Vous êtes sur la page 1sur 6

3ème partie (Isabelle Fournier) : Spectrométrie de Masse

Durée conseillée : environ 50 minutes.


CORRIGE
----------------------------------------------------------------------------------------------

I. Question de Cours (temps conseillé 20 min) (10 points)

1. Vous expliquerez en vous aidant de schémas la différence entre ces deux mesures de poids
moléculaires
Les atomes présentent naturellement des isotopes stables (atome avec un nombre de neutrons
différents). L’abondance naturelle des isotopes des différents atomes sur Terre est connue. La
probabilité de rencontrer des isotopes stables des éléments courants (H, C, O,….) est faible (e.g.
1% environs pour le C13), cependant sur des molécules constituées d’un grand nombre la
probabilité augmente de rencontrer des molécules avec des isotopes plus lourds. Si les isotopes
ne changent pas la charge des atomes ils changent leur masse et ainsi l’existence d’isotopes
stables est observés dans les mesures de spectrométrie de masse et donne naissance à des
massifs appelés massifs isotopiques. Ces massifs comportent un nombre de pics d’autant plus
importants que le poids des biomolécules (Mw) est élevé. Similairement, le pic le plus intense de
ces massifs est d’autant plus éloigné du premier pic de la distribution d’isotopes que le poids
moléculaire augmente (cf cours). Les deux figures ci-dessous présentent un exemple de
l’évolution des distributions isotopiques pour deux biomolécules de Mw différente. Le premier
pic de la distribution est appelé pic monoisotopique, il correspond à une seule composition
isotopique des atomes 12C, 1H, 14N, 16O, 32S. Si le m/z mesuré de ce signal est utilisé pour un
calcul de Mw il permettra de calculer le poids moléculaire monoisotopique (Mw(mono)) qui est
une masse dite exacte puisque ne correspondant qu’à une seule composition isotopique. Tous
les autres pics du massif correspondent à des compositions multi-isotopiques. Par exemple, le
deuxième pic du massif est lié à la présence soit d’un atome 13C, soit 2H, soit 15N, etc…
A l’inverse, si le poids moléculaire est calculé en prenant en compte un poids moyen pour chacun
des atomes constituant la molécule qui prends en compte la masse des isotopes de cet atome
dans leur abondance naturelle sur Terre, alors sera calculé le poids moléculaire dit moyen de la
molécule (Mw(avg)). Sur le spectre se poids moyen correspond au barycentre de la distribution
isotopique. Lorsque le massif est pratiquement symétrique (cf figure de droite) il correspond
alors environ au pic le plus intense de la distribution.
C63 H98 N18 O13 S1 C254 H377 N65 O75 S6
Pic monoisotopique Barycentre de la distribution

Mw(mono)
Mw(avg)

2. Expliquez, en vous appuyant sur la description des critères de performances spectrales,


pourquoi un utilisateur peut être amené à utiliser l’un ou l’autre de ces poids moléculaires.
Lorsque la résolution spectrale Rs d’un instrument diminue cela entraîne un élargissement des
pics. Rs étant définie par rapport à la largeur du pic à mi-hauteur et calculé selon la formule

1/6
𝑀/𝑍
𝑅𝑠 =
∆𝑀/𝑍1/2𝐻
Lorsque le pouvoir résolutif RP de l’instrument diminue, deux signaux de m/z proches sont moins
séparés puisque RP décrit la séparation de deux signaux séparés de moins de 1 unité de m/z et
est calculé suivant la formule :
𝑀/𝑍𝑝𝑖𝑐 1
𝑅𝑃 = ≥1
∆𝑀𝑝𝑖𝑐1/𝑝𝑖𝑐2
Les figures ci-dessous montrent l’évolution du massif isotopique d’une biomolécules d’environ
m/z 5 700. Pour une résolution Rs<5 000, le massif isotopique n’est plus résolu et se présente
sous la forme d’une gaussienne car toutes les signaux des différentes contributions isotopiques
se chevauchent. Ainsi, pour unne résolution suffisante (e.g. Rs=40 000) il est possible de
rechercher le pic monoisotopique et de calculer la masse monoisotopique. Par contre, pour une
résolution spectrale trop faible (e.g. Rs=4 000 ) il est impossible de mesure le pic monoisotopique.
Par contre, dans ce cas, le barycentre de la distribution peut-être calculé et utilisé pour calculer
la masse moyenne.
Ainsi suivant les performances de l’instrument, la masse moyenne où la masse monoisotopique
seront utilisées. Pour un instrument de faibles performances (faibles Rs et RP) on préfèrera la
masse moyenne (Mw(avg) alors que pour un instrument de haute performance (Rs et RP élévés)
on utilisera la masse monoisotopique (Mw(mono).

Rs=40 000 Rs=10 000

Rs=4 000

3. Pourquoi la mesure de la masse monoisotopique peut-elle devenir difficile en ESI MS pour


la mesure de composés polaires et de poids moléculaire élevé (Mw>10 000 Da) par
comparaison à des molécules de bas poids moléculaire (e.g. Mw<5 000 Da) ? Vous
justifierez votre réponse en vous appuyant sur la description des caractéristiques
spectrales attendues en ESI.
D’une part, comme le nombre de compositions isotopiques différentes est d’autant plus grand
que le Mw d’un composé est élevé, il est d’autant plus difficile de séparer les isotopes que le Mw
est élevé. Les figures ci-dessous montrent que pour une même résolution spectrale Rs de 4 000,
il est encore possible de séparer les différentes contributions isotopiques pour un composé
d’environ 1 300 Da en poids moléculaire alors que ceci est impossible pour un composé d’environ
5 700 Da.

2/6
D’autre part, la source ESI a pour caractéristique de conduire à la formation d’ions multichargés
puisque les ions sont issus d’un processus d’électonébulisation générant un nébulisât de
gouttelettes fortement chargées. Les charges en ESI sont apportées par des transferts de
protons. Le nombre de H+ transférés à la molécule est d’autant plus élevé que les molécules est
polaire et sont Mw élevé. En effet, les H+ transférés sur les composés doivent être suffisamment
éloignés dans l’espace pour que la molécule soit stable (pas de répulsion coulombienne entre
charges de même signe). Or, les pics du massif isotopique sont équidistants et séparés de 1/z (z
étant la charge du composé). Donc plus le composé est de masse élevé, plus il est chargé et plus
les pics du massif isotopique sont rapprochés. Par exemple, pour un ion [M+2H] 2+ attendu pour
un composé de Mw environ 1000 Da, les pics du massif isotopique seront séparés de ½. En
revanche, pour un ion [M+20H]20+ attendu pour un composé polaire de Mw environ 20 000 Da,
les pics seront espacés de 1/20 soit 0.05. Il devient alors difficile de résoudre le massif isotopique
de l’ion faute d’avoir un instrument de très haute résolution spectrale i.e. Rs>100 000.

4. Ces mêmes difficultés seront-elles rencontrées pour l’analyse des mêmes composés sur un
instrument de type MALDI MS ? Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur vos
connaissances des sources MALDI.
La source MALDI est connue pour former peu d’ions multichargés. L’ion monochargé [M+H] +
reste souvent le plus intense même si des ions Z=2-5 peuvent être observés. En effet, en MALDI
les ions sont formés par irradiation du composé co-cristallisé avec une matrice organique, définie
pour absorber à la longueur du laser utilisé et protégeant l’analyte de recevoir trop d’énergie. Le
processus de désorption/ionisation se produit sous vide et ne favorise pas la formation d’ion très
fortement chargés. A
Ainsi pour résoudre le massif isotopique des ions, même pour des Mw plus élevés nécessite des
performances spectrales moins importantes, en théorie, même si la baisse de résolution liée au
nombre de compositions isotopiques différentes reste identique. Donc théoriquement, les
difficultés devraient être moins importantes en MALDI qu’avec la source ESI pour la mesure des
composés de Mw>10 000 Da.

II. Exercice (temps conseillé 30 min) (10 points)


1. A partir de la Figure 1a qui correspond à l’analyse du complexe entier (tétramère),
recalculez la masse moyenne (Mwavg) du tétramère. Vous expliciterez la méthode de calcul
que vous avez utilisé. Puis en déduire la masse du monomère de Streptavidine. Vous
prendrez M(H)=1.008 Da.
Le spectre de la Figure 1a correspond au complexe non-covalent des 4 sous-unités ensemble. Le
spectre est enregistré sur la Streptavidine en mode positif. On s’attend donc à observer des ions
multichargés du type [M+nH]n+.
Pour calculer, la masse moyenne du tétramère, on peut donc utiliser la méthode de la
distribution d’état de charge.

3/6
Cette méthode consiste à déterminer l’état de charge n de chaque pic à partir de la distribution puis
à recalculer MW à partir des différents signaux. L’état de charge d’un pic est déterminé à l’aide de
la formule :
I
Distribution d’états
M 2 1
n de charge
M1  M 2
n+1
n

m/z
où M1 et M2 sont 2 pics consécutifs de la distribution M2 M1
Après avoir attribué les états de charge, il est possible de recalculer MW pour chacun des pics.

Mw  n  M1  (n  M ( H ))

Calcul de n :
Ici par exemple, il est possible de définir
M1= 5309.199 et M2=4826.636 donc n=
𝑀2 − 1 4826.636 − 1
𝑛= = = 10
𝑀1 − 𝑀2 5309.199 − 4826.636
Donc M1 est un ion 10 fois chargé du type [M+10H]10+ et M2 11 fois chargés.
Calcul de M(moy)trétramère :
D‘où Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 5309.199 x 10 - (10 x 1.008)
Et Mw(moy)tétramère= 53081.91 Da

2. Expliquez à quoi correspondent les 2 distributions observées et comment ces distributions


peuvent servir à recalculer la masse d’un composé.
Les distributions observés présentent des pics équidistants séparés de m/z<1. Il s’agit donc des
distributions isotopiques (ou massifs isotopiques) des monomères de Streptavidine.
On sait que les pics du massif isotopique sont espacés de 1/n. Donc il est possible de à partie des
m/z des pics de la distribution de recalculer n puis Mw(Moy) en utilisant :
Mw(moy)=m/z(pic le plus intense) x n - (n x M(H))

3. A l’aide des données de la Figure 1b, vous recalculerez le poids moléculaire moyen du
monomère après avoir attribué l’état de charge. Vous utiliserez le signal à m/z 4424.833
comme référence pour ce calcul. Vérifier que ce calcul est en bon accord avec la masse
calculée pour le tétramère.
Calcul de 1/n :
On peut prendre, par exemple, les deux premiers pics de la distribution i.e.
1/n= 4423.501 - 4423.168= 0.333= 3
Donc le signal observé pour le monomère dans la figure 1b est un ion trois fois chargé [M+3H]3+
Calcul M(moy) monomère :
Il est indiqué de prendre pour référence le pic à m/z 4424.833 pour le calcul, ce qui correspond
au barycentre de la distribution.
Mw(moy)=m/z(pic le plus intense) x n - (n x M(H)) = 4424.833 x 3 - (3 x 1.008)
4/6
Mw(moy)monomère=13271.475 Da

4. Recalculez la masse du dimère après avoir attribué les états de charge et vérifié que ce
résultat est cohérent avec les calculs précédents.
Sur la Figure 1c on arrive à observer les ions du dimère.
Calcul de n :
En utilisant la distribution d’états de charge pour le dimère et en prenant M1=5309.246 et
M2=4424.500, on obtient :
𝑀2 − 1 4424.5 − 1
𝑛= = =5
𝑀1 − 𝑀2 5309.246 − 4424.500
M1=5309.246 est donc l’ion [M+5H]5+ et M2=4424.500 l’ion [M+6H]6+

Calcul de M(moy)dimère :
D‘où Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 5309.246 x 5 - (5 x 1.008)
Et Mw(moy)tétramère= 26541.19 Da

La Figure 1d présente un agrandissement du spectre de la Figure 1c autour du signal à m/z 4424.500.


En agrandissant, il est possible d’observer plusieurs autres signaux attribuables au dimère et qui
forment 2 distributions. Les signaux à m/z 4428.164 et 4450.004 sont couramment observés sur les
spectres ESI. Les m/z 4446.340 et 4468.180 sont moins habituels et attribuables à la production non
parfaitement contrôlée de la Streptavidine recombinante.

5. Attribuez en vous aidant des données de l’annexe 1 le signal observé à m/z 4428.164.
L’ion m/z 4424.400 est un ion 6 fois chargé de type [M+6H]6+. Il est donc raisonnable de pense
que l’ion à m/z 4428.164 est également 6 fois chargé.
Si on recalcule Mw(moy) pour l’ion à m/z 4428.164 on obtient :
Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 4428.164 x 6 - (6 x 1.008)
Mw(moy)=26562.936 Da
Pour l’ion à m/z 4424.500, on obtient
Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 4424.500 x 6 - (6 x 1.008)
Mw(moy)=26540.952 Da
L’écart entre les 2 ions donne M = 26562.936-26540.952=22.011 Da.
Il s’agit donc du remplacement d’un H+ par 1 Na+.
Donc l’ion à m/z 4428.164 est l’ion cationisé au sodium [M+5H+Na]6+

6. Attribuez en vous aidant de l’annexe 2, les signaux observés à m/z 4446.340 et 4468.180.
Vous justifierez vos résultats par le calcul.
Pour les 2 autres signaux on procède de façon similaire. Là encore compte-tenu du faible écart de
M/z avec les autres signaux, il faut partir de l’hypothèse que les ions sont 6 fois chargés.
Calcul du Mw pour m/z=4446.340 :
Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 4446.340 x 6 - (6 x 1.008)
Mw(moy)=26671.992 Da
L’écart avec le Mw associé au pic à 4424.500 donne
5/6
M= 26671.992-26540.952=131.04 Da
En se référant aux données de l’annexe 1, on se rend compte qu’il s’agit d’une méthionine.
Donc la production mal contrôlée ne supprime par la méthionine du codon d’initiation et la
séquence de la Streptavidine comporte donc une méthionine supplémentaire.

Calcul du Mw pour m/z=4468.180 :


Mw(moy)= M1 x n - (n x M(H)) = 4468.180 x 6 - (6 x 1.008)
Mw(moy)=26803.032 Da
L’écart avec le Mw associé au pic à 4424.500 donne
M= 26803.032-26540.952=262.08 Da
Il s’agit donc dans ce cas de 2 méthionines qui sont en plus sur la séquence.
Finalement on pourrait également vérifier que l’ion à m/z 4450.004 correspond à la forme de la
Streptavidine avec une méthionine supplémentaire et cartionié au sodium i.e. [M+Met+5H+Na]6+.

----------------FinCORRIGE ----------------

6/6

Vous aimerez peut-être aussi