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T¹p chÝ Khoa häc ®hqghn, ngo¹i ng÷, T.

xxIII, Sè 1, 2007

EN LINGUISTIQUE:
CONTRIBUTION µ UN POINT DE VUE THÐORIQUE

Nguyen Ngoc Luu Ly(*)

1. Remarques gÐnÐrales (c’est-µ-dire d’un ÐnoncÐ) d’aprÌs lequel


S’il faut dire un mot sur la notion de la relation impliquÐe est soit ÐnoncÐe
modalitÐ aprÌs avoir lu quelques comme un fait, soit dÐclarÐe possible ou
centaines de pages des livres et des impossible, soit dÐclarÐe nÐcessaire ou
articles connus sur la modalitÐ, nous contingente. La logicologie adopte la
sommes prªte µ affirmer: «La modalitÐ modalitÐ objective comme objet. Les
est vraiment un domaine compliquÐ oï grands domaines de la modalitÐ objective
les linguistes n’en posuefdent pas le sont alors la capacitÐ (tÝnh kh¶ n¨ng), le
mªme point de vue». Nous nous rendons nÐcessaire (tÝnh tÊt yÕu) et la rÐalitÐ
compte profondÐment des difficultÐs que (tÝnh hiÖn thùc) du dictum. La modalitÐ
rencontre immanquablement µ l'Ðtude de objective de la logicologie exclut le r«le
la modalitÐ. du sujet parlant. On observe que, dans un
Alors, nous proposons d’accÐder µ des tel dispositif, les catÐgories dites subjectives
investigations de la modalitÐ µ partir de ces sont brouillÐes. Le traitement logiciste du
mªmes empªchements, en espÐrant pouvoir problÌme des modalitÐs est donc ici
contribuer µ l'Ðclaircissement de certains clairement aprioriste, formaliste jusqu’ µ la
problÌmes du terrain. boucle paradoxale, objectiviste et
1.1. La premiÌre difficultÐ est le artificialiste. Il est de ce fait
dangereusement rÐifiant.
relativisme des appareils conceptuels,
variables d’une thÐorie µ l’autre. La En linguistique, la modalitÐ s’avÌre
modalitÐ occupe une place centrale dans toujours compliquÐe. Chaque linguiste
de nombreuses disciplines mais ne reçoit en a sa propre notion.
de traitement unifiÐ ni en philosophie, ni
Selon Vinogradov (1977: 271-272), la
en logique, ni en linguistique…
modalitÐ est Ðtablie d’aprÌs le point de
En philosophie , la notion de la
vue du locuteur, et ce dernier est
modalitÐ est relative aux modes de la
substance. dÐterminÐ par sa position au moment de
Dans d’autres domaines, la modalitÐ l’ÐnoncÐ et par la situation.
s’accorde µ la condition et µ la particularitÐ D’aprÌs Lyons (1977:425), la
qui accompagne un fait ou un acte modalitÐest «the speaker’s opinion or
juridique ou didactique. (Nouveau Petit attitude towards the proposition that the
Larousse 1968: 661) sentence expresses or the situation that the
Dans la logique classique, la modalitÐ proposition describes», c’est-µ-dire l’opinion
signifie le caractÌre d’une proposition et l’attitude du locuteur µ l’Ðgard de la

(*)
, DÐpartement de Langue et de Civilisation françaises, ESLE - UNH.

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proposition que la phrase exprime ou la logicologie, qui «s’efforce de gommer toute


situation que la proposition dÐcrit. trace de l’existence d’un Ðnonciateur
Benveniste n’a pas donnÐ de individuel» (Kerbrat-Orrechioni 1980:
dÐfinition concrÌte de modalitÐ, mais les 71), l’ÐlÐment “ªtre humain” devient de
caractÐristiques essentielles de cette plus en plus indispensable dans la
catÐgorie sont traduites explicitement linguistique et dans le fonctionnement
par des remarques bien pertinentes µà de la langue, comme avait remarquÐ
travers ses oeuvres. Pour lui, la modalitÐ Palmer (1986:16): «Modality in language
est une grande catÐgorie, difficile µ à seems to be essentially subjective, this
gÐnÐraliser…, elle est liÐe aux attentes, has already been shown in the discussion
aux dÐsirs, aux apprÐciations, aux of speech acts, and in reference to the
attitudes du locuteur l’Ðgard du contenu speaker’s «opinion or attitude», (la
de l’ÐnoncÐ, de l’interlocuteur, des buts modalitÐ en linguistique semble ªtre
de l’ÐnoncÐ : interrogation, injonction, essentiellement subjective, elle est
assertion, etc. (Benveniste 1966: 258) presque toujours montrÐe dans la
Gak a sa propre dÐfinition. D'aprÌs lui, discussion de l’acte de parole et dans la
la catÐgorie de modalitÐ reflÌte la relation rÐfÐrence µ l’opinion ou µ l’attitude du
du locuteur avec le contenu de l’ÐnoncÐ et locuteur). Les problÌmes de modalitÐ
le contenu de l’ÐnoncÐ avec la rÐalitÐ. La intÐressent de plus en plus les linguistes.
modalitÐ exprime l’ÐlÐment subjectif de C’est une Ðvidence! Puisqu’aucun contenu
l’ÐnoncÐ; c’est la rÐfraction d’une partie de ÐpisthÐmique et communicatif ne peut ªtre
la rÐalitÐ par la connaissance du locuteur. isolÐ des ÐlÐments comme le but, le besoin,
(Gak 1986: 133)
l’attitude, l’apprÐciation… du locuteur µ
Palmer (1986:14) rassemble les l’Ðgard de la rÐalitÐ, de l’interlocuteur et
dÐfinitions donnÐes par les linguistes des autres ÐlÐments du contexte. Pourtant,
prÐcÐdents, mais lui-mªme, n’a pas la distinction objective/ subjective n’est pas
proposÐ d’autres dÐfinitions, ni mis en toujours simple.
valeur une certaine dÐfinition d’un
Prenons l’exemple:
linguiste citÐ.
(1) : Sa mÌre a dit qu’il Ðtait malade
Maingueneau, quant µ lui, propose qu’ µ
travers la modalisation, l’Ðnonciateur tout µ Nous pouvons y dÐduire deux
la fois marque une attitude µ l’Ðgard de ce interprÐtations:
qu’il dit et Ðtablit une certaine relation avec °PremiÌre interprÐtation: description
son interlocuteur (Maingueneau 1996: 45). du procÌs, objectivitÐ du locuteur.
Nous nous rendons compte que le DeuxiÌme interprÐtation: «sa mÌre a
plus grand point commun entre ces dit que» = «je n’en suis pas sÛr» = “peut-
conceptions est la valorisation du ªtre ”, subjectivitÐ du locuteur.
locuteur dans l’ÐnoncÐ. En effet, µ la Il existe dans le cas prÐsent une
diffÐrence de la modalitÐ objective de la ambiguïtÐ. Il faut se baser sur le

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contexte ou la situation de de ce chevauchement des notions de


communication pour pouvoir relever la subjectivitÐ et modalitÐ, concept lui-
vraie intention de communication du mªme aujourd'hui Ðlargi µ toute activitÐ
locuteur. En tant linguistes, il vaux mentale ou intellectuelle du locuteur
mieux que nous mettions l’accent sur les construisant son ÐnoncÐ. J-R. Lapaire et
problÌmes de modalitÐ subjective «dans
W. RotgÐ (1995 : 373) suggÌrent ainsi
lesquels l’Ðnonciateur s’avoue
que les dÐterminants - signes d'un
explicitement ("je trouve ça moche) ou se
«travail mental» de l'Ðnonciateur sur la
pose implicitement («c’est moche») comme
la source Ðvaluative de l’assertion» notion- pourraient/devraient eux aussi
(Kerbrat-Orrechioni 1980: 71), en vue de ªtre inclus dans la catÐgorie des
pouvoir travailler en dÐtail avec les modalitÐs. Et, effectivement, pourquoi
marques linguistiques et extra- pas?
linguistiques exprimant les valeurs Si la conception de la modalitÐ comme
modales. expression de la subjectivitÐ dans le langage
La notion de modalitÐ, une fois a ouvert la voie µ la rÐhabilitation du sujet
basculant dans le domaine de la parlant dans l'analyse linguistique, on peut
subjectivitÐ, va peu µ peu se trouver aujourd'hui s'interroger sur la pertinence du
gÐnÐralisÐe µ tous les cas oï se trouvent
maintien de cette catÐgorie. Nous prenons
exprimÐs une «attitude», un «jugement»
un simple exemple:
du locuteur. RelÌve de la modalitÐ,
(2) : Elle est grande
dÐclare C. Bally (1943:3), «toute forme
linguistique d'un jugement intellectuel, Nous voyons bien que cet ÐnoncÐ
affectif, ou d'une volontÐ qu'un sujet exprime la subjectivitÐ du sujet parlant
pensant Ðnonce µ propos d'une perception envers le procÌs car pour la mªme taille,
ou d'une reprÐsentation de son esprit». on peut juger «grand» ou «petit» selon
Dans la continuitÐ de la distinction l’intention du sujet parlant, selon la
Ðtablie par les grammairiens mÐdiÐvaux nationalitÐ ou selon la gÐnÐration…
entre le «dictum» et le «modus», qui Cependant, ce locuteur n’ajoute pas son
donne au concept de modalitÐ une assise Ðmotion. Il est difficile de conclure que le
linguistique, E. Benveniste la dÐfinit locuteur apprÐcie ou mÐjuge la taille de
comme «une assertion complÐmentaire la fille ou de la dame envisagÐe. Nous
portant sur l'ÐnoncÐ d'une relation" pouvons donc noter que la subjectivitÐ
(1974 : 187). La "vÐritable explosion de est Ðtroitement liÐ µ la modalitÐ mais ne
modalitÐs nouvelles» µ laquelle, comme coïncide pas totalement avec elle.
le souligne N. Le Querler (1996 : 41), on En vue de bien circonscrire notre
assiste depuis ces derniÌres dÐcennies, champ de recherche, nous proposons le
apparaît comme l'aboutissement logique tableau suivant:

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ModalitÐ
SubjectivitÐ subjective

ObjectivitÐ ModalitÐ
objective

Tableau 1: subjectivitÐ/objectivitÐ et modalitÐ


Le tableau ci-dessus prÐcise la place de dont M est la composante de modalitÐ, P
la modalitÐ subjective en linguistique: La est la composante de proposition. Selon
modalitÐ est dÐcrite en tout rectangulaire cet auteur, la composante «proposition»
vertical, la moitiÐ en dessus prÐsente la est comprise comme l’ensemble des
modalitÐ subjective et en dessous la relations non-temporelles, distinguÐe
modalitÐ objective. La subjectivitÐ occupe avec la composante de «modalitл,
tout l’espace en dessus de la frontiÌre et composÐe de valeurs qui concernent
l’objectivitÐ en dessous. La modalitÐ se toute la phrase, telles que la nÐgation,
prÐsente par la partie grisÐe. Nous pensons les temps, modes et aspects verbaux
que le fait de prendre la modalitÐ subjective (Fillmore, 1968, p.23). Alors que Culioli
faciliterait la recherche expÐrimentale des a proposÐ la paire de termes
moyens d’expression de modalitÐ dans les «modus/lexis», puis Charle Bally
langues vivantes. «modus/dictum», ou Hare "phrastic/
1.2. La deuxiÌme difficultÐ tient au tropic/ neustic" …
caractÌre conventionnel, en linguistique, Le choix de termes de Fillmore
de toute dÐfinition, qui ne saurait ªtre provoque certainement le souci aux
valide qu’en vertu de principes que les utilisateurs: dans quel sens
linguistes admettent ou non. Nous avons «Proposition» est-il compris ? sous
constatÐ que le mªme phÐnomÌne se l’angle de logicologie ? sous quel autre
dÐcrit par de termes diffÐrents et le angle?. «Mood» peut ªtre compris «Mode
mªme terme possÐde de diffÐrents du verbe» au sens strict du terme! Les
contenus. Les linguistes, en vue termes «lexis» et «dictum» corres-
d’insister sur tel ou tel angle, utilisent pondent aux termes «modus/dictum»,
de diffÐrents terme. mais «lexis» se montre insistÐ sur les
Par exemple, Fillmore a proposÐ la caractÌres de matiÌres premiÌres, de
formule: potentiel.
S = M + P (Sentence = Mood + Quant µ nous, nous proposons alors
Proposition) de redÐfinir la notion de la modalitÐ,

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souvent assimilÐe µ celle de subjectivitÐ, semble-t-il, µ cet Ðlargissement du


par rapport aux diffÐrentes signifiÐ. Toutefois, nous pensons qu'il est
configurations de la relation possible d'envisager la modalitÐ comme
interlocutive. Nous allons adopter, une catÐgorie unifiÐe en analysant les
comme ont proposÐ certains linguistes, phÐnomÌnes modaux selon les trois
les termes «dictum» et «modalitл et
niveaux interdÐpendants que constituent
suivre toujours la formule:
le morpho-syntaxique, le sÐmantique et
EnoncÐ = Dictum + ModalitÐ la pragmatique, car si un mot ou une
dont le «dictum» est le procÌs pur et simple expression a plusieurs sens en usage,
(syntaxe et lexique) considÐrÐ comme c’est la consÐquence non seulement de
dÐbarrassÐ de toute intervention du sujet l’organisation du systÌme lexical, mais
parlant, la modalitÐ Ðtant une sÐrie
aussi d’un principe pragmatique
d'ÐlÐments linguistiques et
appliquÐ µà l’ÐnoncÐ. La diffÐrence
extralinguistiques qui participent µà
entre la syntaxe et la sÐmantique d’une
actualiser l'ÐnoncÐ, en exprimant l'attitude,
l'opinion ou le jugement de l'Ðnonciateur µ part, et la pragmatique d’autre part est
l'Ðgard de ce qu’il dit, et Ðtablir une certaine donc une opposition entre systÌme de la
relation avec son interlocuteur et la langue et usage de ce systÌme.
situation de communication. Moeschler (1994:26) a schÐmatisÐ ces
La difficultÐ de donner une dÐfinition ÐlÐments et leurs relations dans le
prÐcise de la modalitÐ doit beaucoup, tableau suivant:

langue

système usage du système

syntaxe sémantique pragmatique

règles de règles de lois de


bonne
composition discours
formation

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La syntaxe a pour objet les relations Ayant abandonnÐ l’idÐe que la


ou modes de combinaisons entre unitÐs syntaxe peut rÐsoudre exhautivement
de la langue. Elle a pour fonction la les problÌmes de la modalitÐ, nous
production de rÌgles de bonne formation venons µ l’approche sÐmantique, qui
syntaxique. L’approche morpho- essaie d’envisager les opÐrateurs
syntaxique fait d’abord usage de la notion modaux dans tout un ÐnoncÐ. La
d’opérateur, et intÌgre la modalitÐ au sÐmantique a pour objet la relation entre
langage formel de la syntaxe sous la mot, syntagme ou phrase et les le monde
forme de l’ÐlÐment linguistique modal qu'il reprÐsentent. On peut distinguer
«M» opÐrant sur une prÐdication «Px» (cf. Lyons 1977 et 1980) trois types
avec, par dÐfaut, une valeur assertive. d’entitÐs sÐmantiques en fonction de
Une telle approche est indispensable leurs propriÐtÐs rÐfÐrentielles: les entitÐs
pour pouvoir reconnaître «M» dans la de premier ordre (termes), qui dÐsigne
phrase et le juger. Pourtant, le problÌme des objets du monde; les entitÐs du
posÐ par une rÐalisation de «M + Px» deuxiÌme ordre (prÐdicats), qui rÐfÌrent
comme «Il est possible que + Px» est que µ des Ðtats, ÐvÐnements, actions vÐrifiÐs
l’opÐrateur modal «Il est possible que» est par telle ou telle entitÐ du premier ordre;
lui-mªme assimilable µ une prÐdication les entitÐs du troisiÌme ordre
si l’on en juge par sa variabilitÐ en temps (propositions), dont le domaine est
ou ses possibilitÐs de segmentation et de l’ensemble des valeurs de vÐritÐ
commutation. (vrai/faux). Il convient de citer ici la
Devant les difficultÐs de l’approche formule cÐlÌbre de Wittgenstein: «Ne
en terme d’opÐrateur, il reste la solution cherchez pas le sens d’un mot, regardez
de considÐrer la modalitÐ comme un plut«t l’emploi qu’on en fait». Le terme
«emploi" n’est au fond pas plus clair que
prÐdicat du second ordre, c'est-µ-dire «un
celui de «sens», mais cette substitution
prÐdicat qui a pour argument une
dÐtourne le sÐmanticien de sa
proposition». Si l’on admet une dÐfinition prÐoccupation traditionnelle qui est de
large de cette notion, tous les adverbes dÐfinir le sens en termes de signification.
revªtent de fait un caractÌre modal au Le fait de mettre l’ÐlÐment modal dans
titre qu’ils sont "des prÐdicats sur des un ÐnoncÐ complet facilite beaucoup la
prÐdicats"; de mªme, certains ÐlÐments comprÐhension et amÐliore la situation.
de la prÐdication elle-mªme peuvent DiffÐrents sens apparaissent.
s’avÐrer porteurs d’indications modales: Cependant, les prÐsupposÐs, les sous-
entendus ou encore les idÐes implicites
C'est un siÌge pliable est paraphrasable
passent toujours sous silence.
par «il est possible de le plier». Cette
La seule perspective qui est peut-ªtre
conception syntaxique, oï la modalitÐ
en mesure de traiter ces problÌmes
devient exubÐrante, ne saurait ªtre
entravÐs est celle de la pragmatique
retenue, limitÐe.

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 21

car la pragmatique s’occupe des relations ÐnoncÐs qui prÐcÌdent et succÌdent


entre les signes et leurs utilisateurs. l’opÐrateur examinÐ et le clarifient.
C’est un domaine large qui dÐborde la Nous entendons par «contexte» un
linguistique mais qui a des certain nombre d’informations
rÐpercussions importantes en «prÐalables» non inscrites dans l’ÐnoncÐ,
linguistique. Dans le cadre de notre qui concernent les acteurs de
prÐsente Ðtude, nous n’allons envisager l’Ðnonciation, tels que des savoirs du
que les repÐrages Ðnonciatifs (Culioli: locuteur, ses caractÐristiques
1999:130), tels que: les indices psychologiques gÐnÐrales, ses
paratextuels, cotextuels et contextuels: motivations particuliÌres au moment de
Bien peu des choses sont assurÐes l’acte de parole, ses capacitÐs
s’agissant des indices paratextuels, c’est- intellectuelles ; les informations
µ -dire prosodiques et mimo-gestuels. concernant l’univers rÐfÐrentiel gÐnÐral
Searle a ainsi affirmÐ qu’en anglais, il y ou particulier, la situation
a en fait certaines inflexions d’intonation communicative et ces «circonstances»
caractÐristiques qui accompagnent les dont Du Marsais nous dit qu’elles nous
Ðnonciations «ironiques» (1982:162). font Ðventuellement connaître «que le
Pour Grice, il se montre sur ce point sens littÐral n’est pas celui qu’on a eu
beaucoup plus sceptique (1978:124). Il dessein d’exciter dans notre esprit», en
est donc pour le moment impossible de nous dÐvoilant «le sens figurÐ qu’on a
mesurer l’exacte importance de ce type voulu nous faire entendre».
d’indices, qui ne fonctionnent en tout Il est donc indispensable d’avoir
Ðtat de cause qu’à l’oral, car certains accÌs aux donnÐes contextuelles pour
faits sont de nature
pouvoir dÐcrire adÐquatement ce qui se
typographique (soulignement, point
passe dans la communication, tout en
d’exclamation, points de suspension,etc.
sachant que la situation idÐale n’est
jouant occasionnellement, µ l’Ðcrit, un
r«le similaire). Nous devons aussi nous Ðvidemment jamais rÐalisÐe ; il est
intÐresser au repÌre-origine qui concerne difficile, voire impossible, de reconstituer
le cadre spatio-temporel du moment de le contexte total, mais seulement le
l’Ðnonciation. contexte pertinent.
Le cotexte, qui est inscrit dans En bref, ces dÐfinitions ont donnÐ
l’environnement verbal de la sÐquence une place et un ordre de traitement à
problÐmatique peut ªtre d’une nature et ces approches: le traitement syntaxique
d’une dimension trÌs variables; plus ou prÐcÌde le traitement sÐmantique, qui
moins Ðtroit ou large, explicite ou prÐcÌde le traitement pragmatique. En
discret, il prend selon les cas la forme d’autres termes, la sortie de la syntaxe
d’un commentaire, de cestaines mesures constitue l’entrÐe de la sÐmantique, et la
rhÐtoriques… (Kerbrat-Orecchioni 1986: sortie de la sÐmantique constitue l’entrÐe
139). Le cotexte compte alors des de la pragmatique. Et tout cela aide

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activement µ l’Ðtude exhaustive de dÐsormais indispensable de bien


modalitÐ. distinguer la modalitÐ, comme catÐgorie
1.3. La troisiÌme difficultÐ rÐside Ðnonciative, du mode, ce dernier
dans l’instabilitÐ de l’objet mªme des renvoyant pour le moment µ un certain
sciences du langage, les langues nombre de classes de formes dans une
naturelles, dont la plasticitÐ offerte aux tradition grammairienne dont
besoins expressifs ne peut qu’avoir des l'inadÐquation descriptive se fait de plus
rÐpercussions sur le mÐtalangage. en plus sentir (Meunier 1981). Pour sa
part, la prise en compte de la mÐdiation
D’aprÌs l’apport benvenistien (1965:
se fait encore attendre chez les
187-188), la catÐgorie linguistique de la
prÐcurseurs de la linguistique
modalitÐ comprend d’abord les deux verbes
Ðnonciative.
«pouvoir» et «devoir». En outre, la langue a
Ðtendu la fonction modalisante d'autres D’autres auteurs sont arrivÐs µ à
verbes, dans une partie de leurs emplois et traiter les problÌmes de modalitÐ au
par la mªme structure d'auxiliation; sens beaucoup plus large que des formes
principalement: «aller», «vouloir», «falloir», verbales, tels que Lyons (1977),
«désirer», «espérer». Vinogradov (1977), Kerbrat-Orrechioni
(1980), Culioli (1983-1984). Cependant,
Herman Parret (1980: 113) a
ces auteurs traitant les problÐmatiques
considÐrÐ les modalitÐs dans un sens
de la modalitÐ ont proposÐ de multiples
restreint: «Je ne parlerai que des
diffÐrences dans le domaine de la
modalitÐs qui, marquent toute proposition :
modalitÐ, domaine qui n’est pas encore
le nÐcessaire, le possible, l’impossible et le
clairement circonscrit. Ces obstacles
contingent. Une bonne part de la logique
rÐclament une rigueur d’autant plus
contemporaine se demande ainsi comment
grande dans l’effort dÐfinitoire; les
interprÐter, sur l’axe nÐcessitЖpossibilitÐ,
produits d’une telle activitÐ doivent
les propositions dÐpendant d’un verbe
Ðviter la circularitÐ, l’ambiguïtÐ, et il
exprimant une «attitude», comme les
faut en outre qu’ils soient pertinents. À
verbes «croire», «vouloir», «dÐsirer»,
cela s’ajoute une double exigence
«espÐrer», «savoir» et pourquoi pas,
d’universalitÐ des dÐfinitions
simplement «dire» («affirmer» la vÐritл) .
mÐtalinguistiques, celle de leur objet et
Ces auteurs ont considÐrÐ la modalitÐ celle de leur formulation, qui encourage
comme synonyme de "mode" qui est une nous-mªme µ dÐcouvrir quels sont les
catÐgorie grammaticale associÐe au moyens exprimant la modalitÐ.
verbe et traduisant l'attitude du sujet
parlant µ l'Ðgard de ses propres ÐnoncÐs. 2. Moyens d’expression de la modalitÐ
Pourtant, le verbe demeure insuffisant
La modalitÐ reflÌte la relation
pour exprimer µ lui seul les mille
multilatÐrale entre le locuteur, le
nuances modales dont l’Ðnonciateur a
contenu propositionnel, l’interlocuteur et
besoin. ConsÐquemment, il est
la rÐalitÐ. Comme nous en avons dit en

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 23

haut, un ÐnoncÐ est toujours une (12b): Le professeur arrive. (en


addition d’un dictum et d’une modalitÐ, français)
quelle que soit la langue. Ainsi, la (12c): The teacher is coming. (en
modalitÐ est un phÐnomÌne universel, anglais)
commun µ toutes les langues du monde,
(12d): O professor esta chegando. (en
c’est-µ-dire qu’il existe toujours de
portugais)
moyens exprimant la modalitÐ en toutes
les langues. (12e): Sensei ga kuru yo. (en
japonais)
Prenons des exemples de diffÐrentes
langues: Nous constatons que tous ces ÐnoncÐs
sont Ðtroitement liÐs µ l’intention de
(11a): T«i muốn đi chơi. (en
communication du locuteur. Selon lui,
vietnamien)
cette simple phrase assertive devient un
(11b): Je veux sortir. (en français) avertissement, un ordre de silence, une
(11c): I want to go out. (en anglais) menace de punissement aux Ðtudiants
(11d): Eu quero sair. (en portugais) bruyants. En vue d’exprimer l’intention
du locuteur: avertir µ toute la classe
(11e): Watashi wa dekake tai. (en
l’arrivÐe du professeur et lui ordonner
japonais)
implicitement de se taire, le chef se
(11f): Wo xiang zou le. (en chinois) montre ferme µ l’Ðgard de ses camarades
Nous avons constatÐ que, dans mais inquiet du fait ÐnoncÐ.
chaque ÐnoncÐ ci-dessus, il y a toujours
En vietnamien, le systÌme des mots
deux composantes distinctives: le dictum
grammaticaux modaux sont abondants.
qui dÐcrit le contenu propositionel "t«i-đi
Ils servent activement µ traduire
ch¬i" en vietnamien, «je-sortir» en
français, «I-go out» en anglais, «eu- l’attitude et l’intention du locuteur.
sair» en portugais, «watashi-dekakeru» Thầy đến ®Êy!
en japonais ou «wo-zou» en chinois, et la Ici, la particule modale «®Êy» dans
modalitÐ qui traduit le souhait ou le cet exemple remplit au contenu «le
dÐsir du locuteur de rÐaliser le dictum professeur-arriver» l’intention
«muèn», «vouloir», «to want to», d’avertissement du chef de classe aux
«quero», «-tai-» ou «xiang» autres Ðtudiants. DÌs avant, nous
respectivement dans ces langues. pouvons Ðgalement clapper de la langue;
Nous avons Ðgalement remarquÐ que ce signe marque un mÐcontentement et
aussi un appel d’attention au procÌs. Si
chaque langue a des moyens
nous disions: «ThÇy ®Õn», la nuance de
reprÐsentatifs et variÐs pour vÐhiculer la
l’avertissement paraîtrait moins ferme.
modalitÐ. Prenons l'exemple d'une classe
En cette occurrence, les Français
en dÐsordre. Le chef de classe dira: peuvent utiliser le mode indicatif, le
(12a): ThÇy ®Õn ®Êy! (en vietnamien) temps du prÐsent, en faisant quelques

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mimiques comme le bras tendu, la main Sensei ga kuru yo.


µ l’Ðquerre et l’intonation montante: La particule modale «yo» traduit ici
Le professeur arrive. une certitude, une insistance. Prenons
L’ordre implicite de silence devient d’autres exemples de «yo»:
clair avec la modalitÐ exprimÐe µ travers (13): Ashita no gogo denwa suru yo.
les indices d'ordres prosodiques ou Demain/de/aprÌs
mimo-gestuels. misi/tÐlÐphone/faire/part
Tandis qu’en anglais ou en portugais, (Je te tÐlÐphonerai demain aprÌs-midi.)
autres langues flexibles, on utilisent
Quand il utilise «yo», le locuteur se
spontanÐment le temps du prÐsent
dÐclare ou insiste sur le contenu de
progressif pour expliquer le mªme procÌs :
l’ÐnoncÐ µ son interlocuteur. Le locuteur
The teacher is coming. dÐtermine bien son interlocuteur avec
O professor esta chegando. «yo». Alors, l’ÐnoncÐ «sensei ga kuru yo»
Le verbe auxiliaire forme avec le se montre bien efficace, par rapport µà
participe prÐsent du verbe principal une la situation.
unitÐ de sens nommÐ locution verbale. Quant aux ÐnoncÐs «Sensei ga kuru»
Pour rÐveiller les gens de la classe, le et «Sensei ga kuru yo», les natifs
japonais acceptent les deux, comme en
chef a pris la locution «is coming» ou
vietnamien. La traduction littÐrale de
«esta chegando» pour indiquer le
«Le professeur arrive!» est «Sensei ga
moment de l’action.
kuru!». On pourrait dire d’abord «Sensei
Si l’on adoptait le temps du prÐsent ga kuru!» pour calmer la classe, mais s’il
comme dans le français, les natifs y a encore quelques-uns qui font du
anglais ou portugais diraient: «The bruit, on peut leur dire «Sensei ga kuru
teacher comes.» ou «O professor chega.» yo» pour insister sur le fait que le
Cela pourrait Ðgalement informer de professeur arrive et pour attirer
l’arrivÐe du professeur, mais ce ne serait l’attention. «yo» est une marque qui
pas naturel dans ce cas et il n’y aurait renforce le sens comme «Moi, j’adresse µ
pas de force, il faut alors ajouter encore toi (vous) ».
d’autres indices pour actualiser le De nombreux auteurs ont essayÐ de
procÌs, comme l’action de taper les rassembler et de classer les moyens
mains en le disant. Au contraire, si l’on modaux en linguistique et
dirait en français: «Le professeur est en particuliÌrement dans leur langue
train d’arriver», l’avertissement ou maternelle.
l’ordre perd sa valeur. a- D'aprÌs V.Z. Panfilov (1982:73), la
En japonais, l’usage de la particule modalitÐ est exprimÐe par:
finale s’avÌre aussi frÐquent, comme dans a.1. Les modes du verbe
les langues isolantes (vietnamien, a.2. Les verbes modaux: pouvoir (cã
chinois…) : thÓ), devoir (cÇn ph¶i)…

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 25

a.3. L'intonation et les mots livre «Ng÷ ph¸p tiÕng ViÖt - C©u»
grammaticaux exprimant la modalitÐ (Grammaire vietnamienne - la Phrase),
subjective. que chaque langue a diffÐrents moyens
b- Kerbrat-Orrechioni (1980:119) a exprimant la modalitÐ, mais les plus
citÐ dÐtaillement un inventaire de utilisÐs sont:
moyens modaux, surtout en français. c.1. L’intonation.
Selon cette linguiste, en dehors des c.2. Le verbe
moyens «trÌs reprÐsentants» comme les
c.3. L’ordre des mots.
modes, les verbes modaux, il y aurait
encore beaucoup d'autres outils a citer, c.4. Les particules modales.
par exemple des expressions restrictives c.5. Les proverbes et les locutions
et apprÐciative telles que «µ peine», figÐes ayant la fonction distinctive et
«presque», «guÌre», "seulement», actualisÐe de la phrase.
«ne…que» ; des adverbes «dÐjµ», d- D’autres linguistes ont prÐcisÐ les
«encore» qui n’ont de sens que par places des ÐlÐments et leurs possibilitÐs
rapport µà certaines attentes du de fonctionnement dans la structure
locuteur ; d'innombrables connecteurs syntaxique en vue de classer les moyens
propositionnels «or», «car», «donc», exprimant la modalitÐ.
«cependant», «d’ailleurs», «toutefois», «en Nous avons contastÐ que ces
effet», etc. dont le statut syntaxique est propositions sont justes mais
aussi problÐmatique que le r«le Ðnonciatif insuffisantes car chaque langue a des
Ðvident. Il faudrait envisager aussi d’autres moyens typiques et variables exprimant
parties du discours comme «interjection», la modalitÐ. Pour obtenir un tableau
«prÐposition», «conjonction» que privilÐgie complet de ces moyens, nous devons bien
la tradition sÐmantique sous prÐtexte dÐterminer la langue dont nous voulons
qu’elles sont plus nettement chargÐes de envisager la modalitÐ et nous avÐrer
contenu dÐnotatif. patients en l'examinant de plus prÌs et
Alors, dans ces langues dites indo- successivement sur de diffÐrents plans:
europÐennes, le mode est toujours phonÐtique, vocabulaire, grammaire et
apprÐciÐ pour traduire de multiples pragmatique.
valeurs modales des ÐnoncÐs. Pourtant,
la modalitÐ qui dÐborde largement le 3. Expression de la modalitÐ
domaine du verbe recourt alors µ de AprÌs avoir appris les choses sur la
diffÐrents moyens extra-verbaux conception, les approches, les moyens
(adverbes, complÐments...). Par exemple: d’expression de la modalitÐ, nous nous
«Il viendra peut-ªtre demain» = «Il sommes demandÐe comment ferait-on
viendrait demain». pour pouvoir analyser exhaustivement la
c- En vietnamien, Hoµng Träng modalitÐ? C’est aussi bien difficile car
PhiÕn (1980:31) a contastÐ, dans son quelle que soit la langue dans laquelle

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26 Nguyen Ngoc Luu Ly

elle est abordÐe, la modalitÐ est un sujet -la modalitÐ ÐpistÐmique exprimant
dont la richesse n’a d’Ðgale que la l’engagement de l’Ðnonciateur par
complexitÐ. Et les linguistes ne rapport µ la vÐritÐ de l’ÐnoncÐ
s’accordent pas gÐnÐralement µà -la modalitÐ Ðnonciative qui sert µ
proposer de les mªmes expressions de la indiquer dans un acte Ðnonciatif
modalitÐ. l’implication de l’Ðnonciateur (impÐratif,
Von Wright (1951:I-2) en a distinguÐ optatif, permissif). (J. Bybee & S.
quatre types: Fleishmann, 1995)
-la modalitÐ alÐthique, ou de vÐritÐ Nous nous rendons compte qu’ µ
-la modalitÐ ÐpistÐmique, ou de l’essence, ces modalitÐs correspondent µ
connaissance ce qu’a proposÐ Lyons, mais diffÌrent en
bien isolant le sujet de la phrase (dans
-la modalitÐ dÐontique, ou
modalitÐ orientÐe vers l’agent) et le sujet
d’obligation
parlant (dans modalitÐ Ðnonciative).
-la modalitÐ existentielle, ou
Une autre partition en quatre zones est
d’existence.
proposÐe par B. Pottier (2000:192-215):
Lyons (1977:452) a partagÐ cette
-la modalitÐ alÐthique (possible,
distinction mais les a regroupÐs en deux
nÐcessaire) qui est indÐpendante de
sous-domaines:
l’Ðnonciateur
-l’ÐpistÐmique qui s’applique µ la
-la modalitÐ ÐpistÐmique qui est
possibilitÐ ou µ la probabilitÐ.
formulÐe µ travers le croire et le savoir
-le dÐontique qui englobe l’obligation de l’Ðnonciateur
et la permission.
-la modalitÐ factuelle qui renvoie aux
Nous voyons que dans ce rÐseau, la intentions de l’Ðnonciateur vis-µ-vis de
valeur existentielle est reliÐe µ la son dire et de son faire (autour de
probabilitÐ, la valeur alÐthique µ la fois µ pouvoir et devoir)
la probabilitÐ et µ l'obligation ou l’ordre,
-la modalitÐ axiologique qui sert µ
ancrÐes sur la notion de volontÐ, c’est-à
valoriser le propos de l’Ðnonciateur
µ-dire µ la fois ÐpistÐmique et dÐontique.
(autour du vouloir et valoir).
La quªte d'invariants linguistiques a
Nous notons dans cette partition une
conduit certains linguistes µ une
distinction assez claire d’un c«tÐ de
tripartition du champ sÐmantique l’objectivitÐ dans la modalitÐ alÐtique et
modal. On oppose ainsi: de l’autre c«tÐ de la subjectivitÐ dans les
-la modalitÐ orientÐe vers l’agent trois zones qui restent).
(comprenant la modalitÐ dÐontique) Meunier (1974), Kerbrat-Orecchioni
exprimant les diffÐrentes propriÐtÐs le (1980) et Cao Xu©n H¹o (1991), qui
concernant (capacitÐ, obligation, sÐparent la modalitÐ d’Ðnonciation et la
intention, permission…) modalitÐ d’ÐnoncÐ.

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 27

Nous entendons par la modalitÐ dÐontique, nous nous rendons compte


d’Ðnonciation celle qui distingue une qu’elles correspondent fort bien aux
parole selon l’objectif et l’incidence de types 1 et 4 des quatre ordres de
communication, c’est-µ-dire des types modalitÐ proposÐs par A.Culioli.
d’ÐnoncÐs: assertion, interrogation, Pourtant, nous prÐfÐrons adopter les
injonction. Alors, la modalitÐ derniers termes car le terme
d’Ðnonciation se rapporte au sujet «ÐpistÐmique» paraît ambigu: il Ðtait
parlant (ou Ðcrivant) et appartient au utilisÐ, par quelques auteurs prÐcÐdents
domaine pragmatique. (J.Lyons:1980 :416), pour traduire
La modalitÐ d’ÐnoncÐ exprime Ðgalement la catÐgorie objective.
l’attitude du locuteur µ l’Ðgard de ce qu’il Enfin, la modalitÐ d’Ðnonciation et la
dit. Alors, ce type de modalitÐ se modalitÐ d’ÐnoncÐ, qu’ont proposÐes
rapporte au sujet de l’ÐnoncÐ, Kerbrat-Orecchioni (1980), Cao Xu©n
Ðventuellement confondu avec le sujet de H¹o (1994) et qui ont pour point de
l’Ðnonciation (Kerbat:1980:119) et dÐpart tant«t une Ðnonciation, tant«t un
appartient au domaine sÐmantique. ÐnoncÐ ne s’avÌrent pas raisonnables
A partir des ces constatations, il est d’en faire des investigations
temps de proposer notre point de vue sur expÐrimentales dans le cadre de la
les expressions de la modalitÐ. Dans linguistique.
l'ensemble, nous sommes prªte µ adopter Revenons alors maintenant µ la
l’idÐe d’Antoine Culioli sur quatre ordres de thÐorie de Culioli
modalitÐ. Nos raisons sont les suivantes:
Il nous faut rappeler que l’ÐnoncÐ est
En premier lieu, la modalitÐ une phrase qui est prise en charge par
linguistique conçue dans notre thÌse, un locuteur (So) et s’adresse µ un
comme nous l'avons circoncrite dans la interlocuteur (S1). Il s’agit alors d’une
partie prÐcÐdente, se dÐbattra µ l’intÐrieur relation intersubjective entre So et S1.
du domaine de subjectivitÐ. La distinction Cette relation locuteur - interlocuteur de
de Pottier (objectivitÐ/subjectivitÐ) devient telle façon que l'ÐnoncÐ produit ou
alors dÐvalorisÐe de l’objectif de cette thÌse. reconnu soit organisÐ autour du locuteur
En deuxiÌme lieu, nous dÐcidons, dans et de lui fonciÌrement: un ÐnoncÐ est
la dÐlimitation du cadre de la thÌse, de produit, gr©ce auquel vous Ðvoquez - ou
nous intÐresser seulement aux entourages vous renvoyez µ un Ðtat de choses de
du locuteur. Alors, la distinction du sujet telle maniÌre que celui qui a produit
parlant et du sujet de la phrase qu’ont l'ÐnoncÐ se porte garant - donc prªt µ
proposÐe Kerbrat-Orecchioni (1980), Bybee dÐfendre contre autrui ce qu'il a dit: c'est
(1995) semble ne pas ªtre nÐcessaire dans traditionnellement l'assertion. Dans ce
l’Ðtude prÐsente. cas il y a nÐcessairement relation
Puis, Ðtant donnÐ le contenu intersubjective et peut-ªtre faudrait-il
envisagÐ de modalitÐs ÐpistÐmique et corriger sur ce point ce qu'a dit

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28 Nguyen Ngoc Luu Ly

Benveniste: il faudrait parler je ne veux pas rÐpondre, ou le silence, ou


d'intersubjectivitÐ dans le langage. La une forme de rÐponse qui n’en est pas
relation entre sujets est centrÐe, une: je ne sais pas.
ramenÐe µ 1'Ðnonciateur qui se porte Cette derniÌre possibilitÐ est
garant et elle est donc articulÐe, importante parce qu’il faut Ðviter de
organisÐe, centrÐe, ramenÐe µ lui de fabriquer des modÌles d’intelligence
façon fonciÌre. Alors, l’assertion a ÐtÐ artificielle qui sont licites en soi, mais trÌs
choisi par Culioli comme le point de gÐnants pour la pratique du langage parce
dÐpart - une base à partir de laquelle que quand on parle, on ne travaille pas
on peut introduire des modulations. uniquement dans un systÌme µ deux
Toute assertion est un ÐnoncÐ et donc un valeurs oï on dit toujours le vrai ou le
message inter-sujets So - S1. faux, on a des degrÐs d’indÐtermination,
Le premier ordre de modalitÐ (µ1) des degrÐs d’incertitude qu’il faut toujours
prend en compte l’existence de P ou analyser, des refus de rÐpondre, des refus
Non-P: de collaborer et le fait de ne pas rÐpondre
+À chaque fois que vous modulez, est une autre maniÌre de rÐpondre.
vous modulez une assertion. Le fait de +Avec l’injonction, on a quelque
choisir P signifie Ðliminer Non-P. Si on chose qui n'est ni l’assertion ni
donne classiquement deux valeurs l’interrogation, mais compatible avec.
vrai/faux ou 0/1 ou positif/nÐgatif, on a Dans l’assertion, on dit que telle chose
soit l’une soit l’autre des valeurs. On est ou n’est pas et dans l’injonction on
peut moduler cette binaritÐ (existence dit : "Que telle chose soit ou ne soit pas".
d'un continuum dans la plupart des cas). Pour l’injonction, c’est alors l’action que
Au niveau de l’assertion, on ne peut l’interlocuteur choisit. On fait semblant
avoir que l’une ou l’autre: de choisir, soit P ou Non-P, 0 ou 1, vrai
(3) : «Il est arrivл ou «Il n’est pas ou faux. Ce terme recouvre aussi bien la
arrivл priÌre, que l’ordre, la suggestion, c'est-
µ-dire qu’on pose une valeur de vÐritÐ
En dehors de cela (c'est-µ-dire de
sur le futur du monde. L’injonction
travailler sur P ou Non-P), le locuteur
renvoie, elle, µ quelque chose qui n’est
peut demander Ðgalement µ son
ni vrai ni faux, mais qui peut se ramener
interlocuteur ce que le dernier choisit.
vrai ou faux, c’est l’assertion concernant
On a donc, quelque chose qui n’est pas
la consÐquence Ðventuelle de l’injonction,
l’assertion mais qui va ªtre compatible
par exemple:
avec l’assertion: la question.
(4a): Assieds-toi!
+Avec l’interrogation, il s’agit de
prÐsenter µ l’autrui les deux valeurs (4b): Elle s’assied.
(vrai/faux, 0/1 ou positif/nÐgatif) de telle (4c): Voil µ, elle est assise.
maniÌre que dans la rÐponse on choisisse Nous nous apercevons effectivement
soit 0, soit 1, outre l’Ðchappatoire stricte: que la modalitÐ d’Ðnonciation appartient

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 29

au domaine pragmatique puisqu’il y en a mais qu’il pourra se produire, qu’il est


des emplois dits «dÐtournÐs». Obsevons probable qu’il s’est produit…
l’exemple: La modalitÐ (µ3) prend en compte
(5) : Tu te tais et tu manges tes le jugement de So sur 0 ou 1:
biscuits. Avec µ3, le locuteur exprime de façon
Ici on utilise une forme assertive, subjective son jugement, sa critique, son
mais Ðtant donnÐ un certain nombre de sentiment ou son apprÐation… envers le
rÐpÌres qu’on va trouver, on va pouvoir procÌqui est dit dans l’ÐncÐquoi que ce soit
construire cette forme comme n’Ðtant une assertion, une interrogation ou une
pas une assertion, et si elle n’est pas
injonction, que ce soit rÐalisable ou pas.
assertion ni interrogation, elle est
nÐcessairement injonction puisque sinon Et comme le locuteur ajoute sur un
on aurait finalement des modes de fait une valeur de jugement, de
l’assertion. C’est un problÌme critique…, il module la vÐritÐ dans
fondamental qu’on va retrouver assez l’ÐnoncÐ entre le c«tÐ positif et le c«tÐ
souvent. nÐgatif, le bien et le mauvais, le long et
le court, le grand et le petit… selon deux
La modalitÐ 2 (µ2) prend en
domaines de qualitÐ et de quantitÐ. Par
compte les possibilitÐ entre 0 ou 1 (ni
exemple:
l’un ni l’autre):
(8): Il est malheureux qu’il ait fait cela.
Pourtant, on n’est pas toujours dans
la position binaire 0 ou 1. Nous arrivons Nous avons ici une assertion «Il l’a
souvent µ travailler sur l'intervalle entre fait"-la chose est faite. Et une
0 et 1. Le monde du possible se trouve qualification sur cette assertion «Quel
entre (mais n'est pas) 0 et 1, P et nonP, malheur! ».
c’est l’intermÐdiaire entre l'avÐrÐ et La situation peut devenir ambiguë
l'inexistant. Alors, dans la µ2, se avec d’autres cas;
rassemblent le probable, le (9): Il est Ðtrange qu’il ait fait cela.
vraisemblable, la possible, l’Ðventuel… ; puisqu’on a soit : (a) : «Il l’a fait et c’est
c'est-µ-dire les valeurs intermÐdiaires
Ðtrange.»; soit : (b) : «Il ne l’a pas fait.».
entre 0 et 1, qu’il s’agisse du rÐvolu:
Dans ce cas, nous avons deux
(6): Il a dû faireça. interprÐtations de modalitÐ: Dans (a), le
ou de l’avenir oï on ne peut pas avoir les locuteur exprime sa surprise envers le
valeurs 0 ou 1: fait mentionnÐ et dans (b), il n’arrive pas
(7): Il fera beau. µ croire que ce fait se soit passÐ.
Avec µ2, on est en un point du Bien que le jugement est une activitÐ
moment de l’Ðnonciation oï on Ðnonce, µ cognitive de l’homme et se base sur des
propos d’un ÐvÐnement dont on ne peut Ðchelles de valeurs, il exprime fortement
dire ni qu’il est vrai ni qu’il est faux, la subjectivitÐ et alors, les Ðchelles de

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30 Nguyen Ngoc Luu Ly

valeurs appartiennent au locuteur- C’est une relation intÐressante et


individu. Etant donnÐ l’ÐnoncÐ: souvent ambiguë, il faut la mettre dans
(10): T«i cã nh÷ng n¨m ngh×n ®ång. le co(n)texte pour pouvoir mieux
apercevoir.
Moi/avoir/mq/cinq/mille/vnd.
Les cases 1, 2, 3, 4 ne sont pas
La somme "n¨m ngh×n ®ång" peut
ordonnÐes, on ne peut pas les ordonner
ªtre une grosse somme, mªme une trÌs
parce que ce sont des relations
grosse somme d’aprÌs le locuteur, en se
complexes. Nous voyons ici que
basant sur une certaine Ðchelle de
l’injonction qui est en µ1, peut aussi ªtre
valeurs qui le concernent. D'autres
en µ4.
locuteurs, pour la mªme somme,
pourraient ne pas avoir le mªme Et nous trouvons ici que la
jugement, Ðtant donnÐ que leur situation classification ne doit pas ªtre considÐrÐe
se diffÌrent fort bien. comme linÐaire; elle est telle que quand
on observe d’un c«tÐ l’assertion,
La modalitÐ 4 (µ4) prend en compte
l’interrogation ou l’injonction et d’un
la relation So - S1:
autre c«tÐ la modalitÐ 4, pour des
La modalitÐ 4 regroupe la dÐontique, raisons qui ne sont pas des raisons de
le vouloir, la permission, … c'est-µ-dire hasard, on s’aperçoit effectivement que
une relation entre deux sujets: l’injonction qui est hors assertion, peut
-l’un conduisant l’autre aussi bien ªtre classÐe soit dans
-l’un laissant l’autre libre de faire l’assertion, soit dans la modalitÐ 4
quelque chose puisqu’effectivement dans l’injonction, il
-l’un ne faisant rien pour que l’autre y a priÌre, suggestion... c'est-µ-dire
ne fasse pas. "demander µ quelqu’un de bien
vouloir…» ou «dire µ quelqu’un qu’il
-un sujet agissant sur lui-mªme
doit… ». Il y a une double classification
s’exprime dans le vouloir.
qui montre qu’en fait, on n’a pas un
Il est important de comprendre, lors point de dÐpart et puis on aboutit µ un
d’une analyse d’expression de la point polaire, mais une relation telle
modalitÐ, l’intention subjective de que, en refaisant le circuit, on revient au
communication du locuteur, car quand point de dÐpart.
un locuteur parle, c’est qu’il veut non
seulement agir sur lui-mªme pour 4. En guise de conclusion
s’exprimer dans le vouloir, mais encore Comme la modalitÐ est un domaine
conduire l’autre, laisser l’autre libre de vague, la dÐlimitation et la
faire quelque chose…, tout comme circonscription s’avÌrent absolument
l'esprit de la fameuse constatation indispensables pour pouvoir mener des
d’Austin: «Quand dire, c’est faire». La investigations efficaces. A notre sens, il
modalitÐ va s’exprimer au milieu de ce vaut mieux de faire des recherches de la
que dit le locuteur à son interlocuteur. modalitÐ subjective, parce que c’est dans

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ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 31

laquelle que les marques linguistiques tourner autour ce repÌre. Nous sommes
sont mieux reflÐtÐes. menÐe donc µ aborder quatre ordres de
En ce qui concerne la terminologie, modalitÐ : Assertion, certitude,
puisque les linguistes proposent des apprÐciation et intersujets.
caractÌres conventionnels diffÐrents, la Chaque langue a ses propres
solution provisoire serait de bien caractÐristiques. Alors, nous ne pouvons
paraphraser nos conceptions, en absolument pas appliquer les moyens
introduisant dÌs le dÐbut de recherche d’expression de modalitÐ d’une langue µ
sur la modalitÐ la liste des index de une autre. Nous devons bien dÐterminer
notions et de mots-clÐs pour faciliter la la langue dont nous voulons envisager la
comprÐhension des lecteurs. modalitÐ et nous avÐrer patiente en
La modalitÐ subjective reprend la l'examinant de plus prÌs et
mentalitÐ du locuteur. Donc, l’approche successivement sur de diffÐrents plans:
morpho-syntaxique ne peut pas ªtre phonÐtique, vocabulaire, grammaire et
satisfaisante. Les chercheurs doivent
pragmatique.
nÐcessairement dÐgager les voies
sÐmantique et pragmatique en vue de Le français, langue flexionnelle, et le
clarifier le problÌme. vietnamien, langue isolante sont deux
langues tellement diffÐrentes. L’Ðtude
La typologie de la modalitÐ jusqu’ µ
comparative des moyens d’expression de
l’heure actuelle n’est pas encore
modalitÐ en ces deux langues promettent
vraiment unifiÐe. Les linguistes insistent
alors de nombreuses choses
sur les angles diffÐrents de la modalitÐ.
intÐressantes. Nous nourrissons toujours
Nous pensons que la typologie efficace
doit bien servir µ la recherche l’espoir de pouvoir approfondir les
expÐrimentale des ÐlÐments recherches ultÐrieures sur ce point citÐ
linguistiques prÐcis. Nous recourons et tirer des retombÐes mÐthodologiques
alors µ un point de dÐpart fixÐ- pour l’enseignement-apprentissage du
l’assertion. Et toutes modulations vont français des vietnamophones.

Tµi liÖu tham kh¶o

1. §ç H÷u Ch©u, Bïi Minh To¸n, §¹i c−¬ng ng«n ng÷ häc, TËp i, NXB Gi¸o dôc, Hµ Néi, 2001.
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T¹p chÝ Khoa häc §HQGHN, Ngo¹i ng÷, T.XXIII, Sè 1, 2007


32 Nguyen Ngoc Luu Ly

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28. Parret., Herman et les autres auteurs, Le langage en contexte, Etudes philosophiques et
linguistiques de pragmatique, Volume 3, John Benjamins, Amsterdam, 1980.

T¹p chÝ Khoa häc §HQGHN, Ngo¹i ng÷, T.XXIII, Sè 1, 2007


ModalitÐ en linguistique: contribution µ… 33

VNU. JOURNAL OF SCIENCE, Foreign Languages, T.xXIII, n01, 2007

TÝnh t×nh th¸i ng«n ng÷:


®ãng gãp vµo mét quan ®iÓm lý thuyÕt

NguyÔn Ngäc L−u Ly


Khoa Ng«n ng÷ vµ V¨n ho¸ Ph¸p,
Tr−êng §¹i häc Ngo¹i ng÷, §¹i häc Quèc gia Hµ Néi

T×nh th¸i lµ mét kh¸i niÖm réng vµ phøc t¹p, ®Õn nay vÉn cßn g©y nhiÒu tranh luËn
trong giíi ng«n ng÷. Bµi viÕt mong muèn ®ãng gãp thªm mét c¸ch quan niÖm, mét
h−íng tiÕp cËn kh¸c. ViÖc ph©n lo¹i t×nh th¸i ®Õn nay rÊt ®a d¹ng do c¸c nhµ ng«n ng÷
quan t©m ®Õn nh÷ng gãc ®é kh¸c nhau cña t×nh th¸i. Theo t¸c gi¶, c¸ch ph©n lo¹i tèt
ph¶i phôc vô ®¾c lùc cho nghiªn cøu thùc nghiÖm nh÷ng yÕu tè ng«n ng÷ cô thÓ. ë ®©y,
t¸c gi¶ ®· lÊy mèc lµ c©u x¸c tÝn, ®Ó xem xÐt c¸c sù "t×nh th¸i ho¸" xoay quanh ®iÓm
khëi ®Çu nµy. ViÖc nghiªn cøu lÇn l−ît ®−îc tiÕn hµnh theo bèn th¸i: x¸c tÝn, kh¶ n¨ng,
®¸nh gi¸ vµ liªn chñ thÓ. TiÕp cËn quan ®iÓm t×nh th¸i theo h−íng nµy. t¸c gi¶ hi väng
sÏ gióp mét tiÕng nãi vµo viÖc gi¶i quyÕt c¸c nhiÖm vô ®Æt ra theo chiÒu s©u mét c¸ch
toµn diÖn vµ hiÖu qu¶ h¬n.

T¹p chÝ Khoa häc §HQGHN, Ngo¹i ng÷, T.XXIII, Sè 1, 2007

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