Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Revues générales
L’
hypertriglycéridémie (HTG) est où ils seront également hydrolysés.
une anomalie métabolique dont Deux grands mécanismes vont donc
la prévalence est difficile à esti- être responsables d’une HTG : une sur-
mer chez l’enfant et l’adolescent. Une production de triglycérides par le foie ou
étude américaine récente a estimé que un défaut de leur catabolisme (lipolyse
10,7 % des adolescents nord-américains intravasculaire, épuration hépatique).
présentaient une HTG [1]. Sa définition
varie selon l’âge : le diagnostic est évoqué
devant des taux de triglycérides après Conduite à tenir
12 h de jeûne supérieurs à 1 g/L chez l’en-
fant de moins de 10 ans, et supérieurs à Devant la découverte d’une HTG chez
1,3 g/L après cet âge. l’enfant, il faut avant tout s’assurer que
J. LEMALE le prélèvement a bien été fait à jeun.
Service de Nutrition et Gastroentérologie Idéalement, 12 h de jeûne sont néces-
pédiatriques, Hôpital Trousseau, PARIS.
Physiopathologie saires. Chez le nourrisson, notamment
en cas d’allaitement maternel, ce critère
On distingue 2 types de lipoprotéines est difficile à respecter. Un jeûne le plus
riches en triglycérides. Les chylomi- long possible sera souhaitable, l’aspect
crons, synthétisés dans l’entérocyte du sérum et le taux de triglycérides per-
après un repas et composés de triglycé- mettront d’évaluer l’HTG. En cas d’élé-
rides d’origine alimentaire, sont exportés vation confirmée des triglycérides, il faut
dans la lymphe puis dans la circulation contrôler le dosage sur un deuxième prélè-
sanguine où ils sont hydrolysés, au vement après 12 h de jeûne, un mois plus
niveau de l’endothélium vasculaire, par tard. Des fausses hypertriglycéridémies
la lipoprotéine lipase (LPL) en acide gras par hyperglycérolémie doivent être élimi-
et glycérol. nées avec les biochimistes en cas de doute.
Les autres lipoprotéines riches en trigly- Une fois le diagnostic posé, il est néces-
cérides sont les VLDL, qui transportent saire de définir le degré (tableau I) et le
les lipides synthétisés par les hépa- type de dyslipidémie responsable de
tocytes vers les tissus périphériques l’hypertriglycéridémie (tableau II).
27
réalités Pédiatriques – n° 228_Février 2019
Revues générales
Âge (ans) Normale Borderline Haute Très haute Sévère L’hyperchylomicronémie est la cause
d’HTG à connaître en pédiatrie, car elle
0-9 < 0,75 > 0,75-0,99 > 1-4,99 > 5-9,99 > 10
est la seule à nécessiter une prise en charge
10-19 < 0,9 > 0,9-1,29 > 1,3-4,99 < 5-9,99 > 10 et un suivi régulier. Il s’agit d’une dysli-
Tableau I : Triglycéridémie : valeurs normales et pathologiques selon l’âge (g/L) [1].
pidémie autosomique récessive liée le
plus souvent à une mutation du gène de
la LPL. Son incidence est rare, évaluée
Phénotype Anomalies LP Bilan lipidique à 1/500 000 individus. La LPL et son co-
I Hyperchylomicronémie Chylomicrons TG > 99e P facteur l’apoprotéine CII (Apo CII) agissent
IIa hypercholestérolémie CT > 90e P, selon le type au niveau de l’endothélium des capillaires
LDL
familiale TG > 90e P pour libérer les acides gras des triglycé-
IIb Dyslipidémie combinée rides, des chylomicrons et des VLDL.
LDL et VLDL CT et TG > 90e P
familiale
VLDL remnants et Quand cette enzyme fonctionne mal, il
III Dysbêtalipoprotidémie CT et TG > 90e P
chylomicrons y a une accumulation massive de chylo-
TG > 90e P, cholestérol non microns dans le sang, donnant un aspect
IV HTG familiale VLDL lactescent du sérum. Ces lipoprotéines
HDL < 1,60 g/L
V HTG mixte Chylomicrons et VLDL TG > 99e P peuvent s’accumuler dans les organes
et notamment dans le pancréas, où les
Tableau II : Classification des dyslipidémies. P = percentiles. lésions inflammatoires aboutissent à
des pancréatites aiguës. Le diagnostic
Une HTG peut être primitive ou secon- L’interrogatoire doit également éliminer précoce est donc nécessaire pour éviter
daire. Un taux de triglycérides > 5 g/L la prise de médicaments favorisant une la survenue de ce type de complication.
évoque une HTG primitive par un HTG : une contraception à base d’œs- Le diagnostic est confirmé par l’analyse
défaut de synthèse ou du métabolisme trogène, des anti-psychotiques, des en biologie moléculaire du gène de la
des triglycérides. Ces causes sont rares. antidépresseurs, des corticoïdes, des LPL (> 100 mutations identifiées) et de
À l’inverse, les causes secondaires sont diurétiques thiazidiques et surtout la l’Apo CII principalement. D’autres muta-
de loin les plus fréquentes chez l’enfant prise d’un traitement par isotrétinoïne tions comme celles des gènes de l’Apo
et l’adolescent. Ainsi, dans une cohorte pour le traitement d’une acné. AV, l’Apo CIII, GPIHBP1, LMF1 peuvent
d’enfants âgés de 2 à 19 ans présentant aboutir au même tableau clinique [5, 6].
une hypertriglycéridémie, une cause
secondaire a été identifiée dans les trois Classification L’hypertriglycéridémie familiale (type IV
quarts des cas [2]. des dyslipidémies (tableau II) endogène) est très rare chez l’enfant, elle
ne s’exprime qu’après la puberté [7]. Elle
Parmi celles-ci, l’obésité est une cause Pour typer une HTG, un bilan lipidique est caractérisée par une augmentation de
fréquente de dyslipidémie, comme complet est nécessaire chez l’enfant la production des VLDL, une diminution
l’a montrée une étude portant sur ainsi que chez ses parents. La formule de des HDL avec des taux normaux d’Apo
384 enfants obèses où 8 % d’entre eux Friedewald pour calculer le LDL choles- B100. Cette dyslipidémie serait secon-
avaient une HTG, 9 % un LDL choles- térol ne peut être utilisée lorsque le taux daire à une anomalie de l’absorption des
térol élevé et 13 % un HDL cholestérol de TG est supérieur à 4 g/L. Chez l’enfant acides biliaires, par diminution de leur
abaissé [3]. D’autres causes endocri- et l’adolescent, 4 types de dyslipidémies transporteur iléal (SCL10A2).
niennes doivent être évoquées : un dia- peuvent être responsables d’une aug-
bète de type I ou II, un hypercorticisme, mentation des triglycérides [4]. L’hyperlipidémie combinée familiale
une hypothyroïdie ou encore une lipo- (type IIb) est relativement fréquente
dystrophie congénitale ou acquise. Des La classification de Fredrickson a été rem- puisqu’elle touche entre 1 et 2 % de la
causes rénales (syndrome néphrotique placée par une nouvelle classification qui population. Elle est due à une surproduc-
ou insuffisance rénale chronique), distingue l’hyperchylomicronémie, l’hy- tion de VLDL et d’Apo B100 par le foie
hépatiques (glycogénose de type I ou pertriglycéridémie familiale, entraînant et à une diminution de la récupération
III, hépatite aiguë), un lupus, un syn- une augmentation isolée des triglycérides, des acides gras par le tissu adipeux. Son
drome d’activation macrophagique et la dysbétalipoprotidémie et l’hyperlipi- phénotype est variable dans le temps. Son
ou encore la consommation d’alcool démie combinée familiale, qui sont des expression est rare chez l’enfant, souvent
(chez les adolescents) doivent être dyslipidémies mixtes conduisant égale- limitée à une hypercholestérolémie ou
recherchés. ment à une élévation du cholestérol. une hypertriglycéridémie isolée, le plus
28
réalités Pédiatriques – n° 228_Février 2019
29