L'Information Grammaticale

Temporalité et « classes de verbes »

Robert Martin

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Martin Robert. Temporalité et « classes de verbes ». In: L'Information Grammaticale, N. 39, 1988. pp. 3-8.

doi : 10.3406/igram.1988.2024

http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1988_num_39_1_2024

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 Malgré un nombre de pages accru, le n° 38 de VInformation grammaticale, numéro thématique
consacré à la « temporalité verbale », n'a pas pu accueillir toutes les contributions qui nous ont été
adressées. Nous prions les auteurs de bien vouloir nous en excuser. D'ailleurs, le débat reste
ouvert : nous publierons prochainement les articles proposés par Suzanne Hannon et par Christian
Touratier.

On lira ci-dessous l'étude de Robert Martin sur les « classes de verbes ». N.D.L.R.

TEMPORALITÉ ET « CLASSES DE VERBES »

Robert MARTIN

Une abondante littérature touche à ce qu'on peut appeler la
« structure temporelle » des verbes. Par un exemple simple,
rappelons d'entrée de quoi il s'agit. Si l'on veut bien
considérer que tout procès, pour être, demande un intervalle
de temps aussi bref sort-il, on admettra que dans la phrase
Pierre sort de son bureau, l'action de sortir s'inscrit dans un
intervalle assurément fort étroit, mais non pas inexistant. Or
les conditions de vérité de la phrase en question se
déterminent évidemment par rapport à cet intervalle : celui-ci
sépare un état du monde où Pierre est dans son bureau et un
autre état où il n'y est plus. Bref, sortir présuppose que l'on est
à l'intérieur d'un lieu et, une fois réalisée l'action que ce verbe
décrit, il implique que l'on se trouve à l'extérieur de ce lieu.
Soit en figure :
être à l'intérieur sortir être à l'extérieur
(être sorti)
En d'autres termes, les conditions de vérité du verbe sortir ne
sont pas indépendantes de son déroulement temporel. On
appellera structure temporelle d'un verbe le rapport au
temps des conditions de sa vérité.
En distinguant les catégories d'energeia et de kinesis,
Aristote (Métaph. 1048 B : 18-35) a jeté les bases d'une
classification verbale à partir de la structure temporelle. Cette
classification a depuis été considérablement affinée et, il faut en
convenir, singulièrement compliquée. Les critères se
recoupent, les étiquettes se superposent en tout ou en partie,
et la question est devenue à peu près inextricable. Jacques
François^) y a mis de la clarté en l'abordant en terme de traits.
C'est cette même perspective que l'on adoptera ici. Les
« classes de Vendler »P) constituent un système de référence
dont on rappellera brièvement les caractéristiques (I) : mais
ce système n'est pas exempt de faiblesses. On s'appliquera
à distinguer mieux trois sortes de traits : le traie /borné/
(opposé à /non-borné/), le trait /transitionnel/ (opposé à /
non-transitionnel/) - confondu par Z. Vendler avec le
précédent- et le trait /momentané/ (opposé à /non-monen-
tané/) (II). Ensuite on examinera plus précisément k\ir
combinatoire (III).
I - LES CLASSES DE VENDLER. RÉEXAMEN CRITIQUE
A - Les quatre classes
Comme on sait, Z. Vendler distingue quatre classes de
verbes : les verbes d'état (ou verbes statifs), les verbes d'activité,
les verbes d'accomplissement et les verbes d'achèvement.
1 . Une première opposition est liée à l'usage possible ou
impossible de la forme progressive en anglais. Ainsi à la
question :
What are you doing ?
on peut répondre par
/ am running (writing, working...)
mais non pas
*/ am knowing (loving, recognizing...)
Cette différence vient du fait que courir, écrire, travailler^
sont des procès qui se déroulent dans le temps, alors que

(1) Changement, causation, action, Thèse d'Etat, 1986, Univ. de

Paris VIII, 656 p. Voir aussi « Changement, causation, action », Bulletin de (2) Z. Vendler, Ungulstfcs in Philosophy, Cornell University Press, 1967
/'ARC. n° 14. 1987. 13-33. (Chap. IV. « Verbs and times », 97-121).
savoir ou aimer ne consistent pas en phases successives et
excluent toute progression entre leur début et leur fin. Les
premiers sont caractérisables par le trait /dynamique/, les
seconds par /non-dynamique/P).
2. Parmi les verbes qui admettent la forme progressive deux
groupes peuvent être distingués. Le trait qui les oppose est
celui du « bornage » (/borné/- /non-borné/). Ainsi s'il est
vrai à l'instant i que quelqu'un court ou pousse un chariot et
si à l'instant i + 1 , cette action s'arrête, il n'en sera pas moins
vrai que ce quelqu'un a couru ou qu'il a poussé un chariot.
Rien detel pour l'action de tracer un cercle. Si l'on s'arrête de
tracer un cercle, on n'a pas tracé un cercle. Si l'on s'arrête de
courir un 100 m plat, on n'a pas couru un 100 m plat. Tracer
un cercle ou courir un 100 m plat sont des procès qui, pour
exister, doivent être conduits jusqu'à leur terme : ils sont
bornés à un point déterminé, alors que courir ou pousser un
chariot ne le sont pas.
Le critère du « bornage » n'est pas différent de celui de
« l'homogénéité ». Un procès est homogène si<4) chaque
sous-intervalle est de la même nature que l'ensemble. C'est
le cas de courir ou pousser un chariot, mais pas de tracer un
cercle ou courir un 100 m plat, où le dernier instant est décisif.
Si l'on n'atracé qu'une partie d'un cercle, on n'a pas tracé un
cercle : un tel procès est non-homogène.
Les procès bornés ( « non homogènes) forment la classe
des accomplissements.
Les procès non bornés ( = homogènes) forment la classe
des activités.
3. Les verbes qui n'admettent pas la forme progressive se
répartissent de leur côté en deux classes : les verbes d'éfaf et
les verbes d'achèvement. Les verbes d'état comme aimer,
peuvent valoir pour des périodes indéfiniment étendues. Les
verbes d'achèvement (comme atteindre le sommet ou
apercevoir l'avion) valent seulement pour un moment unique : ils
sont caractérisables par le trait /momentané/. Une
conséquence en est que seuls les verbes d'achèvement sont
datables (// a atteint le sommet à midi pile).
B. Réflexions critiques
Le système obtenu opère des distinctions de grande portée,
et l'on comprend le succès qu'il a connu. Beaucoup de
critiques peuvent cependant être formulées <5>.
1 . Le critère de la forme progressive conduit à une
clas ification disparate. Le trait de non-dynamicité ne vaut strictement,
en effet, que pour les états. Eux seuls excluent toute progres-
(3) Il s'agit là d'une interprétation de Vendler ; ces termes ne sont pas
utilises par lui.
(4) « si et seulement si ».
(5) Voir notamment A. P. Mourelatos, « Events, Processes and States »,
Linguistics and Philosophy 2, 1978, 415-434 ; M. Wilmet, « Aspect
grammatical, aspect sémantique, aspect lexical : un problème de limites », In: La
notion d'aspect, Colloque de Metz (1978), Actes..., Paris, Klincksieck, 1980,
51-68 ; F. Nef, « Les verbes aspectuels du français : remarques sémantiques
et esquisse d'un traitement formel », Semantikos 4, 1980, 11-46.
sion entre leur terminus a quo et leurterminus adquem®. Les
verbes d'achèvement au même titre que les verbes d'activité
ou d'accomplissement représentent des événements : ils
disent que quelque chose a eu lieu. Ils répondent à la
question « qu'est-ce qui se passe ? ». Les verbes d'activité,
d'accomplissement et d'achèvement sont des verbes
d'action, et ce fait est voilé par les critères en cause.
Il est vrai que Z. Vendler fait intervenir un autre critère qui
rapproche « états » et « achèvements » : c'est leur caractère
involontaire ; on ne fait pas exprès d'apercevoir un avion, pas
plus qu'on ne fait exprès de savoir l'anglais ou d'aimer la
musique. Impossible de combiner de tels verbes avec être
occupé à qui signifierait l'intervention de la volonté^ (*// est
occupé à savoir l'anglais, à apercevoir un avion). Mais ce
critère n'est pas de nature temporelle. Il n'est pas lié à la
« structure temporelle » telle que nous l'avons ci-dessus
définie. De surcroît, il n'a rien d'absolu ; on atteint le sommet
au terme d'un effort volontaire. Inversement, on peut fort bien
dire : Les choses sont en train de changer, les rapports de
force de se modifier^).
2. Le trait de « bornage » vaut pour les « achèvements » au
même titre que pour les « accomplissements » : alors que
l'on peut continuer indéfiniment de courir ou de pousser un
chariot, le procès d'atteindre un sommet, tout comme celui
de tracer un cercle, trouve en lui-même son propre terme.
Une fois le sommet atteint, on ne peut pas continuer à
l'atteindre, pas plus qu'on ne peut continuer à tracer le cercle
qu'on a tracé. Le procès ne peut qu'être recommencé et non
pas prolongé. Ce qui distingue les achèvements des
accomplissements, c'est leur caractère de momentanéité. On atteint
un sommet à un moment précis ; on trace un cercle en un
nombre d'instants variable.
3. Le système ne tient pas compte de la « transitionalité »,
c'est-à-dire du fait que certains verbes aboutissent à un état
résultant et d'autres non. Une fois qu'on a tracé un cercle, ce
cercle est tracé : il est le résultat, en l'occurrence visible, d'un
procès, maison dira difficilement qu'un 100 m plat est couru
pour dire que quelqu'un a couru un 100 m plat. Courir un
100 m plat est borné mais non transitionnel, là où tracer un
cercle est l'un et l'autre.
4. On observera aussi - mais sans doute est-ce inévitable -
que les traits reconnus dans le système de Vendler ne valent
pas pour les verbes eux-mêmes, mais pour le syntagme
verbal, voire pour la phrase entière - du moins la phrase
élémentaire. Ainsi pour répandre le complément d'objet est
décisif : répandre par terre le contenu d'un sac décrit un
procès borné ; mais non répandre des fleurs. Ailleurs, c'est
le sujet : l'enfant tombe est borné ; pas la pluie tombe. Les
procédures référentielles peuvent modifier à leur tour la
classification : répandre par terre le contenu d'un sac est
(6) M. Wilmet, op.clt., 61.
(7) F. Nef. op.dt., 17
(8) Pour des critères complémentaires, de même nature, cf.
J. Hoepelman, C. Rohrer, « Déjà et encore et les temps du passé du
français », In : La notion d'aspect, Colloque de Metz (1978), Actes..., Paris,
borné ; répandre du sel sur la chaussée peut fort bien décrire
une action indéfiniment prolongée - de même que se
prolongent les chutes de neige et le verglas qu'elles occasionnent.
Toutes ces critiques invitent à un essai de reconstruction. On
commencera par redéfinir soigneusement les traits : le«
bornage », la « transitionalité » et la « momentanéité ».
II. DÉFINITION DES TRAITS ET CRITÈRES DE
REPÉRAGE
A. Le « Bornage »
1. Un procès est borné - et l'on entendra désormais par
« procès » l'action ou l'état décrit par la phrase entière et non
seulement par le verbe - s'il porte en lui-même une limite en
deçà de laquelle il ne peut être dit réalisé et au delà de laquelle
il ne peut être que recommencé et non pas prolongé. Un
procès borné n'est pas « homogène » : seul le tout réalise le
procès et non pas les parties.
2. De nombreux critères peuvent servir au repérage.
a) Critère d'implication : si Pierre s'arrête de tracer le cercle
qu'il est en train de tracer, alors on ne peut pas dire qu'il a
tracé un cercle :
// s'arrête de tracer le cercle =f*> Il a tracé un cercle
Avec l'imparfait, les procès bornés ne donnent aucune
garantie d'achèvement : // traçait un cercle quand le directeur
se présenta danslasalle de classe. Est-il allé jusqu'au bout ?
Rien ne le dit. Ce n'est qu'avec le passé simple, temps
perfectif, que la limite finale est forcément atteinte :
// traça un cercle =fc> Le cercle a été tracé
b) Critères combinatoires
- Seuls les procès bornés sont compatibles avec en +
indication de durée (qui marque justement qu'un déroulement a
lieu jusqu'à sa limite) :
// trace un cercle en quelques secondes >.
Il court le 100 m plat en moins de 10 secondes
mais non
*// court en quelques secondes
*lls poussent un chariot en dix minutes
De même encore, on admet :
// met quelques secondes à tracer un cercle
mais non
*// met quelques secondes à courir
(sauf peut-être au sens de « il lui faut quelques secondes pour
se mettre à courir»; mais l'effet est alors celui de
d'inchoativité qui ne va pas en dehors du « bornage »).
- De même, on admet :
Il achève de tracer un cercle, Il achève de courir un 100 m
plat
mais non
*// achève de courir ou // achève de pousser un chariot
Inversement on peut dire :
// a beaucoup couru et il continue de courir
mais non
*// a tracé un cercle et il continue de tracer ce cercle
*ll a couru un 100 m plat et il continue de courir ce 100 m
plat.
- Maintenant que + passé composé. Cette forme n'est
admissible que si une limite est franchie. Elle exige donc un
procès borné :
Maintenant qu'il a couru un 100 m plat
Maintenant qu'il a tracé un cercle
mais non
^Maintenant qu'il a couru (sauf au sens d'« effectuer sa
course », où l'on rejoint à nouveau les procès bornés).
Les deux derniers critères sont les seuls qui soient
applicables aux procès momentanés (*// a atteint le sommet et il
continue de l'atteindre ; Maintenant qu'il a atteint le som-
met...). Mais ces critères s'y appliquent sans exception ; c'est
pourquoi on peut considérer que le trait /momentané/
implique le trait /borné/.
B. La « transitionalité »
1 . Un procès est transitionnel (ou « transformatif » ou encore
« résultatif ») s'il marque le passage d'un état à un état
résultant (irréversible ou non : pendant combien de temps du
lait stérilisé reste-t-il stérile ?). C'est sans doute Gustave
Guillaume!9) qui a le mieux décrit ce phénomène, en faisant voir
que certains procès emportent avec eux une subséquence
(une « séquelle »), que leur sémantisme n'est autre que la
transition d'un état d'avant à un état d'après. Ainsi mettre son
manteau fait naître à son terme une image distincte de
l'image de départ (le manteau est mis).
On peut certes penser qu'un verbe comme courir n'est pas
étranger à l'idée de changement : celui qui court n'arrive-t-il
pas au but essoufflé, fatigué ? N'a t-il pas en tout cas changé
de lieu ? Ce serait cependant se méprendre : ces
changements ne sont pas l'objet de la prédication ; ils se situent en
dehors des conditions de vérité attachées au verbe courir. Ce
qui importe dans ce verbe , c'est uniquement le mouvement.
On court dès lors qu'on se déplace « par une suite d'élans, en
reposant alternativement le corps sur l'une puis sur l'autre
jambe »<10>. Un verbe est transitionnel s'il prédique le passage
d'un état à un autre.
2. Critères de la transitionalité.
Le critère est celui de l'existence ou bien d'une forme
déponente (verbe intransitif employé avec être : Il est sorti)
ou bien d'un passif d'état. L'ambassade est surveillée parla
police n'est vrai qu'aussi longtemps que la police surveille
l'Ambassade. Le passif est un passif d'action. Mais
l'Ambassade est évacuée a deux interprétations :
- une de passif d'action : « elle l'est en ce moment (par la
police) »
- une de passif d'état : « une fois l'évacuation achevée,
l'Ambassade est dans l'état d'une Ambassade évacuée ».
Avecles verbes transitionnels peut naître ainsi une ambiguïté
qui justifie des questions comme celle-ci(11) :
Klincksieck, 1980, 119-143, en partie., p. 120.
(9) Temps et verbe, Paris, Champion, 1965, 21-22.
(10) Définition du Petit Robert.
(11) Cf. J. Authier, « Points de contact entre traits sémantiques de
verbes, aspect, voix passive, entre linguistique et extra-linguistique :
remarques Informelles ». DRLA V 16. 1978. 159-176 (p. 160).
 Je voudrais savoir si l'Ambassade est (déjà) évacuée ou eu lieu. Si // retrouve son portefeuille est vrai, alors // a
si on l'évacué retrouvé son portefeuille est vrai. On ne peut utiliser le présent
mais non : que dans l'instant de la prise de conscience. Voyez le
*Je voudrais savoir si l'Ambassade est surveillée ou si on dialogue suivant :
la surveille. - Oh / Dis donc ! Voilà que je retrouve mon portefeuille !
3. Il faut insister sur la distinction indispensable des traits de - Qu'est-ce que tu dis ?
« bornage » et de « transitionalité ». Aucun des deux ne - J'ai retrouvé mon portefeuille !
suppose l'autre. Ainsi :
a) un procès peut être borné et transitionnel (tracer un III. STRUCTURE TEMPORELLE ET COMBINATOIRE
cercle) ; DES TRAITS. EFFETS DE FLOU.
b) borné mais non transitionnel (aujourd'hui, je travaille
jusqu'à 17 heures) ; A. Combinatoire des traits
c) non borné, mais transitionnel (répandre de l'eau sur le
sol : d'instant en instant, une quantité nouvelle d'eau Certains traits excluent certains autres. D'autres sont
est répandue sur le sol ; mais il n'y a pas compatibles. On va essayer maintenant de le montrer, en
sémantiquement de limite) ; reprenant pour base le système de Vendler.
d) non borné et non transitionnel (// court, il travaille, il
écrit...). 1. Procès statifs
Letrait /non-dynamique/, caractéristique des procès statifs,
C. La « Momentanéité » est incompatible avec le trait /momentané/ et avec le trait /
transitionnel/. En revanche il s'allie au trait /non-borné/ (cas
1 . Un procès est momentané s'il se réalise dans un intervalle général), mais aussi au trait /borné/ ; à preuve des exemples
instantané où, du même fait, il est impossible de discriminer comme ceux-ci :
des phases.
Je suis à Paris jusqu'au 15 août
2. La momentanéité est le propre d'un procès Je suis à Paris pour trois semaines
- incompatible avec les marques de durée : *// atteint le Il est absent tout le mois d'août
sommet pendant deux heures ; Le magasin est fermé au mois d'août
- incompatible avec les marques d'achèvement : *// achève
d'atteindre le sommet (mais // achève de tracer un cercle) ;
- incompatible avec les périphrases qui marquent une 2. Procès d'activité
prolongation ou une interruption : *// continue d'atteindre le Le trait /non-borné/, caractéristique des procès d'activité,
sommet ! *U cesse d'atteindre le sommet (mais // continue - exclut aussi la momentanéité. Mais il est compatible non
ou // cesse - de tracer le cercle)^. seulement avec /non-transitionnel/ (cas général), mais
Toutes les périphrases citées supposeraient des phases que, encore avec /transitionnel/ :
par définition, la momentanéité exclut. Il répand de l'eau sur le sol (au sens de « il n'arrête pas de
répandre de l'eau sur le sol »).
L'interprétatiop du procès momentané accompagné de en +
indication de durée ou bien accompagné de peu à peu ou
progressivement est une interprétation d'« atteinte » : 3. Procès d'accomplissement
l'intervalle est fait d'instants où le procès décrit n'est pas réalisé Bornés mais non-momentanés, les procès
mais seulement préparé ; le procès n'a lieu qu'à l'instant d'accomplissement admettent les deux traits
ultime. Ainsi la différence est grande entre
// trace un cercle en quelques secondes (où, à chaque /transitionnel/ : // trace un cercle
seconde, il trace en partie le cercle) et /non-transitionnel/ : // court un 10 m plat.
et
// atteint le sommet en quelques minutes (où seul le 4. Procès d'achèvement
dernier instant est celui de l'atteinte ; durant les minutes Bornés et momentanés, les procès d'achèvement
qui précèdent, l'atteinte n'est pas partielle ; il est présentent la même combinatoire :
impossible qu'elle le soit ; elle est seulement de plus en plus
proche)(13>. /transitionnel/
On observera qu'il suffit que les procès momentanés aient
lieu pour qu'on puisse dire, dans le même instant, qu'ils ont // retrouve
sort (il le
atteint estson
sommet
sorti,
portefeuille
au(le
sens
sommet
résultatif)
(le portefeuille
est atteint) est retrouvé)

/non-transitionnel/
(12)?// continue de tracer un cercle est au contraire difficilement
recevable ; mais cela tient à la grammaire de l'article. ? Continuer de tracer la bombe
L'obus éclate
explose
(*l'obus
(* laest
bombe
éclaté)est explosée)
un cercle présupposant tracer un cercle, le cercle est supposé identifiable, et
l'article un Inadéquat. // heurte un meuble (*le meuble est heurté)
(13) Cette observation figure dans Vendler 1967. La pierre frappe la vitre (*la vitre est frappée).
 Tableau Structure temporelle

/non-dynamique/
«état /dynamique/
* action

^> /non-transitionnel/ /non-borné/ /borné/

et /non-momentané/ =*> /non-momentané/
/non-momentané/ /momentané/

STATIFS ACCOMPLISSEMENTS ACHÈVEMENT

/non-borné/ /borné/ /transitionnel/ ^\ /transitionnel/ \ /transitionnel/

/non-transitionnel/ /non-transitionnel/ /non-transitionnel/

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Bref, seules valent ici les implications suivantes :
/non-dynamique/ =f*> /non-transitionnel/
soit /transitionnel/ =^> /dynamique/
/non-dynamique/ =f=> /non-momentané/
sort /momentané/ =fc> /dynamique/
/non-borné/ =fc> /non-momentané/
sort /momentané/ =fc> /borné/
On aboutit ainsi au tableau ci-dessus :
(1) Je suis à Paris
(2) Je suis à Paris jusqu'au 15 août
(3) // répand de l'eau sur le sol
(A) Il pousse le chariot
(5) // trace un cercle
(6) // court un 100 m plat
(7) // atteint le sommet
(8) L'obus éclate
D'autres hiérarchies sont envisageables, mais toutes
aboutissent au même nombre de classes (8 au lieu de 16 qui
seraient réalisées si aucune implication n'était vérifiée).
B. Instabilité combinatoire. Effets de flou
1 . La combinatoire des traits constitutifs de la« structure
temporelle» est mouvante, en ce sens que les procédures
abondent qui effacent un trait au bénéfice de son contraire.
a) Ainsi, les procès qui sont habituellement des activités
peuvent devenir des états. // fume, au sens de « il est
fumeur », décrit une propriété : le présent habituel en a fait un
statiff1*).
(14) Observation également faite par Vendler 1967.
Ils peuvent devenir aussi des accomplissements, pour peu
qu'un complément d'objet ou un complément circonstanciel
en limite la durée : Il fume une cigarette ; Je travaille encore
une demi-heure et je m'arrête.
b) Inversement, les procès d'accomplissement peuvent
perdre le trait /borné/ qui les caractérise. Serrer le frein est
borné ; il est même transitionnel (le frein est serré). Mais
Serrer le frein de plus en plus fort tend vers la simple activité :
il y a suffi d'une marque d'intensité. On connaît aussi le rôle
de la quantification : écrire un roman est un
accomplissement ; écrire des romans une activité.
c) La catégorie la plus instable est celle des procès
d'achèvement. Sortir du bureau est de type « achèvement » ;
dire que Pierre est sorti du bureau en quelques secondes,
c'est seulement laisser entendre que la marche jusqu'à la
porte a pris quelques secondes ; la sortie elle-même a eu lieu
à l'instant final. Mais dans Le papillon a mis une heure àsortir
du cocon, la sortie est progressive : une partie du papillon est
sortie d'abord, puis une autre, et ainsi de suite. Le procès est
alors un procès d'accomplissement.
Franchir la ligne d'arrivée suppose le trait /momentané/.
Mais pour peu que le sujet désigne un être d'une certaine
étendue, le trait de momentanéité disparaît : Le peloton
franchit la ligne d'arrivée (en 15 secondes).
Souvent il y faut des connaissances d'univers - et pas
seulement des connaissances linguistiques - pour déterminer le
trait qui convient. Répandre une nouvelle n'est pas en soi
borné ; c'est dû au caractère abstrait du complément ; une
abstraction n'est pas épuisable. Mais les êtres parmi lesquels
la nouvelle se répand peuvent être en nombre fini. Or seules
les connaissances d'univers peuvent opérer le partage entre
répandre la nouvelle parmi les locataires (de l'immeuble) -
qui est borné - et répandre la nouvelle parmi les utilisateurs
des transports en commun - qui ne l'est pas (on peut être
utilisateur occasionnel ou en puissance...)
La cheminée tire mal. La fumée se répand dans la pièce : la
partitif (de la fumée) a cédé la place à un article défini (il s'agit
de la fumée qui s'échappe). Mais je sais d'expérience que la
fumée n'est pas un objet épuisable, et l'interprétation est celle
du non-bornage.
2. On ajoutera aussi que les oppositions de traits n'ont rien
d'absolu. Elles n'excluent pas les effets de flou. La phrase La
police surveille l'Ambassade est assurément à étiqueter par
/non-borné/. Mais La police surveille l'évacuation de
l'Ambassade ? L'évacuation étant bornée (il arrive un
moment où tous ceux qui doivent quitter les lieux les ont quittés),
la surveillance a elle aussi un terme. Supposons que la police
arrête de surveiller l'évacuation, donc qu'elle ne maintienne
pas la surveillance jusqu'à la fin. Il ne semble pas qu'on
puisse dire sans mauvaise foi qu'elle a surveillé l'évacuation,
puisqu'elle ne l'a surveillée qu'en partie. Ce critère fait
pencher pour le trait /borné/. De même La police achève de
surveiller l'Ambassade semble recevable, en tout cas cette
phrase est moins choquante que La police achève de
surveiller l'évacuation de l'Ambassade. Mais il semble difficile
de dire *La police surveille l'évacuation de l'Ambassade en
quelques heures. C'est l'évacuation qui s'opère en quelques
heures : le transfert au verbe surveiller paraît exclu. Cette
observation fait pencher du côté de /non-borné/. Et les
mêmes remarques valent pour L'astronome observe le
coucher du soleil.
La conclusion est simple : la « structure temporelle » des
procès, pour être correctement décrite, impose que l'on
distingue à tout le moins « dynamicité », « momentanéité »,
« bornage » et « transitionalité » ; trop souvent les deux
derniers traits sont indûment confondus. Mais ces traits ne
peuvent être attribués qu'en contexte et même là des
hésitations demeurent.
Robert MARTIN
Université de Paris IV

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N.D.LR.