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chapitre

35 Brûlures

Écrit par :
Jennifer Seigel, RN, CPNP, CWCN
Carrie M. Wilson, MSN, RN,
CPNP-PC, CPNP-AC, WCC
Mary Alice McCubbins, RN, MSN,
CPCP-PC, TNS, Lt Col USAF (ret)

Adapté par :
Caty Dallaire, inf., B. Sc.
Ilinca Tanasa, inf., M. Sc.

D
epuis la n des années 1980, une baisse de l’incidence des brûlures ainsi que des
hospitalisations et décès associés est constatée (American Burn Association [ABA],
2011 ; Lancaster, Miller, Bessey et al., 2007). Cette tendance s’explique en grande
partie par les campagnes d’information et de prévention des incendies, la mise sur pied de
centres de soins spécialisés pour les victimes de brûlures graves, ainsi que par une meilleure
réglementation des produits de consommation et la mise en œuvre de normes de sécurité
au travail. De nombreux programmes et plusieurs organisations se consacrent à la prévention
de ces lésions. Toutefois, malgré une baisse de l’incidence globale de ce type de blessure, les
données de 2010-2011 démontrent une augmentation des signalements de brûlures consécu-
tives à un acte de violence physique à l’endroit de la clientèle pédiatrique (Association des
centres jeunesse du Québec, 2011). Au Canada, 254 cas de brûlures jugées graves et qui ont
nécessité une hospitalisation ont été recensés en 2008-2009 (Institut canadien d’information
sur la santé, 2011).
Des avancées spectaculaires ont été réalisées dans le domaine des soins aux grands brûlés.
Au milieu du xxe siècle, l’état de choc consécutif à une brûlure était très souvent mortel ; sinon,
l’infection ou l’insufsance respiratoire pouvaient emporter les victimes. L’amélioration des
techniques de réanimation liquidienne et de gestion d’épisodes de soins aigus de même que
l’excision et les greffes précoces ont permis de diminuer les taux de mortalité. De plus, la
priorité accordée à l’excision précoce d’escarres en cas de brûlures plus étendues et profondes
réduit le risque d’infection des plaies et d’hypercatabolisme, ainsi que le nombre d’interventions
chirurgicales et la durée du séjour hospitalier (Pham & Gibran, 2007). Au Canada, les lignes
directrices qui déterminent les normes des meilleures pratiques sont celles émises par l’ABA.
Une brûlure majeure déclenche une réponse très importante de l’organisme et provoque
une atteinte multiorganique. La connaissance des changements locaux et systémiques associés
aux besoins du client est essentielle pour prodiguer des soins, qui sont extrêmement exigeants
pour l’inrmière travaillant auprès des grands brûlés. L’objectif de ce chapitre est de présenter
les notions de base permettant de comprendre la complexité du traitement des brûlures et de la
réponse de l’organisme à de telles lésions.

35.1 Anatomie et physiologie L’épaisseur de la couche externe de l’épiderme


varie de 0,07 à 0,12 mm ; la couche la plus pro-
de la peau fonde se trouve sur la plante des pieds et sur la paume
des mains. L’épiderme est composé de cellules mortes
La peau est le plus grand organe du corps humain, kératinisées qui font ofce de puissantes barrières
et sa supercie varie de 0,2 m2 chez le nouveau-né protectrices contre l’environnement. L’épiderme fait
à plus de 2 m2 chez l’adulte. Elle est constituée de obstacle à la pénétration des bactéries et à la perte
trois couches principales 1) l’épiderme ; 2) le derme ; d’humidité (Lloyd, Rodgers, Michener et al., 2012).
3) l’hypoderme FIGURE 35.1. Les cinq couches de l’épiderme, de la surface vers

35

FIGURE 35.1
Anatomie de la peau.

Chapitre 35 Brûlures 1085


l’intérieur, sont : 1) la couche cornée (stratum plus touchés par ce type d’accidents. La température
corneum) ; 2) la couche claire (stratum lucidum) ; de la source de chaleur et la durée de contact de
3) la couche granuleuse (stratum granulosum) ; celle-ci avec la peau déterminent la gravité de la
4) la couche épineuse ou de Malpighi (stratum lésion. Les brûlures causées par des ammes sont
spinosum) ; 5) la couche germinative ou basale (stra- souvent associées à d’autres lésions. L’incidence la
tum germinativum). La couche la plus profonde plus élevée des brûlures causées par des ammes est
de l’épiderme contient de la bronectine, qui assure observée chez la clientèle âgée de plus de six ans
l’adhésion de l’épiderme au derme sous-jacent. (Lloyd et al., 2012). Les articles de fumeurs, le feu,
L’épiderme se régénère toutes les deux ou trois les pétards et l’essence sont les plus fréquemment
semaines. Le derme constitue la deuxième couche de mis en cause dans le cas de brûlures chez les enfants
la peau, sous l’épiderme. Il a une épaisseur de 1 à âgés de 6 à 16 ans (Lloyd et al., 2012). Les brûlures
2 mm, et il se régénère continuellement. Le derme se par contact et celles provoquées par les ammes sont
compose de deux couches, le derme papillaire, plus en général des brûlures partielles d’épaisseur pro-
superciel, adhérant à la couche germinative de l’épi- fonde (2e degré) ou des brûlures profondes (3e degré).
derme et le derme réticulaire, plus profond. Composé
principalement de tissu conjonctif et de faisceaux de
35.2.2 Brûlures électriques
bres de collagène fabriquées à partir des broblastes,
le derme assure le soutien nutritionnel de l’épiderme. Les brûlures électriques surviennent au contact d’un
Il comprend des vaisseaux sanguins, des glandes fort voltage électrique ou elles sont provoquées par
sudoripares et sébacées, des follicules pileux, des la foudre. Au Canada, chaque année, la foudre cause
nerfs desservant la peau et des capillaires qui nour- 10 décès et près de 170 blessures (Mills, Unrau,
rissent l’épiderme avasculaire, ainsi que des bres Parkinson et al., 2009) et les brûlures électriques ont
sensorielles qui détectent la douleur, le toucher et la été à l’origine de plus de 600 hospitalisations chez
température. Les mastocystes du tissu conjonctif sont les enfants entre 1991 et 1996 (Mackenzie & Pless,
responsables de la sécrétion, de la phagocytose et de 1999). Les courants de basse tension (alternatif) et
la production des broblastes. La troisième couche de haute tension (alternatif ou continu) de plus de
de la peau, l’hypoderme, contient des muscles lisses, 1 000 volts peuvent provoquer des brûlures élec-
du tissu adipeux et du tissu aréolaire (tissu conjonctif triques (Pham & Gibran, 2007). La fréquence de ce
lâche). L’hypoderme fait ofce d’isolant thermique, type de brûlure est la plus élevée chez les enfants.
il absorbe les chocs et permet surtout d’emmagasiner De tels accidents se produisent, par exemple, lorsque
les graisses et de constituer une réserve d’énergie l’enfant insère un objet dans une prise électrique ou
(Edlich, Drake & Long, 2009). mord un l électrique. Les brûlures électriques
La peau assure plusieurs fonctions essentielles à pédiatriques surviennent le plus souvent à la maison
la survie de l’organisme et à la communication. Elle alors que, chez les adultes, elles se produisent en
joue notamment un rôle sur le plan de la protection, milieu de travail (Chen & Sareen, 2007).
de l’immunité, de la thermorégulation, de la percep-
tion des sensations, du métabolisme, de l’excrétion 35.2.3 Brûlures chimiques
et de l’absorption, mais elle peut également révéler Les agents acides et alcalins, contenus dans de nom-
l’âge d’une personne, son origine ethnique, son iden- breux produits ménagers et industriels, causent des
tité sexuelle, son état physique et certaines lésions
brûlures chimiques. Les agents alcalins sont en géné-
(Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
ral à l’origine de lésions plus graves que celles pro-
[OIIQ], 2007).
voquées par les agents acides. La concentration de
l’agent chimique et la durée d’exposition sont les
principaux facteurs qui déterminent l’étendue et
35.2 Étiologie des brûlures la profondeur de la lésion. La brûlure chimique peut
prendre jusqu’à 48 heures avant d’atteindre sa pro-
Une brûlure provoque une lésion ou une perte tis- fondeur dénitive. Ces brûlures, très douloureuses,
sulaire. La lésion tissulaire peut être causée par atteignent les mains dans environ 70 % des cas.
l’exposition à différents types de sources de cha-
leur, d’électricité, de substances chimiques ou de 35.2.4 Brûlures par radiation
radiations.
Les brûlures radioactives demeurent peu fréquentes.
Généralement, elles sont localisées à la région expo-
35.2.1 Brûlures thermiques sée aux fortes doses de radiations et peuvent avoir
Le type de brûlure le plus répandu est la brûlure un aspect identique à celui des brûlures thermiques
thermique causée par la vapeur, les liquides bouil- (McPhee, Papadakis & Rabow, 2012). Ce qui les dis-
lants, le contact avec une surface très chaude ou le tingue principalement de ces dernières est le temps
feu. Environ 80 % des brûlures touchant les enfants qui s’écoule entre l’exposition et la manifestation
sont des échaudures (c.-à-d. des brûlures causées par clinique, qui peut aller de quelques jours à plusieurs
le contact avec des objets ou des liquides brûlants) semaines, selon l’importance de la dose de radiation.
(Lloyd et al., 2012). Les très jeunes enfants sont les Une lésion par radiation peut survenir durant

1086 Partie 8 Multisystèmes


l’exposition à de l’équipement industriel, tel que les observés chez la personne atteinte (Demling et al.,
accélérateurs de particules et les cyclotrons, ou à 2009b). La lésion tissulaire est causée par une défail-
des appareils de radiation utilisés à des ns de trai- lance enzymatique et par la dénaturation des pro-
tement médical. téines. Une exposition prolongée ou des températures
plus élevées peuvent mener à la nécrose cellulaire et
déclencher un processus appelé coagulation des pro-
35.3 Risques liés au bas âge téines, prenant la forme d’escarres. L’étendue de la
brûlure dépasse alors la zone centrale touchée, et les
et à l’âge avancé régions environnantes subissent aussi des dommages
à divers degrés, déterminés par les zones de lésions
L’âge et les antécédents du client sont des détermi- de la brûlure (Singer, Brebbia & Soroff, 2007). Par ail-
nants importants de sa survie. Les personnes consi- leurs, la classication des brûlures dépend de l’éten-
dérées comme étant le plus à risque sont les enfants due, de la profondeur et de la localisation de la lésion.
de moins de 2 ans et les adultes de plus de 60 ans. Les
antécédents de lésion par inhalation, de brûlure élec- 35.4.1 Zones de la brûlure
trique et de brûlure compliquée par un trauma ou
Trois zones concentriques caractérisent la région de
par des fractures augmentent considérablement le
la brûlure : 1) la zone de coagulation (ou zone cen-
risque de décès. Il est important d’obtenir les antécé-
trale) ; 2) la zone de stase ; 3) la zone d’hyperémie
dents médicaux du client, en particulier ceux liés à
FIGURE 35.3. La zone centrale représente celle où
un dysfonctionnement cardiaque, pulmonaire ou
l’atteinte est la plus importante, tandis que la zone
rénal, au diabète et à des troubles du système nerveux FIGURE 35.2
hyperémique est la moins touchée. C’est en général
central (SNC). Au cours de l’évaluation d’un client Brûlure partielle (2e degré)
dans la zone de coagulation que le transfert ther-
pédiatrique, il est essentiel d’obtenir un historique intentionnelle causée par
mique est le plus important, conduisant à une
complet, particulièrement s’il n’est pas en âge de par- l’application d’un fer chaud
atteinte irréversible de la peau selon le degré de brû-
ler. Une attention particulière doit être portée à la lure. La zone de stase est la suivante et se caractérise
sur la fesse.
description des circonstances de l’événement à l’ori- par une réaction inflammatoire importante.
gine de l’accident, an d’exclure la possibilité d’un L’altération de la circulation sanguine qui s’ensuit
trauma intentionnel FIGURE 35.2. Si un acte de vio- peut se rétablir ou se détériorer sous l’action de fac-
lence ou de négligence est soupçonné, il faut consulter teurs locaux ou systémiques. Les médiateurs toxiques
les services sociaux, en particulier les services de générés par le processus inammatoire, l’infection,
protection de l’enfance, et les services policiers. une sous-réanimation liquidienne, la malnutrition,
Selon le rapport du Directeur de la protection de la la maladie chronique ou les types de soins prodigués
jeunesse (DPJ) du Québec, en 2010-2011, 76 469 cas à la plaie sont des facteurs pouvant aggraver l’éten-
de signalement ont été traités par l’organisme, soit due de la brûlure. La zone d’hyperémie est la plus
une augmentation de 8,2 % par rapport aux années éloignée et se caractérise par une vasodilatation et
précédentes (Association des centres jeunesse du une augmentation de la circulation sanguine, ainsi
Québec, 2011). La violence et la maltraitance que par une atteinte minimale aux cellules. Une gué-
devraient être prises en compte dans le diagnostic rison spontanée et rapide peut s’y produire (Demling
différentiel d’un enfant présentant des brûlures. et al., 2009b ; Singer et al., 2007). Il faut parfois
Celles-ci sont le plus souvent accidentelles chez les attendre de 48 à 72 heures an d’évaluer avec préci-
enfants, mais elles peuvent découler d’une supervi- sion le degré de gravité de la brûlure.
sion inadéquate de la part du tuteur ou du parent.
L’âge, le stade de développement et la taille de l’en-
fant sont des renseignements clés pour exclure une
35.4.2 Classication des brûlures
brûlure accidentelle ou intentionnelle. Par exemple, La classication des brûlures dépend principalement
l’immersion totale ou partielle du corps de l’enfant de l’étendue et de la profondeur de la lésion.
dans l’eau très chaude laisse des brûlures caractéris- Toutefois, le type de brûlure, ainsi que l’âge du client
tiques permettant de conclure à un acte de violence et ses antécédents médicaux, dont il a été question
(Legano, Mc Hugh, Palusci et al., 2009).

35
35.4 Physiopathologie
La température ou la causticité de l’agent de combus-
tion et la durée du contact entre la peau et la source
déterminent le degré d’atteinte tissulaire. La brûlure
devient habituellement apparente lorsque la peau est
en contact avec un élément dont la température se
situe entre 40 et 44 °C. La plaie provoquée par la brû- FIGURE 35.3
lure est à l’origine des effets locaux et systémiques Zones de brûlure.

Chapitre 35 Brûlures 1087


précédemment, de même que sa localisation sont des
éléments majeurs à considérer. L’ampleur de la brû-
lure revêt une importance décisive pour l’élaboration
du plan de soins et l’orientation du client vers un
centre de soins aux grands brûlés (ABA, 2011)
ENCADRÉ 35.1. L’âge du client, l’étendue de la brû-
lure ainsi que la présence d’une lésion par inhalation
sont les déterminants primordiaux de la survie
(Brunicardi, Anderdon, Billiar et al., 2010). Une
étude portant sur un grand nombre de victimes
de brûlures a conclu que l’âge, le pourcentage de la
surface corporelle totale brûlée, la présence d’une
lésion par inhalation, un trauma concomitant, une
maladie préexistante et la défaillance aiguë de
multiples organes étaient les principaux prédicteurs
de mortalité chez ces clients (Brunicardi et al., 2010 ;
Tintinalli, Stapczynski, John Ma et al., 2011).
FIGURE 35.4
Étendue de la brûlure Estimation de l’étendue des brûlures chez l’adulte : la règle
Plusieurs méthodes permettent d’estimer la super- des neuf. A Vue antérieure. B Vue postérieure.
cie de la brûlure qui est évaluée en pourcentage par
rapport à la surface corporelle totale. Une méthode plus grande par rapport au reste du corps. Par consé-
simple et rapide est la règle des neuf, ou formule quent, celle-ci représente 19 % de sa surface corpo-
de Berkow, souvent utilisée à l’étape du triage initial relle totale, comparativement à 7 % dans le cas d’un
pour déterminer si le client doit être transféré vers adulte (Lloyd et al., 2012) FIGURE 35.5.
un centre de soins spécialisés pour les grands brûlés Une autre méthode consiste à utiliser la supercie
FIGURE 35.4. Selon cette méthode, le corps humain palmaire de la main du client an d’apprécier l’éten-
est divisé en unités de surface qui représentent cha- due de la brûlure, considérant que la surface du bout
cune 9 % de la supercie totale du corps. Une variante des doigts au poignet représente 1 % de la surface cor-
de cette formule permet d’évaluer les nourrissons et porelle totale. Ce procédé peut également être utile
les très jeunes enfants en tenant compte de la crois- pour estimer l’étendue des brûlures ou lorsque celles-
sance proportionnelle. Par exemple, chez un enfant ci sont dispersées ou de petite taille.
âgé de un an, la taille de la tête est proportionnellement En milieu hospitalier, la méthode de Lund et
Browder est la plus précise et la plus répandue pour
déterminer la surface corporelle atteinte par les brû-
lures. Elle repose sur l’attribution d’un pourcentage
Collecte des données
aux différentes régions du corps selon l’âge de la
personne, ce qui ajoute de la précision à l’estimation
ENCADRÉ 35.1 Orientation du client vers un centre de l’atteinte. L’utilisation de cette méthode est pré-
de soins aux grands brûlés conisée chez les enfants âgés de moins de 10 ans, car
elle prévoit un ajustement pour l’évaluation des plus
Le client dont les brûlures ont les caractéristi­ de prolonger la période de réadaptation petites surfaces corporelles.
ques suivantes reçoit des soins plus appropriés ou d’augmenter le risque de mortalité.
dans un centre spécialisé pour les grands brûlés. • Brûlures avec trauma concomitant (p. ex., Profondeur de la brûlure
• Brûlures d’épaisseur partielle couvrant 10 % des fractures), où le plus grand risque de Traditionnellement, la profondeur d’une brûlure
ou plus de la surface corporelle totale. morbidité ou de mortalité est représenté était classiée selon le degré d’atteinte de l’épiderme,
• Brûlures de pleine épaisseur (3e degré) pour par la brûlure. Dans le cas où le trauma du derme ou des deux, soit au 1er degré, 2e degré,
tous les groupes d’âge confondus. est plus grave que la brûlure, l’état du 3e degré ou 4e degré. Toutefois, ces catégories ne dé-
• Brûlures au visage, aux mains, aux pieds, client doit d’abord être stabilisé avant son crivent pas l’étendue de la surface corporelle brû-
aux organes génitaux, au périnée ou aux transfert vers un centre de soins aux grands lée (Tintinalli et al., 2011).
principales articulations. brûlés. La décision repose sur l’évaluation Une brûlure peut être supercielle, partielle, pro-
fonde ou sous-dermique (OIIQ, 2007). Les brûlures
• Brûlures électriques, incluant celles provo­ par l’équipe médicale.
supercielles incluent les brûlures du 1er degré. Les
quées par la foudre. • Brûlures chez un enfant ne pouvant être brûlures partielles incluent différents stades du
• Lésions par inhalation. traité dans un centre hospitalier doté 2e degré, tandis que les brûlures sous-dermiques com-
• Brûlures chimiques. d’équipements et de personnel spécialisés. prennent celles du 3e degré. Les brûlures du 4e degré
• Brûlures chez un client présentant des • Brûlures chez un client nécessitant une in­ atteignent le tissu adipeux, les muscles et même
antécédents médicaux susceptibles de tervention particulière sur le plan psycho­ les os (Tintinalli et al., 2011). Certains experts subdi-
compliquer l’approche thérapeutique, social ou relativement à sa réadaptation. visent les brûlures partielles en brûlures partielles
d’épaisseur supercielle ou d’épaisseur profonde.
Source : Adapté de ABA (2011) L’évaluation de la brûlure nécessite donc l’estimation

1088 Partie 8 Multisystèmes


FIGURE 35.5
Schéma de Lund et Browder pour l’estimation de l’étendue d’une brûlure.

de sa profondeur et de sa supercie, et elle peut repré- Dans une brûlure supercielle (du 1er degré), seules
senter un dé pour les professionnels de la santé les les deux ou trois premières des cinq couches de l’épi-
plus expérimentés. L’approche thérapeutique des derme sont atteintes. L’érythème et un léger inconfort
brûlures étant étroitement liée à l’exactitude de l’éva- caractérisent ces brûlures. La douleur, le principal
luation de leur gravité, de nouvelles stratégies per- symptôme, disparaît généralement en 48 à 72 heures.
mettant d’évaluer la gravité des brûlures avec plus Le coup de soleil et les brûlures mineures causées par
de précision sont à l’étude et prennent en compte, la vapeur de cuisson sont des exemples communs de
par exemple, la présence de collagène dénaturé ou ce type de brûlure. Ces plaies guérissent en deux à
d’un œdème, ou encore l’altération de la circulation sept jours et n’exigent pas d’intervention médicale,
sanguine. L’imagerie par laser doppler sans contact hormis le soulagement de la douleur, le traitement 35
permet d’obtenir une cartographie couleur de l’irri- du prurit et une bonne hydratation. L’œdème est
gation sanguine de la brûlure (Gomez & Cancio, une complication rare à ce stade. Les brûlures super-
2007). Parmi les autres techniques d’évaluation de la cielles ne sont pas incluses dans le calcul du pour-
profondeur de la brûlure gurent les colorants vitaux, centage de la surface corporelle brûlée.
l’ultrasonographie, la thermographie et l’imagerie par Dans une brûlure partielle (du 2e degré), toutes les
résonance magnétique (Singer et al., 2007). Ces tech- couches de l’épiderme et une partie du derme sous-
niques font toujours l’objet d’études, car le manque jacent sont atteintes (Lloyd et al., 2012). Ce type de
de pertinence clinique perçu constitue actuellement brûlure est généralement causé par un bref contact
une limitation à leur utilisation. avec les ammes, un liquide chaud ou des substances

Chapitre 35 Brûlures 1089


FIGURE 35.6 FIGURE 35.7
Brûlure partielle d’épaisseur supercielle (2e degré) sur la cuisse Brûlure partielle d’épaisseur profonde (2e degré profond) sur la cuisse.
gauche.

chimiques FIGURE 35.6. Une coloration rouge pâle à sont détruites FIGURE 35.8. L’apparence d’une brûlure
rouge vif ou un aspect marbré caractérisent les brû- profonde est sèche, blanche, pâle ou carbonisée et
lures du 2e degré d’épaisseur supercielle. Ce type peut avoir l’aspect du cuir. Le tissu adipeux peut être
de brûlure blanchit à la pression (Lloyd et al., 2012). exposé. La brûlure du 3e degré est habituellement
La plaie peut être extrêmement douloureuse et sen- indolore et insensible à la palpation. Comme tous les
sible à l’air, apparaître humide et suintante et présen- éléments de l’épithélium ont été détruits, la plaie ne
ter des phlyctènes. L’augmentation de la perméabilité peut pas guérir par réépithélialisation. Dans le cas
des capillaires lésés a pour conséquence le déplace- d’une brûlure profonde sur une surface inférieure
ment du liquide intravasculaire vers le compartiment à 4 cm2, la plaie se referme par contraction. Les brû-
interstitiel, ce qui provoque la formation de phlyc- lures profondes de plus grande supercie exigent
tènes. Malgré l’atteinte de toute la couche épider- une greffe de peau. Les personnes présentant ce
mique, une brûlure de cette profondeur guérit en 7 à type de brûlures sont très vulnérables aux infections,
21 jours, et elle peut laisser des cicatrices. aux déséquilibres liquidien et électrolytique, aux
Dans une brûlure partielle d’épaisseur profonde troubles de la thermorégulation et à des perturbations
(2e degré profond), tout l’épiderme et la quasi-totalité métaboliques.
du derme sont atteints (Lloyd et al., 2012). Ce type de brû- Il est important de déterminer la profondeur de
lure survient habituellement au contact de solides ou la brûlure an de prodiguer les soins appropriés,
de liquides chauds, ou à l’exposition aux radiations. mais il est difcile de distinguer les brûlures par-
La brûlure partielle d’épaisseur profonde n’est pas tielles des brûlures profondes. À la première inspec-
caractérisée par la formation de phlyctènes. Le dépla- tion, la profondeur d’une brûlure peut difcilement
cement de liquide intravasculaire vers l’espace extra- être déterminée avec exactitude, étant donné la pro-
vasculaire est minime en raison de l’irrigation gression pouvant survenir durant les premiers jours.
sanguine diminuée à la lésion. La plaie est rouge, avec Elle nécessite donc des réévaluations fréquentes. Les
des plaques blanches par endroits, et elle blanchit à
la pression. La nécrose dermique et les protéines coa-
gulées en surface modient la couleur de la plaie en
passant du blanc au jaune, et son aspect évolue avec
le temps FIGURE 35.7. La guérison de ce type de plaie
est plus longue, rarement spontanée, et elle requière
une excision chirurgicale et une greffe. Ce processus
de cicatrisation par épithélialisation peut prendre
jusqu’à six semaines. Si elle n’est pas traitée, une plaie
de ce type peut guérir en présentant un épithélium
instable, une cicatrisation hypertrophique tardive et
la formation de contractures marquées (Lloyd et al.,
2012). Une brûlure partielle d’épaisseur profonde peut
évoluer en brûlure de type profonde si elle s’infecte,
si l’irrigation sanguine est réduite ou si cette région
subit un nouveau trauma. Le traitement de choix est
l’excision chirurgicale et la greffe de peau.
Dans une brûlure profonde (du 3e degré), toutes FIGURE 35.8
les couches de la peau, y compris le tissu sous-cutané, Brûlure profonde (3e degré) sur la face postérieure de la main.

1090 Partie 8 Multisystèmes


jeunes enfants et les personnes âgées doivent faire
l’objet d’une attention particulière en raison de la
fragilité de leur peau. De plus, chez les personnes
âgées, il peut y avoir une diminution de la perception
des sensations et de la circulation sanguine, ce qui
les rend plus vulnérables à des brûlures profondes.
En somme, l’évaluation d’une brûlure prend en
compte sa profondeur et le pourcentage de la surface
corporelle totale brûlée, en excluant les brûlures
supercielles. Ce pourcentage servira au calcul du
volume requis pour la réanimation liquidienne à
l’aide d’une formule précise.

Localisation de la brûlure
La localisation de la lésion peut être un facteur déter-
minant pour établir les soins requis. Selon les critères FIGURE 35.9
de l’American College of Surgeons (2007), les brû- Brûlure de contact partielle sur la paume.
lures touchant le visage, les mains, les pieds, les
organes génitaux, le périnée et les principales articula-
possible, il faut retirer les bagues, les montres et les
tions sont traitées de préférence dans un centre spécia-
bijoux des membres lésés an d’éviter tout effet de
lisé de soins aux grands brûlés. Ces brûlures touchent
garrot au moment de l’apparition d’œdème.
les régions fonctionnelles de l’organisme et nécessitent
souvent une intervention spécialisée FIGURE 35.9.
Elles peuvent entraîner une morbidité importante à 35.5.1 Voies respiratoires
long terme en raison des déciences fonctionnelles et La priorité dans les soins d’urgence aux victimes de
des altérations esthétiques qu’elles provoquent. brûlures est de stabiliser et de protéger les voies res-
piratoires. Selon les circonstances entourant la brû-
lure, s’il existe une possibilité d’instabilité cervicale,
35.5 Manifestations cliniques il est nécessaire d’immobiliser la colonne cervicale
et examens paracliniques (Prem et al., 2009). Si le client est brûlé au visage ou
s’il a été exposé au feu dans un espace clos, il faut
Les objectifs des soins aigus prodigués au client vic- soupçonner une lésion par inhalation. L’intoxication
time de brûlures thermiques visent à le maintenir en au monoxyde de carbone est associée à des taux de
vie en le stabilisant sur les plans hémodynamique et mortalité élevés. On mesure le taux de carboxyhé-
respiratoire. La brûlure a un impact multisystémique, moglobine (HbCO), et une oxygénothérapie est ins-
et il importe d’intervenir promptement an d’établir taurée. Pour toute personne atteinte de brûlures
les priorités de soins (Prem et al., 2009). majeures ou chez qui une lésion par inhalation est
La phase de réanimation et de stabilisation com- soupçonnée, il faut d’abord administrer de l’oxygène
mence immédiatement après la survenue de la brû- à 100 % (Prem et al., 2009). L’inrmière observe le
lure. La première heure est déterminante pour le client an de détecter les manifestations cliniques
transfert vers un établissement de soins approprié. des troubles de l’oxygénation tels que la tachypnée,
Les 24 à 36 heures après l’accident le sont également l’agitation, l’anxiété et l’obstruction des voies respi-
pour optimiser le traitement. Les soins donnés durant ratoires supérieures (p. ex., un enrouement, un stri-
cette période ont une incidence majeure sur la survie dor, une respiration sifflante). Une intubation
de la personne et sur sa réadaptation ultérieure. précoce peut sauver la vie d’une personne atteinte
Au cours de l’évaluation clinique, il est judicieux d’une lésion par inhalation, car il peut devenir
de chercher à connaître les circonstances de l’acci- impossible d’effectuer cette procédure ultérieure-
dent. Par exemple, une explosion simultanée projette ment, après l’obstruction du larynx par l’œdème. La
la personne à une certaine distance et peut provoquer nécessité d’effectuer fréquemment des prélèvements
des traumatismes orthopédiques, neurologiques et sanguins et les avantages du monitorage de la pres-
internes concomitants. Dans le cas d’une brûlure sion artérielle (P.A.) en continu peuvent justier
chimique, il faut déterminer précisément les agents 35
l’installation d’une canule.
en cause. Il est également utile de connaître quelles
substances ont été brûlées ou inhalées et la durée
pendant laquelle la personne a été exposée à la 35.5.2 Fonction respiratoire
fumée. L’histoire détaillée devrait inclure les circons- Les brûlures profondes circonférentielles touchant
tances entourant l’accident, la localisation et l’éten- la paroi de la cage thoracique peuvent avoir un effet
due de la brûlure, le type et le volume de liquide déjà restrictif sur la compliance pulmonaire. Une diminu-
administré, l’âge de la personne, ses allergies tion de la compliance exige une pression de ven-
connues, son statut vaccinal à l’égard du tétanos et tilation plus élevée pour assurer une oxygénation
ses antécédents médicaux importants. Dès que adéquate au client. Chez la personne non intubée, les

Chapitre 35 Brûlures 1091


manifestations cliniques d’une condition réduite sont
la respiration rapide et peu profonde et une très
grande agitation. L’analyse des gaz sanguins artériels
(GSA) révèle une diminution de la pression par-
tielle d’oxygène et une augmentation de la pression
partielle de dioxyde de carbone.
Dans les cas où la brûlure se situe au thorax, il
peut être nécessaire d’effectuer une escarrotomie
(incision dans l’escarre causée par la brûlure) pour
accroître la compliance pulmonaire et améliorer la
ventilation. Ces incisions sont pratiquées bilatérale-
ment le long des lignes axillaires antérieures et sont
reliées par une incision transversale pratiquée sur le
rebord costal FIGURE 35.10.

35.5.3 Fonction hémodynamique


La profondeur et l’étendue de la brûlure, ainsi que le
pourcentage de la surface corporelle totale brûlée
doivent être évalués an d’estimer le volume néces-
saire pour la réanimation liquidienne. La formule
34 de Parkland est la méthode de calcul la plus cou-
ramment utilisée pour déterminer ce volume
Le choc hypovolémique est TABLEAU 35.1. Le choc consécutif aux brûlures est
abordé dans le chapitre 34,
causé par la fuite du liquide du compartiment vascu-
Chocs, sepsie et syndrome de
laire vers l’espace interstitiel de la région lésée, ce
défaillance multiorganique.
qui entraîne une hypovolémie absolue 34 .
Plus le pourcentage de la surface corporelle totale
brûlée est élevé, plus le risque d’un choc hypovolé-
mique est important. L’inrmière administre au FIGURE 35.10

client un soluté par perfusion au moyen d’un cathé- Sites privilégiés pour les incisions d’escarrotomie.
ter de gros calibre dans une veine périphérique. La
solution de lactate Ringer, une solution cristalloïde
diminution de l’irrigation des tissus environnants
isotonique, est le liquide de réanimation le plus sou-
à la brûlure, ce qui entraîne une progression
vent utilisé. Administré en grandes quantités, il peut
de la gravité de celle-ci (Gomez & Cancio, 2007).
rétablir le débit cardiaque dans la plupart des cas.
Le volume de remplacement requis peut être beau-
On le préfère à la solution saline physiologique parce
coup plus élevé que l’estimation obtenue à l’aide de
que ses caractéristiques sont similaires à celles du
la formule de Parkland. Les recommandations
liquide extracellulaire. Il ne faut pas administrer de
applicables à de telles situations sont présentées
diurétiques durant la phase de réanimation liqui-
plus loin dans le présent chapitre. Pour la clientèle
dienne du traitement des brûlures. pédiatrique, une solution contenant du dextrose est
Conformément à la formule de Parkland, 50 % administrée à un débit d’entretien en même temps
du volume de remplacement calculé est administré que le liquide de réanimation (Pham, Cancio &
au client durant les 8 premières heures après la Gibran, 2008).
brûlure, 25 % au cours des 8 heures suivantes et le Un monitorage continu au moyen d’un électrocar-
dernier 25 % durant la troisième période de 8 heures diogramme (ECG) est préférable dans les cas de brû-
TABLEAU 35.1. Il est important de se rappeler que lures thermiques graves, de brûlures électriques, de
le calcul de volume de remplacement requis est une lésions par inhalation ou de traumas connexes. La
valeur de référence, quelle que soit la formule uti- mise en place des électrodes peut être difcile lorsque
lisée. La réanimation liquidienne étant un proces- les brûlures sont étendues, auquel cas il faut choisir
sus dynamique, le débit d’administration du liquide des emplacements non standards sur la peau saine.
est ajusté en fonction de la réponse du client,
laquelle est déterminée par le débit urinaire, la fré-
quence cardiaque et la P.A., ainsi que par le dosage
35.5.4 Physiopathologie du choc
précis des volumes administrés et excrétés durant consécutif aux brûlures
la réanimation. La sous-réanimation peut engen- Les brûlures dont l’étendue représente plus de 20 %
drer un débit cardiaque inadéquat, menant à une ir- de la surface corporelle totale peuvent provoquer un
rigation insufsante des organes et à un risque de choc (Pham et al., 2007), qui est déni par une irri-
dégradation d’une brûlure partielle (2 e degré) à gation cellulaire inadéquate.
une brûlure profonde (3e degré). La surréanimation Le premier élément du choc consécutif aux brû-
peut provoquer un œdème excessif causant une lures est hypovolémique. À l’échelle tissulaire, il se

1092 Partie 8 Multisystèmes


Pharmacothérapie

TABLEAU 35.1 Formules de réanimation liquidienne durant les 24 premières heures


LIQUIDE ET DÉBIT DE PERFUSION FORMULE DE CONSENSUS FORMULE DE FORMULE FORMULE FORMULE HYPERTONIQUE
DE L’AMERICAN BURN PARKLAND DE BROOKE DE BROOKE
ASSOCIATION (ABA) MODIFIÉE

Solution électrolytique • Solution de lactate Solution de Solution de Solution de Lactate de sodium hypertonique
Ringer lactate Ringer lactate Ringer lactate Ringer (sodium, 250 mEq/L)

Dose : ml/kg/% de surface corporelle • 2-4 4 2 1,5 Débit en fonction d’un dé-
totale brûlée* • 50 % du liquide durant bit d’excrétion urinaire
les 8 premières heures de 30-50 ml/h
• 50 % du liquide durant
les 16 heures suivantes

Exemples avec la formule de consensus de l’ABA : client de 85 kg dont les brûlures couvrent 35 % de la surface corporelle totale brûlée

2 ml × 85 kg × 35 % = 5 950 ml durant 3 ml × 85 × 35 % = 8 925 ml 4 ml × 85 × 35 % = 11 900 ml


les 24 premières heures

2 975 ml durant les 8 premières 4 462 ml durant les 8 pre- 5 950 ml durant les 8 premières heures = 744 ml/h
heures = 372 ml/h mières heures = 558 ml/h

2 975 ml durant les 16 heures 4 462 ml durant les 16 heures 5 950 ml durant les 16 heures suivantes = 372 ml/h
suivantes = 186 ml/h suivantes = 279 ml/h

* Ajuster ces débits pour maintenir un débit d’excrétion urinaire supérieur à 30 ml/h chez l’adulte ou à 1 ml/kg/h chez l’enfan t.

produit une dilatation des capillaires et des petits La pression oncotique plasmatique diminue à cause
vaisseaux, ainsi qu’une augmentation de leur per- de la fuite des protéines dans l’espace extravascu-
méabilité. Le plasma s’inltre dans les tissus envi- laire. Le plasma est ensuite dilué à nouveau par la
ronnants, ce qui produit des phlyctènes et des réanimation liquidienne. La pression osmotique
œdèmes. Le type, la durée et l’intensité de la brûlure diminue, ce qui accentue le phénomène d’extrava-
sont autant de facteurs qui inuent sur le volume de la sation du liquide.
perte liquidienne. Cette perte graduelle de liquide Les médiateurs locaux et systémiques tels que
intravasculaire cause un décit liquidien systé- l’histamine, les prostaglandines, les kinines et les
mique important et produit un œdème généralisé. Ce radicaux libres sont également à l’origine de l’œdème
phénomène est propre aux brûlures thermiques. et des problèmes cardiovasculaires observés chez les
La formation d’œdèmes consécutive aux brû- personnes victimes de brûlures. Ces médiateurs aug-
lures est attribuable à plusieurs facteurs. Les modi- mentent, entre autres, la vasodilatation artériolaire
cations des propriétés de la paroi des capillaires et la perméabilité capillaire (Pham et al., 2007). La
sont le résultat de l’activation des médiateurs de modulation de la réponse de l’organisme à ces
l’inammation par la brûlure. La perméabilité vas- médiateurs fait l’objet de recherches.
culaire aux protéines et à l’eau augmente, ce qui Les changements se produisant dans le volume de
provoque un œdème. Dans la plupart des formes liquide intravasculaire, conjugués à l’action des
de choc, la pression capillaire diminue à cause de médiateurs inammatoires et vasoconstricteurs, ont
la vasoconstriction artériolaire. Toutefois, en pré- des conséquences sur le plan hémodynamique chez
sence d’une brûlure, une augmentation de la pres- le client brûlé. Parmi celles-ci gurent la diminution
sion capillaire est observée dans les tissus lésés de la contractilité du myocarde qui cause la baisse du
35
depuis les premières minutes jusqu’à quelques débit cardiaque malgré une réanimation liquidienne
heures après la survenue de la lésion, ce qui pro- adéquate et l’augmentation des résistances vascu-
voque une fuite de liquides des capillaires pendant laires systémique et pulmonaire. L’augmentation de
les 24 premières heures (Pham et al., 2007). la résistance vasculaire pulmonaire, couplée à la per-
L’augmentation de la pression capillaire cause l’ap- méabilité capillaire accrue, peut conduire à un
parition d’une pression hydrostatique interstitielle œdème pulmonaire. Pour favoriser une réanimation
négative dans la brûlure après une lésion thermique. optimale, le volume de remplacement administré doit
Cette pression négative crée des conditions favo- être calculé avec soin an de maintenir le volume
rables à la formation d’un œdème, qui se forme vasculaire durant les toutes premières heures suivant
environ deux heures après la survenue de la lésion. la brûlure. Une réanimation liquidienne précoce et

Chapitre 35 Brûlures 1093


adéquate peut prévenir les complications telles que de la circulation sanguine aux extrémités pouvant
la néphropathie aiguë, le choc cardiovasculaire et le conduire à une ischémie, voire à de la nécrose. Une
décès. Toutefois, la surréanimation liquidienne favo- escarrotomie peut être nécessaire pour rétablir la cir-
rise la formation d’œdèmes, ce qui peut entraver les culation artérielle et pour prévenir une exacerbation
échanges gazeux pulmonaires et la diffusion de l’oxy- de l’œdème. L’escarrotomie peut être effectuée par le
gène dans les tissus. médecin au chevet du client, en utilisant un champ
stérile et un scalpel. Il faut veiller à éviter les nerfs
35.5.5 Fonction rénale majeurs, les vaisseaux et les tendons. L’incision est
pratiquée de manière longitudinale sur le membre au-
Lorsque la réanimation liquidienne est insufsante, dessus des articulations, sur une profondeur allant
une néphropathie aiguë peut se développer chez le jusqu’au tissu adipeux. Lorsqu’une seule incision ne
client. Si les brûlures occupent plus de 15 à 20 % suft pas pour rétablir la circulation, des incisions
de la surface corporelle totale, il est préférable de supplémentaires sont parfois nécessaires FIGURE 35.10.
poser une sonde urinaire dès que possible an de Si l’escarrotomie doit être pratiquée avant le transfert
surveiller le débit urinaire et l’efcacité de la réani- du client dans un centre de soins aux grands brûlés,
mation liquidienne. Une sonde peut aussi être il est conseillé de consulter le médecin responsable
nécessaire si la brûlure s’étend jusqu’à la région du de son accueil dans cet établissement.
périnée, en raison de la présence ou du risque de
formation d’un œdème périurétral. Dans la mesure
du possible, il est préférable d’utiliser une sonde uri-
35.5.8 Analyses de laboratoire
naire munie d’un thermomètre. L’inrmière mesure et électrocardiogramme
le débit urinaire horaire. Le débit urinaire adé- Les analyses de laboratoire initiales effectuées sont la
quat chez l’adulte varie de 0,5 à 1 ml/kg/h, ou de formule sanguine complète, le bilan des électrolytes,
30 à 50 ml/h ; chez l’enfant, il est de 1 ml/kg/h (Pham l’azotémie, la créatininémie, l’analyse d’urine et la
et al., 2007) gazométrie du sang artériel. Dans certaines situations
telles que les lésions par inhalation, il est nécessaire
35.5.6 Fonction gastro-intestinale de procéder à un dosage de l’HbCO et à des tests de
dépistage d’alcool et de drogues. Une évaluation ini-
Lorsque les brûlures couvrent plus de 20 % de la
tiale du statut nutritionnel, y compris des taux d’albu-
surface corporelle totale, le client est exposé à un
mine et de préalbumine, est utile pour surveiller les
risque élevé de dilatation gastrique conduisant à
besoins nutritionnels. Un ECG à 12 dérivations est
un iléus paralytique. Chez ces personnes, une sonde
réalisé pour tous les clients victimes de brûlures élec-
nasogastrique ou orogastrique est mise en place pour
triques ou atteints d’une cardiopathie préexistante.
prévenir la distension abdominale, les vomissements
et le risque d’aspiration. Cette diminution de la fonc-
tion gastro-intestinale est le résultat des effets de 35.5.9 Soins des plaies
l’hypovolémie et de la réponse neurologique et endo- À l’étape de la prise en charge initiale du client brûlé,
crine à la brûlure. L’activité gastro-intestinale se nor- une évaluation des brûlures est effectuée, mais la
malise en 24 à 48 heures. Une prophylaxie par détermination de leurs traitements est secondaire. Les
l’administration d’agents protecteurs de la muqueuse plaies doivent être recouvertes de pansements secs et
gastrique est instaurée, car les personnes ayant subi stériles. L’inrmière met tout en œuvre pour garder le
des brûlures sont sujettes aux ulcères de stress (ou client au chaud en raison du risque élevé d’hypother-
ulcères de Curling) (Hurt, Frazier, McClave et al., mie. L’administration d’un traitement prophylactique
2012). Ces ulcérations aiguës gastroduodénales sont antitétanique est recommandée lorsque les brûlures
causées par l’érosion de la muqueuse résultant de la couvrent plus de 10 % de la surface corporelle totale
diminution du volume plasmatique consécutive à et pour le client dont les antécédents de vaccination
la brûlure. Il a été démontré que la nutrition par voie sont inconnus (Tintinalli et al., 2011).
entérale protégeait l’intégrité de la muqueuse gas-
trique et améliorait la motilité gastrique et le débit 35.5.10 Transfert vers un centre
sanguin intestinal chez les clients brûlés (Williams, de soins aux grands brûlés
Branski, Jeschke et al., 2011). La nutrition entérale
devrait être instaurée dans les six heures suivant la Une fois le client stabilisé et selon sa condition, il
brûlure (Williams et al., 2011). faut parfois envisager un transfert vers un centre de
soins spécialisés pour les grands brûlés ENCADRÉ 35.1.
Les centres désignés comme tels sont en mesure de
35.5.7 Signes neurovasculaires donner tous les traitements requis, y compris la réa-
La formation d’œdème peut engendrer une atteinte daptation (Prem et al., 2009). Les clients répondant
neurovasculaire des extrémités. Des évaluations fré- aux critères de transfert nécessitent l’expertise d’une
quentes sont nécessaires pour vérier les pouls, la équipe interdisciplinaire. L’ABA encourage l’instau-
couleur et la température de la peau, le remplissage ration d’une communication entre le premier répon-
capillaire et la sensibilité. Les brûlures circonféren- dant et le centre de soins aux grands brûlés dès que
tielles sont associées à un risque plus élevé d’entrave le client est pris en charge (White & Renz, 2009).

1094 Partie 8 Multisystèmes


35.6 Risques particuliers déplacement vers la gauche de la courbe de disso-
ciation de l’oxyhémoglobine, étant donné que l’oxy-
gène lié à l’hémoglobine n’est pas facilement libéré
35.6.1 Lésion par inhalation pour une utilisation par les cellules.
Une lésion par inhalation peut survenir même en La mesure de la saturation pulsatile en oxygène
l’absence de brûlure cutanée et peut être causée par est d’une utilité limitée. Le résultat peut être très
une intoxication au monoxyde de carbone, une élevé malgré une teneur dangereusement basse en
lésion thermique directe, une lésion chimique ou oxygène, puisque la mesure rend compte de la satu-
une combinaison de ces causes. La lésion par inha- ration de l’hémoglobine sans égard à ce qui la sature.
lation est fortement associée aux brûlures subies Comme le saturomètre ne peut faire la distinction
dans un espace clos, et elle constitue la première entre l’oxyhémoglobine et l’HbCO, il ne permet pas
cause de décès imputable aux incendies (Endorf & de prédire de façon able l’oxygénation des tissus
Gamelli, 2007). Les trois types de lésion par inhala- (Brunicardi et al., 2010). La mesure par gazométrie
tion sont : 1) l’intoxication au monoxyde de carbone de la saturation du sang artériel en oxygène est uti-
(ou intoxication oxycarbonée) ; 2) la lésion des voies lisée pour évaluer avec précision le degré de satura-
respiratoires supérieures ; 3) la lésion des voies res- tion en oxygène de l’hémoglobine.
piratoires inférieures. La mesure du taux sérique d’HbCO est nécessaire
La protection des voies respiratoires s’impose pour poser le diagnostic. Les valeurs normales sont
d’urgence pour assurer la survie de la personne brû- inférieures à 2 %. Un taux d’HbCO compris entre
lée. Il est possible que le client présente peu de signes 40 et 60 % se manifeste par une altération de l’état
d’obstruction des voies aériennes, voire aucun. de conscience ; un taux se situant entre 15 et 40 %
Cependant, il faut suspecter une lésion thermique est associé à divers degrés de dysfonctionnement
des voies respiratoires en présence de brûlures au du SNC ; les taux compris entre 10 et 15 %, observés
visage, des sourcils et des poils du nez, de dépôts de chez les fumeurs, produisent rarement des symp-
suie dans l’oropharynx et dans les expectorations ou tômes graves, mais peuvent causer des céphalées.
si l’histoire indique qu’il y a eu connement dans un Les principales manifestations cliniques de l’in-
environnement clos. Ces observations évoquent une toxication grave au monoxyde de carbone touchent
lésion aiguë par inhalation et exigent des soins immé- le SNC et le cœur. Les symptômes prédominants sont
diats. Le recours rapide à l’intubation et à l’assistance les céphalées, les étourdissements, les nausées, les
respiratoire avant la formation d’un œdème trachéal vomissements, la dyspnée et la confusion (Brunicardi
doit être envisagé. Le cas échéant, il sera nécessaire et al., 2010). Les cas plus graves peuvent conduire à
19
d’effectuer une trachéotomie ou une cricothyroïdo- l’ischémie myocardique et à des complications tou-
tomie. La lésion par inhalation prédispose la per- chant le SNC imputables à une diminution de l’ap- Le chapitre 19, Troubles
sonne à la pneumonie et au syndrome de détresse port en oxygène et aux atteintes déjà subies par le respiratoires, traite de la
respiratoire aiguë (SDRA) (Endorf & Gamelli, 2007). système circulatoire. Les premiers signes de l’intoxi- ventilation par oscillation
L’approche thérapeutique du SDRA nécessite un sou- cation sont notamment la tachycardie, la tachypnée, à haute fréquence ainsi
tien ventilatoire et, dans les cas les plus graves, une la confusion et les vertiges. Plus la concentration de que de l’oxygénation par
monoxyde de carbone augmente, plus la réactivité membrane extracorporelle
ventilation par oscillation à haute fréquence et une
pour la prise en charge du
oxygénation par membrane extracorporelle 19 . de la personne diminue, avec une possibilité d’évo-
syndrome de détresse
Lorsqu’une lésion par inhalation survient en conco- lution vers une absence totale de réaction et une
respiratoire aiguë.
mitance avec des brûlures cutanées, le volume de défaillance respiratoire.
remplacement requis durant la réanimation est plus Le traitement de choix de l’intoxication oxycarbonée
élevé que celui prévu en présence d’une brûlure cuta- est l’administration d’oxygène à haute concentration,
née seulement. soit à 100 %, par un masque sans réinspiration bien
ajusté ou par une intubation endotrachéale. La demi-
Intoxication au monoxyde de carbone vie du monoxyde de carbone dans l’organisme
Une personne trouvée morte sur les lieux d’un incen- est de 4 heures à l’air ambiant (21 % d’oxygène),
die et qui présente peu de lésions cutanées, de 2 heures à une concentration de 40 % d’oxygène et
voire aucune, est probablement décédée des suites de 40 à 60 minutes à 100 % d’oxygène (Brunicardi
d’une intoxication au monoxyde de carbone. Le mono- et al., 2010). Les chambres hyperbares, où la demi-
xyde de carbone, un sous-produit de la combustion vie du monoxyde de carbone est de 30 minutes, ne
sont plus utilisées dans les soins du client brûlé. En 35
incomplète du carbone, est un gaz incolore, inodore et
sans saveur. L’inhalation de ce gaz entraîne sa liaison effet, puisque ce gaz peut être rapidement éliminé
à l’hémoglobine disponible, produisant de l’HbCO, par l’administration d’oxygène à 100 %, il devient
ce qui diminue la saturation en oxygène de l’hémo- souvent inutile de risquer un transport du client vers
globine. Celle-ci a environ de 200 à 250 fois plus cette ressource.
d’afnité pour le monoxyde de carbone que pour l’oxy-
gène (Brunicardi et al., 2010). L’HbCO se lie peu Lésion des voies respiratoires supérieures
avec l’oxygène, ce qui réduit la capacité de transport Les brûlures des voies respiratoires supérieures
de l’oxygène dans le sang et entraîne une hypoxémie. peuvent atteindre le pharynx, le larynx, la trachée et
Le décit en oxygène tissulaire est aggravé par un les bronches principales, et elles sont causées par la

Chapitre 35 Brûlures 1095


chaleur directe ou par l’inammation chimique et la Lésion des voies respiratoires inférieures
nécrose. Les lésions par inhalation sont le plus sou-
L’air chaud cause rarement des lésions des voies res-
vent limitées aux voies respiratoires supérieures,
piratoires inférieures. Lorsque cela se produit, la vic-
au-dessus des cordes vocales, en raison de la forte
time décède souvent sur les lieux de l’accident. Les
capacité d’échange thermique de ces conduits.
brûlures des voies respiratoires inférieures sont géné-
Une lésion thermique peut être sufsamment
ralement causées par une source chimique. Une tra-
grave pour causer une obstruction des voies respira-
chéobronchite accompagnée de spasmes et d’une
toires supérieures à tout moment, dès l’accident et
respiration sifante intense peut survenir dans les
jusqu’à la réanimation. Des précautions sont prises
avec le client ayant une hypovolémie grave, car l’ap- minutes ou les heures qui suivent la brûlure. L’examen
parition d’un œdème supraglottique peut survenir diagnostique le plus fréquent dans de tels cas est la
après le début de la réanimation liquidienne quand scintigraphie pulmonaire en mode ventilation-
le liquide s’accumule progressivement dans l’espace perfusion au xénon. La survenue des symptômes
interstitiel (ou « troisième espace »). Les éléments de après l’inhalation de fumée est imprévisible, et toute
surveillance dans tels cas sont l’apparition d’une voix personne à risque doit faire l’objet d’une surveillance
rauque, d’un stridor et la production d’expectorations attentive pendant au moins 24 à 48 heures après l’ex-
charbonneuses. L’intensité maximale de l’œdème des position à la fumée (Brunicardi et al., 2010).
voies respiratoires supérieures survient 24 heures Les stratégies optimales d’utilisation de la ventila-
après la brûlure, et cette période requiert une surveil- tion mécanique chez les personnes atteintes d’une
lance à l’unité de soins critiques (Tintinalli et al., lésion par inhalation constituent une priorité absolue
2011). La suspicion d’une obstruction des voies res- dans le domaine de la recherche médicale (Dries,
piratoires supérieures repose sur l’analyse de plu- 2009). Outre les lésions thermiques, les effets secon-
sieurs variables énumérées dans l’ENCADRÉ 35.2. daires de la réanimation liquidienne massive et l’uti-
Dans cette optique, il importe de se rappeler que lisation d’appareils de ventilation mécanique peuvent
la vapeur possède une capacité thermique plusieurs précipiter l’apparition du SDRA (Dries, 2009). Dans
fois supérieure à celle de l’air sec et est capable de ces cas, les modes de ventilation visant la protection
déjouer les capacités naturelles extrêmement ef- des poumons comprennent des volumes courants
caces de dissipation de la chaleur des voies respira- faibles, des pressions positives à l’expiration plus éle-
toires supérieures. vées et une pression de plateau inférieure à 30 mm Hg
L’intubation endotrachéale est nécessaire dès (Dries, 2009). L’utilisation de surfactant en instillation
le moment où il existe un doute quant à la perméa- intrabronchique et l’oxyde nitrique inhalé sont des
bilité des voies respiratoires. Le traitement de stratégies de dernier recours pour un client brûlé pré-
l’œdème et du bronchospasme sont secondaires. La sentant des lésions par inhalation et n’ayant pas
présence d’une sonde endotrachéale exige la mise répondu à d’autres techniques d’assistance ventila-
en place de plusieurs stratégies permettant la pré- toire (Brunicardi et al., 2010). Ces méthodes per-
vention de complications, plus particulièrement la mettent de réduire les pneumonies et d’améliorer la
pneumonie acquise sous ventilation mécanique. Ces survie des victimes (Pham & Gibran, 2007). Le traite-
stratégies sont l’élévation de la tête de lit à un angle ment des lésions des voies respiratoires inférieures
minimal de 30°, la mobilisation précoce, l’aspiration est principalement de nature symptomatique. Comme
des sécrétions et l’administration de bronchodilata- pour les lésions des voies respiratoires supérieures,
teurs qui favorisent l’élimination des sécrétions. Une une hygiène pulmonaire rigoureuse, l’aspiration des
bronchoscopie est parfois nécessaire pour aspirer sécrétions, l’assistance ventilatoire et une réanimation
les sécrétions plus tenaces. Un soutien ventila- liquidienne assortie de mesures de prévention de
toire doit être fourni en cas de fatigue ou d’insuf- l’œdème pulmonaire et du SDRA sont fortement
sance respiratoire. recommandées (Tintinalli et al., 2011).

35.6.2 Brûlures non thermiques


Collecte des données Brûlures chimiques
Les brûlures chimiques peuvent être causées par un
ENCADRÉ 35.2 Indices de suspicion d’une obstruction des voies large éventail de produits. Les acides, les bases et les
respiratoires supérieures composés organiques ou inorganiques peuvent être à
l’origine de ce type de brûlures. L’acidité ou l’alcali-
• Présence de brûlures au visage et au cou • Voix rauque ou présence d’un stridor nité du produit ainsi que sa concentration déter-
• Présence de phlyctènes ou de rougeurs • Augmentation du volume d’expectorations minent sa capacité de provoquer des lésions. Dans le
sur le pharynx • Circonstances dans lesquelles est survenue passé, l’irrigation des brûlures à l’aide de solutions
• Présence de poils du nez roussis la brûlure (espace clos, présence de vapeur neutralisantes était recommandée an de limiter leur
• Élévation du taux d’HbCO ou de gaz surchauffés) étendue et leur profondeur. Cette pratique n’est plus
• Augmentation de la fréquence respiratoire préconisée, car les agents neutralisants peuvent pro-
et diminution de l’amplitude respiratoire voquer des réactions exothermiques – dégageant eux-
mêmes de la chaleur – et, de ce fait, accroître la gravité

1096 Partie 8 Multisystèmes


des brûlures. Il se peut aussi que l’on ne sache pas reins. Elle peut être extrêmement toxique et mener
quel agent neutralisant utiliser ou que celui-ci ne soit à une néphropathie aiguë. Dans le cas de brûlures
pas disponible. Il est plutôt recommandé de rincer la électriques, la formule de Parkland n’est pas appli-
région touchée à grande eau, en retirant les chaussures cable à la réanimation liquidienne, et le volume de
et les vêtements de la victime. Une brûlure de l’œil liquide doit être ajusté en fonction du débit urinaire.
par un produit alcalin exige une irrigation ininterrom- En cas de présence de myoglobine dans l’urine, un
pue pendant de nombreuses heures après l’accident ; débit urinaire supérieur à 100 ml/h chez l’adulte et
il ne faut pas oublier de retirer les lentilles cornéennes à 2 ml/kg/chez l’enfant est visé, jusqu’à la disparition
avant de commencer l’irrigation. totale du pigment de la myoglobine dans l’urine
Il existe différents traitements destinés aux brû- (Pham et al., 2007 ; Pham & Gibran, 2007).
lures chimiques. Dans le cas d’une brûlure par le Dans les cas d’une d’hémoglobinurie, il faut sup-
phénol, il faut d’abord diluer l’agent causal, puis poser que le client présente également de la myoglo-
appliquer rapidement sur la peau du polyéthy- binurie et de l’acidose. L’administration de bicarbonate
lène glycol ou de l’huile végétale an d’atténuer la gra- de sodium par voie intraveineuse (I.V.) permet de
vité de la brûlure. Pour traiter une région exposée à rétablir le pH et de promouvoir l’excrétion de myo-
l’acide uorhydrique, on rince à grande eau avant globine. La perfusion de bicarbonate de sodium relève
d’appliquer un gel de gluconate de calcium à 2,5 %. Le de ce qu’on appelle la diurèse alcaline forcée. Un ECG
client peut avoir besoin de suppléments de gluconate à 12 dérivations de référence est également effectué,
de calcium, car l’ion uorure forme un précipité avec ainsi qu’un dosage des biomarqueurs cardiaques.
le calcium sérique, ce qui provoque une hypocalcé- Les variables analysées pour le monitorage car-
mie. Les brûlures causées par le phosphore blanc diaque du client victime de brûlures sont énumérées
doivent être recouvertes d’un pansement humide, car dans l’ENCADRÉ 35.3.
cette substance peut s’enammer si elle s’assèche. D’autres clients atteints de brûlures électriques
Dans le cas d’une brûlure par le goudron ou par l’as- peuvent être admis dans les unités de soins sans
phalte, il est préférable d’utiliser des produits à base monitorage tout en faisant l’objet d’une observation
de distillat de pétrole, par exemple du DetacholMD continue. Les arythmies cardiaques doivent être trai-
(Ferndale Laboratories, Inc., Ferndale, MI). La solu- tées promptement pour d’écarter la possibilité d’un
tion peut être appliquée directement sur la plaie, puis infarctus du myocarde.
essuyée délicatement. Après l’élimination du gou-
dron, un débridement de la plaie est effectué. On
applique ensuite un agent antimicrobien topique. 35.7 Traitements médicaux
Brûlures électriques et soins inrmiers
Dans le cas d’une brûlure électrique, il faut prendre
en compte le type et la tension du circuit, la résis- L’évolution de l’état de santé du client brûlé comprend
tance, le trajet corporel du courant et la durée du une phase de réanimation, une phase aiguë ainsi
qu’une phase de réadaptation. Chacune de ces trois
contact pour déterminer l’ampleur du dommage
phases pose un ensemble particulier de problèmes
subi. Le premier répondant doit couper le courant
réels et potentiels. La phase de réanimation s’amorce
an d’interrompre le circuit ; il doit savoir comment
par la réponse hémodynamique initiale à la brûlure et
procéder pour ne pas devenir lui-même un élé-
dure jusqu’au rétablissement de l’intégrité capillaire
ment du circuit. Il est impératif d’utiliser de l’équi-
et à la réplétion du volume plasmatique par le rem-
pement isolé de manière appropriée an de dévier
placement liquidien. La diurèse spontanée indique
le passage du courant. Le sauvetage des victimes doit
que les capillaires ont retrouvé leur intégrité. La phase
s’effectuer en prenant des précautions extrêmes.
aiguë commence avec la reprise de la diurèse et prend
L’électricité se déplace toujours en direction du sol.
n avec la fermeture des plaies. Les principaux résul-
Le corps conduit l’électricité de manière globale, et le
tats escomptés durant cette phase sont la guérison de
courant ne se déplace pas plus rapidement dans les
la plaie et la prévention des infections. Ainsi, la phase
nerfs ou dans le système circulatoire. Bien souvent,
les brûlures électriques sont beaucoup plus graves que
ne laisse croire l’aspect de la plaie (Pham & Gibran,
2007). Lorsque le courant électrique traverse l’orga- Collecte des données
35
nisme, il endommage les tissus internes et laisse peu
de signes de brûlure à la surface de la peau. ENCADRÉ 35.3 Variables déterminantes pour le monitorage
La brûlure électrique peut provoquer une rhab- cardiaque du client brûlé
domyolyse, ainsi qu’une perturbation importante de
l’équilibre acidobasique, donnant lieu à une myo- • Les circonstances de la perte de conscience • L’interprétation de l’ECG à 12 dérivations
globinurie, qui représente une menace grave pour la ou de l’arrêt cardiaque • La présence de brûlures sur plus de 20 %
fonction rénale. La myoglobine est un élément • La documentation des événements d’aryth­ de la surface corporelle totale
constitutif du muscle. La destruction importante de mie cardiaque sur les lieux de l’accident ou • L’âge très jeune ou très avancé
cette structure provoque la libération de myoglobine à l’urgence • Des antécédents de cardiomyopathie
dans la circulation sanguine et sa ltration par les

Chapitre 35 Brûlures 1097


aiguë englobe les phases de la cicatrisation, qui seront par inhalation comprend l’évaluation physique
abordées plus loin. La phase de réadaptation porte (p. ex., des poils faciaux roussis, des brûlures de la
principalement sur la correction des déciences fonc- muqueuse du nez ou de la bouche, des expectora-
tionnelles et sur la prévention des cicatrices. Elle peut tions charbonneuses), l’analyse des GSA, le dosage
durer de quelques mois à plusieurs années selon la de l’HbCO, la radiographie pulmonaire, la bronchos-
gravité des brûlures. Elle est axée sur le soutien favo- copie, la scintigraphie pulmonaire au xénon-133 et
risant une guérison satisfaisante de la plaie, la préven- les tests d’évaluation de la fonction pulmonaire. Les
tion et le traitement des cicatrices et des contractures, interventions inrmières relatives à la surveillance
ainsi que sur l’aide psychologique apportée au client de l’oxygénation sont résumées dans l’ENCADRÉ 35.4.
et à ses proches (Blakeney, Rosenberg, Rosenberg
et al., 2008). Dans ce domaine, la collaboration étroite Surveiller les échanges gazeux
des membres de l’équipe interdisciplinaire est indis- La complication la plus répandue des lésions par
pensable pour assurer une prestation de soins holis- inhalation est l’intoxication oxycarbonée. La pneu-
tiques et centrés sur la qualité. monie chimique est causée par l’inhalation des sous-
produits de la combustion de substances comme le
coton, les aldéhydes, les oxydes de soufre et l’azote.
35.7.1 Préserver les La combustion du polychlorure de vinyle produit au
fonctions vitales moins 75 composés potentiellement toxiques, y com-
La phase de réanimation, ou phase de choc, est carac- pris de l’acide chlorhydrique et du monoxyde de
térisée par des difcultés de dégagement des voies carbone. Dans les jours qui suivent la brûlure,
respiratoires, par l’instabilité cardiopulmonaire et un SDRA peut apparaître. La principale manifesta-
par l’hypovolémie qui mettent la vie du client en tion clinique de ce syndrome est l’hypoxémie réfrac-
19 danger. Chaque organe participe à la réponse phy- taire à l’oxygénothérapie. L’assistance ventilatoire
siologique engendrée par une brûlure couvrant plus associée à une pression expiratoire positive est le
Le chapitre 19, Troubles res­ de 20 % de la surface corporelle totale (Pham et al., traitement de choix 19 .
piratoires, traite de l’oxygé­ 2007), et l’ampleur de cette réponse est proportion-
nothérapie avec pression Protéger les voies respiratoires
nelle à l’étendue de la brûlure. Le but de la phase de
expiratoire positive dans Dans les 24 premières heures suivant la brûlure, un
réanimation est de maintenir la fonction et l’irriga-
les cas de SDRA. œdème du larynx et une obstruction des voies res-
tion des organes vitaux.
piratoires supérieures peuvent survenir à tout
moment. L’intubation endotrachéale doit être effec-
Surveiller l’oxygénation
tuée le plus rapidement possible, car cette procédure
La lésion par inhalation est devenue la cause la plus habituellement simple peut poser d’énormes dif-
fréquente de décès chez les personnes victimes de cultés en présence d’un œdème laryngé. L’œdème
brûlures, alors qu’au cours des 40 à 50 dernières peut continuer à évoluer pendant les 72 premières
années, cette place était occupée par le choc, puis par heures après la brûlure (Pham et al., 2007). Le client
la sepsie consécutive aux brûlures. Le diagnostic qui n’a pas été intubé précocement doit faire l’objet
précoce de la lésion par inhalation est primordial d’une surveillance attentive durant cette période
pour réduire au minimum les risques de complica- critique. Lorsqu’on anticipe une insufsance respi-
tion et diminuer le taux de mortalité. Trois compli- ratoire pendant une longue période en raison d’une
cations liées à l’oxygénation sont associées à inhalation de fumée importante, une trachéotomie
l’inhalation de fumée durant la phase de réanima- est effectuée.
tion : 1) l’intoxication au monoxyde de carbone ; L’extubation est envisagée dès le moment où le
2) l’obstruction des voies respiratoires supérieures ; client satisfait à certains critères, dont un bon état
3) la pneumonie chimique. La recherche d’une lésion d’éveil, un effort inspiratoire supérieur à 25 cm d’eau
(H2O) chez l’adulte, une capacité vitale de 10 ml/kg et
une diminution des expectorations. L’inrmière colla-
Pratiques inrmières suggérées bore avec le médecin ou l’inhalothérapeute pour éva-
luer la résorption de l’œdème en dégonant le ballonnet
ENCADRÉ 35.4 Surveiller l’oxygénation endotrachéal et en observant la capacité du client à
respirer sans le soutien de la ventilation mécanique.
• Évaluer les bruits respiratoires ainsi que la • Rechercher les signes d’obstruction et de
fréquence et la qualité des respirations. détresse respiratoire (p. ex., la tachypnée et Assurer la réanimation liquidienne
• Administrer de l’oxygène pour le maintien la tachycardie, un travail respiratoire accru, Les protocoles actuels préconisent une réanimation
d’une saturation artérielle en oxygène optimale. l’utilisation des muscles accessoires, un liquidienne basée sur l’étendue des brûlures et sur le
• Surveiller le taux d’HbCO. stridor, une respiration sifante, une voix poids du client. Le poids, en kilogrammes, est me-
• Élever la tête du lit et mettre en application les rauque, des crépitations pulmonaires). suré au moment de l’admission. Le calcul s’effectue
précautions de prévention de la pneumonie • Préparer le client et assister le médecin selon l’une ou l’autre des formules mentionnées pré-
acquise sous ventilation mécanique. pour l’intubation endotrachéale et la cédemment TABLEAU 35.1. Les formules se dis-
• Évaluer et faciliter l’expectoration des ventilation mécanique. tinguent entre elles sur le plan des volumes
sécrétions pulmonaires. • Tenir une documentation exacte et à jour. administrés et de la teneur en sodium des solutions
de remplacement proposées.

1098 Partie 8 Multisystèmes


Le type de solution utilisée pour le remplacement Prévenir l’hyperkaliémie et l’hypokaliémie
liquidien et l’ajout de colloïdes reste controversé, et Le potassium et le sodium doivent faire l’objet d’une
aucune ligne directrice n’est claire à cet effet. surveillance attentive durant la période de réanima-
L’administration de solutions cristalloïdes (lactate tion. Une hyperkaliémie peut survenir durant cette
Ringer) pendant les 24 à 36 premières heures suivant phase en raison de la libération de potassium par les
la brûlure est la pratique la plus courante, en raison cellules lésées, de l’acidose métabolique et de l’alté-
de leur composition similaire à celle du liquide ration de la fonction rénale causée par l’hémo-
extracellulaire. Pour la clientèle pédiatrique, globinurie, la myoglobinurie ou la diminution de
l’utilisation d’une solution de lactate Ringer avec l’irrigation rénale. Il faut rechercher chez le client la
dextrose 5 % (D 5LR) est recommandée comme présence éventuelle de manifestations cliniques de
perfusion I.V. d’entretien, surtout durant les l’hyperkaliémie, notamment les troubles de conduc-
24 premières heures. tion cardiaques. Durant la phase de réanimation, il
Une évaluation des lésions secondaires pouvant n’est pas recommandé d’utiliser des résines échan-
avoir une inuence sur le choix du liquide est geuses d’ions (polystyrène sulfonate de sodium [p. ex.,
conseillée. Dans les conditions idéales, la paroi des KayexalateMD]), du dextrose hypertonique ou de l’in-
capillaires retrouve son intégrité environ 24 heures suline I.V. pour ramener le potassium à l’intérieur des
après la brûlure, ce qui permet d’administrer des col- cellules, en raison de la nature imprévisible des dépla-
loïdes sans risque de fuite de protéines dans l’es- cements de liquide qui peuvent se produire.
pace interstitiel. Les déficits colloïdaux sont L’hypokaliémie peut survenir durant la phase de
généralement compensés au cours des 24 heures réanimation en raison de la perte massive de liquides
suivantes par de l’albumine. En plus des colloïdes, et d’électrolytes à travers les plaies. Durant la phase
des perfusions I.V. d’entretien sont nécessaires aiguë, elle peut être causée par l’hémodilution, la
pour remplacer les pertes par évaporation, et réplétion électrolytique insufsante, les pertes asso-
le volume est ajusté en fonction du taux sérique ciées à la diurèse, à la diarrhée, aux vomissements ;
d’électrolytes, du débit urinaire, du poids et de elle peut également résulter du passage du potassium
l’évaluation clinique du client. de l’espace intravasculaire à la cellule une fois l’aci-
Les effets physiologiques de la brûlure entraînent dose corrigée.
des complications qui surviennent après celle-ci. Les soins inrmiers incluent notamment la sur-
Les facteurs de coagulation sont altérés, les pro- veillance des arythmies cardiaques, le traitement des
téines sont dénaturées, et le contenu cellulaire est nausées et des vomissements, la prévention d’une
ionisé. Ces facteurs, conjugués à la dilatation des surcharge liquidienne, la surveillance fréquente
capillaires et des petits vaisseaux et à l’augmenta- des taux sériques et le remplacement judicieux du
tion de la perméabilité capillaire, provoquent un potassium. Le traitement inclut la correction de
transfert de liquide de l’espace intravasculaire à l’acidose.
l’espace interstitiel. Le système lymphatique, qui
assure normalement l’élimination du liquide inters- Prévenir l’hyponatrémie
titiel excédentaire, peut être endommagé ou inca- L’hyponatrémie n’est pas rare durant la phase de réa-
pable d’assurer ses fonctions. nimation en raison de la perte de sodium par la plaie,
En plus du transfert de protéines et d’électro- le passage du liquide dans l’espace interstitiel, les
lytes, la perte insensible en eau augmente. Chez vomissements, la diarrhée et l’utilisation de solutions
l’adulte en bonne santé, cette perte est estimée salines hypotoniques durant la première phase de la
de 35 à 50 ml/h. Chez la personne ayant subi des réanimation. Durant cette phase, il peut être nécessaire
brûlures, la perte insensible en eau pourrait de surveiller les taux sériques de sodium toutes les
atteindre de 300 à 3 000 ml/jour. Cette augmentation quatre à huit heures. L’hyponatrémie peut également
serait liée à l’élévation de la température et à l’éten- survenir durant la phase aiguë à cause de l’hémodilu-
due de la brûlure. tion et des pertes par les plaies, ainsi que d’une diurèse
La perte de plasma commence presque immé- excessive résultant du retour du liquide dans l’espace
diatement après la brûlure et atteint son maximum intravasculaire. L’inrmière effectue les interventions
dans les 48 premières heures. Par la réanimation appropriées pour le traitement des nausées et des
liquidienne, il faut viser un débit urinaire compris vomissements, et elle envisage la réplétion du sodium
entre 0,5 et 1 ml/kg/h, une fréquence cardiaque par voie I.V. au besoin. Durant la reprise de la diurèse,
inférieure à 120 battements par minute, une P.A. qui survient pendant la phase aiguë, la restriction de 35
de normale à élevée, une pression veineuse cen- l’apport en eau libre est la seule intervention suggérée
trale (PVC) entre 5 et 12 mm Hg ou une pression pour élever le taux sérique de sodium.
artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) infé-
rieure à 18 mm Hg, des bruits pulmonaires nor- Prévenir les risques d’infection
maux, un état de conscience adéquat et l’absence La prévention des infections chez le client brûlé
de troubles intestinaux. Toutefois, la fréquence constitue un véritable dé. La plaie causée par une
cardiaque, la P.A. et la PVC ne sont pas toujours brûlure est la source d’infection la plus fréquente chez
des prédicteurs exacts ou ables de la réussite de la victime. La perte de fonction protectrice de la peau
la réanimation liquidienne. et la contamination par la ore bactérienne de la

Chapitre 35 Brûlures 1099


personne peuvent causer une bactériémie. Certains réanimation liquidienne et la fonction rénale sont
établissements préconisent des cultures de routine adéquates. Elle surveille la concentration urinaire du
pour une détection précoce des infections. Pour glucose, du sodium, de la créatinine, ainsi que
réduire au minimum le risque de bactériémie, il est la concentration sanguine de l’urée et les taux de créa-
nécessaire de procéder à un examen quotidien des tinine kinase sanguins. L’utilisation d’une sonde uri-
plaies à la recherche d’un changement d’aspect, par naire est appropriée pendant les 48 à 72 premières
exemple une augmentation de l’exsudat, d’odeur ou heures. En raison du risque extrêmement élevé d’in-
de couleur. L’antibiothérapie prophylactique n’est pas fection lié à ce dispositif, l’inrmière le retire dès que
recommandée dans le traitement des brûlures. Il faut possible. Toutefois, il peut être nécessaire de garder
plutôt adapter celle-ci en fonction des résultats des la sonde en place si la région du périnée est touchée
cultures obtenus (Tintinalli et al., 2011). par les brûlures. En général, l’oligurie est liée à une
La contamination croisée est une source impor- réanimation liquidienne insufsante, mais elle peut
tante d’infection et une cause de sepsies. L’hygiène des aussi être associée aux néphropathies aiguës. Parmi
mains reste la meilleure prévention. L’inrmière doit les autres signes de l’insufsance rénale gurent
procéder à l’hygiène des mains et changer de gants l’augmentation sérique des taux de créatinine, de la
entre les soins de chaque plaie. Par exemple, après concentration sanguine de l’urée et du potassium, un
avoir changé le pansement thoracique, qui peut gain pondéral soudain, l’apparition d’un œdème, une
être contaminé par les expectorations, l’inrmière hypertension, de la léthargie et de la confusion.
doit procéder à l’hygiène des mains et changer La présence de glucose dans l’urine provoque une
de gants avant d’effectuer le soin des jambes. Chaque diurèse osmotique. Dans une telle situation clinique,
fois qu’il y a contact avec des liquides organiques, le débit urinaire n’est pas une estimation able du
l’inrmière doit porter une blouse, des gants et un volume liquidien vasculaire. En raison de la perte
masque. Cet équipement doit être changé, et l’hygiène accrue de liquide par les reins, la glycosurie peut
des mains renouvelée entre chaque client. Il est indiquer la nécessité d’administrer une quantité de
recommandé d’avoir du matériel dédié ; les appareils liquide supérieure à celle estimée à l’origine.
comme les thermomètres, les pompes à perfusion I.V.
et les stéthoscopes doivent être réservés à l’usage Évaluer la perfusion cérébrale
exclusif d’un client et, s’ils sont partagés, doivent être L’état neurologique du client est évalué fréquemment
nettoyés avec une solution bactéricide appropriée. durant les premiers jours. Les changements peuvent
Toute personne entrant en contact avec le client, être causés par une lésion cérébrale connexe surve-
y compris les membres de sa famille et les visiteurs, nue au moment de la brûlure, par l’hypoperfusion
doit être informée de la norme applicable en liée à l’hypovolémie, par l’hypoxémie associée à une
matière de prévention des infections. Ces mesures ventilation inadéquate, par l’intoxication au mono-
de précautions doivent être rigoureusement respec- xyde de carbone ou par des déséquilibres électroly-
tées par tous. tiques. Le client ayant subi des brûlures électriques ou
des brûlures thermiques majeures peut être atteint de
lésions neurologiques périphériques, susceptibles de se
35.7.2 Maintenir la perfusion manifester quelques jours après la survenue de la lé-
tissulaire sion. L’évaluation neurologique se fait dans un pre-
mier temps à partir de l’échelle de coma de Glasgow
Évaluer la perfusion rénale 22 . Il n’est pas rare que le client soit agité et
22 Une analyse d’urine doit être effectuée rapidement extrêmement anxieux durant la phase de réanima-
après la brûlure pour déterminer le taux de myoglo- tion qui suit une brûlure en raison de l’hypovolémie,
Le chapitre 22, Évaluation bine. La myoglobinurie peut être décelée à l’œil nu de l’hypoxémie, de la douleur et de la peur d’être
clinique du système ner­ par la coloration bourgogne de l’urine. La myoglo- déguré ou de mourir. Toutefois, la possibilité d’une
veux et examens paracli­
bine est extrêmement toxique pour les reins et peut atteinte neurologique ne doit pas être écartée et peut
niques, décrit l’utilisation
de l’échelle de coma de
causer une destruction tubulaire massive. Le meil- commander des examens neurologiques approfon-
Glasgow et les examens leur traitement demeure l’administration rapide de dis. Le maintien d’une P.A. moyenne adéquate est
neurologiques nécessaires liquides. Le but du traitement est d’obtenir un débit essentiel pour assurer une pression de perfusion
pour évaluer l’état de cons­ urinaire au moins deux fois plus élevé que la valeur cérébrale adéquate.
cience de façon complète. généralement recommandée pour irriguer les tubules
rénaux. L’inrmière administre parfois du bicarbo- Évaluer la perfusion périphérique
nate de sodium pour alcaliniser l’urine et favoriser La perfusion inadéquate des tissus périphériques
l’élimination des pigments d’hème. résulte de la création d’un troisième espace durant
La surveillance de la fonction rénale revêt une la phase de réanimation, qui restreint l’apport san-
importance vitale dans la prise en charge du client guin vers les extrémités. L’hypovolémie, la vasocons-
atteint de brûlures. L’atteinte du système rénal peut triction de compensation et la diminution de la
être liée à l’hémoglobinurie, à la myoglobinurie, à température corporelle potentialisent l’hypoperfu-
l’hypoperfusion et à l’hypovolémie. L’inrmière sion périphérique. L’irrigation des tissus périphé-
surveille le débit urinaire toutes les heures pendant riques doit être surveillée attentivement chez tous
les 48 à 72 premières heures pour déterminer si la les clients ayant subi des brûlures. L’inrmière

1100 Partie 8 Multisystèmes


évalue la chaleur, la couleur et la qualité des pouls l’acide gastrique devrait être maintenu au-dessus de 5
périphériques des régions tant brûlées qu’intactes. par l’administration d’anti-acides, comme la ranitidine
Le temps de remplissage capillaire devrait être infé- (ZantacMD), ou d’inhibiteurs de la pompe à protons,
rieur à trois secondes dans les régions non brûlées. comme le pantoprazole (PantolocMD), pour prévenir la
Toute manifestation clinique évocatrice d’une dimi- survenance de ces ulcères. L’inrmière surveille l’ap-
nution de l’irrigation des tissus systémiques doit être parition de saignements gastro-intestinaux par l’ana-
signalée immédiatement. Les jambes croisées, les lyse des selles et du contenu gastrique pour détecter
positions déclives et les coussins sous les genoux du la présence de sang occulte. Elle observe le client an
client devraient être évités. Les lits et les matelas de déceler la sensation de gêne ou de plénitude épi-
spécialisés peuvent être utiles pour prévenir les gastrique, la baisse de la P.A. ou l’augmentation de la
lésions de pression, faciliter le positionnement et fréquence cardiaque.
optimiser la fonction pulmonaire. L’inrmière peut
surélever les membres au-dessus du cœur an de
Recourir à des techniques effractives
réduire l’œdème périphérique et de favoriser le de monitorage
retour veineux. Des exercices d’amplitude de mou- La décision médicale de recourir à des techniques
vement assistés peuvent aider à réduire l’œdème. effractives de monitorage doit être prise après avoir
L’évaluation de la circulation périphérique est cru- mûrement soupesé les facteurs de risque potentiels
ciale chez le client atteint de brûlures circonféren- et la pertinence des données recueillies sur le traite-
tielles profondes des extrémités. L’œdème résultant ment. Le monitorage effractif devrait être envisagé si
de telles lésions peut porter gravement atteinte au le traitement semble inefcace ou s’il y a présence de
système vasculaire. Il faut évaluer l’intégrité neuro- facteurs de complication tels qu’une atteinte respira-
vasculaire des extrémités touchées par des brûlures toire grave, des lésions majeures mettant la vie en
circonférentielles toutes les heures pendant les 24 à danger, une lésion crânienne ou un pneumothorax.
48 premières heures en recherchant les signes sui- Les clients atteints d’un trouble préexistant comme
vants : pâleur, froideur, douleur, paresthésie, paralysie la maladie pulmonaire obstructive chronique, l’insuf-
et absence de pouls. Une évaluation continue et sance cardiaque et l’insufsance rénale peuvent
approfondie est nécessaire, en particulier chez le également nécessiter un monitorage effractif.
client intubé qui peut être incapable de communiquer Le monitorage effractif comprend la mesure directe
la douleur ou la paresthésie. L’utilisation d’un appa- de la PVC, de la P.A.P., de la P.A. continue, de la tem-
reil à ultrasons peut s’avérer nécessaire, mais la perte pérature corporelle centrale, du débit cardiaque et des
des pouls est un signe tardif d’atteinte vasculaire. résistances vasculaires systémique et pulmonaire.
L’engourdissement et la paresthésie peuvent appa- L’utilisation d’une canule artérielle doit être envisagée
raître 30 minutes avant la perte des pouls. Tout chan- s’il est nécessaire de disposer de données sériées sur
gement observé doit être signalé immédiatement au les GSA, ou en cas d’instabilité hémodynamique
nécessitant le titrage de médicaments vasoactifs. Un
médecin. Une ischémie des nerfs entraînant une perte
cathéter veineux central peut être utile pour adminis-
de fonction irréversible peut survenir après 12 à
trer la quantité importante de liquide requise durant
14 heures. Une escarrotomie peut devenir nécessaire
la phase de réanimation, pour l’administration de
pour permettre l’expansion du tissu sous-jacent. Pour
perfusions I.V., d’antibiotiques, de médicaments
les plaies plus profondes, une fasciotomie, c’est-à-dire
vasoactifs et la mesure continue de la PVC. Les risques
une incision des fascias, devient parfois inévitable.
liés à l’installation de ces cathéters sont l’infection, le
Évaluer la perfusion gastro-intestinale pneumothorax et la difculté d’insertion en cas d’hy-
povolémie. Il est préférable de ne pas insérer de cathé-
L’iléus paralytique est une complication gastro-
ter à un endroit où la peau est brûlée.
intestinale courante qui survient durant la phase de
La mise en place d’un cathéter artériel pulmo-
réanimation ou dans le cas d’une sepsie. Les bruits
naire se fait lorsqu’il est nécessaire de recueillir plus de
abdominaux et intestinaux devraient être évalués
données hémodynamiques. Il peut fournir des don-
toutes les deux heures durant la phase initiale
nées sur la PAPO, le débit cardiaque, le volume
et toutes les quatre heures par la suite. En cas de
d’éjection systolique, les résistances vasculaires sys-
manifestations cliniques de l’iléus paralytique, il faut
témique et pulmonaire, la température corporelle
cesser l’alimentation par voie orale (P.O.) et mettre en
centrale et la saturation en oxygène du sang
place une sonde nasogastrique sous succion faible à
veineux. 35
modérée. L’iléus paralytique peut être causé par une
L’insertion de tout cathéter intravasculaire et son
hypokaliémie, par la réponse du système sympa-
changement de pansement s’effectuent dans des
thique au trauma grave ou à la diminution de l’irri-
conditions aseptiques optimales. Le risque d’infec-
gation des tissus imputable à l’hypovolémie.
tion étant une préoccupation majeure, tous les
Un ulcère gastrique peut se former à la suite d’une
cathéters effractifs devraient être retirés dès que
diminution de l’irrigation des tissus du tube digestif
possible.
(tractus gastro-intestinal), d’un changement de quan-
tité ou de qualité du mucus (dont le pH est égal à 1) Maintenir la normothermie
ou d’une augmentation de la sécrétion d’acide gas- Le maintien de la thermorégulation est un dé pour
trique provoquée par la réponse de stress. Le pH de l’inrmière. Chez le client ayant subi des brûlures

Chapitre 35 Brûlures 1101


étendues, le risque d’hypothermie est élevé. par l’infection des plaies. L’excision de la plaie et la
L’hypothermie s’avère particulièrement préoccu- greffe de peau faite précocement, les soins spécialisés
pante durant le traitement initial, durant la réfection de la plaie, le soutien nutritionnel et les soins pré-
des pansements et immédiatement après une inter- ventifs caractérisent cette phase.
vention chirurgicale. La perte de chaleur s’effectue L’inrmière en soins critiques joue un rôle clé
par les plaies ouvertes. La température corporelle durant le processus de guérison. En tant que pilier
centrale du client devrait être maintenue entre 37,6 de l’équipe de soins aux grands brûlés, elle est res-
et 38,3 °C. ponsable de l’évaluation quotidienne des plaies, du
débridement, de la gestion préopératoire et postopé-
Interpréter les résultats d’analyses sanguines
ratoire, ainsi que de la gestion de la douleur et du
L’inrmière surveille le décompte des leucocytes an
soutien psychosocial. Dès que survient la brûlure,
de déceler toute élévation évocatrice d’une sepsie.
l’organisme répond en déclenchant une série de
Toutefois, il n’est pas rare que ce taux chute en dessous
changements physiologiques visant à restaurer l’inté-
de 5 000/mm3 dans les 48 heures suivant la brûlure,
grité de la peau. La cicatrisation des plaies comprend
voire encore plus bas – 1 500/mm3 à 2 000/mm3 –
la phase inammatoire, la phase proliférative et la
après l’administration de sulfadiazine d’argent
phase de maturation.
(FlamazineMD). Les données sur l’hémoglobine et l’hé-
matocrite peuvent se révéler utiles durant la phase de Phase inammatoire
réanimation pour évaluer la réponse du client au trai- La phase inammatoire débute dès que la brûlure se
tement. Lorsqu’un débridement chirurgical est néces- produit. Elle se caractérise par des modications
saire, la surveillance des décomptes globulaires durant touchant le système vasculaire et l’activité cellulaire.
la période postopératoire s’impose. Les taux sériques Les changements qui se produisent dans les vais-
de différents éléments aident à évaluer en continu la seaux lésés visent à protéger la plaie de l’environne-
fonction rénale et l’équilibre électrolytique. ment externe. Les plaquettes, activées par la
formation de lésions sur les parois des vaisseaux,
35.7.3 Évaluer et traiter la brûlure s’agglutinent ; la cascade de la coagulation est amor-
Les soins et les traitements de la brûlure constituent cée et, dans les vaisseaux de plus gros calibre, les
la priorité après la phase de réanimation. La ferme- tissus des muscles lisses se contractent pour limiter
ture rapide de la plaie réduit le risque de nom- la perte liquidienne. Ces mécanismes compensa-
breuses complications telles que les déséquilibres teurs, de courte durée, mais importants, protègent le
liquidiens et électrolytiques, la déperdition en pro- client contre une perte excessive de sang et une expo-
téines et en azote et l’infection. Le débridement ini- sition accrue à la contamination bactérienne. La
tial consiste à retirer les phlyctènes et la peau non vasodilatation locale augmente l’apport sanguin au
adhérente. Le médecin évalue la profondeur et site de la lésion, puis la perméabilité vasculaire s’ins-
l’étendue des brûlures et adapte le traitement en talle. Sur le plan clinique, ce phénomène s’observe
conséquence. Selon la profondeur de la brûlure, par un érythème et de l’exsudat (Bryant & Nix, 2007).
celle-ci guérira d’elle-même avec des soins de plaies Les granulocytes envahissent la plaie en l’espace de
quotidiens ou nécessitera un débridement chirurgi- 24 heures et entament la phagocytose du tissu nécro-
cal et une greffe. Pour une guérison optimale, plu- tique et des bactéries. Les broblastes migrent jusqu’à
sieurs objectifs doivent être atteints : lutte contre les la plaie et se multiplient, produisant une matrice de
infections par un nettoyage et un débridement méti- collagène. Cette phase de guérison dure jusqu’à trois
culeux, promotion de la réépithélialisation et pré- à cinq jours suivant la survenue de la brûlure
paration de la plaie avant la greffe. Les autres (Stipcevic, Piljac & Piljac, 2007).
objectifs sont de réduire les risques de formation de
Phase proliférative
cicatrices et de contractures et d’assurer le confort
La phase proliférative débute vers la 4e journée et
du client par un soutien psychologique et un traite-
dure jusqu’à 20 jours après la brûlure. Durant cette
ment pharmacologique appropriés.
phase, le broblaste synthétise du collagène qui
Reconnaître les phases confère la résistance nécessaire à la plaie en voie de
cicatrisation. Les cellules épithéliales migrent vers
de cicatrisation
le lit de la plaie an de le protéger. Ce phénomène
Après la phase de réanimation commence la phase se nomme épithélialisation. La contraction de la
aiguë. Cette période de transition entre l’état de choc plaie s’effectue lorsque des broblastes spécialisés,
et la phase hypermétabolique dure jusqu’à la guérison appelés myobroblastes, se rabattent an de joindre
des plaies. Des changements majeurs touchant le sys- les bords de la plaie (Bryant & Nix, 2007).
tème cardiopulmonaire et les brûlures surviennent
et modient la manière dont les soins sont prodigués Phase de maturation
au client brûlé comparativement à ceux de la phase La phase de maturation, ou phase de remodelage,
de réanimation. La stabilité cardiopulmonaire est débute environ le vingtième jour après la brûlure et
optimale durant cette période, car l’inammation et peut durer plus de un an. Durant cette période, la
l’infection ne se sont pas encore installées. Les chan- plaie acquiert une solidité à la suite de la formation
gements hypermétaboliques peuvent être compliqués de dépôts de collagène dans le tissu cicatriciel.

1102 Partie 8 Multisystèmes


Quelle que soit la qualité du réalignement du colla- agent antimicrobien topique, puis d’un pansement
gène, la plaie ne retrouvera jamais le degré de résis- primaire pour absorber l’exsudat provenant de la
tance ou l’intégrité initiaux. plaie, suivi d’un pansement secondaire permettant à
la fois l’absorption et l’occlusion (Edlich et al., 2009).
Reconnaître les facteurs inuant Une autre méthode consiste à recouvrir la plaie
sur la guérison d’une brûlure d’une ne couche de gaze ou d’un pansement non
Les principales sources de contamination des brû- adhérent pouvant être imprégné d’un produit à base
lures sont la ore endogène de la peau, des voies de gelée de pétrole, avec ou sans application d’agent
respiratoires supérieures et du tube digestif du client. antimicrobien topique.
La ore exogène inclut les bactéries dont les membres
du personnel sont porteurs et celles présentes dans Appliquer l’antibiothérapie topique
l’environnement. Les principaux facteurs propres au Les brûlures détruisent les mécanismes de protec-
client qui le prédisposent à l’infection sont l’âge, le tion de la peau, y compris les glandes sébacées. Ces
diabète, la prise de stéroïdes, l’obésité, la malnutri- glandes ont pour fonction d’assouplir les poils et la
tion grave et les infections concomitantes. La réaction peau et de diminuer l’évaporation d’eau, et elles
inammatoire nécessaire à la guérison de la plaie est possèdent une action bactéricide qui représente leur
similaire à la réponse de l’organisme à une infection. fonction la plus importante (Marieb, 2010). Le
Il faut absolument faire la distinction entre l’inam- plasma fuyant des capillaires endommagés constitue
mation de la plaie et l’infection pour adapter le trai- un milieu propice à la colonisation bactérienne. Des
tement. La plupart des brûlures sont colonisées par agents antibiotiques topiques sont utilisés pour
des bactéries, mais cela ne signie pas qu’elles sont contrôler cette colonisation. Les agents antibacté-
infectées (Greenhalgh, 2009). Pour diagnostiquer une riens efcaces devraient remplir cette fonction de
infection, il faut tenir compte des résultats des ana- manière à produire dans les échantillons de biopsie
lyses microbiologiques et les corréler aux observa- une densité inférieure à 105 micro-organismes par
tions cliniques, notamment un érythème excessif, gramme de tissu. L’efcacité d’antibiotiques topiques
l’œdème, la douleur et la présence de pus. Parmi les n’est pas démontrée lorsque la densité dépasse cette
autres facteurs inuant sur la guérison de la plaie norme. Un traitement par voie P.O. ou I.V. peut alors
gurent l’hypoxie tissulaire causée par la faible irri- être envisagé. Les antibiotiques topiques retenus
gation sanguine de la plaie, la présence d’escarres doivent satisfaire à plusieurs critères : produire
nécessitant un débridement, l’exsudat qui peut nuire des effets secondaires minimes, ne pas favoriser
à la granulation, ainsi que le trauma causé par les l’apparition de souches résistantes, être d’applica-
changements de pansement fréquents. tion facile et rapide et avoir un faible coût. Les anti-
biotiques les plus couramment utilisés sont la
Nettoyer les plaies sulfadiazine d’argent, la bacitracine en onguent
Pour nettoyer une brûlure, il existe différentes (BacitracinMD) ainsi que le pansement primaire
méthodes appropriées (p. ex., une solution stérile imprégné d’argent TABLEAU 35.2.
de normale saline, de l’eau stérile, une solution de La sulfadiazine d’argent est un agent antimicro-
chlorhexidine). L’inrmière nettoie les plaies avec bien à large spectre possédant une action bactéricide
délicatesse à l’aide de grandes compresses et les contre les organismes Gram négatifs et Gram positifs
assèche avant d’appliquer les agents topiques. À associés à l’infection des brûlures. Cette crème est
chaque changement de pansement, l’inrmière net- appliquée une ou deux fois par jour sur une plaie
toie et inspecte la plaie et la peau non brûlée à la qui n’a pas subi de greffe (Connor-Ballard, 2009).
recherche de signes d’infection. Elle limite au mini- Pour obtenir une action antimicrobienne, une libé-
mum l’exposition de la plaie an de prévenir l’hypo- ration prolongée d’argent est nécessaire. On y par-
thermie et de réduire les risques d’infection. Avant vient avec l’humidité présente dans l’exsudat de la
de procéder, l’inrmière administre au client une plaie et qui peut donner à la couche de crème de
analgésie-sédation adéquate à la suite de l’évaluation sulfadiazine d’argent un aspect de pseudo-escarre
de sa douleur. de coloration gris-jaune (Connor-Ballard, 2009). La
couche précédente de sulfadiazine d’argent doit être
Soigner les plaies nettoyée avant toute nouvelle application (Connor-
Si les options pour le soin des plaies sont nom- Ballard, 2009). Le retrait de la couche de crème de
35
breuses, le principe de base du maintien de la plaie sulfadiazine d’argent s’avère souvent douloureux
dans un environnement humide tout en prévenant pour le client, mais l’application d’une nouvelle
les infections constitue la norme de soins. Les prin- couche ne l’est pas. Un effet secondaire courant de
cipaux avantages sont la prévention de l’assèchement la sulfadiazine d’argent est la leucopénie, pouvant
de la plaie, l’efcacité optimale des facteurs de crois- apparaître de 24 à 72 heures après l’application et se
sance locaux et des enzymes protéolytiques pour résorbant dans les 2 ou 3 jours suivants. Entre-temps,
éliminer les tissus morts, l’augmentation de la réépi- il n’est pas nécessaire de cesser l’utilisation de cet
thélialisation et de la synthèse de collagène et la dimi- agent. La sulfadiazine d’argent est indiquée pour des
nution de l’exsudat. Le protocole le plus courant en brûlures partielles (2e degré) ou des brûlures pro-
matière de soins des brûlures est l’application d’un fondes (3e degré) (Edlich et al., 2009).

Chapitre 35 Brûlures 1103


Pharmacothérapie

TABLEAU 35.2 Agents antimicrobiens topiques


MÉDICAMENT EFFETS RECHERCHÉS EFFETS INDÉSIRABLES SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Sulfadiazine • Application facile et indolore • Possibilité d’entraîner une • Surveiller la numération des leucocytes.
d’argent • Large spectre leucopénie passagère par la • Observer les plaies pour déceler tout signe de
(FlamazineMD) • Cas rares de réactions allergiques suppression de la moelle tunnélisation et d’infection sous l’escarre.
• Pénétration minimale de l’escarre • Surveiller les résultats des cultures.
• Inefcace avec certains organismes
Gram négatifs résistants

Crème à l’acétate • Large spectre, mais plus spécique • Application douloureuse, car crème • Assurer une analgésie adéquate.
de mafénide contre Pseudomonas épaisse difcile à étendre • Surveiller les GSA.
• Pénétration de l’escarre • Cas rares d’acidose métabolique • Surveiller l’apparition de signes d’hyperventilation
• Cas fréquents de réactions compensatoire de l’acidose métabolique.
allergiques • Surveiller l’apparition d’éruptions cutanées.

Bacitracine • Application indolore, facile • Aucune pénétration de l’escarre


(BacitracinMD) • Non irritante • Aucune protection contre les
• Transparente (si onguent) organismes Gram négatifs ou
• Non toxique les champignons

Argent pur • Application indolore • Obligation de garder humide avec • Garder la literie sèche.
• Large spectre, incluant champignons de l’eau stérile, et non avec une
et organismes résistants solution saline
• Cas rares de réactions allergiques
• Changements de pansement moins
fréquents
• Aucun effet secondaire rapporté

La crème à l’acétate de mafénide pénètre l’escarre cutanée imputable aux levures est associée à l’utili-
de la brûlure et possède des propriétés bactériosta- sation répétée de bacitracine.
tiques à l’égard d’un grand nombre d’organismes L’argent est utilisé depuis longtemps pour le trai-
Gram négatifs et Gram positifs (Connor-Ballard, tement des plaies en raison de ses propriétés bacté-
2009). Son usage demeure limité en raison de la sen- riostatiques à large spectre. L’humidité de la plaie
sation de brûlure qu’elle produit et de sa rapidité active les ions d’argent et permet leur libération
d’absorption, ce qui rend nécessaire une application continue ; ainsi, un changement quotidien de ce type
répétée. Elle est habituellement utilisée pour la pro- de pansement n’est pas requis. Le pansement à
tection des petites plaies situées dans des régions l’argent doit être utilisé avec discernement et pen-
anatomiques comprenant du cartilage, comme les dant une période ne dépassant pas quatre à six
oreilles et le nez (Connor-Ballard, 2009). L’utilisation semaines, malgré l’absence de conséquences systé-
d’acétate de mafénide peut provoquer une acidose miques ou locales négatives, pour éviter l’augmen-
métabolique TABLEAU 35.2. tation des taux sériques d’argent, dont l’effet demeure
La solution d’acétate de mafénide 5 % est moins mal connu (Bryant & Nix, 2007 ; Leaper, Ayello,
douloureuse à l’application que la crème, elle est de Carville et al., 2012).
plus iso-osmolaire et moins asséchante pour la plaie. Une revue systématique Cochrane a démontré
Un pansement saturé de cette solution est appliqué qu’une guérison plus rapide et une diminution dans
sur la plaie, puis l’inrmière le réhumidie au la fréquence des changements de pansements, signi-
besoin. La solution pénètre mieux à travers l’escarre ant moins de douleur pour le client, ont été rappor-
que la sulfadiazine d’argent et possède des effets tées avec l’utilisation de substituts cutanés
antimicrobiens supérieurs à celle-ci, mais n’a pas comparativement à la sulfadiazine d’argent en crème
d’effet antifongique. (Wasiak, Cleland & Campbell, 2008).
La bacitracine en onguent est un agent topique
utilisé pour les brûlures supercielles et les brûlures Débrider les plaies
du visage. Elle est efcace contre les organismes L’escarre est le tissu non viable qui se forme après la
Gram positifs, mais pas contre les Gram négatifs ou brûlure. Ce tissu n’est pas vascularisé, et les granulo-
les champignons. L’apparition d’une éruption cytes ainsi que les anticorps ne peuvent le pénétrer.

1104 Partie 8 Multisystèmes


L’escarre constitue un excellent milieu de croissance 35.7.4 Fermer la plaie
pour les bactéries ; il est d’une importance vitale de
Le but premier des soins et des traitements de la
la débrider lorsqu’elle est détachée. Le débridement a
brûlure est la fermeture de la plaie durant la phase
deux buts principaux : éliminer le tissu contaminé par
aiguë. Le plus souvent, les brûlures profondes
les corps étrangers et les bactéries, an de prévenir
(3e degré) sont traitées par excision et greffe (Orgill,
les infections chez le client, et éliminer le tissu dé-
2009). Pour certaines brûlures partielles dont la
vitalisé. Il existe trois types de débridement : 1) méca-
durée de cicatrisation est longue, l’excision et la
nique ; 2) enzymatique ; 3) chirurgical.
greffe peuvent également être indiquées. Si une brû-
Débridement mécanique lure n’a pas cicatrisé après 10 à 14 jours, une excision
Le débridement mécanique consiste à soulever dou- est recommandée pour améliorer les résultats fonc-
cement et à découper le tissu nécrotique détaché à tionnels et esthétiques, réduire le risque d’infection,
l’aide de ciseaux et de pinces FIGURE 35.11A et B. écourter la durée de l’hospitalisation et diminuer le
Cette procédure ne peut être effectuée que par une coût des soins liés au traitement des brûlures (Edlich
inrmière expérimentée ou un médecin. Des com- et al., 2009 ; Orgill, 2009). Le débridement chirurgi-
presses stériles sous forme de pansement de type cal peut commencer entre le troisième et le cin-
wet-to-dry (pansement humide retiré une fois sec) quième jour suivant la brûlure, dès le retour de la
ou wet-to-wet (pansement qui retient l’humidité) stabilité hémodynamique du client (Connor-
peuvent être utilisées pour approfondir le débride- Ballard, 2009). Certains médecins opèrent dans les
ment du lit de la plaie. 24 heures suivant l’admission si le client est stable
hémodynamiquement. Pour réduire au minimum le
Débridement enzymatique risque de contraction, dans le cas d’une brûlure sur
Le débridement enzymatique consiste en une appli- la surface d’une articulation, l’excision et la greffe
cation topique de substances protéolytiques sur le doivent se faire dès que possible (Mosier & Gibran,
lit de la plaie. Ces agents servent à ramollir l’es- 2009). Chez le client ayant des brûlures très éten-
carre et à dissoudre le tissu dévitalisé. Ils favorisent dues, l’excision est généralement faite par étapes, ce
le décollement de l’escarre, ce qui permet d’accélérer qui nécessite son retour en salle d’opération tous les
la guérison de la plaie. deux ou trois jours jusqu’à ce que toutes les plaies
Débridement chirurgical aient été excisées. Cette technique contribue à éviter
Un médecin procède au débridement chirurgical des transfusions massives et à limiter le stress phy-
dans la salle d’opération. Le but du débridement siologique (Connor-Ballard, 2009).
est de retirer le tissu non viable, jusqu’à l’appari-
tion d’un tissu viable présentant un saignement, à Autogreffe
l’aide d’un électrodermatome ou d’un bistouri. Une autogreffe est une greffe de peau prélevée sur
un site donneur sain et non lésé du client, puis posée
sur sa brûlure pour la recouvrir de façon permanente.
Les zones privilégiées pour le prélèvement du gref-
fon sont la cuisse, le dos et l’abdomen, mais presque
toutes les autres régions du corps peuvent être utili-
sées (Brunicardi et al., 2010). Lorsque le pourcentage
de surface corporelle brûlée est élevé, la disponibilité
des sites donneurs peut poser problème. Il existe
alors d’autres options à l’autogreffe lorsque celle-ci
n’est pas envisageable. Des substituts cutanés qui
permettent une couverture permanente et satisfai-
sante sur les plans esthétique et fonctionnel ont été
mis de l’avant. Un substitut cutané peut être utilisé
jusqu’à ce que la peau du client puisse être prélevée
de nouveau. Les anciens sites donneurs ayant cica-
trisé peuvent faire l’objet d’un nouveau prélèvement
au cours d’une visite ultérieure à la salle d’opération
(Orgill, 2009). 35
L’excision chirurgicale vise à retirer mécanique-
ment le tissu nécrotique de la brûlure ; elle peut être
pratiquée de façon tangentielle ou par fasciotomie.
L’excision tangentielle consiste à exciser l’escarre en
tranches successives jusqu’à l’apparition d’un tissu
viable présentant un saignement, puis à poser un
FIGURE 35.11 greffon de peau demi-épaisseur sur la plaie.
Brûlure du tronc antérieur et des deux bras. A Avant débridement L’excision jusqu’aux fascias est utilisée dans le cas
mécanique. B Après débridement mécanique. d’une plaie profonde et lorsque le tissu adipeux ne

Chapitre 35 Brûlures 1105


semble pas viable (Orgill, 2009). À l’aide d’un der- Elle est posée sur le greffon, recouverte d’un panse-
matome, les feuillets de l’épiderme du client et une ment plus épais et parfois stabilisée par une attelle,
couche partielle du derme sont prélevés. C’est ce selon la région anatomique où est effectuée la greffe.
qu’on appelle des greffes de peau demi-épaisseur qui Le dispositif de cicatrisation par pression négative
peuvent être appliquées sur le lit de la plaie sous constitue une méthode sûre et efcace pour stabiliser
forme de feuillet ou de let FIGURE 35.12A et B. le greffon de peau demi-épaisseur et est associé à une
Les greffons de peau demi-épaisseur prélevés ont amélioration de la survie de celui-ci (Wolf, 2008).
une épaisseur environ 0,3 mm. Leur surface peut Un médecin ou un membre du personnel inrmier
être méchées de 1,5:1 à 4:1 à l’aide d’un ampligreffe d’espérience retire le pansement de trois à cinq jours
(Edlich et al., 2009). La taille du greffon méché dépend après l’opération an d’évaluer l’adhérence et la sur-
de la zone à greffer et de la disponibilité de sites vie du greffon. L’inrmière, en collaboration avec
donneurs. Cette transformation du greffon en let l’équipe interdisciplinaire, s’occupe du bon position-
prévient l’accumulation de sérum sous la greffe et nement, de la pose de l’attelle et de la gestion de la
permet de couvrir une surface plus étendue que la douleur pendant la période postopératoire. Il faut
surface initiale. Sur le visage, le cou, la région infé- prendre bien soin de ne pas toucher ou déplacer le
rieure des bras et les mains, il faut utiliser dans la greffon. La mobilisation de la région greffée devient
mesure du possible des greffons en feuillets. Les gref- généralement possible après le retrait du premier
fons en let couvrent une surface plus étendue, mais pansement opératoire ou selon la recommandation
peuvent donner un résultat insatisfaisant sur le plan du plasticien.
esthétique ; ils sont donc généralement utilisés sur Les soins du site donneur sont tout aussi impor-
les régions moins visibles du corps. tants, car ils représentent aussi une plaie comparable
Le greffon peut être maintenu en place par des à une lésion d’épaisseur partielle. Il existe plusieurs
sutures, de la colle de brine ou des agrafes. Il existe types de pansements pouvant être utilisés pour cou-
un large éventail de types de pansements pouvant vrir le site donneur. Il ne faut pas forcer pour retirer
être posés sur le greffon, dont le choix est fonction ces pansements, car cela nuit au processus de réépi-
de l’évaluation médicale. La gaze à maille ne impré- thélialisation et provoque une douleur intense.
gnée d’un agent émollient représente une possibilité.
Homogreffes et héterogreffes
Les homogreffes et les hétérogreffes sont des substi-
tuts cutanés biosynthétiques. La peau destinée à
l’homogreffe provient d’un donneur vivant ou dé-
cédé. L’homogreffe (allogreffe) prélevée sur la peau
d’un cadavre peut être congelée et conservée dans
une banque de tissus grâce aux progrès réalisés en
matière de cryoconservation. En raison de la possi-
bilité de transmission de maladies par l’application
d’une homogreffe, les banques de tissus doivent res-
pecter des lignes directrices rigoureuses. Après le
prélèvement, la peau destinée à l’homogreffe subit
des tests de dépistage de différentes maladies trans-
missibles, dont le virus de l’immunodéficience
humaine et les antigènes de surface de l’hépatite B.
L’homogreffe peut être appliquée comme un panse-
ment biologique durant le débridement ou comme
protection temporaire sur la brûlure. Un début de
reépithélialisation s’effectue, préparant le site à rece-
voir une future greffe. La manipulation et l’applica-
tion des homogreffes doivent se faire avec une grande
précaution. Les greffons peuvent être recouverts d’un
pansement non adhérent qui ne doit pas être changé
avant 24 à 48 heures.
Les principaux inconvénients de l’homogreffe
sont l’antigénicité, le manque de disponibilité,
les difficultés posées par la conservation et le
contrôle de la qualité, ainsi que la possibilité de
transmission d’une maladie. Les homogreffes sont
prélevées dans les régions de l’abdomen, des cuisses
et du dos dans les quatre premiers jours suivant le
FIGURE 35.12 décès du donneur. En général, elles ne sont dispo-
A Greffe de peau demi-épaisseur. B Greffe en feuillet sur nibles que dans des centres où les normes rigou-
la fesse gauche. reuses applicables à la procédure de traitement

1106 Partie 8 Multisystèmes


peuvent être respectées. Ces centres disposent de des substituts cutanés susceptibles de fermer la plaie 36
banques de peau et de tissus. Les modalités d’obten- de manière fonctionnelle et acceptable sur le plan
tion d’une l’allogreffe sont comparables à celles de esthétique sont mis au point. Ces derniers peuvent Les modalités du don
tout autre don d’organe de tissus sont abordées
36 . être temporaires ou permanents, et ils possèdent
dans le chapitre 36, Don
L’hétérogreffe (xénogreffe) est une greffe entre chacun leurs particularités (Sheridan, 2009). Les
et transplantation.
deux êtres vivants appartenant à deux espèces diffé- substituts temporaires sont destinés à être posés sur
rentes. La xénogreffe la plus utilisée est la peau de des brûlures partielles (2e degré), tandis que les subs-
porc. Celle-ci est disponible sous forme congelée ou tituts permanents remplacent la peau de manière
préservée, chacune ayant une durée de conservation dénitive.
beaucoup plus longue que celle d’une allogreffe. Les substituts cutanés doivent posséder des pro-
Selon la manière dont la peau de porc a été préparée, priétés qui reproduisent celles de l’épiderme et du
sa durée de conservation peut aller de un mois à un derme. Ils peuvent être fabriqués en divers matériaux
an. La peau de porc peut se présenter sous différents tels que le nylon, le polyuréthane ou les polymères
formats. Elle peut avoir été traitée à la sulfadiazine siliconés. Ils doivent posséder plusieurs caracté-
d’argent et peut être méchée ou non. La peau de porc ristiques pour produire l’effet recherché ; le panse-
peut être utilisée pour la couverture temporaire des ment temporaire doit notamment protéger le tissu
brûlures partielles (2e degré), des brûlures profondes de granulation et préserver une surface propre et
(3e degré) et des sites donneurs. Elle possède un viable pouvant servir à une autogreffe ultérieure
grand nombre de propriétés du substitut cutané idéal ENCADRÉ 35.5. La propriété la plus importante de
mentionnées précédemment. Ses deux inconvé- ces matériaux est l’adhérence, qui permet au substi-
nients sont les suivants : elle est antigénique et elle tut cutané de simuler la fonction de la peau.
peut être digérée par la collagénase présente dans la L’adhérence doit être uniforme pour prévenir l’accu-
plaie, ce qui risque de provoquer une infection. mulation de liquide sous la surface du substitut qui
Une fois la peau de porc mise en place, elle peut pourrait mener à une prolifération bactérienne.
être recouverte d’un pansement imprégné d’agent
antibactérien ou d’un autre type de préparation.
Comme elle n’est pas irriguée, la peau de porc est en
ENCADRÉ 35.5 Caractéristiques idéales des substituts cutanés
général retirée ou dissoute cinq à sept jours plus tard.
En cas de desquamation ou d’écoulement purulent,
la xénogreffe est retirée. • Adhérence • Propriétés similaires à celles de la
Le TABLEAU 35.3 présente les avantages et les • Diminution de la douleur peau normale pour le transport de
inconvénients de différents types de greffe. • Facilité d’application et de retrait la vapeur d’eau
• Barrière antibactérienne • Élastiques et durables
Substituts cutanés • Entreposage à la température de la pièce • Hémostatiques
Souvent, la non-disponibilité de site donneur pour • Peu coûteux par rapport aux autres • Favorisant peu la perte de protéines
les brûlures majeures retarde la fermeture des plaies traitements et d’électrolytes
(Sheridan, 2009). Dans le but de réduire au minimum • Non antigénique
les risques d’infection et de favoriser la cicatrisation,

TABLEAU 35.3 Avantages et inconvénients des types de greffes


GREFFE UTILISATION AVANTAGES INCONVÉNIENTS

Autogreffe • Couverture permanente des plaies • Elle est non antigénique. • Il peut y avoir retard dans la couverture des
• Utilisation en feuillets ou en lets • Elle est peu coûteuse. plaies en l’absence de site donneur disponible.
• Le méchage permet d’utiliser un petit • Les sites donneurs sont des plaies
fragment de tissu pour couvrir une douloureuses.
surface plus grande. • Elle doit être effectuée au bloc opératoire.

Homogreffe • Couverture temporaire des plaies • Elle peut être posée au chevet du client • Il y a possibilité de transmission de maladies.
(allogreffe) ou en salle d’opération. • Antigénique, elle est rejetée par l’organisme 35
• Elle permet une vascularisation des environ deux semaines plus tard.
plaies profondes. • Elle n’est pas disponible dans tous les centres
• Elle procure un meilleur contrôle de soins aux grands brûlés.
de la croissance bactérienne que • Elle est coûteuse.
la xénogreffe. • Elle exige un contrôle de la qualité rigoureux.

Hétérogreffe • Couverture temporaire des plaies • La durée de conservation est plus longue • Elle est antigénique.
(xénogreffe) • Traitée à la sulfazidine d’argent que celle de l’allogreffe. • Elle présente un grand risque d’infection.
• Possibilité d’être méchée ou non • Elle se présente sous différents formats.

Chapitre 35 Brûlures 1107


L’application d’un substitut cutané nécessite que conduit au décès. Les personnes gravement brûlées
la plaie soit propre et, idéalement, que la numération chez qui le catabolisme prédomine peuvent perdre
bactérienne y soit inférieure à 105 organismes par jusqu’à 25 % de leur masse corporelle totale après
gramme de tissu. La plaie doit être exempte d’escarre avoir subi une brûlure importante (Williams, Branski,
et ne plus saigner : l’escarre et le sang sont des Jeschke et al., 2011).
milieux très propices à la prolifération bactérienne, L’objectif sur le plan nutritionnel du client victime
et la présence de sang peut nuire à l’adhérence. La de brûlures est d’assurer un apport calorique sufsant
surface est nettoyée et rincée avec une solution pour favoriser la cicatrisation des plaies. Pour ce faire,
saline, et le substitut cutané est appliqué dans des le soutien nutritionnel et la réduction de la demande
conditions stériles. Il existe plusieurs types de subs- énergétique sont impératifs. Tout doit être mis en
tituts cutanés. Parmi les plus communs gurent œuvre pour réduire la libération des catécholamines,
l’IntegraMD et l’autogreffe épithéliale cultivée. qui augmentent le métabolisme. La douleur, la peur,
IntegraMD est devenu un substitut dermique très l’anxiété et le froid stimulent la libération des réserves
utilisé grâce à sa couche ultrafine très efficace de catécholamines. Il faut intervenir de façon appro-
accueillant une autogreffe épidermique. Il est destiné priée à l’égard de chacun de ces stimulus. Parmi les
à être appliqué sur une brûlure profonde (3e degré) interventions non pharmacologiques gurent l’exci-
fraîchement excisée, et sa membrane de silicone sion et la fermeture rapide des plaies, un apport ali-
externe est remplacée par une autogreffe épithéliale mentaire riche en glucides et en protéines, la gestion
ultrane deux ou trois semaines plus tard (Demling de la douleur et de l’anxiété et le maintien de la tem-
et al., 2009a). Ce produit peut également servir à la pérature corporelle.
cicatrisation de sites donneurs plus superciels En raison des besoins nutritionnels accrus de la
(Stipcevic et al., 2007). personne atteinte de brûlures, l’alimentation par
Une technique basée sur la mise en place d’auto- voie P.O. est en général inadéquate et doit être com-
greffes épithéliales cultivées est désormais devenue plétée par la nutrition par voie entérale. Les besoins
un complément du traitement des brûlures. Cette caloriques sont calculés en fonction du pourcentage
procédure permet de séparer les kératinocytes. de surface corporelle brûlée, de l’âge, de la taille et
L’autogreffe épithéliale cultivée est mise en culture du poids du client, ainsi que des facteurs de stress.
pendant une période de deux ou trois semaines pour Le bilan azoté négatif accroît les besoins en protéines
produire un greffon d’une surface de 25 cm2, ce qui et en calories du client victime de brûlures. La quan-
représente une expansion de 50 à 70 fois celle de tité journalière de protéines requise peut augmenter
l’échantillon initial. Les feuillets conuents de cel- jusqu’à deux à quatre fois la valeur normale de
lules épithéliales en culture sont xés à un support 0,8 g/kg de poids corporel. Les glucides et les lipides
de gaze et déposés sur la plaie. L’acceptation de la sont utilisés pour produire de l’énergie et pour pré-
greffe est imprévisible, car les autogreffes épithé- server les protéines nécessaires à la cicatrisation des
liales cultivées ne possèdent pas de derme plaies. L’apport calorique quotidien peut être jusqu’à
(Shevchenko, James & James, 2010). Même si la deux fois plus élevé que celui d’une personne en
greffe commence par adhérer, un rejet peut survenir santé. En général, les vitamines et les minéraux sont
ultérieurement. Comparativement à d’autres administrés à des doses supérieures à celles recom-
méthodes, l’autogreffe épithéliale cultivée est éga- mandées. L’inrmière surveille les taux sériques
lement plus fragile et très coûteuse. Ce traitement d’albumine, de préalbumine, de fer, de zinc, de cal-
est recommandé à titre de complément à la greffe de cium, de phosphate et de potassium, et elle admi-
peau demi-épaisseur traditionnelle ; il continue à nistre des suppléments en fonction des résultats
faire l’objet de recherches et à être associé avec des d’analyses obtenus (Wolf, 2008).
substituts dermiques plus récents.
35.7.6 Évaluer et gérer la douleur
35.7.5 Pallier le décit nutritionnel Les brûlures et leur traitement peuvent être très
Le métabolisme basal d’un client atteint de brûlures douloureux. Le phénomène de la douleur est sub-
peut être de 40 à 100 % plus élevé que la valeur nor- jectif et comporte des composantes physiologiques
male, selon le pourcentage de surface corporelle et psychologiques 8 . La douleur doit être trai-
brûlée. Le métabolisme est inuencé par des facteurs tée dès le début et fréquemment réévaluée. Elle est
tels que la quantité de protéines et d’albumine per- causée par l’exposition des terminaisons nerveuses
due par les plaies, la réponse catabolique au stress, dès qu’il y a des brûlures partielles (2e degré) et
8
les traumas associés, la perte liquidienne, la èvre, des sites donneurs. La douleur procédurale, par
Le chapitre 8, Gestion de l’infection, l’immobilité, le sexe, ainsi que la taille exemple, est notamment causée par les interven-
la douleur, aborde notam­ et le poids du client avant les brûlures (Wolf, 2008). tions telles que les soins quotidiens des plaies, les
ment la physiologie de la Une perte de 10 % de la masse corporelle totale séances de physiothérapie et d’ergothérapie et le
douleur, de même que entraîne un dysfonctionnement du système immu- port d’attelles (Summer, Puntillo, Miaskowski
l’évaluation de celle­ci nitaire ; à 20 % de perte, la cicatrisation des plaies et al., 2007). Durant les procédures thérapeutiques,
dans ses composantes
devient plus difficile ; à 30 % surviennent des il est nécessaire d’administrer une analgésie et une
subjectives et objectives.
infections graves, tandis qu’une perte de 40 % sédation adéquates. Le prurit peut devenir un

1108 Partie 8 Multisystèmes


symptôme incommodant additionnel durant la l’anxiété et la douleur perçue. Le fait de donner au
phase de réadaptation, et celui-ci peut être exa- client un certain contrôle en matière de soulagement
cerbé par l’administration d’analgésiques opioïdes. de la douleur peut procurer les mêmes effets. La per-
Immédiatement après la brûlure, des analgésiques ception de la douleur est souvent exacerbée chez
opioïdes sont administrés par voie I.V., et leur dose un client anxieux qui n’a pas de maîtrise sur les évé-
sera ajustée selon la réponse du client. La douleur nements (Orgill, 2009).
peut aussi être traitée par une autoanalgésie contrô- Un soulagement inadéquat de la douleur peut
lée par le client. Après le retour de la stabilité hémo- intensier l’hypermétabolisme causé par la brûlure,
dymique et des fonctions gastro-intestinales, il est porter atteinte au lien de conance entre l’équipe soi-
possible d’administrer des analgésiques opioïdes par gnante et le client et mener à l’apparition de troubles
voie P.O. Les injections par voie sous-cutanée ne sont psychologiques. L’inrmière évalue l’état psycholo-
pas recommandées durant la phase aiguë de la brû- gique du client et en discute à intervalles réguliers ;
lure, car l’absorption par cette voie est imprévisible elle évite l’utilisation des agents psychotropes à des
en raison des déplacements de liquides qui se pro- fins analgésiques, ainsi que des analgésiques
duisent. Le recours à l’acétaminophène et aux anti- opioïdes pour traiter l’anxiété et la dépression.
inammatoires non stéroïdiens peut être utile chez
le client ne présentant pas de risque d’hémorragie. 35.7.7 Préparer le client
L’administration d’anxiolytiques et d’antidépres-
seurs peut également être envisagée. L’inrmière
à sa réadaptation
évalue l’efcacité du traitement médicamenteux en La phase de réadaptation est celle de la récupération
utilisant une échelle visuelle analogique ou numé- et de la guérison tant physique que psychologique.
rique. Elle s’assure auprès du client que toutes les Ainsi, une fois la phase aiguë traversée, le client com-
questions concernant sa douleur feront l’objet d’une mence une phase de réadaptation qui peut durer
réévaluation continue. quelques années. La réadaptation psychologique revêt
La douleur persiste même après la fermeture des tout autant d’importance chez le client brûlé. Celui-ci
plaies et en phase de réadaptation ; certaines per- peut avoir besoin d’une intervention chirurgicale
sonnes rapportent des démangeaisons, des fourmil- reconstructive importante. Sur le plan psychologique,
lements et des paresthésies aussi incommodantes l’inrmière aide le client à se xer des objectifs per-
que la lésion initiale (Summer et al., 2007). Les pares- sonnels précis concernant le retour à un degré de
thésies sont des sensations neurologiques anormales fonctionnalité le plus près possible de celui précédant
telles que l’engourdissement, les fourmillements ou la brûlure (Blakeney et al., 2008). Chaque petit progrès
les irritations brûlantes qui peuvent persister plus ou accomplissement doit être encouragé.
de un an après la brûlure. Le soulagement inadéquat L’équipe interdisciplinaire et le client travaillent
de la douleur est un problème dans de nombreux à préparer le congé de celui-ci et à l’aider à reprendre
centres de soins aux grands brûlés en raison, d’une une vie la plus normale possible. La thérapie de
part, de la peur des effets secondaires des analgé- groupe est un outil intéressant qu’utilisent de nom-
siques opioïdes et de la dépendance à ces substances breux centres de soins aux grands brûlés. Le client,
et, d’autre part, de l’absence de suivi des protocoles ses proches et les membres de l’équipe soignante font
d’évaluation ou de traitement de la douleur. part de leurs idées et de leurs sentiments. Souvent,
La perte de contrôle et d’autonomie, la solitude le client victime de brûlures établit des priorités et
et l’éloignement de son foyer et de sa famille peuvent prend des décisions pragmatiques au sujet de sa vie
exacerber l’anxiété, qui amplie la douleur perçue et de celle de sa famille. Durant cette phase, les inter-
par le client. Celui-ci nourrit de nombreuses craintes ventions de l’inrmière portent principalement sur
et redoute notamment d’être déguré et de perdre le soutien.
son conjoint, son autonomie fonctionnelle et son
travail. La composante psychologique ou subjective Pallier les limitations physiques
de la douleur peut être la conséquence des expé- Des avancées spectaculaires ont été faites en ce qui
riences antérieures, de l’anxiété et de l’altération des concerne les soins physiques prodigués aux grands
mécanismes d’adaptation. En prêtant attention à la brûlés. Le taux de survie des personnes présentant
composante psychologique de la douleur du client, des brûlures profondes sur plus de 40 % de leur sur-
il est possible d’élaborer des stratégies efcaces pour face corporelle totale a connu une augmentation
contrôler la douleur perçue. Il peut être opportun appréciable. La survie dans les cas où les brûlures 35
d’explorer les expériences antérieures de la douleur, couvrent plus de 90 % de la surface corporelle totale
de l’hospitalisation et des stratégies d’adaptation n’est pas impossible. Alors que la survie des clients
efcaces. La douleur est une expérience à la fois ayant des brûlures plus étendues et plus profondes
psychologique et physique qui s’accumule avec le augmente, le dé d’assurer à ces personnes une
temps pour devenir partie intégrante de l’incons- mobilité optimale et une apparence satisfaisante sur
cient de la personne. le plan esthétique a été bien relevé au cours des der-
Les méthodes non pharmacologiques comme l’ima- nières années. Malgré les progrès réalisés dans
gerie, l’hypnose et la distraction, ainsi que les tech- d’autres domaines des soins aux brûlés, des contrac-
niques respiratoires, peuvent réduire efcacement tures apparaissent encore après une brûlure. Le

Chapitre 35 Brûlures 1109


raccourcissement de la cicatrice provoque une
contracture près de la surface d’une articulation et
constitue la principale source des décits fonction-
nels chez le client brûlé FIGURE 35.13. L’apparition
des contractures s’explique par plusieurs facteurs :
l’étendue, la profondeur, l’emplacement et la con-
guration de la brûlure, la position de confort adoptée
le plus souvent par le client, la force relative des
muscles sous-jacents, ainsi que la motivation et
l’observance du client à ses traitements. Les parties
du corps touchées devraient être positionnées de
manière à maintenir un bon alignement à long terme.
Le changement de position fréquent s’avère égale-
ment important et doit être effectué régulièrement.
Le risque de lésions de pression est plus élevé chez
les personnes atteintes de brûlures que dans la clien- FIGURE 35.13
tèle hospitalisée en général. La mise en application Contractures importantes aux membres inférieurs.
des techniques de traitement des cicatrices par des
séances de physiothérapie et d’ergothérapie est aussi
essentielle. restaurer les structures protéiques au sein du tissu
Une attelle peut être utilisée pour prévenir ou musculaire, facilite le retour veineux et lymphatique
corriger une contracture ou pour immobiliser une et réduit le risque d’embolie pulmonaire et de throm-
articulation après une greffe. Dans un tel cas, il faut bose veineuse profonde. L’intensité de l’exercice
vérier chaque jour son ajustement et son efcacité.
A1 varie selon le degré de contracture et la tolérance du
L’attelle utilisée pour immobiliser une partie du
client. Le nombre de répétitions d’un exercice est
Les soins et les traitements corps après une greffe doit être laissée en place en
proportionnel à ces facteurs. Pour favoriser la moti-
inrmiers adaptés aux tout temps, sauf pour rechercher la présence de
problèmes découlant de la vation du client et l’efcacité des exercices, il faut
points de pression. L’attelle utilisée pour corriger une
phase de réanimation et de évaluer la nécessité d’administrer des analgésiques
contracture importante peut être retirée pour per-
la phase aiguë de l’état de (Davidge & Fish, 2008).
mettre le soin des plaies et les exercices d’amplitude
santé du client brûlé sont Les problèmes découlant des trois phases de l’évo-
de mouvement.
décrits, selon le problème,
L’exercice actif est encouragé et privilégié, même lution de la situation de santé du client brûlé sont résu-
dans l’annexe A, Plans de més dans les ENCADRÉS 35.6 et 35.7 A1 et A2 .
si l’exercice passif peut également constituer un volet
soins et de traitements
important du programme de réadaptation. L’exercice
inrmiers.
actif maintient la masse musculaire, contribue à
Prévenir et atténuer les cicatrices
Un autre sujet de préoccupation lié à la guérison des
plaies est la prévention ou la réduction des cica-
trices. La guérison de la peau peut occasionner un
changement de couleur perceptible ou encore mener
Problèmes découlant de la situation de santé à une altération importante de l’image corporelle,
voire à des décits fonctionnels. Il importe d’expli-
ENCADRÉ 35.6 Phase de réanimation et phase aiguë quer au client que le tissu peut ne pas retrouver la
après une brûlure texture ou l’aspect qu’il avait avant la brûlure, mais
que l’objectif des soins et du traitement des cica-
• Altération de l’état mental liée à une • Déséquilibre nutritionnel lié à un trices est d’atténuer le plus possible leurs effets. Les
surcharge sensorielle, à une privation manque de nutriments exogènes et cicatrices hypertrophiques sont rouges, en relief,
sensorielle ou à une perturbation du à une augmentation de la demande raides, douloureuses et prurigineuses (Bryant & Nix,
sommeil PSTI A.1 métabolique PSTI A.11 2007). Les brûlures partielles et profondes pré-
• Altération des échanges gazeux liée à • Douleur aiguë liée à la transmission et à la sentent le risque le plus élevé d’apparition de tissu
un déséquilibre ventilation-perfusion ou perception d’impulsions cutanées, viscérales, cicatriciel en raison de leur gravité et du risque
à un shunt intrapulmonaire PSTI A.5 musculaires ou ischémiques PSTI A.14 accru d’infection. Les greffes de peau laissent éga-
• Anxiété liée à une menace contre • Perturbation de l’image de soi décou- lement une cicatrice visible FIGURE 35.14. La matu-
l’intégrité biologique, psychologique lant d’un changement dans la struc- ration de la cicatrice s’effectue de six mois à deux
ou sociale PSTI A.6 ture, les fonctions ou l’apparence du ans après la brûlure. Une méthode permettant de
• Décit de volume liquidien lié à une perte corps PSTI A.24 réduire la cicatrice est l’application d’une pression
relative ou absolue PSTI A.9 • Risque d’infection PSTI A.31 uniforme au moment approprié. Pour prévenir les
• Dégagement inefcace des voies respi- • Sentiment d’impuissance lié à une per- cicatrices hypertrophiques, des bandages de sou-
ratoires lié à la présence excessive de ception de manque de contrôle sur la tien tubulaires sont utilisés dans l’attente de vête-
sécrétions ou à une viscosité anormale situation actuelle ou sur l’aggravation ments compressifs faits sur mesure pour un usage à
du mucus PSTI A.10 de la maladie PSTI A.32 long terme. Le client porte ces vêtements compres-
sifs pendant une période allant de six mois à un

1110 Partie 8 Multisystèmes


Problèmes découlant de la situation de santé

ENCADRÉ 35.7 Phase de réadaptation après une brûlure

• Diminution situationnelle de l’estime de soi fonctions ou l’apparence du corps ; pertur­


liée à des sentiments de culpabilité quant à bation de l’image de soi découlant d’une
une détérioration physique PSTI A.13 dépendance envers de l’équipement d’as­
• Intolérance à l’activité liée à une immo­ sistance fonctionnelle PSTI A.24
bilité prolongée ou à un décondition­ • Stratégies d’adaptation inefcaces à l’égard
nement PSTI A.21 d’une situation de crise et liées à la vulnéra­
• Perturbation de l’image de soi découlant bilité personnelle PSTI A.34
d’un changement dans la structure, les

FIGURE 35.14
sa tension. Les stéroïdes injectables ou topiques sont A2
Greffe cutanée demi-épaisseur cicatrisée aux pieds. utilisés pour le traitement des cicatrices hypertro-
phiques ; cependant, ils peuvent causer des effets Les soins et les traitements
secondaires indésirables. Les injections de corticos- inrmiers adaptés aux
an FIGURE 35.15. Ils permettent de réduire l’irrigation problèmes découlant de
sanguine des cicatrices et pourraient, par la résis- téroïdes inhibent la croissance des broblastes et
la phase de réadaptation
tance qu’ils offrent, faciliter l’organisation du réseau favorisent la dégradation du collagène, ce qui apla-
de l’état de santé du client
de bres de collagène en formation (Blakeney et al., tit et ramollit la cicatrice (Bryant & Nix, 2007). brûlé sont décrits, selon le
2008). La thérapie de compression est l’une des L’administration de stéroïdes topiques présente problème, dans l’annexe A,
principales méthodes de prévention et de traitement moins de risques, mais il a été démontré qu’elle était Plans de soins et de traite­
des cicatrices de brûlure, mais son mécanisme n’est aussi moins efcace. Lorsque les techniques moins ments inrmiers.
cependant pas parfaitement connu (Greenhalgh, effractives s’avèrent inefficaces contre les cica-
2009). Il est important de vérifier l’absence de trices problématiques et douloureuses ou qu’elles
points de pression sous les vêtements au fur et à empêchent une amplitude complète des mouve-
mesure du gain de poids et de la croissance. Il est ments, le médecin peut recommander une excision
nécessaire d’évaluer l’élasticité du vêtement au l chirurgicale.
du temps, car elle diminue avec les lavages.
Les autres méthodes utilisées pour réduire les Soulager le prurit
cicatrices hypertrophiques sont le massage, les Le prurit est courant durant la phase de guérison
feuilles de gel de silicone et l’administration de sté- d’une brûlure. Une étude a révélé que le prurit était
roïdes. Le massage de la cicatrice, qui s’effectue en le problème dermatologique le plus fréquent, dont
étirant celle-ci et en l’hydratant, est surtout utile pour avaient fait état 94 % des sujets (Parnell, Nedelec,
prévenir les contractures. La protection de la plaie Rachelska et al., 2012). Pendant six à huit semaines,
cicatrisée contre le soleil peut atténuer le change- une crème douce sans alcool est appliquée toutes les
ment de pigmentation à long terme. Les feuilles de quatre heures sur les régions cicatrisées an de lubri-
gel de silicone sont appliquées seules sur la cicatrice er la peau jusqu’à ce que la lubrication naturelle
ou conjointement avec la compression pour l’assou- prenne le relais. Pour soulager le client de cet incon-
plir en maintenant son hydratation et en réduisant fort, on peut administrer un agent antiprurigineux
comme le chlorhydrate de diphénhydramine
(BenadrylMD), le chlorhydrate de doxépine (5 %)
(ZonalonMD) ou l’hydroxyzine (AtaraxMD) et appliquer
des crèmes hydratantes. Le prurit peut être extrême-
ment inconfortable pour le client, et il doit faire
l’objet d’une évaluation continue.

35.7.8 Collaborer au suivi


interdisciplinaire 35
L’approche interdisciplinaire du traitement des brû-
lures est indispensable pour fournir des soins de
qualité. Une telle approche passe par la prise en
considération de tous les aspects des soins prodigués
au client au moment de la prise de décision en
matière de traitement (Al-Mousaw, Mecott-Rivear,
Jeschke et al., 2009). Les professionnels de la santé
FIGURE 35.15 unissent leurs efforts pour répondre aux besoins du
Vêtement compressif sur la jambe droite. client et de ses proches. Des rencontres régulières

Chapitre 35 Brûlures 1111


permettent de discuter des soins donnés au client et de la famille et les proches du client sont également
d’optimiser son soutien et celui de ses proches. touchés, et leurs besoins devraient être pris en consi-
L’équipe interdisciplinaire inclut notamment les dération durant cette période. Bien souvent, un sen-
médecins, les inrmières, les travailleurs sociaux, timent de culpabilité est associé aux circonstances
les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, les de l’événement entourant l’accident, en particulier
inhalothérapeutes ainsi que les psychologues. lorsque la victime est un enfant. Il est important que
les professionnels de la santé offrent au client
Évaluer le client admissible victime de brûlures un soutien à tous les niveaux.
au suivi extrahospitalier Ces professionnels qui soutiennent le client tout au
Un suivi en consultation externe peut être effec- long de son hospitalisation ne peuvent oublier que
tué chez le client ayant subi des brûlures mineures les plus grands dés à relever attendent le survi-
ou chez celui qui a été gravement brûlé et qui est vant après ce séjour. Nombreux sont les clients
parvenu à une étape où il peut participer davantage qui auraient souhaité pouvoir continuer de compter,
à ses soins. Les soins extrahospitaliers sont moins une fois revenus à domicile, sur l’équipe soignante
coûteux et présentent moins de risques pour les du centre hospitalier pour les accompagner dans leur
infections nosocomiales. L’évaluation par l’inrmière retour à la vie dans la collectivité (Acton, Gilyard &
et le médecin permet de déterminer judicieusement Mounsey, 2007). Il existe de nombreuses ressources
quel client est admissible aux soins extrahospitaliers. pour faciliter la réadaptation des survivants à leur
Plusieurs facteurs peuvent être pris en considération milieu ; le client doit en être informé par les profes-
tels que la volonté du client de s’impliquer, sa capa- sionnels de la santé pendant son séjour hospitalier.
cité de comprendre et d’effectuer les soins requis, La détresse psychologique frappe jusqu’à 34 % des
ainsi que les modalités de transport. L’organisation personnes atteintes de brûlures, et elle persiste à
de la transition vers les soins extrahospitaliers doit un degré important longtemps après leur congé
également tenir compte des besoins en matière de du centre hospitalier (Brunicardi et al., 2010).
physiothérapie et d’ergothérapie et prévoir des exer- Les recherches ont montré que bon nombre de
cices visant à accélérer la reprise des activités nor- personnes éprouvent des difcultés à reprendre
males de la vie quotidienne telles que le travail ou le travail et souhaiteraient bénécier à long terme
les études. des services d’un travailleur social (Oster, 2010). Il
existe des programmes destinés à aider ces personnes
Contribuer au soutien dans des domaines tels que la réintégration sociale
psychosocial du client ou scolaire, ou la sexualité. Ces ressources sont néces-
La brûlure constitue un trauma important sur le plan saires à différents moments du processus de rétablis-
psychologique qui change la vie de la personne. La sement (Acton et al., 2007). L’équipe soignante et la
condition psychologique du client avant la brûlure collectivité doivent unir leurs efforts pour faciliter
peut avoir une inuence notable sur le processus de la réintégration du survivant de brûlures et pour
rétablissement (Wiechman, 2011). Les membres l’accompagner dans ce processus.

ÉTUDE DE CAS
SOLUTIONNAIRE Cliente victime de brûlures
http://mabibliotheque.
cheneliere.ca
Mise en contexte
Jacinthe Roy, âgée de 40 ans, a été victime d’un accident de la route. Elle était consciente quand elle
a été trouvée sur les lieux après avoir été secourue par un passant qui l’a extraite de son véhicule en
feu. Les ambulanciers présents ont déclaré qu’elle était éveillée, mais désorientée et anxieuse. Elle
est autrement en bonne santé. Elle est mère d’un enfant de cinq ans, qui a également été secouru et
n’a pas subi de lésion.

Manifestations cliniques
Madame Roy est transférée des urgences au service de traumatologie. À son arrivée, elle est intubée et
sous sédation. Des brûlures partielles d’épaisseur profonde (2e degré) couvrent son visage, y compris
son nez, ses lèvres et son cou. Elle a des brûlures de 3e degré sur les deux mains, la poitrine et la jambe

1112 Partie 8 Multisystèmes


gauche. À l’auscultation, les bruits respiratoires sont présents bilatéralement, mais sa respiration est
sifante, et ses expectorations sont charbonneuses. Un cathéter à triple lumière a été installé dans la
veine fémorale droite.

Collectes des données objectives


Madame Roy présente un taux d’HbCO à 20 %, et les paramètres de ses GSA sont les suivants :
pH à 7,27, PaCO2 à 29 mm Hg, PaO2 à 313 mm Hg, HCO3 à 14 mmol/L et SaO2 à 96 % avec une FiO2
à 100 %. La radiographie pulmonaire réalisée à l’arrivée à l’urgence était normale. Les signes
vitaux de la cliente sont les suivants : P.A. à 85/50 mm Hg, F.C. à 136 batt./min (tachycardie
sinusale), F.R. à 24 R/min et T° à 35,7 °C.

Diagnostic médical
On conclut à des brûlures couvrant 40 % de la surface corporelle totale, à une lésion par inhalation et à
une intoxication au monoxyde de carbone.

Questions
1. Quels sont les principaux résultats escomptés pour cette cliente ?
2. Quels problèmes prioritaires ou risques doivent être contrôlés et inscrits au plan thérapeutique
inrmier (PTI) pour obtenir ces résultats ?
3. Quelles interventions doivent être mises en œuvre et inscrites au PTI pour surveiller, prévenir, gérer
ou éliminer les problèmes et les risques désignés ?
4. Quelles interventions devraient être mises en œuvre pour optimiser le fonctionnement, la sécurité
et le bien-être de la cliente ?
5. Quels besoins d’enseignement prévoyez-vous pour cette cliente ?
6. Quels facteurs liés à la culture et à l’âge de la cliente peuvent inuer sur le plan de soins et de
traitements ?

À RETENIR
• Les soins des brûlures sont extrême- • Une réanimation liquidienne est primor- agent antimicrobien topique, puis d’un
ment complexes, et il est préférable diale dans le cas d’un client ayant subi pansement primaire pour absorber
que les décisions concernant leur prise des brûlures plus graves (couvrant plus l’exsudat de la plaie et d’un panse -
en charge soient effectuées par un de 10 % de la surface corporelle totale), ment secondaire pour favoriser l’ab -
centre de soins spécialisés pour les an de prévenir toute complication rénale, sorption et l’occlusion. Les pansements
grands brûlés, qui pourra faire l’esti- hémodynamique, cardiaque ou la mort par à l’argent ont démontré leur efcacité à
mation la plus précise de l’étendue de suite du choc consécutif aux brûlures. prévenir la croissance bactérienne des
la brûlure. • Le suivi rigoureux des liquides adminis- brûlures.
• L’étendue de la brûlure, le type de lésion, trés et excrétés est nécessaire pour déter- • La phase de réadaptation peut durer plu-
son emplacement, ainsi que l’âge et les miner la réponse du client à la réanimation sieurs années selon les besoins en matière
antécédents du client sont autant de liquidienne. d’interventions chirurgicales, de traite-
déterminants de sa survie. • Après la phase de réanimation s’amorce ments, de prévention des contractures et
• Il existe quatre degrés de brûlures : les la phase aiguë visant la guérison et la fer- de soutien psychologique.
brûlures supercielles (1er degré), les brû- meture des plaies et la prévention des • Il est important de répondre aux besoins
lures partielles supercielles ou pro- infections. Cette phase hypermétabolique du client victime de brûlures dans tous
fondes (2e degré), les brûlures profondes peut être compliquée par l’infection. les domaines an qu’il puisse à nouveau
(3e degré) ainsi que les brûlures hypoder- • La norme de référence en matière de fonctionner et se sentir accepté au sein de
miques (4e degré). soin de brûlures est l’application d’un la société.

Chapitre 35 Brûlures 1113

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