Territoires non coopératifs et à
fiscalité privilégiée en Côte d’Ivoire
Mensuel juridique et fiscal N°012
KPMG Côte d’Ivoire | Avril 2024
Introduction
Le 20 février 2024, le Conseil de l’Union
Européenne (UE) a procédé à une mise à jour
significative de sa liste des pays et territoires
considérés comme non coopératifs sur le plan fiscal.
Cette révision a entraîné le retrait de quatre
territoires de cette liste, à savoir les Bahamas, le
Belize, les Seychelles et les Îles Turks-et-Caicos. En
conséquence, la liste actualisée de l'UE comprend
désormais douze juridictions : les Samoa
américaines, Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les Fidji,
Guam, les Palaos, le Panama, la Fédération de
Russie, le Samoa, Trinité-et-Tobago, les Îles
Vierges américaines et le Vanuatu.
Cette mise à jour a des implications fiscales directes
en Côte d’Ivoire. En effet, conformément à l’article
38 du Code Général des Impôts (CGI), la Direction
Générale des Impôts (DGI) se réfère à cette liste
pour identifier les juridictions que la Côte d’Ivoire
considère comme non coopératives. Il est important
de noter que ces territoires non coopératifs incluent
non seulement ceux mentionnés dans les listes
noires de l’Organisation de Coopération et de
Développement Economique (OCDE) et de l’UE,
mais également ceux désignés comme tels par les
autorités fiscales ivoiriennes. Ces territoires listés
sont définis comme non coopératifs lorsqu'ils ne
sont pas liés à la Côte d’Ivoire par un accord
international permettant l’échange d’informations
fiscales.
En outre, les paradis fiscaux comprennent non
seulement les territoires non coopératifs, mais aussi
ceux qui sont considérés comme ayant une fiscalité
privilégiée.
Dans cette note, nous vous présentons les mesures
prises par la Côte d’Ivoire pour lutter contre les
transferts indirects de bénéfices vers les territoires
non coopératifs et les territoires à fiscalité
privilégiée.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.
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l’organisation mondiale KPMG constituée de cabinets indépendants affiliés à KPMG International Limited, une société de droit anglais
(« private English company limited by guarantee »). Tous droits réservés.
I. Notions de territoire à fiscalité
privilégiée et de territoire non coopératif
Suite à l'adhésion de la Côte d'Ivoire au cadre
inclusif pour la mise en œuvre des mesures du
projet de lutte contre l'érosion de la base imposable
et le transfert de bénéfices (Projet BEPS de l'OCDE)
le 2 novembre 2016, la définition des territoires à
fiscalité privilégiée et des territoires non coopératifs
a évolué de l'annexe fiscale 2017 à l'annexe fiscale
2019.
1.1. Définitions antérieures
L'article 15 de l'annexe fiscale de 2017 a introduit la
notion de territoire non coopératif ou à fiscalité
privilégiée à l'article 38 du CGI. Selon cet article, ces
territoires étaient uniquement ceux qui figurent sur la
liste noire des pays non coopératifs de l’OCDE et
qui n'ont pas conclu d'accord d'échange de
renseignements fiscaux avec la Côte d'Ivoire. En
pratique, l'application de ce dispositif s'est avérée
difficile en raison de l'absence d'une liste à jour de
l'OCDE et du manque de dispositions dans l'article
38 du CGI permettant à la Direction Générale des
Impôts (DGI) de se référer à une autre liste.
Pour améliorer l'efficacité de la lutte contre les
transferts abusifs de bénéfices hors de la Côte
d’Ivoire, l'article 14 de l'annexe fiscale 2018 a élargi
la définition des territoires non coopératifs ou à
fiscalité privilégiée. En plus des territoires identifiés
par l'OCDE, il a été ajouté ceux de la liste noire de
l'UE et ceux désignés comme tels par les autorités
fiscales ivoiriennes, sous réserve de l'absence
d'accords d'échange de renseignements fiscaux
entre la Côte d'Ivoire et ces territoires.
Enfin, l'article 17 de l'annexe fiscale 2019 a introduit
une distinction entre les territoires à fiscalité
privilégiée et les territoires non coopératifs, pour
tendre vers un alignement de la législation ivoirienne
sur les normes internationales en la matière.
Ainsi, les territoires non coopératifs sont non
seulement ceux qui figurent sur les listes noires de
l’OCDE et de l’UE mais également ceux identifiés
comme tels par les autorités fiscales ivoiriennes.
Quant aux les territoires à fiscalité privilégiée, il
s’agit de ceux dans lesquels les revenus provenant
de la Côte d’Ivoire sont soumis à un impôt sur les
bénéfices ou à tout autre impôt sur le revenu, d’un
montant inférieur à la moitié de celui qui serait perçu
en Côte d’Ivoire, si de tels revenus y étaient
imposables.
Dans ces deux cas, selon l’article 38 du CGI,
lorsqu’un territoire est lié à la Côte d’Ivoire par un
instrument international prévoyant l’échange de
renseignements à des fins fiscales, celui-ci ne peut
être considéré comme un territoire non coopératif ou
à fiscalité privilégiée.
1.2. Définitions en vigueur
a. Territoires à fiscalité privilégiée
Selon les termes de l’article 38 du CGI actuellement
en vigueur, suite aux amendements apportés par
l'article 17 de l'annexe fiscale 2019, « sont
considérés comme territoires à fiscalité privilégiée,
les territoires dans lesquels les revenus ou sommes
provenant de la Côte d’Ivoire sont taxables à un
impôt au titre des bénéfices ou à toute autre nature
d’impôt sur le revenu, dont le montant est inférieur à
la moitié de l’impôt qui aurait été perçu en Côte
d’Ivoire, si de tels revenus ou sommes y étaient
imposables ».
Conformément à cette disposition, la définition des
territoires à fiscalité privilégiée repose sur des
critères cumulatifs précis :
• les revenus provenant de la Côte d’Ivoire vers le
territoire concerné doivent être taxables à un
impôt au titre des bénéfices ou à toute autre
nature d’impôt dans ce territoire ;
• le montant de cet impôt doit être inférieur à la
moitié de celui qui aurait été perçu en Côte
d’Ivoire sur ces mêmes revenus,
indépendamment de la nature ou de la
dénomination de cette taxation.
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Selon les commentaires de l’annexe fiscale 2019
par l’administration fiscale ivoirienne, « pour la
détermination du niveau de taxation des revenus
considérés aux fins de comparaison avec
l’imposition ivoirienne, il est tenu compte du taux
légal d’imposition appliqué à ces revenus dans ledit
pays, de la base servant à l’imposition ainsi que des
éventuelles mesures légales et administratives
ayant pour conséquence d’aboutir en définitive à un
niveau d’imposition inférieur à 50% de l’imposition
ivoirienne. » Ainsi, le critère de comparaison est le
taux effectif d’imposition.
Enfin, selon l’article 38 du CGI, la qualification de
territoire à fiscalité privilégiée ne joue pas si la Côte
d’Ivoire a conclu avec celui-ci un accord prévoyant
l’échange de renseignements à des fins fiscales.
Mais, la DGI a adopté une position différente dans
ses commentaires sur l’annexe fiscale 2019, en
affirmant que « la définition de territoire à fiscalité
privilégiée n’est plus influencée ni par la liste noire
de l’OCDE ou celle de l’UE, ni par l’existence entre
la Côte d’Ivoire et de tels pays, d’un accord
prévoyant l’échange de renseignements à des fins
fiscales».
b. Territoires non coopératifs
Les territoires non coopératifs sont ceux répertoriés
sur les listes de l'UE, de l'OCDE ou des autorités
fiscales ivoiriennes, et qui n'ont pas conclu avec la
Côte d'Ivoire d'accord pour l'échange de
renseignements à des fins fiscales.
• La liste de l’UE comprend les territoires qui n'ont
pas engagé de dialogue constructif avec l'UE sur
la gouvernance fiscale ou qui n'ont pas respecté
leurs engagements en matière de réformes pour
la transparence fiscale, l'équité fiscale et la
conformité aux normes internationales visant à
prévenir l'érosion de la base d'imposition et les
transferts de bénéfices.
• Actuellement, aucun territoire ne figure sur la liste
des paradis fiscaux de l'OCDE.
• A date, la DGI n'a pas établi sa propre liste de
territoires non coopératifs. En pratique, elle se
réfère aux listes de l'UE et de l'OCDE pour
identifier ces juridictions.
• La qualification de territoire non coopératif ne
joue pas si la Côte d’Ivoire a conclu avec ce pays
un accord prévoyant l’échange de
renseignements.
II. Régime fiscal des flux financiers Ces restrictions s'appliquent automatiquement,
vers les territoires coopératifs et à sans nécessité de prouver un lien de dépendance
ou de contrôle entre l’entreprise débitrice ivoirienne
fiscalité privilégiée
et le bénéficiaire situé dans un pays ou territoire à
fiscalité privilégiée ou non coopératif. La
Pour garantir l'efficacité de la liste des territoires à
présomption de lien de dépendance est irréfragable.
fiscalité privilégiée et non coopératifs, le législateur a
mis en place des mesures défensives en matière A titre de rappel, un lien de dépendance se
fiscale visant à protéger les recettes fiscales et à manifeste lorsque: (i) une entreprise détient
contrer les flux financiers indirects vers ces directement ou indirectement des parts dans le
territoires. capital social de l'autre ou y exerce un pouvoir de
décision effectif; (ii) ces entreprises sont dans une
En conséquence, les transactions réalisées avec des
relation similaire avec une tierce partie; (iii) elles font
entreprises établies dans des pays ou territoires à
partie du même groupe sans entrer dans les cas
fiscalité privilégiée ou non coopératifs sont soumises
précédents.
à des régimes fiscaux plus contraignants en ce qui
concerne l'impôt sur les bénéfices industriels et L’existence d’un lien de dépendance peut également
commerciaux (IBIC) et les impôts sur le revenu des découler de situations de fait où une entreprise
capitaux mobiliers (IRCM). impose des conditions économiques à une autre qui
seraient inapplicables dans des relations entre
Ces mesures de défense s'appliquent de manière
entreprises indépendantes.
équivalente aux territoires non coopératifs et aux
territoires à fiscalité privilégiée.
2.2. Majoration des IRCM
2.1. Limitation de déductibilité au titre de l’IBIC
Les IRCM comprennent l’impôt sur le revenu des
Conformément à l’article 38 du CGI, les entreprises valeurs mobilières (IRVM) et l’impôt sur le revenu
ivoiriennes ayant un lien de dépendance ou de des créances (IRC).
contrôle avec des entreprises étrangères sont
En l'absence de convention fiscale, l'IRC est
soumises à des restrictions quant à la déduction des
appliqué aux intérêts à un taux standard de 18%,
rémunérations intragroupe de services. Elles ne
tandis que l'IRVM est appliqué aux dividendes à un
peuvent déduire ses charges qu'à hauteur de 5% de
taux standard de 15%. Il convient de noter que le
leur chiffre d’affaires hors taxes et de 20% de leurs
CGI prévoit d'autres taux pour certains types de
frais généraux. En cas de versement à un
revenus de créances et de valeurs mobilières.
bénéficiaire situé dans un territoire à fiscalité
privilégiée ou non coopératif, la déduction de ces Selon l'article 15 de l'annexe fiscale 2017, une
sommes est plafonnée à 50% de leur montant brut, majoration du montant de l'IRVM et de l'IRC est
en plus des limites précédemment mentionnées. établie lorsque des sommes imposables sont
versées à des bénéficiaires situés dans des
Pour l’application des trois limites ci-dessus, le lien territoires à fiscalité privilégiée ou non coopératifs.
de dépendance ou de contrôle n’est pas requis Dans de tels cas, le montant de l'impôt à retenir à la
lorsque le bénéficiaire des sommes se trouve dans source par la partie ivoirienne effectuant le paiement
un pays ou territoire à fiscalité privilégiée ou non est majoré de 25%.
coopératif.

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