par exemple de taxe sur la valeur ajoutée, de façon à éviter que l’une
des parties n’ait recours à l’outil fiscal pour réintroduire indirectement
des droits de douane.

(21) Art. 2.8.4 de l’ALE UE-Japon. Cette clause est importante pour l’UE, le Japon étant
notamment impliqué dans le traité RCEP en Asie-Pacifique.
(22) Voy. ainsi le libellé de l’art. 16 de l’APE CEDEAO, UEMOA, UE et ses États membres. On
notera au demeurant que les directives de négociations des APE, renouvelées en 2019, insistent
sur ce principe de la nation la plus favorisée qui permet notamment de répondre à la concurrence
des accords préférentiels que la Chine ou d’autres pays tiers pourront négocier avec les pays
Africains. Voy. la décision (UE) 2020/13 du Conseil du 19 décembre 2019 modifiant les directives
de négociation pour des accords de partenariat économique avec les pays et régions d’Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique, préc. (pt 3.2).
(23) Voy. par ex. l’art. 2, § 3, de l’ALE UE-Singapour.

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B. L’accompagnement de l’élimination des obstacles


de nature tarifaire
1° La facilitation des contrôles douaniers
75. Maintien des procédures et contrôles douaniers.
L’élimination de l’essentiel des droits de douane ne signifie pas pour
autant une disparition des contrôles douaniers à l’égard des produits
importés depuis l’Union ou depuis le partenaire commercial. En dépit
même de l’interdiction d’introduire de nouveaux droits de douane
entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, le choix politique de
conclure un accord de libre-échange a malgré tout eu pour effet de
recréer une frontière douanière, ce qui implique la mise en œuvre de
contrôles (24).
76. Douane et facilitation des échanges commerciaux. Les
règles élaborées en matière douanière se placent dans une perspec-
tive de facilitation plutôt que de restriction des échanges. Elles ont
en commun d’être conçues afin d’éviter que les contrôles douaniers
ne compromettent le bénéfice économique qui résulte de la sup-
pression des droits de douane. Pour ce faire, les ALE contiennent
une série de dispositions relatives à la coopération douanière entre
les parties. Cette coopération repose sur les principes de propor-
tionnalité et d’efficacité des contrôles. Ainsi, les exigences et pro-
cédures en matière d’importation, d’exportation et de transit ne
sauraient être administrativement plus lourdes ou restrictives que
nécessaire. La mise en place de procédures simplifiées pour cer-
tains produits, tels que les biens périssables, est aussi régulièrement
encouragée.
77. Principes applicables aux contrôles douaniers. Les accords
se réfèrent également à un principe de transparence en matière doua-
nière en vertu duquel « [c]haque Partie publie ou rend accessibles
d’une autre manière, y compris sous forme électronique, ses lois,
règlements, décisions judiciaires et politiques administratives concer-
nant les exigences relatives à l’importation ou à l’exportation des

(24) Des contrôles à la frontière ont été rétablis, ce qui pose au demeurant le très sensible
problème de l’instauration d’une frontière douanière entre la République d’Irlande et l’Irlande du
nord. Voy. sur cette question le protocole à l’accord de retrait qui prévoit que le Royaume-Uni
devra réaliser ces contrôles en mer, afin d’éviter que ne réapparaisse une frontière physique entre
les deux Irlande, JO, C 384I du 12 novembre 2019, pp. 1‑177. L’accord de Windsor, passé en février
2023 entre la présidente de la Commission européenne et le premier ministre britannique, prévoit
notamment un assouplissement de ces contrôles.

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marchandises » (25). On retrouve aussi dans plusieurs ALE récents


de l’Union un principe de gestion des risques en vertu duquel les
parties fondent leurs procédures d’examen et de mainlevée ainsi que
leurs procédures de contrôle par audit après dédouanement sur des
évaluations globales plutôt que sur un examen minutieux de chaque
expédition (26). Il est encore fréquent qu’un droit de recours à l’en-
contre des décisions des autorités douanières devant les autorités de
tutelle ainsi que les autorités judiciaires soit reconnu au bénéfice des
opérateurs économiques des parties (27). L’indépendance des autorités
de recours de certains partenaires n’est toutefois pas toujours garantie,
ce qui peut limiter l’effectivité de la mise en œuvre des engagements
conventionnels.

2° La définition des règles d’origine


78. Importance des règles d’origine. Le bénéfice des préférences
tarifaires dépendra directement de l’origine attribuée à un produit.
Le produit non originaire de l’une des parties à l’ALE ne pourra en
effet bénéficier de tarifs préférentiels au motif qu’il a simplement
transité depuis le territoire douanier du partenaire commercial. Les
règles d’origine d’un produit font l’objet d’une définition généralement
précisée dans un protocole annexé à l’ALE. Sur le fond, cet exercice
de définition est aussi lourd d’enjeux qu’il s’avère complexe. Exiger
d’un produit qu’il soit entièrement fabriqué sur un territoire conduirait
alors à réduire considérablement la portée d’un ALE. À l’inverse, se
contenter d’une simple opération d’assemblage revient à s’exposer à
une augmentation brusque et artificielle des importations issues de
pays tiers qui pourront sans trop de difficultés profiter d’un régime
douanier avantageux.
79. Définition de l’origine. Les produits sont considérés comme
étant originaires de l’une des Parties dès lors qu’ils ont été entièrement
« obtenus » sur son territoire. C’est notamment le cas des produits
minéraux ou des marchandises agricoles. Les règles d’origine des ALE
permettent aussi aux produits « suffisamment ouvrés ou transformés »
de bénéficier de l’origine, et de la préférence tarifaire qui en découle.
Le caractère suffisant de l’ouvraison ou de la transformation fait l’objet

(25) Art. 6, § 2, du CETA, à titre d’exemple.


(26) Voy. ainsi l’art. 4, § 7, de l’ALE UE-Vietnam.
(27) Voy. ainsi et comparer l’art. 4, § 14, de l’ALE UE-Vietnam et 4, § 10, de l’ALE UE-Japon.
L’ALE avec le Japon évoque ainsi la possibilité d’un réexamen judiciaire de la décision ce qui
n’est pas le cas de celui avec le Vietnam.

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la traduction normative du libre - échange  79

de règles variables selon la nature du produit. Des annexes spécifiques


de l’accord sont souvent consacrées aux règles d’origine applicables
dans un secteur donné.
L’Union tente de reproduire dans ses différents ALE des règles
d’origine au contenu similaire, de façon à faciliter la tâche des opéra-
teurs économiques. La compréhension et l’adaptation à ces règles, dont
le contenu s’avère extrêmement technique, demeurent malgré tout une
source de difficulté pour les entreprises, en particulier les PME, et
constitue un obstacle réel aux gains supposés dériver de la suppression
des droits de douane prévue par les ALE (28). C’est d’ailleurs l’une
des raisons pour lesquelles, en dépit de l’entrée en vigueur des ALE,
les préférences tarifaires ne sont pas toujours pleinement utilisées
par des opérateurs qui jugeront parfois plus simple de s’appuyer sur
le traitement de la nation la plus favorisée défini dans les listes de
concessions des membres de l’OMC.
80. Possibilité de cumuler l’origine. La notion de produit ori-
ginaire peut apparaître en décalage avec la réalité contemporaine
du commerce mondial qui repose sur des chaînes de valeur globale
structurant la fabrication d’un bien ou d’une marchandise selon une
logique dite horizontale. La production se trouve répartie sur des
sites présents dans une pluralité de pays. L’Union européenne en
tient compte et accepte dans ses ALE de considérer comme produits
originaires de l’une des parties des marchandises incorporant des élé-
ments originaires de l’autre partie à l’accord (29). Se trouve de la
sorte encouragée l’intégration économique entre l’Union européenne et
son partenaire conventionnel, en incitant à l’incorporation d’éléments
en provenance de l’une ou l’autre des parties à l’ALE, plutôt que des
pays tiers, dans la fabrication du produit.
81. Cumul régional de l’origine. L’Union européenne admet égale-
ment un cumul régional de l’origine avec d’autres pays avec lesquels elle
a conclu un accord de libre-échange. L’Union promeut par ce biais le
commerce intra-zone et incite ses partenaires commerciaux à conclure
avec elle des accords de libre-échange, de façon à bénéficier d’un cumul
de l’origine qui stimulera les investissements. Concrètement, le protocole
sur les règles d’origine annexé à l’ALE UE-Vietnam permet de considérer

(28) Selon les chiffres de la direction générale du trésor français, le taux d’utilisation des
tarifs préférentiels moyens des entreprises françaises s’établissait à 71 % en 2020, en dessous de la
moyenne européenne de 75 % (note publiée sur le site internet de la DG Trésor le 15 février 2023).
(29) Voy. l’art. 3, § 5, de l’ALE UE-Japon.

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80 la traduction normative du libre - échange

qu’un produit sera originaire du Vietnam s’il incorpore des matières


ou des éléments produits dans un autre pays de l’ASEAN avec lequel
l’Union européenne aura conclu un accord de libre-échange (30). Cette
logique est également présente dans le système pan euro-méditerranéen
de cumul de l’origine, étant précisé que les protocoles sur les règles
d’origine des ALE entre parties de la zone pan euro-méditerranéenne
sont progressivement remplacés par une convention régionale sur les
règles d’origine préférentielles pan euro-méditerranéennes (31).

§ 2. – La levée des obstacles de nature non tarifaire


82. Nature des obstacles. Les ALE de l’Union ont pour objet
de restreindre le recours par les parties à des mesures susceptibles
de limiter le commerce de marchandises. C’est le cas des obstacles
techniques au commerce (OTC) et des mesures sanitaires et phytosa-
nitaires (SPS) (A) ainsi que des mesures de défense commerciale (B).

A. L’encadrement des obstacles techniques au commerce


et des mesures sanitaires et phytosanitaires
1° Encadrement des mesures susceptibles de constituer
un obstacle technique au commerce (OTC)
83. Variétés des règles internes concernées. Les règles internes
susceptibles d’être considérées comme des obstacles techniques au
commerce sont nombreuses et prennent la forme de normes, de régle-
mentations techniques ou encore de législations. L’Union européenne,
à l’instar de l’ensemble des membres du système commercial multila-
téral, y a recours de façon extrêmement fréquente pour des raisons de
protection des consommateurs ou de l’environnement (32). Les règles

(30) Art. 3 du protocole 1 de l’ALE UE-Vietnam. Voy. égal. la disposition similaire à l’art. 3,
§ 2, du protocole 1 de l’ALE UE-Singapour. En revanche, l’ALE UE-Japon ne prévoit pas de règle
de cumul régional.
(31) Décision du Conseil 2013/94/UE du 26 mars 2012 relative à la conclusion de la conven-
tion régionale sur les règles d’origine préférentielles pan euro-méditerranéennes, JO, L 54 du
26 février 2013, pp. 3‑158. Outre l’Union, cette convention a été ratifiée par les pays suivants : les
États de l’Association européenne de libre-échange (l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la
Suisse), les signataires de la déclaration de Barcelone (l’Algérie, l’Autorité palestinienne, l’Égypte,
Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et la Turquie), les Féroé, l’Albanie, la
Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro et la Serbie ainsi que le Kosovo, la
Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.
(32) Afin d’avoir un aperçu précis de ces normes, on pourra consulter sur le site de l’OMC
la liste des mesures OTC notifiées par chacun des membres : https://eping.wto.org/. Pour la seule
année 2022, l’Union européenne a notifié aux instances compétentes de l’OMC 83 mesures OTC.

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la traduction normative du libre - échange  81

européennes limitant ou prohibant l’utilisation de produits chimiques,


interdisant certains emballages, imposant des standards de sécurité à
l’industrie automobile ou encadrant la fabrication des produits cosmé-
tiques sont autant d’exemples de mesures relevant de cette catégorie.
Contrairement à une idée reçue, à l’instar des règles de l’OMC, les ALE
n’empêchent pas a priori l’Union de continuer à appliquer ce type
des législations internes à ses partenaires commerciaux, chacune des
parties conservant un droit de réglementer sur son territoire.
84. Dispositions conventionnelles prohibant les obstacles
techniques au commerce. Les accords de libre-échange de l’Union
européenne rappellent toutefois la nécessité de respecter les règles
de l’accord de l’OMC sur les obstacles au commerce (ci-après l’ac-
cord OTC), texte qui vient lui-même compléter le GATT de 1994.
Plusieurs ALE incorporent directement certaines des dispositions de
cet accord (33). Dans leur globalité, les dispositions conventionnelles
consacrées aux obstacles techniques au commerce ont pour objet
d’éviter que les parties n’utilisent leur pouvoir de réglementation de
façon protectionniste. Elles reposent sur une série de principes qui se
rapportent à la nécessité des réglementations, à leur adéquation ainsi
que leur caractère proportionné et non discriminatoire. L’utilisation
des standards techniques et des normes harmonisées au sein des orga-
nismes régionaux et internationaux pertinents est souvent encouragée
et permettra de présumer la légalité des mesures susceptibles de faire
obstacle au commerce (34).

2° Encadrement du recours aux mesures sanitaires


et phytosanitaires
85. Définition. Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)
peuvent être adoptées tant dans un but de protection de la santé
des personnes qu’afin d’assurer celle des animaux ou de protéger les

(33) Ainsi par ex., l’art. 7, § 3.2, de l’ALE UE Japon prévoit que « [l]es art. 2 à 9 de l’accord
OTC et les annexes 1 et 3 de l’accord OTC sont incorporés au présent accord et en font Partie
intégrante, mutatis mutandis ».
(34) Voy. sur ce pt. l’art. 7, § 6, de l’ALE UE-Japon qui considère comme normes internatio-
nales pertinentes « les normes établies par des organisations internationales telles que l’Organisation
internationale de normalisation (ISO), la Commission électrotechnique internationale (CEI), l’Union
internationale des télécommunications (UIT), la Commission du Codex Alimentarius, l’Organisation
de l’aviation civile internationale (OACI), le Forum mondial de l’harmonisation des règlements concer-
nant les véhicules (WP.29) au sein de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe
(CEE-ONU), le sous-comité d’experts du système général harmonisé de classification et d’étiquetage
des produits chimiques des Nations unies (UNSCEGHS) et le Conseil international sur l’harmoni-
sation des exigences techniques relatives aux produits pharmaceutiques à usage humain (ICH) ».

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végétaux. La notion de mesure SPS fait l’objet d’une définition détaillée


dans le cadre de l’accord éponyme annexé au GATT de 1994. Comme
pour les mesures OTC, dans une logique de libéralisation, les ALE
européens ont pour objet de réduire les effets négatifs sur le commerce
des mesures sanitaires et phytosanitaires tout en protégeant la vie ou
la santé des personnes, des animaux ou en préservant les végétaux.
86. Reprise des règles de l’OMC et dispositions innovantes.
Les obligations issues de l’accord SPS de l’OMC sont également
reprises, voire incorporées dans les ALE de l’Union. La coopération
et la transparence des mesures SPS – qui doivent être communiquées
entre les parties – sont aussi encouragées. Les accords négociés par
l’Union contiennent par ailleurs des dispositions innovantes qui ne
figurent pas dans le cadre multilatéral de l’OMC. Il en va ainsi par
exemple des règles consacrées au bien-être animal (35).

B. L’encadrement du recours aux instruments


de défense commerciale
87. Mesures de défense commerciale fondées sur les règles
de l’OMC. Les ALE autorisent les parties à recourir à des mesures
de sauvegarde, de lutte contre le dumping ou encore des mesures
dites compensatoires, destinées à lutter contre les subventions illi-
cites aux exportations. Cette éventualité est là encore autorisée par
la technique du renvoi conventionnel aux règles pertinentes de l’OMC,
à savoir l’article XIX du GATT 1994, l’article 5 de l’accord sur l’agri-
culture, l’accord sur les sauvegardes, l’article VI du GATT de 1994
et les accords sur l’antidumping et sur les subventions et mesures
compensatoires. Ces textes ont en commun d’autoriser l’imposition
de droits de douane additionnels à titre temporaire à l’encontre d’un
partenaire commercial dont les produits font l’objet d’une pratique
considérée comme déloyale, s’agissant du dumping ou des subven-
tions illicites, ou lorsque les importations en provenance de celui-ci
causent ou menacent de causer un dommage grave à la production
nationale (36).

(35) Voy. par ex. l’art. 5, § 9, de l’ALE UE-Corée ou 16, § 3, de l’ALE UE-Vietnam.
(36) L’autorisation du recours à ces mesures de défense commerciale visant les importations
originaires d’un partenaire avec lequel l’UE a conclu un ALE peut sembler surprenante. Cependant,
l’exemption des importations issues de partenaires préférentiels serait en elle-même de nature
à introduire, du point de vue des règles de l’OMC, une discrimination qui risquerait de placer
les parties à l’ALE en contradiction avec leurs engagements multilatéraux et qui serait difficile
à justifier auprès des organes de jugements de l’OMC, ces derniers n’ayant pas pour mandat

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la traduction normative du libre - échange  83

88. Mesures de sauvegarde bilatérales. Les ALE contiennent


parfois des clauses permettant l’adoption de mesures de sauvegarde
applicables uniquement entre les parties à l’accord (37). Ces disposi-
tifs sont prévus dans le cadre de la négociation afin de faciliter leur
conclusion, dans des secteurs où les effets de la libéralisation peuvent
provoquer des inquiétudes. La mise en œuvre de cette mesure est
précédée d’une enquête, à l’instar de ce que prévoit l’accord sur les
sauvegardes de l’OMC. Elle donnera normalement lieu à des compen-
sations négociées avec le partenaire (38).
89. Mesures de sauvegarde spécifiques. Les ALE de l’Union
aménagent également des clauses de sauvegarde dont le champ d’ap-
plication est circonscrit à des secteurs sensibles. Même si, en pratique,
ces dispositifs s’avèrent très rarement utilisés, il s’agit là encore d’une
façon de prévoir un filet de protection juridique qui facilitera ensuite,
à un niveau politique, le consentement à la conclusion de l’accord. On
trouve ainsi dans plusieurs textes des clauses de sauvegarde agricoles,
dont la mise en œuvre éventuelle sera encadrée par des conditions de
seuils (39). L’activation de la clause de sauvegarde peut également
être, dans certains accords, réservée à l’une des deux parties. Ainsi,
plusieurs APE ou APE intérimaires négociés avec des pays africains
contiennent une clause de sauvegarde justifiée au nom de la sécurité
alimentaire (40).

Sous-section 2. La libéralisation du commerce des services


90. La faible libéralisation du commerce des services sur le
plan multilatéral. S’inspirant des règles de l’accord de libre-échange
nord-américain (ALENA), conclu au début des années 1990, l’accord
général sur le commerce des services (AGCS) est entré en vigueur
au moment de la création de l’OMC en 1995. Cet accord encourage

d’appliquer les règles commerciales issues des ALE. Le maintien de la possibilité d’introduire des
mesures de défense commerciale entre les parties aux ALE apparaît alors comme la solution la
plus simple juridiquement.
(37) Ce type de clause, pour être fréquent, n’est cependant pas systématique. Ainsi, le CETA
ne contient pas de mécanisme de sauvegardes bilatérales.
(38) Voy. à titre d’exemple l’art. 3.1 de l’ALE UE-Corée. Cet accord précise au demeurant que
les droits de douane ne peuvent excéder le traitement tarifaire correspondant aux engagements
OMC des Parties. Plus récemment, l’accord négocié entre l’UE et le MERCOSUR a également
prévu un chapitre spécifique sur les sauvegardes bilatérales.
(39) Art. 3, § 6, de l’ALE UE-Corée, art. 29 de l’ALE UE-Pérou, Colombie, Équateur ou encore
art. 2, § 5, de l’ALE UE-Japon.
(40) Voy. par ex. l’art. 20 de l’APE UE-Ghana ou l’art. 22 de l’APE UE-CEDAO-UEMOA.

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les membres à ouvrir leurs services à la concurrence internationale.


Mais la portée de cette ouverture dépend en réalité des engagements
effectivement réalisés par les membres et qui figurent dans des listes
annexées à l’AGCS. Ces engagements sont restés limités, en raison de
la forte sensibilité de ce domaine sur le plan politique. De fait, en dépit
d’accords de libéralisation additionnels dans le secteur des services
financiers et des télécommunications, les engagements effectivement
formulés par les membres n’ont pas réellement évolué depuis 1995.
À plusieurs reprises, notamment dans le cadre du cycle de Doha, des
négociations ont été menées à l’OMC, ou encore parmi un cercle res-
treint de membres désireux de pousser la libéralisation dans un cadre
plurilatéral. Les résultats de cette démarche demeurent pour l’heure
anecdotiques (41).
91. Libéralisation par l’approche bilatérale. Dès le début des
années 2000, l’Union européenne a pris le parti d’intégrer la libéra-
lisation des services dans ses accords de libre-échange. L’article V
de l’AGCS, qui aborde la question des accords commerciaux régio-
naux, permet au demeurant aux membres de l’OMC parties à un ALE
de convenir d’une libéralisation bilatérale des services dès lors que
celle-ci couvre un nombre « substantiel » de secteurs. La libéralisation
des services est aujourd’hui prévue dans la grande majorité des ALE
de l’Union. Demeurent cependant certaines exceptions, tels que les
APE négociés avec les pays africains qui se restreignent à évoquer la
libéralisation des services comme un objectif de moyen terme (42).
92. Dispositions intéressant le commerce des services dans
les ALE de l’Union. Les ALE de l’Union ont une portée élargie. À
ce titre, les chapitres des ALE consacrés au commerce des services
abordent très souvent la question de l’établissement ou encore le
déplacement de personnes physiques en lien avec la réalisation d’une
prestation. Des secteurs particuliers – services postaux, services de
télécommunication, services financiers ou encore services de trans-
port – font aussi souvent l’objet de règles spécifiques.

(41) 67 membres de l’OMC, dont l’Union européenne, s’étant pour l’heure accordés sur un
texte visant à réduire les charges administratives excessives imposées aux fournisseurs de ser-
vices. Voy. « L’initiative conjointe sur la réglementation intérieure en matière de services », INF/
SDR/2, 26 novembre 2021.
(42) Ainsi par exemple, l’art. 106 de l’APE entre les États de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire Ouest
africaine (UEMOA), d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part contient
une clause de rendez-vous qui mentionne, entre autres, la question des services.

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la traduction normative du libre - échange  85

Les ALE couvrent chacune des dimensions de la libre prestation de


services. À titre d’exemple, l’ALE UE-Corée aborde successivement la
fourniture transfrontière de services, l’établissement, et la présence
temporaire de personnes physiques à des fins professionnelles. Cette
structuration a été reprise par les négociateurs de l’ALE UE-Singapour.
Plus récents, les accords avec le Japon et le Vietnam couvrent la libé-
ralisation des investissements, le commerce transfrontière de services
et les admissions et séjours temporaires de personnes physiques. De
façon spécifique, le CETA contient un chapitre consacré à la question
de l’investissement, complété par une série de chapitres sectoriels
couvrant les services transfrontaliers, les déplacements de personnes
physiques, les services de télécommunication, les services financiers,
les services de transport maritime ou encore les services universels. On
retrouve ainsi dans ces accords de l’Union européenne les quatre modes
de services définis au sein de l’OMC dans le cadre de l’AGCS (43).
93. Importance des listes d’engagements annexées aux ALE.
La libéralisation réalisée dans le secteur des services se mesure à
l’examen du contenu des listes d’engagements qui, à l’instar des listes
de concessions tarifaires, figurent en annexe des ALE (44). Là aussi,
la portée de ces engagements est propre à chacun des accords et, à
l’intérieur de ceux-ci, à chacune des parties : l’asymétrie est la règle et
la logique de réciprocité n’a pas lieu d’être ; seul importe en définitive
l’équilibre général des concessions trouvé par les négociateurs. Il est
en outre fréquent que la libéralisation fasse l’objet d’un échéancier, en
particulier lorsqu’elle affecte des secteurs sensibles. Les listes d’enga-
gements de la partie européenne contiennent à la fois les engagements
de l’Union et de ses États membres. Formellement, les ALE peuvent
prévoir plusieurs listes d’engagements différentes, qui couvrent, entre
autres, les prestations transfrontières, l’établissement ou encore le
déplacement de personnes en tant que prestataires de services (45).
94. Nature positive et négative des listes d’engagements.
L’ouverture des services dans le cadre d’un accord commercial peut
être réalisée de deux manières. L’une, fondée sur le principe des listes

(43) Ces quatre modes renvoient aux services transfrontières (mode 1), à la fourniture trans-
frontalière de services sur le territoire d’une partie à l’intention d’un consommateur de service
(mode 2), à l’établissement (mode 3) et enfin à la présence temporaire de personnes physiques
à des fins professionnelles (mode 4).
(44) Ces listes ont donc bien, d’un point de vue juridique, la même valeur que les accords
eux-mêmes.
(45) Voy. ainsi, entre autres, les annexes VII et s. de l’ALE UE-Pérou, Colombie, Équateur.

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86 la traduction normative du libre - échange

positives, s’est imposée à l’OMC dans le contexte de l’AGCS. En vertu


de celle-ci, seuls les secteurs faisant l’objet d’un engagement exprès
de la partie à l’accord seront en principe libéralisés, i.e. ouverte à la
concurrence internationale. L’autre méthode consiste à s’appuyer sur
des listes négatives en vertu desquelles un secteur est automatique-
ment ouvert à la concurrence sauf si la partie a jugé nécessaire de
ne pas le faire, et exprimé de façon expresse sa volonté sur ce point.
La première méthode s’avère en pratique être la moins libérale, car
elle suppose du négociateur qu’il accepte, à chaque fois, de formuler
des engagements. La seconde est en revanche bien plus propice à
l’ouverture des services : même si le négociateur prend souvent soin
d’exclure expressément un grand nombre de secteurs de la libéralisa-
tion, ou de formuler des restrictions à ladite ouverture, il est toujours
possible qu’un secteur soit, de façon consciente ou involontaire, oublié
et partant sujet à la libéralisation. Plus encore, cette démarche des
listes négatives aura pour effet de rendre automatiquement ouverts à
la concurrence des secteurs de services qui n’existaient pas au moment
de la négociation de l’accord, alors même que l’innovation s’avère
intense en ce domaine (46).
L’Union européenne a longtemps opté pour le modèle des listes
positives, hérité de l’AGCS. Tel était le cas par exemple des accords
signés avec le Mexique ou le Chili au début des années 2000, ou encore
de l’ALE UE-Corée en 2010. Cependant, l’Union européenne s’est ral-
liée au principe d’une libéralisation par listes négatives à partir du
CETA. Les textes négociés ultérieurement – ALE avec Singapour, le
Japon et le Vietnam – ont repris cette logique de listes négatives, de
même que l’accord de commerce et de coopération entre l’Union euro-
péenne et le Royaume-Uni. La libéralisation est alors de principe sauf
dans le cas où l’Union européenne, ou son partenaire, ont formulé une
réserve, liée à l’application d’une législation particulière en vigueur ou
encore à la volonté de restreindre, pour un secteur déterminé, l’appli-
cation de la règle du traitement national. Des secteurs comme celui
de l’éducation ou de la santé et des services sociaux font par exemple
l’objet de nombreuses réserves, souvent formulées au niveau des États
membres, et destinées à restreindre la portée de la libéralisation.

(46) Formellement, lorsque l’accord retiendra le principe de listes positives d’engagements,


les annexes consacrées à la libéralisation des services contiendront une colonne d’engagements
à la libéralisation qui précisera la portée de celle-ci. Une deuxième colonne décrit les éventuelles
réserves applicables à cet engagement et l’obligation affectée (accès au marché ou traitement
national). Dans le cas des listes négatives, l’accord contiendra une annexe composée uniquement
d’une liste de réserves et d’exceptions formulées par chacune des parties.

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la traduction normative du libre - échange  87

95. Portée des engagements de libéralisation. La règle du trai-


tement national s’applique aux services faisant l’objet d’un engagement
de libéralisation. Chaque partie accorde à ce titre aux fournisseurs de
services de l’autre partie un traitement non moins favorable que celui
dont bénéficient ses propres fournisseurs de services similaires. Le
traitement accordé par les autorités de l’une des parties à l’ALE devra
pour ce faire garantir des conditions de concurrence égales.
96. Certains secteurs se trouvent exclus de la libéralisa‑
tion. Les directives de négociations de l’Union européenne prévoient
systématiquement l’exclusion de certains secteurs sensibles. Il en va
ainsi par exemple des services audiovisuels (47). Les accords excluent
aussi de la libéralisation le cabotage maritime national ou encore les
services de transport aérien intérieur et international – qui font sou-
vent l’objet d’accords spécifiques dits « open sky ». À cela s’ajoute,
en matière d’établissement, l’exclusion des industries extractives ou
encore de la fabrication et du commerce des armes, munitions et
matériels de guerre. Ces exclusions se situent non pas au niveau des
annexes et des listes d’engagements mais dans le texte de l’accord
lui-même.
97. Présence temporaire de personnes physiques à des fins
professionnelles. La prestation d’un service va impliquer dans cer-
tains cas le déplacement de personnes physiques. Cette hypothèse,
qui renvoie dans le cadre du marché intérieur au travail détaché,
est couverte par le mode 4 de libéralisation des services à l’OMC.
Mais les engagements formulés par les membres demeurent en ces
domaines assez rares. Les ALE de l’Union évoquent cette hypothèse
à deux égards. En premier lieu, s’agissant des personnels clés d’une
entreprise qui effectue un investissement ou s’établit sur le territoire
d’une des parties à l’accord, les ALE de l’Union reconnaissent généra-
lement un droit de déplacement à titre temporaire. Il s’agit là de tirer
les conséquences des engagements à la libéralisation formulés par les
parties (48). En second lieu, les ALE envisagent la situation des four-
nisseurs de services contractuels et professionnels indépendants. Sans

(47) Voy. ainsi le pt 21 des directives de négociation du traité de libre-échange avec les
États-Unis, préc.
(48) L’ALE UE-Corée précise ainsi que « [p]our chaque secteur libéralisé […], chaque Partie
permet aux investisseurs de l’autre Partie de transférer dans leurs établissements des personnes
physiques de cette autre Partie, pour autant que ces employés fassent partie du personnel clé ».
Relèvent notamment de cette catégorie de « personnels clé » les cadres supérieurs de l’entreprise
qui exercent des fonctions de direction, de supervision ou encore de recrutement. Le droit au
séjour s’élèvera alors à 90 jours en cas de déplacement d’affaires et peut aller jusqu’à trois ans

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88 la traduction normative du libre - échange

surprise, les engagements apparaissent alors beaucoup plus timides,


ce qui s’explique par le fait que ce type de libéralisation conduit en
pratique à permettre à des personnes physiques de pays tiers d’être en
concurrence directe avec des entreprises ou des travailleurs indépen-
dants locaux. Les ALE de l’Union se contentent alors le plus souvent
en ce domaine de simples clauses de rendez-vous (49).

Sous-section 3. L’ouverture des marchés publics


98. On retrouve la tension entre ouverture et restriction
concernant l’accès à la commande publique. Les pouvoirs publics
peuvent notamment juger nécessaire de restreindre l’accès à la com-
mande publique pour des raisons de politique industrielle, la stimu-
lation de l’innovation et les soutiens aux PME nécessitant parfois de
réserver certains marchés nationaux. Des raisons sociales et environ-
nementales peuvent aussi justifier de limiter l’accès de la commande
publique à des entreprises étrangères. À l’inverse, la volonté d’opti-
misation de l’utilisation des données publiques, la nécessité de lutter
contre la corruption et, plus largement, les vertus réelles ou suppo-
sées de l’ouverture des échanges peuvent justifier d’ouvrir l’accès à
la commande publique.
À l’intérieur de l’Union européenne, la logique d’ouverture s’est
aujourd’hui imposée, du moins dans le cadre du marché intérieur. Les
règles de marchés publics applicables au sein des États membres s’ap-
pliquent en effet dans le contexte des contraintes issues des règles de
droit dérivé, en particulier la directive de 2014 sur la passation des mar-
chés publics, complétée par une série de législations sectorielles (50).

pour les personnes transférées temporairement par leurs sociétés (art. 7, § 17, et 7, § 18, de l’ALE
UE-Corée). On retrouve des durées comparables dans plusieurs autres accords négociés par l’UE
(ALE UE-Vietnam, UE-Singapour, UE-Japon ou CETA).
(49) Voy. ainsi l’art. 7, § 20, de l’ALE UE-Corée et 8, § 17, de l’ALE UE-Vietnam. L’ACC
UE-Royaume-Uni contient lui aussi un chapitre dédié à la question de l’entrée et du séjour tem-
poraire des personnes physiques à des fins professionnelles. Au titre des dispositions générales
applicables en matière de service et d’investissement, le fait de réglementer le séjour ou d’exiger
un visa – notamment un visa d’affaires – ne peut être considéré comme annulant ou compro-
mettant les avantages tirés de la libéralisation des services. Bien que, en vertu de l’accord de
retrait, les règles concernant le séjour des ressortissants britanniques et européens continueront
de s’appliquer pour les personnes qui bénéficiaient jusqu’à celui-ci de cette liberté au titre du
marché intérieur, ce chapitre montre qu’à l’avenir le droit au séjour sera davantage rattaché à
l’exercice d’une activité professionnelle en lien avec un service libéralisé et de toute évidence
accordé pour une période temporaire.
(50) Voy. la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur
la passation des marchés publics (JO, L 94 du 28 mars 2014, pp. 65‑242) et les autres législations
sectorielles (eau, énergie, transports et services postaux [directive 2014/25/UE, JO, L 94 du 28 mars

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Ces règles prennent aussi en considération les obligations issues des


accords de l’OMC et des autres accords commerciaux négociés par
l’Union (51).
99. Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC. Les
principales règles multilatérales intéressant la question des marchés
publics se trouvent dans l’accord sur les marchés publics (AMP), dont
le texte, annexé à l’accord instituant l’OMC, a fait l’objet d’une révi-
sion en 2012. Cet accord reprend aux textes du GATT de 1994 et de
l’AGCS la logique de non-discrimination, en transposant les règles du
traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée à
la question des marchés publics. L’AMP repose aussi sur des listes
d’engagements positives, formulées par les parties à cet accord, qui
délimitent les secteurs et les seuils de commande publique qui feront
l’objet d’une ouverture à la concurrence internationale. Toutefois, à
la différence de la plupart des accords de l’OMC, l’AMP est un accord
plurilatéral. Actuellement, seuls 48 des 164 membres de l’OMC sont
parties à cet accord, parmi lesquels l’Union européenne et ses 27 États
membres, le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis et le Japon. Tel
n’est pas le cas en revanche de la Chine et de nombreux pays émer-
gents, dont la Russie, le Brésil, la Turquie, l’Inde et la plupart des pays
en développement.
100. Objectifs conventionnels de l’Union européenne. L’Union
européenne cherche à obtenir de la part des pays tiers une plus grande
ouverture de leurs marchés publics à ses entreprises. Jugeant ses
propres marchés largement ouverts à la concurrence internationale,
elle déplore en effet une absence d’engagements réciproques de la part
des autres membres de l’OMC. Il en va ainsi tout d’abord des nombreux
pays qui ne sont pas membres de l’AMP. Mais c’est aussi le cas, à ses
yeux, d’autres États pourtant parties à l’AMP, comme le Japon, le
Canada et les États-Unis. La Commission affirme ainsi que les marchés
publics de l’Union européenne ouverts à la concurrence internatio-
nale représentent un montant de 2400 milliards d’euros annuels. Les
marchés publics mondiaux, dont le montant s’élève à 8000 milliards
d’euros annuels, seraient pour la moitié d’entre eux inaccessibles aux
entreprises européennes, qui n’accéderaient en pratique qu’à un mon-
tant estimé à 10 milliards d’euros. Le cas de la Chine, qui n’est liée par

2014, pp. 243‑374] ou dans les domaines de la défense et de la sécurité [directive 2009/81/CE du
Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, JO, L 216 du 20 août 2009, pp. 76‑136]).
(51) Voy. ainsi le consid. 17 de la directive 2014/25, préc.

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aucun engagement multilatéral en matière de marchés publics et où


la plupart des appels d’offres sont captés par des entreprises d’États,
apparaît particulièrement problématique à ses yeux, d’autant que des
entreprises chinoises ont, ces dernières années, obtenu en parallèle
d’importants marchés européens (52).
L’amélioration de l’accès aux marchés publics pour les entreprises
européennes peut passer par trois principaux leviers. Sur le plan mul-
tilatéral, l’Union peut tenter d’inciter ses partenaires commerciaux à
renforcer la portée de leurs engagements s’ils sont déjà parties à l’AMP,
ou encore à ratifier cet accord pour les autres, ce qui aura aussi pour
conséquence que lesdits pays auront alors un droit à accéder aux
marchés publics couverts par les engagements de l’Union. Pour le
moment, ce volet multilatéral semble toutefois bloqué, les membres de
l’OMC étant réticents à convenir d’une libéralisation additionnelle en
ce domaine. Le recours à des législations et des mesures unilatérales
constitue une deuxième façon d’obtenir, ou du moins d’encourager
plus d’ouverture de la part des pays tiers. L’Union espère ainsi, au
titre d’un récent instrument adopté en ce domaine, introduire plus
de réciprocité dans l’accès aux marchés publics européens, dans la
limite de ses engagements formulés au titre de l’AMP (53). La dernière
possibilité d’obtenir des partenaires de l’Union une ouverture accrue
de la commande publique résulte de la voie bilatérale, réalisée dans
le cadre des négociations d’ALE.
101. Des chapitres conventionnels destinés à accroître l’ou‑
verture des marchés publics. Ces dernières années, l’Union euro-
péenne a négocié des chapitres consacrés aux marchés publics dans
ses ALE avec des États parties et non parties à l’AMP de l’OMC (54).
Les dispositions des accords négociés par l’Union s’inspirent toutefois
assez fortement de celles de cet accord plurilatéral. Ils en reprennent la
structure et les principaux éléments de définition. Les marchés publics
sont ici présentés comme des acquisitions de biens, de services ou des

(52) Voy. not. Commission européenne, « Orientations sur la participation des soumission-
naires et des produits de pays tiers aux marchés publics de l’UE », C(2019) 5494 final, 24 juillet
2019.
(53) Règlement (UE) n° 2022/31 du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2022 concer-
nant l’accès des opérateurs économiques, des biens et des services des pays tiers aux marchés
publics et aux concessions de l’Union (Instrument relatif aux marchés publics internationaux
– IMPI), JO, L 173 du 30 juin 2022, p. 1.
(54) Parmi les pays ayant accepté cette ouverture de leurs marchés publics au plan bilatéral
on citera l’Arménie, le Canada, le Chili, la République de Corée, la Géorgie, le Mexique, les pays
du MERCOSUR (accord en projet), la Moldavie, Singapour, l’Ukraine, le Vietnam, les pays de la
Communauté Andine et du marché commun d’Amérique centrale.

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la traduction normative du libre - échange  91

deux à la fois, y compris de travaux effectués par des entités publiques


des parties à des fins publiques (55). Un critère organique (l’entité
publique) se cumule avec un critère finaliste (la finalité publique). Les
modalités de passation de ces marchés sont en revanche appréhen-
dées largement, les marchés publics pouvant être passés par « tout
moyen contractuel », y compris l’achat, la location-vente, le bail ou la
location, avec ou sans option d’achat, des contrats de construction-
exploitation-transfert et des contrats de concession de travaux publics.
Pour le reste, les ALE de l’Union, en particulier les plus récents (ALE
UE-Pérou, Colombie, Équateur, CETA ou encore ALE UE-Vietnam)
contiennent de nombreuses définitions qui intéressent les appels
d’offres (ouverts ou limités), les entités contractantes, les fournisseurs
ou encore les enchères électroniques.
102. Une portée variable des engagements formulés. Outre les
éléments liés à la définition et aux modalités de passation des marchés
publics, la portée effective des engagements d’ouverture des marchés
publics à la concurrence prévue au titre des ALE de l’Union dépend des
listes d’engagements de chacune des parties, qui figurent en annexe de
ces accords. Leur contenu diffère selon les partenaires concernées. Il
n’existe pas, là non plus, de logique de réciprocité dans l’ouverture, ce
qui signifie que l’Union peut consentir à une ouverture de ses marchés
publics plus grande que son partenaire, ou inversement.
Les annexes prévoient tout d’abord des seuils au-delà desquels les
marchés de biens et de services doivent être ouverts aux entreprises
de l’autre partie, avec une valeur de référence calculée en droits de
tirage spéciaux (DTS) utilisés au sein du Fonds monétaire international
(FMI). Chacune des parties indique en outre la liste des administrations
centrales, régionales et locales concernées par l’ouverture (56). Dès
lors qu’un secteur fait l’objet d’un engagement au titre de l’accord, les
pouvoirs publics se doivent d’accorder aux soumissionnaires de l’autre
partie qui répond à l’appel d’offres un traitement non moins favo-
rable que celui dont bénéficient les nationaux (57). Ces obligations
ne signifient pas pour autant que les entités adjudicatrices ne peuvent

(55) Voy. par ex. l’art. 138 de l’accord d’association UE-Chili.


(56) S’agissant de l’UE, chaque État membre listera les entités publiques concernées.
(57) Soulignons également que, dans le cadre de l’ACC UE-Royaume-Uni, par-delà les listes
d’engagements, est prévue une règle de traitement national au bénéfice des fournisseurs déjà établis
localement. Il s’agit là encore de maintenir un droit économique antérieur au Brexit, hérité de la
liberté d’établissement, et que l’on ne retrouve pas dans les autres ALE de l’Union. Voy. l’art. 288
de l’ACC.

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tenir compte, au moment d’attribuer le marché, de considérations qui


dépassent le seul coût proposé dans le processus de sélection. Ainsi,
l’accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni prévoit que
les soumissionnaires des parties peuvent insérer des considérations
environnementales, sociales et d’emploi tout au long de la procédure
de passation des marchés (58).
103. Autres engagements conventionnels dans le domaine
des marchés publics. Les chapitres des ALE de l’Union consacrés
aux marchés publics contiennent une série de principes de passation
des marchés, complétés par des règles concernant la formulation
des appels d’offres, le cahier des charges ou encore les systèmes
d’enchères électroniques. Ces ALE participent de ce fait à un rap-
prochement des procédures administratives applicables avec les
standards déjà en vigueur dans l’Union européenne. Les ALE de
l’Union prévoient aussi une obligation de publier dans les moindres
délais toutes les lois, réglementations, décisions judiciaires, décisions
administratives d’application générale, clauses contractuelles types
prescrites par la loi ou la réglementation et incorporées par réfé-
rence dans les avis ou la documentation relative à l’appel d’offres.
Des obligations précises sont également indiquées concernant les
avis détaillés, qui traduisent là aussi un souci de transparence des
procédures applicables.
Ces chapitres conventionnels s’inscrivent en définitive dans une
logique d’expansion de l’AMP de l’OMC et des obligations qu’il contient,
en particulier concernant les partenaires commerciaux de l’Union
européenne non parties à cet accord plurilatéral. Pour les autres, il
s’agit à la fois d’une reprise et d’un dépassement des engagements et
obligations convenus au plan multilatéral.

Sous-section 4. Le commerce électronique


104. Nécessaire prise en considération du commerce élec‑
tronique dans les ALE. La question du commerce électronique est
apparue récemment dans les ALE de l’Union européenne. Elle s’est
progressivement imposée sous l’influence des ALE étatsuniens et,
plus fondamentalement, à raison de l’importance prise par le com-
merce électronique dans l’économie mondiale, laquelle s’est encore
accrue dans le contexte de la crise sanitaire. S’y ajoute pour l’Union

(58) Art. 285 de l’ACC.

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la nécessité de garantir que sa législation interne concernant la pro-


tection des données personnelles ne soit pas remise en question du
fait des engagements de libéralisation figurant dans ses ALE (59).
Malgré cela, le droit du commerce international peine encore à bien
cerner le phénomène du commerce en ligne et plus largement à inté-
grer la problématique du numérique. Les règles existantes sont pour
l’heure morcelées et parcellaires, l’unilatéralisme et le bilatéralisme
ayant en l’espèce précédé le multilatéralisme. La capacité de l’Union
à en inspirer le développement conformément à ses intérêts constitue
aujourd’hui un enjeu de tout premier plan.
105. Définition du commerce électronique. Il n’existe pas de
définition internationale du commerce électronique (ou numérique)
faisant autorité. On définira ici le commerce électronique comme
le commerce de biens ou de services réalisé « en ligne » par des
voies électroniques (notamment le commerce en ligne de produits
et de services). Des contrats internationaux qui conditionnent les
échanges mondiaux de marchandises sont réalisés par ces moyens
(par exemple les signatures électroniques de commandes de produits
agricoles). La conception, le fret, ou encore la logistique qui sous-
tendent l’échange de marchandises, dépendent également aujourd’hui
de procédés électroniques. L’achat d’un produit sur un site internet
étranger, d’un jeu vidéo sous forme numérique, le visionnage d’un
film en streaming par l’intermédiaire d’une plateforme sont également
concernés. La question du commerce numérique peut être appréhen-
dée de façon sensiblement plus large en y incluant la problématique
du transfert de données. À l’ère du « capitalisme numérique », aussi
décrit comme un « capitalisme de surveillance » (60), l’accès à la don-
née et sa liberté de circulation emportent des enjeux économiques,
technologiques, sécuritaires et politiques de tout premier plan. On
retrouve ici du reste la problématique traditionnelle et déjà mention-
née de la tension entre liberté de circulation et protectionnisme, en
l’occurrence le protectionnisme de la donnée, étant toutefois précisé
que, d’un point de vue technique, la mise en place de barrières aux
échanges par les autorités publiques s’avère en pratique assez délicate
et ­souvent théorique.

(59) Voy. M. Burri, « The Governance of Data and Data Flows in Trade Agreements : The
Pitfalls of Legal Adaptation », UC Davis Law Review, 2017, vol. 51, p. 65 ; S. Yakovleva, « Should
Fundamental Rights to Privacy and Data Protection Be a Part of the EU’s International Trade
‘Deals’? », World Trade Review, 2018, vol. 17, p. 477.
(60) S. Zuboff, L’Âge du capitalisme de surveillance, Veules-les-Roses, Zulma, 2020.

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106. Une position européenne concernant le transfert de


données influencée par la logique de protection des données
personnelles. Si l’Union européenne a jusqu’à présent soutenu le
développement du commerce en ligne, elle éprouve plus de difficulté
à admettre sans restriction le libre transfert de données, en particulier
lorsque ces données ont un caractère personnel. L’Union, dont la légis-
lation s’est appuyée sur celle de ses États membres, a d’abord décidé
d’encadrer et, dans certains cas, de limiter le transfert de données
personnelles en adoptant la directive 95/46/CE relative à la protection
des personnes physiques à l’égard du traitement des données à carac-
tère personnel et à la libre circulation de ces données (61).
Ce texte a été remplacé en 2016 par le fameux règlement relatif
à la protection des données personnelles (RGPD) (62). Ce dernier
impose un certain nombre de conditions au transfert et à l’utilisation
de données à caractère personnel aux acteurs publics et privés, desti-
nées à protéger les utilisateurs. Le RGPD a d’abord vocation à être mis
en œuvre sur le territoire de l’Union européenne. Il n’en demeure pas
moins que son effectivité suppose qu’il puisse s’appliquer à des entre-
prises étrangères opérant sur le territoire de l’Union, ce qui lui confère
naturellement un effet extraterritorial (63). Le RGPD aménage en
outre des règles dont l’objet est d’assurer que le transfert de données
vers des pays tiers s’effectue selon un niveau de protection équivalent
à celui qui existe dans l’Union européenne (64). Du point de vue du
droit international, et plus particulièrement du droit international des
échanges, le RGPD constitue un acte unilatéral de l’Union susceptible
d’affecter le libre transfert de données. Reste à savoir si cette logique
unilatérale est à même de s’articuler avec les règles internationales.
107. La faible prise en compte de la question du commerce
numérique dans le cadre des règles de l’OMC. Négociés au
e
xx siècle, les accords de l’OMC ne se sont pas intéressés à la ques-
tion du E-commerce, encore moins à celle du transfert de données.

(61) JO, L 281 du 23 novembre 1995, pp. 31‑50.


(62) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à
la protection des données personnelles, JO, L 119 du 4 mai 2016, pp. 1‑88. Voy. not. A. Bensamoun
et B. Bertrand, Le Règlement général sur la protection des données personnelles – Aspects
institutionnels et matériels, Paris, LGDJ, 2020.
(63) Voy. sur ce point l’art. 3 du RGPD et plus largement A. Hervé et C. Rapoport (dir.),
L’Union européenne et l’extraterritorialité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2023, spéc.
pp. 289‑343.
(64) Voy. les art. 44 et s. du RGPD. Ce transfert pourra être réalisé si la Commission l’autorise
au moyen d’une décision d’adéquation prise en vertu de l’art. 45 de ce règlement.

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Certaines des règles du GATT/OMC sont certes susceptibles de cou-


vrir la question du commerce électronique. Il en va ainsi des règles
tarifaires et douanières et des principes de non-discrimination hérités
du GATT. De même, comme a pu le démontrer Neha Mishra, certains
engagements formulés au titre de l’AGCS peuvent aussi avoir une inci-
dence sur le droit des membres à décider d’une éventuelle restriction
du transfert de données (65). Il en va ainsi de l’Union européenne
qui a formulé des engagements multilatéraux dans le domaine des
procédures de traitement des données, dans les services de base de
données et d’autres services informatiques. Soulignons également que
près de 80 membres de l’OMC, dont l’Union européenne, la Chine, les
États-Unis et le Japon tentent depuis plusieurs années de négocier un
accord plurilatéral sur le commerce électronique (66).
108. L’affirmation progressive d’un modèle européen dans
le domaine du commerce numérique. Depuis une dizaine d’an-
nées, l’Union européenne a négocié des dispositions de plus en plus
ambitieuses en matière de commerce numérique dans ses accords de
libre-échange. La première mention du commerce électronique dans
un ALE de l’Union remonte à l’accord d’association de 2002 avec le
Chili, qui se limitait cependant à énoncer la nécessité de coopérer en
cette matière (67). Signé en 2008, l’accord de partenariat économique
négocié avec les pays du Cariforum précise davantage le contenu de
cette coopération (68) et aborde pour la première fois, dans un cha-
pitre dédié, la protection des données personnelles sans aller toute-
fois jusqu’à évoquer une éventuelle prohibition du transfert de ces
données (69).
Le CETA signé fin 2016 témoigne de l’intérêt grandissant porté à
cette question, à travers un chapitre consacré à la seule question du
commerce électronique (70). La mise en place de nouveaux droits de
douane, de redevances ou d’impositions sur les livraisons transmises

(65) N. Mishra, « Building Bridges : International Trade Law, Internet Governance, and the
Regulation of Data Flows », Vanderbilt Journal of Transnational Law, 2019, vol. 52, pp. 463‑509.
(66) L’UE a ainsi déposé une première offre de négociation à ce sujet le 26 avril 2019 (INF/
ECOM/22), de même que les États-Unis (INF/ECOM/23) et la Chine (INF/ECOM/19). Mais, à l’ana-
lyse du contenu des offres déposées, les positions de ces trois acteurs semblent difficilement
conciliables.
(67) Art. 104 de l’accord d’association UE-Chili.
(68) Art. 120 de l’APE UE-Cariforum. L’accord invite les parties à développer leur coopération
réglementaire, notamment la reconnaissance des certificats de signature électronique.
(69) Art. 197‑201 de l’APE UE-Cariforum.
(70) Voy. le chap. 16 du CETA.

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par voie électronique se trouvent ainsi interdits (71). Le CETA, dont on


rappellera qu’il a été négocié avant l’adoption du RGPD, promeut éga-
lement certaines formes de transfert de données – tels que le transfert
d’informations en matière financière – sans aller jusqu’à consacrer une
règle générale de libre transfert des données. Du reste, « la protection
de la vie privée des personnes pour ce qui est du traitement et de la
dissémination de données à caractère personnel, ainsi que la protection
du caractère confidentiel des dossiers et comptes personnels » pourront
justifier de faire obstacle au commerce de biens et de services dans le
contexte de la clause d’exception générale prévue par cet accord (72).
109. Adoption d’un modèle européen de chapitre conven‑
tionnel dans le domaine du commerce numérique. Peu après la
mise en application du RGPD au printemps 2018 et dans le contexte
des négociations multilatérales de l’OMC, la Commission a élaboré un
modèle de chapitre destiné à être proposé aux partenaires de l’Union
dans les futures négociations d’ALE (73). Ce texte est le résultat d’un
compromis entre les partisans du libéralisme et ceux qui insistent
sur la nécessité de protéger les données personnelles des utilisateurs
européens. Ainsi, il reprend l’idée de la suppression de toute mesure
douanière ou tarifaire susceptible de restreindre le commerce en ligne
et consacre, de façon explicite, l’idée d’un libre transfert des don-
nées. Mais le texte de la Commission défend aussi le droit de protéger
les données personnelles conformément à la logique défendue dans
le RGPD de façon à prémunir l’Union de toute contestation de son
règlement dans le cadre des ALE, en particulier au titre de la procé-
dure de règlement des différends que ces derniers aménagent (74).
Ce document intègre par ailleurs des règles relatives à la protection
du code source des logiciels qui tendent à éviter un transfert forcé
de celui-ci (75). Cette idée est reprise dans le modèle européen de
chapitre sur le transfert de données.

(71) Cette prohibition n’empêche toutefois pas la perception ultérieure de taxes ou de rede-
vances sur ces produits (art. 16, § 3).
(72) Art. 28, § 3, du CETA.
(73) EU proposal for provisions on Cross-border data flows and protection of personal
data and privacy, juillet 2018. Ce document n’est plus disponible en ligne. Toutefois, les propo-
sitions formulées par la Commission en matière de commerce numérique dans le contexte des
ALE négociés avec la Nouvelle Zélande et l’Australie, en 2018, et publiés sur le site de la DG
commerce, le reprennent mot pour mot.
(74) Voy. ci-dessous, §§ 216 et s.
(75) On retrouvera cette idée dans certains ALE conclus par l’Union. L’art. 8, § 73, de l’ALE
UE-Japon prévoit à cet égard que « [u]ne Partie ne peut exiger le transfert du code source, ou
l’accès à celui-ci, d’un logiciel appartenant à une personne de l’autre Partie ».

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110. Influence du modèle sur les accords négociés par l’Union.


Le modèle proposé par l’Union européenne n’a eu pour l’heure qu’une
influence limitée sur les ALE signés par l’Union. Les accords conclus
avec le Japon et le Vietnam ne contiennent pas de chapitres spécifiques
concernant le commerce numérique, de même que le projet d’accord
avec le MERCOSUR. Avec ces partenaires, le sujet du transfert de
données a plutôt été abordé dans le contexte de décisions d’adéqua-
tion adoptées sur le fondement du RGPD (76) tandis que les textes
des ALE se sont cantonnés à prohiber l’imposition de nouveaux droits
de douane concernant les marchandises échangées via le commerce
en ligne. De même, le chapitre sur le commerce numérique du projet
d’accord avec le Mexique consacre simplement l’interdiction des droits
de douane nouveaux et la protection des codes sources et se limite,
sur le sujet du transfert des données, à une simple clause de rendez-
vous, ce qui n’est guère surprenant compte tenu de la proximité de
ce pays avec les États-Unis.
111. Le modèle conventionnel élaboré par l’Union européenne
a davantage inspiré le contenu de l’accord de commerce et
de coopération conclu avec le Royaume-Uni. L’ACC intègre ainsi
un titre spécifiquement consacré à la question du commerce numé-
rique (77). Ce titre s’applique au commerce réalisé par des moyens
électroniques, à l’exception toutefois des services audiovisuels. Son
objectif est « de faciliter le commerce numérique, de lever les bar-
rières injustifiées aux échanges internationaux réalisés par voie élec-
tronique et de garantir l’environnement en ligne ouvert, sûr et digne de
confiance pour les entreprises et les consommateurs » (78). Le texte
comprend nombre de dispositions destinées à faciliter le commerce
par voies électronique et numérique (absence de droit de douane sur
les transactions électroniques, absence d’autorisation préalable pour
la fourniture de services électroniques, facilitation de la conclusion de
contrats par voie électronique, protection des codes sources et accès
aux données publiques). L’accord de commerce et de coopération
s’inspire aussi du modèle européen pour ce qui est du transfert de
données personnelles, interdisant ainsi les exigences de localisation
de données tout en assurant la prééminence des règles internes en
matière de protection des données personnelles et de la vie privée sur

(76) Voy. concernant le Japon la décision d’exécution (UE) 2019/419 de la Commission du


23 janvier 2019, JO, L 76 du 19 mars 2019, pp. 1‑58.
(77) Titre III de la partie 2 de l’accord.
(78) Art. 196 de l’accord.

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celle du libre transfert (79). Le chapitre 12 du projet d’ALE négocié


entre l’Union européenne et la Nouvelle Zélande est largement simi-
laire (80).

Sous-section 5. Les exceptions à la libéralisation


112. Nature variable des exceptions à la libéralisation des
échanges. Les ALE de l’Union intègrent un certain nombre d’excep-
tions au libre-échange. Peuvent être distinguées des exceptions à
caractère général (§ 1) des exceptions spécifiques qui reflètent des pré-
occupations particulières et sectorielles des parties (§ 2). Ces excep-
tions se rattachent également au maintien d’un droit de réglementer
y compris sur des questions se rapportant au commerce international.
D’abord présent de façon implicite, ce droit est désormais rappelé
explicitement (§ 3).

§ 1. – Les exceptions générales


113. Origine des exceptions. Les rédacteurs des traités com-
merciaux ont de manière ancienne pris soin d’insérer des clauses
d’exceptions à la logique de libre marché. En 1947, l’accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce, dont le libellé s’inspirait lui-même
de traités commerciaux plus anciens, prévoyait en son article XX
une clause d’exception générale autorisant les parties contractantes à
adopter ou maintenir des mesures contraires aux règles de cet accord
pour des motifs de protection de la moralité publique, de la santé des
personnes et des animaux ou encore se rapportant à la protection
des ressources naturelles épuisables. Les autres accords négociés
pendant le cycle d’Uruguay comportent également des exceptions
qui s’inspirent de celles prévues à l’article XX du GATT de 1947,
devenu le GATT de 1994. Dans le contexte de l’OMC, et compte

(79) Voy. les art. 201 et 202 de l’ACC. En parallèle à la négociation de ce texte, l’UE et
le Royaume-Uni ont discuté de la possibilité pour l’UE d’adopter, conformément au RGPD,
une décision d’adéquation permettant de faciliter le transfert de données vers le Royaume
Uni, finalement adoptée en juillet 2021. Les règles britanniques en matière de protection des
données ont ainsi été jugées équivalentes à celles de l’Union européenne (C(2021) 4800 final,
décision d’adéquation de la Commission européenne prise sur la base de l’art. 45, § 3, du
RGPD, 28 juin 2016).
(80) La Nouvelle-Zélande avait quant à elle fait l’objet d’une décision d’adéquation au titre
de la directive qui précédait le RGPD. Voy. décision d’exécution 2013/65/UE de la Commission du
19 décembre 2012 constatant le niveau de protection adéquat des données à caractère personnel
assuré par la Nouvelle-Zélande (notifiée sous le numéro C(2012) 9557), JO, L 28 du 30 janvier
2013, pp. 12‑14.

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la traduction normative du libre - échange  99

tenu des nouveaux objectifs de cette organisation (81) les organes


de jugement de l’organisation ont apprécié de façon dynamique et
évolutive la portée de ces exceptions, en veillant toutefois à ce que
les membres de l’OMC n’y aient pas recours de façon discriminatoire
ou arbitraire (82).
114. Techniques de formulation des exceptions dans les
ALE de l’Union. Les ALE de l’Union européenne se sont appuyés
sur cet acquis des règles multilatérales en matière d’exception.
L’introduction de ces exceptions peut procéder de méthodes variées.
Les ALE peuvent ainsi tout d’abord avoir recours à la technique de
l’incorporation qui consiste, comme nous l’avons vu dans d’autres
hypothèses, à se référer directement aux règles pertinentes du
GATT/OMC, notamment à l’article XX du GATT de 1994 ou à l’ar-
ticle XIV de l’AGCS (83). Dans d’autres cas, le libellé des exceptions
figurant dans les accords de l’OMC en matière de services ou de
marchés publics est quasiment repris à la lettre par les négocia-
teurs (84). Ces deux méthodes permettent de mobiliser les règles
et des principes déjà bien connus des parties ce qui contribue à
l’objectif de prévisibilité de la règle de droit et de son application et,
plus largement, participe à la sécurité juridique. Du reste, ces règles
sont rédigées avec suffisamment de souplesse pour permettre à leurs
interprètes de ne pas être trop liés par la jurisprudence développée
dans le cadre de l’OMC, même si cette dernière fera tout de même
office de source d’inspiration.
Les accords insèrent dans certains cas des clauses d’exceptions
transversales. Le CETA contient ainsi un chapitre entier, placé à la
fin du texte, consacré à la question des exceptions, qui s’applique à
l’ensemble de l’accord (85). Plus fréquemment, les ALE contiennent
des clauses adaptées à chaque domaine couvert par la libéralisation.

(81) En particulier l’objectif de développement durable figurant dans le préambule de l’accord


instituant l’OMC.
(82) Voy. par ex. le rapport de l’Organe d’appel dans l’affaire Brésil – Pneus réchappés, WT/
D332/AB/R, 3 décembre 2007.
(83) Ainsi l’ALE UE-Japon mentionne directement l’art. XX du GATT et le rend applicable à
l’ensemble des dispositions de l’accord qui se rapportent à la libéralisation des marchandises. Il
en va de même de l’art. 412, § 1, de l’ACC UE-Royaume Uni.
(84) Il en va ainsi de l’art. 7, § 50, de l’ALE UE-Corée, qui reprend quasiment mot pour mot
le texte de l’art. XIV de l’AGCS dans le chapitre consacré aux services, à l’établissement et au
commerce électronique.
(85) Voy. le chap. 28 du CETA. Il faut toutefois préciser que le texte contient également des
exceptions sectorielles, notamment dans le cadre des chapitres se rapportant aux marchés publics
et à la propriété intellectuelle. Voy. égal. l’art. 412 de l’ACC UE-Royaume-Uni.

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115. Mise en œuvre des exceptions générales. Les excep-


tions générales, telles qu’elles sont reprises dans les ALE de l’Union,
reposent sur une logique identique à celle de l’article XX du GATT. Les
parties à l’accord devront ainsi justifier une mesure a priori contraire
à leurs engagements conventionnels en démontrant que celle-ci s’avère
nécessaire à la réalisation d’une série d’objectifs, qui peuvent notam-
ment être liés à la préservation et la protection de la vie des personnes,
de la santé, de l’environnement ou encore de la moralité et de l’ordre
public. Les mesures devront par ailleurs être proportionnées, ce qui
suppose en particulier que la partie qui adopte cette mesure ne pou-
vait avoir recours à des mesures alternatives moins restrictives pour
le commerce et permettant de réaliser le même niveau de protection.
Par ailleurs, il est essentiel que ces mesures n’aient pas un caractère
discriminatoire ou ne constituent pas, en pratique, une restriction
déguisée au commerce international. Les organes de règlement des
différends prévus par les ALE pourront éventuellement apprécier la
légalité de ces mesures (86).

§ 2. – Les exceptions à caractère spécifique


116. Nature des exceptions spécifiques. Les ALE de l’Union
contiennent des exceptions d’une portée réduite, permettant de couvrir
des questions particulières.
117. Le recours au principe de précaution comme exception
à la libéralisation des échanges. Le principe de précaution est
aujourd’hui un principe général du droit de l’Union consacré dans
le droit primaire (87). S’est également posée la question de savoir si
ce principe pouvait, en tant que principe général du droit internatio-
nal public ayant acquis une valeur coutumière, être appliqué par les
organes de jugement de l’OMC, en particulier dans le contexte de leur
interprétation de l’accord SPS et du droit des membres de prendre les
mesures de restrictions aux échanges dans un contexte d’incertitude
scientifique quant aux effets de la production ou de la consommation
d’un produit sur l’environnement ou la santé publique. Sollicité en
ce sens, l’Organe d’appel de l’OMC s’était, à la fin des années 1990,
contenté d’indiquer que les règles de l’accord SPS traduisent une

(86) Voy. en particulier l’affaire Ukraine – interdiction des exportations de bois engagée
sur le fondement de l’accord d’association UE-Ukraine (plainte de l’UE, rapport du groupe spécial
d’arbitrage publié le 11 décembre 2020).
(87) Art. 191, § 2, TFUE.

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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la traduction normative du libre - échange  101

« approche de précaution », permettant à un membre d’imposer des


mesures de restrictions aux échanges provisoires dès lors qu’elles
sont fondées sur la démonstration d’un doute scientifique suffisant
quant à l’innocuité d’un produit ou d’une marchandise importée (88).
L’article 5:7 de l’accord SPS, auquel les ALE de l’Union renvoient,
permet en effet d’introduire et de justifier ces mesures SPS provi-
soires conformément à cette approche de précaution. Mais les accords
bilatéraux de l’Union ne sont longtemps pas allés plus loin que cette
simple reprise des règles de l’OMC.
Cette situation est susceptible de changer, du moins dans le
cadre d’accords négociés entre l’Union et certains pays partenaires
ouverts, ou non hostiles, à la mention du principe de précaution
dans les ALE. Le texte négocié avec le Japon prévoit ainsi, dans le
contexte des dispositions conventionnelles consacrées au dévelop-
pement durable, que « [l]orsqu’elles élaborent et mettent en œuvre
des mesures visant à protéger l’environnement ou les conditions de
travail qui peuvent avoir une incidence sur le commerce ou les inves-
tissements, les Parties tiennent compte des données scientifiques et
techniques disponibles et, le cas échéant, des normes, orientations ou
recommandations internationales pertinentes, ainsi que du principe
de précaution » (89). Plus récemment, l’accord de commerce et de
coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni évoque,
dans le contexte du droit de réglementer des parties, une « stratégie
de précaution » – équivalente au principe de précaution lorsque la
mesure est prise sur le territoire de l’Union – au titre de laquelle « s’il
existe des motifs raisonnables de penser que l’environnement ou la
santé pourraient subir des dommages graves ou irréversibles, l’ab-
sence de certitude scientifique absolue ne saurait servir de prétexte
pour empêcher l’une des Parties d’adopter des mesures appropriées
pour prévenir ces dommages » (90). Cette disposition novatrice s’ins-
crit dans un titre de cet accord consacré aux conditions de concur-
rence loyale (Level Playing Field) et au développement durable. Ce
texte a par la suite inspiré les négociateurs du projet d’ALE avec la
Nouvelle-Zélande (91).

(88) Rapport de l’Organe d’appel dans l’affaire CE – Hormones, WT/DS26/ABR, 16 janvier


1998, § 124.
(89) Art. 16, § 9, de l’ALE UE-Japon.
(90) Art. 356 de l’ACC. Par ailleurs, il résulte d’une note de bas de page figurant à l’art. 340 de
cet accord, consacré à la coopération réglementaire, que l’Union (et pas le Royaume-Uni) consi-
dère le principe de précaution comme un principe fondamental de son approche réglementaire.
(91) Voy. l’art. 19.13, § 2, de ce projet d’ALE.

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118. Exceptions justifiées au titre de la balance des paie‑


ments et de considérations prudentielles. Ce type d’exception
reprend là encore une logique inspirée des règles de l’OMC (92)
qui permettent, en cas de difficultés en matière de paiements ou de
finances extérieures, d’adopter ou de maintenir des mesures restric-
tives en ce que concerne le commerce des marchandises et des ser-
vices ainsi que de l’établissement. L’insertion d’une clause renvoyant
à cette exception est systématique dans les accords de l’Union (93)
étant précisé que, conformément à ce que prévoit l’article 66 TFUE,
le recours à ce type de mesure dans le cadre du droit de l’Union ne
peut être envisagé que dans des circonstances exceptionnelles. On
retrouve aussi fréquemment, en contrepoint à la libéralisation des
services financiers, l’insertion d’une clause d’exception prudentielle
dont l’objet est de protéger les investisseurs et les déposants et de
garantir l’intégrité et la stabilité du système financier. Ces dispositifs
ont été systématisés par le négociateur européen au lendemain de la
crise financière de 2008 (94).
119. Absence d’une véritable exception culturelle. Si l’excep-
tion culturelle est régulièrement mentionnée dans le discours public,
sa traduction juridique reste limitée dans le cadre des ALE. Il n’existe
pas dans les textes négociés jusqu’à présent par l’Union de clause type
qui autoriserait de déroger aux règles de libéralisation du commerce
des marchandises et des services pour des motivations tenant à la
défense d’une exception culturelle. Pour autant, les enjeux culturels
sont présents dans ces traités. Ainsi, jusqu’à aujourd’hui, les ALE de
l’Union ont systématiquement exclus du champ d’application de la
libéralisation dans le domaine des services et de l’établissement les
services audiovisuels (95). Il en va de même, lorsque le secteur audio-
visuel se trouve exempté des disciplines imposées par l’ALE en matière
des subventions (96). La question demeure emblématique, si l’on se
rappelle que la France avait menacé de s’opposer aux directives de

(92) Voy. en ce sens les art. XVII du GATT et XII de l’AGCS.


(93) Voy. ainsi l’art. 297 de l’accord UE-Pérou, Colombie, Équateur, l’art. 15, § 8, de l’ALE
UE-Corée ou encore l’art. 28, § 5, du CETA.
(94) Voy. ainsi les art. 154 de l’accord UE-Pérou, Colombie, Équateur, 7, § 38, de l’ALE
UE-Corée et 13, § 16, du CETA.
(95) Voy. par ex. l’art. 9, § 2, du CETA, l’art. 7, § 2, de l’ALE UE-Corée ou encore l’art. 8,
§ 6, de l’ALE UE-Japon. On va donc en l’espèce plus loin que la seule exception dès lors que les
parties n’ont pas à démontrer que leur mesures internes adoptées en ce domaine répondent à ces
exigences de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination.
(96) Voy. l’art. 7, § 7, du CETA.

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la traduction normative du libre - échange  103

négociations du traité de libre-échange transatlantique au motif que


la Commission avait un temps envisagé de ne pas maintenir cette
exemption (97).
120. Exceptions de sécurité. Les accords de l’Union européenne
se réfèrent également à une exception de sécurité qui reprend très
directement, souvent en l’incorporant, le contenu de l’article XXI du
GATT et des règles comparables de l’OMC (98). En ce cas, il reviendra
à la partie concernée d’apprécier la nécessité de prendre des mesures
fondées sur la sécurité nationale. L’exception de sécurité permettra
à une partie d’adopter des mesures qu’elle juge « nécessaires à la
protection des intérêts essentiels de sa sécurité », notamment ce qui
concerne « les mesures adoptées en temps de guerre ou face à toute
autre situation d’urgence dans les relations internationales » (99).
Les parties bénéficieront ici d’une autonomie de jugement (100)
concernant la nécessité et n’auront pas à remplir les conditions de
proportionnalité et de non-discrimination qui s’imposent normalement
concernant les exceptions.
Si, pendant longtemps, le recours à cette exception apparaissait
théorique, la montée des tensions internationales à laquelle on assiste
ces dernières années, en particulier depuis l’annexion du territoire
ukrainien par la Russie, a remis sur le devant de la scène le bien-
fondé de ce type d’exception. Plus largement, l’imbrication grandis-
sante entre commerce et questions sécuritaire, y compris sur le plan
climatique et alimentaire, pourrait préfigurer un usage plus étendu
encore de cette disposition par l’Union européenne et ses partenaires.

(97) L’ALE UE-Corée contient en outre un protocole innovant consacré à la coopération


culturelle. Les parties s’y engagent, conformément à leurs législations, à accorder aux copro-
ductions audiovisuelles entre producteurs européens et coréens le droit de bénéficier de leurs
régimes respectifs de promotion du contenu culturel local ou régional. De telles productions
pourront ainsi être considérées comme des œuvres européennes au sein de l’UE – et bénéficier
à ce titre de soutiens financiers.
(98) Étant précisé que les autres accords de l’OMC, notamment l’AGCS et l’ADPIC, contiennent
également des exceptions de sécurité rédigées en des termes semblables à ceux de l’art. XXI du
GATT.
(99) Voy. à titre d’ex. l’art. 295 de l’ALE UE-Pérou, Colombie, Équateur, 28, § 6, du CETA ou
encore 1, § 5, de l’ALE UE-Japon, ce dernier texte faisant figurer l’exception de sécurité au tout
début du dispositif conventionnel.
(100) Reste à savoir si cette « autonomie de jugement » pourra éventuellement faire l’objet
d’une appréciation par un groupe spécial d’arbitrage prévu par l’ALE (voy. ci-dessous, §§ 216 et s.).
Dans le cadre de l’art. XX du GATT de 1994, le rapport du groupe spécial de l’OMC dans l’affaire
Russie – Trafic en transit, WT/DS512/R, 5 avril 2019, §§ 7.102 à 7.104 a laissé entendre qu’un
contrôle, bien que restreint, pourrait être effectué en ce domaine même s’il s’était en l’espèce
abstenu de le pratiquer.

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§ 3. – Émergence du droit de réglementer dans les ALE


121. Absence de mention initiale du droit de réglementer.
L’absence de mention du droit de réglementer (101), qui découle de
la souveraineté des États, était somme toute logique. Les ALE n’ont
jamais eu pour objet ni pour prétention d’harmoniser les législations
des parties, à l’exception des accords qui organisent une reprise de
l’acquis communautaire de la part du partenaire dans la perspective
d’une future adhésion à l’Union. Contrairement au droit de l’Union,
les ALE ne conduisent aucunement à exercer en commun certaines
compétences et à réguler les domaines relevant de la vie économique
et commerciale.
122. Mention du droit de réglementer au sein des chapitres
relatifs au développement durable. En dépit du silence initial, le
droit de réglementer va être progressivement affirmé dans les ALE. Il
a été mentionné à compter de la systématisation de l’insertion de cha-
pitres consacrés au développement durable dans ces accords, parmi
les dispositions relatives au niveau de protection, sociale ou environne-
mentale, que les parties choisissent d’établir sur le plan interne (102).
L’accord UE-Cariforum signé en 2008 est ainsi le premier ALE mention-
nant expressément le « droit de réglementer » des parties. Cette formule
a ensuite été reprise dans les textes négociés ultérieurement (103).
123. Vers une généralisation de l’affirmation du droit de
réglementer ? Hormis les chapitres consacrés au développement
durable, l’évocation expresse du droit de réglementer demeure malgré
tout assez rare. Certains accords emploient cette expression afin de
nuancer les effets de la libéralisation lorsqu’elle concerne des domaines
sensibles et susceptibles d’affecter l’exercice du pouvoir réglementaire.
Il en va ainsi de l’ALE UE-Corée qui rappelle à deux reprises ce droit
dans le contexte des dispositions relatives aux services, à l’établisse-
ment et au commerce électronique (104), et précise qu’il permet aux
parties de poursuivre à travers lui des objectifs généraux de politiques
publics. De même, dans son chapitre relatif à la protection des inves-
tissements, le CETA indique que le droit de réglementer permet aux
parties de promouvoir des objectifs légitimes (105). Le but est alors

(101) Incluant ici le droit de légiférer.


(102) Voy. ci-dessous, § 244.
(103) Art. 184 de cet accord.
(104) Art. 7, § 1.4, et 7, § 23.
(105) Art. 8, § 9.

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la traduction normative du libre - échange  105

d’éviter qu’une mesure qui affecte les investissements étrangers ne


puisse trop aisément être considérée comme inconventionnelle, en
particulier par les tribunaux d’arbitrage compétents en matière d’in-
vestissement (106). Le droit de réglementer l’utilisation commerciale
de l’eau à des fins de politique publique est également mentionné par
la Commission européenne dans une déclaration accompagnant la
signature de cet accord (107). Par ailleurs, dans une déclaration inter-
prétative commune, les parties au CETA affirment l’importance que
revêt « le droit de fixer des règles dans l’intérêt public » et rappellent
l’ensemble des dispositions du texte qui se rattachent au droit de
réglementer. Sont évoqués ici, entre autres, la possibilité de recourir
à des mesures SPS ou encore le recours aux clauses d’exception pré-
vues par le CETA (108).
L’accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni évoque
également ce droit de façon à contrebalancer l’ouverture des échanges
de services et le libre établissement (109) mais aussi, de façon plus sur-
prenante, au sein du chapitre consacré au commerce numérique (110).
La formulation demeure très générale, puisqu’au titre des objectifs
légitimes couverts par le droit de réglementer figurent notamment la
santé publique, les services sociaux, l’enseignement public, l’environ-
nement ou encore la lutte contre le changement climatique. On peut à
cet égard s’interroger sur l’opportunité pour l’Union et ses partenaires
de généraliser à l’avenir une clause transversale dans les accords de
libre-échange qui rappellerait le droit de réglementer, ou à défaut de
mentionner celui-ci dans le préambule du texte conventionnel, comme
le fait le projet d’ALE avec la Nouvelle-Zélande.

S ection 2. L es règles destinées à assurer la loyauté


des échange s

124. Les accords de libre-échange de l’Union européenne ne


se limitent plus à être des instruments destinés à libéraliser les
échanges commerciaux. L’ouverture des échanges a en effet ceci de
paradoxal qu’elle a pour effet de renforcer la nécessité de mettre en

(106) Voy. ci-dessous, §§ 169 et s.


(107) Déclaration n° 8 accompagnant la décision du Conseil de signature du CETA, JO, L 11
du 14 janvier 2017, p. 12.
(108) JO, L 11 du 14 janvier 2017, p. 3.
(109) Art. 123, § 2, de l’ACC.
(110) Art. 198 de l’ACC.

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106 la traduction normative du libre - échange

œuvre de nouvelles règles destinées à encadrer cette libéralisation.


C’est du moins l’approche retenue dans les ALE de l’Union, particu-
lièrement ceux les plus récemment négociés. Ces textes englobent en
effet un très grand nombre de dispositions destinées à faire en sorte
que la concurrence économique accrue qui naît de la suppression des
obstacles au commerce s’exerce dans des conditions plus loyales et
plus équitables.
C’est dans cette optique que nous présenterons les dispositions
matérielles des accords de libre-échange qui se rapportent à la pro-
priété intellectuelle (sous-section 1), à la coopération réglementaire
(sous-section 2), à la concurrence (sous-section 3), aux échanges de
biens énergétiques et de matières premières (sous-section 4) et enfin
au développement durable (sous-section 5).

Sous-section 1. Les règles en matière de propriété intellectuelle


125. Objectifs des règles en matière de propriété intellec‑
tuelle. La créativité, la recherche et l’innovation sont essentielles pour
l’Union européenne qui a, sur le plan interne, adopté un ensemble de
législations destinées à les favoriser en protégeant différents aspects
des droits de la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse des brevets,
des droits d’auteur, de la propriété des dessins industriels, des indi-
cations géographiques ou des appellations d’origine ainsi que de la
lutte contre la contrefaçon (111). Toutefois, la portée des règles de
l’Union en matière de propriété intellectuelle demeure restreinte à
raison du principe de territorialité. Avec d’autres pays développés,
dont les États-Unis, l’Union n’a eu de cesse de critiquer certains pays
tiers, en particulier des pays émergents qui, de son point de vue, ne
respecteraient pas suffisamment les DPI, tant en raison de la faible
portée de leurs droits internes que du fait de leur absence de mise en
œuvre des règles de droit international pertinentes. La Commission
craint en outre que les procédés technologiques modernes – en par-
ticulier la numérisation – ne facilitent davantage la violation des
DPI (§ 1). Dans d’autres cas plus spécifiques, comme celui des indi-
cations géographiques, c’est une conception très européenne de la
propriété intellectuelle que l’Union souhaiterait voir prospérer. On
peut alors parler d’une tentative de projection à l’externe du droit
de l’Union (§ 2).

(111) Voy. « Commerce, croissance et propriété intellectuelle », COM(2014) 389, 1er juillet
2014.

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§ 1. – Des règles venant compléter l’accord ADPIC


126. Règles commerciales multilatérales en matière de pro‑
priété intellectuelle. Depuis la seconde moitié du xixe siècle, les
États ont consenti à un ensemble de règles internationales relatives à la
propriété intellectuelle. Leur développement et leur mise en œuvre ont
d’abord été confiés à l’Organisation mondiale de la propriété intellec-
tuelle (OMPI), le GATT de 1947 étant silencieux concernant la question
des droits de propriété intellectuelle. Mais, à partir des années 1980,
en réaction aux pratiques de plusieurs de leurs partenaires commer-
ciaux, les États-Unis et l’Union européenne ont manifesté le souhait
de reformer les règles commerciales multilatérales afin que celles-ci
intègrent à leur tour le respect des droits de propriété intellectuelle.
Leurs partenaires acceptèrent de négocier le futur accord sur les droits
de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui,
à l’instar du GATT de 1994, de l’AGCS et de l’AMP, est aujourd’hui
annexé à l’accord instituant l’OMC.
L’Union européenne a malgré tout assez vite réclamé une protec-
tion accrue des DPI. Mais cette demande s’est heurtée au refus des
membres de l’OMC de réformer ces règles dans le cadre du cycle de
Doha, à l’exception d’une dérogation puis d’un amendement aux règles
de l’ADPIC sur le sujet particulier de l’accès au médicament (112).
L’Union européenne a rapidement intégré l’idée que le renforcement
international des DPI devrait être réalisé en dehors du système mul-
tilatéral.
127. Stratégie dite « ADPIC + » de l’Union européenne. En
2004, la Commission a, dans une communication intitulée « Stratégie
visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans
les pays tiers », défini un cadre général pour la lutte contre les viola-
tions des DPI dans les pays tiers, ainsi que des lignes d’action spéci-
fiques (113). Ce document reconnaissait que les droits de propriété
intellectuelle ne pouvaient être imposés de façon uniforme à tous
les pays tiers et que devait notamment être pris en considération le
niveau de développement des partenaires commerciaux de l’Union. La
Commission affirmait cependant que les accords commerciaux bila-
téraux pouvaient permettre d’atteindre un haut niveau de protection
des DPI et le respect des législations qui s’y rapportaient. Depuis lors,

(112) Décision du 6 décembre 2005 du Conseil général de l’OMC prévoyant un amendement


à l’ADPIC, WT/L/641, 8 décembre 2005.
(113) 2005/C 129/03, JO, C 129 du 26 mai 2005, p. 3.

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108 la traduction normative du libre - échange

le négociateur européen a promu l’insertion de dispositions conven-


tionnelles destinées à renforcer le contenu des droits de propriété
intellectuelle touchant au commerce dans les accords de libre-échange.
L’adoption du traité de Lisbonne, qui consacre désormais l’exclusivité
de la compétence de l’Union en cette matière, a conforté cette straté-
gie. Le contenu des chapitres négociés s’est standardisé et reflète les
préoccupations européennes, en particulier concernant la question
du transfert forcé de technologies, la lutte contre la contrefaçon et la
protection internationale des indications géographiques.

A. Contenu des droits garantis


128. Domaines de la propriété intellectuelle faisant l’objet
d’un renforcement des droits protégés. Les accords de libre-
échange couvrent un très large ensemble de DPI. Sont ainsi suscep-
tibles de faire l’objet d’une protection dans les ALE :
– le droit d’auteur et les droits voisins ;
– les brevets ;
– les marques de fabrique ou de commerce, les dénominations
commerciales ;
– les dessins et modèles industriels ;
– les indications géographiques ;
– les espèces végétales.
129. Évolution de la modélisation conventionnelle. Jusqu’au
milieu des années 2000, sans doute dans l’attente d’une avancée des
négociations multilatérales prévues au titre du programme de Doha
(2001), les dispositions des ALE en matière de DPI reprenaient pour
l’essentiel le contenu des engagements formulés au plan multilatéral.
Le volet commercial de l’accord d’association signé avec le Chili en
2002 contient ainsi un chapitre en matière de propriété intellectuelle
qui s’avère relativement bref et rappelle d’abord l’engagement des par-
ties à respecter plusieurs conventions multilatérales déjà incorporées
dans l’ADPIC dont :
– la convention de Paris pour la protection de la propriété indus-
trielle (acte de Stockholm, 1967) ;
– la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires
et artistiques (acte de Paris, 1971) ;

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la traduction normative du libre - échange  109

– la convention de Rome de 1961 sur les droits des artistes inter-


prètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des
organismes de radiodiffusion.
Sont également mentionnés à cette époque des instruments inter-
nationaux non repris dans l’ADPIC tels que la convention de 1978
pour la protection des obtentions végétales. Par ailleurs, les parties
s’engageaient à respecter de nouvelles conventions internationales
intéressant le droit des marques, le droit d’auteur, le droit des brevets
ainsi que la protection des dessins industriels.
Depuis l’accord d’association UE-Chili, les dispositions convention-
nelles des chapitres consacrés à la propriété intellectuelle n’ont eu de
cesse d’être enrichies. L’ADPIC demeure cependant la base des droits
protégés et les engagements additionnels viennent en réalité complé-
ter, sans les contredire, les règles de cet accord multilatéral. Reprenant
la technique de l’incorporation conventionnelle, l’accord UE-Cariforum
signé en 2008 aborde des questions nouvelles, pas ou peu couvertes
par les règles de l’OMC, telles que les indications géographiques ou
le transfert forcé de technologies (114). Ce texte aborde aussi pour la
première fois de manière détaillée le fonctionnement des procédures
internes, judiciaires ou administratives, destinées à garantir le respect
de ces droits. L’accord signé avec la Corée du sud en 2011 marque
une nouvelle étape dans l’approfondissement des règles convention-
nelles en matière de DPI. Son chapitre consacré aux DPI, reprenant
la structure interne de l’ADPIC (115), comporte une série de règles
conventionnelles concernant les droits d’auteur et les droits voisins,
les marques, les indications géographiques, les dessins et modèles et
les brevets. Les décisions prises à l’OMC en matière de santé publique
et l’amendement relatif à l’accès aux médicaments sont aussi dûment
mentionnés. L’accord fait encore référence aux variétés végétales ainsi
que l’articulation des DPI avec les ressources, savoirs traditionnels et
folklore. De nouveau, la technique de l’incorporation conventionnelle
des règles de l’ADPIC et des conventions multilatérales plus récentes
est utilisée.
Les accords plus récemment négociés avec la Colombie, le Pérou et
l’Équateur, Singapour, le Canada, le Vietnam et le Japon s’apparentent
assez fortement au contenu de l’ALE UE-Corée. L’Union a en outre
fait en sorte de systématiser la présence de dispositions consacrées à

(114) Art. 139 à 163.


(115) Voy. le chap. 10 de l’ALE UE-Corée.

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110 la traduction normative du libre - échange

la protection des secrets commerciaux rédigées en des termes compa-


tibles avec la nouvelle législation de l’Union européenne sur cette ques-
tion (116). Les ALE négociés avec le Japon (117), le Royaume-Uni (118),
le MERCOSUR (119) et la Nouvelle Zélande (120) contiennent ainsi des
règles relatives au secret des affaires, qui ne figurent pas, à l’inverse,
dans d’autres accords de nouvelle génération, comme l’ALE UE-Vietnam.
130. Spécificité de certaines dispositions couvrant la pro‑
priété intellectuelle. En dépit de la modélisation conventionnelle,
les ALE conservent des singularités tenant notamment aux intérêts
du partenaire. Ainsi par exemple, l’ALE négocié avec la Colombie, le
Pérou et l’Équateur contient des dispositions relatives à la protection
de la biodiversité et des savoirs traditionnels qui sont symboliquement
placées en tête des droits protégés (121). Les parties y réaffirment
« leurs droits souverains sur leurs ressources naturelles et recon-
naissent leurs droits et obligations tels qu’institués par la Convention
sur la diversité biologique en ce qui concerne l’accès aux ressources
génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de
l’utilisation de ces ressources génétiques » (122). La non reprise de
cette disposition dans les textes ultérieurement négociés par l’Union
européenne s’explique peut-être par le fait qu’elle correspondait en
réalité à une demande des partenaires de l’Union.

B. Mécanismes de protection des droits


131. Diversité des mécanismes de protection des droits.
L’effectivité des droits de propriété intellectuelle protégés au titre des
ALE repose sur différents mécanismes procéduraux. En premier lieu, à
l’instar des autres dispositions conventionnelles, toute violation des DPI
par l’une des parties à l’accord pourra donner lieu à l’ouverture d’une
procédure de règlement des différends initiée par l’autre partie (123).

(116) Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la
protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires)
contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, JO, L 157 du 15 juin 2016, pp. 1‑18.
(117) Art. 14.36 et 15.37.
(118) Art. 252.
(119) Sous-section 7 du chap. non encore numéroté du volet commercial du projet d’accord
d’association UE-MERCOSUR, intitulé Protection of Undisclosed Information.
(120) Art. 18.42 à 18.44.
(121) Art. 201 de l’accord UE-Pérou, Colombie, Équateur.
(122) Art. 201, § 1.
(123) Voy. ci-dessous, §§ 216 et s. En outre, lorsque des mécanismes de règlement des diffé-
rends investisseurs/États ont été négociés entre les parties, les DPI sont considérés comme des
investissements susceptibles d’être protégés. La violation d’un DPI conventionnellement reconnus

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la traduction normative du libre - échange  111

Mais ces procédures peuvent apparaître inefficaces ou guère


adaptées pour sanctionner des violations concrètes et ponctuelles
des DPI, notamment parce que les parties pourront juger qu’une
violation ponctuelle des engagements conventionnels ne justifie pas
d’engager un différend bilatéral (124). Sans qu’il existe de méca-
nismes équivalents concernant les autres chapitres des accords, les
règles sur la propriété intellectuelle contiennent parfois des disposi-
tions conventionnelles qui obligent les parties à aménager des pro-
cédures internes favorisant le respect des DPI. Ce type de dispositif,
composé de mesures correctives, est notamment prévu avec des
partenaires économiques dont l’impartialité du système judiciaire est
sujette à caution. Ainsi, les parties à l’ALE UE-Vietnam s’engagent
à garantir que ces « procédures et mesures correctives sont loyales
et équitables, ne sont pas inutilement complexes ou coûteuses et ne
comportent pas de délais déraisonnables ni n’entraînent de retards
injustifiés » (125). Des droits procéduraux sont à ce titre reconnus
aux détenteurs et aux organismes de gestion collective et de défense
des DPI.
132. L’abandon des procédures pénales. La possibilité d’im-
poser aux parties de prendre des mesures de nature répressive afin
de faire face à des violations de DPI a un temps été envisagée. Tel
est le cas de l’accord UE-Corée, qui impose aux parties de prévoir
« des procédures pénales et des sanctions applicables au moins pour
les actes délibérés de contrefaçon de marque ou de piratage portant
atteinte à un droit d’auteur ou à des droits voisins commis à une
échelle commerciale » (126). L’accord aborde également les questions
de responsabilité des personnes morales, de confiscation et de saisie.
Sans aller jusqu’à préciser le niveau adéquat des mesures répressives,
le texte précise que les violations des DPI peuvent être sanctionnées
par des amendes ou même des peines de prison. L’approche rete-
nue s’apparente à celle poursuivie à l’époque de sa signature dans le
cadre de l’accord international relatif à la lutte contre la contrefaçon
(ACTA), négocié au sein de l’OCDE. Elle a cependant été abandonnée
par l’Union européenne depuis que le Parlement européen a rejeté

peut ainsi être assimilée à une expropriation et donner lieu à une indemnisation de l’investisseur
étranger.
(124) En outre, comme nous le verrons, les ALE ne bénéficient pas d’un effet direct et ne
sont donc pas, en principe, susceptibles d’être invoqués par une personne privée devant une
juridiction interne.
(125) Art. 12, § 43.
(126) Art. 10, § 54, à 10, § 60, de l’ALE UE-Corée.

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l’approbation de cet accord international en 2012. Aucun texte ulté-


rieurement négocié de l’Union européenne n’a ensuite repris ce type
de disposition.
133. Les procédures civiles. Les ALE de dernière génération
contiennent des règles intéressant le fonctionnement des procédures
civiles en matière de propriété intellectuelle. Ces dispositions ne se
limitent pas à garantir l’accès des individus à des procédures civiles –
notamment l’accès au juge. Elles viennent aussi encadrer avec force
détails le fonctionnement des procédures, qu’il s’agisse des frais de
justice, des règles probatoires, du droit à l’information, des mesures
provisoires et conservatoires, des règles de calcul des dommages-
intérêts accordés à la partie lésée ou encore de la publication des
décisions judiciaires.
134. Contrôle aux frontières. Les ALE font obligation aux autori-
tés douanières de chacune des parties de mettre en œuvre des mesures
afin de faire respecter les DPI. Au titre de l’ALE UE-Vietnam, des
procédures administratives internes doivent ainsi être organisées par
les parties. Un détenteur de DPI peut présenter des demandes aux
autorités douanières afin qu’elles suspendent l’importation ou l’ex-
portation de marchandises. Les autorités douanières doivent égale-
ment faire en sorte d’identifier les envois contenant des marchandises
d’importation et d’exportation soupçonnées de porter atteinte à des
droits de propriété intellectuelle et de coopérer dans leurs activités
respectives de contrôle (127).

§ 2. – Dispositions conventionnelles caractéristiques


du modèle européen : l’exemple des indications géographiques
135. Contexte. Le contenu des chapitres relatifs à la protection
des DPI s’apparente en de nombreux points à celui des accords
négociés par l’administration américaine, ce qui s’explique assez
logiquement par la proximité des niveaux de développements et
des intérêts économiques de l’Union européenne et des États-Unis.
Sur certains sujets néanmoins, la singularité de la position euro-
péenne est manifeste. Il en va ainsi des indications géographiques
dont les règles de protection sont historiquement apparues en
Europe, avant d’avoir ensuite été intégrées dans le droit de l’Union

(127) Art. 12, § 58, de l’ALE UE-Corée. On retrouve au demeurant une disposition semblable
dans le projet d’accord d’association négocié avec le MERCOSUR (art. X.58).

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européenne (128). En vertu de cette législation, la Commission tient


à jour un registre public qui recense l’ensemble des indications
géographiques protégées (129).
136. Difficulté d’assurer la protection des IG dans le cadre
multilatéral. Les règles en matière de protection des indications géo-
graphiques sur le plan international sont pour l’heure jugées insuffi-
santes par l’Union. Certes, l’arrangement de Lisbonne de 1958 et plus
récemment l’Acte de Genève de 2015 prévoient un degré de protection
assez proche de celui qui existe au sein de l’Union européenne. Mais
ces instruments, et en particulier le second, n’ont pour l’heure été
ratifiés que par un nombre réduit d’États, principalement européens.
En matière d’indications géographiques, l’ADPIC ne contient qu’une
courte section composée de trois articles qui imposent aux membres
de l’OMC d’interdire leur utilisation frauduleuse. Une protection addi-
tionnelle est par ailleurs prévue pour les vins et spiritueux (130). Mais
il n’existe pas de système de reconnaissance mutuelle des IG entre
les membres de l’OMC qui prendrait la forme d’un répertoire de pro-
duits enregistrés comme cela existe dans l’Union européenne. Dans un
contexte plus général de paralysie des négociations OMC, aucun pro-
grès significatif n’a été accompli dans ce domaine au plan multilatéral.
137. Utilisation par l’Union des instruments conventionnels
bilatéraux et des ALE pour renforcer la protection des IG.
La volonté européenne de compléter ce cadre multilatéral par des
règles bilatérales s’est d’abord manifestée à travers la négociation et
la conclusion d’accords spécifiques destinés à la protection des vins
avec l’Australie en 1994 puis le Mexique en 1997, l’Afrique du Sud en
2002, le Canada en 2003, les États-Unis en 2006. Le faible nombre de
conventions signées, en dépit d’un contenu assez limité, montre la
difficulté de l’Union européenne à imposer ses vues à des pays tiers
dans le contexte d’une négociation sectorielle consacrée aux IG. Il
est vite apparu que la négociation des ALE, dans laquelle l’Union peut

(128) Elle repose aujourd’hui principalement sur le règlement 1151/2012 du Parlement euro-
péen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées
alimentaires (JO, L 343 du 14 décembre 2012, pp. 1‑29) complété, dans le secteur vitivinicole, par
le règlement 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (JO,
L 347 du 20 décembre 2013, pp. 671‑854). Voy. not. O. Serra et S. Wolikow (dir.), Des appellations
d’origine aux indications géographiques – Cent ans de protection de l’origine et de la qualité,
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, pp. 187‑199.
(129) Le règlement de base 1151/2012 admet en outre que les indications géographiques
relatives à des produits de pays tiers puissent être protégées dans l’Union au titre d’un accord
international auquel l’UE est partie contractante.
(130) Art. 22 à 24 de l’ADPIC.

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faire miroiter à son partenaire la possibilité de bénéficier d’un accès


privilégié à son marché, constitue un moyen pour elle d’obtenir une
protection renforcée des indications géographiques.
138. Dispositions relatives à la protection des IG dans les
ALE. Les ALE constituent tout d’abord un moyen de connaître les
législations internes des pays tiers applicables en matière d’IG et de
s’assurer qu’elles respectent bien certains standards de protection aux-
quels l’Union européenne est attachée. Les parties s’engagent ainsi à
mettre en place un système d’enregistrement des IG, des procédures
administratives de vérification ou encore des procédures d’opposition
en cas d’enregistrement frauduleux.
Ces textes contiennent aussi des règles de protection des indica-
tions géographiques. L’Union européenne promeut en particulier des
règles précises de dénomination qui visent à prévenir une concurrence
déloyale pour les produits européens commercialisés en dehors du
territoire européen. Les parties sont à cet égard invitées à introduire
des différenciations entre les produits de manière à ne pas induire
les consommateurs en erreur. De même, les accords négociés avec
le Canada, le Vietnam, les pays du MERCOSUR ou encore le Japon
comportent des mécanismes de consultation lorsque, lors de négo-
ciations avec des pays tiers, un risque de protection d’IG homonymes
risque de se poser.
139. Listes d’IG reconnues dans les ALE. Des listes d’IG recon-
nues par les parties sont annexées aux accords de libre-échange.
Chacune des parties s’engage alors à les protéger de façon effective
sur son territoire. Le nombre d’IG protégées demeure souvent extrê-
mement réduit, si on le compare à celui qui existe au sein de l’Union.
Plus de 3000 indications ou appellations d’origine sont en effet actuel-
lement protégées au titre de la réglementation européenne contre, dans
le meilleur des cas, quelques centaines au titre des ALE. Cependant,
les parties peuvent ultérieurement compléter ces listes dans le cadre
d’un comité spécifique. En soi, la reconnaissance des IG par des pays
jusqu’ici attachés au seul système des marques – comme le Canada
dans le cadre du CETA – constitue une victoire symbolique importante
pour l’Union. Les ALE abordent aussi la question de la relation entre
IG et marques et leur coexistence. Le principe soutenu par l’Union
européenne veut que lorsqu’une IG est protégée au titre d’un accord
commercial, il n’est alors plus possible d’enregistrer une nouvelle
marque reprenant la dénomination de l’IG.

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140. Particularité de certains accords et logique d’exten‑


sion de l’acquis communautaire. Certains accords de l’Union euro-
péenne sont plus ambitieux en matière d’indication géographique, et
leur objectif peut être d’exporter au partenaire les règles en vigueur
dans l’Union européenne. Tel est le cas par exemple de l’accord d’as-
sociation et de stabilisation UE-Bosnie, négocié dans la perspective
d’une future adhésion. Le texte prévoit à ce sujet – et sans délai de
transition – que la Bosnie assure la protection des indications géogra-
phiques conformément à la législation en vigueur au plan européen,
et lui impose également d’interdire « toute utilisation sur son terri-
toire des dénominations protégées dans l’Union pour des produits
comparables ne répondant pas au cahier des charges de l’indication
géographique » (131). L’objet est bien d’arrimer cet État des Balkans
à l’espace normatif européen, notamment pour ce qui concerne les
indications géographiques. Des accords d’association négociés avec
des pays visés par la politique de voisinage contiennent également
une protection avancée des IG qui se rapproche des standards en
vigueur dans l’Union européenne. L’accord d’association UE-Ukraine
inclut ainsi une reconnaissance réciproque de l’effet des législations
ukrainiennes et européennes, et des IG qu’elles viennent protéger, sans
qu’il soit nécessaire de procéder à un enregistrement ou à s’acquit-
ter de frais supplémentaires, à l’issue d’une procédure d’opposition
organisée en annexe de l’accord (132). Les ALE avec la Géorgie et la
Moldavie contiennent ce même dispositif (133). L’influence normative
ici exercée par l’Union apparaît alors bien plus évidente que dans le
reste des ALE négociés avec des partenaires plus éloignés.

Sous-section 2. Les règles en matière de concurrence


141. Liens entre commerce international et règles de
concurrence. Le droit de la concurrence relève d’abord du modèle
économique interne choisi par l’État. La suppression des barrières
au commerce pose toutefois la question de l’application de règles

(131) Art. 31 de l’accord.


(132) Art. 202 à 211, complété par l’annexe XXII de l’accord.
(133) En vertu de l’accord organisant le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, toutes
les indications géographiques et appellations d’origine protégées au sein de l’Union avant l’expi-
ration de la période de transition continueront en principe de l’être au Royaume-Uni après cette
période (art. 54 de l’accord de retrait, JO, L 384 I/28 du 12 novembre 2019). Cet exemple montre
au demeurant que l’enjeu principal de la négociation du Brexit a été pour l’Union d’éviter une
régression dans la protection de ses IG, au point que ce sujet a été réglé avant même l’ouverture
des négociations de l’ACC UE-Royaume-Uni.

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de concurrence équivalentes. À défaut d’être régulées, des pratiques


anticoncurrentielles, qu’il s’agisse d’ententes, d’abus de position domi-
nante ou encore d’aides d’État ou de monopoles publics sont en effet
susceptibles d’affecter le commerce international et, dans certains cas,
la loyauté des échanges (134).
142. Faiblesse des règles multilatérales. Sur le plan multila-
téral, la question des règles de concurrence a été appréhendée sous
l’angle de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales que
sont le dumping ou encore les subventions illicites en permettant aux
membres qui en sont victimes d’adopter des droits de douane correc-
teurs. L’article XVII du GATT de 1994, consacré aux entreprises d’État,
impose à ces dernières de ne pas discriminer les opérateurs étrangers
dans le cadre de la commande publique. L’article VIII de l’AGCS men-
tionne pour sa part les fournisseurs exclusifs de services et leur impose
de ne pas abuser de leurs monopoles lorsqu’ils rentrent en concurrence
avec des fournisseurs de services étrangers s’agissant des services
ouverts à la concurrence internationale. L’article XVIII du GATT de
1994 encadre enfin la possibilité pour les pays en développement de
recourir à des aides d’État, en particulier lorsqu’il s’agit de favoriser
la création d’une branche nationale de production déterminée.
143. Absence de règles multilatérales communes en matière
de concurrence. En dépit du droit reconnu aux membres de réagir
contre certaines pratiques commerciales déloyales, les règles multi-
latérales n’abordent pas directement la question de l’harmonisation
des politiques de concurrence des membres de l’OMC. L’Union a,
sans succès, soutenu le développement de règles en ce domaine à
l’OMC lors de la conférence ministérielle de Singapour en 1996 puis
à l’occasion du lancement du cycle de Doha en 2001. De la même
façon, s’ils n’ont pas été sans résultats, les efforts de l’Union visant à
promouvoir, en dehors du cadre de l’OMC, des mécanismes de coopé-
ration entre autorités concurrentielles, n’ont jamais permis d’élaborer
de véritables règles communes comparables à celles qui existent au
sein du marché européen (135). Pour l’immense majorité des États, la

(134) C’est au demeurant ce qui explique le développement de règles de concurrence au sein


de l’Union dès les origines de la construction européenne. Voy. en particulier les art. 101 à 109
du traité (règles applicables aux entreprises et aides d’État) ainsi que l’ensemble des règles de
droit dérivé fondées sur ces dispositions.
(135) La Commission européenne, en tant qu’autorité concurrentielle, a par ailleurs été à
l’origine d’une coopération internationale en ce domaine en étant à l’initiative, au début des années
2000, de la création du réseau international de la concurrence. Celui-ci regroupe les autorités de
la concurrence de 14 pays (principalement des pays de l’OCDE dont les États-Unis, le Japon ou

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politique de concurrence relève de la politique intérieure et de la sou-


veraineté économique de l’État. À travers ses ALE, l’Union a toutefois
tenté de conditionner la libéralisation des échanges internationaux au
développement de règles contraignantes en matière de concurrence.
144. Développement de chapitres conventionnels consacrés
à la politique de concurrence dans les ALE. Les ALE de l’Union,
en particulier ceux de la dernière génération d’accords, contiennent
des chapitres spécifiquement dédiés aux règles en matière de concur-
rence (136). Les engagements qui en découlent sont le plus souvent
restreints, tant pour ce qui concerne l’application des règles de concur-
rence aux entreprises (§ 1) que celles qui visent les aides d’États (§ 2).
La situation particulière de certains accords, principalement ceux
négociés entre l’Union et d’autres pays européens, justifiera ici un
traitement spécifique (§ 3).

§ 1. – Les règles applicables aux entreprises


145. Dispositions conventionnelles contenant des règles
visant les comportements des entreprises. L’ALE signé avec le
Chili en 2002 constitue le premier texte à prendre en considération la
question de la concurrence. Les parties s’y engagent à accorder une
« attention particulière » aux ententes et autres pratiques anticoncur-
rentielles (137). Il ne s’agit donc pas de mettre en place des règles com-
munes mais plutôt de s’engager à appliquer les mesures internes déjà
existantes – les législations de chacune des parties étant listées dans
l’accord – de façon à assurer une libre concurrence. La coopération,
qui recouvre la notification, la consultation, l’échange d’informations
non confidentielles, et l’assistance technique est également encoura-
gée. Les accords ultérieurs ont globalement repris ce dispositif, tout

encore le Canada). Fonctionnant sur la base du consensus, ses membres sont invités à formuler
des recommandations relatives à la mise en application du droit de la concurrence. Par ailleurs,
à côté des ALE, plusieurs accords bilatéraux de l’Union européenne organisent des mécanismes
de dialogue et de coopération et en matière de concurrence.
(136) Les ALE contiennent par ailleurs plusieurs dispositions conventionnelles qui, bien que
non inscrites dans le chapitre dédié à la concurrence, intéressent les politiques menées en ce
domaine. Il s’agira le plus souvent de réserves de compatibilité conventionnelle concernant des
mesures prises au titre de la politique de concurrence. À titre d’exemple, le CETA reconnaît le
droit pour les parties de prendre, dans le cadre du droit de la concurrence, des mesures sus-
ceptibles de restreindre l’accès au marché (art. 8, § 5.4). De même, au sein du chapitre dédié à
la libéralisation des services de télécommunications, les parties soulignent « l’importance d’un
marché concurrentiel pour la réalisation des objectifs légitimes de politique publique » (art. 15,
§ 14) et encourage la prohibition des pratiques anticoncurrentielles en ce domaine (art. 15, § 4).
(137) Art. 172, § 2, de l’ALE UE-Chili.

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en l’affinant. L’accord UE-Corée vient ainsi offrir une définition plus


précise des notions d’accords entre entreprises, d’exploitation abusive
et de concentration selon une terminologie qui se rapproche de la défi-
nition existante au sein de l’Union européenne (138). Il en va de même
d’autres accords plus récents (ALE UE-Vietnam ou UE-Japon). Ces
textes indiquent aussi en substance que les autorités de concurrence
doivent traiter les entreprises des deux parties de la même manière,
notamment du point de vue de l’équité procédurale et des droits de
la défense (139). L’indépendance des autorités chargées de mettre en
œuvre les règles en matière de concurrence n’est en revanche pas
précisée dans tous les ALE (140).
146. Les mécanismes reposant sur la coopération. Il n’est
à aucun moment question dans les ALE négociés par l’Union d’har-
moniser les pratiques ou même de rendre exécutoires les décisions
adoptées par une partie sur le territoire de l’autre. Chaque partie à
l’accord conserve bien ici le droit de réglementer comme elle l’entend
les comportements des entreprises. Ces dispositions conventionnelles
reflètent ainsi une large déférence à l’égard de la mise en application
des règles de concurrence et plus largement des politiques de concur-
rence. Cela se manifeste aussi par l’exclusion systématique des procé-
dures de règlement des différends en principe applicables à l’ensemble
des dispositions des ALE.
147. Dispositions conventionnelles intéressant le comporte‑
ment des États. Les chapitres relatifs aux politiques de concurrence,
ou dans certains cas des sections ou des dispositions conventionnelles
spécifiques, s’appliquent aux comportements des États. Peuvent être
ici concernés le maintien ou la création de monopoles d’État à des
entreprises publiques ou bénéficiant de droits exclusifs ou encore des
aides d’État accordées au secteur privé. À titre d’exemple, l’ALE conclu
avec la Corée mentionne les entreprises bénéficiant de droits spéciaux
et exclusifs, pratique à laquelle les règles en matière de concurrence
ne font pas obstacle. De même, l’accord ne prohibe pas le maintien
ou la création de monopoles d’État nécessaires à la réalisation d’une

(138) Art. 11, § 1.3, de l’ALE UE-Corée.


(139) Art. 10, § 3, de l’ALE UE Vietnam ainsi que l’art. 15, § 5, du projet d’ALE avec la
Nouvelle Zélande.
(140) Ainsi, les ALE UE-Corée (art. 11, § 3) et UE-Vietnam (art. 10, § 3) évoquent sobrement
les autorités chargées de mettre en œuvre le droit de la concurrence, l’ALE avec le Japon contient
pour sa part un art. spécifique sur « [l’]indépendance opérationnelle » de l’autorité chargée de
mettre en œuvre le droit de la concurrence.

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mission particulière d’intérêt général assignée à l’entité concernée. Il


prévoit plus modestement que les achats de biens doivent être réalisés
de façon non discriminatoire (141). Les accords plus récents imposent
aux entreprises publiques d’agir en fonction de considérations com-
merciales dans le cadre de leurs activités économiques. Elles doivent
ainsi prendre leurs décisions d’achat et de vente selon des motiva-
tions d’ordre commercial, dans le respect des principes de l’économie
de marché, en agissant comme le feraient des entreprises privées.
Paradoxalement, ces mêmes textes insistent aussi sur la possibilité de
déroger aux règles de concurrence concernant les entreprises chargées
d’une mission d’intérêt général (142). Le CETA va même jusqu’à incor-
porer directement la notion de service d’intérêt économique général,
héritée du droit de l’Union, dans le chapitre consacré aux règles de
concurrence (143).

§ 2. – Les règles encadrant le recours aux subventions


148. Un renforcement progressif. Les règles intéressant les sub-
ventions n’ont cessé d’être renforcées, notamment dans le cadre des
accords négociés après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne au
point de dépasser aujourd’hui le contenu des obligations négociées au
titre de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires
de l’OMC. L’ALE UE-Corée, signé en 2010, indique ainsi que « [l]es
Parties conviennent de mettre tout en œuvre pour réparer ou suppri-
mer, par l’application de leur législation en matière de concurrence
ou par tout autre moyen, les distorsions de concurrence causées par
les subventions dans la mesure où elles affectent les échanges inter-
nationaux » (144). Cette dernière disposition rappelle ici les règles de
l’OMC et le possible recours à des mesures compensatoires autorisées

(141) Art. 11, § 4, et 11, § 5, de l’accord.


(142) Art. 11, § 3.2, de l’ALE UE-Japon et, avec une formulation similaire, l’art. 10, § 3.5, de
l’ALE UE-Vietnam.
(143) Art. 17, § 1, du CETA. Précisons également que plusieurs dispositions insérées dans les
chapitres relatifs à la libéralisation des services postaux évoquent le droit des parties de maintenir
et de créer des « services universels » et de définir le type d’obligations qu’elles souhaitent mainte-
nir à l’égard de ces derniers. Ces obligations ne sont pas considérées comme étant, en elle-même,
anticoncurrentielles, dès lors qu’elles sont appliquées de façon transparente, objective et non
discriminatoire (art. 7, § 34, de l’ALE UE-Corée, 136 de l’ALE UE-Pérou, Colombie, Équateur ou
8, § 37, de l’ALE UE-Japon). Dans le CETA, cette notion de service universel a une portée plus
large et concerne l’ensemble des services liés aux télécommunications.
(144) Cette formulation pouvait d’ailleurs se comprendre au regard des différends commer-
ciaux qui ont opposé, dans l’enceinte de l’OMC, l’Union et la Corée au sujet notamment des sub-
ventions dans le secteur de la construction navale (voy. le rapport du groupe spécial dans l’affaire
Corée – Mesures affectant le commerce des navires de commerce, WT/DS273/8, 12 avril 2005).

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par les règles multilatérales. Un peu plus loin, l’ALE UE-Corée souligne
également la possibilité de saisir à ce sujet le mécanisme bilatéral de
règlement des différends prévu par cet accord (145). Négocié quelques
années plus tard, l’ALE UE-Japon reconnaît, dans un chapitre spéci-
fiquement consacré à la question des subventions, le bien-fondé de
certaines d’entre elles dans le développement des politiques publiques.
Mais il précise aussitôt que certaines subventions sont « susceptibles de
perturber le bon fonctionnement des marchés et d’amoindrir les avan-
tages de la libéralisation des échanges et des investissements » (146).
Reprenant cette formule, le projet d’ALE négocié avec la Nouvelle-
Zélande précise que des subventions publiques ne devraient pas être
accordées dès lors qu’elles pourraient avoir des conséquences néga-
tives pour l’environnement (147).
149. Mécanismes de notification et de consultation bilaté‑
rale. Les ALE négociés avec la Corée et la Nouvelle-Zélande, ainsi que
l’ALE UE-Vietnam, organisent également une obligation de notification
à l’autre partie des subventions qu’une partie envisage d’octroyer à des
entreprises et qui dépassent un seuil défini dans l’accord. En outre, si
une partie considère qu'une subvention de l’autre partie a, ou pourrait
avoir, un effet négatif significatif sur ses intérêts en matière de com-
merce ou d’investissement, une demande de consultation bilatérale
pourra être engagée à ce sujet. À l’issue de ces consultations, les
préoccupations exprimées devront être prises en compte sans pour
autant que le dispositif n’oblige au retrait des subventions contestées.
150. Subventions interdites ou conditionnées. Les textes
les plus récents viennent également prohiber (ALE UE-Japon et
UE-Nouvelle Zélande) ou conditionner (ALE UE-Vietnam) certaines
subventions spécifiques ayant un impact négatif sur les échanges et
l’investissement. Il en va ainsi de prêts qui seraient accordés à des
entreprises sans garanties et sans limites par les pouvoirs publics ou
encore de subventions destinées à la restructuration d’une entreprise
en difficulté ou en faillite sans que l’entreprise ait élaboré un plan de
restructuration crédible (148).

(145) Voy. les art. 11, § 9, à 11, § 15, de l’ALE UE-Corée et la présentation du mécanisme
bilatéral de règlement des différends en troisième partie de cet ouvrage, §§ 216 et s.
(146) Art. 12, § 1, de l’ALE UE-Japon.
(147) Au demeurant, ce projet d’ALE traite de la question des subventions aux pêcheries et
invite les parties à respecter le cadre onusien en ce domaine et à promouvoir un accord sur cette
question négocié au sein de l’OMC.
(148) Voy. les art. 12, § 7, de l’ALE UE-Japon et 10, § 9, de l’ALE UE Vietnam.

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151. Bilan des dispositifs conventionnels en matière de


subventions. La proximité des termes employés dans les plus
récents accords sur le sujet des subventions démontre l’attache-
ment de l’Union européenne à cette question aujourd’hui cruciale
dans le développement des relations économiques internationales,
comme en témoigne l’émotion provoquée en Europe par la mise en
place de l’Inflation Reduction Act aux États-Unis (149). Mais les
mécanismes conventionnels prévus par les ALE demeurent, hormis
certains accords que nous allons maintenant présenter, de portée
limitée sur le plan matériel, et peu contraignant au niveau procé-
dural (150).

§ 3. – Particularités de certains accords


en matière de concurrence
152. Le précédent de l’accord instituant l’espace économique
européen. Certains accords de l’Union abordent la question de la
concurrence de façon originale et ambitieuse, en s’appuyant sur le
modèle que constituent les règles en vigueur dans le marché intérieur.
Ainsi, et même s’il n’entre pas à proprement parler dans la catégorie
des accords de libre-échange classiques de l’Union (151), l’accord ins-
tituant l’espace économique européen contient des règles particulières
en matière de concurrence. Un ensemble de dispositions couvrant à
la fois les ententes et les aides d’État s’inspire à cet égard très direc-
tement des règles du droit primaire (152).
153. La logique d’exportation de l’acquis héritée de l’EEE est
reprise dans les accords destinés à préparer l’adhésion d’États
tiers. Ainsi, l’accord de stabilisation et d’association entre l’Union
européenne et l’Albanie organise le rapprochement progressif des
législations en matière de concurrence, ce qui signifie en réalité que
l’Albanie devra rendre sa législation interne compatible avec l’acquis

(149) Loi du Congrès des États-Unis d’Amérique sur la réduction de l’inflation de 2022,
H. R. 5376, 16 août 2022. Cette législation organise un plan de subventionnement massif et prati-
quement sans précédent de l’économie américaine au nom de l’objectif de transition et de lutte
contre le changement climatique.
(150) C’est au demeurant ce qui explique pourquoi l’Union européenne vient d’adopter une
législation ayant vocation à s’appliquer aux entreprises de pays tiers qui bénéficient de subventions
étrangères et opèrent sur le marché européen. Règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen
et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur,
JO, L 330 et 23 janvier 2022, pp. 1‑45.
(151) Cet accord ne prévoit pas en effet la suppression des droits de douanes entre ses
signataires.
(152) Voy. en particulier les art. 53 à 64 de l’accord instituant l’EEE.

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communautaire et faire en sorte qu’elle soit appliquée correctement


à l’issue d’une période de transition de dix ans qui suit l’entrée en
vigueur (153).
154. Les accords d’association avec les pays du voisinage
procèdent également d’une logique d’influence normative de
l’Union européenne en matière de concurrence. Ainsi l’accord
d’association UE-Ukraine souligne l’importance d’une concurrence
libre et non faussée dans la relation commerciale entre les parties.
L’Union européenne et l’Ukraine s’engagent à maintenir un droit de
la concurrence destiné à lutter contre les ententes, les concentrations
les abus de position dominantes et à restreindre les aides d’État. Le
libellé de cet accord d’association va au demeurant plus loin que celui
des autres ALE puisqu’il y est précisé que les pratiques anticoncurren-
tielles sont « incompatibles » avec les engagements conventionnels. Il
organise un rapprochement des législations qui consiste là aussi en
un alignement du droit de la concurrence du partenaire sur les règles
applicables dans l’Union européenne, à l’issue d’un délai de trois ans
qui suit l’entrée en vigueur de l’accord (154).
155. L’accord de commerce et de coopération avec le
Royaume-Uni – une traduction conventionnelle de la notion
de concurrence loyale et équitable. La question de la concur-
rence loyale, abordée sous l’angle du level playing field, a été l’un
des sujets les plus politisés lors des négociations de l’accord destiné
à organiser la relation post-Brexit entre l’Union européenne et le
Royaume-Uni. À première vue pourtant, les dispositions qui inté-
ressent la concurrence dans l’accord de commerce et de coopération
ne sont pas si singulières que cela et s’apparentent sur de nombreux
points aux accords commerciaux de dernière génération, tout en pré-
servant la pleine autonomie des parties. Le Royaume-Uni ne voulait
pas d’un système de rapprochement des législations. L’originalité du
texte ressort cependant de l’insertion dans la partie commerciale de
cet accord, via un titre spécifique, des règles qui couvrent les ques-
tions de concurrence et le développement durable (155). Autrement
dit, la proximité des normes sociales, environnementales ou même
fiscales appliquées par les parties est, pour la première fois dans

(153) Art. 70 de l’accord.


(154) Art. 256 de l’accord d’association UE-Ukraine.
(155) Titre XI de la seconde partie de l’accord, qui se subdivise lui-même en différents cha-
pitres.

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la traduction normative du libre - échange  123

un ALE de l’Union, appréhendée comme la condition d’une juste


concurrence, au même titre que les règles en matière d’entente et
de subvention.
À l’examen, la portée normative des différents chapitres s’avère
toutefois variable, dès lors qu’ils ne renvoient pas nécessairement aux
mêmes procédures de règlement des différends. Ainsi les parties s’en-
gagent à mettre en œuvre des règles de concurrence applicables aux
entreprises, qu’il s’agisse des ententes, des abus de position dominante
et des concentrations sans pour autant reconnaître en ce domaine la
compétence du mécanisme de règlement des différends interne à l’ac-
cord. Il en va de même des engagements censés contraindre l’activité
des entreprises publiques ou qui bénéficient de droits et privilèges
spéciaux (156).
La question des aides apportés par les États ou l’Union aux entre-
prises est abordée dans le cadre d’un autre chapitre, consacré aux sub-
ventions (157). Il y est notamment prévu que le Royaume-Uni mettra en
œuvre un système de contrôle des subventions publiques dès l’entrée
en vigueur de l’accord. Les disciplines conventionnelles s’avèrent ici
plus détaillées et surtout plus contraignantes. Les législations internes
se doivent d’assurer la mise en œuvre des dispositions conventionnelles
encadrant les subventions et la création d’organes indépendants chargés
de faire respecter les engagements conventionnels (158). En outre, et
alors même que cet accord n’est pas en principe d’effet direct, les juri-
dictions internes de l’Union et du Royaume-Uni seront en capacité de
faire appliquer les législations internes de transposition des engagements
conventionnels (159). Un système de récupération des subventions indû-
ment versées est également prévu. La violation des dispositions relatives
aux subventions pourra de surcroît justifier l’imposition de mesures
correctives unilatérales dès lors que la subvention en cause est suscep-
tible de provoquer un effet défavorable sur les relations de commerce
et d’investissement entre les parties (160). L’accord de commerce et de
coopération souligne au demeurant que le droit d’adopter ces mesures
correctives est autonome par rapport aux règles pertinentes de l’OMC,
en l’occurrence les règles issues de l’accord SMC (161).

(156) Chapitre 2 du titre XI de l’accord.


(157) Chapitre 3 du titre XII de l’accord.
(158) Art. 366 et s. de l’accord.
(159) Art. 372.
(160) Art. 374.
(161) Art. 374, § 13.

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124 la traduction normative du libre - échange

§ 4. – La coopération réglementaire

156. Objectifs de la coopération. Bien que les accords de libre-


échange ne privent pas les parties de leur pouvoir de réglementation,
les divergences réglementaires constituent un frein important aux
échanges commerciaux et peuvent limiter l’effet de la réduction des
droits de douane. La Commission européenne déplore régulièrement
leur coût économique, pas toujours justifié à ses yeux par des consi-
dérations d’intérêt général, et souhaite développer la coopération dans
ce domaine avec ses partenaires commerciaux les plus proches. Il ne
s’agit pas de faire en sorte d’harmoniser les réglementations mais, plus
modestement, d’encourager leur compatibilité et leur rapprochement
de manière à lever les obstacles au marché.

157. Une coopération longtemps sectorielle. L’Union euro-


péenne et ses partenaires conventionnels se sont, jusqu’à une période
récente, abstenus de développer des règles précises en matière de
coopération réglementaire dans les ALE. De façon ponctuelle, l’Union
a négocié avec ses partenaires commerciaux des accords de recon-
naissance mutuelle (ARM) qui facilitent l’examen réciproque de la
conformité à des normes jugées équivalentes. La multiplication de ces
ARM par l’Union européenne – signés avec l’Australie, le Canada, les
États-Unis, la Chine ou encore le Japon – ne doit cependant pas faire
oublier que la reconnaissance mutuelle demeure un procédé ponctuel
et généralement sectoriel.

158. Une coopération globale initialement développée en


dehors des ALE. L’idée de formaliser une coopération réglementaire
entre l’Union européenne et ses principaux partenaires économiques
n’est pas nouvelle. Elle s’était déjà manifestée avec le Canada, p
­ lusieurs
années avant le CETA, à travers la publication, en décembre 2004, du
« Cadre relatif à la coopération en matière de réglementation et à la
transparence du Gouvernement du Canada et de l’Union européenne ».
Le champ d’application de ce dispositif se rapportait aux domaines
couverts par les règles de l’OMC et, s’agissant de l’Union, aux régle-
mentations adoptées dans le cadre communautaire. Dialogue, partage
d’informations, consultations du partenaire lors de la préparation de
nouvelles réglementations, échanges d’expertises techniques entre la
Commission et les autorités fédérales canadiennes étaient ici mis en
avant. De la même façon, en 2007, l’Union et les États-Unis avaient
conçu un dispositif comparable au titre du partenariat économique

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transatlantique. Ces mécanismes ont inspiré les chapitres ensuite


négociés par l’Union européenne dans ses accords de libre-échange
et préparé les esprits à une coopération plus ambitieuse.
159. Le CETA, premier ALE à systématiser la coopération
réglementaire. Le CETA apparaît comme le premier accord de libre-
échange à avoir aménagé un chapitre spécifiquement consacré à la
coopération réglementaire, appréhendée de façon générale et non
plus sectorielle (162). On retrouve des dispositifs comparables dans
plusieurs accords ultérieurs à savoir l’ALE UE-Japon (163) l’accord
de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni (164) et le
récent projet d’ALE avec la Nouvelle Zélande (165) et le Chili (166)
qui ajoutent à cette coopération une référence aux « bonnes pra-
tiques réglementaires ». Les autres ALE peuvent évoquer la coopé-
ration réglementaire à l’occasion de certains chapitres mais pas de
façon transversale et institutionnalisée. Ainsi, l’ALE avec Singapour
la mentionne en matière d’obstacles techniques au commerce, dans
le cadre du commerce électronique ou encore dans le domaine des
télécommunications.
160. Portée de la coopération réglementaire. Dans le cadre du
CETA, le champ d’application de la coopération est envisagé largement
puisqu’il couvre les « aspects liés au développement, à l’examen et à la
méthodologie des mesures réglementaires prises par les autorités de
réglementation des Parties qui sont visées, entre autres, par l’accord
OTC, l’accord [SPS], le GATT de 1994 ». Cette coopération pourra
s’appliquer chaque fois qu’une réglementation sera susceptible d’af-
fecter le commerce, ce qui couvre alors un spectre extrêmement large
de mesures. Il en va de même de l’ALE avec le Japon qui s’applique
à toutes les mesures réglementaires « en lien » avec l’accord (167).

(162) Chap. 21 de cet accord.


(163) Chap. 18.
(164) Titre X de la partie 2 de l’accord.
(165) Chap. 22.
(166) Chap. 29 du projet d’accord rénové UE-Chili. Nous mentionnerons à la marge ce texte
qui évoque les bonnes pratiques réglementaires et pas la coopération réglementaire à proprement
parler.
(167) Soulignons par ailleurs que certains accords récents contiennent des dispositions qui
organisent une convergence réglementaire dans des domaines spécifiques, en utilisant comme
normes de références des standards internationaux. Il en va ainsi par ex. de l’ALE UE-Corée qui
contient une annexe (annexe 2-C) relative aux véhicules à moteur et à leurs composants. Les
parties y reconnaissent le forum mondial pour l’harmonisation sur les véhicules automobiles
dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-ONU) comme
organisme international de référence. Elles s’engagent à s’abstenir d’adopter de nouvelles réglemen-
tations techniques qui pourraient diverger de celles établies au sein de la CEE-ONU. On retrouve

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Les autorités de réglementation des parties ne sont pour leur part


pas définies dans le cadre du CETA. Entendues au sens large, les auto-
rités canadiennes, de niveau fédéral ou subfédéral, mais aussi celles
de l’Union européenne, y compris les agences dotées d’un pouvoir
de régulation, de même que l’ensemble des autorités compétentes
des États membres de l’Union, peuvent être concernées. C’est d’ail-
leurs ce qui ressort de l’instrument interprétatif adopté par les par-
ties au CETA au moment de la signature de l’accord qui évoque les
« autorités de réglementation » du Canada, de l’Union européenne
et de ses États membres. Même les entités infra-fédérales des États
membres de l’Union (régions et communautés belges par exemple)
sont ici concernées. En pratique cependant, la Commission, dont l’un
des représentants co-préside le Forum de coopération en matière de
réglementation (FCR) euro-canadien, centralise côté européen le dia-
logue organisé au titre de la mise en œuvre de la coopération régle-
mentaire. La question est plus simple s’agissant de l’ALE conclu avec
le Japon, les États membres n’en étant pas formellement parties. La
Commission européenne constitue alors, sans que cela ne laisse place
au doute, la seule autorité réglementaire compétente (168). Afin de
dissiper toute équivoque, l’accord de commerce et de coopération
UE-Royaume-Uni précise qu’il « ne s’applique pas aux autorités de
réglementation et aux mesures, pratiques ou approches réglementaires
des États membres » (169).
161. Les principes et objectifs généraux de la coopération
réglementaire. La lecture des principes et objectifs qui gouvernent la
coopération réglementaire fait apparaître une tension évidente entre
des considérations d’intérêt général – en particulier la promotion d’un
« niveau élevé de protection de la vie et de la santé des personnes et des
animaux, de préservation des végétaux et de protection de l’environne-
ment » – et ce qui constitue en vérité le cœur de cette démarche à savoir

aussi cette logique dans l’Annexe 2 c) de l’ALE UE-Japon. L’accès au marché est alors garanti pour
les véhicules qui respecteraient cette réglementation internationale, sauf à démontrer que celle-ci
est inefficace ou inappropriée pour assurer la sécurité routière, la protection de l’environnement
ou la santé publique. Il en va sensiblement de même au titre du CETA qui contient une annexe
consacrée aux véhicules automobiles dans laquelle la possible harmonisation des réglementations
futures applicables à ce secteur est mentionnée (annexe 4-A). La Partie canadienne s’y engage à
reprendre dans son droit interne les règlements techniques de la CEE-ONU « à moins que cela
occasionne un niveau de sécurité inférieur à celui de la réglementation canadienne ou compromette
l’intégration à l’échelle nord-américaine ».
(168) C’est aussi le cas au titre du projet d’ALE avec la Nouvelle Zélande (art. 22, § 2).
(169) Art. 342, § 3, de l’ACC. Cette formule a d’ailleurs été reprise dans le projet d’ALE négocié
avec la Nouvelle Zélande (art. 22, § 3.1).

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la traduction normative du libre - échange  127

« prévenir et éliminer les obstacles au commerce et à l’investissement »,


« améliorer les conditions de la compétitivité et de l’innovation […] en
cherchant à assurer la compatibilité, la reconnaissance d’équivalence et
la convergence des réglementations », et enfin « promouvoir des pro-
cessus réglementaires transparents, efficients et efficaces » (170). De
même, l’ALE UE-Japon soutient des approches réglementaires compa-
tibles et la réduction des exigences réglementaires inutilement lourdes,
faisant double emploi ou divergentes, tout en rappelant l’autonomie et
le droit de réglementer conformément à une série d’objectifs de poli-
tiques publiques – santé publique, protection des consommateurs, de
l’environnement, lutte contre le changement climatique (171).
162. L’encouragement à suivre des bonnes pratiques régle‑
mentaires. C’est dans ce cadre non contraignant que les chapitres sur
la coopération réglementaire invitent les parties à suivre un ensemble
de bonnes pratiques qui, au demeurant, sont celles qui ont été inté-
grées par le législateur européen depuis de nombreuses années (172).
La réglementation doit ainsi être adoptée dans une démarche trans-
parente, ce qui suppose de faciliter l’accès aux documents dès leur
phase préparatoire. Des consultations publiques doivent être menées
de façon à impliquer la société civile et les réglementations reposer sur
des études d’impact ex ante et ex post. Ces bonnes pratiques réglemen-
taires sont, dans les ALE négociés avec le Japon et le Royaume-Uni,
mises symboliquement sur le même plan que la coopération. Tous les
textes ne sont cependant pas aussi précis. Le projet d’accord rénové
avec le Chili mentionne ainsi uniquement les bonnes pratiques régle-
mentaires et, pour ce qui est de la coopération, se limite à rappeler les
obligations existantes au titre des règles multilatérales et en particulier
la notification aux instances compétentes de l’OMC des réglementa-
tions susceptibles de faire obstacle au commerce.
163. Un dialogue entre autorités réglementaires. La coopéra-
tion réglementaire repose sur un dialogue se déroulant dans un comité
spécialisé où les autorités de chacune des parties se rencontrent pério-
diquement. En outre, les accords promeuvent l’implication du secteur
privé, étant entendu que ne sont pas uniquement visés les milieux
d’affaires intéressés mais, plus largement, les ONG, les universitaires,
les consommateurs et les autres groupes de réflexion.

(170) Art. 21, § 2, du CETA.


(171) Art. 18, § 1, de l’accord.
(172) Voy. en particulier le Livre blanc de la Commission sur la Gouvernance européenne,
COM(2001) 428 final, JO, C 287 du 12 octobre 2001.

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164. Une coopération reposant sur la volonté des parties.


L’expression « coopération réglementaire » s’oppose par définition à
l’idée d’homogénéisation et suppose que chaque partie à cette coopé-
ration conserve une large autonomie dans l’usage de son pouvoir de
réglementation. En d’autres termes, les chapitres sur la coopération
réglementaire ne contiennent aucun mécanisme contraignant, sous
forme de procédures ou de sanctions. Une divergence réglementaire
qui ferait obstacle au commerce de biens ou de services doit certes,
tant que faire se peut, être évitée. Mais elle n’est pas en soi inconven-
tionnelle ou susceptible d’être contestée en vertu des procédures de
règlement des différends prévues par les ALE. L’accord de commerce
et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni insiste
sur cet aspect, et souligne que « chaque Partie est libre de définir
son approche des bonnes pratiques réglementaires […] d’une manière
compatible avec son propre cadre juridique, ses pratiques, ses pro-
cédures et les principes fondamentaux qui sous-tendent son système
réglementaire » (173). Dans le cadre de cette coopération qualifiée
« [d’]optionnelle », une partie peut à tout moment décider de se retirer
des activités menées. Il s’agit là de la limite principale au mécanisme
du dialogue et de la coopération réglementaire, sans que cela signifie,
pour autant, que celle-ci sera en pratique entièrement dénuée d’effets.

§ 5. – L’émergence de la question de l’énergie


et des matières premières
165. L’intérêt européen à l’insertion de dispositions relatives
à l’énergie et à l’accès aux matières premières dans les ALE.
La question de l’approvisionnement en ressources énergétiques et plus
encore en matières premières stratégiques constitue, dans le contexte
sécuritaire, industriel et climatique actuel, un enjeu vital pour l’Union,
dont les ressources territoriales sont à cet égard limitées (174). La
transition énergétique et l’avenir industriel des Européens supposeront
dans les années à venir d’avoir un accès fiable à ces ressources dont
la demande est en pleine croissance.

(173) Art. 340 de l’ACC.


(174) Sur la question des matières premières et de l’accès à ces dernières, la Commission
vient de publier une communication spécifique, complétée par une importante proposition de
législation. Voy. la communication préc. de la Commission, « Un approvisionnement sûr et durable
en matières premières critiques au service de la double transition », COM(2023) 165 final ainsi
que la proposition législative déposée sur ce même sujet par la Commission, COM(2023) 160
final, 16 mars 2023.

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166. Dispositions conventionnelles sur la question de l’éner‑


gie et des matières premières. Ce n’est qu’assez récemment que la
question de l’accès aux biens énergétiques et aux matières premières
a été introduite dans des chapitres spécifiques des ALE. Jusqu’alors,
l’accès à ce type de ressources était surtout couvert par les accords
sur la protection des investissements étrangers négociés par des
États membres de l’Union de façon individuelle et, depuis l’entrée en
vigueur du traité de Lisbonne (175), par l’Union elle-même. L’objet
de ces accords est notamment d’éviter une expropriation des inves-
tissements réalisés par des entreprises européennes auprès de pays
tiers et d’organiser des procédures destinées à protéger les droits des
investisseurs étrangers contre les mesures adoptées par la puissance
publique (176). Par ailleurs, comme nous l’avons vu, les ALE ont tradi-
tionnellement repris les dispositions pertinentes du GATT concernant
l’interdiction des restrictions aux exportations qui s’appliquent bien
souvent, dans le contexte actuel, au commerce de matières premières.
La Commission a cependant jugé nécessaire de compléter ces dispo-
sitions par des chapitres dédiés aux biens énergétiques et aux matières
premières, tout d’abord dans le cadre de l’accord de commerce et de
coopération avec le Royaume-Uni puis dans celui des négociations
avec le Mexique, le Chili (accords rénovés) et la Nouvelle Zélande.
Concernant les négociations en cours avec l’Australie et l’Indonésie,
la Commission européenne a par ailleurs publié des propositions spé-
cifiques sur cette question sur le site de la DG Commerce.
167. Principales dispositions des chapitres des ALE consa‑
crés à l’énergie et aux matières premières. Le projet d’accord avec
la Nouvelle Zélande représente bien la prétention conventionnelle de
l’Union et la façon dont un de ses partenaires, riche en ressources natu-
relles (gaz, pétrole, charbon et autres ressources minières), cherche à
défendre ses intérêts sur ce sujet. Les objectifs du chapitre sur l’éner-
gie et les matières premières sont ainsi « de faciliter les échanges et les

(175) À l’exception notable du traité sur la charte de l’énergie (TCE) signé en 1994 (y compris
par l’UE) et entré en vigueur en 1998.
(176) Voy. les accords de protection des investissements négociés par l’Union, en parti-
culier depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et la nouvelle compétence acquise par
l’Union en ce domaine. À l’exception du chapitre 8 du CETA, non encore entré en vigueur, seuls
existent aujourd’hui des projets d’accords qui couvrent uniquement la question de la protection
des investissements et qui ont été négociés séparément des ALE, principalement à raison de la
nature de la compétence en ce domaine qui demeure partagée entre l’Union et ses États membres.
Voy. not. A. Hervé, « L’Avis 2/15 de la Cour de justice – Et maintenant, que faire du partage des
compétences entre l’Union et ses États ? », CDE, 2018, n° 1, pp. 693‑735.

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investissements entre les Parties afin de promouvoir, de développer et


d’accroître la production d’énergie à partir de sources renouvelables
et la production durable de matières premières, y compris par l’uti-
lisation de technologies vertes » (177). Autrement dit, les objectifs
apparaissent ici pluriels et, en dépit des précautions prises, potentielle-
ment contradictoires, puisqu’il s’agit bien « d’accroître » la production
d’énergie dans un contexte de durabilité. Une autre contradiction,
plus évidente encore, tient à l’opposition entre l’idée de promouvoir
le commerce et l’investissement et l’affirmation immédiate de la sou-
veraineté des parties sur l’exploitation de leurs ressources naturelles
sur l’ensemble de leurs territoires dont on peut penser qu’elle a été
voulue par la partie néo-zélandaise (178). L’accord souligne ainsi que
chaque partie conserve le droit d’adopter, de maintenir et de mettre
en œuvre des mesures nécessaires afin de sécuriser l’approvisionne-
ment de biens énergétiques et de matières premières et insiste sur le
fait que ce type de mesures est conforme à l’ALE (179). Cette dispo-
sition pourrait au demeurant jouer en faveur de mesures de restric-
tions de l’extraction et par conséquent des exportations justifiées par
des motifs liés à la volonté de préserver les ressources naturelles, à
condition toutefois qu’elle ne soit pas appliquée de façon à protéger
et favoriser l’industrie nationale.
Plus intéressant pour l’Union, l’accord négocié avec la Nouvelle-
Zélande interdit le maintien et la mise en place de monopoles d’ex-
portation, par lesquels une entité désignée par une partie dispose du
pouvoir exclusif d’exporter ou d’importer des biens énergétiques ou
des matières premières (180). L’imposition de prix ou de licences à
l’exportation est également prohibée, de même qu’est encadrée la mise
en place de « prix réglementés » concernant la fourniture de biens
énergétiques et de matières premières (181) ou encore l’instauration
de procédures d’autorisation pour l’exploration et la production de
matières premières (182).

(177) Art. 13, § 1, du projet d’accord.


(178) Art. 13, § 2, du projet d’accord. En effet, les propositions formulées par l’Union euro-
péenne dans le cadre des négociations avec l’Indonésie et l’Australie ne reprennent pas cette
formulation.
(179) Ibid.
(180) Art. 13, § 4, du projet d’accord.
(181) Art. 13, § 5, et 13, § 6, du projet d’accord. Ce type de prix réglementé ne peut être mis
en œuvre qu’à la condition de répondre à un « objectif public légitime » et au moyen d’une mesure
« clairement définie, transparente, proportionnée et non discriminatoire ».
(182) Art. 13, § 7, du projet d’accord.

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L’accord intègre encore des considérations non économiques en


imposant notamment que les lois et réglementations des parties s’ap-
puient sur une évaluation de l’impact environnemental des activités
de production des biens énergétiques et des matières premières.
Reprenant des dispositifs inspirés de la convention d’Aarhus, le texte
souligne l’obligation d’inclure toutes les personnes intéressées, y com-
pris les ONG, à participer à cette étude d’impact de nature environne-
mentale (183). L’accord contient également des dispositions encadrant
l’évaluation des risques sécuritaires et environnementaux de l’extrac-
tion de gaz et de pétrole offshore et encourage l’accès au marché de
l’énergie pour les producteurs d’électricité « renouvelable » (184). Le
chapitre contient enfin des dispositions relatives à la recherche et au
développement ainsi qu’à la coopération.
168. Le signe d’une nouvelle approche de certaines questions
commerciales. Les derniers accords négociés par l’Union abordent
le commerce des biens énergétiques et les approvisionnements en
matières premières selon une approche qui se démarque nettement
de la libéralisation classique des échanges. Il s’agit ici pour l’Union de
tenter d’obtenir du partenaire un accès non discriminatoire à certains
produits tout en admettant que l’accès à ces ressources ne peut être
illimité et dépourvu de considérations non économiques, en particu-
lier environnementales. La référence à la souveraineté des États sur
leurs ressources naturelles, qui rappelle la grande résolution onusienne
consacrée à ce sujet (185), montre en outre que l’Union n’est pas tou-
jours en position de force à l’heure de négocier ce type de disposition.

§ 6. – Le renforcement progressif des règles consacrées aux liens


entre commerce et développement durable
169. La faible intégration des considérations sociales et envi‑
ronnementales dans les règles de l’OMC. Les droits sociaux et
la protection de l’environnement, considérés comme faisant partie
intégrante du développement durable, ont longtemps été exclus de la
sphère des règles commerciales. Du reste, les tentatives européennes
ou américaines d’introduire ces sujets dans les négociations des règles

(183) Art. 13, § 8, du projet d’accord.


(184) Art. 13, § 10, du projet d’accord. Il convient de préciser que le terme de renouvelable
n’est pas ici défini et ne permet pas de savoir si l’électricité produite par des centrales nucléaires
relève éventuellement de cette catégorie.
(185) Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1962 :
« Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ».

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de l’OMC se sont heurtées à une forte opposition de plusieurs membres


de l’organisation, en particulier des pays en développement, exprimée
à l’occasion de la conférence de Seattle à la fin des années 1990. Tout
au plus, la question des droits sociaux et de la protection de l’envi-
ronnement a-t-elle été appréhendée, à l’OMC comme dans le cadre
des ALE, sous l’angle des exceptions tolérées à la condition de ne
pas apparaître comme excessivement protectionnistes et discrimina-
toires conformément à ce que prévoient l’article XX du GATT et la
jurisprudence qui s’y rapporte. De nombreux accords commerciaux
contemporains, tel que le traité RCEP promu par la Chine, continuent
au demeurant d’exclure la question sociale et environnementale en
vertu d’une vision restrictive de la portée du libre-échange et des trai-
tés commerciaux.
170. Innovations introduites par le traité de Lisbonne.
L’article 207 TFUE, issu du traité de Lisbonne, indique que « la poli-
tique commerciale commune est menée dans le cadre des principes
et objectifs de l’action extérieure de l’Union ». À l’occasion de son
avis 2/15 rendu en 2017 (186), la CJUE a souligné que ces principes
et ces objectifs, tirés de l’article 21, paragraphes 1 et 2, TUE, portent
notamment sur le développement durable lié à la préservation et à
l’amélioration de la qualité de l’environnement et la gestion durable
des ressources naturelles mondiales. La conduite de la politique com-
merciale se doit par ailleurs de tenir compte, en vertu des articles 9
et 11 TFUE qui contiennent des clauses horizontales, de considé-
rations tenant à la protection sociale et des exigences liées à la
protection de l’environnement. L’objectif de développement durable
fait ainsi partie intégrante de la politique commerciale commune et
les négociations commerciales ne sauraient aujourd’hui ignorer cet
aspect. Cela ne dit pas pour autant jusqu’à quel point ces considé-
rations doivent être intégrées dans les accords et, notamment, si la
violation des engagements en matière sociale et environnementale
doit avoir les mêmes conséquences qu’un non-respect des autres
engagements de nature purement économique et commerciale. En
tout état de cause, le négociateur européen dispose d’une assez
grande liberté, la détermination du contenu des ALE relevant avant
tout d’un choix politique. L’évolution du contenu des chapitres sur
le développement durable est en réalité l’histoire d’un effacement

(186) CJUE, 16 mai 2017, Avis 2/15, Compétence de l’Union pour conclure l’accord de libre-
échange avec Singapour, préc., pts 139‑167.

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la traduction normative du libre - échange  133

progressif, et encore très limité du point de vue de ses effets pra-


tiques, de la spécificité des engagements de nature sociale et envi-
ronnementale.
171. L’intégration progressive de dispositions consacrées au
développement durable dans les ALE de l’Union. La temporalité
influence fortement le contenu des règles conventionnelles des ALE
consacrées au développement durable. Le contraste est frappant si
l’on compare le contenu des dispositions des ALE négociés voici deux
décennies – tel que l’accord d’association UE-Chili signé en 2001 –
rétrospectivement assez pauvre et cantonné à de vagues références au
développement durable – et des accords plus récents, en particulier
les textes négociés avec le Royaume-Uni (2020) et la Nouvelle Zélande
(négociation achevée en 2022), qui constituent à ce jour les cas plus
aboutis d’intégration du développement durable dans un accord de
libre-échange. Des chapitres consacrés aux liens entre commerce et
développement durable, incluant la référence à des règles sociales et
environnementales, sont aujourd’hui proposés à tous les partenaires
conventionnels de l’Union, à l’exception des accords de partenariat
économique (APE) négociés avec des États de la zone ACP, plus pré-
cisément des partenaires des zones Afrique et Pacifique (187).
Le modèle actuel de chapitre conventionnel en matière de déve-
loppement durable est pourtant, de façon paradoxale, né du premier
APE négocié entre l’Union européenne et les membres du Cariforum
(2008) avant même l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Ce texte
comprenait en effet deux chapitres assez ambitieux sur l’environne-
ment (188) et les aspects sociaux (189). L’ALE UE-Corée a enrichi
ensuite ce modèle et l’on retrouvera des chapitres sur le développement
durable dans tous les ALE ultérieurs, qu’il s’agisse du CETA, des textes
négociés avec les partenaires asiatiques ou latino-américains (y com-
pris ceux du MERCOSUR), mais également des accords d’association

(187) Les accords de partenariat économique intérimaires, négociés entre l’Union et des pays
africains dans l’attente de futurs accords régionaux, n’évoquent la question du développement
durable que dans des dispositions générales figurant dans le préambule de l’accord ou au moyen
de clauses de rendez-vous renvoyant à de futures négociations sur ce sujet. La question du dévelop-
pement durable est par ailleurs traitée de façon très limitée, sans inclure de références aux règles
sociales et environnementales, dans le cadre des APE négociés avec la CEDEAO, l’UEMO et leurs
États membres. Ces questions sont dans l’ensemble renvoyées à l’accord de partenariat UE-ACP,
dont le texte a fini d’être négocié en 2022. Mais les liens juridiques entre ce dernier texte et les
ALE demeurent ténus et la violation éventuelle des engagements en matière sociale et environ-
nementale par l’une des Parties ne semble pas pouvoir être sanctionnée sur le plan commercial.
(188) Art. 183 à 190 de l’APE UE-Cariforum.
(189) Art. 191 à 196 de l’APE UE-Cariforum.

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134 la traduction normative du libre - échange

complets et approfondis négociés avec l’Ukraine, la Géorgie et la


Moldavie. L’accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni
et le projet d’ALE UE-Nouvelle Zélande sont également héritiers de
ce procédé itératif.
172. Principes gouvernant les chapitres conventionnels
consacrés au développement durable. Les chapitres portant sur
le développement durable postulent que les différents aspects du
développement, qu’ils soient économiques, sociaux ou environnemen-
taux ne doivent pas être mis en opposition. On retrouve par ailleurs
depuis l’ALE UE-Corée deux clauses types qui se déclinent tant dans
le domaine social qu’environnemental.
173. Rappel du droit de réglementer les questions sociales
et environnementales. Tout d’abord, ces chapitres rappellent l’exis-
tence d’un droit de réglementer des parties en lien avec le niveau de
protection qu’elles déterminent. Ainsi l’ALE UE-Corée reconnaît « à
chaque Partie le droit d’établir ses propres niveaux de protection en
matière d’environnement et de travail et d’adopter ou de modifier en
conséquence sa législation et ses politiques ». Ce faisant, les parties
à l’accord « s’emploient à ce que leur législation et leurs politiques
prévoient et encouragent de hauts niveaux de protection en matière
d’environnement et de travail, conformément aux normes internatio-
nalement reconnues […] et s’efforcent de continuer à améliorer leur
législation et leurs politiques » (190). Essentiellement déclaratoire,
cette formule reste aussi délibérément ambiguë. Elle favorise certes
la justification de mesures fondées sur des considérations sociales ou
environnementales qui pourraient éventuellement restreindre l’accès
au marché et encourage le choix d’un haut niveau de protection. Mais
le droit de déterminer le niveau de protection adéquat ou approprié
relève bien du libre choix des parties (191).
174. La clause de maintien des niveaux de protection.
L’objectif de cette clause est d’éviter que l’une ou l’autre des parties
ne choisisse d’affaiblir ses législations sociales ou environnementales

(190) Voy. l’art. 13, § 3, de l’ALE UE-Corée.


(191) On remarquera toutefois que le droit de réglementer se trouve tempéré dans le cadre de
l’accord d’association avec l’Ukraine au titre de l’exigence de rapprochement des législations. L’art.
290, § 2, de l’accord d’association UE-Ukraine, après avoir reconnu « le droit des Parties d’établir
et de réglementer leur propre niveau interne de protection en matière d’environnement et de tra-
vail » indique que, dans ces domaines, « l’Ukraine procède au rapprochement de ses dispositions
législatives, réglementaires et administratives de l’acquis de l’UE ». On ne retrouve cependant cette
formulation ni dans l’accord d’association négocié avec la Géorgie (voy. l’art. 228 de cet accord qui
mentionne le « droit de réglementer ») ni dans celui liant l’UE à la Moldavie (art. 364).

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la traduction normative du libre - échange  135

et les mesures qui en découlent afin d’obtenir ou de restaurer un


avantage compétitif. Cette prohibition conduit à appréhender le droit
social et le droit de l’environnement comme des facteurs structurant
la relation commerciale et qui ne sauraient être instrumentalisés sans
affecter la loyauté des échanges. Semble ainsi traduite l’idée d’une
lutte contre le dumping social et environnemental. L’accord ne va
pas cependant jusqu’à exiger des parties qu’elles relèvent leur niveau
de protection sociale ou environnementale, ce qui est du reste poli-
tiquement compréhensible, mais n’en constitue pas moins la limite
majeure de ces dispositifs conventionnels.
175. Rejet de l’éco- et du socio-protectionnisme. Plusieurs
ALE précisent, dans le cadre du chapitre consacré au développement
durable et en contrepoint de la clause relative au maintien du niveau de
protection présentée ci-dessus, qu’une partie ne saurait appliquer « les
lois en matière d’environnement et de travail d’une manière qui consti-
tuerait un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les
Parties ou une restriction déguisée au commerce » (192). L’interdiction
d’importer des biens au motif que leurs procédés et méthodes de fabri-
cation ne respecteraient pas certains standards sociaux et environne-
mentaux se trouve ainsi fragilisée. Ce type de disposition questionne
au demeurant la compatibilité avec les ALE de certaines législations
actuellement en discussion dans l’Union européenne. Il en va ainsi
par exemple de la proposition d’interdire le commerce de certains
biens susceptibles de contribuer à la déforestation (193) ou dont le
processus de fabrication a impliqué le recours au travail forcé (194).
176. Références aux normes internationales pertinentes. Les
accords reprennent le principe de l’incorporation de normes interna-
tionales de référence en matière sociale et environnementale, méthode
qui permet de rendre plus objectif le seuil de protection établi.
177. Droit du travail. En matière de droit du travail, les accords
mentionnent de façon générale la nécessité de soutenir la coopération
internationale. Ce sont principalement les règles définies dans le cadre
de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui ont ici valeur de

(192) Art. 13, § 3.4, de l’ALE UE-Vietnam.


(193) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise à dis-
position sur le marché de l’Union ainsi qu’à l’exportation à partir de l’Union de certains produits
de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, COM(2021) 706
final, 18 novembre 2021
(194) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’interdiction
des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union, COM/2022/453 final.

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136 la traduction normative du libre - échange

référence (195). Par ailleurs, en application des obligations au titre


de l’OIT et de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail et son suivi (1998), les ALE soulignent l’enga-
gement des parties à « respecter », « promouvoir » ou encore « mettre
en œuvre » (avec des formules qui peuvent différer mais qui sont glo-
balement semblables) les principes relatifs aux droits fondamentaux
du travail. Sont ainsi systématiquement visés, dans tous ces accords :
– la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de
négociation collective ;
– l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire ;
– l’abolition effective du travail des enfants ;
– l’abolition de la discrimination en matière d’emploi et de travail.
Dans les ALE postérieurs au traité de Lisbonne, les parties s’en-
gagent aussi à mettre en œuvre les conventions fondamentales de l’OIT
qu’elles ont ratifiées et, si tel n’est pas le cas, à s’efforcer de ratifier
les autres conventions fondamentales. La négociation de l’accord de
libre-échange peut d’ailleurs constituer une occasion pour l’Union
d’inciter son partenaire à ratifier l’ensemble de ces instruments, avec
cependant des résultats contrastés (196).
178. Expansion des règles en matière environnementale.
En matière de droit de l’environnement, on constate une tendance,
sans doute plus marquée qu’en matière sociale, à l’enrichissement
progressif des dispositions conventionnelles. Cette évolution est la
conséquence directe d’une montée en puissance des préoccupations

(195) Les ALE de l’Union se réfèrent également à la déclaration ministérielle du Conseil


économique et social de l’ONU de 2006.
(196) Ainsi, le Vietnam avait, début 2020, au moment de l’entrée en vigueur de l’ALE négocié
avec l’Union, conclu 6 des 8 conventions fondamentales de l’OIT, la dernière ratification, concer-
nant la Convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective de 1949, ayant
été effectuée en juillet 2019, concomitamment à la signature de l’accord. Le Vietnam a ensuite
ratifié la convention n° 105 sur l’abolition du travail forcé mais il n’a pas, pour l’heure, accepté de
le faire concernant la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.
On remarquera également qu’un partenaire comme le Japon, malgré la conclusion d’un ALE avec
l’Union, refuse de ratifier 2 des 8 conventions fondamentales de l’OIT à savoir la convention n° 105
sur l’abolition du travail forcé et la convention n° 111 concernant la discrimination en matière
d’emploi. Singapour, également partie à un ALE avec l’Union, s’est abstenu de ratifier 3 des 8
conventions fondamentales de l’OIT. La Corée du sud a longtemps refusé de ratifier certaines
conventions fondamentales de l’OIT (avec seulement 4 ratifications jusqu’en 2021). Mais elle vient
d’en approuver trois d’entre elles, après qu’un groupe d’experts constitué à la demande de l’Union
en vertu de l’ALE UE-Corée a considéré qu’elle contrevenait à ses engagements en matière sociale
souscrits dans le cadre de l’ALE qui la lie à l’Union.

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environnementales au sein de l’Union européenne dans un contexte


de prise de conscience des enjeux de climat et de biodiversité sur le
plan international.
L’ALE UE-Corée du sud souligne ainsi « [l’]intérêt mutuel » des
parties pour les négociations sur l’environnement qui touchent au
commerce et mentionne leur attachement à la mise en œuvre des
accords environnementaux multilatéraux auxquels elles ont adhéré,
ainsi que la nécessité de réaliser les objectifs de la convention-cadre
des Nations unies sur le changement climatique et le protocole de
Kyoto. Négocié quelques années plus tard, l’ALE UE-Vietnam se révèle
plus ambitieux. Une disposition s’intéresse ainsi spécifiquement à la
question du changement climatique et évoque la mise en œuvre par
les parties de la convention-cadre des Nations unies sur le changement
climatique, le protocole de Kyoto ainsi que l’accord de Paris. Ce dernier
traité est également mentionné dans l’ALE UE-Japon et les projets
d’accords UE-MERCOSUR et UE-Nouvelle Zélande. La coopération et
l’échange d’expériences sont encouragés, notamment dans la mise en
place de mécanismes de tarification carbone ou encore la promotion
de marchés intérieurs et internationaux du carbone.
De même, en matière de diversité biologique, les accords de der-
nière génération insistent sur l’importance de garantir la conserva-
tion et l’utilisation durable de la diversité biologique conformément
à la convention sur la diversité biologique de 1992 (CDB) et à la
convention sur le commerce international des espèces de faune et
de flore sauvages menacées d’extinction (convention dite CITES),
ainsi qu’à d’autres instruments internationaux pertinents auxquels
l’Union européenne et ses partenaires sont parties (197). Les accords
insistent encore sur l’objectif d’une gestion durable des ressources
biologiques marines et des produits de l’aquaculture. Ils s’appuient
pour ce faire sur les dispositions pertinentes de la convention des
Nations unies pour le droit de la mer. On signalera également les
références à la gestion durable des forêts et du commerce des pro-
duits forestiers.
179. Mise en œuvre des engagements conventionnels et spé‑
cificité de la procédure de règlement des différends. Jusqu’à
une période récente, aucun de ces chapitres sur le développement
durable ne comportait de règles directement contraignantes pour les

(197) Voy. not. les art. 16, § 6, et s. de l’ALE UE-Japon.

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138 la traduction normative du libre - échange

parties. Il était plutôt question de promouvoir le dialogue et la coo-


pération, de rappeler les engagements internationaux, et de faire en
sorte que les législations et pratiques internes viennent effectivement
s’y conformer.
La normativité limitée des dispositifs existants est confirmée par
le fonctionnement des procédures de règlement des différends rat-
tachées aux chapitres sur le développement durable. Comme nous
le verrons plus en détail dans le cadre de l’analyse des mécanismes
de règlement des différends prévus dans les ALE (198), les chapitres
consacrés au développement durable ont, depuis l’ALE UE-Cariforum
signé en 2008, fait l’objet de procédures spécifiques et exclusives. La
procédure générale de règlement des différends prévue par les ALE,
inspirée de celle de l’OMC, a ainsi été explicitement écartée au profit
d’un dispositif ad hoc et moins contraignant.
Si l’une des parties considère que les engagements du chapitre sur
le développement durable ont été violés, elle pourra alors, passée une
phase préalable de concertation, saisir un groupe d’experts qui aura
la charge d’apprécier les faits, le droit applicable et de présenter des
« constatations et recommandations » (199). Les termes de « viola-
tion » des règles ou de « condamnation » ou encore de « sanction » ont
été soigneusement évités par les négociateurs. Plus encore, en vertu
d’une logique de spécialité des règles socio-environnementales et des
procédures qui s’y rapportent, la possibilité de sanctionner la viola-
tion par des sanctions de nature commerciale, consistant par exemple
en une hausse des droits de douane, s’est trouvée systématiquement
écartée. Ce faisant, la logique d’intégration des questions sociales et
environnementales dans le système conventionnel des ALE s’avère en
définitive limitée au point que l’on peut s’interroger sur la fonction
réelle des chapitres sur le développement durable. À certains égards,
les règles sociales et environnementales jouent pour l’essentiel un rôle
d’affichage destiné, au moins au sein de l’Union, à renforcer la légi-
timité d’accords commerciaux aujourd’hui contestés. Ce positionne-
ment, qui continue de se manifester dans des projets d’ALE tout juste
négociés avec le MERCOSUR ou encore le Chili, apparaît désormais
insuffisant. Les prochains ALE de l’Union pourraient toutefois évoluer
sous l’influence de l’accord de commerce et de coopération négocié
avec le Royaume-Uni.

(198) Voy. ci-dessous, §§ 216 et s.


(199) Voy. ainsi l’art. 285 de l’ALE UE-Pérou ou encore l’art. 13, § 17.8, de l’ALE UE-Vietnam.

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la traduction normative du libre - échange  139

180. Innovations introduites par l’accord de commerce et de


coopération UE-Royaume-Uni. L’accord de commerce et de coopé-
ration entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, entré en vigueur
début 2021, aborde de façon originale et novatrice des questions liées
au développement durable. En termes de présentation formelle des
dispositions tout d’abord, doit être souligné le fait que les règles en
matière sociale et environnementale s’inscrivent dans un titre global de
l’accord consacré aux « [c]onditions équitables pour une concurrence
ouverte et loyale et un développement durable ». Cette mise en relation
délibérée entre développement durable et loyauté des échanges com-
merciaux constitue un réel changement de paradigme, qui se traduit
par le fait que les chapitres sur la concurrence et les subventions ou
encore la fiscalité côtoient désormais ceux qui abordent les règles
sociales et environnementales. Elle tranche avec les chapitres sur le
développement durable des autres ALE qui, jusqu’à présent, étaient
symboliquement placées à la fin de l’accord, signe de leur marginalité.
L’accord de commerce et de coopération enrichit également le
contenu des règles en matières sociales et environnementales pré-
sentes dans les ALE. Certes, l’harmonisation ou même le simple rap-
prochement des législations demeurent écartés et chacune des parties
retrouve ici son droit de réglementer, conformément à la logique géné-
rale de ce texte. Mais des objectifs ambitieux sont fixés par l’accord, en
particulier celui de parvenir à la neutralité climatique pour l’ensemble
de l’économie des parties d’ici à 2050 (200). Dans le domaine de l’envi-
ronnement et du climat, l’accord est également beaucoup plus précis
que les ALE précédemment négociés par l’Union européenne (201).
L’accord introduit une clause innovante d’exécution, valable tant
en matière sociale qu’environnementale, en vertu de laquelle chaque
partie s’engage à faire en sorte que ses engagements seront correcte-
ment mis en œuvre dans leurs législations internes et veille à ce que
des procédures administratives et judiciaires soient ouvertes aux par-
ticuliers. L’accord va même jusqu’à souligner la possibilité d’adopter,

(200) Art. 355, § 3, de l’ACC.


(201) Découle ainsi de la clause de non-régression la nécessité de maintenir un niveau de
protection concernant les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre et l’élimination pro-
gressive des substances appauvrissant la couche d’ozone. L’Union et le Royaume-Uni maintiennent,
s’agissant des gaz à effets de serre, l’objectif de réduction de 40 % pour l’ensemble de l’économie
à l’horizon 2030 (art. 390, § 3). L’art. 392 contient par ailleurs des engagements à mettre en place
un système de tarification du carbone dès le début de l’année 2021, ce qui compense le fait que le
Royaume-Uni était, en tant que membre de l’UE, un contributeur important au système de quota
carbone mis en place au sein de l’Union européenne.

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140 la traduction normative du libre - échange

dans le cadre des voies de recours internes, des mesures provisoires


ou conservatoires destinées à assurer l’effectivité des droits concer-
nés (202). Ce dispositif est important car il tempère l’habituelle
absence d’invocabilité des ALE.
Par ailleurs, l’ACC permet dans certains cas de recourir à des
mesures de « rééquilibrage », qui consistent en pratique en des sanc-
tions commerciales permettant de réagir rapidement au non-respect
des engagements par le partenaire qui pourraient avoir des effets néga-
tifs en termes de commerce et d’investissement (203).
181. Influence potentielle de l’accord de commerce et de
coopération sur les futurs ALE de l’Union. Reste à savoir si l’in-
troduction de dispositions aussi avancées en matière de développe-
ment durable s’explique uniquement par la situation particulière du
Royaume-Uni, ancien État membre de l’Union dont les négociateurs
ont sans doute souhaité ici limiter les effets du retrait, à défaut d’un
système d’harmonisation des législations internes, ou si ce texte va
désormais servir de modèle conventionnel pour les futurs accords de
libre-échange de l’Union. Les projets d’accords négociés avec les pays
du MERCOSUR, et plus récemment le Chili, ne l’ont pas repris, en
particulier sur le plan procédural, et se sont contentés du système
des groupes d’experts et des rapports à caractère non contraignant.
La situation pourrait toutefois changer si l’on observe l’évolution
récente du positionnement de la Commission. Dans sa communica-
tion sur la politique commerciale de 2021, cette dernière avait en effet
indiqué, après y avoir été invitée par certains États membres (204),
son souhait de mieux garantir « l’efficacité de la mise en œuvre et du
contrôle du respect des chapitres relatifs au développement durable
des accords commerciaux de l’UE » (205). Plus récemment, en juin
2022, la Commission a publié une nouvelle communication spécifique
sur ce sujet (206) dans laquelle elle appelle à renforcer les mécanismes
d’application par le biais de sanctions commerciales « dans des cas de

(202) Art. 388 s’agissant des normes sociales et 394 s’agissant des normes environnementales.
(203) Art. 411 de l’ACC. Nous reviendrons ci-dessous plus en détail sur ce type de mesures
dont la légalité peut faire l’objet d’un contrôle par les organes de règlement des différends que
prévoit cet accord (voy. les §§ 216 et s.).
(204) Voy. le non papier franco-néerlandais sur le commerce, ses conséquences en matière
socioéconomique et de développement durable publié sur le site de la direction générale du
Trésor le 12 mai 2020.
(205) Communication de la Commission, « Une Politique commerciale ouverte, durable et
ferme », COM(2021) 66, 18 février 2021, p. 11.
(206) Communication de la Commission, « La force des partenariats commerciaux : ensemble
pour une croissance économique verte et juste », COM/2022/409 final, 22 juin 2022.

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la traduction normative du libre - échange  141

violations graves des principaux engagements en matière de commerce


et de développement durable, à savoir les principes et droits fondamen-
taux au travail de l’OIT ainsi que l’accord de Paris sur le changement
climatique » (207). Par ailleurs, l’application de sanctions commerciales
en cas de violation de dispositions spécifiques relatives au commerce
et au développement durable devrait, selon la Commission, s’appuyer
sur les règles générales en matière de règlement des différends, mettant
ainsi fin à la spécificité des dispositifs de mise en œuvre qui avaient
jusque-là prévalu. C’est au demeurant cette approche qui s’est concréti-
sée dans le cadre du projet d’accord négocié avec la Nouvelle Zélande.
182. Les chapitres sur le développement durable, prélude à
une irruption croissante de règles non strictement commerciales
dans les ALE ? Cette volonté d’enrichir le contenu des règles non com-
merciales dans les ALE ne semble plus aujourd’hui se limiter aux seules
questions de développement durable. On la retrouve également avec
l’irruption de sujets nouveaux, qui se rattachent souvent à la volonté de
protéger certaines minorités ou catégories sociales vulnérables. Ainsi
par exemple, l’ALE rénové négocié avec le Chili contient un chapitre inti-
tulé « commerce et égalité de genre » (208) qui souligne « l’importance
d’intégrer une perspective de genre dans la promotion d’une croissance
économique inclusive et le rôle clé que des politiques responsables sur
les questions de genre peuvent jouer à cet égard ». Le texte mentionne
en l’occurrence certains accords internationaux de référence sur les
questions d’égalité entre hommes et femmes (209). Les autres règles
demeurent cependant peu contraignantes et relèvent avant tout de la
coopération. De façon assez logique, le mécanisme de règlement des
différends en matière de commerce ne couvre pas les dispositions de
ce chapitre. On notera également un chapitre spécifiquement consacré
à la question des Maoris dans le cadre du projet d’ALE avec la Nouvelle
Zélande (210). Si l’on comprend là encore l’intérêt politique et symbo-
lique à inclure ce type de dispositif censé améliorer l’inclusivité des
règles commerciales, on peine malgré tout à en saisir la portée pratique,
contrairement à l’insertion des règles sociales et environnementales qui
ont, de notre point de vue, un lien beaucoup plus évident avec les sujets
commerciaux et une incidence directe sur les échanges.

(207) Communication de la Commission, « La force des partenariats commerciaux : ensemble


pour une croissance économique verte et juste », préc., p. 13.
(208) Chap. 27 du projet d’accord rénové.
(209) La convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des
femmes de 1979.
(210) Voy. le chap. 20 de ce projet d’accord.

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Chapitre 2 - La traduction normative du libre-échange
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142 la traduction normative du libre - échange

183. Conclusion du second chapitre. On retiendra de cette


présentation de la substance des ALE plusieurs éléments marquants.
Tout d’abord, les ALE ne se limitent plus à une simple levée des
droits de douane, même si le sujet des tarifs douaniers demeure
primordial et permet aussi très probablement à l’Union d’obtenir
de la part de ses partenaires conventionnels des concessions sur
les questions non tarifaires. Outre les questions de services et de
marchés publics, une grande partie des mesures prévues par ces
accords consiste en un accompagnement de la logique de libéralisa-
tion par des règles nouvelles, dont l’objectif est d’assurer une forme
d’équité dans un contexte de concurrence économique accrue. Il ne
s’agit pas pour autant d’harmoniser les législations et réglementa-
tions, les parties aux ALE conservant bien, par principe, un droit de
réglementer et de définir à cet égard le niveau de protection qu’elles
jugent utile et nécessaire, que ce soit sur le plan économique, social,
sanitaire ou environnemental en vertu de leur droit de réglementer,
dont l’importance symbolique et politique n’a cessé de se renforcer
au fil du temps.

La libéralisation doit par ailleurs être comprise comme un pro-


cessus. Elle n’est jamais complètement aboutie et achevée car l’éli-
mination des droits de douane ou des restrictions au commerce des
services laisse toujours apparaître d’autres types de restrictions aux
échanges, souvent légitime, et qui se rattachent comme nous l’avons vu
au droit de réglementer des parties mais aussi, plus fondamentalement,
à la souveraineté des États. L’élimination de ce type de barrières aux
échanges s’avère en pratique extrêmement difficile, et pas nécessai-
rement souhaitable, car les restrictions au commerce qui demeurent
traduisent bien souvent des préférences collectives et des choix de
société qui n’ont pas toujours vocation à être effacés ou surmontés,
même dans le cadre d’une négociation bilatérale.

Le grand paradoxe du libre-échange est d’en appeler à davantage de


règles et d’alimenter un phénomène d’inflation normative qui explique
la complexification grandissante des instruments conventionnels. À
cela s’ajoute un désir, qui relève aussi parfois d’une opération de com-
munication, visant à faciliter l’approbation de ces accords, à ajouter
de nouvelles règles prenant en compte des considérations dont le lien
avec le commerce et sa régulation n’est pas toujours facile à saisir, en
particulier lorsque sont abordées les questions de genre ou les droits
des minorités.

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L’existence de règles couvrant les différents aspects de l’échange


et du commerce international contemporain n’est toutefois pas suffi-
sante. Les dispositifs et procédures de mise en œuvre des ALE sont
sans doute aussi importants que le contenu matériel des accords eux-
mêmes. Ils révèlent en effet la portée véritable de ces textes de droit
international et leur propension à déployer leurs effets au sein des
ordres juridiques internes.

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CHAPITRE 3

APPLIQUER LE LIBRE-ÉCHANGE

Sommaire

Section 1. Administrer les accords de libre-échange de l’Union 146


Section 2. Mettre en œuvre les ALE 150
§ 1. – Le champ d’application des accords 150
§ 2. – Les procédures d’exécution des ALE 164

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184. Plan. La question de la mise en œuvre des ALE de l’Union


prend aujourd’hui une importance croissante à raison de la multi-
plication des accords conclus ces dernières décennies. La question
de l’application des ALE sera ici respectivement appréhendée sous
l’angle de l’administration des accords (section 1) et de leur mise en
œuvre (section 2).

S ection 1. A dministrer les accords de libre - échange


de l ’U nion

185. Architecture institutionnelle prévue par les ALE. Les dis-


positions conventionnelles qui régissent la libéralisation des échanges
organisent également sur une architecture institutionnelle dont l’ob-
jectif sera de veiller à la mise en œuvre effective des accords. À titre
d’exemple, l’accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni
instaure un conseil de partenariat (1), un comité de partenariat com-
mercial (2), dix-huit comités spécialisés dont une dizaine couvrent
les questions de nature commerciale (3), des groupes de travail (4),
une assemblée parlementaire du partenariat (5), des conseils consul-
tatifs internes de la société civile (6) ainsi qu’un forum de la société
civile (7). Une telle architecture institutionnelle, généralement orga-
nisée dans les dispositions finales des accords commerciaux, n’a rien
au demeurant d’exceptionnelle (8). On la retrouve dans les accords
qui organisent uniquement le libre-échange mais également dans les
accords dont la portée matérielle est plus large et dépasse les seules
questions commerciales, tels que les accords d’association.
186. Création d’une instance politique de haut niveau qui
supervise le dialogue en matière commerciale. Les ALE prévoient
généralement la création d’un comité commerce de niveau ministériel,
se réunissant au moins une fois par an. Ce comité, appelé selon les

(1) Art. 7 de l’accord.


(2) Art. 8, § 1, a), de l’accord.
(3) Ces derniers étant rattachés au comité de partenariat commercial.
(4) Rattachés à un comité spécialisé, les groupes de travail sont mentionnés à l’art. 9 de
l’accord.
(5) Art. 11 de l’accord.
(6) Art. 13 de l’accord.
(7) Art. 14 de l’accord.
(8) Voy. not. I. Bosse-Platière et C. Flaesch-Mougin (dir.), « L’Accord de commerce et de
coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni : les singularités d’un accord externe
inédit », RTDE, 2021, n° 4, pp. 809‑836.

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accords « comité commerce » (9) ou « comité mixte » (10), consti-


tue l’équivalent des conseils d’association prévus par les accords épo-
nymes (Chili, Ukraine, Géorgie). Plusieurs de ces textes précisent que
la partie européenne y sera représentée par le Commissaire européen
au commerce, conformément à la logique de l’article 17 TUE qui confie
à la Commission le rôle de représenter l’Union sur le plan international
et ce dans la logique de l’exclusivité de la compétence de l’Union en
matière commerciale (11).
Le rôle de cette instance de niveau ministériel sera de superviser
les travaux de l’ensemble des comités spécialisés, et plus largement
de surveiller et de faciliter la mise en œuvre de l’accord. Un règlement
intérieur, adopté par le comité mixte lui-même, précise le déroulement
de ses travaux (12). S’agissant du CETA, le règlement en vigueur pré-
cise que les réunions du comité mixte ne sont pas ouvertes au public,
sauf décision contraire des parties (13) confirmant ainsi le caractère
politique et diplomatique des discussions engagées au sein du comité
mixte. Les réunions doivent normalement avoir lieu en présentiel mais
le contexte sanitaire a conduit à généraliser les visioconférences ces
dernières années.
187. Pouvoirs de l’instance. Les ALE confèrent d’importantes attri-
butions aux instances de niveau ministériel. Outre le fait de décider
elles-mêmes de leur règlement intérieur, elles peuvent se saisir de toute
question couverte par l’accord. Elles sont en capacité de créer, instituer
ou dissoudre des comités spécialisés ou des groupes de travail, d’être à
l’origine d’une modification de l’accord, en vertu de la procédure d’amen-
dement que ces textes prévoient, et d’adopter des recommandations.
Les dispositions finales des ALE confèrent également à ces
instances un pouvoir de décision, doublé d’un pouvoir d’interpré-
tation (14). Les décisions ont pour effet de « lier les parties » à

(9) Art. 17, § 1, de l’ALE UE-Vietnam.


(10) Art. 26, § 1, du CETA et 22, § 1, de l’ALE UE-Japon.
(11) Cela n’est toutefois pas le cas des conseils d’association où des membres de la Commission
et du Conseil (représentant ainsi les États membres) peuvent représenter l’Union. Cette situation
se justifie par la nature mixte de ces accords et par le fait que ces conseils n’abordent pas que
des questions de nature commerciale mais également des sujets d’ordre politique couverts par ce
type d’accord. Voy. par ex. les art. 461 et 462 de l’accord d’association UE-Ukraine.
(12) Voy. par ex., s’agissant du CETA, la décision 2018/1068 du Conseil (JO, L 190 du 27 juil-
let 2018, p. 1) qui précise la position de l’Union concernant l’adoption du règlement intérieur du
comité mixte du CETA.
(13) Règle 11 du règlement intérieur, préc.
(14) Voy. not. art. 26, § 3, du CETA.

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l’accord (15). Le périmètre de ce pouvoir est généralement limité aux


objectifs de l’accord et, de façon cumulative, aux hypothèses pré-
vues par l’ALE (16). Le pouvoir d’interprétation, bien que non exercé
jusqu’à présent, apparaît important car il s’impose aux organes de
jugement aménagés par les ALE (17). Les accords ne précisent pas
au demeurant si ces interprétations sont susceptibles d’être arrêtées
à l’occasion de différends en cours, en particulier dans l’attente de
la publication d’un rapport, ce qui pourrait alors remettre en cause
l’indépendance de ces organes. Dans le cadre de son avis 1/17, la
Cour a cependant été amenée à préciser que l’octroi de ce pouvoir
interprétatif au Comité mixte prévu par le CETA, organe politique,
n’empêchait pas le tribunal compétent en matière de différends rela-
tif aux investissements d’exercer ses fonctions en toute autonomie,
solution a fortiori valable pour les autres modes de règlement des
litiges (18).
188. Modalités d’adoption des décisions. Les ALE de l’Union
prévoient que les décisions du comité mixte sont adoptées par consen-
tement mutuel sous réserve de « l’accomplissement de toutes pro-
cédures internes nécessaires ». Ces procédures internes renvoient,
s’agissant de l’Union, aux règles prévues par le droit primaire concer-
nant la détermination de la prise de position exprimée dans une ins-
tance instaurée en vertu d’un accord international. Conformément à
l’article 218, paragraphe 9, TFUE, une décision du Conseil doit alors
être adoptée sur proposition de la Commission (19). Cette procédure
devrait également s’imposer concernant les interprétations, dès lors
que celles-ci sont également susceptibles de produire des effets juri-
diques (20).

(15) Ce qui signifie qu’une remise en cause de ces dernières constituera une violation des
engagements internationaux, sans que pour autant l’accord ne prévoit en ce domaine d’éventuelles
sanctions.
(16) Il est permis d’imaginer qu’un exercice de ce pouvoir de décision qui dépasserait ce cadre,
et conduirait par exemple à détourner la procédure d’amendement, donnerait lieu à contestation.
Au sein de l’Union, un recours pourrait être engagé contre l’acte par lequel l’Union définit sa posi-
tion commune en vertu de l’art. 218 TFUE et contre tous les autres actes adoptés en application
de la décision contestée. Ce cas de figure ne s’est pour l’heure pas réalisé.
(17) Voy. ci-dessous.
(18) CJUE, 30 avril 2019, Avis 1/17, préc., pt 232.
(19) Disposition qui indique que « Le Conseil, sur proposition de la Commission […], adopte
une décision […] établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée
par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques »
(nous soulignons).
(20) Pour l’heure, aucune interprétation n’a été dégagée par les parties au titre des ALE de
l’Union.

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189. Autres comités spécialisés. Les ALE de l’Union prévoient


également la création d’une pluralité de comités spécialisés qui couvrent
l’ensemble des sujets traités dans ces textes conventionnels. On retrouve
ainsi dans ces différents textes un comité des marchandises, des droits
de douane, de la coopération douanière, des mesures OTC, de la recon-
naissance mutuelle ou encore des règles d’origine. S’y ajoutent en outre
des comités spécialisés sur les questions agricoles, sur les vins et spi-
ritueux, la propriété intellectuelle, les indications géographiques ou
encore les services ainsi que la coopération réglementaire. Là encore,
ces différentes instances ont en principe vocation à se réunir au moins
une fois par an. Le niveau de représentation sera nécessairement plus
technique que politique. Le CETA indique ainsi que « [c]haque Partie
fait en sorte que les autorités compétentes pour chaque question à
l’ordre du jour des réunions des comités spécialisés soient représen-
tées, selon ce que chaque Partie estime appropriée, et fait en sorte que
chaque question soit examinée selon le niveau d’expertise requis ». Côté
européen, ce sont des fonctionnaires des directions générales (DG) de
la Commission concernées par les sujets traités, et pas seulement des
membres de la DG Commerce, qui représenteront l’Union.
190. Forum de la société civile. Depuis l’ALE UE-Corée, les ALE
de l’Union mettent en place un forum de la société civile composé
notamment d’employeurs, de syndicats, d’organisations de travailleurs,
de représentants des milieux d’affaires et des ONG. Ces personnali-
tés, désignées par les parties elles-mêmes, se réunissent sur une base
annuelle. Dépourvu de pouvoir décisionnel, ce forum joue un rôle
consultatif, en particulier pour ce qui concerne les questions de déve-
loppement durable.
191. Mise en œuvre effective du dialogue institutionnel. Le
dialogue institutionnel instauré dans les ALE apparaît de plus en plus
dynamique, même si la pandémie a eu tendance à systématiser les
rencontres sous une forme dématérialisée. Le site internet de la DG
Commerce permet, pour chacun des accords, de connaître la régularité
des réunions ainsi que les sujets traités, à défaut cependant, et on le
regrettera, d’avoir directement accès aux échanges qui s’y déroulent,
ou à des comptes rendus détaillés des réunions.
L’institutionnalisation de ces rencontres permet aux parties d’échan-
ger des bonnes pratiques, de faire remonter à un niveau politique d’éven-
tuelles préoccupations internes, ou de présenter en amont des projets
législatifs susceptibles d’affecter la relation commerciale. L’objectif est

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ici de diminuer les risques d’incompréhensions et de défiance à l’ori-


gine des contentieux commerciaux. Ce dialogue constitue également
une illustration de la fameuse méthode néo-fonctionnaliste, qui fait le
pari, par le biais de ces interactions, d’une socialisation progressive
des personnalités impliquées dans la mise en application des ALE.
Subsiste malgré tout le risque d’un fonctionnement « en silo » de ces
différents organes, par exemple lorsque des questions de nature sociale
ou environnementale sont abordées exclusivement dans des instances
créées pour en connaître, et non dans celles dont les sujets sont sup-
posés être restreints aux aspects d’ordre économique et commercial.
On notera enfin l’absence fréquente de dialogue approfondi entre les
parlementaires ainsi que la faible implication des représentants des
États membres de l’Union, qui conservent pourtant un important pou-
voir réglementaire susceptible d’affecter la relation commerciale.

S ection 2. M ettre en œuvre les ALE

192. Plan. L’étude de la mise en œuvre des accords de libre-échange


de l’Union européenne suppose d’analyser le champ d’application de ces
textes (§ 1). La mise en œuvre des accords repose en outre sur des pro-
cédures d’exécution, en particulier depuis que l’Union a systématisé l’in-
sertion de procédures de règlement des différends dans ces textes (§ 2).

§ 1. – Le champ d’application des accords


193. Champ d’application ratione temporis et ratione loci.
Après avoir étudié le champ d’application matériel des accords dans le
second chapitre de cet ouvrage, il importe d’en délimiter les contours
du point de vue temporel (A) et spatial (B).

A. Le champ d’application temporel


194. Point de départ de l’application de l’accord : l’entrée en
vigueur et la mise en application provisoire. La mise en œuvre
d’un accord international et sa capacité à produire des effets juridiques
dépendent des procédures constitutionnelles internes des parties, qu’il
s’agisse ici de l’Union européenne – et éventuellement de ses États
membres en cas de mixité de l’accord – et de son partenaire, un État
le plus souvent mais aussi, dans certains cas, une organisation éco-
nomique régionale.

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Conformément aux règles du droit international des traités, l’ALE


peut commencer à produire des effets juridiques dès son applica-
tion provisoire, qui suit généralement sa signature. C’est l’option que
l’Union a retenue ces dernières années concernant les accords mixtes,
en particulier les accords d’association conclus sur le fondement de
l’article 217 TFUE, pour les dispositions de nature commerciale qui
relèvent de la compétence exclusive de l’Union (21). Cela fut par
exemple le cas de l’accord de libre-échange « complet et approfondi »,
intégré formellement à l’accord d’association UE-Ukraine, qui fit l’ob-
jet d’une application provisoire de janvier 2016 à juin 2017, jusqu’à ce
que l’ensemble du texte conventionnel soit approuvé par l’Union et
ses États membres. La mise en application provisoire des règles de
nature commerciale relevant de la compétence exclusive de l’Union
a pour utilité première de limiter, côté européen, le ralentissement
de la procédure de conclusion provoqué par la mixité des accords
externes. S’agissant du CETA, cette procédure a permis d’éviter que
la nature partagée de la compétence de l’Union en matière de pro-
tection des investissements, affirmée par la Cour à l’occasion de son
avis 2/15 (22), n’oblige à attendre une hypothétique ratification du
texte par l’ensemble des parlements nationaux de l’Union pour appli-
quer des règles relevant de la compétence exclusive de l’Union (23).
Juridiquement, l’application provisoire peut être effective dès la
signature de l’accord, qui nécessite une proposition de la Commission
et une décision du Conseil. Cette option fut par exemple choisie avec
l’ALE UE-Corée, considéré comme un accord mixte (24). Cependant,
dans le cadre de la procédure de conclusion du CETA, la Commission
avait décidé de différer les effets de l’application provisoire dans

(21) L’accord de commerce et de coopération, bien que conclu sur la base de cette disposition,
n’a pas été qualifié d’accord d’association et a, par ailleurs, été conclu par la seule Union, ce qui
a au demeurant permis d’accélérer le processus de conclusion de ce texte. Il n’en demeure pas
moins qu’il a lui aussi été mis en application à titre provisoire dès sa signature fin 2020 et jusqu’à
son approbation en avril 2021 de façon à éviter une situation d’absence d’accord (« No-deal »)
entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, qui aurait conduit à réinstaurer des droits de douane
fondé sur le traitement OMC.
(22) CJUE, 16 mai 2017, Avis 2/15, Compétence de l’Union pour conclure l’accord de libre-
échange avec Singapour, préc.
(23) À ce jour, plus de 6 ans après sa signature en 2016, le CETA n’a toujours pas été ratifié
par l’ensemble des Parlements nationaux des 27 États membres. Tel n’est pas le cas notamment
du Parlement français.
(24) Décision 2011/265/UE du Conseil du 16 septembre 2010 relative à la signature, au nom
de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord de libre-échange entre l’Union
européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, JO, L 127
du 14 mai 2011, pp. 1‑3.

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152 la traduction normative du libre - échange

l’attente de son approbation par le Parlement européen, de façon


à reconnaître le poids de cette institution dans la procédure d’ap-
probation des ALE (25). L’application provisoire de cet accord a en
l’occurrence été reportée de quelques mois. Cette dernière solution
a politiquement valeur de précédent et pourrait être reprise dans le
cadre de l’application provisoire de la partie commerciale de futurs
accords mixtes actuellement en attente de signature, tel que l’accord
d’association avec le MERCOSUR (26).
Jusqu’à présent, il n’existe aucun exemple de suspension, voire
d’arrêt d’une application provisoire, même si ce cas de figure
demeure théoriquement possible, notamment si un État membre se
refusait, plusieurs années après la signature du texte, à approuver un
accord mixte. Cette hypothèse a été proche de se réaliser s’agissant
de l’accord d’association UE-Ukraine en 2016, après l’organisation
d’un référendum aux Pays-Bas en réaction à la loi nationale de rati-
fication de cet accord, avant qu’une solution diplomatique ne soit
finalement trouvée (27). L’application provisoire peut du reste se
prolonger de façon quasi-permanente, comme c’est le cas de l’ac-
cord d’association appliqué selon cette procédure entre l’UE et le
Cariforum depuis 2008.
L’entrée en vigueur du texte revêt pour sa part un caractère défi-
nitif, sauf à ce que l’accord soit dénoncé. Elle a généralement lieu,
conformément à ce que prévoient les dispositions pertinentes des
accords, à compter du premier jour du deuxième mois suivant la date
à laquelle les parties ont mutuellement notifié l’accomplissement de
leurs exigences et procédures institutionnelles respectives. Rappelons
que plusieurs années peuvent s’écouler entre la clôture des négocia-
tions de l’accord et son entrée en vigueur.

(25) Décision (UE) 2017/37 du Conseil du 28 octobre 2016 relative à la signature du CETA,
au nom de l’Union européenne, JO, L 11 du 14 janvier 2017, p. 1.
(26) À supposer que le Parlement européen accepte à terme d’approuver cet accord, ce qui
est loin d’être acquis.
(27) Les chefs d’État et de gouvernement des 28 États membres de l’UE, réunis au sein du
Conseil européen, prirent alors soin de préciser dans une déclaration commune que cet accord
d’association n’avait pas vocation à préparer une future adhésion de l’Ukraine à l’Union euro-
péenne (EUCO 36/15, 15 décembre 2016). Le problème pourrait cependant à nouveau se poser
si un État membre en venait à rejeter l’approbation du CETA. La déclaration n° 20 du Conseil
adopté à l’occasion de la signature de ce traité prévoit ainsi que « [s]i la ratification [du CETA]
échoue de façon définitive en raison d’une décision prononcée par une Cour constitutionnelle, ou
à la suite de l’aboutissement d’un autre processus constitutionnel et d’une notification officielle
par le gouvernement de l’État concerné, l’application provisoire devra être et sera dénoncée. Les
dispositions nécessaires seront prises conformément aux procédures de l’Union européenne ».

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195. Suspension de la mise en application de l’accord de libre-


échange. L’hypothèse d’une suspension d’un accord externe approuvé
par l’Union européenne est envisagée tant au titre du droit international
général qu’au regard du droit primaire de l’Union. La suspension d’un
accord auquel l’Union est partie peut venir sanctionner la violation
substantielle d’un traité international au sens de la convention de Vienne
sur le droit des traités (CVDT), en lieu et place de la dénonciation de
l’accord, qui revêt pour sa part un caractère définitif (28). L’article 218,
paragraphe 9, TFUE prévoit à cet effet que « le Conseil, sur proposition
de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, adopte une décision sur la sus-
pension de l’application d’un accord ».
Les accords externes de l’Union envisagent parfois cette hypothèse
de suspension (29). En particulier, lorsque les ALE se fondent dans des
accords au contenu plus large, principalement des accords d’association,
la possibilité pour une partie de suspendre la mise en œuvre de l’accord,
y compris de ses dispositions commerciales, est souvent prévue. Ainsi
l’accord d’association UE-Ukraine autorise la suspension de droits et
d’obligations en matière commerciale « en cas de violation d’éléments
essentiels visés à l’article 2 » (30), ce qui renvoie au respect des droits
humains (31). Les accords exclusivement centrés sur le commerce et
l’investissement ne contiennent pas en revanche de clauses qualifiées d’es-
sentielles, ni pour les droits humains, ni pour d’autres matières. La suspen-
sion de l’accord au cas où des éléments importants de ce dernier feraient
l’objet d’une violation évidente est malgré tout envisageable. Tout d’abord,
au titre du droit international, l’article 60 de la CVDT ne subordonne pas
la suspension d’un accord international à l’existence d’une base juridique
figurant de manière expresse dans le texte conventionnel. En outre, dans
la perspective du droit de l’Union, la Cour a, dans son avis 2/15, consi-
déré qu’une violation persistante des règles issues d’un chapitre relatif
au développement durable pouvait justifier une suspension de l’ALE (32).

(28) Voy. art. 60 de la CDVT.


(29) Il en va ainsi de l’art. 96 de la convention de Cotonou, qui fixe le cadre de la coopération
entre l’UE et les pays ACP, et permet de suspendre le bénéfice de l’accord à l’égard de l’une de
ses parties en cas violation des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit. L’art. 101,
§ 8, du projet de nouveau partenariat UE-ACP reprend un dispositif comparable.
(30) Art. 478, §§ 2 et 3.
(31) Pour l’heure cependant, cette clause « droits humains » n’a jamais été utilisée par l’Union,
pas plus au demeurant que par ses partenaires commerciaux à son encontre.
(32) Dans cet avis 2/15, la Cour avait en effet indiqué que « la spécificité du lien présenté
par les dispositions [en matière de développement durable] avec les échanges commerciaux entre
l’Union et la République de Singapour découle également du fait qu’une violation des dispositions

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196. Amendements à l’accord de libre-échange. L’amendement


d’un accord international suppose avant toute chose le consentement
des parties à celui-ci (33). Le recours à la procédure d’amendement est
à cet égard envisagé dans les ALE de l’Union (34), ce qui est logique
compte tenu de la nécessaire adaptation des règles à caractère éco-
nomique et des évolutions constantes du commerce international. Ce
recours aux amendements doit être réalisé conformément aux procé-
dures constitutionnelles respectives de chacune des parties, et ainsi
respecter les règles de conclusion des accords commerciaux.
Afin de simplifier la procédure, l’ALE UE-Japon, comme d’autres
accords récents, précise toutefois qu’un amendement peut être proposé
par le comité mixte concernant certaines dispositions de l’accord, notam-
ment celles qui intéressent les droits de douane. La décision du comité
mixte devra malgré tout être adoptée « conformément aux procédures
juridiques nationales respectives des Parties » ce qui signifie que, côté
européen, les règles de décision applicables à la modification des tarifs
douaniers (35) demeureront applicables, comme c’est déjà le cas de
la procédure de modification des listes d’engagements de l’OMC faisant
suite à une procédure prévue au titre de la mise en œuvre du GATT.
197. Terminaison de l’accord de libre-échange. Tous les
accords de libre-échange que l’Union européenne a jusqu’à présent
négocié ont vocation à s’appliquer pour une durée illimitée. L’Union et
ses partenaires n’ont en effet pas souhaité, à la différence des États-
Unis, insérer des clauses de rendez-vous qui pourraient affaiblir la
sécurité juridique du texte (36). Un ALE de l’Union européenne peut
cependant, à l’instar de tout autre traité international, cesser de pro-
duire ses effets dans certaines circonstances, soit par la dénonciation
du texte soit au cas où un nouvel accord viendrait le remplacer.

en matière de protection sociale des travailleurs et de protection de l’environnement, figurant à


ce chapitre, autorise, […], l’autre Partie à mettre fin à la libéralisation de ces échanges prévue
aux autres dispositions de cet accord ou à suspendre celle-ci » (pt 161 de l’avis préc.). Ceci étant,
la décision de suspendre l’accord, si elle venait à être prise par l’Union européenne, serait proba-
blement contestée par le partenaire commercial qui pourrait, en retour, saisir le mécanisme de
règlement des différends interne à l’accord et décider elle aussi de suspendre, partiellement ou
en totalité, le bénéfice de la libéralisation.
(33) Art. 39 de la CVDT.
(34) Voy. ainsi l’art. 23, § 2, de l’ALE UE-Japon.
(35) En l’occurrence la procédure législative ordinaire.
(36) L’accord de libre-échange États-Unis-Canada-Mexique, qui a remplacé l’ALENA, contient
une clause d’expiration automatique de cet ALE (Sunset Clause) prévoyant qu’à l’issue d’un délai
de 16 ans après l’entrée en vigueur de ce texte l’accord prendra fin à moins que les parties n’en
décident autrement (art. 34, § 7, de cet accord).

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198. Terminaison de l’accord par la dénonciation. Les ALE


de l’Union organisent des procédures de dénonciation qui prennent la
forme d’une notification écrite qui ne pourra être effective que passé
un certain délai, qui court généralement six mois après réception de la
notification de dénonciation. Du point de vue du droit international, la
dénonciation d’un accord par l’une de ses parties s’analyse comme un
acte unilatéral dont l’adoption dépendra des procédures constitution-
nelles internes applicables. La question de savoir quelle autorité peut
être habilitée à dénoncer l’accord n’est pas toujours évidente. Ainsi,
la capacité du président des États-Unis à dénoncer l’ALENA à raison
d’une simple décision de l’exécutif a fait l’objet d’intenses débats aux
États-Unis, qui n’ont du reste pas été tranchés de façon certaine (37).
La procédure de dénonciation d’un accord externe de l’Union n’est au
demeurant pas directement précisée dans le droit primaire, l’article 218,
paragraphe 9, abordant uniquement l’hypothèse de sa « suspension ».
On peut toutefois estimer que la Commission, en dépit de son pouvoir
de représentation de l’Union dans le domaine commercial, ne peut
prendre seule la décision de dénoncer l’accord. Le parallélisme des
formes pourrait au demeurant justifier qu’en matière commerciale, la
décision de dénonciation obéisse à la même procédure que celle de
sa conclusion, à savoir faire l’objet d’une décision du Conseil, adoptée
sur la base d’une proposition de la Commission et après approbation
du Parlement européen. Cette procédure a d’ailleurs été utilisée afin
de dénoncer d’autres accords relevant de la compétence exclusive de
l’Union européenne (38). Le choix pourrait également être fait de sus-
pendre sine die l’accord en vertu de l’article 218, paragraphe 9, ce qui
aurait en pratique des effets analogues à une dénonciation de ce dernier.
L’hypothèse où un ou plusieurs États membres, formellement par-
ties à un accord mixte, décideraient de le dénoncer unilatéralement,
pourrait à l’avenir être source de difficultés. Le risque est réel, si l’on
se souvient que de nombreux ALE sont intégrés au sein d’ensembles
conventionnels plus larges, en particulier des accords d’association
qui ont généralement une nature mixte. Il n’existe pas à ce jour de
solution juridique certaine. Politiquement, la dénonciation d’un accord

(37) Pour un point de vue favorable à cette thèse, voy. C. A. Bradely, « Exiting Congressional
Executive Agreements », Duke Law Journal, 2018, vol. 68. n° 8, pp. 1616‑1644 ; pour un avis néga-
tif, voy. H. Hongju Koh, « Presidential Power to Terminate International Agreements », The Yale
Journal Law Forum, novembre 2018.
(38) Voy. ainsi la décision (UE) 2018/757 du Conseil du 14 mai 2018 dénonçant l’accord de
partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et l’Union des Comores,
JO, L 128 du 24 mai 2018, pp. 13‑15.

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mixte par un ou plusieurs États membres fragiliserait à coup sûr la


pérennité de l’accord et obligerait l’Union, ses États membres, et son
partenaire commercial à trouver une solution diplomatique adaptée.
199. Terminaison de l’accord par voie de substitution. L’Union
envisage aujourd’hui le remplacement des anciens ALE par des textes
modernisés et intégrant les nouvelles priorités de sa politique com-
merciale. Il en va ainsi des accords signés au début des années 2000
avec le Mexique, qui devraient être remplacés par un nouvel ALE,
lui-même intégré dans un accord d’association plus global. Cet ALE,
dont le contenu a été dévoilé en avril 2018 sur le site internet de la
Commission, contiendra des chapitres beaucoup plus complets sur
l’investissement, les marchés publics, la propriété intellectuelle, le
commerce numérique ou encore le développement durable. L’accord
d’association avec le Chili devrait quant à lui être bientôt remplacé par
un texte au contenu modernisé, en particulier sur le plan commercial.
De même, un nouvel accord de libre-échange complet et approfondi
serait à terme, si les négociations aboutissent (elles sont bloquées
depuis 2019), destiné à remplacer les règles commerciales de l’accord
Euromed UE-Tunisie en vigueur depuis la fin des années 1990.

B. Le champ d’application territorial


200. Le libre-échange et son territoire. La notion de territoire
fait l’objet de références et de mentions multiples dans les ALE, en
particulier dans le contexte des règles relatives aux procédures doua-
nières, de la libre circulation des marchandises, des mesures SPS, ou
encore des engagements en matière de pêche et de transport. Ces
textes utilisent également la notion de « territoire douanier », en ren-
voyant alors à la définition élaborée au titre de la législation douanière
de l’Union européenne (39) ou de l’autre partie.

1° Application de l’accord au territoire de l’Union et de ses États


membres
201. Difficultés liées à la détermination du territoire euro‑
péen. Dans le cas de l’Union européenne, les ALE ont en principe
vocation à s’appliquer aux territoires couverts par le TUE et le TFUE,

(39) Actuellement visé à l’art. 4 du règlement (UE) 952/2013 du Parlement européen et du


Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union, JO, L 269 du 10 octobre
2013, p. 1.

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dans les conditions fixées par ces règles de droit primaire (40).
D’apparence simple, cette règle masque cependant une réalité plus
complexe, comme c’est souvent le cas lorsque l’on s’intéresse à la
portée territoriale des règles du droit de l’Union (41).
202. Exclusion de certains territoires relevant de la souve‑
raineté des États membres. Les ALE s’appliquent aux territoires des
États membres de l’Union. Cependant, certains territoires, qui relèvent
de la souveraineté des États membres mais qui font l’objet d’un statut
particulier, ne seront pas concernés par la mise en œuvre de l’accord,
en particulier les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) (42). Même
si ces territoires ne sont pas liés juridiquement par les ALE de l’Union
européenne, ces accords peuvent avoir des conséquences pour ces
territoires qui demeurent souvent très dépendants de leurs échanges
avec l’Union européenne (43). De même, les territoires de Ceuta et
Melilla, bien que relevant de la souveraineté espagnole, sont expres-
sément exclus du champ d’application de ces règles conventionnelles
et font l’objet de dispositions spécifiques (44).
203. Application des ALE aux territoires périphériques. À
l’inverse des PTOM, les départements français d’outre-mer (Guyane,
Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte) relèvent bien du champ
d’application territorial de l’accord, ce qui les confronte à une concur-
rence économique et commerciale avec des pays spécialisés dans des
productions concurrentes et qui peuvent tirer parti de réglementations
bien moins contraignantes, que ce soient en matière sociale, sanitaire
et environnementale. Certains accords contiennent à cet égard des
dispositions spécifiquement dédiées aux régions ultrapériphériques
(RUP) de l’Union européenne, dont font parties les DOM. L’accord
d’association UE-Pérou, Colombie, Équateur prévoit ainsi la possibi-
lité de mettre en place des mesures de sauvegarde susceptibles d’être

(40) Voy. par ex. l’art. 1, § 3, de l’ALE UE-Japon, l’art. 15, § 15, de l’ALE UE-Corée ou encore
l’art. 1, § 3, du CETA.
(41) Voy. plus largement sur le sujet de la territorialité du droit de l’Union L. Lebon, La ter­
ritorialité et l’Union européenne – Approches de droit public, Bruxelles, Bruylant, 2015.
(42) Ces derniers faisant l’objet d’un statut d’associé prévu par les art. 198 et s. TFUE. On
compte 13 PTOM français (Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Saint-Pierre-et-
Miquelon, des Terres australes et antarctiques françaises, de Wallis-et-Futuna, et, depuis 2012, de
Saint-Barthélemy), danois (Groenland) et néerlandais (d’Aruba et l’ensemble des Antilles néer-
landaises).
(43) Rappelons ici que, conformément à l’art. 200 TFUE, les droits de douanes à l’importation
entre les États membres de l’UE et les PTOM sont en principes interdits.
(44) Voy. par ex. l’art. 34 du protocole n° 1 annexé à l’ALE UE-Vietnam concernant la notion
de produit originaire ou encore l’art. 3, § 27, de l’ALE UE-Japon.

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activées en réaction à une hausse brutale des importations en prove-


nance des pays andins (45). La portée territoriale de ces mesures de
sauvegarde se limite cependant à ces RUP, ce qui ne permet pas de
répondre à la concurrence entre les exportations, à destination des
territoires métropolitains, des produits originaires de ces territoires
vulnérables et ceux originaires de l’autre partie (46). Certaines zones
du territoire douanier de l’Union européenne sont aussi concernées par
les règles relatives à la libre circulation des marchandises. Tel est le
cas de la principauté d’Andorre ou encore de la République de Saint-
Marin, qui font l’objet de dispositions conventionnelles spécifiques,
ou parfois de déclarations annexées aux ALE (47).
204. ALE et union douanière euro-turque. Conformément aux
règles de l’union douanière euro-turque, la Turquie applique à l’égard
des marchandises importées les mêmes droits de douane que ceux qui
résultent des engagements conventionnels prévus par les ALE conclus
par l’Union européenne (48). On s’interrogera à ce titre sur la faible
implication et association de la Turquie dans les négociations d’ALE
de l’Union, compte tenu de l’impact potentiel de ces derniers sur sa
propre économie (49). Il est au demeurant nécessaire de repenser les
règles et le fonctionnement de cette union douanière, conçue comme
l’antichambre d’une adhésion qui ne se produira probablement pas,
tant à court qu’à moyen terme.
205. Application des ALE aux nouveaux États membres de
l’Union. Par ailleurs, se pose la question de l’application des ALE
sur le territoire de nouveaux États membres ayant adhéré à l’Union
européenne après leur conclusion. Ces derniers sont certes tenus de
mettre en œuvre le tarif douanier extérieur commun de l’Union euro-
péenne dès leur adhésion à l’Union européenne et plus généralement
de respecter l’ensemble de l’acquis communautaire, y compris les

(45) Art. 56 de cet accord.


(46) C’est notamment le cas de la concurrence entre les exportations vers l’Europe des
bananes produites dans les Antilles françaises et celles cultivées dans les pays latino-américains
liés à l’Union par un ALE.
(47) Ainsi des déclarations annexées à l’accord d’association UE-Ukraine prévoient que les
produits originaires de ces territoires doivent être considérés comme étant originaires de l’Union
européenne.
(48) Voy. en ce sens les art. 12 et s. de la décision 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie
du 22 décembre 1995, JO, L 35/1 du 13 février 1996. Les produits agricoles demeurent toutefois
exclus de cette union douanière.
(49) C’est sans doute l’une des clés du mauvais fonctionnement de cette union douanière
euro-turque. À conséquences moindres, peut aussi être mentionné le cas des autres unions doua-
nières de l’UE (avec les territoires d’Andorre, Monaco et Saint-Marin).

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accords externes de l’Union. Mais la question peut a priori sembler


plus délicate du point de vue du partenaire commercial de l’Union,
d’autant qu’il pourra avancer, concernant les accords mixtes, que le
pays adhérent n’est pas formellement partie à l’ALE. Toutefois, même
lorsque l’accord de libre-échange est conclu au nom de la seule Union,
la question de l’adhésion d’un nouvel État membre peut nécessiter
des adaptations et des précisions concernant la portée des engage-
ments à l’égard de ce dernier (50). Les ALE négociés dans la période
récente aménagent à cet effet un système de consultations mutuelles
et de négociations qui permettra de décider d’éventuelles adaptations
ou phases de transition en ce qui concerne le pays concerné, dans
le cadre des instances décisionnelles prévues par l’accord (générale-
ment le comité du commerce réunissant les parties). Le CETA, accord
mixte, encourage par ailleurs le nouvel État membre à adhérer au texte
conventionnel, soit par le biais de son acte d’adhésion à l’Union, soit
en déposant formellement un acte d’adhésion auprès des parties à l’ac-
cord (51). Cette solution est sans doute celle qui offre la plus grande
sécurité d’un point de vue juridique. Il serait utile de la généraliser à
l’ensemble des futurs accords et de l’adapter à la situation du retrait
d’un État membre de l’Union européenne. En tout état de cause, le
recours à des solutions mutuellement négociées s’impose ici de façon
à éviter des contentieux coûteux et incertains, et dont la résolution
ne pourra in fine faire l’économie de la voie diplomatique.
206. Retrait d’un État membre : le cas britannique. Si l’hypo-
thèse de l’adhésion de nouveaux États membres a été de longue date
prise en considération par les négociateurs des ALE, en particulier
depuis la vague d’élargissement de 2004, tel n’a pas été le cas du retrait
de l’Union européenne, hypothèse pourtant envisagée pour la première
fois par le traité de Lisbonne et l’article 50 TUE. Cette éventualité appa-
raissait en effet théorique pour les négociateurs des ALE, du moins
jusqu’au résultat du référendum organisé au Royaume-Uni le 23 juin
2016. Pour les pays tiers ayant conclu un ALE avec l’UE, le retrait du
Royaume-Uni a pu être perçu comme une rupture de l’équilibre des
négociations, compte tenu de la perte d’accès au marché britannique.
En outre, en raison de la réintroduction d’une frontière douanière
entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, et en dépit de l’absence
de tarifs douaniers entre ces deux partenaires au titre de l’accord de

(50) Ce sera le cas par ex. concernant la définition du degré de libéralisation proposé au sein
du nouvel État membre en matière de services et de marchés publics.
(51) Voy. ainsi art. 30, § 10, du CETA.

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commerce et de coopération, les marchandises exportées vers l’un ou


l’autre de ces territoires ne peuvent désormais plus circuler en libre
pratique, comme c’est le cas au sein du marché intérieur européen,
ce qui constitue, de fait, un nouvel obstacle au commerce.
Du point de vue juridique, de nombreux ALE conclus avant le
Brexit avec des pays tiers lient l’Union et tous ses États membres.
Le Royaume-Uni a continué à se conformer à ces accords jusqu’à la
fin de la période de transition, fin 2020 et a dès 2016 organisé une
diplomatie commerciale active dans le but de remplacer sans délai les
anciens accords de l’Union par des ALE conclus en son seul nom. Cet
ancien État membre est d’ores et déjà lié par un ALE à une soixan-
taine de pays et groupements régionaux, y compris l’Union européenne
au titre de l’accord de commerce et de coopération (52). On peut
au demeurant remarquer que le contenu de ces accords s’apparente
assez largement à celui des textes précédemment négociés par l’Union
européenne. L’ALE conclu entre le Royaume-Uni et le Canada introduit
ainsi dès son article 1er une clause dite d’incorporation par laquelle
la plupart des dispositions du CETA font de jure partie intégrante de
l’accord. Le modèle conventionnel européen exerce ainsi de fait une
influence importante sur les nouveaux ALE britanniques qui pourrait
néanmoins décroître au fil du temps.
L’Union européenne a du reste engagé avec ses partenaires conven-
tionnels plusieurs négociations bilatérales, en utilisant pour ce faire les
structures institutionnelles mises en place par ses ALE, afin d’adapter
le contenu de ses concessions et listes d’engagements au retrait bri-
tannique. Des modifications de contingents tarifaires, ensuite intégrées
dans le droit de l’Union, ont été décidées (53). De façon générale,
l’Union est jusqu’à présent parvenue à éviter que le Brexit ne soit à
l’origine de différends commerciaux bilatéraux en réglant les diffi-
cultés nées de cet évènement inédit par la voie de la diplomatie. Ce
résultat n’était pas acquis d’avance.

(52) La liste des ALE négociés par le Royaume-Uni avec des pays tiers se trouvent à l’adresse
suivante : https://www.gov.uk/guidance/uk-trade-agreements-in-effect.
(53) Voy. ainsi le règlement d’exécution 2020/1739 (UE) de la Commission du 20 novembre
2020, JO, L 416 du 11 décembre 2020, pp. 32‑47.

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2° Application des ALE de l’Union sur le territoire


des partenaires conventionnels
207. Une question relevant a priori de la souveraineté
interne des partenaires conventionnels. Les négociateurs des ALE
s’abstiennent généralement de préciser la définition, et potentielle-
ment les limites, de la souveraineté territoriale des parties. Cela n’est
guère surprenant, la question du champ d’application territoriale étant
délicate, tant du point de vue de l’Union, organisation internationale
qui, contrairement aux États, ne dispose pas d’un territoire au sens
du droit international public, que pour certains de ses partenaires
dont les frontières et les titres d’occupation territoriale sont parfois
contestés.
Les ALE se contentent le plus souvent d’indiquer que l’accord
s’appliquera sur le territoire de l’État partie, sans apporter plus de
précisions (54). Il en va ainsi des textes négociés entre l’Union euro-
péenne et Israël (55), le Maroc (56), le Chili (57), la Corée (58), le
Vietnam (59) ou encore l’Ukraine (60) étant précisé que ce dernier
accord avait été négocié avant l’annexion de la Crimée par la Russie
en 2014. Certains accords, tout en reconnaissant la souveraineté ter-
ritoriale du partenaire, prennent aussi en compte les situations de
fait, telles que les occupations (61). De même, des territoires dont le
statut précis peut être controversé font parfois l’objet d’une attention
particulière. En ce sens, l’article 774 de l’accord de commerce et de
coopération avec le Royaume-Uni précise que l’accord ne s’applique

(54) Il existe certaines exceptions à cette absence d’indication concernant la délimitation


territoriale, en particulier au sujet de la délimitation du territoire maritime. Certains partenaires
conventionnels de l’Union, attachés au respect de la convention de Montego Bay pour ce qui se
rapporte notamment à la définition des zones économiques exclusives et à la définition du plateau
continental, s’y réfèrent directement dans la définition de leur territoire ou plus exactement du
champ géographique dans lequel s’applique l’accord. Il en va ainsi du Canada ou encore du Japon
qui ont souhaité faire préciser que les accords les liant à l’Union s’appliquent à la mer territoriale
mais aussi à leur zone économique exclusive. Voy. ainsi l’art. 1, § 3, du CETA ou encore l’art. 1,
§ 3.2, de l’ALE UE-Japon.
(55) Art. 83.
(56) Art. 94.
(57) Art. 204.
(58) Art. 15, § 14.
(59) Art. 17, § 24.
(60) Art. 483.
(61) Il en va ainsi de l’accord d’association avec la Géorgie, négocié après le conflit armé
avec la Russie en 2008, et qui prévoit « [qu’]en ce qui concerne la région de l’Abkhazie et celle de
l’Ossétie du sud sur lesquelles le gouvernement géorgien n’exerce aucun contrôle effectif, [l’ac-
cord d’association, et en particulier sa Partie commerciale] ne commenceront à s’appliquer que
lorsque la Géorgie pourra en garantir la mise en œuvre et le respect intégraux » (art. 429, § 2).

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pas à Gibraltar et n’a aucun effet sur ce territoire, qui a fait l’objet
d’un accord spécifique ultérieurement négocié entre l’Espagne et le
Royaume-Uni.
208. Influence des arrêts Brita et Front Polisario de la
CJUE. Dans l’ensemble, les dispositions conventionnelles des ALE
qui intéressent le champ d’application territorial témoignent du souci
d’éviter toute immixtion dans des problématiques de délimitation de
l’espace territorial, lesquelles seraient susceptibles d’être perçues
comme une ingérence dans les affaires intérieures et la souveraineté de
l’État. Pour autant, la problématique territoriale est réapparue devant
la Cour de justice de l’Union européenne, sollicitée pour se prononcer
sur l’applicabilité des ALE à certains territoires contestés à l’occasion
de recours en annulation ou, plus souvent, de renvois préjudiciels.
Il en a été ainsi tout d’abord à l’occasion de l’arrêt Brita (62) rendu
après que la Cour avait été saisie à titre préjudiciel par une juridiction
allemande afin de déterminer si les autorités douanières d’un État
membre se devaient d’accorder le traitement préférentiel prévu au
titre de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre
les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et
l’État d’Israël, d’autre part. La Cour considéra alors que « l’article 83
de l’accord d’association CE-Israël doit être interprété en ce sens que
les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’ap-
plication territorial de cet accord et ne sauraient donc bénéficier du
régime préférentiel instauré par celui-ci » (63). Quelques années plus
tard, à l’occasion de l’arrêt Front Polisario (64), le juge de l’Union eut
à nouveau à connaître d’un contentieux intéressant le champ d’appli-
cation d’un ALE, en l’occurrence l’accord sous forme d’échange de
lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux
mesures de libéralisation réciproques en matière d’agriculture et de
pêche. Signé entre l’Union européenne et le Maroc le 13 décembre
2010 (65), ce texte avait pour objet de mettre en œuvre la libéralisation
progressive des échanges commerciaux prévue à l’article 16 de l’accord
d’association, disposition qui n’indique pas précisément l’étendue du
territoire sous souveraineté marocaine. Le Tribunal de l’Union avait,

(62) CJUE, 25 février 2010, Brita, aff. C-386/08, ECLI:EU:C:2010:91.


(63) Pt 53 de l’arrêt préc.
(64) CJUE, 21 décembre 2016, Conseil c/ Front Polisario, aff. C-104/16 P, ECLI:EU:C:2016:973.
Voy. à ce propos A. Hervé, « La Cour de justice de l’Union européenne comme juge de droit
commun du droit international public ? – L’arrêt Conseil de l’Union européenne contre Front
Polisario », RTDE, 2017, n° 1, pp. 19‑34.
(65) JO, L 241, 2012, p. 4.

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dans un premier temps, admis la recevabilité d’un recours du Front


Polisario à l’encontre de la décision de conclusion de l’accord de libé-
ralisation par le Conseil. La Cour annula ensuite cet arrêt en considé-
rant que le Front Polisario ne bénéficiait pas dans cette affaire de la
qualité pour agir dès lors que l’accord en cause n’avait pas vocation
à s’appliquer au territoire du Sahara occidental. La Cour fonda son
raisonnement sur les règles du droit international public, en particulier
le principe d’autodétermination dont elle observa la valeur impéra-
tive (66) pour considérer que la souveraineté marocaine ne s’étendait
pas à cette portion de territoire. En dépit de la vive émotion qu’elle
a provoquée au Maroc, cette solution a ensuite été confirmée par la
Cour dans son arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign
UK (67). Ces arrêts n’ont cependant pas empêché l’Union européenne
et le Royaume chérifien de convenir de nouvelles modifications des
protocoles de l’accord d’association destinées à faire appliquer le pro-
tocole contesté au Sahara occidental (68), qui ont à leur tour alimenté
de nouveaux contentieux devant la Cour de justice (69).
Cette série de contentieux intéressant l’applicabilité des accords
liant l’Union au Sahara occidental pourrait à terme avoir des consé-
quences importantes sur sa politique conventionnelle de l’Union, des
pays tiers pouvant en effet craindre que les juridictions européennes
ne contestent ultérieurement l’exercice de leur souveraineté sur des
territoires contestés.

(66) Pts 58 et s. de l’arrêt préc.


(67) CJUE, 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK, aff. C-266/16, ECLI:EU:C:2018:118.
(68) Voy. la déclaration accompagnant les accords sous forme d’échange de lettre (JO, L 34
du 6 février 2019, pp. 4‑7) et la décision (UE) 2020/462 du Conseil du 20 février 2020 relative à
la position à prendre, au nom de l’Union européenne, au sein du comité d’association institué
par l’accord euro-méditerranéen (JO, L 99 du 31 mars 2020, pp. 13‑17). Cette dernière décision a
logiquement fait l’objet d’un nouveau recours auprès de la Cour de la part du Front Polisario, qui
a une nouvelle fois contesté la capacité du Maroc à contracter des engagements conventionnels
applicables au territoire du Sahara occidental (recours introduit le 23 juin 2020, Front Polisario
c/ Conseil, aff. T-393/20).
(69) Récemment, le Tribunal a accueilli favorablement deux autres recours en annulation
du Front Polisario à l’encontre de décisions du Conseil autorisant la conclusion d’accords modi-
fiant des protocoles de l’accord d’association euro-marocain et instaurant un partenariat dans le
domaine de la pêche durable. Sans aller jusqu’à reconnaître que le Maroc serait dans l’incapacité
de conclure des accords internationaux avec l’Union européenne, le Tribunal considère en l’es-
pèce que la conclusion de l’accord en vient à violer le principe de droit international de l’effet
relatif des traités, rappelé à l’art. 34 de la CVDT, à défaut d’avoir pu recueillir le consentement du
peuple Sahraoui (Tribunal de l’UE, 29 septembre 2021, Front Polisario c/ Conseil, aff. T-279/19 et
T-356/19, ECLI:EU:T:2021:639 et ECLI:EU:T:2021:640). Cette affaire fait actuellement l’objet d’un
pourvoi formé par le Conseil devant la Cour (aff. C-798/21).

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§ 2. – Les procédures d’exécution des ALE


209. Fondement juridique de l’obligation d’exécuter les
ALE. Conséquence de la règle pacta sunt servanda, le respect et
l’exécution des obligations conventionnelles est un principe essen-
tiel, sinon existentiel, du droit international public. Une partie à un
accord, y compris un ALE, ne saurait ainsi invoquer les dispositions
de son droit interne pour justifier la non-exécution de ce dernier (70).
S’agissant de l’Union et de ses États membres, l’obligation de respec-
ter les accords internationaux découle également du droit primaire,
l’article 216, paragraphe 2, TFUE précisant que « les accords conclus
par l’Union lient les institutions de l’Union et les États membres ».
Cette règle conditionne la crédibilité de l’Union sur la scène inter-
nationale.
210. Portée de l’obligation de respecter les ALE. Les
ALE négociés par l’Union prévoient aujourd’hui de façon quasi-
systématique que chacune des parties adopte toutes les mesures
nécessaires pour donner effet aux engagements convention-
nels (71). En ce sens, l’Union européenne, ses États membres et
ses partenaires conventionnels pourront être amenés à adopter des
mesures législatives, réglementaires ou administratives nécessaires
à la pleine mise en œuvre de l’accord. Compte tenu de leur portée
matérielle très large, les ALE de dernière génération sont suscep-
tibles de couvrir un grand nombre de situations internes. C’est sans
doute la raison pour laquelle les négociateurs de l’ALE UE-Japon
ont pris soin de souligner « [qu’]aucune des Parties n’est dégagée
des obligations qui lui incombent en vertu du présent Accord en
cas de non-respect des dispositions du présent Accord par tout
organisme gouvernemental ou non gouvernemental dans l’exercice
des pouvoirs que la Partie lui a délégués » (72). Cette solution est
au demeurant en ligne avec les principes de responsabilité du droit
international public (73).

(70) Voy. en ce sens l’art. 27 de la CVDT qui ne fait ici que reprendre le droit coutumier.
(71) Voy. l’art. 1, § 7.1, de l’ALE UE-Japon qui souligne que « [c]haque Partie veille à ce
que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner effet aux dispositions du présent
Accord ». Ce type de clause tranche avec les mécanismes, tels que la clause du grand-père, qui
peuvent être prévus dans des accords internationaux, afin que les parties puissent maintenir
des législations et réglementations existantes et potentiellement contraires à leurs engagements
conventionnels.
(72) Art. 1, § 7.3, de l’ALE UE-Japon.
(73) Commission du droit international, projet d’art. sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite, art. 4, § 1.

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211. Plan. Toutefois, l’invocabilité de ces traités qui ont une nature
fondamentalement interétatique demeure logiquement limitée (A). Le
non-respect des obligations peut aujourd’hui être à l’origine de procé-
dures de règlement des différends aménagées par les textes conven-
tionnels (B).

A. L’invocabilité limitée des ALE devant le juge de l’Union


212. Absence d’invocabilité des accords externes pour les
personnes privées – Le cas des accords commerciaux multila‑
téraux. La question de l’effet direct des accords commerciaux s’est
posée de façon récurrente, dès l’époque du GATT (74). À cet égard,
la Cour de justice de l’Union européenne a constamment rejeté la
possibilité pour les personnes privées, notamment les opérateurs éco-
nomiques, de se prévaloir des accords commerciaux afin d’écarter ou
d’annuler une règle du droit de l’Union, ou même d’obtenir réparation
d’un préjudice qui leur serait causé à raison de leur violation. Il en est
allé ainsi y compris dans le cadre du droit de l’OMC, sous réserve de
quelques exceptions dont la portée est très limitée et se réduit pour
l’essentiel à l’obligation d’interprétation conforme (75).
213. La reconnaissance de l’invocabilité de certains accords
bilatéraux. L’admission de l’invocabilité par la Cour de justice s’est
avérée plus aisée s’agissant des accords bilatéraux contenant des enga-
gements de nature commerciale, tel que l’ALE entre la Communauté
européenne et le Portugal au début des années 1980 (76). La Cour s’était
alors fondée sur le contenu de la disposition invoquée, en examinant
si cette dernière pouvait être considérée comme suffisamment claire,
précise et inconditionnelle. Plus globalement, les critères de l’objet et
du but des accords, ainsi que de leur contexte, se sont révélés pertinents
pour l’appréciation de l’invocabilité des textes conventionnels (77).

(74) CJCE, 12 décembre 1972, International fruit Company, aff. jtes 21 à 24‑72,
ECLI:EU:C:1972:115.
(75) CJCE, 9 septembre 2008, FIAMM, aff. C-120/06 et C-121/06, ECLI:EU:C:2008:476.
(76) Voy. not., à propos de l’ALE CE-Portugal, CJCE, 26 octobre 1982, Kupferberg, aff. 104/81,
ECLI:EU:C:1982:362.
(77) Dans l’arrêt Pabst & Richard, la Cour a pris en compte le fait que l’accord d’association
avec la Grèce avait pour but de préparer son adhésion pour reconnaître son invocabilité (CJCE,
29 avril 1982, Pabst & Richard, aff. 17/81, ECLI:EU:C:1982:129) ; voy. aussi, s’agissant de l’accord
d’association avec la Pologne qui avait pour but de préparer son adhésion (CJCE, 29 janvier 2002,
Pokrzeptowicz, aff. 162/00, ECLI:EU:C:2002:57). En revanche dans l’arrêt Demirel, après avoir
examiné l’accord d’association conclu avec la Turquie, la Cour a considéré que ce dernier était
moins ambitieux que l’accord conclu avec la Grèce et l’a donc rejeté (CJCE, 30 septembre 1987,
Demirel, aff. 12/86, ECLI:EU:C:1987:400, pt 15). Elle a par la suite infléchi sa position s’agissant

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Cette jurisprudence désormais ancienne de la Cour, soutenue par les


institutions, concernait pour l’essentiel d’anciens accords d’association,
où la libéralisation des échanges avait pour objet essentiel de préparer
une future adhésion à l’Union européenne. Elle n’est plus véritablement
adaptée à l’actuelle génération d’ALE, qui sont désormais négociés, sauf
exceptions, sans perspective d’adhésion future à l’Union européenne.
214. Choix des négociateurs d’écarter l’invocabilité des ALE
pour les personnes privées. L’Union européenne et ses partenaires
ont souhaité restreindre la possibilité pour les personnes privées d’in-
voquer les ALE devant leurs juridictions. Si les accords négociés dans
la première moitié des années 2000, n’abordent pas directement cette
question (78), l’invocabilité a ensuite été expressément écartée par
certaines dispositions spécifiques, en particulier dans le cadre des
listes d’engagement en matière de service annexées aux accords (79).
Toutefois, une telle solution limite la portée de l’exclusion de l’invo-
cabilité et peut laisser croire qu’a contrario le reste de l’accord est
susceptible de produire un effet direct.
L’Union a dans d’autres cas choisi de préciser l’exclusion de l’invo-
cabilité dans la décision relative à la signature ou à la conclusion des
ALE (80). Cette option qui vise l’ensemble du texte conventionnel, a
pour avantage d’affirmer avec clarté la position européenne quant au
rejet de l’invocabilité des ALE. Mais elle présente à son tour certaines
difficultés. En premier lieu, vis-à-vis du partenaire, cette façon d’inter-
préter l’accord en affaiblissant la portée effective de son contenu peut
être perçue comme une remise en cause unilatérale de l’équilibre des
droits et des obligations négociés entre les parties. En second lieu, il
n’est pas entièrement certain que les juridictions de l’Union s’estime-
raient liées par cette solution retenue par les institutions.

des dispositions issues des décisions prises par le Conseil d’association euro-turc en raison de
leur caractère inconditionnel et suffisamment précis (CJCE, 20 septembre 1990, Sevince, aff.
192/89, ECLI:EU:C:1990:322).
(78) Cas de l’accord d’association UE-Chili ou encore des Euromed.
(79) Voy. ainsi le pt 6 de l’annexe IV A de l’accord UE-Cariforum de 2008.
(80) L’art. 8 de la décision autorisant la signature et d’entrée en vigueur provisoire de l’ALE
avec la Corée précise ainsi que « [l]’Accord ne peut être interprété comme conférant des droits
ou imposant des obligations susceptibles d’être invoqués directement devant les juridictions de
l’Union ou des États membres » (décision 2011/265/UE du 16 septembre 2010, JO, L 127/1 du 14 mai
2011). Voy. égal. art. 5 de la décision 2014/295/UE relative à la signature de l’accord d’association
avec l’Ukraine. Cette solution s’inspire de l’acte de conclusion des accords de Marrakech qui
venait écarter l’invocabilité des règles de l’OMC. Voy. le préambule de la décision du Conseil
94/800/CE relative à la conclusion au nom de la communauté des accords issus des négociations
multilatérales du cycle de l’Uruguay, JO, L 336 du 23 décembre 1994, p. 1.

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Les ALE de dernière génération tranchent la question de l’invocabi-


lité de façon plus certaine en l’excluant dans le texte de l’accord lui-
même (81). Ce choix des négociateurs d’écarter l’invocabilité traduit
l’idée selon laquelle les accords commerciaux s’adressent d’abord et
avant tout aux États et à l’Union, qui en sont les seuls destinataires
directs, en dépit de l’impact que ces textes peuvent avoir sur les acti-
vités des opérateurs économiques, et plus largement sur les personnes.
Il s’agit bien ici de règles classiques du droit international public, qui
ne peuvent être comparées, dans leur objet et dans leur effet, au droit
de l’Union européenne. À cet égard, la façon dont l’accord de com-
merce et de coopération rejette toute possibilité pour les personnes
privées de se prévaloir du contenu de l’accord devant les juridictions
internes vient démontrer, si besoin était, combien les ressortissants
constituent désormais des destinataires indirects de la règle de droit
conventionnelle, par opposition avec la logique qui prévalait lorsque
le Royaume-Uni était encore un État membre de l’Union (82).
215. Tempérament au rejet de l’invocabilité devant les juges
internes. Ces clauses de rejet de l’invocabilité n’empêchent cependant
pas les parties de convenir, dans le cadre de dispositions spécifiques,
d’une obligation pour les administrations ou même les juridictions
internes d’appliquer des dispositions en conformité avec les règles de
l’accord. Le recours à cette méthode est fréquent dans les chapitres
relatifs aux services et à l’établissement, aux marchés publics ou bien
encore à la propriété intellectuelle.
Les juridictions de l’Union et de ses États membres peuvent éga-
lement être amenées à interpréter le droit national ou européen en
conformité avec les ALE. Cette solution de l’interprétation conforme,
préconisée par la Cour de justice à propos des règles de l’OMC, permet
souvent de prévenir la violation des engagements conventionnels et
de respecter la logique de primauté des accords externes (83). Elle
devrait être étendue aux règles des ALE.

(81) Ainsi l’art. 336 de l’accord UE-Pérou, Colombie, Équateur signé en 2012 prévoit « [qu’]
aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme conférant des droits ou impo-
sant des obligations à des personnes, autres que les droits et obligations résultant, entre les Parties,
du droit international public ». On retrouve peu ou prou la même formulation dans les accords
ultérieurs (art. 30, § 6.1, du CETA, art. 17, § 20, de l’ALE UE-Vietnam, art. 23, § 5, de l’ALE-Japon).
(82) Voy. l’art. 5 de l’ACC UE-Royaume-Uni qui souligne « [qu’]aucune disposition du présent
accord ou de tout accord complémentaire ne peut être interprétée comme conférant des droits
ou imposant des obligations aux personnes d’une autre nature que ceux créés entre les Parties en
vertu du droit international public, ni comme permettant d’invoquer directement le présent accord
ou tout accord complémentaire dans les systèmes juridiques internes des Parties ».
(83) Voy. not. CJCE, 10 septembre 1996, Commission c/ Allemagne, aff. C-61/94,
ECLI:EU:C:1996:313, pt 52 ; CJCE, 1er mars 2005, Van Parys, aff. C-377/02, ECLI:EU:C:2005:121, pt 54.

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En définitive, la faible invocabilité des ALE, qui a pour conséquence


de rendre les juridictions internes inaptes à assurer l’exécution judi-
ciaire des accords, rend d’autant plus importante la présence de voies
procédurales internationales destinées à assurer le respect des enga-
gements négociés par l’Union et ses partenaires.

B. Le règlement des différends


216. Raison d’être des mécanismes de règlement des diffé‑
rends dans les ALE. L’instauration de mécanismes de résolution
des litiges commerciaux constitue le pendant procédural de la juri-
disation matérielle des règles du commerce international réalisée
à travers les accords bilatéraux. Autrement dit, les procédures de
règlement des différends contraignantes instaurés dans les ALE de
l’Union ont moins pour objet d’être utilisés que de renforcer, à raison
de leur seule existence, la crédibilité des engagements convention-
nels (84). Du reste, l’affaiblissement du mécanisme de règlement des
différends de l’OMC, consécutif à l’actuel blocage du système de
nomination des membres de l’organe d’appel de l’OMC, s’accompagne
d’un intérêt croissant de l’Union pour les procédures contentieuses
bilatérales (85). Le recours aux procédures multilatérales devenant
moins attractif pour l’Union, celle-ci a sans doute davantage que
par le passé intérêt à sécuriser ses relations commerciales par des
procédures contraignantes.
217. Diversité des procédures de règlement des différends.
Les procédures de règlement des différends organisées dans les ALE
de l’Union ne sont pas uniformes. Elles sont tout d’abord variables
d’un accord à l’autre et se sont enrichies et complexifiées au fil du
temps. Les chapitres consacrés à ce sujet dans les ALE conclus par

(84) Le phénomène est ici semblable à celui du renforcement des procédures de règlement
des différends prévues au plan multilatéral, qui constitue l’une des innovations majeures de l’OMC
par rapport à l’ancien système GATT, et du passage d’un ordre économique fondé sur la diplomatie
et les rapports de puissance à un système reposant davantage sur le respect du droit et l’égalité
entre les membres. Voy. not. M. Montana I Mora, « A GATT with Teeth : Law Wins over Politics
in the Resolution of International Trade Disputes », Columbia Journal of Transnational Law,
1993, vol. 31 n° 1, pp. 103‑180.
(85) Sur la crise du règlement des différends à l’OMC, parmi une vaste littérature, voy. not.
R. Mcdougall, « The Crisis in WTO Dispute Settlement : Fixing Birth Defects to Restore Balance »,
JWT, 2018, vol. 52, n° 6, pp. 867‑889 ; W. H. Maruyama, « Can the Appellate Body Be Saved ? »,
JWT, 2021, vol. 55, n° 2, pp. 197‑230 ; G. A. Papaconstantinou et L. F. Pedreschi, « Alternative
Dispute Settlement and the Jurisprudential Legacy of the World Trade Organization’s Appellate
Body », JWT, 2022, vol. 56, n° 2, pp. 261‑282 ; I. Van Damme, « 25 Years of Law and Practice at
the WTO : Did the Appellate Body Dig its Own Grave ? », JIEL, 2023, vol. 26, n° 1, pp. 124‑132.

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l’Union au début des années 2000 se limitaient à quelques articles.


On en recense souvent des dizaines, complétés par des annexes qui
viennent préciser les règles de procédure des organes d’arbitrage.
En outre, et même si les procédures de l’OMC font ici figure de réfé-
rences utiles, les partenaires commerciaux de l’Union ont parfois des
visions divergentes et des revendications spécifiques en matière de
règlement des différends qui doivent nécessairement être prises en
considération dans chaque négociation. Le modèle européen en ce
domaine doit ainsi, à l’instar des autres sujets traités dans les négo-
ciations, s’adapter en fonction du contexte dans lequel les accords
sont discutés.
En outre, la diversité des procédures se justifie par la pluralité des
sujets abordés dans les accords de libre-échange. Il est ainsi possible,
à l’heure actuelle, de distinguer plusieurs catégories de procédures
à raison des matières visées. Une procédure générale est ainsi com-
plétée par des mécanismes de résolution des différends spécifiques
à certains domaines.

1° La procédure générale de règlement des différends


a. Caractéristiques de la procédure générale.
218. Origine des procédures. Les accords commerciaux de
l’Union les plus anciens, négociés jusqu’à la fin des années 1990, pré-
voyaient qu’en cas de désaccord entre les parties concernant la mise
en œuvre des engagements conventionnels, celles-ci pouvaient por-
ter la question litigieuse devant la plus haute instance organisée au
sein de l’accord lui-même (86). En cas d’impossibilité de trouver une
solution politique au différend, chacune des parties pouvait choisir de
recourir à un arbitrage. Les procédures d’arbitrage étaient cependant
décrites de façon très sommaire (87). Ces dispositifs rudimentaires
sont restés lettre morte, à une époque où le système de règlement

(86) Ainsi, conformément à la décision 1/95 créant l’union douanière euro-turque ou encore
des accords d’association euro-méditerranéens (dans leur version initiale), « chaque [P]artie peut
saisir le Conseil d’association de tout différent relatif à l’application et à l’interprétation » des textes
conventionnels (voy. ainsi l’art. 86 de l’accord d’association UE-Maroc). Une décision du Conseil
d’association, organe de nature politique, est ainsi de nature à régler le conflit. Ce mécanisme
n’a en réalité jamais, à notre connaissance, été réellement utilisé par l’Union ou ses partenaires
commerciaux.
(87) Quelques règles mentionnaient la procédure de sélection des arbitres, faisaient interve-
nir les parties, et le caractère contraignant de leur sentence. Le reste était renvoyé au règlement
de procédure élaboré par les arbitres désignés (voy. ainsi l’art. 86, § 4, de l’accord d’association
UE-Maroc).

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des différends de l’OMC a, à l’inverse, été très largement sollicité par


l’Union européenne dans la résolution de ses différends commerciaux
internationaux.
À partir de la fin des années 1990, l’Union européenne a pourtant
décidé de renforcer les dispositions relatives au règlement des dif-
férends commerciaux dans ses ALE. Cette tendance fut amorcée à
partir de l’ALE UE-Mexique en 2001, prévoyant alors la mise en place
d’un mécanisme de règlement des différends inspiré de l’ALENA et
de l’OMC (88). Cette évolution sera confirmée peu de temps après
à l’occasion de la signature de l’accord d’association UE-Chili, qui
reprend ce modèle (89). Des directives ont ensuite été adoptées pour
permettre à la Commission de négocier des mécanismes de règlement
des différends complétant, sous forme de protocoles additionnels, les
accords euro-méditerranéens (90). Tous les accords dits de nouvelle
génération, négociés et conclus après le traité de Lisbonne, ont ensuite
incorporé d’emblée ces mécanismes.
219. Applicabilité de principe de la procédure à l’ensemble
des dispositions des ALE. Les ALE de l’Union contiennent un cha-
pitre consacré à la question du règlement des différends qui indique
que la procédure s’applique à tout différend lié à l’interprétation
ou l’application des engagements conventionnels, sauf indication
contraire (91). Lorsque l’accord global couvre également des matières
politiques – par exemple dans le cas des accords d’association – il sera
spécifié que la procédure ne s’appliquera qu’à la partie commerciale
de l’accord. Certaines dispositions conventionnelles écartent cepen-
dant l’applicabilité de la procédure de règlement des différends. Il en
va ainsi en particulier des chapitres relatifs à la concurrence ou à la
coopération réglementaire. En matière de coopération réglementaire,
cette dérogation s’explique par le caractère volontaire du dispositif, qui
se veut respectueux de l’autonomie des parties. S’agissant des règles

(88) Voy. la décision 2/2001 du 7 février 2001 du Conseil conjoint UE-Mexique portant mise
en œuvre de l’accord de Partenariat économique (JO, L 70 du 12 mars 2001, pp. 7‑50).
(89) Voy. les art. 184 et s. de l’accord.
(90) Le 24 février 2006, le Conseil a autorisé la Commission à ouvrir des négociations avec
ses partenaires de la région méditerranéenne afin d’établir un mécanisme de règlement des dif-
férends relatifs aux dispositions commerciales (document 6489/06 MED 4 OMC 37). Plusieurs
textes seront négociés sur ce fondement. Voy. par ex. le protocole entre l’Union européenne et
la République arabe d’Égypte instituant un mécanisme de règlement des différends relatifs aux
dispositions commerciales de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République arabe d’Égypte,
d’autre part, JO, L 138 du 26 mai 2011, p. 3.
(91) Voy. l’art. 14, § 2, de l’ALE UE-Corée du sud.

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de concurrence, la mise à l’écart de la procédure de règlement des


différends traduit plutôt la faible portée normative des engagements
conventionnels.
220. L’accès à la procédure de règlement des différends est
exclusivement réservé aux parties à l’accord. En réalité seule
l’Union – à l’exclusion des États membres – et son partenaire conven-
tionnel, y ont accès. Les personnes privées sont, comme à l’OMC,
dépourvues d’accès direct à ces mécanismes, même si l’existence d’une
violation conventionnelle apparaît manifeste et qu’elle leur cause un
préjudice immédiat. On parle ainsi, par abus de langage, de procédure
« d’État à État », par opposition aux procédures contentieuses inter-
nationales ouvertes aux personnes privées (92).
221. L’accès indirect à la procédure des personnes privées.
La Commission européenne, qui conduit ces procédures conformément
à l’article 19 TUE, s’appuie en pratique sur les demandes qui peuvent
lui être adressées par les opérateurs privés, de façon informelle, ou
en signalant anonymement des violations via la base de données sur
l’accès au marché, en utilisant pour ce faire le portail ouvert sur le
site de la DG commerce. Un règlement sur les obstacles au commerce,
adopté en 1994 et refondé en 2015 (93) aménage pour sa part un
système de plaintes formalisées ouvert aux entreprises européennes,
susceptible d’aboutir à une saisine de la procédure de règlement des
différends bilatérale par l’Union. Cette voie est cependant quasiment
tombée en désuétude, les opérateurs économiques privilégiant la dis-
crétion à ce dispositif dépourvu de véritables garanties procédurales
en raison du pouvoir discrétionnaire qu’il reconnaît à la Commission
en matière contentieuse (94).
222. Une procédure juridico-diplomatique. La procédure géné-
rale de règlement des différends emprunte au mécanisme de l’OMC
son caractère politique, qui se manifeste par l’alternance de phases
diplomatiques et contentieuses. Ainsi, les chapitres des ALE relatifs au
règlement des différends insistent sur l’idée qu’une solution mutuelle-
ment convenue constitue en pratique le mode privilégié de règlement
des différends. À cet égard, une solution mutuellement convenue est à

(92) Par ex. celles qui permettent aux individus de saisir la Cour européenne des droits de
l’homme ou aux investisseurs de porter plainte contre les États devant des tribunaux d’arbitrage.
(93) Règlement (UE) 2015/1843 du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 2015, JO,
L 272 du 16 octobre 2015, pp. 1‑13.
(94) Voy. D. Gadbin et A. Hervé, « Le Règlement sur les obstacles au commerce (ROC) »,
Jurisclasseur Europe, fasc. n° 2330, 2012.

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tout moment susceptible de mettre fin à la procédure (95) et demeure


toujours nettement préférable en vertu de l’adage « mieux vaut un
mauvais arrangement qu’un bon procès » (96).
223. La procédure bilatérale de règlement des différends
présente également un caractère obligatoire. En effet, à défaut
de solutions mutuellement convenues, une partie mise en cause ne
pourra pas unilatéralement s’opposer au déclenchement d’une pro-
cédure à son encontre et à sa poursuite, y compris au stade de la
mise en conformité. Les règles procédurales en vigueur sont prévues
dans le texte de l’accord, et sont parfois complétées par des annexes
qui spécifient les règles de travail appliquées devant les groupes spé-
ciaux d’arbitrage (97). Du reste, les éventuelles lacunes peuvent être
complétées par des procédures dégagées par le groupe spécial d’ar-
bitrage lui-même à l’occasion du différend, à condition que celles-ci
s’inscrivent dans la conformité des principes généraux définis dans
l’accord.
224. Publicité de la procédure. Contrairement au mécanisme
de l’OMC, les accords de l’Union prévoient un principe de publicité
des audiences devant les groupes spéciaux d’arbitrage. Il en va de
même des rapports adressés aux parties au litige. En revanche, on
pourra regretter l’absence d’obligation de publication des documents
de procédures, y compris des rapports finaux, dans l’ensemble des
langues officielles de l’Union européenne. Les rapports sont alors
exclusivement publiés en langue anglaise, alors même qu’ils sont
toujours traduits en français et en espagnol dans le contexte de
l’OMC.
225. Articulation des procédures des ALE avec la procédure
de règlement des différends de l’OMC. La procédure de règlement
des différends de l’OMC a fait l’objet d’une utilisation intense ces
dernières décennies par les membres de cette organisation l’Union
étant, avec les États-Unis et la Chine, l’un des membres les plus impli-
qués dans cette activité contentieuse multilatérale. Le recours aux
procédures de règlement des différends prévues dans les ALE présente
cependant un risque de concurrence voire de litispendance. Il est ainsi

(95) Voy. par ex. l’art. 15, § 19, de l’ALE UE-Vietnam.


(96) Les accords les plus récents prévoient également la possibilité de recourir à la média-
tion, afin de faciliter la recherche d’une solution mutuellement convenue. Toutefois, le recours
au médiateur, qui reste inusité en pratique, ne peut être utilisé que si les parties y consentent.
(97) Lieu de déroulement des audiences, méthodes de communications des documents, règles
de remplacement des arbitres ou encore indemnités versées à ces derniers.

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appliquer le libre - échange  173

possible d’imaginer qu’une partie à un différend bilatéral remette en


cause une solution retenue sur le plan bilatéral auprès des instances
multilatérales, et inversement (98).
Les négociateurs des ALE ont conçu des solutions censées être
compatibles avec les contraintes multilatérales et éviter l’apparition
de procédures concurrentes. L’accord d’association UE-Chili privilégie
ainsi le recours aux procédures de l’OMC en cas « [d’]équivalence des
obligations » multilatérales et bilatérales et ne promeut le recours à la
procédure bilatérale que dans l’hypothèse où la violation concerne des
obligations commerciales spécifiquement couvertes par l’ALE (99).
Toutefois, une fois que des procédures de règlement des différends ont
été engagées, l’enceinte saisie, si elle ne s’est pas déclarée incompé-
tente, devra être utilisée de façon exclusive. Le choix d’une procédure
est donc en principe définitif et une partie ne saurait revenir sur celui-ci.
Les accords ultérieurs de l’Union comportent des clauses semblables,
destinées à éviter des chevauchements entre les domaines couverts par
l’accord de libre-échange et les règles de l’OMC (100). Ces mécanismes
ont eu pour effet de favoriser le choix d’un forum unique, y compris
dans des hypothèses où le différend en question semblait relever tant
des règles multilatérales que des engagements bilatéraux (101).
b. Phases de la procédure
226. Phase précontentieuse. En cas de différend concernant
l’interprétation ou l’application de l’accord de libre-échange, une partie
pourra demander l’ouverture de consultations (102) avec l’autre partie.
Cette demande devra être formulée par écrit et faire apparaître ses
motivations, identifier la mesure en cause et indiquer les fondements
factuels et la base juridique sur laquelle elle repose. Les consulta-
tions doivent être engagées de bonne foi et de façon à parvenir à une
solution mutuellement convenue, dans un délai généralement fixé à
45 jours à compter de la réception de la demande.

(98) Certains contentieux bilatéraux entre les États-Unis, le Canada et le Mexique ont ainsi
fait l’objet de procédures concurrentes au titre de l’ALENA et de l’OMC (voy. à ce sujet H. Gao
et C. L. Lim, « Saving the WTO from the Risk of Irrelevance : The WTO Dispute Settlement as a
‘Common good’for RTA Disputes », JIEL, 2008, n° 4, pp. 900‑925 ; W. J. Davey et A. Sapir, « The
Soft Drink Case : The WTO and Regional Trade Agreements », WTR, 2009, n° 8, pp. 5‑23).
(99) Voy. l’art. 189, § 4, de l’accord.
(100) Voy. ainsi l’art. 14, § 9, de l’ALE UE-Corée, l’art. 29, § 3, du CETA ou plus récemment
l’art. 737 de l’ACC UE-Royaume-Uni.
(101) Voy. ainsi, dans la période récente, le différend entre l’Union européenne et le Royaume-
Uni au sujet des subventions dans le secteur des énergies renouvelables que l’Union a choisi de
porter devant l’OMC, WT/DS612/1, 30 mars 2022.
(102) Aussi qualifiées de « concertations » dans certains ALE.

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227. Phase contentieuse – la constitution des groupes spé‑


ciaux d’arbitrage. Si les consultations ne permettent pas de résoudre
le différend dans le délai imparti, il sera alors loisible à la partie plai-
gnante de demander la constitution d’un groupe spécial d’arbitrage. Ce
groupe spécial est composé de trois personnalités, désignées en prin-
cipe par les parties. Les règles peuvent varier selon les accords mais
elles ont en commun de chercher à éviter tout blocage, notamment
par la partie défenderesse, dans la désignation d’un groupe spécial
d’arbitrage composé de trois personnalités présentant suffisamment de
garanties en termes de qualification, d’impartialité et d’indépendance.
228. Déroulement de la phase contentieuse. Le groupe spécial
a pour fonction d’examiner, à la lumière des dispositions concernées
applicables dans l’ALE, la question indiquée dans la demande d’insti-
tution du groupe spécial, de statuer sur la compatibilité de la mesure
en cause avec les règles de l’ALE et de rendre un rapport aux parties.
La remise du rapport ne peut normalement excéder un délai de quatre
à cinq mois après la désignation du groupe spécial (103).
La procédure, qui reprend le modèle accusatoire et le principe du
contradictoire, repose sur les communications écrites des parties et
un certain nombre d’audiences organisées en présentiel ou par visio-
conférence. Le groupe spécial peut solliciter des avis d’expert et rece-
voir des mémoires d’amicii curiae.
S’il ne peut modifier l’équilibre des droits et obligations convenu
dans le cadre de l’instrument conventionnel dont il tire sa compétence,
le groupe spécial est autorisé à interpréter ce dernier en se fondant
sur les méthodes d’interprétation coutumière du droit international
public, telles qu’elles sont définies aux articles 31 à 33 de la conven-
tion de Vienne sur le droit des traités. Plusieurs ALE indiquent de
surcroît que le groupe spécial tient également compte des interpréta-
tions pertinentes figurant dans les rapports des groupes spéciaux et
de l’organe d’appel adoptés par l’organe règlement des différends de
l’OMC, une telle disposition ayant pour objet d’éviter de potentiels
conflits d’interprétation.
Le groupe spécial d’arbitrage rendra au préalable un rapport inté-
rimaire qui peut faire l’objet d’observations de la part des parties, et
dont il pourra éventuellement tenir compte, sans y être juridiquement

(103) Ces délais pourront cependant être raccourcis en cas d’urgence, notamment lorsque
le différend intéresse le commerce de biens périssables.

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tenu, dans la publication de son rapport final. Comme dans le cadre


de la procédure OMC, les groupes spéciaux d’arbitrage peuvent sug-
gérer des moyens de mettre en œuvre le rapport final. Ce rapport est
ensuite rendu public, la Commission européenne publiant celui-ci en
version anglaise sur le site de la DG commerce.
229. Procédures de mise en conformité. Le rapport final du
groupe spécial d’arbitrage est obligatoire pour les parties au diffé-
rend. Ainsi, les procédures prévoient que la partie dont les mesures ou
actions sont jugées contraires à l’accord prend les mesures nécessaires
pour se conformer sans tarder et de bonne foi au rapport final. Les
mesures de mise en conformité se doivent d’être communiquées par la
partie défenderesse. À l’instar des règles de l’OMC, les ALE prévoient
des procédures sophistiquées destinées à surveiller et garantir une
mise en œuvre effective des rapports. La mise en conformité devra
intervenir à l’issue d’un délai raisonnable, ce dernier pouvant être, à
défaut d’accord entre les parties, fixé par un nouvel arbitrage rendu
par le groupe spécial initial.
230. Sanctions et compensations en cas d’absence de mise
en conformité. La procédure envisage, comme à l’OMC, l’hypothèse
où le défaut de mise en conformité persiste à l’expiration du délai
raisonnable. Il peut en aller ainsi à raison d’une absence pure et
simple de mise en œuvre ou lorsque les mesures effectivement adop-
tées par la partie défenderesse sont jugées incompatibles avec ses
obligations par la partie plaignante – qui doit alors à nouveau saisir
le groupe spécial d’arbitrage afin qu’il confirme ce constat. Dans
cette hypothèse, la partie plaignante sera en droit de suspendre des
obligations convenues dans l’accord. Même si ce terme n’est pas
employé dans les ALE cette suspension des obligations équivaut à
une sanction commerciale. Il est également possible pour les parties
de s’entendre sur des compensations, solution qui a pour avantage
de ne pas affecter la relation commerciale bilatérale. Sanctions et
compensations n’ont en principe qu’un caractère temporaire, dans
l’attente d’une mise en conformité pleine et entière avec le rapport
du groupe spécial d’arbitrage.
231. Les sanctions ont une nature prospective et n’ont pour
fonction ni pour effet de réparer rétroactivement un dommage
causé à l’une des parties. Le caractère non punitif des sanctions
est confirmé par le fait que la suspension des obligations doit être
limitée à un « niveau équivalent » à l’annulation ou à la réduction

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d’avantages causée par la violation. Ce concept d’équivalence est là


encore directement hérité de la procédure de règlement des différends
de l’OMC (104). Les sanctions peuvent intervenir dans l’ensemble des
domaines et matières couverts par le règlement des différends. Une
partie plaignante peut donc, si elle juge que cette solution est la plus
efficace pour entraîner la conformité, choisir de suspendre des obli-
gations dans un autre domaine que celui dans lequel a eu lieu la vio-
lation (mécanisme dit de « sanctions croisées »). Le groupe spécial
d’arbitrage initial pourra là aussi se prononcer en cas de désaccord
entre les parties concernant l’équivalence.
232. Base juridique permettant à l’Union européenne d’adop‑
ter des sanctions commerciales à l’issue d’une procédure de
règlement des différends. Jusqu’à une période relativement récente,
l’Union européenne ne disposait pas de mécanismes spécifiques lui
permettant d’adopter des sanctions commerciales à l’issue d’une pro-
cédure de règlement des différends que ce soit devant l’OMC ou un
mécanisme prévu au titre d’un ALE. Le recours aux sanctions néces-
sitait l’adoption d’un acte fondé sur la procédure législative ordinaire,
laquelle n’était guère adaptée aux exigences de célérité et d’efficacité
inhérentes à la conduite d’un contentieux commercial (105). Il a fallu
attendre 2014 pour que l’Union européenne se dote enfin d’un instru-
ment accordant à la Commission le pouvoir d’adopter, via des mesures
d’exécution, des sanctions commerciales après y avoir été autorisée
par les organes de règlement des différends (106). L’adoption de sanc-
tions est depuis lors bien plus rapide et limitée à quelques semaines.
De plus, alors que ces sanctions ne pouvaient à l’origine consister
qu’en des mesures de nature tarifaire, la législation de base de 2014 a
été modifiée quelques années plus tard afin d’inclure dans la panoplie
des sanctions les concessions réalisées dans les domaines des services
et de la propriété intellectuelle (107).

(104) Voy. en ce sens l’art. 22 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends de
l’OMC.
(105) Plusieurs mois étaient en pratique nécessaires pour que l’Union s’accorde sur une liste
de produits visés par des sanctions commerciales dans le cadre d’un différend après y avoir pour-
tant été autorisée par l’OMC. Voy. par ex. le règlement (CE) 2193/03 du Conseil du 8 décembre
2003, JO, L 328 du 17 décembre 2003, pp. 3‑12.
(106) Règlement (UE) n° 654/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014
concernant l’exercice des droits de l’Union pour l’application et le respect des règles du commerce
international, JO, L 189 du 27 juin 2014, pp. 50‑58.
(107) Règlement (UE) 2021/167 du Parlement européen et du Conseil du 10 février 2021
modifiant le règlement (UE) n° 654/2014 concernant l’exercice des droits de l’Union pour l’appli-
cation et le respect des règles du commerce international, JO, L 49 du 12 février 2021, pp. 1‑5.

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233. Examen des mesures prises pour se conformer après


la suspension des obligations et levée des sanctions. La procé-
dure des accords bilatéraux de l’Union vient sur ce point combler
une imprécision de la procédure OMC (108). Les accords de l’Union
précisent que l’une ou l’autre des parties, y compris la défenderesse,
peut solliciter le groupe spécial d’arbitrage initial si les parties ne
parviennent pas à s’entendre sur l’effectivité des mesures prises. Si
ce groupe spécial considère que les mesures prises sont compatibles
avec l’ALE, les sanctions doivent alors prendre fin. Les accords les
plus récents – ALE UE-Japon, accord de commerce et de coopéra-
tion UE-Royaume-Uni – vont même jusqu’à prévoir le cas d’une mise
en conformité partielle et la possibilité de réévaluer le niveau de la
suspension des concessions ou des compensations en conséquence.
234. Un nombre de contentieux bilatéraux encore réduit.
Jusqu’à une période récente, le soin pris à négocier des procédures
bilatérales de règlement des différends dans les accords de libre-
échange contrastait avec l’absence de recours à celles-ci, tant de la part
de l’Union européenne que de celle de ses partenaires conventionnels.
Cette situation pouvait s’expliquer par le fait que les différends com-
merciaux ont pu être réglés par la voie diplomatique, et notamment par
l’entremise des nombreuses instances de dialogue politique prévues
dans ces accords. Trois recours récents aux procédures bilatérales
prévus par les ALE pourraient préfigurer un renversement de ten-
dance (109). Pour autant, en dépit de la crise que traverse le système
de règlement des différends de l’OMC, l’Union européenne continue
de recourir beaucoup plus intensément aux procédures multilatérales
qu’aux systèmes bilatéraux de règlement des litiges.

2° Les procédures spécifiques


235. Présentation. Certains chapitres des ALE organisent des pro-
cédures de règlement des différends spécifiques, qui dérogent à la pro-
cédure générale. Il en va ainsi du système de règlement des différends

(108) Voy. à ce propos, la controverse née du maintien des sanctions américaines contre
l’UE dans l’affaires dite du bœuf aux hormones, en dépit de l’existence de mesures de mise en
conformité adoptée par le législateur européen, soulevée dans l’affaire États-Unis – Maintien de
la suspension, WT/DS320/ABR, 16 octobre 2008
(109) Voy. les affaires Ukraine – interdiction des exportations de bois (plainte de l’UE,
rapport du groupe spécial publié le 11 décembre 2020), Union douanière de l’Afrique Australe –
Mesures de sauvegarde sur la volaille de l’Union douanière d’Afrique Australe (plainte de l’UE,
rapport du panel publié le 23 août 2022) et Algérie – mesures de restriction au commerce (plainte
de l’UE en juin 2020, seulement un arbitre désigné par l’UE en juin 2021).

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investisseurs/États, circonscrit au CETA, et des mécanismes prévus dans


les chapitres consacrés au développement durable, qui organisent le
recours à des panels d’experts et contiennent leur propre système de mise
en œuvre. Par ailleurs, il convient de souligner que toutes les dispositions
des ALE ne sont pas couvertes par des procédures de règlement des dif-
férends. Certains chapitres des ALE – par exemple ceux négociés dans le
domaine de la concurrence ou de la coopération réglementaire – écartent
explicitement la compétence du mécanisme général de règlement des
différends commerciaux sans pour autant y substituer une procédure
spécifique en cas de violation des engagements conventionnels.
236. La procédure de règlement des différends investisseurs/
États (RDIE) – un mécanisme complétant la procédure géné‑
rale. Le CETA demeure à ce jour le seul ALE incluant un mécanisme
de règlement des différends investisseurs/États. Ce texte contient en
effet un chapitre spécifique consacré à la question de l’investissement
et aménage une série de droits conventionnels au bénéfice des investis-
seurs. Cette procédure qui concurrence la procédure générale, sans s’y
substituer intégralement, permet ainsi à une personne privée – l’investis-
seur ayant la nationalité de l’une des parties – d’engager une procédure
contentieuse contre le Canada, l’Union ou l’un de ses États membres.
Le tribunal constitué dans cette affaire rendra in fine une sentence
obligeant l’État à compenser ou indemniser l’investisseur. Cette sen-
tence pourra faire l’objet d’un appel, ce qui constitue au demeurant une
innovation importante introduite dans le contentieux international des
investissements. Toutefois, cette procédure insérée dans le texte du
CETA relève, conformément à l’avis 2/15 de la Cour de justice, d’une
compétence partagée entre l’Union européenne et ses États membres.
De surcroît, conformément aux actes de signature et de conclusion du
CETA (110), cette procédure ne pourra commencer à être utilisée qu’à
compter de la ratification du CETA par l’ensemble des États membres
de l’Union qui permettra l’entrée en vigueur de l’ensemble de l’ALE, y
compris son chapitre 8 (111). Rappelons également que l’Union a depuis
cet avis négocié une série d’accords séparés des ALE qui couvrent spé-
cifiquement la question de la protection des investissements et incluent
des procédures de règlement des différends (112).

(110) JO, L 14 janvier 2017, pp. 3 et s.


(111) Dans son avis 1/17, la Cour a du reste jugé l’insertion du RDIE dans le CETA compatible
avec le droit de l’Union. CJUE, 30 avril 2019, Avis 1/17, Compatibilité avec le droit primaire de
l’Union du règlement des différends investisseurs/États (RDIE) de l’AECG, préc.
(112) Des accords séparés couvrant la question de la protection des investissements et
incluant un RDIE ont pour l’heure été négociés avec Le Chili, Singapour, le Vietnam et le Mexique.

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237. La procédure de règlement des différends prévue dans


les chapitres consacrés au développement durable – un méca‑
nisme de substitution à la procédure générale. Les chapitres
consacrés au commerce et au développement durable, insérés dans les
ALE depuis la fin des années 2000 (113), contiennent leur propre procé-
dure de règlement des différends qui se substitue à la procédure géné-
rale (114). La terminologie employée dans les accords, qui évoquent
une possible « concertation entre les parties », des « consultations »
ou l’intervention potentielle d’un « groupe d’experts » chargé de rendre
des « recommandations » a longtemps pris soin d’éviter soigneusement
toute connotation contentieuse et témoigne aussi de cette spécificité,
que l’on retrouve dans le déroulement des procédures elles-mêmes.
238. Déroulement de la procédure. En cas de suspicion d’une
violation des engagements conventionnels intéressant l’environne-
ment ou les droits sociaux, une partie pourra demander l’ouverture
de consultations à ce sujet (115). Si elles échouent à dégager une
solution politique, il est alors possible de demander la constitution d’un
groupe d’experts, composé de trois membres indépendants. Ce groupe
d’experts s’efforcera, dans les trois mois qui suivent la remise du rap-
port final, d’apprécier si les engagements ont été respectés ou non,
de déterminer dans ses recommandations les mesures appropriées
ou, s’il y a lieu, d’établir un plan d’action mutuellement satisfaisant
pour assurer la mise en œuvre de l’accord. Ces rapports exposent les
constatations de fait, l’applicabilité des dispositions pertinentes et les
justifications fondamentales des constatations et recommandations.
239. Les mécanismes politiques d’appréciation de la mise en
conformité. La question des mesures mises en œuvre pour assurer
la conformité aux recommandations du rapport du groupe d’experts

(113) Des dispositifs de ce type sont prévus dans les ALE liant l’Union au Cariforum, aux pays
d’Amérique centrale, à la Colombie, au Pérou et à l’Équateur à la Corée, au Japon, à Singapour,
au Vietnam, à la Géorgie, à la Moldavie, à l’Ukraine, au Canada et au Royaume Uni. On retrouve
aussi un dispositif de ce type dans les projets d’accord d’association avec les pays du MERCOSUR
(art. 16 et s. du chapitre sur le développement durable), d’accord d’association rénové UE-Chili,
et d’ALE UE-Nouvelle-Zélande.
(114) Ainsi l’art. 23, § 11, du CETA ou le chap. 13, § 16.1, de l’ALE UE-Vietnam. Les ALE
négociés récemment avec le Royaume-Uni et la Nouvelle Zélande, qui intègrent le règlement des
différends en matière de développement durable dans la procédure générale, pourraient toutefois
annoncer une évolution majeure. Voy. ci-dessous, §§ 240 et s.
(115) Il convient à nouveau de rappeler que la procédure applicable est interétatique et ne
peut être déclenchée par des personnes privées (ressortissants, entreprises ou syndicats de tra-
vailleurs). On peut cependant imaginer que ces personnes privées fassent pression sur l’une des
parties à l’accord, notamment l’Union européenne, pour engager ce type de procédure. Le choix
d’y recourir demeurera malgré tout discrétionnaire.

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fait l’objet d’une surveillance de nature politique. L’appréciation des


mesures de conformité sera en effet portée à l’examen périodique
du Comité du commerce et du développement durable créé par l’ac-
cord. Longtemps, l’Union européenne et ses partenaires ont rejeté
tout dispositif autorisant le recours à des sanctions commerciales en
cas de violation persistante des obligations conventionnelles, à l’in-
verse des dispositifs de sanctions autorisés au titre de la procédure
générale de règlement des différends (116). La Commission justifiait
cette logique du deux poids, deux mesures, cristallisant la différence
de régime entre les règles de nature commerciale et celles se ratta-
chant au développement durable, par la difficulté à quantifier les effets
économiques résultant d’une violation des engagements contractés en
matière sociale et environnementale.
240. Vers un renforcement des procédures de mise en confor‑
mité ? La position de la Commission au sujet des procédures de
règlement des différends aménagées dans les chapitres sur le déve-
loppement durable a profondément évolué dans la période récente.
Il ressort en effet d’une communication publiée par la Commission à
l’été 2022 (117) que le négociateur européen est désormais désireux
de renforcer les règles applicables, ce qui passerait notamment, sur le
plan procédural, par la possibilité d’adopter des sanctions de nature
commerciale en cas de non-respect des règles des ALE couvrant les
dispositions de nature sociale et environnementale, à tous le moins
une partie d’entre elles. Cette évolution s’est déjà traduite dans le droit
positif avec l’accord de commerce et de coopération et on la retrouve
plus récemment dans le projet d’ALE négocié avec la Nouvelle-Zélande.
241. Clauses d’exécution et de rééquilibrage prévues par
l’accord de commerce et de coopération. L’accord de commerce
et de coopération conclu avec le Royaume-Uni prévoit tout d’abord
des clauses dites d’exécution, qui dérogent à l’absence d’invocabilité
du texte, et mobilisent des procédures et voies de droit internes afin
de garantir le respect des engagements (118).

(116) Voy. ci-dessus, §§ 216 et s.


(117) Communication de la Commission, « La force des partenariats commerciaux : ensemble
pour une croissance économique verte et juste », COM(2022) 409 final/2, 16 août 2022.
(118) Ainsi, en matière sociale, que « chaque Partie met en place et maintient un système
pour l’exécution efficace de sa législation au niveau interne et, en particulier, un système efficace
d’inspection du travail conformément à ses engagements internationaux concernant les conditions
de travail et la protection des travailleurs ; veille à ce que des procédures administratives et
judiciaires soient en place pour permettre aux pouvoirs publics et aux particuliers de poursuivre
en temps opportun les violations du droit du travail et des normes sociales ; et prévoit des voies

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appliquer le libre - échange  181

Cet ALE contient également une clause de rééquilibrage en vertu


de laquelle une partie qui estime qu’une mesure prise par l’autre partie
dans le domaine de la protection du travail, de la protection sociale,
environnementale ou climatique a des incidences importantes sur
le commerce et l’investissement peut décider unilatéralement, sans
même y avoir été préalablement autorisé, de remédier à cette situa-
tion (119). Limitées dans leur champ d’application et leur durée, ces
mesures de rééquilibrage sont sujettes à une exigence de nécessité et
de proportionnalité (120). Elles doivent être préalablement notifiées
à l’autre partie et sont, à défaut de solution mutuellement convenue,
susceptibles d’être contestées devant le Tribunal d’arbitrage prévu par
l’accord de commerce et de coopération. Le recours contre une mesure
de rééquilibrage obligera la partie qui en est à l’origine à suspendre son
application tant que le Tribunal d’arbitrage n’a pas rendu sa décision.
242. La possibilité de recourir à des sanctions commerciales
en l’absence de mise en conformité. L’accord de commerce et de
coopération organise le recours à des groupes d’experts pour des pro-
cédures qui, à l’instar des autres ALE, se rapportent à l’ensemble des
engagements en matière sociale et environnementale. Est également
prévu un mécanisme politique de surveillance de la mise en œuvre et de
suivi des rapports de ces groupes, confié à un comité spécialisé composé
de représentants des parties (121). En cas de désaccord persistant sur
l’état de la mise en conformité, l’ACC introduit la possibilité pour les
parties au différend de saisir le groupe d’experts initial qui devra remettre
ses conclusions dans un délai réduit à 45 jours. En outre, lorsqu’un
groupe d’experts constate une violation de la clause de non régression
sociale ou environnementale (122), l’accord de commerce et de coopé-
ration offre la possibilité de mettre en œuvre des mesures correctives
temporaires (123). Des sanctions de nature commerciale peuvent être

de recours effectives et appropriées, y compris des mesures provisoires, ainsi que des sanctions
proportionnées et dissuasives ». Voy. l’art. 388 de l’ACC ainsi que son art. 394 s’agissant des
normes environnementales.
(119) Art. 411 de l’ACC.
(120) Art. 411, § 2, de l’ACC.
(121) Voy. en particulier l’art. 409, § 16, de l’ACC qui indique que, dans le cas où le groupe
d’experts conclut, dans son rapport final, qu’une partie n’a pas respecté ses obligations en matière
de développement durable, les parties se doivent d’examiner dans un délai de 90 jours les mesures
qu’il conviendrait de mettre en œuvre.
(122) En vertu de ces clauses, applicables tant en matière sociale qu’environnementale, les
parties s’engagent à ne pas affaiblir ou réduire, d’une manière qui affecte les échanges commer-
ciaux ou les investissements entre les parties, les niveaux de protection du travail et de protection
sociale ainsi que leurs normes en matière environnementale. Voy. les art. 387 et 391 de l’ACC.
(123) Voy. et lire de façon combinée les art. 410 et 749 de l’ACC.

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182 la traduction normative du libre - échange

adoptées afin de réagir à la violation de certaines règles en matière de


développement durable. L’Union a par la suite élaboré un instrument
spécifique lui permettant de faire usage des mécanismes que nous venons
de présenter au titre de l’accord de commerce et de coopération (124).
Pour la première fois dans un ALE de l’Union, le lien procédural
est ainsi fait entre des dispositions de nature commerciale et des
règles intéressant le développement durable. Reste à savoir si cette
évolution aura valeur de précédent pour les futurs ALE que négociera
l’Union ou si elle demeurera circonscrite à la particularité de la relation
conventionnelle euro-britannique. La comparaison des projets d’accords
récemment négociés avec le Chili et la Nouvelle-Zélande semble indi-
quer que la Commission suivra sur ce sujet une position pragmatique
et adaptée à la nature du partenaire. Ainsi, si le projet d’ALE rénové
avec le Chili se cantonne, de façon classique, à des procédures de sur-
veillance politique s’agissant du suivi des rapports en matière de déve-
loppement durable (125), le projet de texte négocié avec la Nouvelle
Zélande offre la possibilité de mettre en œuvre des sanctions commer-
ciales lorsque sont en cause des violations des accords multilatéraux
en matière sociale (conventions fondamentales de l’OIT) ainsi que les
engagements en matière climatique, pour des mesures susceptibles
de remettre en cause les objectifs fixés dans l’accord de Paris (126).
Au fil du temps et des accords, le lien entre commerce et dévelop-
pement durable apparaît davantage resserré dans les ALE de l’Union.
D’aucuns y verront de timides progrès, dont la fonction est avant tout
de faire taire les critiques adressées au développement du libre-échange
à l’heure de la montée des inégalités et du changement climatique. Il
n’en demeure pas moins que ces dispositifs sont pratiquement sans
équivalent dans les autres traités commerciaux négociés aujourd’hui
dans le reste du monde (127).

(124) Règlement (UE) 2023/657 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 éta-
blissant les règles concernant l’exercice des droits dont dispose l’Union pour mettre en œuvre et
faire appliquer l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’accord de
commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie
atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part,
JO, L 83 du 22 mars 2023, pp. 1‑6.
(125) Voy. l’art. 26, § 23, de ce projet d’accord, qui introduit cependant à ce sujet une clause
de possible révision du texte.
(126) Art. 26, § 16.2, du projet d’ALE UE-Nouvelle-Zélande.
(127) L’absence passée de dispositif de sanctions correctives n’a pas empêché l’Union européenne
de saisir un groupe d’expert prévu au titre du chapitre développement durable de l’ALE UE-Corée
alors même que la Corée n’avait toujours pas ratifié ces 4 conventions fondamentales de l’OIT en

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Chapitre 3 - Appliquer le libre-échange
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appliquer le libre - échange  183

243. Conclusion du troisième chapitre. La logique d’enrichisse-


ment normatif, déjà constatée dans le cadre de l’examen du contenu des
ALE de l’Union, s’est progressivement étendue aux règles qui intéressent
l’application de ces traités. Les dispositifs institutionnels et procéduraux
mis en place s’avèrent riches d’enjeux qui dépassent la simple sphère
de l’échange. Il est en effet nécessaire d’éviter que le droit convention-
nel progressivement bâti par le négociateur européen devienne lettre
morte après un long et parfois laborieux processus de négociation. Il
est tout aussi important que cette nouvelle branche du droit de l’Union
ne se développe pas de façon complètement autonome, sans un droit
de regard et de surveillance de la part des institutions de l’Union, qui
ne sauraient se limiter à la seule Commission en dépit de l’important
pouvoir de représentation qui lui est reconnu en vertu des traités. Cette
appréciation de la mise en application reviendra aussi à la Cour de jus-
tice qui a jusqu’à présent eu pour réflexe de faire prévaloir une logique
d’autonomie du droit de l’Union à l’égard des règles conventionnelles
mais qui pourrait, par-delà la traditionnelle question de l’invocabilité
des ALE sur le plan interne, être sollicitée en tant qu’interprète de ces
accords sur des aspects parfois sensibles. Il en a été ainsi en particulier
concernant la question de leur champ d’application territorial.
La question de la mise en œuvre des ALE et des procédures qui
sont destinées à la garantir est aussi riche d’enseignements. Si les
procédures contraignantes ont d’abord été réservées aux règles de
nature purement commerciale, les récents accords négociés avec le
Royaume-Uni et la Nouvelle Zélande laissent potentiellement augu-
rer d’une reconnaissance accrue de la normativité des règles sociales
et environnementales. Transparaît alors la volonté de renouveler la
légitimé de l’ensemble conventionnel de la part des négociateurs euro-
péens. Cette évolution ouvre cependant la question de la capacité de
l’Union à faire accepter à l’avenir ce type de dispositif chez d’autres
partenaires traditionnellement réticents à intégrer les questions extra-
commerciales dans les traités de commerce.

contradiction avec ses engagements conventionnels (voy. not. art. 13, § 4, de l’ALE UE-Corée). En
l’occurrence, était en cause une allégation de violation de la convention n° 87 sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical de la convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation
collective, de la convention n° 29 sur le travail forcé et de la convention n° 105 sur l’interdiction du
travail forcé. L’Union européenne a obtenu de ce panel la reconnaissance de plusieurs violations des
engagements en matière sociale alors même que la Corée a tenté, sans succès, de démontrer que ces
dernières ne pouvaient être considérées comme inconventionnelles car elles n’avaient pas eu d’incidence
sur les échanges commerciaux entre les deux parties. Depuis la publication de ce rapport en janvier
2021, la Corée a accepté de ratifier 3 des 4 conventions OIT mentionnées par l’UE dans le cadre de ce
différend. Seule la convention n° 105 sur l’interdiction du travail forcé (1957) n’a à ce jour pas été ratifiée.

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Chapitre 3 - Appliquer le libre-échange
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CONCLUSION GÉNÉRALE. AUTONOMIE
DE L’ORDRE JURIDIQUE EUROPÉEN
ET ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE

244. Le libre-échange aux dépens du libre choix politique ?


Nous souhaiterions conclure cet ouvrage par quelques réflexions
concernant les liens entre le développement des ALE et la capacité
de l’Union européenne à maintenir l’autonomie de son ordre juridique.
Le concept d’autonomie est ici appréhendé de façon souple et entendu
comme la capacité de cet acteur à pouvoir décider de façon autonome
et effective des règles de droit applicables au sein de son ordre juri-
dique en dépit des obligations conventionnelles dérivant des ALE (1).
Se pose en filigrane la question de savoir si les ALE ne risquent pas
d’avoir pour effet de remettre progressivement en question la cohé-
rence du processus d’intégration, au risque de sa dilution dans un mar-
ché global sans cesse moins entravé. Alors que l’autonomie stratégique
et la souveraineté de l’Union occupent enfin une place centrale dans
le débat public européen, les ALE participeraient au contraire à cor-
seter les marges de manœuvre des institutions politiques de l’Union.
Hérités d’une époque marquée par une croyance en les vertus suppo-
sées du libéralisme économique et l’ouverture des marchés, les ALE
seraient aujourd’hui des instruments dépassés et inadaptés au besoin

(1) La notion d’autonomie dépasse ici celle dégagée dans le cadre de la jurisprudence de
la Cour, en particulier dans les différents avis rendus au titre de la procédure d’examen de la
compatibilité de projet d’accords internationaux avec les traités de l’UE aménagée par l’art. 218,
§ 11, TFUE. Voy. not., dans la période récente, les avis 1/09 (Création d’un système unifié de
règlement des litiges en matière de brevets, du 8 mars 2011, ECLI:EU:C:2011:123), 2/13 (Projet
d’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, 18 décembre 2014, ECLI:EU:C:2014:2454) et 1/17 (relatif
au mécanisme de règlement des différends investisseurs États prévu par le CETA, 30 avril 2019,
préc.). Pour la Cour, ladite autonomie réside dans la circonstance que l’Union est dotée d’un cadre
constitutionnel qui lui est propre. Relèvent de ce cadre les valeurs fondatrices énoncées à l’art. 2
TUE, aux termes duquel l’Union « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de
liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme »,
les principes généraux du droit de l’Union, les dispositions de la charte, ainsi que les dispositions
des traités UE et FUE, lesquelles comportent, notamment, les règles d’attribution et de répartition
des compétences, les règles de fonctionnement des institutions de l’Union et du système juridic-
tionnel de celle-ci, ainsi que les règles fondamentales dans des domaines spécifiques, structurées
de manière à contribuer à la réalisation du processus d’intégration rappelé à l’art. 1er, deuxième
alinéa, TUE (voy., en ce sens, avis 2/13 préc, pt 158).

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Conclusion générale. Autonomie de l’ordre juridique européen et accords de libre-échange
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186 accord de libre - échange européen

de protection lié à l’exacerbation des tensions internationales et à


la nécessité d’intervention de la puissance publique dans la sphère
économique et commerciale.

Ces inquiétudes doivent être prises au sérieux si l’on observe que


les accords de libre-échange ont pour objet de supprimer, au moins
en partie, les barrières aux échanges et, ce faisant, pour effet de
mettre à nu le système normatif de l’Union et de l’exposer directe-
ment à celui de son partenaire. Autrement exprimée, la libéralisation
des échanges a pour effet collatéral de mettre en concurrence les
règles qui ne relèvent pas du commerce. Une marchandise produite
dans un état tiers en vertu de règles minimales viendra concurren-
cer celle fabriquée dans l’Union européenne en vertu de normes
souvent beaucoup plus contraignantes. Cette dynamique pourrait
à terme encourager le législateur européen à revoir à la baisse ses
propres standards et niveaux de protections, qu’ils soient sociaux,
environnementaux, sanitaires ou encore fiscaux, de façon à s’aligner
sur ses partenaires commerciaux, sauf à se résoudre à une dispa-
rition inévitable de certains secteurs économiques de plus en plus
exposés à la concurrence internationale. Cette dynamique apparaît
d’ores et déjà à l’œuvre et les accords de libre-échange, conçus avant
tout comme des outils normatifs au service des intérêts marchands
de l’Union, présentent le risque d’amenuiser le pouvoir normatif de
l’Union européenne, organisation qui, on le rappellera, a été créée
afin d’exercer en commun des compétences, en particulier dans le
domaine économique.

Ce constat pessimiste doit pourtant être nuancé. Tout d’abord,


rappelons que les ALE de l’Union ne couvrent qu’une partie limitée
des échanges de l’Union européenne, les relations commerciales avec
la Chine et les États-Unis demeurant encore régies par les règles de
l’OMC. Par ailleurs, comme nous l’avons vu, les ALE ne privent pas
l’Union de son droit de réglementer, comme son pouvoir de mainte-
nir et d’édicter des règles au sein de son propre territoire, dès lors
que celui-ci ne contrevient pas à ses obligations conventionnelles.
L’Union conserve à ce titre la capacité d’interdire certaines importa-
tions et de fixer unilatéralement un certain nombre de prérequis qui
conditionneront l’accès à son marché. On remarquera au demeurant la
tendance de l’Union à multiplier les législations dans des matières qui
demeurent à ce jour abordées de façon superficielle dans les accords
de libre-échange. Il en va ainsi dans le domaine du numérique ou de

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Conclusion générale. Autonomie de l’ordre juridique européen et accords de libre-échange
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conclusion générale  187

l’environnement, où l’unilatéralisme, constitue une méthode privilé-


giée de régulation des échanges internationaux qui se substitue à une
gouvernance internationale défaillante (2).
Le négociateur européen devra cependant être vigilant et ne pas res-
treindre de façon excessive la capacité d’action de son législateur. En
dépit de quelques avancées récentes, notamment sur le plan social et
environnemental, les ALE ne peuvent constituer, sauf exceptions, des
outils de rapprochement des législations et réglementations internes.
Il est donc important de veiller à ce que ces textes laissent au pouvoir
législatif de l’Union, et de ses partenaires, des marges de libertés suf-
fisantes pour assurer le maintien de son autonomie normative. Loin
de se cantonner à un rôle cosmétique ou une fonction symbolique, le
rappel du droit de réglementer des parties dans le texte des accords
de libre-échange est à cet égard essentiel.
S’ils sont bien évidemment la source de contraintes pour l’Union à
travers les obligations conventionnelles qu’ils prévoient, les ALE sont
aussi le terrain d’expression de l’autonomie normative de l’Union. La
négociation de ces textes constitue en effet un moyen pour la puis-
sance publique européenne d’exercer son pouvoir d’une manière qui
ne connaît que peu d’équivalents dans le reste des relations internatio-
nales et de l’action externe de l’Union. À travers sa politique conven-
tionnelle, l’Union européenne est en capacité d’affirmer son identité
propre sur la scène internationale, sans être véritablement concurren-
cée par ses États sur le plan interne, et alors que la perspective de
l’accès au marché européen constitue, pour nombre de ses partenaires
économiques, un motif suffisant pour consentir à des revendications
normatives ­auxquelles ces derniers se refusent sur le plan multilatéral.
245. Le libre-échange comme instrument au service de la
politique étrangère de l’Union. Par-delà la seule logique de la libé-
ralisation des échanges, les ALE sont aussi une réponse de l’Union
européenne à un certain nombre de préoccupations contemporaines.
Remise en cause de l’OMC, accroissement des tensions et des rivalités
commerciales sur fond de tensions géopolitiques, crises sanitaires et
révolution technologiques issus de la numérisation et du développe-
ment de l’intelligence artificielle, instabilités sociales et changement
climatique constituent autant de motifs de reconsidérer les règles du

(2) Voy. sur cette question, A. Hervé, « L’unilatéralisme européen comme outil de régulation
des échanges internationaux : un mal nécessaire dans un système multilatéral en voie d’effondre-
ment », Fondation Robert Schuman, Policy paper n° 626, 26 mars 2022.

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Conclusion générale. Autonomie de l’ordre juridique européen et accords de libre-échange
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188 accord de libre - échange européen

commerce international. En choisissant de s’appuyer, même de façon


imparfaite et insuffisante, sur des règles de droit destinées à réguler et
encadrer la problématique contemporaine de l’échange et les excès du
marché, l’Union européenne apparaît ainsi non seulement comme un
acteur autonome, mais peut être aussi plus fondamentalement comme
faisant acte de souveraineté. C’est à cette aune que les citoyens de
l’Union et leurs représentants devront, au cas par cas, apprécier l’op-
portunité de négocier un nouvel accord ou, une fois celui-ci finalisé,
juger si la conclusion de ce dernier répond fondamentalement à l’in-
térêt de l’Union.

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BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Plan

Sélection d’ouvrages 190


Sélection d’articles 193
Sélection de documents officiels 200

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Policy Paper n° 554, 2020
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canadien », Dossier spécial paru dans la Revue des affaires euro­
péennes, 2017, n° 2, pp. 201‑262
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chandises », Jurisclasseur droit international, fasc. 130‑20, 2018
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Deferential Outside the WTO ? », JWT, 2021, vol. 55, n° 6, pp. 969‑990
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Agreement », EFAR, 2018, vol. 23, n° 1, pp. 1‑19
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EU’s Approach », EFAR, 2021, vol. 26, n° 4, pp. 531‑552
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EU’s Mixed Trade and Investment Agreements », JWT, 2019, vol. 53,
n° 3, pp. 395‑415
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Appellate Body Dig its Own Grave ? », JIEL, 2023, vol. 26, n° 1,
pp. 124‑132
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Issue on ‘Trade Wars’ », JIEL, 2019, vol. 22, n° 4, pp. 529‑533

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Their Implications for China », JWT, 2014, vol. 48, n° 3, pp. 525‑551
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vol. 51, n° 5, pp. 763‑785
R. Wessel, « Consequences of Brexit for international agreements
concluded by the EU and its Member States », CMLR, 2018, vol. 55,
nos 2/3, pp. 101‑131
I. Willemyns, « Agreement Forthcoming ? A Comparison of EU, US, and
Chinese RTAs in Times of Plurilateral E-Commerce Negotiations »,
JIEL, 2020, vol. 23, n° 1, pp. 221‑244

Sélection de documents officiels

Textes des accords cités (unions douanières


et zone de libre-échange)
Accord créant une association entre la Communauté économique
européenne et la Grèce, 9 juillet 1963, JO, n° 26 du 18 février 1963
Convention d’association entre la Communauté économique euro-
péenne et les États africains et malgache associés à cette
Communauté signée à Yaoundé le 20 juillet 1963, JO, P n° 93 du
11 juin 1964, pp. 1431‑1457
Accord créant une association entre la Communauté économique euro-
péenne et la Turquie, JO, P 217 du 29 décembre 1964, pp. 3687‑3701,
complété par la décision 1/95 du Conseil d’association CE-Turquie
du 22 décembre 1995 relative à la mise en place de la phase défi-
nitive de l’union douanière, JO, L 35/1 du 13 février 1996
Accord entre la Communauté économique européenne et l’Espagne,
JO, L 182 du 16 août 1970, pp. 2‑174
Accord entre la Communauté économique européenne et le Portugal
du 22 juillet 1972, JO, L 301 du 31 décembre 1972, pp. 165‑172
Accord entre la Communauté économique européenne et la
Confédération Suisse, JO, L 300 du 31 décembre 1972, pp. 189‑280

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Bibliographie sélective
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bibliographie sélective  201

Accord entre la Communauté économique européenne et le royaume


de Norvège, JO, L 171 du 27 juin 1973, pp. 2‑102
Accord entre la Communauté économique européenne, JO, L 238/1
Accord entre la Communauté économique européenne et la princi-
pauté d’Andorre, JO, L 374 du 31 décembre 1990, pp. 16‑32
Accord d’association euro-méditerannéen intérimaire relatif aux
échanges et à la coopération entre la Communauté européenne,
d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP),
agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie
et de la bande de Gaza, d’autre part, JO, L 187 du 16 juillet 1997
Accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat
entre les Communautés européennes et leurs États membres,
d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, JO, L 327 du
28 novembre 1997, pp. 3‑69
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la
Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et
la République tunisienne, d’autre part, JO, L 97 du 30 mars 1998,
pp. 2‑183
Accord de partenariat économique, de coordination politique et de coo-
pération entre la Communauté européenne et ses États membres,
d’une part, et les États-Unis mexicains, d’autre part, JO, C 350 du
19 novembre 1997, pp. 7‑24
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs États membres, d’une part,
et le Royaume du Maroc, d’autre part, JO, L 70 du 18 mars 2000,
pp. 2‑204
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs États membres, d’une part,
et l’État d’Israël, d’autre part, JO, L 147 du 21 juin 2000, pp. 3‑156
Accord de coopération et d’union douanière entre la Communauté
économique européenne et la République de Saint-Marin, JO, L 84
du 28 mars 2002, pp. 43‑52
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs États membres, d’une part,
et le Royaume hachémite de Jordanie, d’autre part, JO, L 129 du
15 mai 2002, pp. 3‑165

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202 accord de libre - échange européen

Accord établissant une association entre la Communauté européenne


et ses États membres, d’une part, et la République du Chili, d’autre
part, JO, L 352 du 30 décembre 2002, pp. 3‑1440
Accord de stabilisation et d’association entre les Communautés
européennes et leurs États membres, d’une part, et l’ancienne
République yougoslave de Macédoine, d’autre part, JO, L 84 du
20 mars 2004, pp. 13‑80
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs États membres, d’une part,
et la République arabe d’Égypte, d’autre part, JO, L 304 du 30 sep-
tembre 2004, pp. 39‑208
Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la
Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la
République Algérienne Démocratique et Populaire, d’autre part, JO,
L 265 du 10 octobre 2005, pp. 2‑128
Accord euro-méditerranéen instituant une association entre la
Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la
République libanaise, d’autre part, JO, L 143 du 30 mai 2006, pp. 1‑179
Accord de partenariat économique entre les États du Cariforum, d’une
part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre
part, JO, L 289 du 30 octobre 2008, pp. 3‑1955
Accord d’étape vers un accord de partenariat économique entre la
Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la
Partie Afrique centrale, d’autre part, JO, L 57 du 28 février 2009,
pp. 1‑360
Accord de stabilisation et d’association entre les Communautés euro-
péennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Al-
banie, d’autre part, JO, L 107 du 28 avril 2009, pp. 165‑502
Accord de partenariat économique d’étape entre la Côte d’Ivoire, d’une
part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre
part, JO, L 59 du 3 mars 2009, pp. 3‑273
Accord de partenariat intérimaire entre la Communauté européenne
d’une part, et les États du pacifique d’autre part, JO, L 272 du
16 octobre 2009, pp. 2‑713
Accord de stabilisation et d’association entre les Communautés euro-
péennes et leurs États membres, d’une part, et la République du
Monténégro, d’autre part, JO, L 108 du 29 avril 2010, pp. 3‑354

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


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bibliographie sélective  203

Accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États


membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, JO,
L 127 du 14 mai 2011, pp. 6‑1343
Accord intérimaire établissant le cadre d’un accord de partenariat
économique entre les États d’Afrique orientale et australe, d’une
part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre
part, JO, L 111 du 24 avril 2012, pp. 2‑1172
Accord établissant une association entre l’Union européenne et ses
États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, JO,
L 346 du 15 décembre 2012, pp. 3‑2621
Accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres,
d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part, JO, L 354 du
21 décembre 2012, pp. 5‑2609
Accord de stabilisation et d’association entre les Communautés euro-
péennes et leurs États membres, d’une part, et la République de
Serbie, d’autre part, JO, L 278 du 18 octobre 2013, pp. 14‑471
Accord établissant une association entre l’Union européenne et ses
États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, JO, L 161 du
29 mai 2014, pp. 3‑2137
Accord établissant une association entre l’Union européenne et la
Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États
membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part, JO, 261 du 30 août
2014, pp. 4‑743
Accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté
européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une
part, et la République de Moldavie, d’autre part, JO, L 260 du
30 août 2014, pp. 4‑738
Accord de stabilisation et d’association entre les Communautés
européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie et
Herzégovine, d’autre part, JO, L 164 du 30 juin 2015, pp. 2‑547
Accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et
la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et
le Kosovo, d’autre part, JO, L 71 du 16 mars 2016, pp. 3‑321
Accord de partenariat économique d’étape entre le Ghana, d’une part,
et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part,
JO, L 287 du 21 octobre 2016, pp. 3‑319

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


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204 accord de libre - échange européen

Accord de Partenariat économique entre l’Union européenne et ses


états membres, d’une part, et les états de l’APE CDAA (Afrique du
sud, Botswana, Eswatini, Lesotho, Mozambique, Namibie) d’autre
part, JO, L 250 du 16 septembre 2016, pp. 3‑2120
Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada,
d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre
part, JO, L 11 du 14 janvier 2017, pp. 23‑1079
Accord entre l’Union européenne et le Japon pour un partenariat éco-
nomique, JO, L 330 du 27 décembre 2018, pp. 3‑899
Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la République de
Singapour, JO, L 294 du 14 novembre 2019, pp. 3‑755
Accord de libre-échange entre l’Union européenne et la République
socialiste du Viêt Nam, JO, L 186 du 12 juin 2020, pp. 3‑1400
Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et
la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre
part, JO, L 149 du 30 avril 2021, pp. 10‑2539

Directives de négociation des ALE


Décision (UE) 2020/13 du Conseil du 19 décembre 2019 modifiant
les directives de négociation pour des accords de partenariat
économique avec les pays et régions d’Afrique, des Caraïbes et
du Pacifique, dans la mesure où ils relèvent de la compétence de
l’Union, JO, L 6 du 10 janvier 2020

Actes non contraignants


Communication de la Commission, « Une Europe compétitive dans
une économie mondialisée », COM(2006) 567, 4 octobre 2006
Communication de la Commission, « Commerce, croissance et affaires
mondiales – La politique commerciale au cœur de la stratégie
Europe 2020 », COM(2010) 612 final, 9 novembre 2010
Communication de la Commission, « Le Commerce pour tous – Vers
une politique du commerce et de l’investissement plus respon-
sable », COM(2015) 597 final, 14 octobre 2015
Communication de la Commission, « Une Politique commerciale équili-
brée et novatrice pour maîtriser la mondialisation », COM(2017) 492
final, 13 septembre 2017

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Bibliographie sélective
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bibliographie sélective  205

Rapport sur la mise en œuvre des accords de libre-échange (2016),


COM(2017) 654 final, 17 novembre 2017
Résolution du Parlement européen, « Vers une stratégie pour le com-
merce numérique », 2017/2065(INI), 12 décembre 2017
Résolution du Parlement européen, « Maîtriser la mondialisation :
aspects commerciaux », 2018/2005(INI), 25 octobre 2018
Rapport sur la mise en œuvre des accords de libre-échange (2017),
COM(2018) 778 final, 31 octobre 2018
Communication conjointe de la Commission et de la haute représen-
tante, « Relations UE/Chine – Une Vision stratégique », JOIN(2019) 5
final, 12 mars 2019
Rapport sur la mise en œuvre des accords de libre-échange (2018),
COM(2019) 455, 14 octobre 2019
Communication de la Commission, « Le Pacte vert pour l’Europe »,
COM/2019/640 final, 11 décembre 2019
Rapport sur la mise en œuvre des accords commerciaux de l’UE
(2019), COM(2020) 705, 12 novembre 2020
Résolution du Parlement européen, « Examen de la politique commer-
ciale de l’Union », 2020/2761 (RSP), 26 novembre 2020
Communication de la Commission, « Une Politique commerciale
ouverte, durable et ferme », COM(2021) 66, 18 février 2021
Rapport sur la mise en œuvre des accords commerciaux de l’UE
(2020), COM(2021) 654 final, 27 octobre 2021
Communication de la Commission, « La force des partenariats com-
merciaux : ensemble pour une croissance économique verte et
juste », COM(2022) 409 final/2, 16 août 2022
Rapport sur la mise en œuvre des accords commerciaux de l’UE
(2021), COM(2022) 730 final, 11 octobre 2022

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


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ANNEXE 1 : ÉTAT DES LIEUX DES ACCORDS
DE LIBRE-ÉCHANGE DE L’UNION EUROPÉENNE

Accords commerciaux organisant le libre-échange


actuellement en vigueur (2023)
Zones géographiques
Types d’accord
et pays concernés
Amériques
Chili (accord d’association com-
prenant un volet libre échange)
(2005 (1)) Mexique (pluralité
d’accords formant une ZLE)(2000)
Asie
Corée (application provisoire en
Accord commercial organisant 2010, en vigueur depuis 2015)
le libre-échange Japon (2019)
Singapour (2019)
Vietnam (2020)
Europe
Suisse (1972)
Norvège (1973)
Royaume Uni (accord de com-
merce et de coopération, 2021)
Euromed
Palestine (1997), Tunisie (1997),
Accord d’association lié à la Maroc (2000), Israël (2000), Jor­
politique de voisinage (avec un danie (2002), Égypte (2004), Algé­
volet commercial libéralisant rie (2005), Liban (2006)
en tout ou partie les échanges
commerciaux) Partenariat oriental
Géorgie (2016), Moldavie (2016),
Ukraine (2017)

(1) Les dates mentionnées dans ce tableau sont celles de l’entrée en vigueur.

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
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208 accord de libre - échange européen

Accords commerciaux organisant le libre-échange


actuellement en vigueur (2023)
Zones géographiques
Types d’accord
et pays concernés
Europe
Accord de stabilisation et Albanie (2009), Bosnie Herzégo­
d’association (perspective vine (2015), Kosovo (2016), Macé­
d’adhésion ou de pré-adhésion) doine du nord (2004), Monténégro
(2010), Serbie (2013)
Europe
Union douanière Andorre (1991), Saint-Marin
(2002), Turquie (1995)

Accords commerciaux organisant le libre-échange appliqués


à titre provisoire
Zones géographiques
Types d’accords
et pays concernés
Amérique du Nord
Canada (2017 (2))
Amérique centrale
Accord d’association commun
incluant une zone de libre-échange
avec le Costa Rica, le Honduras, le
Accord de libre-échange (inclus Guatemala, le Nicaragua, Panama
dans un accord d’association ou et le Salvador (2013)
négocié à titre spécifique)
Amérique du sud
Accord d’association commun
incluant une zone de libre-échange
avec la Colombie et le Pérou (2013)
rejoint ensuite par l’Équateur
(2017)

(2) Les dates mentionnées dans ce tableau sont celles du début de l’application provisoire
de l’accord.

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Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
www.stradalex.eu - 22/02/2024
annexe 1 209

Accords commerciaux organisant le libre-échange appliqués


à titre provisoire
Zones géographiques
Types d’accords
et pays concernés
Afrique
Accord avec la Communauté de
développement d’Afrique Australe
(CDAA) (Afrique du sud (3),
Botswana, Eswatini, Lesotho,
Mozambique, Namibie) (2018)
Accord avec les États d’Afrique
orientale et Australe (AfOA)
Comores (2019), Madagascar
(2011), Maurice (2011) (4)
Accord avec l’Afrique centrale
Cameroun (2014) (5)
Accord de partenariat économique
négocié avec un ensemble Caraïbe
régional de pays ACP Accord avec le Cariforum (Anti­
gua et Barbuda, Bahamas, Bar­
bade, Belize, Dominique, Grenade,
Guyana, Jamaïque, République
dominicaine, Saint-Kits-et-Lewis,
Sainte Lucie, Saint-Vincent-et-
Grenadine, Suriname, Trini­
dad-et-Tobago (6)) (2008)
Pacifique
Accord avec les États du Pacifique :
îles Salomon (2020), Fidji (2014),
Papouasie Nouvelle Guinée (2009),
Samoa (2018)

(3) L’Afrique du sud avait par ailleurs conclu en 1999 un ALE avec l’Union qui a été remplacé
en 2016 par l’APE régional.
(4) Les Seychelles, la Zambie et le Zimbabwe ont également participé aux négociations de
cet accord. Maurice et le Zimbabwe ont signé cet accord en 2009 mais ne l’appliquent pas à titre
provisoire (ni l’UE avec ces pays). La Zambie n’a pas signé cet accord.
(5) Bien que cet accord soit formellement présenté comme liant l’UE à l’Afrique australe, mis à
part le Cameroun, aucun des autres pays de l’Afrique australe n’a cependant signé cet APE (Congo
Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République Démocratique du
Congo (RDC), Sao Tomé & Principe, Tchad).
(6) Haïti, qui fait formellement Partie du Cariforum a signé cet accord en 2009 sans le ratifier,
ce qui empêche son application même à titre provisoire. Cuba n’est pas membre du Cariforum et
n’y dispose que du statut d’observateur.

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Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
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210 accord de libre - échange européen

Accords commerciaux organisant le libre-échange appliqués


à titre provisoire
Zones géographiques
Types d’accords
et pays concernés
Accord de partenariat économique Afrique
appliqué à titre intérimaire Comores (2019)
entre l’UE et des pays ACP dans Côte d’Ivoire (2016)
l’attente d’un accord régional Ghana (2016)

Accords négociés mais pas appliqués (7)


Zones géographiques
Type d’accord
et pays concernés
Amérique
Chili (accord d’association rénové,
accord d’association rénové, négo-
ciation de la partie commerciale en
2022)
MERCOSUR (Argentine, Brésil,
Paraguay, Uruguay) (accord d’as-
Accord de libre-échange (inclus sociation, accord politique sur le
dans un accord d’association ou contenu de la partie commerciale
négocié à titre spécifique) en 2019)
Mexique (accord d’association
rénové, accord politique sur le
contenu de la partie commerciale
en 2018)
Asie Pacifique
Nouvelle-Zélande (accord politique
sur le contenu du texte en 2022)

(7) Seuls sont ici mentionnés les accords dont la négociation a été finalisée. Ne figurent pas
l’ensemble des négociations en cours.

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Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
www.stradalex.eu - 22/02/2024
annexe 1 211

Accords négociés mais pas appliqués (7)


Zones géographiques
Type d’accord
et pays concernés
Afrique
Communauté des États d’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO) (Bénin, Bur-
kina Faso, Cap Vert, Gambie, Gui-
née, Libéria, Mali, Niger, Nigéria,
Mauritanie, Sénégal, Sierre Léone,
Togo) et de l’Union économique
et monétaire d’Afrique de l’Ouest
Accord de partenariat économique
(UEMOA) (Bénin, Burkina Faso,
(ou APE intérimaire)
Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Séné-
gal, Togo, Guinée-Bissau) : accord
politique sur le contenu du texte
en 2014
Communauté d’Afrique de l’Est
(Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda,
Tanzanie) : accord politique sur le
contenu du texte en 2014

Accords de libre-échange actuellement


en négociation
Pays ou groupement
Zone géographique
régional visé
Afrique orientale et Australe
(AOA) (Comores, Djibouti, Éry-
thrée, Éthiopie, Madagascar,
Malawi, Maurice, Seychelles, Sou-
dan, Zambie, Zimbabwe) : négocia-
tions engagées depuis 2004 mais
Afrique
en pause depuis 2011. Plusieurs
pays (Comores, Madagascar, Mau-
rice, Seychelles et Zimbabwe) sont
déjà liés à l’UE par un accord inté-
rimaire, ouvert aux autres pays
membres

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Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
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212 accord de libre - échange européen

Accords de libre-échange actuellement


en négociation
Pays ou groupement
Zone géographique
régional visé
États-Unis : les négociations d’un
ALE ont été abandonnées en 2016.
En 2019, l’UE a cependant adopté
Amérique
des directives pour un accord
visant à l’élimination des tarifs sur
les biens industriels
Inde : Négociation engagée depuis
2007 et suspendue en 2013. Réouver-
ture des négociations depuis 2021.
Indonésie : négociation en cours
depuis 2016
Asie Malaisie : négociations engagées en
2010 et suspendues depuis 2012 à la
demande de la Malaisie
Thaïlande : négociations engagées
depuis 2013 et suspendues depuis
avril 2014
Andorre, Monaco et San Marin. En
2014, le Conseil a adopté des direc-
tives de négociations destinées à
Europe rénover les unions douanières entre
l’UE et ces pays de façon à autori-
ser ces trois entités à participer au
marché commun.
Maroc : directives de négociation
d’un nouvel accord de commerce
« large et approfondi » adoptées par
l’UE en 2011. Ces négociations se
sont de fait au point mort depuis
plusieurs années.
Euromed Tunisie : directives de négociation
d’un nouvel accord de commerce
« large et approfondi » adoptées par
l’UE en 2011. Ces négociations se
sont de fait au point mort depuis
2019 et l’arrivée au pouvoir du nou-
veau président tunisien.

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
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annexe 1 213

Accords de libre-échange actuellement


en négociation
Pays ou groupement
Zone géographique
régional visé
Australie : directive de négociation
Pacifique adoptée par l’UE en 2018 et négo-
ciations en cours depuis lors

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Annexe 1 - État des lieux des accords de libre-échange de l’Union européenne
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ANNEXE 2 : CARTE DES ACCORDS
DE LIBRE-ÉCHANGE DE L’UE – MAI 2023
(SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE)

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Annexe 2 - Carte des accords de libre-échange de l’UE – mai 2023 (source : Commission européenne)
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INDEX

Les numéros indiqués correspondent au paragraphe


où les mots clés sont mentionnés

A CETA : 9, 11, 12, 28, 45, 46, 52, 55,


58, 92, 94, 101, 108, 114, 123,
ACP : 6, 11, 16 44, 171 147, 158, 159, 160, 186, 187,
Accord de commerce et de coo- 189, 194, 206, 235, 236
pération (ACC) : 8, 30, 11, 180, Champ d’application : 119, 158,
242 160, 193‑208, 241
Accord de Paris : 178, 181, 242 Clause d’exécution : 241
Adhésion : 194, 204, 205, 213 Clause de rééquilibrage : 241
Amendement : 196 Clause de la nation la plus favo-
Application provisoire : 38, 194 risée (CNPF) : 73
ALE (définition) : 10 Clôture des négociations : 28, 33,
ALE (finalité) : 11 194
Antidumping : 87 Comité pour la politique commer-
Arbitrage : 34, 123, 217 ciale : 23
ASEAN : 7, 13, 21, 81 Comités des ALE : 185‑189
Commission européenne : 2, 3, 24,
B 26‑32, 36, 43‑44, 45‑48, 36, 39,
42, 51‑57, 109, 119, 125, 127,
Base juridique : 23, 195, 226 135, 155, 158, 160, 166, 181,
Bilatéralisme : 1, 104 188‑189, 198, 199, 220, 221, 228,
Brevet : 125, 128 232, 239, 240, 242
Brexit : 39, 102, 155, 206 Commission Inta : 47‑48
Communication de la Commis-
C sion : 44
Compétence (de l’Union) : 3, 7,
Cabotage maritime : 96 10, 16, 27, 38, 166, 186, 194,
Calendrier tarifaire : 67, 68 198, 228, 236 et note infrapa-
Capacité conventionnelle : 3, 20, ginale n° 114
21 Concurrence : 141‑155

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218 accord de libre - échange européen

Conseil : 2, 3, 24, 26‑32, 36, 43, Environnement : 13, 34, 43, 57,
44, 45‑46, 48, 50‑52, 58, 188, 169‑182, 191, 203, 238‑242
194‑195, 198 Espace économique européen :
Conseil européen : 22, 194 153
Contrôles douaniers : 75‑77 États membres : 3, 20, 43, 46‑46,
Coopération réglementaire : 10, 50‑52, 55, 58, 70, 93‑94, 98‑99,
124, 156‑164, 189, 219, 235 106, 160, 166, 181, 191, 194,
Covid-19 : 70 198, 201‑202, 205‑206, 208‑210,
215, 236
Cumul de l’origine : 81
Études d’impact : 56‑58, 162
Cycle de Doha : 7, 13, 126, 143
G
D
Groupe d’experts sur les accords
Défense commerciale : 2, 87‑89 commerciaux : 55
Dénonciation : 195, 197, 198
Développement durable : 10, 45, I
57, 60, 117, 122‑124, 169‑182,
190, 195, 199, 235, 237‑242 Indications géographiques :
Directives de négociation : 17, 135‑140
23‑28, 31‑32, 43 Initiative citoyenne européenne
DG commerce : 17, 43 (ICE) : 52
Diplomatie : 4, 7, 17, 30‑31, 43, Interprétation des ALE : 36,
53, 206 187‑188, 219, 226, 228
Droits d’auteur : 125, 129 Interprétation conforme : 212, 215
Droits de douane : 1, 5, 14, 64‑68, Invocabilité (des ALE) : 9, 180,
142, 156, 179, 183, 189, 196, 204 212‑215
Droit de réglementer : 13, 15, 83,
11, 117, 121‑123, 146, 161, L
173, 244
Langue : 30
Droits sociaux : 169 et s.,
238 Level Playing Field : 117, 155
DOM : 203 Listes d’engagements (tarifaires,
services, marchés publics) : 33,
E 67, 93‑94, 96, 99, 196, 206, 214
Lobbying : 50‑51
Énergie : 165‑167 Loyauté des échanges : 124 et s.
Entrée en vigueur (des ALE) : 38,
41, 79, 153, 155, 194, 236

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Index
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index  219

M P

Marchés publics : 10, 31, 63, Parlement européen : 17, 29, 34,
98‑103, 114, 199, 215 38‑40, 42‑43, 47‑48, 51, 58‑59,
Marques : 128 132, 194, 198
Matières premières : 69, 165‑168 Parlements nationaux : 38, 194
MERCOSUR : 7‑8, 12, 21, 28, 34, Partenaire conventionnel : 21‑22,
36, 44, 48, 57‑58, 61, 110, 129, 61, 80, 220
138, 171, 178‑179, 181, 194 Personnes privées : 49‑54, 212,
Mesures compensatoires : 87, 148 214, 220‑221, 238
Mesures sanitaires et phytosani- Principe de précaution : 117
taires : 85‑86, 117, 160 Protectionnisme : 12‑13, 46, 105,
Modélisation conventionnelle : 17, 175
60, 129‑130 PTOM : 202
Multilatéralisme : 1, 44, 104 Publicité : 26, 31, 224
N
R
Niveau de protection : 106, 115,
Régionalisme : 2
122, 127, 173‑175
Retrait (voy. aussi Brexit) : 16,
O 46, 181, 206
Régions ultrapériphérique (RUP) :
Obstacles techniques au com- 203
merce : 83‑84, 89 Règles d’origine : 65, 78‑81,
Offre de négociation : 26, 29 189‑190
OMC (organisation) : 1, 4, 5, 7, 8, Règlement des différends interéta-
10, 13, 14, 86, 90, 92, 94, 99, tique : 10, 13, 109, 115, 131, 146,
109, 136, 218, 220, 225, 230, 245 148, 164, 179, 181‑182, 216‑242
OMC (règles) : 8, 10, 13‑14, 64, 66, Règlement des différends investis-
70, 72, 83‑84, 86‑88, 98‑99, 107, seurs/États : 3, 34, 236
114, 117‑118, 120, 129, 148, 155, Restrictions aux importations et
158, 169, 211, 215, 217‑21‑218, aux exportations : 13, 69‑71,
225, 229, 244 166
Organisation internationale du tra-
vail (OIT) : 177, 180, 242 S
Organisation non gouvernemen-
tale (ONG) : 50, 55, 163, 167, Sanctions : 132, 179‑181, 230‑234,
190 239‑242

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Index
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220 accord de libre - échange européen

Sauvegarde (mesures de) : 87‑89, Souveraineté : 1, 3, 21, 61, 121,


203 143, 167‑168, 183, 202, 207, 208,
Sécurité (clause de sécurité, ex- 244‑245
ception de sécurité) : 26, 83, 89
Sécurité juridique : 114, 197 T
Services : 2, 3, 5, 10, 13, 31, 33, 40,
90‑98, 101, 102, 105, 107‑108, Tarifs douaniers : 2, 4, 13, 15, 64,
111, 119, 123, 142, 147, 164, 70‑72, 113, 183, 196, 206
183, 189, 214‑215, 232 Terminaison de l’ALE : 197‑199
Services audiovisuels : 24, 111 Territoire : 9, 29, 78‑79, 83, 97,
Service juridique de la Commis- 106, 117, 120, 138‑140, 146, 167,
sion européenne : 9, 33 200‑208, 244
Signature : 5, 31, 35, 36‑38, 43‑44, Traduction (des accords) : 35
46, 52, 56, 123, 132, 160, 194, Traitement national : 74, 94‑95, 99
214, 218, 236 Transparence : 14, 25, 31, 33, 35,
Société civile : 34, 42, 49, 52‑55, 50, 77, 86, 103, 158
59, 162, 167, 190
Suspension des négociations : 32 U
Suspension de l’application de
Union douanière (euro-turque) :
l’ALE : 195
5, 6, 61, 204
Stand still (clause de) : 72

Université Paris Saclay / Université Paris Saclay (195.221.160.2)


Index
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TABLE DES MATIÈRES

Sommaire......................................................................................................................... 5

Sigles et abréviations................................................................................................... 7

Présentation générale................................................................................................. 11

CHAPITRE 1. – NÉGOCIER LE LIBRE-ÉCHANGE............................................ 37

Section 1. Les principales étapes de la négociation des ALE...................... 38


Sous-section 1. La décision politique d’engager une négociation
commerciale............................................................................................. 40
Sous-section 2. Le « mandat » de négociation des ALE ou l’adoption
des directives encadrant l’action de la Commission........................ 41
Sous-section 3. Le déroulement des négociations................................... 44
Sous-section 4. Signature, conclusion, application provisoire
et entrée en vigueur des accords........................................................... 48

Section 2. Les acteurs du processus de négociation..................................... 52


Sous-section 1. Les acteurs institutionnels............................................. 53
§ 1. – La Commission européenne....................................................... 53
§ 2. – Le Conseil et les États membres................................................. 55
§ 3. – Le Parlement européen................................................................ 57
Sous-section 2. Les acteurs non institutionnels..................................... 58

CHAPITRE 2. – LA TRADUCTION NORMATIVE DU LIBRE-ÉCHANGE........ 67

Section 1. Les règles de libéralisation des échanges commerciaux............ 71


Sous-section 1. La libéralisation du commerce des marchandises..... 71
§ 1. – La levée des obstacles de nature tarifaire................................ 71
A. La suppression des droits de douane
et des autres restrictions au commerce........................................ 71
B. L’accompagnement de l’élimination des obstacles de nature
tarifaire................................................................................................... 77
1° La facilitation des contrôles douaniers.................................. 77
2° La définition des règles d’origine............................................ 78

416470UCF_Aclibecheu_cc2021_pc.indd 221 13/11/2023 15:52:11


222 accord de libre - échange européen

§ 2. – La levée des obstacles de nature non tarifaire........................ 80


A. L’encadrement des obstacles techniques au commerce
et des mesures sanitaires et phytosanitaires................................ 80
1° Encadrement des mesures susceptibles de constituer
un obstacle technique au commerce (OTC)......................... 80
2° Encadrement du recours aux mesures sanitaires
et phytosanitaires..................................................................... 81
B. L’encadrement du recours aux instruments
de défense commerciale....................................................................... 82

Sous-section 2. La libéralisation du commerce des services................ 83

Sous-section 3. L’ouverture des marchés publics.................................... 88

Sous-section 4. Le commerce électronique............................................... 92

Sous-section 5. Les exceptions à la libéralisation.................................. 98


§ 1. – Les exceptions générales.............................................................. 98
§ 2. – Les exceptions à caractère spécifique........................................ 100
§ 3. – Émergence du droit de réglementer dans les ALE.................. 104

Section 2. Les règles destinées à assurer la loyauté des échanges........... 105


Sous-section 1. Les règles en matière de propriété intellectuelle......... 106
§ 1. – Des règles venant compléter l’accord ADPIC........................... 107
A. Contenu des droits garantis.............................................................. 108
B. Mécanismes de protection des droits............................................... 110
§ 2. – Dispositions conventionnelles caractéristiques
du modèle européen : l’exemple des indications géographiques.... 112

Sous-section 2. Les règles en matière de concurrence............................ 115


§ 1. – Les règles applicables aux entreprises...................................... 117
§ 2. – Les règles encadrant le recours aux subventions................... 119
§ 3. – Particularités de certains accords en matière
de concurrence......................................................................................... 121
§ 4. – La coopération réglementaire..................................................... 124
§ 5. – L’émergence de la question de l’énergie et des matières
premières.................................................................................................. 128
§ 6. – Le renforcement progressif des règles consacrées
aux liens entre commerce et développement durable....................... 131

416470UCF_Aclibecheu_cc2021_pc.indd 222 13/11/2023 15:52:11


table des matières  223

CHAPITRE 3. – APPLIQUER LE LIBRE-ÉCHANGE........................................... 145

Section 1. Administrer les accords de libre-échange de l’Union................ 146

Section 2. Mettre en œuvre les ALE............................................................... 150


§ 1. – Le champ d’application des accords............................................... 150
A. Le champ d’application temporel..................................................... 150
B. Le champ d’application territorial................................................... 156
1° Application de l’accord au territoire de l’Union
et de ses États membres.......................................................... 156
2° Application des ALE de l’Union sur le territoire
des partenaires conventionnels.............................................. 161
§ 2. – Les procédures d’exécution des ALE.............................................. 164
A. L’invocabilité limitée des ALE devant le juge de l’Union........... 165
B. Le règlement des différends................................................................ 168
1° La procédure générale de règlement des différends............ 169
a. Caractéristiques de la procédure générale....................... 169
b. Phases de la procédure........................................................ 173
2° Les procédures spécifiques...................................................... 177

Conclusion générale. Autonomie de l’ordre juridique européen


et accords de libre-échange........................................................................................ 185

Bibliographie sélective................................................................................................. 189

Annexe 1 : État des lieux des accords de libre-échange


de l’Union européenne.................................................................................................. 207

Annexe 2: Carte des accords de libre-échange de l’UE – mai 2023


(Source : Commission Européenne)............................................................................. 215

Index................................................................................................................................ 217

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