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Le baril de poudre est en place, il ne reste plus qu’à allumer la mèche. Les membres du parti
Les Républicains (LR) se questionnent : le temps est-il venu d’embraser le Parlement en
tentant de renverser le gouvernement ? Près d’un an après la motion de censure qui manqua, à
neuf voix près, de faire tomber le gouvernement lors de l’examen de la réforme des retraites,
le 20 mars 2023, une large partie de la droite se dit prête à passer à l’acte. « On est très
remontés », assure le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau. Le sujet est assez
abouti pour avoir été évoqué lors de la réunion de groupe des députés du parti de droite, mardi
2 avril. « Préparez-vous ! », leur ont enjoint Eric Ciotti, président du mouvement, et Olivier
Marleix, le chef de file du groupe.
Une mise en garde formelle a été adressée, par un courrier signé d’Eric Ciotti au premier
ministre. « Nos marges de manœuvre collectives pour choisir librement notre destin seront
bientôt réduites à néant », écrit le député des Alpes-Maritimes dans la missive, datée du
29 mars. Le patron des Républicains, qui assurait en 2022 préférer Eric Zemmour à
Emmanuel Macron, parle de l’« irresponsabilité » et de l’« insincérité » du gouvernement.
« Vous aurez à en rendre compte devant la représentation nationale lors de la présentation
de la prochaine loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’Etat pour
2023 », prévient-il. La motion de censure pourrait être déposée à l’occasion d’un projet de loi
de finances rectificative (PLFR) censé combler, avant la pause estivale, le trou des finances
publiques, ou à l’automne, lors de l’examen du budget 2025. Faute de majorité, ces textes sont
voués à être adoptés par 49.3.
A la tête d’une majorité relative, Gabriel Attal se sait, depuis son arrivée à Matignon le
9 janvier, à la merci d’un tel accident. « Un jour, il y aura un moment de vérité. Mais si on
commence à compter les jours… », tempère l’entourage du premier ministre, qui assure ne
pas « occuper son espace mental » avec une menace omniprésente depuis juin 2022. Le chef
du gouvernement tâche de soigner ses relations avec les élus LR et rencontre de façon
régulière Eric Ciotti, prenant soin de ne jamais prononcer avec lui un mot plus haut que
l’autre. Des précautions oratoires malmenées par les invectives que s’échangent à distance le
ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et le chef des députés LR, Olivier Marleix. « Depuis
2022, les parlementaires vivent avec la menace d’une motion de censure [et d’une possible
dissolution]. C’est comme la foudre au ralenti », soupire Jean-Louis Bourlanges, député
(MoDem) des Hauts-de-Seine.
Espérant déminer le sujet, Gabriel Attal a promis, mardi, devant les députés de son camp, de
lever le voile sur les incertitudes financières en dessinant, d’ici à la semaine du 8 avril, « la
trajectoire qui nous permettra d’atteindre les 3 % [de déficit] en 2027 [en accord avec les
règles européennes] ». L’Elysée assure aussi qu’un PLFR n’est, à ce stade, pas prévu d’ici à
l’été, laissant penser que la situation financière serait sous contrôle. Pas de PLFR, pas de
motion de censure, C.Q.F.D. « Il ne faut pas donner cette opportunité politique à nos
oppositions pour nous mettre en difficulté », souligne la vice-présidente du groupe
Renaissance au Palais-Bourbon, Nadia Hai.
Une telle pirouette oublie l’article 49.2 de la Constitution, qui prévoit qu’une motion de
censure peut être déclenchée à tout moment. Le président (La France insoumise) de la
commission des finances à l’Assemblée, Eric Coquerel, a déjà indiqué, le 2 avril, que son
groupe censurerait le gouvernement s’il ne présentait pas de projet de loi de finances
rectificative d’ici à l’été. « Les chiffres actuels du déficit sont tellement différents de ce qui a
été annoncé qu’on ne peut pas attendre la fin de l’année pour avoir un débat avec un vote sur
la politique budgétaire », juge-t-il. Les autres partis de gauche et le groupe centriste LIOT
entonnent le même refrain.
Cette précipitation interroge chez Les Républicains. Une partie d’entre eux préférerait
patienter jusqu’à l’automne et la présentation du budget 2025 pour dégainer la motion de
censure. Même le très antimacroniste Olivier Marleix entretient le suspense. « On agit avec le
plus grand sens des responsabilités. Il y a des moments où il faut dire stop et d’autres où il
s’agit de ne pas aggraver la situation », affirme l’élu d’Eure-et-Loir. LR est devenu un
« canard sans tête », conclut le maire (LR) de Meaux, Jean-François Copé, qui plaide depuis
deux ans, en vain, pour que le parti de droite négocie un accord de gouvernement avec
Emmanuel Macron.