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Les antinéoplasiques

La chimiothérapie cytotoxique
Hadrien Avec la chirurgie et la radiothérapie, la chimiothérapie “cytotoxique” dite aussi
VUILLET-A-CILESa “conventionnelle” ou “à large spectre”, constitue la médication phare dans le traitement
Étudiant en troisième cycle du cancer. Son objectif est de détruire ou de stopper, de façon la plus spécifique possible,
des études de pharmacie
la multiplication des cellules malignes de l’organisme inaccessibles aux autres méthodes.
Aline LAGARDEb
Pharmacien hospitalier Les effets indésirables, souvent désagréables pour le patient, ne doivent pas faire oublier
Jacques BUXERAUDa,*
la grande efficacité de ces traitements en oncologie.
Professeur des Universités © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Mots clés - agent alkylant ; agent du fuseau ; antimétabolite ; cancer ; chimiothérapie cytotoxique ;
a
Faculté de pharmacie, inhibiteur des topoisomérases ; inhibiteur du protéasome ; oncologie
2 rue du Docteur-Marcland,
87025 Limoges cedex,
France Cytotoxic chemotherapy. Along with surgery and radiotherapy, “cytotoxic” chemotherapy,
b
CHU Dupuytren, also known as “conventional” or “broad spectrum” chemotherapy, is the leading drug used
2 avenue Martin-Luther-King, to treat cancer. Its objective is to destroy or stop, as precisely as possible, the multiplication
87042 Limoges cedex,
France of malignant cells in the body inaccessible to other methods. The side effects, often unpleasant
for the patient, must not let the remarkable effectiveness of these treatments in oncology be
overlooked.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Keywords - alkylating agent; cancer; cytotoxic chemotherapy; metabolic inhibitor; oncology; proteasome
inhibitor; spindle agent; topoisomerase inhibitor

L
e cancer impose aux patients des médications • concomitante (coopération spatiale, additivité des
lourdes, c’est pourquoi les chimiothérapies cyto- effets antitumoraux, potentialisation d’un des traite-
toxiques sont prescrites au cas par cas. Différents ments par l’autre).
protocoles ont été établis, variant selon le type de
tumeur (localisation, taille, disséminations éventuelles) Les agents alkylants
et divers paramètres liés au malade (surface corporelle, Une première catégorie de chimiothérapie cytotoxique
poids, âge, état clinique), conférant à ce volet théra- se distingue par ses propriétés moléculaires : les agents
peutique une grande malléabilité. Aussi, les cures sont alkylants [1,2] qui sont des composés électrophiles,
réalisées sous forme de cycles, alliant périodes de interagissant avec les bases de l’ADN (adénine, thymine,
traitement (un à plusieurs jours) et de repos variables guanine et cytosine) par le transfert d’un radical alkyle
selon la prescription, la tolérance du sujet et l’efficacité en un ou deux sites. Ces alkylations n’étant pas répa-
du traitement. En règle générale, les chimiothérapies rables par les processus naturels de correction, elles
cytotoxiques sont administrées par voie intraveineuse, provoquent irrémédiablement la mort cellulaire. Si les
soit en hospitalisation complète, soit en ambulatoire, ou agents alkylants sont capables de produire des liaisons
encore à domicile par une infirmière spécialisée dans le avec l’ADN, ils ciblent, de façon peu spécifique, les cel-
cadre d’une prise en charge en hospitalisation à domicile. lules tumorales, entraînant des effets secondaires agres-
F Il est possible de distinguer diverses applications sifs par toxicité envers les cellules saines.
concrètes à la chimiothérapie :
• combinée (ou polychimiothérapie), qui se caractérise Les moutardes azotées
par une association entre différentes molécules dans Les moutardes azotées (tableau 1) ont la propriété
le but d’anticiper les résistances au traitement ; d’échanger un groupe alkyl contre un proton mobile d’un
• néoadjuvante (ou préopératoire), se pratiquant avant groupe réactif de l’ADN pour créer une à deux liaisons
la chirurgie ou la radiothérapie afin de réduire le covalentes avec les bases génomiques. Elles sont indi-
volume tumoral initial (facilite le geste opératoire) ; quées dans de multiples cancers.
• adjuvante (ou postopératoire), intervenant après la
*Auteur correspondant. chirurgie ou la radiothérapie pour atteindre les cellules Les nitroso-urées
Adresse e-mail :
jacques.buxeraud@unilim.fr indécelables ou ayant migré hors de la tumeur initiale ; Très liposolubles et traversant facilement la barrière
(J. Buxeraud). • palliative pour une stabilisation d’une maladie chronique ; hémato-encéphalique, les nitroso-urées (tableau 2) sont

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16 http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.09.005 • n° 540 • novembre 2014 •
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Tableau 1. Les moutardes azotées.

DCI Spécialité Forme

Melphalan Alkéran® Cp pelliculé 2 mg


Lyoph/sol pour usage parentéral, 50 mg/10 mL

Chlorambucil Chloraminophène® Gélule 2 mg


®
Cyclophosphamide Endoxan Cp enrobé 50 mg
Poudre/sol inj 500 et 1 000 mg

Ifosfamide Holoxan® et génériques Poudre/sol inj 1 000 et 2 000 mg


Ifosfamide Eg® Sol perf 40 mg/mL

Chlorméthine Caryolysine® Sol à diluer pour sol inj/application cutanée à 10 mg

Tableau 2. Les nitroso-urées.

DCI Spécialité Forme

Lomustine Belustine® Gélule 40 mg

Carmustine Bicnu® Poudre/solv pour solution pour perf


Gliadel® Implant 7,7 mg

Fotémustine Muphoran® Poudre/solv pour solution pour perf


®
Streptozocine Zanosar Lyoph pour usage parentéral

Tableau 3. Les organoplatinés.

DCI Spécialité Forme

Carboplatine Carboplatine® (génériques) Sol pour perf 10 mg/mL


(flacons de 5, 15, 45 et 60 mL)

Cisplatine Cisplatine® Sol pour perf 1 mg/mL


(flacons de 10, 25, 50 et 100 mL)
Sol diluer pour perf 25 mg/25 mL

Oxaliplatine Eloxatine® Sol diluer pour perf 5 mg/mL


(flacons de 10, 20 et 40 mL)

Oxaliplatine® Sol à diluer pour perf 5 mg/mL


(flacons de 10, 20 et 40 mL)
Poudre pour solution pour perf
(flacons de 50, 100 et 150 mg)

utilisées dans différents types de cancers. Notons que Plus précisément, les organoplatinés (tableau 3) interagis-
Zanosar® est indiqué dans le traitement des adéno- sent avec les bases de l’ADN pour former des ponts intra-
carcinomes métastatiques des îlots de Langerhans et et inter-brins, ce qui interrompt sa synthèse et cause une
le traitement des tumeurs carcinoïdes métastasées. activité cytotoxique et antitumorale. Contrairement aux
Ces antinéoplasiques agissent non seulement par alky- nitroso-urées, les indications sont ici très larges.
lation de l’ADN mais aussi de l’ARN, et plus notoirement
par carbamylation de protéines. Les autres agents alkylants
Diverses autres spécialités (tableau 4) sont classées
Les dérivés du platine : organoplatinés parmi les agents alkylants, mais leurs mécanismes
C’est en 1965 que Barnett Rosenberg, à l’Université de d’action diffèrent quelque peu de celui des antinéo-
l’État du Michigan (États-Unis), découvrit l’inhibition de la plasiques. Parmi ces molécules, deux composés parti-
croissance bactérienne par le platine dont on comprendra culiers sont retrouvés : la mitomycine (Amétycine®), qui fait
ensuite qu’il agit de la même manière qu’un agent alkylant. aussi partie de la famille des antibiotiques, et l’estramutsine

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Tableau 4. Les autres agents alkylants.

DCI Spécialité Forme

Mitomycine C Amétycine® Poudre pour sol inj 10 et 20 mg


Poudre pour sol/irrigation vésicale 40 mg

Dacarbazine Déticène® et génériques Poudre pour sol inj 100 et 200 mg

Estramustine Estracyt® Gélule 140 mg


®
Altrétamine Hexastat Gélule 100 mg
®
Bendamustine Lévact Poudre pour sol à diluer pour perf (flacon de 25 et 100 mg)

Busulfan Myleran® Cp à 2 mg
Busilvex® Sol pour perf à 6 mg/mL (flacon de 10 mL)

Procarbazine Natulan® Gélule 50 mg

Témozolomide Témodal® et génériques pour les gélules Gélules 5, 20, 100, 140, 180 et 250 mg
Poudre pour perf 2,5 mg/mL (flacon de 100 mg)

Thiotépa Tépadina® et génériques Poudre pour sol pour perf 15 et 100 mg


®
Pipobroman Vercyte Cp 25 mg
®
Trabectédine Yondelis Poudre pour sol pour perf 0,25 et 1 mg

(Estracyt®), qui est à lui seul un traitement mixte grâce à Les agents du fuseau
son activité complémentaire estrogénique en hormono- Les agents du fuseau interagissent avec le cytosquelette
thérapie. cellulaire (tableau 6) [2,4]. Ces puissants composés
agissent sur les fuseaux de microtubules, issus de la
Les antimétabolites polymérisation de tubulines, en empêchant soit leur
Les antimétabolites sont des analogues des composés
nécessaires à la synthèse de novo des acides nucléiques
(tableau 5) [2,3]. Ils inhibent la synthèse de l’ADN et plus
accessoirement de l’ARN, en se substituant à eux ou en
inhibant les enzymes essentielles à leur synthèse.
Les cellules tumorales, se divisant plus que les autres,
sont plus sensibles à ces médicaments. Cette classe
médicamenteuse regroupe trois familles d’antago-
nistes : les puriques (ou antipuriques), les pyrimidiques
(ou antipyrimidiques) et les foliques (ou antifoliques).
L’acide folique, ou ptéroylmonoglutamique, est essen-
tiel à la synthèse des bases puriques. Dans le cycle de
synthèse des bases purique, l’acide dihydrofolique est
constamment réduit en acide tétrahydrofolique grâce
à l’enzyme dihydrofolate-réductase. L’antifolique va
© Phanie/Dr Paul Andrews/Dundee University/SPL

précisément bloquer cette voie et entraîner des pertur-


bations dans la réplication cellulaire, préférentiellement
dans les cellules à prolifération rapide (dans le cas pré-
sent, les cellules malignes myéloïdes et de l’épithélium
digestif). Peu de cellules cibles arrivent à maturité et
beaucoup disparaissent par apoptose.
Le méthotrexate, premier médicament ayant permis
des rémissions de leucémies, est un inhibiteur compé-
titif et non-spécifique de la dihydrofolate réductase.
Les agents du fuseau agissent sur les fuseaux de microtubules
Notons, concernant ce chef de file, qu’il s’agit égale- (en vert), issus de la polymérisation de tubulines, en empêchant
ment d’un inhibiteur de l’amidophosphoryltransférase. soit leur construction, soit leur déconstruction.

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Tableau 5. Les antimétabolites.

DCI Spécialité Forme

Les antagonistes puriques

Cladribine Leustatine® Sol inj pour perf 1 mg/mL (flacon de 10 mL)


Litak® Sol inj par voie sous-cutanée (SC) 2 mg/mL (flacon de 10 mL)

Clofarabine Evoltra® Sol pour perf 20 mg/20 mL (flacon de 20 mL)

Fludarabine Fludara® et génériques Cp à 10 mg


Poudre pour sol inj 50 mg

Mercaptopurine Purinéthol® Cp à 50 mg

Nélarabine Atriance® Sol pour perf 5 mg/mL (flacon de 50 mL)


®
Pentostatine Nipent Poudre pour sol inj et pour perf 10 mg
®
Thioguanine Lanvis Cp sécable 40 mg

Les antagonistes pyrimidiques

Azacitidine Vidaza® Poudre pour suspension inj 25 mg/mL (flacon de 100 mg)

Capécitabine Xéloda® et génériques Cp pelliculé 150 et 500 mg


®
Cytarabine Aracytine et génériques Poudre pour sol inj 100 mg
Lyophilisat pour usage parentéral 500 mg, 1 et 2 g
®
Dépocyte Suspension inj 50 mg

Décitabine Dacogen® Poudre pour sol pour perf 50 mg


®
Fluorouracil Fluorouracil (génériques) Sol pour perf 50 mg/mL (flacons de 5, 10, 20, 50 et 100 mL)

Gemcitabine Gemzar® et génériques Poudre pour sol pour perf 200 mg, 1 et 2 g
Poudre pour sol pour perf 100 mg/mL, 38,5 et 40 mg/mL

Les antagonistes foliques

Méthotrexate Lédertrexate® et génériques Cp 2,5 mg


Sol inj 5 mg/2 mL
Sol inj 25 mg/1 mL
Sol inj 50 mg/2 mL
Sol inj 100 mg/mL
Sol inj 500 mg/20 mL

Pémétrexed Alimta® Poudre pour sol de perf 100 et 500 mg


®
Raltitrexed Tomudex Poudre pour sol de perfusion 2 mg

construction, soit leur déconstruction. Il s’agit respecti- La première est un monomère capable d’agir sur un seul
vement de poisons et de stabilisants du fuseau. brin de la double hélice, tandis que la deuxième est
Rappelons-le, les microtubules sont impliqués dans la constituée de plusieurs unités d’homodimères aptes à
division cellulaire : ils permettent le déplacement polaire opérer sur les deux brins de l’ADN.
des chromosomes dans la cellule durant la mitose, anté- Les inhibiteurs de la topoisomérase I et II [2] empêchent
rieurement à la naissance de deux cellules filles. la reconstitution de l’ADN après formation de complexes
Par ailleurs, cette classe d’anticancéreux est de loin le de clivage (il est question de stabilisants de coupures),
meilleur exemple de l’utilité de la pharmacognosie en ce qui aboutit à l’arrêt de la réplication et l’apoptose
thérapeutique. Coexistent d’un côté les poisons du cellulaire. Parmi les anti-topoisomérases II se retrouvent
fuseau (ou vinca-alcaloïdes), extraits initialement de la en grande partie des antibiotiques (tableau 7). En effet,
pervenche de Madagascar, et de l’autre, les stabilisants l’anthracycline et ses apparentés sont des agents inter-
du fuseau (ou taxanes), extraits de l’if européen. calants. Ceux-ci ont une conformation favorisant une
despiralisation de l’ADN qui bloque la progression des
Les inhibiteurs des topoisomérases ADN et ARN polymérases. Il se produit, comme pour les
Il existe deux topoisomérases complémentaires aux autres intercalants, une inhibition de la réplication et de
structures et aux mécanismes d’action différents. la transcription génomique.

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Tableau 6. Les agents du fuseau.

DCI Spécialité Forme

Les poisons du fuseau : vinca alcaloïdes et analogues, inhibiteurs de la polymérisation de la tubuline

Vinblastine Velbé® Poudre pour sol inj par voie intraveineuse (IV) 10 mg

Vincristine Oncovin® et génériques Sol inj IV 1 mg


Sol pour perf 10 mg/mL

Vindésine Eldisine® Poudre pour sol inj 1 et 5 mg

Vinflunine Javlor® Sol pour perf 25 mg/mL


®
Vinorelbine Navelbine et génériques Capsules molles 20 et 30 mg
Sol inj 10 mg/mL

Les stabilisants du fuseau : taxanes, inhibiteurs de la dépolymérisation de la tubuline

Paclitaxel Taxol® et génériques Sol à diluer pour perf à 6 mg/mL

Paclitaxel albumine Abraxane® Poudre pour suspension inj pour perf 5 mg/mL
(dans une formulation (flacons de 100 et 250 mL)
de nanoparticules liées à l’albumine)

Docétaxel Taxotère® et génériques Sol à diluer pour perf 160 mg/8 mL,
20 mg/1 mL et 80 mg/4 mL

Cabazitaxel Jevtana® Sol à diluer pour perf 60 mg


1
Les inhibiteurs de la dynamique des microtubules

Eribuline Halaven® Sol inj IV 0,44 mg/mL (flacon de 2 mL)

1
N’appartenant pas à la famille des taxanes, mais à la classe des agents antinéoplasiques de type halichondrine. L’éribuline mésilate est un analogue de synthèse
à structure simplifiée de l’halichondrine B, une substance isolée de l’éponge marine Halichondria okadai.

Les inhibiteurs du protéasome La bléomycine


Pour cette classe médicamenteuse [1,2], il n’existe La bléomycine est un antinéoplasique cytostatique de
qu’un seul représentant : le bortézomib (Velcade®, la famille des antibiotiques, produit par une souche de
tableau 8). Cette molécule est spécialement conçue Streptomyces verticillus, dont le mécanisme d’action
pour inhiber le protéasome 26S, un large complexe demeure vague. Ses indications sont multiples et sa
protéique qui joue un rôle essentiel dans le métabolisme prescription est réservée aux spécialistes en oncologie
des protéines spécifiques. Cette machinerie protéo- ou en hématologie (parfois aux médecins compétents
lytique reconnaît et dégrade les protéines dont la confor- en cancérologie). Il s’agit d’un médicament à sur-
mation, la structure ou la raison d’être n’est pas veillance particulière, en raison du risque de dévelop-
conforme aux besoins cellulaires. pement d’une fibrose pulmonaire. Celle-ci est
L’homéostasie étant perturbée, le bortézomib entraîne cumulative et survient généralement après l’adminis-
un arrêt du cycle et la mort cellulaire. tration d’une dose totale de 300 mg, voire plus tôt chez
Velcade® est utilisé dans deux cas précis : les patients à risques (âge > 70 ans, antécédent de
• chez le patient atteint de myélome multiple non traité radiothérapie pulmonaire, fonction rénale altérée,
au préalable, non éligible à la chimiothérapie intensive pathologie pulmonaire préexistante, exposition à de
accompagnée d’une greffe de moelle osseuse ; l’oxygène à forte concentration en anesthésie).
• chez le patient atteint de myélome multiple en pro- Cette toxicité est symptomatique dans 10 % des cas
gression, ayant reçu au moins un traitement antérieur, et mortelle dans 1 % des cas. Le risque augmente éga-
et qui a déjà bénéficié ou qui est inéligible pour une lement avec certaines combinaisons de chimiothérapie.
greffe de moelle osseuse, le bortézomib est indiqué Ce traitement nécessite une surveillance régulière, tant
en monothérapie. clinique que fonctionnelle.

Les autres cytotoxiques La dactinomycine


D’autres cytotoxiques [2] sont disponibles : la bléo- La dactinomycine (Cosmegen®) est le principal compo-
mycine, la dactinomycine, l’hydroxycarbamide, sant du mélange des actinomycines produites par
l’asparaginase, le mitotane et l’anagrélide (tableau 9). Streptomyces parvullus.

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Tableau 7. Les inhibiteurs des topoisomérases.

DCI Spécialité Forme

Les anti-topoisomérases I : dérivés de la camptothécine

Irinotécan Campto® et génériques Sol à diluer pour perfusion par voie intraveineuse (IV) 20 mg/mL

Topotécan Hycamtin® et génériques Gélules 0,25 et 1mg


Poudre pour sol pour perf 4 mg

Les antitopoisomérases II, anthracyclines et apparentés (intercalants)

Doxorubicine Adriblastine® et génériques Sol pour perf 10 mg/5 mL et 50 mg/25 mL


Lyoph pour sol inj 10 et 50 mg
®
Caelyx (sous forme liposomale pégylée) Sol à diluer pour perf 2 mg/mL (flacons de 10 et 25 mL)
Poudre pour sol à diluer pour dispersion pour perf 50 mg
Myocet® (forme liposomale)

Daunorubicine Cérubidine® Poudre pour sol pour perf 20 mg


Daunoxome® Dispersion liposomale à diluer injectable 2 mg/mL
(flacon de 50 mg)

Épirubicine Farmorubicine® et génériques Sol pour perf 10 mg/5 mL, 200 mg/100 mL,
20 mg/10 mL, 50 mg/25 mL
Poudre pour sol pour perf 50, 10 et 150 mg

Idarubicine Zavédos® et génériques Gélule 5, 10 et 25 mg


Sol pour perf 5 mg/5 mL, 10 mg/10 mL et 20 mg/20 mL

Mitoxantrone Novantrone® et génériques Sol à diluer pour perf 10 mg/5 mL et 20 mg/10 mL

Les anti-topoisomérases II, autres intercalants

Amsacrine Amsalyo® Poudre pour sol pour perf 75 mg

Les anti-topoisomérases II, dérivés de la podophyllotoxine

Étoposide Celltop® Capsule 25 et 50 mg


Étoposide® (génériques) Sol à diluer pour perf 20 mg/mL
Sol pour perf en flacon 100 mg/5 mL et 200 mg/10 mL
Étopophos® Lyophilisat pour usage parentéral 100 mg

Tableau 8. Les inhibiteurs de protéasome.

DCI Spécialité Forme

Bortézomib Velcade® Poudre pour sol inj par voie intraveineuse (IV) 1 mg (flacon de 5 mL)
Poudre pour sol inj par voie intraveineuse (IV) et sous-cutanée (SC)
3,5 mg (flacon de 10 mL)

Les propriétés toxiques des actinomycines sont à la Ce médicament est administré entre une et trois fois par
base de leur utilisation dans le traitement palliatif de jour selon la dose nécessaire qui est déterminée par le
certains cancers. La dactinomycine est indiquée dans poids.
des situations, allant de la tumeur de Wilms au rhabdo-
myosarcome pour une visée curative, et des tumeurs L’asparagine
d’Ewing au sarcome botryoïde pour une visée palliative. L’asparaginase (Kidrolase®) entraîne la destruction des
cellules incapables de synthétiser elles-mêmes l’aspa-
L’hydroxycarbamide ragine.
Aussi appelé hydroxyurée, l’hydroxycarbamide Cette propriété est particulièrement présente dans les
(Hydréa®) a également un mécanisme d’action à affiner. cellules leucémiques.
Elle inhiberait la synthèse de l’ADN sans altérer la syn- Il semble toutefois que les cellules saines soient
thèse de l’ARN, de façon rapide, et essentiellement également sensibles à l’action de cette enzyme ; il y
dans la moelle osseuse. Elle inhibe d’abord la granulo- aurait inhibition de la synthèse de certaines protéines
poïèse, puis la thrombocytopoïèse et, en dernier lieu, telles que l’albumine, l’insuline et les facteurs de
l’érythropoïèse. coagulation.

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Tableau 9. Les autres cytotoxiques.

DCI Spécialité Forme

Bléomycine Bléomycine® (génériques) Poudre pour sol inj 15 mg


Poudre pour sol inj 15 000 UI

Dactinomycine Cosmegen® Poudre pour sol inj 0,5 mg

Hydroxycarbamide Hydréa® Gélule 500 mg


®
Asparaginase Kidrolase Poudre pour sol inj 10 000 UI
®
Mitotane Lysodren Comprimé 500 mg

Anagrélide Xagrid® Gélule 0,5 mg

Le mitotane donc être consultés lors de la dispensation d’un médi-


Le mitotane (Lysodren®) est un agent cytotoxique sur- cament antinéoplasique.
rénalien, bien qu’il puisse, apparemment, également
inhiber la surrénale sans destruction cellulaire apparente. Avec les vaccins vivants atténués
Son mécanisme d’action biochimique est inconnu. Les cytotoxiques peuvent réduire la réponse immuni-
Les données disponibles suggèrent que le mitotane taire aux vaccins quels qu’ils soient. Il est donc préfé-
modifie le métabolisme périphérique des stéroïdes en rable de vacciner avant la chimiothérapie ou de différer
bloquant directement la sécrétion du cortex surrénalien. la vaccination.
Le mitotane est indiqué dans le traitement sympto- Par ailleurs, les cytotoxiques entraînant une immuno-
matique du carcinome corticosurrénalien évolué, non dépression plus ou moins sévère, le risque infectieux est
opérable, métastatique ou récidivant. critique lors d’une inoculation avec un vaccin vivant atténué.

L’anagrélide Avec les immunodépresseurs


L’anagrélide (Xagrid®) est un produit original, indiqué Les effets immunodépresseurs des médicaments sont
pour la réduction du nombre élevé de plaquettes chez cumulatifs, majorant le risque de lymphoprolifération ou
les patients à risque atteints de thrombocytémie essen- d’infection, par exemple avec la ciclosporine, le tacrolimus,
tielle (TE), présentant une intolérance à leur traitement le sirolimus, l’évérolimus ou encore le mycophénolate.
actuel ou dont le nombre élevé de plaquettes n’est pas
réduit à un niveau acceptable par leur traitement. Avec les inducteurs
Une indication d’autant plus spécifique que la posologie et les inhibiteurs enzymatiques
est à adapter au cas-par-cas, avec un dosage ajustable Il existe un risque de perturbation des effets du cyto-
dès la fin de la première semaine. Les patients traités par toxique : insuffisance d’efficacité avec les inducteurs et
Xagrid® nécessitent une surveillance régulière, notamment majoration de toxicité avec les inhibiteurs enzymatiques.
du taux de plaquettes.
Avec la phénytoïne
Les interactions médicamenteuses et la phosphénytoïne
des cytotoxiques La phénytoïne et la phosphénytoïne, en association avec
Bien que les interactions médicamenteuses [5] soient les cytotoxiques, entraînent des effets indésirables
nombreuses, une liste peut être établie, regroupant des graves à différents niveaux :
règles thérapeutiques simples et logiques. Les résumés • risque de perte d’efficacité du cytotoxique par aug-
des caractéristiques des produits (RCP) du Vidal doivent mentation du métabolisme hépatique du cytotoxique
par la phénytoïne ;
• risque de convulsions par diminution de l’absorption
digestive de la phénytoïne à cause du cytotoxique ;
Antinéoplasiques et vaccination en pratique
• risque de majoration de la neurotoxicité.
Les antinéoplasiques sont contre-indiqués avec le vaccin anti-
amarile (contre la fièvre jaune) en raison du risque de maladie Avec d’autres médicaments
vaccinale généralisée mortelle. Leur association est déconseillée hématotoxiques
avec les autres vaccins vivants atténués. Les cytotoxiques étant déjà hématotoxiques, une sur-
veillance toute particulière devra être portée à la

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ment, il faut avant tout savoir ce qu’il endure d’un point


Antinéoplasiques accessibles en rétrocession de vue psychologique. L’acceptation de la maladie, la
Un certain nombre de médicaments antinéoplasiques sont dis- force de lutter, le stress de l’incurabilité, la fuite des pro-
ponibles en rétrocession, c’est-à-dire qu’ils peuvent être délivrés jets : autant de sujets auxquels le professionnel de santé
à des patients ambulatoires par des pharmacies hospitalières doit s’intéresser. La chimiothérapie est une étape difficile
(tableau 10). et fatigante, ce qu’il faut savoir prendre en compte.

Les troubles digestifs


prescription d’autres médicaments pouvant majorer cet Parmi les effets indésirables les plus fréquents sont
effet indésirable. L’administration simultanée de quasi systématiquement retrouvés les troubles digestifs
composés hématotoxiques n’est pas recommandée. tels que nausées et vomissements (plus ou moins tar-
difs). Les cancérologues prescrivent souvent à leurs
Avec les anticoagulants patients un ou plusieurs antiémétiques d’action centrale
Les maladies tumorales s’accompagnent généralement (sétrons, corticoïdes, antagonistes de la dopamine,
d’une grande variabilité de la coagubilité du sang, à laquelle antagonistes des récepteurs à la neurokine-1, benzo-
s’ajoute éventuellement une interaction entre les anti- diazépines) afin de contrôler le réflexe émétique.
coagulants oraux – particulièrement prescrits chez les
personnes âgées – et la chimiothérapie cytotoxique. Ainsi, Les atteintes des phanères
la prescription d’un anticoagulant type antivitamine K (AVK) L’atteinte des phanères est certainement la plus connue,
s’accompagne généralement d’une augmentation de la la moins grave mais aussi la plus redoutée des patients.
fréquence des contrôles de l’INR (international normalized La perte des cheveux constitue souvent un traumatisme,
ratio, dérivé du taux de prothrombine). particulièrement pour les femmes. Il faut rassurer le
patient : cet effet secondaire est en général entièrement
L’absorption digestive réversible. Il convient de lui expliquer qu’il est inéluctable
Les agents cytotoxiques ont un impact conséquent sur et que la solution est d’éviter les “visions marquantes”
la muqueuse intestinale. Cet effet est à prendre en d’un visage dénudé. Il est ainsi souvent conseillé
compte dans la surveillance des patients traités, notam- d’adopter une coupe courte, grâce à laquelle la chute
ment dans le cadre de la pharmacovigilance. de cheveux est moins flagrante, et le port d’une prothèse
capillaire (parfois remboursée).
Les effets indésirables Il faut également prévenir le patient qu’il peut voir chuter
La chimiothérapie cytotoxique manque de sélectivité. les cils, les sourcils, mais aussi les poils du pubis et des
Pour conseiller judicieusement le malade sous traite- aisselles, et que les ongles peuvent être grandement

Tableau 10. Les médicaments antinéoplasiques accessibles en rétrocession


(toutes classes confondues).
DCI Spécialité Classe pharmacologique

®
Témozolomide Témodal et génériques Agent alkylant dérivé du triazène

Mitotane Lysodren® Agent cytotoxique surrénalien

Thioguanine Lanvis® Antimétabolite purique

Thalidomide Thalidomide Celgène® Antiangiogène


®
Lénalidomide Revlimid Antiangiogène
®
Pomalidomide Imnovid Antiangiogène

Bosutinib Bosulif® Inhibiteur de protéine kinase

Ponatinib Iclusig® Inhibiteur de protéine kinase

Dabrafénib Tafinlar® Inhibiteur de protéine kinase

Régorafénib Stivarga® Inhibiteur de protéine kinase


®
Vismodégib Erivedge Inhibiteur de la voie Hedgehog
®
Trétinoïne Vésanoïd Agent différentiateur, rétinoïde

Actualités pharmaceutiques
• n° 540 • novembre 2014 • 23
dossier
Les antinéoplasiques

Références
Les autres effets indésirables
L’homéopathie : Il est difficile de lister précisément les conséquences
[1] www.pharmacorama.com/
Rubriques/Output/Acides_ une aide possible en cancérologie d’une chimiothérapie cytotoxique. Les autres grands
nucleiquesa2_1.php effets indésirables possibles sont en général en lien avec
Au-delà des traitements associés à la chimiothérapie, l’homéo-
[2] www.pharmacorama. la thérapie suivie, voire spécifique d’un type de patient.
com/therapeutique/ pathie peut également constituer une alternative pour l’amélio-
Parmi eux sont retrouvés l’ascite, une inflammation des
antineoplasiques- ration des conditions de vie du patient. Elle permet d’éviter les
anticancereux.php muqueuses, une diarrhée, une constipation, une perte de
phénomènes de surmédicamentation et de renforcer la thérapie
[3] www.oncoprof.net/ fertilité, une fatigue cérébrale, une défaillance cardiaque,
antiémétique par une pharmacologie différente.
Generale2000/g09_ des douleurs, des neuropathies, une perte ou une prise
Chimiotherapie/g09_ct03.php Il est classiquement conseillé au patient de prendre cinq
de poids, des perturbations du goût et de l’odorat, etc.
[4] www.oncoprof.net/ granules de Nux vomica 9 CH à la demande.
Divers chimioprotecteurs sont disponibles pour minimiser
Generale2000/g09_ Cocculine® (association de Cocculus indicus 4 CH, Nux vomica
Chimiotherapie/g09_ct12.php la toxicité de certains cytotoxiques ; ils peuvent protéger
4 CH, Tabacum 4 CH et Petroleum 4 CH) permet aussi de
[5] www.ansm.santé.fr un organe en particulier ou un groupe d’organes.
limiter les nausées à la posologie d’une dose matin et soir,
Plusieurs autres classes pharmacologiques sont égale-
en commençant le jour de la chimiothérapie, ou bien de deux
ment capables de modérer les actions néfastes des
Pour en savoir plus comprimés trois fois par jour pendant trois jours.
cytotoxiques : les inhibiteurs de la résorption osseuse
• Fiches conseils sur les Source : Boiron M, Roux F. Homéopathie et prescription officinale.
(bisphosphonates), les modulateurs de l’activité des
médicaments anticancéreux Ste-Foy-les-Lyon: Similia; 2008.
oraux. www.sante- antimétabolites (folinates)…
limousin.fr/professionnels/
reseaux-de-sante/rohlim/
fiches-conseils-medicaments
Délivrance des cytotoxiques :
• Fondation contre le Cancer,
fragilisés. Des techniques – parfois douloureuses – de conseils à l’officine
www.cancer.be refroidissement du cuir chevelu et des ongles sont évo- Hormis la mise en garde par rapport aux effets indési-
• Le bon usage des quées, mais il faut, avant d’y songer, exclure toute possi- rables inhérents au mode d’action du traitement,
chimiothérapies orales : fiches bilité de méta stases dans les zones refroidies et quelques conseils pratiques doivent être dispensés
patients (11 juillet 2014). d’hypersensibilité au froid. lors de la délivrance de médicaments cytotoxiques à
www.sante.gouv.fr/le-bon-
usage-des-chimiotherapies- l’officine :
orales.html Le risque infectieux • manipuler les formes orales avec une grande pru-
Il est classique de prescrire aux patients en chimio- dence et ainsi toujours se laver les mains après la prise
thérapie cytotoxique des traitements préventifs du de comprimés ou de gélules ;
risque infectieux, qu’ils soient fongiques (bain de bouche • en cas d’oubli d’une prise ou en cas de vomis-
au bicarbonate de sodium, à l’amphotéricine B, etc.) ou sements, ne pas prendre la dose oubliée et ne pas
bactériologiques (antibiotiques systémiques, dermato- doubler la suivante (le médecin doit être contacté) ;
logiques). Les défenses immunitaires peuvent en effet • ne pas pratiquer d’automédication tout au long du
être, selon le type de chimiothérapie, plus ou moins traitement cytotoxique mais toujours demander l’avis
profondément atteintes. de son médecin ou de son pharmacien avant de
En cas de signes de complications, comme une toux ou prendre un quelconque médicament, si banal soit-il ;
des mictions douloureuses, il faut impérativement diriger • les cytotoxiques s’éliminant par voie urinaire ou diges-
le malade vers son médecin. Naturellement, il est recom- tive, prendre des précautions vis-à-vis des excreta ;
mandé au patient d’adopter une bonne hygiène de vie, • ne pas s’exposer au soleil pendant une chimiothérapie
avec une alimentation riche et équilibrée, dénuée de tout cytotoxique ;
aliment à risque (produits laitiers non-pasteurisés, • prévenir le médecin prescripteur de la survenue
viandes crues, végétaux trop mûrs…). d’effets indésirables au cours des traitements ;
• ne pas prendre de paracétamol sans avis médical car
L’anémie il risque de masquer la fièvre, sonnette d’alarme des
Le taux de globules rouges peut être amoindri, ce qui peut infections. w
entraîner un mauvais transport de l’oxygène par le sang.
La pâleur, la fatigue, les palpitations cardiaques, l’essouf-
flement et les vertiges constituent les principaux signes
d’alarme de l’anémie. Il conviendra de la confirmer grâce
à une numérotation de formule sanguine (NFS).
Ce problème peut être aisément compensé par l’admi-
Déclaration d’intérêts nistration d’une érythropoïétine (EPO), dont la nature et
Les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflits d’intérêts en
les dosages seront décidés par le médecin en charge du
relation avec cet article. patient.

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