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35 Brûlures
Écrit par :
Jennifer Seigel, RN, CPNP, CWCN
Carrie M. Wilson, MSN, RN,
CPNP-PC, CPNP-AC, WCC
Mary Alice McCubbins, RN, MSN,
CPCP-PC, TNS, Lt Col USAF (ret)
Adapté par :
Caty Dallaire, inf., B. Sc.
Ilinca Tanasa, inf., M. Sc.
D
epuis la n des années 1980, une baisse de l’incidence des brûlures ainsi que des
hospitalisations et décès associés est constatée (American Burn Association [ABA],
2011 ; Lancaster, Miller, Bessey et al., 2007). Cette tendance s’explique en grande
partie par les campagnes d’information et de prévention des incendies, la mise sur pied de
centres de soins spécialisés pour les victimes de brûlures graves, ainsi que par une meilleure
réglementation des produits de consommation et la mise en œuvre de normes de sécurité
au travail. De nombreux programmes et plusieurs organisations se consacrent à la prévention
de ces lésions. Toutefois, malgré une baisse de l’incidence globale de ce type de blessure, les
données de 2010-2011 démontrent une augmentation des signalements de brûlures consécu-
tives à un acte de violence physique à l’endroit de la clientèle pédiatrique (Association des
centres jeunesse du Québec, 2011). Au Canada, 254 cas de brûlures jugées graves et qui ont
nécessité une hospitalisation ont été recensés en 2008-2009 (Institut canadien d’information
sur la santé, 2011).
Des avancées spectaculaires ont été réalisées dans le domaine des soins aux grands brûlés.
Au milieu du xxe siècle, l’état de choc consécutif à une brûlure était très souvent mortel ; sinon,
l’infection ou l’insufsance respiratoire pouvaient emporter les victimes. L’amélioration des
techniques de réanimation liquidienne et de gestion d’épisodes de soins aigus de même que
l’excision et les greffes précoces ont permis de diminuer les taux de mortalité. De plus, la
priorité accordée à l’excision précoce d’escarres en cas de brûlures plus étendues et profondes
réduit le risque d’infection des plaies et d’hypercatabolisme, ainsi que le nombre d’interventions
chirurgicales et la durée du séjour hospitalier (Pham & Gibran, 2007). Au Canada, les lignes
directrices qui déterminent les normes des meilleures pratiques sont celles émises par l’ABA.
Une brûlure majeure déclenche une réponse très importante de l’organisme et provoque
une atteinte multiorganique. La connaissance des changements locaux et systémiques associés
aux besoins du client est essentielle pour prodiguer des soins, qui sont extrêmement exigeants
pour l’inrmière travaillant auprès des grands brûlés. L’objectif de ce chapitre est de présenter
les notions de base permettant de comprendre la complexité du traitement des brûlures et de la
réponse de l’organisme à de telles lésions.
35
FIGURE 35.1
Anatomie de la peau.
35
35.4 Physiopathologie
La température ou la causticité de l’agent de combus-
tion et la durée du contact entre la peau et la source
déterminent le degré d’atteinte tissulaire. La brûlure
devient habituellement apparente lorsque la peau est
en contact avec un élément dont la température se
situe entre 40 et 44 °C. La plaie provoquée par la brû- FIGURE 35.3
lure est à l’origine des effets locaux et systémiques Zones de brûlure.
de sa profondeur et de sa supercie, et elle peut repré- Dans une brûlure supercielle (du 1er degré), seules
senter un dé pour les professionnels de la santé les les deux ou trois premières des cinq couches de l’épi-
plus expérimentés. L’approche thérapeutique des derme sont atteintes. L’érythème et un léger inconfort
brûlures étant étroitement liée à l’exactitude de l’éva- caractérisent ces brûlures. La douleur, le principal
luation de leur gravité, de nouvelles stratégies per- symptôme, disparaît généralement en 48 à 72 heures.
mettant d’évaluer la gravité des brûlures avec plus Le coup de soleil et les brûlures mineures causées par
de précision sont à l’étude et prennent en compte, la vapeur de cuisson sont des exemples communs de
par exemple, la présence de collagène dénaturé ou ce type de brûlure. Ces plaies guérissent en deux à
d’un œdème, ou encore l’altération de la circulation sept jours et n’exigent pas d’intervention médicale,
sanguine. L’imagerie par laser doppler sans contact hormis le soulagement de la douleur, le traitement 35
permet d’obtenir une cartographie couleur de l’irri- du prurit et une bonne hydratation. L’œdème est
gation sanguine de la brûlure (Gomez & Cancio, une complication rare à ce stade. Les brûlures super-
2007). Parmi les autres techniques d’évaluation de la cielles ne sont pas incluses dans le calcul du pour-
profondeur de la brûlure gurent les colorants vitaux, centage de la surface corporelle brûlée.
l’ultrasonographie, la thermographie et l’imagerie par Dans une brûlure partielle (du 2e degré), toutes les
résonance magnétique (Singer et al., 2007). Ces tech- couches de l’épiderme et une partie du derme sous-
niques font toujours l’objet d’études, car le manque jacent sont atteintes (Lloyd et al., 2012). Ce type de
de pertinence clinique perçu constitue actuellement brûlure est généralement causé par un bref contact
une limitation à leur utilisation. avec les ammes, un liquide chaud ou des substances
chimiques FIGURE 35.6. Une coloration rouge pâle à sont détruites FIGURE 35.8. L’apparence d’une brûlure
rouge vif ou un aspect marbré caractérisent les brû- profonde est sèche, blanche, pâle ou carbonisée et
lures du 2e degré d’épaisseur supercielle. Ce type peut avoir l’aspect du cuir. Le tissu adipeux peut être
de brûlure blanchit à la pression (Lloyd et al., 2012). exposé. La brûlure du 3e degré est habituellement
La plaie peut être extrêmement douloureuse et sen- indolore et insensible à la palpation. Comme tous les
sible à l’air, apparaître humide et suintante et présen- éléments de l’épithélium ont été détruits, la plaie ne
ter des phlyctènes. L’augmentation de la perméabilité peut pas guérir par réépithélialisation. Dans le cas
des capillaires lésés a pour conséquence le déplace- d’une brûlure profonde sur une surface inférieure
ment du liquide intravasculaire vers le compartiment à 4 cm2, la plaie se referme par contraction. Les brû-
interstitiel, ce qui provoque la formation de phlyc- lures profondes de plus grande supercie exigent
tènes. Malgré l’atteinte de toute la couche épider- une greffe de peau. Les personnes présentant ce
mique, une brûlure de cette profondeur guérit en 7 à type de brûlures sont très vulnérables aux infections,
21 jours, et elle peut laisser des cicatrices. aux déséquilibres liquidien et électrolytique, aux
Dans une brûlure partielle d’épaisseur profonde troubles de la thermorégulation et à des perturbations
(2e degré profond), tout l’épiderme et la quasi-totalité métaboliques.
du derme sont atteints (Lloyd et al., 2012). Ce type de brû- Il est important de déterminer la profondeur de
lure survient habituellement au contact de solides ou la brûlure an de prodiguer les soins appropriés,
de liquides chauds, ou à l’exposition aux radiations. mais il est difcile de distinguer les brûlures par-
La brûlure partielle d’épaisseur profonde n’est pas tielles des brûlures profondes. À la première inspec-
caractérisée par la formation de phlyctènes. Le dépla- tion, la profondeur d’une brûlure peut difcilement
cement de liquide intravasculaire vers l’espace extra- être déterminée avec exactitude, étant donné la pro-
vasculaire est minime en raison de l’irrigation gression pouvant survenir durant les premiers jours.
sanguine diminuée à la lésion. La plaie est rouge, avec Elle nécessite donc des réévaluations fréquentes. Les
des plaques blanches par endroits, et elle blanchit à
la pression. La nécrose dermique et les protéines coa-
gulées en surface modient la couleur de la plaie en
passant du blanc au jaune, et son aspect évolue avec
le temps FIGURE 35.7. La guérison de ce type de plaie
est plus longue, rarement spontanée, et elle requière
une excision chirurgicale et une greffe. Ce processus
de cicatrisation par épithélialisation peut prendre
jusqu’à six semaines. Si elle n’est pas traitée, une plaie
de ce type peut guérir en présentant un épithélium
instable, une cicatrisation hypertrophique tardive et
la formation de contractures marquées (Lloyd et al.,
2012). Une brûlure partielle d’épaisseur profonde peut
évoluer en brûlure de type profonde si elle s’infecte,
si l’irrigation sanguine est réduite ou si cette région
subit un nouveau trauma. Le traitement de choix est
l’excision chirurgicale et la greffe de peau.
Dans une brûlure profonde (du 3e degré), toutes FIGURE 35.8
les couches de la peau, y compris le tissu sous-cutané, Brûlure profonde (3e degré) sur la face postérieure de la main.
Localisation de la brûlure
La localisation de la lésion peut être un facteur déter-
minant pour établir les soins requis. Selon les critères FIGURE 35.9
de l’American College of Surgeons (2007), les brû- Brûlure de contact partielle sur la paume.
lures touchant le visage, les mains, les pieds, les
organes génitaux, le périnée et les principales articula-
possible, il faut retirer les bagues, les montres et les
tions sont traitées de préférence dans un centre spécia-
bijoux des membres lésés an d’éviter tout effet de
lisé de soins aux grands brûlés. Ces brûlures touchent
garrot au moment de l’apparition d’œdème.
les régions fonctionnelles de l’organisme et nécessitent
souvent une intervention spécialisée FIGURE 35.9.
Elles peuvent entraîner une morbidité importante à 35.5.1 Voies respiratoires
long terme en raison des déciences fonctionnelles et La priorité dans les soins d’urgence aux victimes de
des altérations esthétiques qu’elles provoquent. brûlures est de stabiliser et de protéger les voies res-
piratoires. Selon les circonstances entourant la brû-
lure, s’il existe une possibilité d’instabilité cervicale,
35.5 Manifestations cliniques il est nécessaire d’immobiliser la colonne cervicale
et examens paracliniques (Prem et al., 2009). Si le client est brûlé au visage ou
s’il a été exposé au feu dans un espace clos, il faut
Les objectifs des soins aigus prodigués au client vic- soupçonner une lésion par inhalation. L’intoxication
time de brûlures thermiques visent à le maintenir en au monoxyde de carbone est associée à des taux de
vie en le stabilisant sur les plans hémodynamique et mortalité élevés. On mesure le taux de carboxyhé-
respiratoire. La brûlure a un impact multisystémique, moglobine (HbCO), et une oxygénothérapie est ins-
et il importe d’intervenir promptement an d’établir taurée. Pour toute personne atteinte de brûlures
les priorités de soins (Prem et al., 2009). majeures ou chez qui une lésion par inhalation est
La phase de réanimation et de stabilisation com- soupçonnée, il faut d’abord administrer de l’oxygène
mence immédiatement après la survenue de la brû- à 100 % (Prem et al., 2009). L’inrmière observe le
lure. La première heure est déterminante pour le client an de détecter les manifestations cliniques
transfert vers un établissement de soins approprié. des troubles de l’oxygénation tels que la tachypnée,
Les 24 à 36 heures après l’accident le sont également l’agitation, l’anxiété et l’obstruction des voies respi-
pour optimiser le traitement. Les soins donnés durant ratoires supérieures (p. ex., un enrouement, un stri-
cette période ont une incidence majeure sur la survie dor, une respiration sifflante). Une intubation
de la personne et sur sa réadaptation ultérieure. précoce peut sauver la vie d’une personne atteinte
Au cours de l’évaluation clinique, il est judicieux d’une lésion par inhalation, car il peut devenir
de chercher à connaître les circonstances de l’acci- impossible d’effectuer cette procédure ultérieure-
dent. Par exemple, une explosion simultanée projette ment, après l’obstruction du larynx par l’œdème. La
la personne à une certaine distance et peut provoquer nécessité d’effectuer fréquemment des prélèvements
des traumatismes orthopédiques, neurologiques et sanguins et les avantages du monitorage de la pres-
internes concomitants. Dans le cas d’une brûlure sion artérielle (P.A.) en continu peuvent justier
chimique, il faut déterminer précisément les agents 35
l’installation d’une canule.
en cause. Il est également utile de connaître quelles
substances ont été brûlées ou inhalées et la durée
pendant laquelle la personne a été exposée à la 35.5.2 Fonction respiratoire
fumée. L’histoire détaillée devrait inclure les circons- Les brûlures profondes circonférentielles touchant
tances entourant l’accident, la localisation et l’éten- la paroi de la cage thoracique peuvent avoir un effet
due de la brûlure, le type et le volume de liquide déjà restrictif sur la compliance pulmonaire. Une diminu-
administré, l’âge de la personne, ses allergies tion de la compliance exige une pression de ven-
connues, son statut vaccinal à l’égard du tétanos et tilation plus élevée pour assurer une oxygénation
ses antécédents médicaux importants. Dès que adéquate au client. Chez la personne non intubée, les
client un soluté par perfusion au moyen d’un cathé- Sites privilégiés pour les incisions d’escarrotomie.
ter de gros calibre dans une veine périphérique. La
solution de lactate Ringer, une solution cristalloïde
diminution de l’irrigation des tissus environnants
isotonique, est le liquide de réanimation le plus sou-
à la brûlure, ce qui entraîne une progression
vent utilisé. Administré en grandes quantités, il peut
de la gravité de celle-ci (Gomez & Cancio, 2007).
rétablir le débit cardiaque dans la plupart des cas.
Le volume de remplacement requis peut être beau-
On le préfère à la solution saline physiologique parce
coup plus élevé que l’estimation obtenue à l’aide de
que ses caractéristiques sont similaires à celles du
la formule de Parkland. Les recommandations
liquide extracellulaire. Il ne faut pas administrer de
applicables à de telles situations sont présentées
diurétiques durant la phase de réanimation liqui-
plus loin dans le présent chapitre. Pour la clientèle
dienne du traitement des brûlures. pédiatrique, une solution contenant du dextrose est
Conformément à la formule de Parkland, 50 % administrée à un débit d’entretien en même temps
du volume de remplacement calculé est administré que le liquide de réanimation (Pham, Cancio &
au client durant les 8 premières heures après la Gibran, 2008).
brûlure, 25 % au cours des 8 heures suivantes et le Un monitorage continu au moyen d’un électrocar-
dernier 25 % durant la troisième période de 8 heures diogramme (ECG) est préférable dans les cas de brû-
TABLEAU 35.1. Il est important de se rappeler que lures thermiques graves, de brûlures électriques, de
le calcul de volume de remplacement requis est une lésions par inhalation ou de traumas connexes. La
valeur de référence, quelle que soit la formule uti- mise en place des électrodes peut être difcile lorsque
lisée. La réanimation liquidienne étant un proces- les brûlures sont étendues, auquel cas il faut choisir
sus dynamique, le débit d’administration du liquide des emplacements non standards sur la peau saine.
est ajusté en fonction de la réponse du client,
laquelle est déterminée par le débit urinaire, la fré-
quence cardiaque et la P.A., ainsi que par le dosage
35.5.4 Physiopathologie du choc
précis des volumes administrés et excrétés durant consécutif aux brûlures
la réanimation. La sous-réanimation peut engen- Les brûlures dont l’étendue représente plus de 20 %
drer un débit cardiaque inadéquat, menant à une ir- de la surface corporelle totale peuvent provoquer un
rigation insufsante des organes et à un risque de choc (Pham et al., 2007), qui est déni par une irri-
dégradation d’une brûlure partielle (2 e degré) à gation cellulaire inadéquate.
une brûlure profonde (3e degré). La surréanimation Le premier élément du choc consécutif aux brû-
peut provoquer un œdème excessif causant une lures est hypovolémique. À l’échelle tissulaire, il se
Solution électrolytique • Solution de lactate Solution de Solution de Solution de Lactate de sodium hypertonique
Ringer lactate Ringer lactate Ringer lactate Ringer (sodium, 250 mEq/L)
Dose : ml/kg/% de surface corporelle • 2-4 4 2 1,5 Débit en fonction d’un dé-
totale brûlée* • 50 % du liquide durant bit d’excrétion urinaire
les 8 premières heures de 30-50 ml/h
• 50 % du liquide durant
les 16 heures suivantes
Exemples avec la formule de consensus de l’ABA : client de 85 kg dont les brûlures couvrent 35 % de la surface corporelle totale brûlée
2 975 ml durant les 8 premières 4 462 ml durant les 8 pre- 5 950 ml durant les 8 premières heures = 744 ml/h
heures = 372 ml/h mières heures = 558 ml/h
2 975 ml durant les 16 heures 4 462 ml durant les 16 heures 5 950 ml durant les 16 heures suivantes = 372 ml/h
suivantes = 186 ml/h suivantes = 279 ml/h
* Ajuster ces débits pour maintenir un débit d’excrétion urinaire supérieur à 30 ml/h chez l’adulte ou à 1 ml/kg/h chez l’enfan t.
produit une dilatation des capillaires et des petits La pression oncotique plasmatique diminue à cause
vaisseaux, ainsi qu’une augmentation de leur per- de la fuite des protéines dans l’espace extravascu-
méabilité. Le plasma s’inltre dans les tissus envi- laire. Le plasma est ensuite dilué à nouveau par la
ronnants, ce qui produit des phlyctènes et des réanimation liquidienne. La pression osmotique
œdèmes. Le type, la durée et l’intensité de la brûlure diminue, ce qui accentue le phénomène d’extrava-
sont autant de facteurs qui inuent sur le volume de la sation du liquide.
perte liquidienne. Cette perte graduelle de liquide Les médiateurs locaux et systémiques tels que
intravasculaire cause un décit liquidien systé- l’histamine, les prostaglandines, les kinines et les
mique important et produit un œdème généralisé. Ce radicaux libres sont également à l’origine de l’œdème
phénomène est propre aux brûlures thermiques. et des problèmes cardiovasculaires observés chez les
La formation d’œdèmes consécutive aux brû- personnes victimes de brûlures. Ces médiateurs aug-
lures est attribuable à plusieurs facteurs. Les modi- mentent, entre autres, la vasodilatation artériolaire
cations des propriétés de la paroi des capillaires et la perméabilité capillaire (Pham et al., 2007). La
sont le résultat de l’activation des médiateurs de modulation de la réponse de l’organisme à ces
l’inammation par la brûlure. La perméabilité vas- médiateurs fait l’objet de recherches.
culaire aux protéines et à l’eau augmente, ce qui Les changements se produisant dans le volume de
provoque un œdème. Dans la plupart des formes liquide intravasculaire, conjugués à l’action des
de choc, la pression capillaire diminue à cause de médiateurs inammatoires et vasoconstricteurs, ont
la vasoconstriction artériolaire. Toutefois, en pré- des conséquences sur le plan hémodynamique chez
sence d’une brûlure, une augmentation de la pres- le client brûlé. Parmi celles-ci gurent la diminution
sion capillaire est observée dans les tissus lésés de la contractilité du myocarde qui cause la baisse du
35
depuis les premières minutes jusqu’à quelques débit cardiaque malgré une réanimation liquidienne
heures après la survenue de la lésion, ce qui pro- adéquate et l’augmentation des résistances vascu-
voque une fuite de liquides des capillaires pendant laires systémique et pulmonaire. L’augmentation de
les 24 premières heures (Pham et al., 2007). la résistance vasculaire pulmonaire, couplée à la per-
L’augmentation de la pression capillaire cause l’ap- méabilité capillaire accrue, peut conduire à un
parition d’une pression hydrostatique interstitielle œdème pulmonaire. Pour favoriser une réanimation
négative dans la brûlure après une lésion thermique. optimale, le volume de remplacement administré doit
Cette pression négative crée des conditions favo- être calculé avec soin an de maintenir le volume
rables à la formation d’un œdème, qui se forme vasculaire durant les toutes premières heures suivant
environ deux heures après la survenue de la lésion. la brûlure. Une réanimation liquidienne précoce et
Sulfadiazine • Application facile et indolore • Possibilité d’entraîner une • Surveiller la numération des leucocytes.
d’argent • Large spectre leucopénie passagère par la • Observer les plaies pour déceler tout signe de
(FlamazineMD) • Cas rares de réactions allergiques suppression de la moelle tunnélisation et d’infection sous l’escarre.
• Pénétration minimale de l’escarre • Surveiller les résultats des cultures.
• Inefcace avec certains organismes
Gram négatifs résistants
Crème à l’acétate • Large spectre, mais plus spécique • Application douloureuse, car crème • Assurer une analgésie adéquate.
de mafénide contre Pseudomonas épaisse difcile à étendre • Surveiller les GSA.
• Pénétration de l’escarre • Cas rares d’acidose métabolique • Surveiller l’apparition de signes d’hyperventilation
• Cas fréquents de réactions compensatoire de l’acidose métabolique.
allergiques • Surveiller l’apparition d’éruptions cutanées.
Argent pur • Application indolore • Obligation de garder humide avec • Garder la literie sèche.
• Large spectre, incluant champignons de l’eau stérile, et non avec une
et organismes résistants solution saline
• Cas rares de réactions allergiques
• Changements de pansement moins
fréquents
• Aucun effet secondaire rapporté
La crème à l’acétate de mafénide pénètre l’escarre cutanée imputable aux levures est associée à l’utili-
de la brûlure et possède des propriétés bactériosta- sation répétée de bacitracine.
tiques à l’égard d’un grand nombre d’organismes L’argent est utilisé depuis longtemps pour le trai-
Gram négatifs et Gram positifs (Connor-Ballard, tement des plaies en raison de ses propriétés bacté-
2009). Son usage demeure limité en raison de la sen- riostatiques à large spectre. L’humidité de la plaie
sation de brûlure qu’elle produit et de sa rapidité active les ions d’argent et permet leur libération
d’absorption, ce qui rend nécessaire une application continue ; ainsi, un changement quotidien de ce type
répétée. Elle est habituellement utilisée pour la pro- de pansement n’est pas requis. Le pansement à
tection des petites plaies situées dans des régions l’argent doit être utilisé avec discernement et pen-
anatomiques comprenant du cartilage, comme les dant une période ne dépassant pas quatre à six
oreilles et le nez (Connor-Ballard, 2009). L’utilisation semaines, malgré l’absence de conséquences systé-
d’acétate de mafénide peut provoquer une acidose miques ou locales négatives, pour éviter l’augmen-
métabolique TABLEAU 35.2. tation des taux sériques d’argent, dont l’effet demeure
La solution d’acétate de mafénide 5 % est moins mal connu (Bryant & Nix, 2007 ; Leaper, Ayello,
douloureuse à l’application que la crème, elle est de Carville et al., 2012).
plus iso-osmolaire et moins asséchante pour la plaie. Une revue systématique Cochrane a démontré
Un pansement saturé de cette solution est appliqué qu’une guérison plus rapide et une diminution dans
sur la plaie, puis l’inrmière le réhumidie au la fréquence des changements de pansements, signi-
besoin. La solution pénètre mieux à travers l’escarre ant moins de douleur pour le client, ont été rappor-
que la sulfadiazine d’argent et possède des effets tées avec l’utilisation de substituts cutanés
antimicrobiens supérieurs à celle-ci, mais n’a pas comparativement à la sulfadiazine d’argent en crème
d’effet antifongique. (Wasiak, Cleland & Campbell, 2008).
La bacitracine en onguent est un agent topique
utilisé pour les brûlures supercielles et les brûlures Débrider les plaies
du visage. Elle est efcace contre les organismes L’escarre est le tissu non viable qui se forme après la
Gram positifs, mais pas contre les Gram négatifs ou brûlure. Ce tissu n’est pas vascularisé, et les granulo-
les champignons. L’apparition d’une éruption cytes ainsi que les anticorps ne peuvent le pénétrer.
Autogreffe • Couverture permanente des plaies • Elle est non antigénique. • Il peut y avoir retard dans la couverture des
• Utilisation en feuillets ou en lets • Elle est peu coûteuse. plaies en l’absence de site donneur disponible.
• Le méchage permet d’utiliser un petit • Les sites donneurs sont des plaies
fragment de tissu pour couvrir une douloureuses.
surface plus grande. • Elle doit être effectuée au bloc opératoire.
Homogreffe • Couverture temporaire des plaies • Elle peut être posée au chevet du client • Il y a possibilité de transmission de maladies.
(allogreffe) ou en salle d’opération. • Antigénique, elle est rejetée par l’organisme 35
• Elle permet une vascularisation des environ deux semaines plus tard.
plaies profondes. • Elle n’est pas disponible dans tous les centres
• Elle procure un meilleur contrôle de soins aux grands brûlés.
de la croissance bactérienne que • Elle est coûteuse.
la xénogreffe. • Elle exige un contrôle de la qualité rigoureux.
Hétérogreffe • Couverture temporaire des plaies • La durée de conservation est plus longue • Elle est antigénique.
(xénogreffe) • Traitée à la sulfazidine d’argent que celle de l’allogreffe. • Elle présente un grand risque d’infection.
• Possibilité d’être méchée ou non • Elle se présente sous différents formats.
FIGURE 35.14
sa tension. Les stéroïdes injectables ou topiques sont A2
Greffe cutanée demi-épaisseur cicatrisée aux pieds. utilisés pour le traitement des cicatrices hypertro-
phiques ; cependant, ils peuvent causer des effets Les soins et les traitements
secondaires indésirables. Les injections de corticos- inrmiers adaptés aux
an FIGURE 35.15. Ils permettent de réduire l’irrigation problèmes découlant de
sanguine des cicatrices et pourraient, par la résis- téroïdes inhibent la croissance des broblastes et
la phase de réadaptation
tance qu’ils offrent, faciliter l’organisation du réseau favorisent la dégradation du collagène, ce qui apla-
de l’état de santé du client
de bres de collagène en formation (Blakeney et al., tit et ramollit la cicatrice (Bryant & Nix, 2007). brûlé sont décrits, selon le
2008). La thérapie de compression est l’une des L’administration de stéroïdes topiques présente problème, dans l’annexe A,
principales méthodes de prévention et de traitement moins de risques, mais il a été démontré qu’elle était Plans de soins et de traite
des cicatrices de brûlure, mais son mécanisme n’est aussi moins efcace. Lorsque les techniques moins ments inrmiers.
cependant pas parfaitement connu (Greenhalgh, effractives s’avèrent inefficaces contre les cica-
2009). Il est important de vérifier l’absence de trices problématiques et douloureuses ou qu’elles
points de pression sous les vêtements au fur et à empêchent une amplitude complète des mouve-
mesure du gain de poids et de la croissance. Il est ments, le médecin peut recommander une excision
nécessaire d’évaluer l’élasticité du vêtement au l chirurgicale.
du temps, car elle diminue avec les lavages.
Les autres méthodes utilisées pour réduire les Soulager le prurit
cicatrices hypertrophiques sont le massage, les Le prurit est courant durant la phase de guérison
feuilles de gel de silicone et l’administration de sté- d’une brûlure. Une étude a révélé que le prurit était
roïdes. Le massage de la cicatrice, qui s’effectue en le problème dermatologique le plus fréquent, dont
étirant celle-ci et en l’hydratant, est surtout utile pour avaient fait état 94 % des sujets (Parnell, Nedelec,
prévenir les contractures. La protection de la plaie Rachelska et al., 2012). Pendant six à huit semaines,
cicatrisée contre le soleil peut atténuer le change- une crème douce sans alcool est appliquée toutes les
ment de pigmentation à long terme. Les feuilles de quatre heures sur les régions cicatrisées an de lubri-
gel de silicone sont appliquées seules sur la cicatrice er la peau jusqu’à ce que la lubrication naturelle
ou conjointement avec la compression pour l’assou- prenne le relais. Pour soulager le client de cet incon-
plir en maintenant son hydratation et en réduisant fort, on peut administrer un agent antiprurigineux
comme le chlorhydrate de diphénhydramine
(BenadrylMD), le chlorhydrate de doxépine (5 %)
(ZonalonMD) ou l’hydroxyzine (AtaraxMD) et appliquer
des crèmes hydratantes. Le prurit peut être extrême-
ment inconfortable pour le client, et il doit faire
l’objet d’une évaluation continue.
ÉTUDE DE CAS
SOLUTIONNAIRE Cliente victime de brûlures
http://mabibliotheque.
cheneliere.ca
Mise en contexte
Jacinthe Roy, âgée de 40 ans, a été victime d’un accident de la route. Elle était consciente quand elle
a été trouvée sur les lieux après avoir été secourue par un passant qui l’a extraite de son véhicule en
feu. Les ambulanciers présents ont déclaré qu’elle était éveillée, mais désorientée et anxieuse. Elle
est autrement en bonne santé. Elle est mère d’un enfant de cinq ans, qui a également été secouru et
n’a pas subi de lésion.
Manifestations cliniques
Madame Roy est transférée des urgences au service de traumatologie. À son arrivée, elle est intubée et
sous sédation. Des brûlures partielles d’épaisseur profonde (2e degré) couvrent son visage, y compris
son nez, ses lèvres et son cou. Elle a des brûlures de 3e degré sur les deux mains, la poitrine et la jambe
Diagnostic médical
On conclut à des brûlures couvrant 40 % de la surface corporelle totale, à une lésion par inhalation et à
une intoxication au monoxyde de carbone.
Questions
1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ?
2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique
inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ?
3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer
ou éliminer les problèmes et les risques désignés ?
4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité
et le bien-être de la cliente ?
5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ?
6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent inuer sur le plan de soins et de
traitements ?
À RETENIR
• Les soins des brûlures sont extrême- • Une réanimation liquidienne est primor- agent antimicrobien topique, puis d’un
ment complexes, et il est préférable diale dans le cas d’un client ayant subi pansement primaire pour absorber
que les décisions concernant leur prise des brûlures plus graves (couvrant plus l’exsudat de la plaie et d’un panse -
en charge soient effectuées par un de 10 % de la surface corporelle totale), ment secondaire pour favoriser l’ab -
centre de soins spécialisés pour les an de prévenir toute complication rénale, sorption et l’occlusion. Les pansements
grands brûlés, qui pourra faire l’esti- hémodynamique, cardiaque ou la mort par à l’argent ont démontré leur efcacité à
mation la plus précise de l’étendue de suite du choc consécutif aux brûlures. prévenir la croissance bactérienne des
la brûlure. • Le suivi rigoureux des liquides adminis- brûlures.
• L’étendue de la brûlure, le type de lésion, trés et excrétés est nécessaire pour déter- • La phase de réadaptation peut durer plu-
son emplacement, ainsi que l’âge et les miner la réponse du client à la réanimation sieurs années selon les besoins en matière
antécédents du client sont autant de liquidienne. d’interventions chirurgicales, de traite-
déterminants de sa survie. • Après la phase de réanimation s’amorce ments, de prévention des contractures et
• Il existe quatre degrés de brûlures : les la phase aiguë visant la guérison et la fer- de soutien psychologique.
brûlures supercielles (1er degré), les brû- meture des plaies et la prévention des • Il est important de répondre aux besoins
lures partielles supercielles ou pro- infections. Cette phase hypermétabolique du client victime de brûlures dans tous
fondes (2e degré), les brûlures profondes peut être compliquée par l’infection. les domaines an qu’il puisse à nouveau
(3e degré) ainsi que les brûlures hypoder- • La norme de référence en matière de fonctionner et se sentir accepté au sein de
miques (4e degré). soin de brûlures est l’application d’un la société.