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LECON 1 : INTRODUCTION AU DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE

Avant d’envisager le droit international économique (DIE), il convient de présenter


brièvement les diverses notions fondamentales de Droit international général (section 1)
dont le DIE s’est progressivement émancipé, lequel présente aujourd’hui d’incontestables
spécificités (section 2).

Section 1 : notions fondamentales de Droit international général.

On s’intéressera successivement à 3 concepts : celui de « Société internationale » (§


1), celui de « Relations internationales » (§ 2) et enfin celui de « Droit international » (§
3).

§ 1 : la société internationale
La « société » peut être définie comme un groupe humain soumis à une législation
commune au sein duquel des liens de solidarité et d’échanges, mais également des rapports
conflictuels, sont identifiables. Au niveau international, cela signifie que les 8 milliards
d’individus vivant actuellement sur la planète constituent cette « société
internationale » (et près de 10 milliards de personnes fin 2050, selon les prévisions car il
y a 90 millions d’habitants de plus sur terre chaque année, l’équivalent d’un pays comme
le Viêt-Nam) : d’où l’expression « village planétaire ».

1. Plus précisément, cette société globale se décompose en sociétés élémentaires, qui


sont des sociétés politiques : les Etats. Ces Etats souverains, un peu moins de 200
aujourd’hui, représentent les acteurs majeurs des relations internationales et sont les
sujets originaires du droit international. Mais la société internationale ne se réduit pas à une
société d’Etats car il existe entre ces Etats des relations qui se sont progressivement
institutionnalisées ; ceux-ci ont en effet donné naissance à des organisations
internationales (OI) pour structurer leur coopération, lesquelles constituent la seconde
catégorie d’acteurs publics du droit international. Ces multiples enceintes, forums,
structures, interviennent dans tous les domaines intéressant la vie des Etats : politique (ONU,
Conseil de l’Europe…) ; économique (OMC, Union européenne, OCDE…) ; militaire (ONU,
OTAN…) ; technique (OACI, OIT, OMS, FAO, UNESCO…). Aujourd’hui, on estime à
environ 300 les OI existantes (régionales et universelles).
Outre ces acteurs publics (Etats et OI), la société internationale comprend aussi des
acteurs privés : certains sont guidés par le profit, il s’agit des firmes multinationales (dont
un certain nombre ont un CA supérieur à celui du PNB de bien des Etats, cf l’expression
« GAFA (ou GAFAM) ») ; d’autres sont désintéressées et traduisent l’existence d’une
solidarité internationale dans un domaine déterminé : ce sont les organisations non
gouvernementales (ONG) surtout présentes en matière de défense de l’environnement
(Greenpeace, WWF…), des droits de l’homme (Amnesty international, Human Rights
Watch…), de secours aux victimes de guerre ou de catastrophes (Médecins du monde,
Médecins sans frontière, Croix-Rouge…) et depuis peu contre la mondialisation (Association
pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC), Confédération
paysanne, Global Trade Watch…) ; enfin, les derniers acteurs privés sont les individus eux-
mêmes qui sont désormais parties prenantes des relations internationales sous 2 aspects :
d’une part, leurs droits fondamentaux sont protégés (protection universelle et régionale) et
d’autre part, leur responsabilité pénale peut être mise en jeu (Tribunaux pénaux internationaux
au cours des années 1990, Cour pénale internationale (CPI) depuis 200é).

2. Au cours des siècles, la Société internationale a évolué parallèlement aux rapports


noués entre ces différents acteurs agissant au niveau international. Aujourd’hui, les
caractéristiques essentielles de la Société internationale sont les suivantes :

* une société fermée et universelle : toutes les terres émergées ont été découvertes, il
n’existe plus de terres sans maître, même s’il existe des territoires « internationalisés »
(exemple : l’Antarctique). En conséquence, la société internationale est désormais un espace
clos, parcellisé, de souverainetés étatiques ;

* une société caractérisée par l’interdépendance et la coopération : en témoigne, la


multiplication des OI dans tous les domaines évoquée précédemment et le caractère quasi-
universel de certaines d’entre elles (l’ONU compte 193 membres) ; sur le plan économique et
financier, le phénomène de mondialisation (ou de globalisation) est connu, caractérisée par
l’existence d’un seul espace du fait de l’imbrication étroite des Etats. Cette imbrication est
telle qu’en cas de crise financière par exemple, la contagion entre Etats de la même région est
particulièrement rapide (cf. dans les années 1990 en Asie du Sud Est ou la crise en Europe
consécutive à celle des Subprimes aux USA au milieu des années 2000) ;

* une société conflictuelle : gouvernée depuis toujours par les rapports de force, la
volonté de puissance, la défense des intérêts nationaux… qui débouchent invariablement sur
des conflits, notamment armés, surtout depuis le début des années 1990 et la fin de la
bipolarisation qui induisait un certain équilibre, désormais rompu avec l’effondrement du
modèle soviétique ; outre la guerre en Ukraine (depuis février 2022), n’oublions pas qu’il y en
a plusieurs autres en cours, notamment au Yémen (depuis plus de 10 ans !), en Ethiopie, au
Nigéria, à Haïti, ou encore en Syrie ;

* une société hétérogène : en effet, malgré le phénomène de mondialisation, il existe


encore d’importants écarts entre les Etats de la planète sur le plan économique (certains
observateurs estiment même que les écarts se sont creusés ces 10 dernières années, qu’il y a
une concentration de plus en plus importante des richesses dans les mains d’une minorité),
technique, politique, militaire (en termes de puissance) et même idéologique. Bien
évidemment, cette hétérogénéité, ce creusement des écarts entre Etats, ne favorise pas la
stabilité de la Société internationale (cf. Raymond Aron : l’inégalité entre les Etats nourrit
les conflits) ;

* enfin, une société sans autorité centrale : à la différence des sociétés internes
(étatiques) dans lesquelles existe un pouvoir central, la Société internationale ne connaît pas
d’instance ou de mécanisme permettant de régler définitivement un conflit, une situation,
malgré les efforts de l’ONU (politique), de l’OMC (commercial), de la CIJ (judiciaire)… Il
faut bien comprendre que la Société internationale est le théâtre de la rivalité des
souverainetés étatiques et qu’il n’existe rien au-dessus des Etats (cela ne signifie pas pour
autant qu’il puisse tout faire, nous y reviendrons). D’où cette réalité anarchique et cette
impression de désordre continuel au sein de la Société internationale.
§ 2 : les relations internationales
Les relations internationales ont pour objet l’étude des rapports qu’entretiennent les
acteurs agissant sur la scène internationale, les uns avec les autres ; elles comportent des
aspects à la fois historiques, politiques, idéologiques, juridiques...

1. Pendant longtemps, la Société internationale étant strictement interétatique, les


relations internationales se sont limitées à l’analyse des rapports entre les Etats sur la
base d’une distinction classique entre :
- les relations de force armée, autrement dit le recours à la force pour régler leurs
différends avec un encadrement progressif de l’utilisation de cette force. Pendant plusieurs
siècles, la guerre était licite sous réserve du respect de certaines modalités dans le
déroulement des opérations militaires progressivement codifiées (« droit de La Haye »,
conventions de 1899 et 1907, notamment) ;
- et les relations pacifiques : c’est-à-dire les modes de règlement diplomatique ou
juridique des litiges entre Etats par voie bilatérale ou multilatérale, de manière relationnelle
(directement par un accord entre Etats) ou institutionnelle (dans le cadre d’une OI).

2. A côté de ces relations interétatiques, se sont développées des relations dites


« transnationales » qui mettent en rapport des personnes privées (multinationales, ONG,
individus) qui n’ont pas la même nationalité et ne sont pas situées sur le même territoire
étatique : par exemple, un contrat commercial entre des sociétés de pays différents ou les
activités d’une fédération sportive internationale.

En définitive, les relations internationales sont constituées aujourd’hui des


relations interétatiques (entre Etats) auxquelles s’ajoutent ces relations transnationales.
Il faut mentionner enfin l’existence des relations entre Etats et personnes privées (moins
fréquentes) : « contrat de siège » entre un Etat et une fédération sportive installant son siège
sur son territoire (comme la Suisse avec les fédérations internationales de football, natation,
cyclisme, volley, gymnastique, équitation…) ; ou un « contrat d’Etat », contrat passé entre
un Etat et une société multinationale (pour exploiter des ressources naturelles comme le
pétrole par exemple) soumis à des règles particulières.

§ 3 : le droit international

1. Le DI peut être défini comme le corps de règles applicables aux normes (actes) et
aux institutions (acteurs) destinées à régir la Société internationale.
Il comporte un aspect privé (droit international privé) qui vise les rapports entre individus ou
les personnes morales privées (questions de nationalité lorsque 2 personnes de pays différents
se marient par exemple, plus largement « conflits de lois » (c’est-à-dire quel est le droit
applicable) ou relations transnationales précédemment évoquées) qui ne nous intéressera
pas ici et un aspect public (droit international public) qui se rapporte aux sujets originaires
que sont les Etats, aux OI qui sont des sujets dérivés et aux personnes privées dès lors qu’elles
ont des relations avec les uns ou les autres.
Le DIP s’intéresse donc aux acteurs qui évoluent dans la Société internationale et aux
modalités juridiques qu’ils utilisent pour organiser leurs rapports et fonder leur action.

Selon les auteurs, les formulations quant à la définition du droit international


varient cependant. Pour Madame PAUL BASTID : "Le droit international s'applique à la
société des Etats souverains; il comprend les règles qui concernent les rapports entre les
Etats."
Pour René Jean DUPUY "le droit international est l'ensemble des règles qui régissent
les rapports entre les Etats se déclarant souverains, ceux-ci ne reconnaissent aucune autorité
au-dessus d'eux; le droit international constitue un droit de coordination qui se borne à
favoriser la coopération entre les Etats" ; il exprime là deux caractères du droit international
public soulignés par ailleurs par le Professeur Emmanuelle JOUANNET : ce droit est
largement relationnel car fondé sur les relations entre Etats mais il est aussi devenu
institutionnel car il intègre les éléments d'organisation de la nouvelle Société internationale.
Pour le Professeur Antoine ALEDO "le droit international, défini comme l'ensemble des
règles de droit qui régissent les rapports entre les Etats, s'est constitué et développé au fur et
à mesure que sont apparus les sujets dont il a dû organiser la coexistence. Il est le fruit
commun de l'apparition historique de l'Etat souverain comme mode d'exercice du pouvoir
politique et d'une invention doctrinale, prétendant saisir par l'exercice d'une pensée juridique,
les relations qui s'organisent entre les institutions politiques et territoriales indépendantes et
rivales".
Le Professeur Denis ALLAND souligne que la définition a donné lieu à d'amples
controverses dans la longue histoire ayant conduit, du droit des gens des Anciens, au droit
international public des modernes. Aujourd'hui, il le définit comme "l'ensemble des règles
produites par les différents sujets de droit international, à titre principal les Etats et entités
auxquelles ils ont reconnu un pouvoir normatif." Le champ d'application du droit international
public, souligne-t-il, donne lieu à plus de discussions selon que l'on retient ou non une
acception large des relations internationales qu'il est censé régir.
Le point de vue du grand sociologue Raymond ARON (« Paix et guerre entre les
nations ») mérite aussi d'être connu: "Le droit international est fondé sur la souveraineté et
l'égalité des Etats. Conçu pour les Etats européens qui, en un sens, se reconnaissaient
réciproquement le droit à l'existence, il a été étendu à l'univers entier alors qu'en Europe
même les conflits idéologiques en compromettaient le respect."

Enfin, il faut garder à l'esprit le mouvement que capte le Professeur Mireille DELMAS-
MARTY (actuel professeur au Collège de France) : "L'internationalisation du droit n'est pas
une catégorie juridique comme le droit interne ou le droit international, mais un mouvement
qui les transforme l'un et l'autre, l'un par l'autre, en créant une sorte de tension entre le relatif
et l'universel." (in "Le relatif et l'universel, les forces imaginantes du droit"). Pour preuve les
conclusions d'une étude du Conseil d'Etat sur "la norme internationale en droit français : la
haute juridiction administrative constatait en 2000 que "les évolutions du cadre
constitutionnel… ainsi que l'adoption des normes internationales et communautaires, dans
des domaines de plus en plus divers, ont produit au cours des dix dernières années des ruptures
majeures dans la place que le droit français fait au droit d'origine externe. Ainsi le droit
international est invoqué de plus en plus souvent devant les juridictions nationales ».
Mme DELMAS-MARTY (in "Le relatif et l'international" p.13, édition SEUIL)
souligne "qu'à mesure que la justice se mondialise, elle se trouve confrontée à des
contradictions pour déterminer le sens de l'internationalisation du droit". Une contradiction
apparaît en effet entre "l'internationalisation éthique qui suppose le soutien actif des Etats et
la globalisation économique qui se traduit souvent par leur impuissance… mais aussi entre
l'idée même d'universalisme… et la société de marché".

Enfin, la définition donnée par la CPJI (Cour permanente de justice internationale,


ancêtre de la CIJ) dans l'affaire du "Lotus" (1927) est la suivante: "Le droit international régit
les rapports entre des Etats indépendants. Les règles de droit dans les Etats procèdent donc
de la volonté de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des usages acceptés
généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la
coexistence de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs".

2. Sur un plan plus théorique, se sont succédées plusieurs doctrines relatives au DIP.
Pour s’en tenir aux plus importantes, nous en présenterons rapidement 4.

* L’école du droit naturel : le père de cette théorie est Hugo de Groot ou Grotius
(hollandais, 1583-1645), poète, philosophe, diplomate et juriste. Cette école considère que si
les Etats sont souverains, ils doivent accepter de se soumettre aux règles du droit naturel
correspondant à des règles de comportement raisonnables et honnêtes (sorte de « morale »
pour les Etats) ; en conséquence, le « droit volontaire » élaboré par les Etats doit respecter le
droit naturel (grands principes « moraux ») : il y a donc une limitation du pouvoir de l’Etat,
comme il y a nécessairement une limitation de la volonté des individus. Parmi les disciples de
Grotius, on trouve notamment Samuel Pufendorf (1632-1694) et Emmanuel Kant (1724-
1804) ;

* L’école positiviste : le fondateur de cette doctrine appliquée au droit international est


Emer De Vattel (diplomate prussien, 1714-1767) qui considère que le droit positif, existant,
doit prévaloir sur le droit naturel. Cette approche induit la toute-puissance des Etats : le droit
international positif se fondant exclusivement sur la volonté et le consentement des Etats, c’est
un droit strictement interétatique qui ne s’adresse pas aux individus ;

* Le volontarisme juridique (ou positivisme classique) : est incarné par Georg


Jellinek (1851-1911). Ce courant de pensée considère que l’Etat va accepter de s’auto-limiter
volontairement dans ses rapports avec les autres Etats en créant du droit international (théorie
de l’auto-limitation de l’Etat). L’Etat est seul à pouvoir produire le droit en général et le droit
international en particulier ;

* Enfin, l’objectivisme sociologique : de Léon Duguit (Bordeaux, 1859-1928) et


Georges Scelle (fin 19ème/début 20ème). Il s’agit ici d’une approche sociale du droit, avec
l’idée que les normes, internes comme internationales, sont fondées sur des nécessités sociales
(contrairement au volontarisme juridique qui ne connaît que l’Etat). La Société internationale
étant une société composée d’individus regroupés au sein des Etats, ces individus doivent être
considérés comme les seuls sujets de droit. Pour cette école, la souveraineté n’est qu’un
concept artificiel et l’Etat n’est qu’une fiction ; le droit international est donc compris comme
étant le « droit des gens » (jus gentium) au service de la personne humaine.

Après ces rappels relatifs au droit international général, intéressons-nous maintenant


au droit international économique.

Section 2 : le droit international économique

Avant de traiter des relations économiques internationales à l’époque moderne (§ 3),


précisons la définition du droit international économique (DIE) (§ 1) et ses caractères
généraux (§ 2).

§ 1 : les dimensions de l’expression « DIE »

Après avoir précisé la définition du DIE que nous retiendrons (A), nous évoquerons
rapidement le contenu de cette matière (B) et sa principale différence avec le droit
international général (C).

A – La définition du DIE :
Deux conceptions du DIE s’affrontent encore aujourd’hui, l’une est extensive et l’autre
restrictive (voir D. CARREAU et P. JUILLARD, Droit international économique, Dalloz,
2017, pp. 3-9).
Dans son approche extensive, le DIE est considéré comme comprenant l’ensemble des
règles qui régissent les opérations économiques de toute nature, dès lors que ces opérations
se dérouleraient dans un cadre plus vaste que celui d’un Etat. En vertu de cette logique, une
vente internationale conclue entre des personnes ne possédant pas leur établissement dans un
même Etat serait régie par le DIE.
Cette approche présente une faiblesse importante : elle est beaucoup trop large et
embrasse toutes sortes de situations qui sont hétérogènes, comme les règles du système
international commercial qui définissent le cadre juridique qui s’impose aux Etats et aux
opérateurs économiques, tout autant que les règles du commerce international qui régissent,
elles, une transaction particulière (vente internationale par exemple). Or ces règles ne
peuvent pas être assimilées car elles n’ont pas le même objet, même si elles ont toutes
deux une dimension internationale : il s’agit d’une intervention de l’Etat dans le premier
cas, et de relations entre opérateurs privés dans le second, ce dernier correspondant plutôt à
l’expression « droit du commerce international ».

Dans son approche restrictive, le DIE serait constitué par l’ensemble des règles qui
régissent l’organisation des relations internationales économiques, c’est-à-dire pour l’essentiel
les relations macro-économiques par rapport aux relations micro-économiques. Selon cette
logique, les règles du système commercial international seraient des règles de DIE à la
différence des règles de la vente internationale qui n’en seraient pas. C’est cette acception
que nous retiendrons dans le cadre de cet enseignement.
On l’aura compris, la définition du DIE fait finalement appel à la distinction entre
macro-économie et micro-économie : alors que la macro-économie s’attache à la description
des grands ensembles économiques, de leurs actions, réactions et interactions, la micro-
économie s’attache à la description des comportements individuels des opérateurs
économiques et à leur incidence sur le fonctionnement des marchés. La macro-économie a
donné naissance au DIE, macro-droit consacré à l’étude des grands ensembles, alors que la
micro-économie a donné naissance au droit des opérations internationales, le droit du
commerce international.
Notons que l’expression DIE est toutefois trompeuse car les sources de cette matière
ne sont pas toutes d’origine internationale, même si ces dernières sont les plus nombreuses.
Exemple : en matière de relations financières, chacun sait que les
règlementations applicables aux investissements dont se dotent les Etats ont une
incidence évidente sur les mouvements de capitaux à l’échelle internationale,
les encourageant ou à l’inverse les décourageant.

B – Le contenu du DIE :
Si l’on envisage maintenant le contenu du DIE d’un point de vue analytique, on est
conduit à distinguer entre les activités de production d’une part et les mouvements
internationaux de production d’autre part : alors que les premières sont le plus souvent
géographiquement limitées à l’intérieur d’un cadre national et ne présentent donc pas
d’élément d’extranéité propre à les intégrer au DIE, les seconds constituent le cœur même du
DIE.
En considérant que le champ du DIE se résume donc aux règles régissant
l’ensemble des mouvements internationaux des facteurs de production dès lors qu’ils
présentent un caractère macro-économique, plusieurs sous-ensembles apparaissent : le
droit international du commerce (qui inclut désormais le commerce des marchandises, celui
des services et celui des droits de propriété intellectuelle au sens large), celui des
investissements, et enfin celui des financements internationaux sans lequel les diverses
activités économiques ne pourraient pas prospérer.
Si ces différents aspects sont naturellement indissociables les uns des autres (encore
plus depuis une trentaine d’années avec l’ampleur prise par le phénomène de mondialisation),
il est incontestable que le DIE prend sa source dans le droit du commerce qui a précédé
les autres domaines d’intervention : voilà pourquoi nous focaliserons logiquement notre
attention sur le droit du commerce qui est essentiellement élaboré au sein de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) dont nous parlerons en détails plus loin.

C- DIG et DIE :
Pour terminer ces brefs propos relatifs aux dimensions du DIE, évoquons les liens
que cette matière entretient avec le droit international général, au sein de laquelle elle a
émergé.
Dès le début des années 1970, Prosper Weil avait affirmé : « sur le plan scientifique, le
DIE ne constitue qu’un chapitre parmi d’autres du droit international général » (« Le droit
international économique, mythe ou réalité », in Aspects du droit international économique,
Pedone, 1972, pp. 34 et s.).
En effet, le DIE tout comme le droit international général sont liés à l’existence
d’Etats-nations, indépendants, dont les frontières constituent les limites de leur action
politique et économique. Mais le droit international général a fondamentalement vocation à
préserver l’indépendance politique de l’Etat, à défendre sa souveraineté, dans ses différentes
dimensions, face aux velléités des autres Etats : en d’autres termes, c’est un droit de
protection.
En revanche, le DIE peut être qualifié de droit d’expansion dans la mesure où il repose
sur l’idée que l’enrichissement des Etats constitue un objectif légitime et que celui-ci passe
nécessairement par l’établissement de relations d’interdépendance économique entre ceux-ci.
Cette différence de logique peut être illustrée par le rôle dévolu à la frontière.

Exemple : Du point de vue du droit international général, la frontière a


vocation à assurer la sécurité de l’Etat et se doit donc d’être « étanche » ; du
point de vue du DIE, celle-ci représente un frein à la coopération économique
et doit donc être rendue perméable (cf. la disparition des frontières au sein de
l’UE).

En DIE, l’interdépendance apparaît clairement sous différents aspects parmi


lesquels : l’internationalisation croissante des entreprises (augmentation significative des
multinationales et de leurs filiales ces 15 dernières années), l’intensification des flux
d’investissements internationaux, la multiplication des conflits commerciaux entre Etats (dans
la mesure où les relations entre Etats sont de plus en plus nombreuses, les conflits potentiels
entre ces Etats augmentent de manière purement mécanique), et l’enrichissement régulier du
cadre juridique applicable aux échanges, matérialisé par les Accords de Marrakech (ou
« accords de l’OMC », datant d’avril 1994 et entrés en vigueur début 1995) sur le plan
multilatéral, mais aussi par les nombreux accords plurilatéraux créant des blocs
régionaux (Union européenne, Aléna, Mercosur, Asean…) et bilatéraux (notamment en
matière d’investissements). Tous ces instruments conventionnels privilégient
l’interdépendance par rapport à l’indépendance.
§ 2 : les caractères généraux du DIE

S’il emprunte certaines caractéristiques au droit international général, le DIE présente


parallèlement des traits d’originalité tenant tout à la fois à ses sources (A), à ses acteurs (B)
et à ses modalités de résolution des litiges (C).

A – Les sources du DIE :


D’un point de vue global, les sources du DIE apparaissent plus diverses et plus
complexes que celles caractérisant de droit international général.
Comme en droit international général, les sources purement nationales existent en
DIE : il s’agit de ce que l’on appelle les actes unilatéraux des Etats que l’on peut définir
comme des actes émanant de la volonté d’un seul Etat, imputable juridiquement à celui-ci et
destiné à produire ses effets juridiques dans l’ordre international.
Exemples d’actes unilatéraux d’Etats intéressant le DIE : la modification
unilatérale du taux de change, ou des taux d’intérêt par un Etat ; la dévaluation
de sa monnaie ; l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation applicable aux
investissements évoquée plus haut.

Les sources réellement internationales sont toutefois largement dominantes au sein


du DIE ; elles se présentent sous différentes formes.
Il y a d’abord, et essentiellement, la forme conventionnelle : la place occupée par les
constructions « systémiques » comme les Accords de Bretton Woods (créant le Fonds
Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale après la seconde guerre mondiale), ou
les Accords de Marrakech (précédemment mentionnés et qui s’inscrivent dans la lignée de
l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and
Trade, GATT) datant de 1947) gérés par l’OMC depuis 1995 en témoigne très clairement.
Pour autant, les accords multilatéraux ne régissent pas tout le DIE : il n’y a, par exemple,
pas d’accord multilatéral sur l’investissement depuis l’échec des discussions sur l’AMI à
l’OCDE en 1998.
Quant à la coutume, elle occupe encore une petite place en DIE, essentiellement
dans le domaine des investissements justement.
Font également partie du DIE -comme en droit international général mais avec,
ici, une place plus importante- les actes unilatéraux des organisations
internationales (règlements, directives, résolutions, recommandations, principes
directeurs…) ; cette réalité est connue : il s’agit de la réglementation élaborée au sein des
structures intergouvernementales à caractère économique avec l’OMC bien sûr, mais
également l’OCDE, l’UE…

Il faut enfin y ajouter des « sources de tiers ordre » : l’expression désigne des normes
qui émanent de l’effort concerté d’opérateurs, plus précisément les firmes multinationales, et
vont avoir des conséquences juridiques. De par leur implantation planétaire et leur puissance
financière, leur influence peut être en effet décisive dans un secteur économique donné :
exemples de l’entente entre les principales sociétés pétrolières américaines et européennes
(les « Seven Sisters ») qui ont organisé l’exploitation et la distribution des produits pétroliers
entre les années 1950 et 1980 à l’échelle de la planète, ou de l’action des principales banques
internationales qui a pu être à l’origine du développement d’un marché monétaire et financier
privé à l’échelle européenne (euro-devises ou euro-obligations).

En définitive, les sources du DIE sont : la plupart du temps d’origine internationale,


mais peuvent être également d’origine nationale ; de nature publique mais aussi parfois privée
(avec l’intervention –exceptionnelle- des ONG, et le développement des contrats passés
directement par des multinationales avec des Etats : les « contrats d’Etat » envisagés dans la
leçon 2).

Cette diversité des sources se conjugue avec une souplesse particulière de celles-ci
dans la sphère économique internationale : dans cette matière en effet, le pragmatisme est
de mise (souvent afin de répondre à l’urgence de la situation) et l’intitulé ou la forme de l’acte
importe moins que le consensus politique qui s’est créé lors de son acceptation : ainsi en est-
il des actes para-conventionnels (ou engagements non contraignants), expression permettant
de regrouper des actes qui juridiquement ne sont pas contraignants mais devront pourtant être
respectés de bonne foi par leurs auteurs.
Exemples : les déclarations ou communiqués adoptés à l’issue de réunions
internationales (G8 par exemple), les lignes directrices ou encore les pratiques
recommandées (respectivement « guidelines » et « best practices ») dans le
cadre de l’OCDE et de la Banque mondiale en particulier.

B – Les acteurs du DIE :


La liste des acteurs du DIE est identique à celle du droit international général : Etats,
organisations internationales, ONG, multinationales ; mais c’est leur manière d’intervenir
en cette manière qui peut présenter une certaine spécificité.

S’agissant de l’Etat, celui-ci est resté longtemps en retrait de nombreuses activités


économiques, se contentant de la gestion des aspects nobles de la souveraineté (la monnaie en
particulier) : c’était la conception de « l’Etat-gendarme ». Diverses considérations (recherche
de ressources budgétaires, volonté d’attirer les investisseurs étrangers…) l’ont conduit
progressivement à devenir un acteur économique (presque comme les autres) et à développer
sa « souveraineté économique » : c’est vrai pour les pays développés bien sûr, mais aussi –de
manière plus tardive- pour les pays devenus indépendants dans les années 1950 et 1960, qui
ont logiquement mis l’accent sur l’idée d’une souveraineté permanente sur leurs ressources
naturelles avant d’envisager la maîtrise des activités économiques en général.
Les Etats doivent cependant composer avec les contraintes que les organisations
internationales, de plus en plus nombreuses, leur imposent : en qualité de membres
d’organisations d’intégration économique (zones de libre-échange, unions douanières, voire
unions économiques et monétaires) auxquels ils délèguent leur souveraineté économique, leur
marge de manœuvre devient en effet étroite.

Les organisations internationales à vocation économique, régionales comme


multilatérales, jouent justement un rôle essentiel sur le plan de l’évolution normative du DIE :
couvrant les domaines essentiels de la sphère économique au sortir du second conflit mondial
comme la monnaie (FMI et Banque mondiale), le commerce (GATT), et la protection sociale
des travailleurs (OIT)), ces structures ont permis aux Etats d’institutionnaliser leurs rapports
et de dégager des règles communes de plus en plus partagées sur le plan géographique.
Toutefois, le foisonnement de ces organisations et leur autonomie croissante les unes par
rapport aux autres a conduit à une fragmentation du DIE, matérialisée par la coexistence
de régimes juridiques parfois difficilement conciliables pour les Etats membres
(« fragmentation normative ») et dont les chevauchements ne peuvent pas être
systématiquement réglés par les dispositifs de résolution des litiges dont elles se sont pour la
plupart dotées au plan interne (« fragmentation juridictionnelle »).

S’agissant enfin des multinationales, elles sont également actrices du DIE en


contractant directement avec des Etats qui n’ont pas les moyens techniques d’exploiter leurs
ressources naturelles (minières, gazières, pétrolières) ou de réaliser certaines infrastructures
publiques (routes, ponts, hôpitaux…) afin de le faire à leur place, la plupart du temps sous
forme de contrats de concession. Ces « contrats d’Etat » sont régis par un droit spécifique
visant à protéger tout à la fois les intérêts de l’entreprise cocontractante -qui recherche
le profit mais se trouve face à un partenaire d’un genre particulier-, et ceux de l’Etat
soucieux de faire participer plus largement l’entreprise partenaire à son essor
économique en évitant d’être « pillée »; ces contrats comportent notamment des clauses
particulières en cas de litige.

C – Les modalités de résolution des litiges en DIE :


Le particularisme du DIE apparaît enfin sur le terrain des modes de résolution des
litiges.

* Le règlement judiciaire correspond à l’hypothèse où un organe permanent, disant


le droit, va trancher un litige de nature interétatique, comme le fait notamment la Cour
internationale de justice (CIJ). Mais en DIE, les conflits ne naissent pas forcément d’un
contentieux opposant frontalement des Etats ; de plus, il est souvent reproché à la CIJ de ne
pas être familière des réalités économiques et donc d’être susceptible de rendre des verdicts
plus formalistes que réalistes (voir certains arrêts en matière de droit des sociétés : Barcelona
Traction (1970) et Elettronica Sicula (1989)).
* Le règlement arbitral offre quant à lui d’incontestables avantages : le ou les membres
de l’instance arbitrale sont choisis par les parties et en raison de leur compétence, il est apte à
statuer dans un délai relativement bref, et enfin la discrétion dont s’entoure la procédure sied
bien à la confidentialité des affaires internationales. Pour autant, cette solution n’est pas
forcément satisfaisante comme le prouvent les interprétations opposées sur toute une
série de notions (définition de l’investissement, de l’investisseur, clause du traitement juste et
équitable…) relevant du droit des investissements au sein du Centre international de
règlement des différends en matière d’investissements (CIRDI)…

Reste le règlement « internalisé » des différends : il s’agit d’un dispositif interne à


une organisation internationale et exclusif de tout recours au juge ou à un arbitre.
Retenue au départ au sein des organisations de Bretton Woods, cette solution s’est développée
dans les organisations gérant des produits de base et surtout dans l’OMC qui a succédé au
GATT le 1er janvier 1995 (voir leçon 3). Dans certains cas, un tel mécanisme a pu
progressivement donner naissance à un pouvoir « quasi-judiciaire »…

§ 3 : l’évolution des relations économiques internationales à l’époque moderne

L’histoire moderne du commerce international peut finalement se résumer au


fameux dilemme libre-échange/protectionnisme (pour des précisions : Ph. Vincent,
Institutions économiques internationales. Eléments de droit international économique,
Larcier, Bruxelles, 2013, pp. 14-45).
Remarque : Le libre-échange d’une part et le protectionnisme d’autre part
ne constituent pas des fins en soi : il s’agit simplement d’instruments à la
disposition des Etats pour tenter d’atteindre leurs objectifs macro-
économiques que sont le plein emploi, la stabilité des prix ou encore la
croissance économique.

Le libre-échange peut être défini comme un système économique dans lequel les
échanges sont libres de toutes entraves douanières, administratives ou autres. A l’inverse, le
protectionnisme vise à protéger le marché intérieur et à limiter les importations par la mise en
place de barrières qui peuvent être de différentes natures :
* les barrières tarifaires qui consistent à prélever des droits de douane ou des taxes à
l’importation : l’objectif est d’augmenter le coût du bien importé afin de réduire sa
compétitivité sur le territoire de l’Etat importateur ;
* les restrictions quantitatives (ou quotas) consistent à imposer des limitations au
volume des importations pouvant être effectuées pendant une certaine période (système de
licence d’importation afin de respecter les volumes fixés) ;
* enfin les barrières non tarifaires sont constituées de tous les autres obstacles aux
échanges : on les appelle parfois les obstacles techniques car ils portent sur la composition,
l’emballage, l’étiquetage, les normes de sécurité, les normes environnementales…

A partir du 15ème siècle, les mercantilistes (notamment Colbert, ministre des finances
de Louis XIV) furent parmi les premiers à défendre la mise en place de politiques
ouvertement protectionnistes ; à la fin du 18ème siècle, Adam Smith (avec sa théorie des
avantages absolus) puis David Ricardo (avec sa théorie des avantages comparatifs, ouvrage
en 1817 « Principes de l’économie politique et de l’impôt »)) devaient à l’inverse insister sur
les vertus du libre-échange.
L’idée essentielle est que les pays ont intérêt à se spécialiser dans la production d’une
marchandise pour laquelle ils sont efficaces en termes de quantité de travail
nécessaire (approche reprise au milieu du 20ème siècle, notamment par un auteur comme
Samuelson).
Principaux arguments en faveur du libre-échange : les entreprises, visant des marchés
plus larges que le seul cadre national, pourront faire des économies d’échelle ; les
consommateurs du pays importateur peuvent se procurer des marchandises à meilleur prix ;
le libre-échange entraînera une égalisation des coûts des facteurs de production (notamment
salariaux) augmentant le bien-être et le pouvoir d’achat de tous les pays participant au
commerce international…
Principales critiques : l’impossibilité pour les pays du Sud de renoncer aux taxes à
l’importation car ces recettes douanières constituent l’essentiel des rentrées financières de
ces pays ; le protectionnisme peut permettre de protéger, temporairement, les industries
naissantes et des secteurs stratégiques (agriculture, acier, produis chimiques…).
La Grande-Bretagne s’affirma comme la championne du libre-échange tout au long
du 19ème siècle (en raison de son industrialisation précoce) alors que les autres pays européens
allaient l’expérimenter sur des périodes très courtes, notamment la France et l’Allemagne. Le
reste du monde, notamment les Etats-Unis d’Amérique et le Japon, restaient pendant cette
période ouvertement protectionniste.
Aujourd’hui, même si la philosophie libre-échangiste incarnée par le GATT hier et
l’OMC aujourd’hui n’est pas véritablement remise en cause, certains proposent qu’elle soit
« tempérée », nuancée : théorie du « patriotisme économique » (notamment en France avec
Arnaud Montebourg il y a quelques années) permettant de « fermer » certains secteurs
(notamment au capitaux étrangers).

Au cours du 19ème siècle, l’institutionnalisation des relations internationales


commence avec la mise en place d’organisations gérant la circulation sur les fleuves
(Commissions sur le Rhin en 1831 et sur le Danube en 1856) puis se rapportant à divers
domaines techniques (l’Union télégraphique internationale en 1865, l’Union postale
universelle en 1878…). Mais ce mouvement ne touche pas encore le domaine économique.
Un premier « coup d’accélérateur » va se produire après la première guerre mondiale
car la Société des nations (SDN) -créée en 1919- va prôner le développement de la
coopération économique internationale dans le cadre du maintien de la paix et de la
sécurité internationales (art. 23 de sa charte constitutive) : c’est la première concrétisation
juridique de l’idée selon laquelle les problèmes économiques doivent connaître un traitement
international. Les efforts des Etats vont cependant se heurter à la crise de 1929 laquelle va
les conduire à protéger leur marché national entraînant ainsi une diminution significative des
échanges internationaux.
Finalement, la fin de la seconde guerre mondiale verra la mise en place de grandes
institutions internationales visant à structurer le nouveau système international que les
Etats appellent de leurs vœux : ce seront l’ONU avec la Charte de San Francisco de 1945
pour le domaine diplomatique, le FMI et la Banque mondiale (avec les accords de Bretton
Woods de 1944) pour le domaine financier et monétaire, l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de 1947 (remplaçant la Charte de la Havane de 1945, qui prévoyait
la création d’une Organisation internationale du commerce (OIC), mais ne sera jamais
ratifiée) pour le domaine commercial. Il faudra attendre 1995 pour qu’une véritable
organisation chargée de gérer les règles du commerce international soit créée,
l’Organisation mondiale du commerce (OMC), laquelle a donc vocation à encadrer
juridiquement la mondialisation.
C’est justement l’occasion de dire quelques mots de cette expression « mondialisation »
(Globalization pour les Anglo-saxons) que tout le monde connaît et qui présente une
importante charge idéologique.
La mondialisation décrit à la fois un état actuel de la société internationale et un
processus qui se développe au sein de cette société. Ce processus témoigne d’une rupture
majeure dans l’aménagement des sociétés et se caractérise tout à la fois par l’effacement
des frontières étatiques, la réduction des espaces, le développement des moyens de
transports et la révolution des communications : en bref, c’est l’avènement du « village-
monde » à travers une économie véritablement globale et non plus conçue comme une
simple addition de territoires nationaux.
Ce phénomène de mondialisation est profondément lié à une conception libérale de
l’économie (régulation des relations économique par le simple jeu du marché) et doit très
largement son épanouissement à l’ordre économique mis en place à l’issue du second conflit
mondial avec la suppression des obstacles aux changes, la libéralisation des mouvements de
capitaux et la logique de dérèglementation.
Alors que certains ont pu penser que cette mondialisation marquait la victoire ultime du
capitalisme, elle suscite aujourd’hui la critique, l’inquiétude des opinions publiques –
surtout avec la crise sanitaire, considérée par certains comme la « maladie-symbole » de
la mondialisation- des opinions publiques et oblige à s’interroger sur l’« ordre
économique international » actuel sous deux aspects : du point de vue des acteurs et du
point de vue des normes.

* Quant aux acteurs, leur place respective antérieure est remise en question :
- l’Etat souverain (longtemps élément central des relations internationales) semble
menacé, contesté, par un marché globalisé qu’il a du mal à maîtriser : certains auteurs
prétendent même que la mondialisation annonce le « dépérissement de l’Etat » dans la mesure
où ils doivent clairement renoncer à l’autonomie de leurs politiques économiques ;
- le rôle des organisations internationales est à l’inverse revalorisé car la
mondialisation impose une réponse mondiale aux questions telles que de la gestion des
marchés, le développement, la protection de la concurrence ou de l’environnement… A cet
égard, la création de l’OMC et son développement (164 Membres) sont emblématiques ; les
intégrations régionales (UE, Alena, Mercosur…) apparaissent également comme un
dépassement des Etats, la volonté de « recréer une certaine cohérence économique » pour
mieux organiser et réguler les marchés ;

- l’irruption de la « société civile » s’explique par le fait que leur « sort » ne se décide
plus désormais à l’échelon des Etats mais des organisations mondiales par lesquelles ils ne
peuvent être entendus que s’ils se mobilisent (cf. manifs à Seattle, « forums sociaux » à Gênes
ou Porto Alegre…) ; par là même, ils revalorisent le rôle des ONG qui peuvent fédérer leurs
revendications et défendre légitimement (c’est-à-dire de manière désintéressée) des intérêts
généraux (santé, environnement, droits de l’homme…) ;

- enfin, les entreprises transnationales sont incontestablement les premiers


bénéficiaires de cette économie mondialisée au développement duquel elles ont activement
participé ; mais les questions sur leur définition, leur statut ou encore leurs modes
d’intervention restent posées.

* Quant aux normes maintenant : la mondialisation aurait tendance à favoriser


l’harmonisation des législations nationales voire même le développement de normes
globales, émanant d’organisations multilatérales -comme le FMI (monnaie), l’OMC
(commerce)- qui interfèrent de plus en plus avec des enjeux non économiques tels la santé, les
normes sociales (la « clause sociale »), l’environnement ; elle aurait également pour
conséquence d’induire un renouvellement des méthodes d’élaboration des normes
faisant une place importante aux pratiques contractuelles, négociées, aux usages et
principes généraux du commerce international (avec les code de conduite privés, les
contrats-types notamment) provenant de opérateurs privés eux-mêmes et codifiés dans un
second temps par les OI et à la Soft-Law.

Nous regrouperons les leçons suivantes autour de 3 grands axes :

- les acteurs du DIE qui seront présentés de manière plus approfondie (I) ;
- le contenu (ou la substance) du DIE (II) ;
- enfin, les modalités contentieuses en DIE (III).

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