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LA TRANSMISSION DES LANGUES ET CULTURES À MAYOTTE.

ENJEUX
IDENTITAIRES POUR LA FAMILLE ET L’ÉCOLE

Foued Laroussi

L'Harmattan | « La revue internationale de l'éducation familiale »

2015/2 n° 38 | pages 27 à 48
ISSN 1279-7766
ISBN 9782343091907
DOI 10.3917/rief.038.0027
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-revue-internationale-de-l-education-
familiale-2015-2-page-27.htm
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La transmission des langues et cultures à Mayotte
Enjeux identitaires pour la famille et l’école

Foued Laroussi1

_________________________________________________________
Une natalité en pleine croissance, une immigration massive en
provenance des îles voisines et un rattachement définitif à la France ont
radicalement modifié le paysage culturel et linguistique de l’île de
Mayotte, petite île de l’océan Indien. Ces facteurs ont eu un impact direct
sur la transmission des langues qui s’explique a priori moins par une
logique intergénérationnelle que par des critères socioéconomiques. Se
fondant sur les résultats d’enquêtes quantitatives et qualitatives
(interviews de parents d’élèves mahorais), le texte montre que la
transmission des langues au sein de la famille et leur enseignement à
l’école n’obéissent pas à la même logique et ne sont pas sous-tendus par
les mêmes raisons. Les résultats soulignent la complexité de la situation
linguistique de Mayotte où les discours intergénérationnels relatifs à la
transmission des langues premières (shimaore et kibushi) sont
constamment influencés par des représentations sociales dominantes qui,
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en tant que reflets de normes et de valeurs sociales, sont en construction
permanente.

Mots-clés : plurilinguisme, Mayotte, éducation, transmission des langues,


discours identitaire.

Transmission of language and culture in Mayotte: issues of identity


for families and schools

A growing birth rate, massive immigration from neighbouring islands and


the fact that in 2011 Mayotte voted to become a French overseas
department have all contributed to radically modifying the cultural and

1
Directeur du Laboratoire DYSOLA « Dynamiques sociales et langagières » EA
4701, Université de Rouen, France.
Contact : Foued.laroussi@univ-rouen.fr

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linguistic landscape of Mayotte (Mahoré), a small island in the Indian
Ocean. These factors have had a direct impact on language transmission.
This is not as much related to a generation gap as to socioeconomic
factors such as the level of schooling and social and professional status of
parents. This paper, based on the results of quantitative and qualitative
studies (interviews with parents of Mahorais school children), shows how
language transmission in the home and language teaching in schools do
not follow the same logic and are not underpinned by the same reasoning.
The results show that the linguistic situation in Mayotte is complex, given
that the intergenerational conversation on the transmission of first
languages (Shimaore and Kibushi) is constantly affected by dominant
social representations which are themselves constantly being redrawn, in
a context of changing social values.

Key-words : multilingualism, Mayotte, education, transmission of


language, identity discourse.

__________________________________________________________

Introduction

Les travaux consacrés à l’étude des langues, répertoires verbaux et


représentations sociales à Mayotte, ont montré une hétérogénéité des
pratiques face au français et aux langues premières (Laroussi, 2009a-b,
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Laroussi et Liénard, 2011, 2013). L’objectif de ce texte est de montrer que
la transmission des langues au sein de la famille et leur enseignement à
l’école n’obéissent pas à la même logique et ne sont pas sous-tendus par
les mêmes raisons. Le français, autrefois exclu de la sphère familiale,
commence à y être présent, et est fortement revendiqué par les jeunes ;
pour la génération des plus de quarante ans, le shimaore et le kibushi
restent les principales langues transmises au sein de la famille mahoraise.
Comment les Mahorais évaluent-ils cette situation ? Pourquoi la demande
de reconnaissance et de prise en compte des langues premières à l’école
s’accompagne-t-elle d’une forte revendication du français à l’école ? Si
l’on peut parler, à ce sujet, de pragmatisme chez les Mahorais, celui-ci n’a
pas contribué pour autant à assouplir la politique éducative officielle vis-à-
vis de l’enseignement des langues premières à l’école, laquelle reste fidèle
aux vieux principes jacobins. Comment expliquer que le 101e département
français conserve encore une situation officielle différente de la plupart
des autres DOM au niveau de la reconnaissance des langues premières des
citoyens français ? C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter des

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éléments de réponse. Après une brève présentation de la situation
sociolinguistique de Mayotte, le texte abordera la question des pratiques
langagières et du choix des familles en matière de transmission des
langues en s’appuyant sur une série de recherches de terrain de nature
quantitative et qualitative menées de 2006 à 2010. Seront abordés ensuite
les discours identitaires des Mahorais, en tenant compte de critères, liés
entre autres à l’image et à la place du français au sein du paysage
sociolinguistique de l’île.

La situation sociolinguistique de Mayotte

Mayotte est une petite île située à l’entrée Nord du canal de


Mozambique, à environ 440 km des côtes de l’Afrique de l’Est, à 200 km
d’Anjouan et à 300 km de la côte Ouest de Madagascar.
Géographiquement, elle fait partie de l’archipel des Comores, composé de
quatre petites îles : Grande Comore, Anjouan, Mayotte et Mohéli.

Une situation sociolinguistique complexe

La situation sociolinguistique de l’île est à l’image de son histoire et


de sa population. Elle est le résultat d’un peuplement multiple et varié
(Allibert, 1984 ; Blanchy-Daurel, 1990 ; Fontaine, 1995). Dans cet espace
insulaire restreint, sont parlées deux principales langues locales – l’une
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bantoue, le shimaore, l’autre malgache, le kibushi –, une langue
indoeuropéenne, le français, langue officielle de l’administration et de
l’école, une langue sémitique, l’arabe, enseignée à l’école coranique et
dans les madrasas1 et trois variétés de langues comoriennes : le shindzuani
(parlé à Anjouan), le shingazidja (parlé en Grande Comore) et le shimwali
(parlé à Mohéli). À ces langues, s’ajoutent deux autres, même si elles sont,
quantitativement, moins représentées, le hindi et le créole réunionnais
(Laroussi, 2009a ; Laroussi et Liénard, 2011).
Le shimaore fait partie de la famille des langues bantoues de
l’archipel des Comores appartenant au groupe de la Côte Nord-Est de
l’Afrique. Il est proche du swahili et, comme lui, est caractérisé par un
système de classes nominales à préfixes singuliers et pluriels et par une
construction verbale agglutinante avec suffixes dérivationnels. Par

1
Emprunté à l’arabe, le terme désigne une école, qu'elle soit laïque ou religieuse,
quelle que soit la confession. À Mayotte, cette école enseigne aux élèves le Coran
et la langue arabe.

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l’intermédiaire du swahili, le shimaore a emprunté à l’arabe (environ 30%
de son lexique) sans que cela ne modifie sa structure linguistique, les mots
ayant été bien assimilés.
Mayotte compte aussi une seconde langue principale, le kibushi,
l’unique variété malgache parlée hors de Madagascar, car au cours du
XVIe siècle, un grand nombre de Malgaches sakalava s’établirent dans le
sud de Mayotte (Jaquin, 2009 ; Chanfi, 2009). Le kibushi est parlé dans
une dizaine de villages (surtout au sud et sur la côte ouest de Mayotte :
Acoua, Chiconi, Chirongui, Hamjago, Mbouini, Mronabeja, Mtsangamoji,
Paroani, Paskeli, etc.) même si sa zone d’extension reste limitée car, au
contact des shimaorophones, les kibushiphones ont recours au shimaore
comme langue véhiculaire. Sur le plan strictement linguistique, le kibushi
est différent de son ancêtre malgache en raison de la quantité de mots qu’il
a empruntée au swahili, des mots arabes qu’il a intégrés et de la
conservation de mots archaïques, lesquels ne sont plus en usage à
Madagascar. Nombre de mots sont empruntés au shimaore et
réciproquement.

La place de la langue française à Mayotte

Lorsque l’administration coloniale s’est installée à Mayotte en 1841


(Allibert, 1984 ; Ahamadi, 1999), suite au traité de cession de Mayotte à la
France, elle a adopté le français comme langue officielle. Pour la majorité
des Mahorais, hormis pour les métropolitains installés à Mayotte, le
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français n’est pas une langue native mais s’est développée avec la
scolarisation. Plus que dans les autres territoires ultramarins français
(Nocus, Guimard et Florin, 2009, pour la Guyane, Fillol et Vernaudon,
2004, pour la Nouvelle Calédonie, pour ne citer que ces travaux), la
maîtrise de la langue française à Mayotte est la condition sine quoi none
de la réussite scolaire. L’école se doit de relever ce défi, puisque l’échec
scolaire est entre autres imputé à cette insuffisance du niveau de maîtrise
du français (Laroussi et Liénard, 2011).
Nous reviendrons ultérieurement sur cette question pour tenter
d’apporter des éléments de réponse au déficit de l’apprentissage du
français, et ce après un siècle et demi de présence française, un quart de
siècle d’enseignement obligatoire et un engagement politique massif de la
part de la population mahoraise pour le rattachement de Mayotte à la
France.

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Encadré : quelques éléments d’histoire

L’histoire de Mayotte française a commencé en 1841, avec le Sultan


Andriantsouli, un roi sakalava qui, chassé de son royaume, en juillet 1832,
s’est réfugié auprès du sultan de Mayotte, Boina Combo. Mais très vite, il l’a
éliminé et s’est emparé de l’île dont il s’est proclamé souverain. Lassé des
querelles avec les sultans des Comores, Andriantsouli cherchait l’appui
d’une puissance étrangère ; c’est la France qui était pressentie. Dans l’Océan
Indien, la France ne pouvait s’appuyer que sur l’île Bourbon ; en 1839, le
Gouverneur de Bourbon, le contre-amiral Louis de Hell, envoie le capitaine
d’infanterie de Marine Pierre Passot à Nossi-Bé, que la reine Tsioumeko a
cédé à la France, en 1840 qui l’a annexé un an plus tard. Encouragé par le
gouverneur de Bourbon, le Commandant Pierre Passot a procédé à l’achat de
Mayotte, le 25 avril 1841 contre une rente annuelle et viagère de mille
piastres versée au sultan Andriantsouli. Aussi deux de ses fils pourront être
envoyés à Bourbon pour y être élevés aux frais du Gouvernement français.

Le recueil des données

Notre expérience du terrain mahorais au cours de la période 2006-


2010 nous a permis de recueillir des données de type quantitatif et
qualitatif sur la situation sociale et linguistique de l’île.

Une enquête quantitative par questionnaire

Le questionnaire de recherche a été conçu en tenant compte de certains


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pré requis : 1) être approprié à la situation sociale et linguistique de
Mayotte, 2) inclure non seulement des questions classiques sur les
pratiques langagières mais aussi des questions portant sur les activités
littéraciées des enquêtés et 3) être aussi court que possible afin de
permettre aux enquêtés (des élèves) de répondre rapidement à toutes les
questions. Néanmoins, nous n’avons pas réussi à concevoir l’outil de
recueil des données aussi court que nous le souhaitions puisque l’étude a
été réalisée sur la base d’un questionnaire à choix multiples composé de
57 questions dans sa version finale. Il comprend sept parties distinctes :
• les questions 1 à 13 sont destinées à recueillir des données de base sur
les personnes interrogées (date et lieu de naissance, études
poursuivies, lieu d’habitation),
• les questions 14 à 33 traitent des langues, des attitudes et
représentations des Mahorais sur celles-ci,
• les questions 34 à 36 interrogent les pratiques langagières en famille et
avec les proches (à la maison, dans la rue, dans le quartier),

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• les questions 37 à 46 portent sur l’usage des langues à l’école (en
classe, à la récréation, à l’école coranique) et/ou au travail,
• les questions 47 à 52 s’intéressent aux activités littéraciées des
enquêtés (lecture et écriture en dehors des devoirs de l’école), les
usages des langues dans les médias et les nouvelles technologies,
• les questions 53 à 57 portent sur les loisirs et les pratiques
extrascolaires des enquêtés, de manière générale.
L’enquête a été réalisée au lycée Younoussa Bamana (Mamoudzou),
le plus grand de l’île lors de deux séjours à Mayotte (2008 et 2009). Lors
du premier séjour, une étude pilote a été menée, dans le but de vérifier la
compréhension des questions et la durée nécessaire à la passation. À la
suite de cette phase, quelques questions ont été reformulées alors que
d’autres, considérées comme inutiles, ont été supprimées suivant les
commentaires et suggestions des enquêtés. Lors de la seconde étape
(2009), en accord avec le vice-rectorat de Mayotte, le questionnaire a été
distribué dans tous les lycées de l’île, soit 14 lycées (7 lycées
d’enseignement général et technologique et 7 lycées d’enseignement
professionnel). Cette tâche a été confiée au CEFSM (Centre des Études et
Formations Supérieures de Mayotte)1. Un mini guide de passation du
questionnaire a été rédigé à destination des enseignants chargés de le faire
remplir par les élèves de leurs classes. Mais l’enquête n’a eu lieu que dans
trois autres lycées : Sada, Chirongui et Dembeni dont tous les résultats ne
sont pas encore exploités.
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Cet article portera donc sur 644 questionnaires dont les données ont
été traitées par l’intermédiaire du logiciel SPSS. Sur l’ensemble de
l’échantillon, 394 répondantes (60,4%) sont des femmes et 250 (38,3%)
sont des hommes.

Des enquêtes qualitatives

Entre 2006 et 2010, nous avons réalisé dans le cadre des travaux du
GRPM2 (Groupe de Recherche sur le Plurilinguisme à Mayotte) une série

1
Le CEFSM, qui était notre partenaire institutionnel, dépendait à l’époque des
recherches présentées ici du Conseil Général de Mayotte. Aujourd’hui cet
organisme n’existe plus ; certaines formations qu’il assurait ont été reprises par le
CUFR (Centre Universitaire de Formation et de Recherche) de Mayotte, créé le
12 octobre 2011.
2
Le GRPM a été créé par Foued Laroussi, ce groupe de recherche dont les
membres font partie du Laboratoire Dysola de Rouen, sont pour la plupart
installés à Mayotte.

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d’enquêtes qualitatives par entretiens semi-directifs auprès de locuteurs
résidant dans les villes suivantes. Celles-ci ont été choisies en fonction de
la langue dominante1 qui y est parlée et de leur situation géographique.
• Sada et Handrema : dominante linguistique shimaore
• Mronabeja et Mstangamouji : dominante linguistique kibushi
• Bambo-Ouest : dominantes linguistiques shimaore et kibushi
• Combani : dominantes linguistiques shimaore et shingazidja
• Pamandzi et Labattoir : dominante linguistique shindzuani
• Mamoudzou : ville plurilingue, toutes les variétés y sont parlées
Les enquêtes portaient sur les pratiques langagières des Mahorais
dans des situations différentes (scolaires et extrascolaires). Les entretiens
ont été réalisés par des chercheurs du GRPM et s’intéressaient notamment
aux mutations des situations plurilingues de l’île de Mayotte (Laroussi,
2009a). Nous proposons ici une analyse secondaire des données
collectées.

Pratiques langagières et choix des familles

Les données quantitatives des tableaux 1 et 2 sont issues de notre


enquête quantitative présentée supra. Dans les tableaux suivants, il s’agit
de données collectées lors des entretiens semi-directifs réalisés avec des
parents.
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Abstraction faite du français, les résultats montrent que le shimaore
et le kibushi sont les deux principales langues locales parlées dans l’île.
Mais ces résultats sont à prendre avec précaution dans la mesure où les
écarts pourraient s’expliquer par le fait que, d’une part, la collecte des
données a été effectuée entre autres villes à Mamoudzou (chef-lieu de l’île
qui est une ville linguistiquement hétérogène) et, d’autre part, auprès de
lycéens, chez qui incontestablement le français est devenu la langue de
communication avec les parents, les frères et sœurs et l’entourage. Sans
doute est-ce la raison pour laquelle le français, en tant que langue parlée à
Mayotte, arrive en deuxième position là où on aurait attendu le
kibushi, la seconde langue de l’île. Les trois langues comoriennes arrivent
juste après le kibushi : le shindzuani, le shingazidja et le shimwali. Ces
résultats corroborent les données relatives aux lieux de naissance des
parents, selon lesquelles 30% viennent de ces trois îles (Anjouan, Grande
Comore et Mohéli). Pour ce qui est de l’arabe, 27,5% des enquêtés

1
Par rapport aux données linguistiques de l’INSEE Mayotte.

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témoignent que cette langue est parlée à Mayotte. Bien que l’arabe ne soit
pas véritablement enseigné, il bénéficie d’attitudes très favorables, et son
usage est valorisant. La langue arabe est bien intégrée dans la culture
locale, si l’on en juge par les nombreux mots que le shimaore lui a
empruntés.

Tableau 1. Les langues parlées à Mayotte

Les langues parlées à Mayotte Effectif Pourcentage


le shimaore 642 98,5
le français 595 91
le kibushi 559 85,5
le shindzuani 414 63,5
le shingazidja 405 62
le shimwuali 270 41,5
l’arabe 180 27,5

Ces différentes langues que ces lycéens déclarent parler montrent le


caractère indéniablement plurilingue de Mayotte. Mais qu’en est-il
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réellement des pratiques langagières au sein des familles ?
Si l’on tient compte des origines diverses des Mahorais (nombreux
sont originaires des Comores ou de Madagascar), des contacts avec les
Métropolitains et surtout des mariages mixtes, il est très difficile de dire
qu’au sein de la famille mahoraise, on parle une langue précise, même si
nous supposons que ce sont le shimaore et kibushi qui sont les plus
fréquemment utilisées, comme on le voit dans les résultats exposés dans le
tableau 2. Cependant, ce qui est certain, c’est qu’on y constate l’usage de
plusieurs langues, de variétés de langues ou de variétés intermédiaires
telles que le code-switching shimaore/français ou kibushi/français, par
exemple.

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Tableau 2. Les langues parlées à la maison avec les proches (quelle(s) langue(s)
parles-tu avec ton père, avec ta mère et avec tes frères et sœurs ?)

Mère Père Frères et sœurs


N % N % N %
Le shimaore 489 75 413 63 438 67
Le français 307 47 307 47 523 80
Le kibushi 97 15 72 11 73 11
Le shindzuani 53 8 38 6 28 4
Le shingazidja 40 6 18 3 17 3
Le shimwali 10 2 9 1 9 1
L’arabe 12 2 9 1 4 1

L’usage des langues en famille s’explique par de nombreux facteurs


situationnels, conversationnels, sociolinguistiques, etc. (Labov, 1976 ;
Gumperz, 1982, 1989). Les pratiques langagières au sein de la famille
mahoraise dépendent donc de plusieurs facteurs tels que l’origine des
parents, la langue première, le milieu social, la maîtrise du français ou
non, etc. Par exemple, les parents de la génération des plus de 40 ans sont
souvent réfractaires à l’usage du code-switching, c’est-à-dire le fait de
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passer d’une langue à une autre dans le même discours ou énoncé
(Gumperz, 1989 ; Scotton, Carol et Ury, 1977 ; Poplack, 1980 ; Laroussi,
1991). Les lycéens s’expriment alors avec leurs parents en shimaore ou en
kibushi.
Pour Abdou (homme, 55 ans), « la seule chose à laquelle, il est
attaché », c’est de ne pas parler une autre langue que le shimaore en
famille : « Je fais un effort c’est la seule chose euh à laquelle chui
vraiment attaché c’est quand je parle shimaore, je préfère ne parler que
shimaore ce qui n’est pas le cas euh de la génération actuelle hein… non
je mélange pas ».
L’entrée du français dans les échanges au sein de la famille est une
pratique tout à fait récente à Mayotte. C’est seulement depuis une
génération que cette langue a pénétré l’espace familial. Sans doute cela
est-il devenu possible grâce à une scolarisation plus importante des parents
et à une meilleure maîtrise du français. Cela n’est pas sans lien avec le
processus irréversible de la marche de Mayotte vers la

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départementalisation, processus qui s’est concrétisé le 31 mars 20111 et
qui s’est accompagné d’une vraie volonté d’appropriation de la langue
nationale.
Quand l’un des parents n’est pas d’origine mahoraise, les enfants lui
adressent la parole dans une autre langue : Mohamed (homme, 52 ans)
déclare parler shinzuani avec son père et shimaore avec sa mère :
« oh euh quand je parle avec mon père c’est anjouanais quand je parlais
avec ma mère c’est shimaore ».
En ce qui concerne la génération des parents de moins de 40 ans,
l’usage du français avec leurs enfants est presque systématique. Aux
questions « quelle langue parlez-vous avec vos enfants et pourquoi ? »,
Saindou (homme, 35 ans) répond comme suit : « Les deux, le shimaore et
le français mais beaucoup plus le français que le shimaore (…) pour leur
faire apprendre à bien parler français (…) Euh pasque y a deux raisons
déjà dans le souci de les aider à mieux maîtriser cette langue qui est
indispensable pour leurs études, mais aussi euh pasque euh ils ont vécu en
métropole donc ils se sont familiarisés avec cette langue et moi j’en ai
profité pour euh ».

Culture mahoraise vs culture métropolitaine

Pour la plupart des parents d’élèves Mahorais, l’instruction scolaire


laïque est perçue d’une façon ambiguë et l’enfant est pris dans une relation
ambivalente quant à ses représentations des cultures mahoraise et
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métropolitaine. Il y a des risques, pour l’enfant, de dissociation et de
séparation des normes culturelles traditionnelles dus à l’acquisition d’un
savoir non partagé, d’un mode de pensée et d’un modèle inconnu et, par
conséquent, non maîtrisé par la famille.
L’enfant, au travers de la double culture, est investi d’une double
mission, en ce sens qu’il pérennise les valeurs sociales et morales
traditionnelles tout en majorant sa chance de réussite scolaire, signe de
promotion sociale et d’épanouissement intellectuel. En cas d’échec, la
décompensation du jeune est plus grande et peut aller jusqu’à la
démobilisation intellectuelle et à une inhibition du désir propre en termes
de projet et de réussite. L’échec signe une disqualification du jeune qui ne
peut répondre ni à l’attente ni à l’investissement de la famille.
Selon Ibrahim Soihabadine (1999, p. 14), l’enfant est « un bâton de
vieillesse » pour sa famille et « reste avant tout un don de Dieu, un

1
Le 31 mars 2011, Mayotte accède au statut de département d’Outre-mer et
devient ainsi le 101e département français.

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auxiliaire pour les tâches familiales et un bâton de vieillesse pour les
parents. Quel que soit le sexe, il se situe au bas de la hiérarchie familiale ».
Aussi déclare-t-il que la famille mahoraise « privilégie les rapports
verticaux : tout manquement au respect de l’autorité parentale est souvent
sanctionné par des bastonnades » (o.c.).
Comme le signalent Daoud et Grellier (2002, p. 5), les difficultés
qu’éprouvent les jeunes face à l’apprentissage du français « sont le résultat
de multiples réalités de la société mahoraise et cristallisent en quelque
sorte la nature des relations entre communautés locale et métropolitaine ».
Il existe un conflit latent entre la culture locale et la culture
métropolitaine ; entre langues locales et langue française. Il en découle
que des « stratégies souterraines et sans doute inconscientes de
préservation identitaire se sont [seraient] mises en place parallèlement à
une adhésion non moins réelle à l’ouverture culturelle et sociale offerte
par le rattachement à la France. » (o. c.).
C’est ce que semble dire Bounou (femme, 47 ans) insistant sur le fait
que la politique éducative officielle est faite pour valoriser le français au
détriment des langues locales : « Vous voyez on risque de dans un certain
temps de perdre hein / cette culture / cette valeur de la langue mahoraise
(…) pasque y a une influence y a l’école y a les média y a tout ce qui est
fait pour euh faire le français comme la langue euh : bon / la plus
importante par rapport aux autres donc que ça aussi / au détriment de la
langue mahoraise ».
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Lien entre la culture, la religion et la langue

Pour beaucoup de Mahorais, il existe un lien entre la culture, la


religion et la langue. Être mahorais, pour Bounou, par exemple, c’est « se
sentir lui-même, chez lui » et il exprime qu’il « doit défendre / une culture
et sa langue aussi / euh avant qu’il embrasse d’autres (…) qui viennent de
l’extérieur (…) il faut qu’il sente qu’il a sa culture sa religion aussi. ». On
voit comment le lien entre langue, culture et religion est fort à ses yeux.
Son discours semble insister sur la nécessité de défendre, préserver et
transmettre cette culture surtout lorsqu’elle se trouve en coexistence avec
la culture française qu’elle est pourtant la première à admirer. Cependant,
elle ne s’inscrit pas dans une logique d’enfermement ou de repli
identitaire, logique qu’elle dénonce d’ailleurs à plusieurs reprises lors de
l’entretien : « Pasque tu ne peux pas spécifier que je suis / mahorais que je
suis français / que je suis anglais non / toujours toujours il y a cette ce
mélange surtout dans le monde où nous vivons aujourd’hui / on parle de
mondialisation. » Elle souhaite pouvoir assumer ses origines, conserver sa

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37
mémoire et perpétuer la culture mahoraise. Pour elle, le
« développement » du français doit aller de pair avec une reconnaissance
des langues mahoraises : « Il faut que ce français-là se développe en
tenant compte / de justement de la langue mahoraise / il faut pas que euh
se développe // et puis aussi que la langue mahoraise ait sa place au
niveau de de l’école / il faut y tenir compte de cette langue-là ». Elle
exprime ici un sentiment largement partagé à Mayotte selon lequel langues
et cultures ne doivent pas s’opposer mais s’enrichir mutuellement. La
volonté d’aller vers les autres cultures ne s’arrête pas à l’aspect matériel ;
on a même l’impression qu’elle regrette de n’avoir pas assez de moyens
pour appréhender réellement la culture française dans toutes ses
dimensions. Elle présente la culture française comme une « culture très
riche », mais dont malheureusement les Mahorais n’en retiennent que les
aspects « négatifs ». Elle plaide pour plus de moyens pouvant faciliter
davantage l’accès des Mahorais à la culture française : salles de théâtre, de
cinéma, de concerts…

La transmission des langues à Mayotte située au-delà de la question


strictement générationnelle

La situation linguistique de Mayotte est en évolution permanente : la


natalité en pleine croissance, l’immigration massive en provenance des
îles voisines, le rattachement définitif à la France et la généralisation de
l’enseignement du français à l’école ont radicalement modifié le paysage
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culturel et linguistique de l’île. Tous ces facteurs ont un impact direct sur
la transmission des langues à Mayotte, transmission qui s’explique a
priori moins par une logique intergénérationnelle que par des critères
socioéconomiques tels que le niveau de scolarisation (ou d’éducation) des
parents ou leur catégorie socioprofessionnelle.
La transmission des langues peut être conçue comme le processus
qui vise à conserver dans le temps l’expérience et les connaissances des
générations précédentes et qui peut englober à la fois le souhait de
transmettre l’héritage culturel (passé) des générations ainées aux
générations suivantes et les exigences de changement qu’impose un
contexte nouveau, tourné davantage vers l’avenir. Si la transmission
s’avère avant tout une nécessité pour préserver les liens familiaux (la
famille est entendue ici au sens large), elle constitue en même temps une
opportunité pour les jeunes d’être mieux insérés dans ce contexte nouveau
et différent de celui des ainés. Ce dernier est, à Mayotte, dominé par
l’hégémonie de plus en plus grandissante du français, langue de l’insertion
professionnelle et de la promotion sociale.

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38
Les rapports entre les générations sont ainsi influencés par les
représentations sociales dominantes, lesquelles, en tant que reflets de
normes et de valeurs sociales, sont en construction permanente.
On est parfois tenté d’expliquer la transmission des langues locales à
Mayotte en termes de différences intergénérationnelles, en ce sens que la
génération de plus de 40 ans, moins scolarisée, voire non scolarisée, se
montre sensible au maintien des liens familiaux et des traditions
ancestrales véhiculées majoritairement par le shimaore et le kibushi. Le
discours de cette génération, qui souvent n’a connu que l’école coranique,
met en garde contre le danger de l’assimilation et de la perte des langues et
cultures mahoraises. Son discours contraste avec celui des jeunes
générations qui pensent que le français est la langue d’avenir et partant,
valorisent sa transmission aux enfants. Nos enquêtes quantitatives
confirment les discours des jeunes : en effet, 91% des enquêtés déclarent
le transmettre à leurs enfants. Mais la situation s’avère plus complexe pour
la génération de plus de 40 ans. Celle-ci semble partagée entre
pragmatisme (le français à Mayotte est une réalité incontournable et un
processus irréversible) et nostalgie du passé traduisant un sentiment de
perte d’identité.
Ces deux tendances sont observées au sein du même groupe de la
génération âgée de plus de 40 ans.
À la question « le français est-il une langue de Mayotte ? », les
personnes enquêtées répondent de façon très nuancée. Tout en insistant sur
l’effort déployé par les Mahorais, pour rester au sein de la République
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française et obtenir le statut de département pour leur île, elles se montrent
sceptiques et répondent de deux façons différentes. Une réponse
strictement institutionnelle, idiomatique, est souvent avancée : « puisque
Mayotte est française, le français est une langue de Mayotte ».
Madi (homme, 45 ans) représente ce discours : les Mahorais « ont
toujours milité majoritairement pour une départementalisation (…) c’est-
à-dire une intégration plus forte dans la France », le français « est une
langue de Mayotte ».
Cela n’est pas le cas pour Anouar (homme, 62 ans), un paysan qui
n’a pas été scolarisé, et se montre sceptique, voire opposé au français ; il
évoque la peur de perdre son identité mahoraise, voire musulmane. Pour
lui, le français est glottophage, en ce sens que la présence de la langue
française entraîne une perte des langues locales, lesquelles sont plus
« proches de la langue de la religion musulmane ». Il compare la
scolarisation des enfants mahorais en français à un « exil » : « tu vois /
nous sommes des musulmans / nos enfants à deux ans ils partent dans la
langue française (…) les enfants ne sauront pas les langues locales alors

La revue internationale de l’éducation familiale, n°38


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que les langues locales attirent / c’est plus proche de la langue de la
religion musulmane /donc aujourd’hui/ on a supprimé les langues locales
car même nous les parents on ne sait pas le danger qui nous attend mais
on est content que notre fils nous emmène du / mabawa1 ». Mais comme il
ne s’agit pas d’un exil, au sens spatial du terme – les enfants ne partent
nulle part – mais d’un exil culturel, linguistique et psychologique, Anouar
ne fait que mettre en mots un sentiment d’acculturation, vécu par les
parents mahorais non sans souffrance. Pour la proximité du shimaore avec
l’arabe, sans doute Anouar fait-il ici allusion à l’emprunt massif que le
shimaore a fait à l’arabe par l’intermédiaire du swahili.
Pour Sidi, un instituteur (54 ans), le français n’est pas une langue de
Mayotte mais « vient d’ailleurs » : « non / le français n’est pas une langue
de Mayotte (…) c’est une langue qui vient d’ailleurs et qui nous est
imposée ». À la question « pour toi c’est quoi être français », il
répond « c’est avoir un papier français ». Une telle affirmation – que l’on
retrouve d’ailleurs dans la bouche des jeunes issus de l’immigration
maghrébine dans l’agglomération rouennaise (Melliani et Laroussi, 1998 ;
Melliani, 1999) – met à nu le dilemme du processus identitaire à Mayotte.
Les Mahorais qui assimilent l’identité française à un simple papier
d’identité – passeport ou carte d’identité – ne se reconnaissent pas dans le
modèle qu’on leur propose, sans doute parce que ce dernier ne les
reconnaît pas en tant que tels, voire ne reconnait pas en eux la part
hétérogène, et, de plus, ne leur offre rien en contrepartie. Cette distance vis
à vis de l’efficacité du modèle d’intégration à la française, est mentionné
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par différents travaux (Schnapper, 1991 ; Chignier-Riboulon, 1999 ;
Laroussi, 2000) qui en pointent les limites.

Le français, une langue de Mayotte ?

Si les discours des personnes âgées de plus de 40 sur le français ne


semblent pas unanimes, ceux des jeunes, en revanche, convergent vers la
valorisation de cette langue. Sur une population enquêtée de 636
personnes, dont l’âge moyen est de 18 ans, les jeunes déclarent très
majoritairement souhaiter transmettre le français à leurs enfants, mais
aussi d’autres langues, comme le montre le tableau ci-dessous :

1
Ailes de poulet, alimentation de base à Mayotte

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Tableau 3. Quelle(s) langue(s) souhaiteriez-vous transmettre à vos enfants ?

Langue Effectif Pourcentage


Le français 596 91
Le shimaore 302 46
L’arabe 129 20
Le kibushi 103 16
Le shinzuani 37 6
Le shingazidja 30 5
Le shimwali 17 3

Les réponses obtenues ici confirment nos enquêtes qualitatives


relatives aux discours des jeunes sur l’usage du français au sein de la
famille, puisque 91% des enquêtés déclarent souhaiter le transmettre à
leurs enfants contre 46% pour le shimaore. On le sait, la transmission
d’une langue détermine son avenir, son maintien ou son attrition.
Ces jeunes revendiquent le français comme langue de Mayotte, il est
donc logique de vouloir transmettre la langue de Mayotte. Quand on leur
pose la question : « le français est-il une langue de Mayotte ? », ils
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répondent « oui » à 57,7% comme le montre le tableau 4 :

Tableau 4. Le français est-il une langue de Mayotte ?

Effectif Pourcentage
Oui 376 57,7
Non 219 33,6
Pas de réponse 57 8,7
Total 652 100,0

Ce pourcentage contraste avec les 91% des mêmes jeunes qui


déclarent souhaiter transmettre le français à leurs enfants. Ce décalage
peut s’expliquer par la mauvaise compréhension de la question par les
lycéens, dont certains ont compris vraisemblablement « langue de

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Mayotte » dans le sens de « langue autochtone » de Mayotte au même titre
que le shimaore ou le kibushi. Cette explication peut être corroborée par
les réponses relatives au français « langue d’avenir », comme le montre le
tableau 5 où 89% des enquêtés pensent que le français est une langue
d’avenir.

Tableau 5. Quelle est la langue (ou quelles sont les langues) d’avenir à
Mayotte ?

Langue Fréquence Pourcentage


Français 589 89
Shimaore 184 28
Arabe 91 14
Kibushi 71 11
Shinzuani 15 2,3
Shingazidja 11 1,7
Shimwali 10 1,5

Notons que, pour ce qui est de la langue d’avenir, l’arabe, qui n’est
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qu’une langue liturgique et majoritairement non parlée par les Mahorais,
arrive en 3ème position, avant le kibushi. Grandguillaume (2006) plaide
pour un enseignement laïc de l’arabe et évoque deux raisons : « la
première est que cette mesure représenterait une reconnaissance pratique
et symbolique de la culture » (o. c.) symbolisée par la langue arabe. Cela
montrerait que l’école de la République française « n’est pas construite sur
une dichotomie opposant monde occidental » au monde arabo-musulman-
mahorais. La seconde raison est que « la mise en valeur d’une écriture »
(id.), que l’enfant a du mal à maîtriser, pourrait contribuer à son
épanouissement et lui montrer que cette langue, qu’il apprend pour lire le
Coran, « est aussi une langue de culture susceptible de l’ouvrir au monde
moderne » (ibid.). Par ailleurs, lorsque nous interrogeons les jeunes sur les
langues susceptibles de mieux assurer la promotion sociale, ils confirment
leur choix du français, puisque leurs réponses sont sans équivoque : 86%
optent pour le français (tableau 6).

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Tableau 6. Quelles sont les langues qui assurent la promotion sociale à
Mayotte ?

Fréquence Pourcentage
Français 559 86
Shimaore 156 24
Kibushi 45 7
Arabe 34 5
Shingazidja 10 2
Shimwali 5 1
Shinzuani 3 0,5

Pour les jeunes, le souhait de transmettre le français à leurs enfants


s’appuie sur des représentations positives du français, « langue de
l’avenir », « langue de la promotion sociale », « langue de la réussite
professionnelle », etc.

Les enjeux identitaires pour la famille et l’école

Face au pragmatisme des Mahorais qui tout en plébiscitant le


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français langue d’avenir à Mayotte, souhaitent ne pas voir leurs langues
locales disparaître – ce qui semble tout à fait légitime – l’institution
scolaire répond par un silence assourdissant.
En effet, la politique éducative de la France, largement inspirée
d’une vision unificatrice de la nation, entretient délibérément un non-dit
selon lequel le développement cognitif de l’enfant se ferait
« normalement » dans un contexte monolingue (Launey, 2010 ; Soihili,
2010). Cette idéologie linguistique érige la norme monolingue en idéal et
persiste à regarder les bilingues avec un certain soupçon, tout en
entretenant de façon délibérée l’idée d’une bilingualité soustractive. On
pense que l’introduction de la langue première de l’élève à l’école peut
freiner l’acquisition de la langue de scolarisation. Cette position s’appuie
sur certains travaux (Ronjat, 1913 ; Leopold, 1949 ; MacNamara, 1966)
prétendant que l’interférence de la langue première peut freiner le
développement cognitif de l’enfant, voire lui causer un retard par rapport à
celui de l’enfant monolingue. Sans insister sur les détails, deux idées sont
souvent avancées, une surcharge cognitive (l’enfant bilingue doit

La revue internationale de l’éducation familiale, n°38


43
mémoriser deux fois plus de formes) et une confusion des langues (ce
dernier confond les deux langues en sa possession et est amené à les
mélanger). C’est en partie pour cette raison que le code-switching, une des
stratégies de communication du bilingue, a longtemps été considéré
comme une forme verbale déviante et marginale (Laroussi, 1991). De
plus, l’idée, selon laquelle la langue de la famille – quand elle n’est pas
celle de l’école – peut entraver le bon apprentissage de la langue de
scolarisation, est encore véhiculée par des parents d’élèves, voire par
certains acteurs du système éducatif.
Mais c’est surtout sur le plan politique que le blocage semble être le
plus prégnant. Plus qu’en métropole, à Mayotte la politique linguistique
préconisée par l’État français met en place un enseignement traditionnel
fondé sur une représentation uniformisatrice de la langue. Dès lors et
compte-tenu de la spécificité culturelle et linguistique de Mayotte,
introduire les langues premières au sein de l’école publique peut être perçu
par les représentants d’une idéologie jacobine comme un frein à
l’intégration des élèves mahorais – élèves qui sont paradoxalement
français – dans une nation française linguistiquement homogène.
En 2010, lors de la table ronde organisée dans le cadre du colloque
international Plurilinguisme, politique linguistique et éducation. Quels
éclairages pour Mayotte ? le représentant de l’éducation nationale, vice-
recteur de Mayotte, chargé d’appliquer la politique éducative officielle, a
déclaré au journal Mayotte Hebdo :
« Il ne faut pas tout demander à l'école. L'école doit apporter ce dont
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j'ai déjà parlé, elle n'est pas faite pour faire du bilinguisme, alors restons
dans les programmes nationaux. Il y a un espace pour les langues locales
en dehors des heures de cours, qui peut être décidé par les collectivités
locales. Le Président de la République a stipulé dans le Pacte pour le
département que les Mahorais doivent maitriser le français, donc tous les
efforts de l'école sont sur le français1 ».
Nous l’avons signalé précédemment, les Mahorais ne rejettent pas le
français. Comme Bounou (femme, 52 ans), ils déplorent que le système
scolaire mahorais soit calqué sur celui de la métropole sans adaptation ni
prise en compte des réalités locales.

1
Articles publiés par Mayotte Hebdo à l'occasion d'un colloque intitulé
"Plurilinguisme, politique linguistique et éducation, quels éclairages pour
Mayotte ?" en mai 2010. Consulté le 5/12/2015 sur
http://www.migrantsoutremer.org/IMG/pdf/presse_mayotte-
hebdo_plurilinguisme_2010-05.pdf.

La revue internationale de l’éducation familiale, n°38


44
Pour elle, les manuels scolaires et les outils didactiques restent trop
imprégnés de la culture métropolitaine : « Je te donne un exemple par
rapport aux manuels scolaires ma génération lorsque tu lis le Mamadou et
Binetta ou lorsqu’on te présente l’histoire du petit poucet ou (…) le père
Noël tu vois tu t’identifies pas // par contre les manuels qui viennent de
l’Afrique on les accaparait et même ceux euh qui sont aujourd’hui / ils te
diront mieux vaut qu’on ait le Mamadou et Binetta (rire) tu vois. »
Sur ce point, on constate avec le nouveau manuel scolaire
J’apprends à lire avec Azad et Laura1, que des progrès ont été accomplis
quant à l’intégration de la culture de l’élève mahorais. Ses concepteurs
précisent l’avoir conçu « pour les enfants de la France ultra-marine » du
cycle 2 (CP), tel que mentionné dans la préface de l’ouvrage de 2007 :
« Au-delà des objectifs généraux, cet ouvrage se place dans le contexte
plus spécifique de Mayotte. À travers des situations de la vie courante –
des premiers jours d’école en passant par la découverte du lagon –
l’apprenti-lecteur fera l’acquisition des mécanismes de la lecture tout en
apprenant à verbaliser les éléments de son quotidien ».
Cela est vrai pour les informations relatives à l’espace, les
événements se déroulant à Mayotte, l’évocation de la faune et la flore ou
l’indication des lieux publics (mairie de Mamoudzou, village de Chiconi,
maternité de M’Tsapéré, etc.), mais est-ce vraiment cela l’adaptation des
programmes scolaires au contexte socioculturel de l’élève mahorais ?
De l’avis de nombreux Marohais, comme on le repère dans nos
études et comme le dit Bounou ici, l’école coranique véhicule la culture
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mahoraise, une culture banto-arabo-musulmane, et sa mise à l’écart
renforce les difficultés d’apprentissage du français. « C’est comme l’école
coranique et l’école officielle on fait tout on investit tout dans
l’école républicaine et l’école coranique est restée à l’écart alors et
pourtant c’est l’école la première où le mahorais est arrivé à s’identifier
avant qu’il vienne à l’école officielle. » Selon elle, les Mahorais
« attachent plus d’importance à l’école coranique » qu’à l’école
républicaine ; elle parle même « d’identification » à l’école coranique. De
l’avis de la plupart des spécialistes (Launey, 2010 ; Grandguillaume,
2009), c’est une erreur d’ignorer complètement l’apport de cette école à
l’élève mahorais. Indépendamment de la forme des enseignements, qui
sont fondés sur la récitation par cœur, elle peut, au moins sur ce point,
développer chez l’élève cette capacité de mémorisation sur laquelle
pourrait s’appuyer l’école publique. Lorsque Bounou affirme que la mise à

1
Villerot, J. (2007) (éd.). J’apprends à lire avec Azad et Laura, Mamoudzou :
Centre de documentation pédagogique de Mayotte, 2 tomes

La revue internationale de l’éducation familiale, n°38


45
l’écart de l’école coranique renforce les difficultés d’apprentissage du
français par l’élève mahorais, elle fait allusion précisément à ces aspects-
là.

Conclusion

La transmission des langues et cultures à Mayotte semble résulter


d’un conflit sociolinguistique latent. Si, les jeunes déclarent très
majoritairement vouloir transmettre le français à leurs enfants, leurs
parents ou grands-parents sont, eux, ambivalents sur cette question. Les
uns réclament l’usage du français au sein de la famille et de l’école et
insistent sur le statut de cette langue et sur son rôle pour assurer la
promotion sociale et la réussite professionnelle, les autres revendiquent le
français tout en reprochant à l’école républicaine de ne pas tenir compte de
la réalité locale de Mayotte et de ne pas laisser une place, ne serait-ce que
symbolique, aux langues locales. Ceux-ci imputent les difficultés
d’apprentissage du français en partie à une rupture entre la culture scolaire
et la culture locale, éloignée de celle véhiculée par les programmes
scolaires officiels.
La transmission des langues à Mayotte semble donc obéir à deux
logiques contradictoires, au moins en apparence : d’une part, les mahorais
aimeraient perpétuer les traditions ancestrales en préservant les langues
premières et en mettant en garde contre le danger de leur éradication, et
d’autre part, ils souhaiteraient que l’élève mahorais maîtrise mieux le
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français. C’est la raison pour laquelle certains parents déclarent le parler
en famille ou vouloir le transmettre à leurs enfants.

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