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PARTIE 1
La business strategy
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Chapitre 16 Transformer 64
Domino’s Pizza : une entreprise de technologie qui fait des pizzas (p. 665)
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très nombreux acteurs et des groupes d’acteurs profils différents et dont la taille varie
(généralistes ou spécialistes, agences d’intérim ou cabinets de recrutement, etc.)
+ aggravée par la faiblesse structurelle des barrières à l’entrée,
LinkedIn est un acteur d’un nouveau genre qui remplit les mêmes fonctions que les acteurs
existants, mais qui en propose aussi de nouvelles et qui a un profil différent, (réseau social)
Substitution car :
La réponse est dans les EFFETS DE RESEAU (voir chapitre 3). La valeur du réseau pour chaque
membre réside dans le nombre de connexions. LinkedIn a réuni 600 millions d’adhérents et
sa croissance est exponentielle. LinkedIn est en position de « winner takes it all ».
Il devient de moins en moins probable qu’une plateforme concurrente puisse rattraper une
telle avance puisque tout nouvel individu arrivant sur le marché va toujours avoir tendance à
préférer LinkedIn, simplement parce que c’est la PLATEFORME DOMINANTE. Microsoft a
évidemment la capacité technologique de développer une plateforme rivale, et cela lui
coûterait bien moins que 26 milliards de dollars. Mais il y aurait très peu de chances que
cette nouvelle plateforme devance ou même rattrape LinkedIn, quel que soit l’investissement
que Microsoft pourrait consacrer à la R&D et à la publicité.
LES JEUX SONT FAITS. Si Microsoft veut se positionner sur le marché du recrutement, il
vaut mieux racheter LinkedIn qu’essayer de développer un rival.
Comme on le voit sur la COURBE DE VALEUR, Zara propose à ses clients des produits peu
durables, collant à la mode à très court terme, dans des boutiques proches de l’ambiance des
boutiques multimarques de centre-ville. Les vêtements ne sont pas de meilleure qualité que
chez H&M, mais ils sont plus « tendance » et les magasins projettent une image plus « haut
de gamme ».
Côté ARCHITECTURE DE VALEUR, le business model de Zara se caractérise par une forte
intégration verticale, de la conception des vêtements aux boutiques, en passant par la
fabrication. C’est une exception dans l’industrie, où la sous-traitance vers les pays à bas coût
de main-d’œuvre est la règle.
La VALEUR PERÇUE par les clients est plus forte que chez un concurrent comme H&M, alors
que les prix sont au même niveau, donc nettement plus bas que dans les boutiques
multimarques. Le BENEFICE CLIENT est donc fort. Côté coût, bien que Zara ait des coûts de
production et des investissements plus élevés que ses concurrents bas de gamme qui sous-
traitent la fabrication en Asie, l’entreprise se rattrape en réduisant le besoin en fonds de
roulement (notamment les stocks), les invendus et les remises. Au total, le ROCE est
structurellement plus élevé que celui des concurrents.
Par rapport aux concurrents low cost, Zara a créé une différenciation significative et valorisée
par le même segment de clientèle.
Zara a été copié, ce qui l’a incité à sous-traiter une partie de sa production en Asie pour
réduire les coûts, s’écartant ainsi du business model originel. Il y a donc un risque que la
différenciation de Zara s’estompe sous la pression des imitateurs, alors que sa structure de
coût converge avec celle des concurrents plus orientés low cost.
Pour lutter, Zara doit d’une part jouer à plein sur les effets d’expérience et de volume pour
créer un avantage de coût, et d’autre part préserver sa différenciation en collant mieux que
ses concurrents aux tendances à court terme du marché, ce qui nécessite un travail constant
sur les process et une très forte coordination de l’architecture de valeur.
Les effets d’expérience et d’échelle renforcent donc son avantage de coût, qui était fondé au
départ sur un business model innovant et cohérent, mais marginal.
Pourquoi les concurrents ont-ils autant de mal à imiter Southwest ?
Les concurrents ont du mal à imiter Southwest parce qu’une imitation parfaite les conduirait
à perdre leurs clients tradi- tionnels, alors qu’une imitation partielle les mettrait en posi- tion
défavorable par rapport à Southwest.
En effet, comme on l’a vu, l’offre de Southwest est très ciblée. En fait, elle a attiré sur le
marché du transport aérien des passagers qui prenaient le bus ou la voiture pour faire des
trajets à l’intérieur des États-Unis. En revanche, les passagers traditionnels des grandes
compagnies classiques, par exemple les hommes d’affaires ou les touristes faisant des vols
internationaux, ne sont pas attirés par cette offre. En se convertissant au modèle Southwest,
les concurrents risqueraient de perdre leurs clients les plus fidèles et les plus rentables.
De plus, la conversion au modèle Southwest exigerait de changer toutes les ressources, les
actifs et la base installée de compagnies classiques, dont le modèle est à l’opposé de
Southwest (grands aéroports, flotte diversifiée, hub, corres- pondances, etc.). Le coût est
exorbitant alors que la seule certitude est de perdre les clients actuels.
L’imitation partielle a été tentée par plusieurs concurrents qui ont créé des modèles
hybrides, par exemple en orga- nisant des vols moins chers à partir d’aéroports classiques.
Cette stratégie a généralement échoué. En effet, tout se tient dans le modèle Southwest :
quand on change un des éléments, on est conduit à en changer un autre, ce qui détri- cote
très vite tout le système. Par exemple, on doit avoir des avions de différentes tailles et offrir
des correspondances si on adopte le système hub-and-spoke ; on doit servir des repas sur
des vols de plus d’une heure ; on doit numéroter les sièges si on fait une section économique
dans un vol qui a aussi une business class, etc. Tous ces compromis tendent soit à créer des
surcoûts par rapport au modèle « pur », soit à mécontenter la clientèle cible de Southwest. Il
est donc pratiquement impossible de créer un avantage par rapport à Southwest en
procédant de la sorte.
Les seules imitations réussies sont celles de nouveaux entrants qui ont copié le modèle
Southwest sur un autre continent. C’est le cas de Ryanair en Europe. Compagnie marginale à
ses
débuts, Ryanair est devenu le leader européen du low cost en répliquant le modèle
Southwest pratiquement à l’identique. L’imitation peut donc réussir, mais sur un autre
marché que celui sur lequel Southwest est devenu dominant.
Que recommanderiez-vous pour intégrer l’acquisition d’AirTran ?
L’acquisition d’AirTran avait pour but de croître vers le Mexique et l’Amérique Centrale, dans
un contexte où Southwest commençait à saturer le marché états-unien. Les deux grandes
possibilités pour l’intégration de l’acquisition étaient :
soit de continuer à opérer AirTran de la même manière (mêmes lignes, mêmes avions, etc.)
en améliorant son management et sa structure de coût pour restaurer sa rentabilité ;
soit de réorganiser tout de suite AirTran pour l’intégrer au modèle Southwest, c’est-à-dire
notamment se débarras- ser des Boeing 717 pour ne conserver que les Boeing 737, et
supprimer le hub d’Atlanta pour ne plus offrir que des vols directs.
La seconde solution était de loin la plus coûteuse, mais c’est celle que Southwest a adoptée.
Il était hors de question de compromettre le modèle. Les B717 ont été loués à Delta Airlines,
Atlanta n’est plus un hub et toutes les opérations ont été mises au standard Southwest.
L’intégration a duré deux ans et demi. Elle a été couronnée de succès malgré les difficultés.
La compagnie a ensuite repris ses habitudes de rentabilité record et de la croissance
organique.
« ses clients » (alors que, d’un point de vue comptable, ce sont des fournisseurs), car il
considère qu’elles doivent être choyées pour que son site puisse bénéficier des meilleures
affaires. Vente-privée.com est de fait une place de marché : son business model est celui
d’une plateforme digitale (voir section spécifique au chapitre 5).
Quels peuvent être les axes de croissance après près de vingt ans d’existence ?
L’entreprise s’est largement diversifiée au cours des années, tant dans les types de produits
offerts (des spectacles, des voitures, des voyages, etc.) que dans les modalités (enchères,
vente ponctuelle, permanente, etc.). Le déploiement à l’in- ternational reste plus difficile, car
chaque pays a son leader établi, qui bénéficie de la ressource rare de ce business model : les
relations avec les marques. C’est pour cette raison que Veepee cherche à se développer
grâce à des joint-ventures ou des rachats plutôt que par croissance organique.
HelloFresh, un business model qui répond aux véritables besoins (p. 195)
Free Mobile, nouvelle proposition de valeur dans la téléphonie mobile (p. 199)
Décrivez le business model de Free : en quoi est-il différent de celui de ses concurrents ?
Le business model de Free est différent de celui de ses concur- rents sur l’ensemble de ses
composantes.
La proposition de valeur : sur un marché saturé d’offres très différentes mais régi par des
règles communes, Free propose deux offres très simples à comprendre : une offre de
communication illimitée et une offre basique (1 heure de communication), sans prise en
charge du mobile, sans enga- gement et à un prix très bas.
L’architecture de valeur : alors que la concurrence dispose de boutiques et met l’accent sur la
qualité du service dans les points de vente, Free propose une vente directe par Internet et
par téléphone. De plus, Free externalise ses infrastruc- tures, alors que la concurrence
investit massivement dans ce domaine.
L’équation de profit : le chiffre d’affaires unitaire de Free est faible mais l’opérateur génère de
gros volumes. Les coûts d’exploitation et les capitaux engagés sont peu élevés car Free ne
possède pas de réseau de boutiques ni d’infrastruc- tures.
Comment expliquer que ce nouveau business model soit lancé par un nouvel entrant ?
La maîtrise des infrastructures était l’un des dogmes de l’in- dustrie de la téléphonie mobile.
Tous les acteurs en place investissaient lourdement dans les réseaux. Ils ne voyaient pas
l’intérêt d’offrir de l’illimité puisqu’ils se rémunéraient sur les minutes de communication. Il
était donc plus facile pour un nouvel entrant, sans base installée ni clientèle établie, de
remettre en cause ces règles du jeu et de mettre en place un business model radicalement
différent.
Pourquoi les opérateurs historiques ont- ils copié le business model de Free ?
Parce qu’ils n’ont pas eu le choix ! Les opérateurs historiques ont imité la proposition de
valeur de Free, en proposant des offres à prix bas, afin de pouvoir lutter contre ce nouvel
entrant qui avait capté très rapidement 13 % du marché.
Free a-t-il créé un nouveau marché ?
Grâce à son offre à bas coût, Free a attiré sur le marché de nouveaux clients qui n’avaient pas
d’abonnement télépho- nique jusque-là, car ils considéraient celui-ci comme trop cher. À ce
titre, on peut donc dire que Free a créé un nouveau marché en « créant » de nouveaux
clients, c’est-à-dire un volume d’affaires inexistant auparavant. Cependant, l’intro- duction de
l’offre à bas prix de Free a obligé tous les acteurs à baisser leurs tarifs. Au total, en valeur, le
marché de la télé- phonie en France a chuté (33 % de baisse du revenu moyen par abonné),
et en ce sens, il est difficile de dire que Free a contribué à créer un nouveau marché.
littéraire. Toute la question, en revanche, est de savoir si cet avantage est copiable, ce qui est
difficile à dire sur la base des données du cas.
Les plateformes d’autoédition
comme Librinova sont-elles comparables aux plateformes digitales qui se sont développées
dans d’autres activités (Uber, Airbnb, Facebook…) ?
La plupart des plateformes d’autoédition ne sont pas comparables aux exemples cités car ce
ne sont pas vrai- ment des marchés bifaces. L’auteur poste bien son manus- crit sur une
plateforme mais la ressemblance s’arrête là : les lecteurs ne vont pas sur cette plateforme
pour acheter les livres directement aux auteurs. Ils les achètent à une librairie en ligne
classique, amazon.fr ou autre, qui prélève ses 30 % de commission comme tout
intermédiaire qui se respecte. En revanche, Librinova a innové en créant une véri- table
plateforme qui met directement en contact les auteurs avec des éditeurs. En ce sens, son
modèle auteur/éditeur se rapproche, davantage que celui de ses concurrents, de celui
d’Uber (passager/chauffeur) ou d’Airbnb (locataire/ propriétaire). Librinova vend non
seulement aux auteurs le rêve d’être publié, mais aussi aux éditeurs la possibilité de recruter
de nouveaux talents. L’autoédition chez Librinova permet à un livre de faire ses preuves en
autoédition et donc aux éditeurs de repérer des textes qu’ils auraient ignorés s’ils avaient
simplement reçu le manuscrit par la poste.
Que recommanderiez-vous pour accélérer la croissance de Librinova et améliorer
sa rentabilité ?
Pour accélérer sa croissance, Librinova doit convaincre les auteurs amateurs qu’ils ont intérêt
à autoéditer leurs livres chez Librinova plutôt que de soumettre directement leurs manuscrits
à des éditeurs traditionnels. Si Librinova arrive à capter les milliers de manuscrits qui sont
soumis en pure perte aux éditeurs, l’entreprise aura gagné son pari et deviendra la
plateforme de référence en France, balayant au passage les autres plateformes d’autoédition,
qui restent cantonnées dans le petit marché de l’autoédition car elles ne soumettent pas les
manuscrits aux éditeurs.
La question de la rentabilité est plus délicate car tout le problème est de savoir si ce modèle
est « scalable ». Si Libri- nova voyait arriver une déferlante de manuscrits, l’entreprise
pourrait-elle les gérer sans augmenter ses coûts en propor- tion ? Les données du cas ne
permettent pas de répondre à cette question, mais il est intéressant d’en montrer
l’importance aux étudiants : si Librinova reste une petite structure qui travaille de manière
artisanale, elle ne pourra pas devenir une plateforme dominante. D’un autre côté, si elle
renforce sa structure pour faire face au volume, elle risque de faire exploser ses coûts et
donc de croître aux dépens de sa rentabilité.
Que penser de la stratégie d’Amazon fondée sur la croissance au détriment des profits ?
Jeff Bezos raisonne comme le ferait un patron de start-up : il vaut mieux privilégier la
croissance que maximiser les profits. Aussi longtemps que les actionnaires adhèrent à cette
stra- tégie, le patron a intérêt à la suivre, car elle lui permet de financer le développement
exponentiel de son entreprise en collectant des fonds toujours plus importants auprès des
investisseurs. La rémunération se fait par la croissance du cours de Bourse et non par les
dividendes. Tant qu’elle tient, cette stratégie est très difficile à contrecarrer par des
concurrents qui cherchent à protéger leur profitabilité à court terme et se retrouvent
contraints et forcés de céder des parts de marché à Amazon. Il se peut que, sur le long
terme, Amazon réussisse à faire disparaître tous ses concur- rents et se retrouve dans une
situation de monopole qui lui permettrait d’augmenter les prix, assurant ainsi une renta-
bilité élevée sur le dos des clients. Alors viendront les divi- dendes qu’attendent toujours les
actionnaires d’Amazon…
Si la stratégie d’Amazon est favorable au client à court terme, elle le sera probablement
beaucoup moins si l’entreprise se retrouve en situation de monopole.
composée de stock-options. Traduisant une culture indivi- dualiste forte, orientée vers la
recherche de performance individuelle à court terme, cette politique de rémunéra- tion était
de nature à encourager des comportements, sinon déviants, au moins extrêmes, poussant
chacun à embellir les performances réalisées.
Hors de l’entreprise, l’affaire Enron a révélé les négligences du cabinet d’audit Arthur
Andersen, auditeur de la société depuis 1986, et a permis de remettre en cause l’exercice
simultané, par un même cabinet, de missions légales d’au- dit des comptes d’une part et
d’activités contractuelles de conseil d’autre part. En effet, dans une telle situation, comment
garantir la fiabilité d’un audit portant sur des recommandations éventuellement formulées
par le même cabinet, et pouvant remettre en cause des missions de conseil, beaucoup plus
lucratives ?
La faillite d’Enron révèle donc les défaillances de multiples mécanismes de gouvernement
d’entreprise. Elle révèle leur complémentarité dans la chaîne d’information qui relie l’en-
treprise au marché. Elle révèle également leur imbrication dans un système plus large de
valeurs, dont l’influence, bien qu’indirecte, est essentielle. Le contexte généralisé de libé-
ralisation des marchés, la culture particulière de l’entreprise influencée par ses succès passés
mais également la person- nalité de ses dirigeants, les systèmes de management privilé- giés
par ces derniers constituent et traduisent des systèmes de valeurs dont il faut tenir compte
pour comprendre la complexité des mécanismes qui ont conduit à la faillite d’Enron.
Pourquoi le cabinet d’audit Arthur Andersen a-t-il été entraîné dans la chute d’Enron ?
L’enquête a révélé que le cabinet d’audit Arthur Andersen, alors très prestigieux, avait négligé
sa mission d’auditeur pour protéger ses intérêts de société de conseil auprès d’En- ron.
Accusé d’avoir détruit des documents comptables ainsi que des fichiers informatiques et des
courriers électroniques, le cabinet a vu sa réputation d’indépendance et de qualité très
rapidement ternie. Aucune entreprise ne voulant de comptes certifiés par un cabinet d’audit
contesté, tous les gros comptes d’Arthur Andersen ont changé d’auditeur en moins d’un an.
Bien que sa condamnation pour entrave à la justice ait été finalement invalidée par la cour
suprême des États-Unis en 2005, le cabinet ne devait pas se relever de ce scandale.
des concurrents spécialisés (Ardagh) ou des fonds (Apollo) qui se sont portés acquéreurs. En
revanche, les autres activi- tés de Saint-Gobain, notamment le verre plat, affichent de
meilleures perspectives de croissance et une bonne rentabi- lité, à condition que Saint-
Gobain se concentre dessus et ne disperse pas ses ressources dans des activités trop
éloignées du métier de base.
D’après vous, dans quel type d’activité Saint-Gobain va-t-il investir avec le produit de la
vente ?
Au-delà du verre plat qui reste une activité de commodité, le groupe va probablement se
recentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée où il pourra échapper à la guerre des
prix : verres spécialisés, isolants et solutions pour la maison, etc. L’entreprise va donc
commercialiser à la fois des produits et des services pour proposer des solutions intégrées
pour la maison et les entreprises. C’est ce qui est désigné sous les termes assez génériques et
assez peu clairs de « la conception, la production et la distribution de solu- tions innovantes
et de haute performance pour l’habitat et l’industrie, où le groupe poursuit son
développement ». Ces solutions sont en phase avec la croissance du marché et la demande
d’économie d’énergie et de préservation de l’envi- ronnement. On peut imaginer que la
position concurrentielle de Saint-Gobain sera meilleure sur ces segments et que l’en- treprise
n’aura pas à contrer des concurrents low cost faisant pression sur les prix.
La corporate strategy
un marché financier efficient, une entreprise dont le projet est créateur de valeur devrait
pouvoir se financer facilement : les actionnaires ne pouvaient donc pas admettre l’argument
d’Accor qui consistait à transférer les flux financiers d’une activité à l’autre, ce qui constitue
une internalisation du marché financier et prive les actionnaires de leur pouvoir d’arbitrage
et d’allocation de ressources entre les deux acti- vités. Aux yeux des actionnaires, la scission
allait créer de la valeur en libérant le potentiel des titres de services et en forçant l’activité
hôtellerie à se financer par elle-même, à son vrai coût du capital. Comme on le lit dans
l’étude de cas, la scission a contraint l’hôtellerie à changer de stratégie et notamment à se
dessaisir de l’immobilier pour se concentrer sur la gestion des hôtels, une scission dans la
scission qui était certainement voulue par les actionnaires.
Le nouveau groupe Edenred possède-t-il une bonne position concurrentielle face
à la Sodexo ?
Le groupe Edenred dispose d’atouts non négligeables dans son industrie. Il est vrai que son
principal concurrent en France, Sodexo, dispose également d’une autre activité, la
restauration collective, qui lui permet de proposer une offre plus large à ses clients
entreprises, créant ainsi une synergie commerciale. Cependant, la scission d’Accor n’a pas a
priori d’effet négatif sur la position concurrentielle d’Edenred. Au contraire, sa nouvelle
autonomie lui permet d’affecter son cash à sa propre croissance, ce qui constitue
certainement une force. C’est du moins le pari qu’ont fait les actionnaires.
Pour savoir si Disney est le meilleur parent, il faut comparer Disney avec des groupes
similaires, tels que Time Warner, Comcast (NBC, Universal, Dreamworks), Viacom (Nickelo-
deon, MTV, Paramount). Les données du cas présenté ne le permettent pas, mais il est de
notoriété publique que ces groupes, s’ils sont peu ou prou diversifiés dans les mêmes
métiers que Disney, n’ont pas la même capacité à exploi- ter systématiquement les synergies.
Ils le font de manière opportuniste, mais aucune activité ne dirige vraiment les autres. Disney
est donc certainement le meilleur parent pour Pixar. Du reste, c’est l’équipe Pixar qui a pris le
pouvoir dans les studios Disney au moment de la fusion, ce qui a consi- dérablement
amélioré les capacités créatrices de Disney. En effet, Disney était quelque peu dépassé par le
succès de l’animation 3D dont Pixar était le maître incontesté. En revanche, Disney n’avait
rien perdu de son leadership sur toutes les autres activités, ce qui a ouvert des possibilités
immenses à Pixar.
Le groupe Disney est-il stratégiquement cohérent ou souffre-t-il d’une trop grande
diversification ?
Les points qui précèdent montrent la cohérence du groupe Disney, véritable machine de
guerre pour rentabiliser au maximum les créations des studios historiques ou rache- tés par
le groupe. Cependant, comme le souligne l’étude de cas, on peut se poser le problème de la
diversification dans les chaînes de télévision généralistes. Tant que Disney s’en tenait au
Disney Channel, la synergie était évidente. C’est moins le cas avec ABC ou ESPTN. Le risque
est d’aller vers des activités non liées aux studios et d’y réussir moins bien que des
concurrents qui ne s’embarrasseraient pas du lien avec une maison mère aussi exigeante.
Quel est le core business du groupe Disney ?
La création des films reste le core business du groupe car toutes les autres activités sont
synchronisées avec les sorties de films pour en exploiter au mieux les franchises. Comme on
l’a vu plus haut, le pôle télévision tend à s’écarter de cette logique. Si Disney poursuit ce
genre de diversification, la notion de core business deviendra moins claire.
L’intégration verticale de la maroquinerie de luxe dans les peaux de crocodile (p. 331) 31
L’intégration verticale dans le secteur pétrolier (p. 332) 32
Pourquoi les constructeurs automobiles produisent-ils leurs moteurs
et pas les constructeurs aéronautiques ? (p. 338) 33
L’externalisation des microprocesseurs et du système d’exploitation prive IBM
de sa domination sur les PC (p. 341) 34
L’intégration verticale de la maroquinerie de luxe dans les peaux de crocodile (p. 331)
Pourquoi l’intégration verticale a-t-elle été le modèle dominant dans l’industrie pétrolière
tout au long du xxe siècle ?
La plupart des grands groupes pétroliers se sont dévelop- pés à la toute fin du xixe siècle et
dans la première moitié du xxe siècle. À cette époque, les grandes infrastructures néces-
saires au bon fonctionnement de l’industrie n’existaient pas encore et se sont mises en place
progressivement, à l’initiative des groupes pétroliers eux-mêmes. Après avoir identifié les
gisements de pétrole, les groupes pétroliers se sont mis à les exploiter, puis à acheminer le
pétrole produit en mettant en place des flottes de tankers ou en construisant des oléoducs, à
raffiner ce pétrole en construisant des raffineries et enfin à le distribuer en établissant des
réseaux de stations-service. C’est donc l’absence de fournisseurs ou d’acheteurs
indépendants aux divers stades de la filière jusqu’au milieu du xxe siècle qui a conduit les
groupes pétroliers à s’intégrer.
Que pensez-vous des arguments en faveur de l’intégration verticale mis en avant par les
majors ?
Les principaux arguments mis en avant par les groupes pétroliers pour justifier leur
intégration verticale relèvent de deux logiques :
la sécurité des approvisionnements et des débouchés ;
le besoin de lisser la rentabilité entre stades de la filière, rentabilité qui fluctue en fonction
de l’environnement externe et qui peut être élevée sur certains stades et faible sur d’autres.
Le premier argument n’est pertinent que si le marché ne garantit pas la sécurité des
approvisionnements et des débouchés, avec une concurrence suffisante entre acteurs aux
différents stades de la filière. Comme nous venons de le décrire ci-dessus, c’était le cas
jusque dans les années 1960. Auparavant, les groupes pétroliers n’avaient guère d’autre
choix que de s’intégrer. C’est désormais moins vrai.
Pourquoi les constructeurs automobiles produisent-ils leurs moteurs et pas les constructeurs
aéronautiques ? (p. 338)
Pourquoi les constructeurs d’avions n’ont- ils pas produit dès l’origine leurs propres
moteurs ?
Les premiers avions ont été développés au début du xxe siècle, alors qu’une industrie
automobile existait déjà (avec des constructeurs comme Panhard & Levassor, Peugeot,
Renault, Berliet, ou encore Oldsmobile, Ford, Daimler, Benz, etc.) et produisait des moteurs
perfor- mants pour l’époque. Les pionniers de l’aviation, Blériot, Farman, Santos-Dumont,
Martin, Sopwith, De Havilland, Junkers, etc. se sont donc naturellement tournés vers les
constructeurs automobiles pour acheter des moteurs susceptibles d’équiper leurs aéronefs.
En quoi cela a-t-il permis l’émergence de fournisseurs de moteurs d’avions spécialisés ?
De façon à mieux servir leurs clients de l’aéronautique, les constructeurs automobiles ont été
amenés à modifier leurs moteurs pour les adapter aux besoins particuliers des avions.
Renault a ainsi produit son premier moteur d’avion spéci- fique dès 1908. Progressivement,
les moteurs d’avions se sont écartés des moteurs d’automobiles, ce qui a conduit nombre de
constructeurs automobiles à confier la concep- tion et la fabrication de ces moteurs à des
divisions spécia- lisées. Certains d’entre eux ont ensuite choisi de se séparer de ces activités,
donnant naissance à des firmes spécialisées dans la production de moteurs d’avions. Ce fut le
cas de Rolls-Royce qui scinda ainsi son activité en deux entreprises distinctes. Par ailleurs,
l’habitude prise par les constructeurs d’avions d’acheter leurs moteurs à des fournisseurs
exté- rieurs a créé une demande que des entrepreneurs indépen- dants ont cherché à
satisfaire. Au bout de quelque temps, une véritable industrie des moteurs d’avions avait
émergé en parallèle avec le développement de la construction aéro- nautique.
d’aligner les prix sur ceux des concurrents. D’un autre côté, essayer de maintenir la
rentabilité aurait conduit à un effon- drement de la part de marché.
Pourquoi IBM a-t-elle lancé son propre système d’exploitation OS2 en 1987 ? Pourquoi la
manœuvre a-t-elle échoué ? Qu’aurait-il fallu faire ?
En lançant OS2, IBM espérait recréer une différenciation liée aux caractéristiques techniques
du système d’exploitation, cette fois développé par l’entreprise elle-même et donc
inaccessible aux concurrents. Si les clients avaient voulu acheter des PC équipés de ce
système OS2, ils n’auraient eu d’autre choix que d’acheter des machines IBM, plus chères que
celles d’autres marques. Malheureusement pour IBM, la plupart des utilisateurs s’étaient
habitués au système MS-DOS de Microsoft lorsque OS2 a été lancé. Le nouveau système
propre à IBM n’avait pas des caractéristiques et performances suffisamment suéprieures
pour les inciter à changer. Sans s’en rendre compte, IBM avait fait du système Intel +
Microsoft le standard du marché.
Pour réussir, il aurait fallu que OS2 soit lancé plus tôt et surtout soit tellement mieux
comparé à MS-DOS que les clients eussent souhaité migrer vers ce nouveau système malgré
un prix plus élevé. Mais il était certainement déjà trop tard. Avec le recul, on peut penser
que, dès le début de l’histoire, il aurait mieux valu qu’IBM prenne quelques mois de plus
pour développer son PC et le doter d’un système d’exploitation – et peut-être même un
microprocesseur – développé en interne et donc exclusif à la marque. IBM aurait peut-être
même pu négocier à l’époque un contrat d’exclusivité sur MS-DOS avec Bill Gates – qui
n’avait aucun pouvoir de négociation en ce temps-là. Cela aurait empêché Microsoft de
vendre le système à d’autres fabricants de PC et permis à IBM de rentrer rapidement sur le
marché, tout en lui donnant le temps de développer son propre système d’exploitation.
Quel est l’objectif principal que poursuit chacune des entreprises décrites, au travers de sa
stratégie internationale ?
Bien que ces entreprises se développent toutes fortement à l’international, elles poursuivent
des objectifs différents :
Haier cherche à devenir un des leaders mondiaux de l’élec- tronique grand public, porté par
une marque mondiale. Sa stratégie repose sur la conquête de positions fortes dans les pays
émergents comme dans les pays développés.
Le développement international de Huawei Technologies est avant tout à visée commerciale :
il s’agit de gagner des parts de marché auprès des opérateurs de télécommuni- cation du
monde entier. Certains de ses développements sont motivés par l’acquisition de savoir-faire
(notamment aux États-Unis) ou l’accès à des ressources technologiques (en Inde).
L’achat de la division PC d’IBM a permis à Lenovo de se hisser, en une seule opération, parmi
les trois leaders mondiaux du secteur. Son principal actionnaire étant contrôlé par l’État, cet
objectif comportait une compo- sante symbolique forte.
Quels sont les différents modes d’entrée dans les marchés étrangers utilisés
par ces entreprises ?
L’expansion internationale de ces entreprises combine diffé- rents modes d’entrée :
Haier établit des têtes de pont dans les zones où l’entre- prise souhaite asseoir son
développement commercial. Selon les opportunités qui se présentent, le groupe opte pour la
création de filiales (par exemple aux États-Unis, où il a installé une usine) ou pour
l’acquisition d’entreprises locales (comme en Italie). Pour se rapprocher des marchés visés,
l’entreprise a notamment installé des usines de montage et des réseaux de distribution en
Asie émergente (Vietnam, Indonésie, etc.).
Huawei Technologies crée des filiales de vente et de service sur les marchés où l’entreprise se
développe. Ses activités de recherche restent majoritairement localisées en Chine et,
secondairement, à Bangalore en Inde.
Lenovo a conduit une seule très grande opération d’acqui- sition : la prise de contrôle de
l’activité PC d’IBM. Cette acquisition fondatrice a été suivie par une JV majoritaire avec NEC.
Quelles que soient les modalités retenues, le développement international de ces entreprises
est surtout remarquable par la vitesse à laquelle il a été exécuté. Les multinationales
chinoises, privées comme publiques, ont agi de concert, accompagnant en cela le plan de
développement national orchestré par le gouvernement de Pékin.
d’un canard boiteux et se comporter en actionnaire exigeant pour en extraire toute la valeur
possible avant de le revendre était une stratégie exceptionnelle à l’époque. Hanson Trust
alignait soudain les intérêts du management avec celui des actionnaires en jouant les deux
rôles à la fois dans les entre- prises acquises, d’où une amélioration rapide des perfor-
mances. Au fond, Hanson se comportait comme un fonds de private equity avant la lettre, à
la différence près qu’il prenait directement les rênes des sociétés dont il prenait le contrôle.
Au cours des années 1990, avec la montée en puissance des actionnaires, une meilleure
efficience des marchés financiers et la généralisation des règles de gouvernance modernes, il
est devenu de plus en plus difficile de faire mieux que le marché ou que les entreprises elles-
mêmes en matière de restructuration, d’amélioration de la performance et de turnaround.
Via les private equity, les LBO, les actionnaires activistes…, voire le conseil d’administration
lui-même, le marché rétablit de lui-même la convergence des buts entre dirigeants et
actionnaires. Les entreprises sont poussées à se restructurer pour maximiser la valeur
actionnariale avant de tomber dans l’escarcelle d’un Hanson Trust, dont la compétence
distinctive était de remettre brutalement les actionnaires au pouvoir dans des entreprises où
leurs intérêts avaient été trop longtemps négligés.
La corporate strategy
par les équipes opérationnelles, et se sont finalement révé- lées en grande partie
chimériques. L’exemple du projet de plateforme commune entre les deux constructeurs est à
ce titre révélateur : les différences de conception (traction vs. propulsion) entre Allemands et
Américains rendaient un tel projet très complexe et peu réaliste. De fait, non seulement le
prix payé pour acquérir Chrysler s’est avéré très élevé, mais la fusion, loin de créer de la
valeur, en a massivement détruit. Il y a loin de la coupe aux lèvres : les synergies
effectivement mises en œuvre ont été très en dessous du potentiel existant, qui était lui-
même très en dessous des synergies espérées par les actionnaires de deux groupes.
Un rapprochement Daimler-Chrysler aurait-il pu réussir ? Comment ?
Une meilleure préparation aurait été nécessaire, mais c’est souvent difficile car le projet de
fusion doit rester confiden- tiel tant qu’il n’est pas annoncé officiellement, ce qui réduit la
durée et l’ampleur des travaux préparatoires. Une révision à la baisse des synergies
escomptées aurait probablement permis de réduire la prime de contrôle, ce qui aurait pu
relâ- cher la pression sur les équipes et faciliter la collaboration. Daimler-Benz et Chrysler
auraient pu décider de travailler sur des projets en joint-venture avant d’envisager une
fusion, de manière à mieux se connaître et à vérifier leur compatibilité.
Cependant, c’est surtout dans la phase post-fusion qu’on aurait certainement pu améliorer
les choses. Par exemple, donner plus de poids dans la structure aux responsables de Chrysler
aurait évité ou atténué la fuite des cerveaux ; constituer des groupes de travail composés de
membres des deux entités avec des objectifs communs aurait facilité le dialogue et la
coopération, etc. Pour reprendre la typologie des modes d’intégration présentée dans la
dernière section du chapitre, il s’agit d’un cas typique d’absorption : les syner- gies
potentielles sont très élevées, mais elles nécessitent une absorption très poussée d’une
organisation par l’autre, ce qui présente un niveau de risque très élevé et des difficultés de
mise en œuvre particulièrement importantes.
ne posa pas de problème majeur, conduisant le nouveau groupe à dépasser les prévisions
des analystes. Gillette était une entreprise en bonne santé et dotée d’une culture forte.
C’était un actif solide, qui présentait de nombreuses complé- mentarités, à la fois
industrielles et culturelles, avec Procter & Gamble, qui a su l’intégrer avec intelligence.
Quelles leçons peut-on en tirer en matière de stratégies de croissance externe et de
management de l’intégration post- fusion ?
Une fusion de cette ampleur doit être anticipée avec précau- tion. La cible doit être étudiée
en détail de manière à s’as- surer que les cultures sont compatibles et les organisations
complémentaires. Il est très important d’évaluer avec préci- sion les synergies de coûts et de
revenus, de manière à la fois à payer un prix correct et à s’assurer que ces synergies seront
effectivement réalisées. Comme l’illustre le cas de Daimler- Chrysler (p. 412), les estimations
élaborées par les dirigeants ou les banquiers d’affaires peuvent se révéler irréalistes,
conduisant à de graves échecs. Enfin, l’intégration doit être pilotée avec tact et intelligence,
de manière à ménager les transferts de compétences entre les entités sans provoquer la
fuite des hommes et la perte des ressources stratégiques associées.
Cereal Partners Worldwide : une alliance Nestlé-General Mills (p. 431) 43
CFM International : une alliance devenue leader mondial (p. 436) 44
Apprentissage et transferts de savoir-faire dans l’industrie automobile mondiale (p. 443)
46
Les trois alliances globales entre compagnies aériennes (p. 445) 47
Danone-Wahaha, alliance ou concurrence larvée ? (p. 455) 48
Pourquoi Nestlé et General Mills n’ont-ils pas fusionné au lieu de faire cette alliance ?
General Mills (GMi) et Nestlé sont tous deux des groupes agroalimentaires diversifiés. Une
fusion aurait entraîné la mise en commun de toutes leurs activités là où seule une
collaboration dans le domaine des céréales avait du sens. Dans ce cas de figure, l’alliance
apparaît comme un véhi- cule particulièrement adapté : elle permet de mettre en commun
une activité bien circonscrite, dans laquelle des synergies identifiées existent entre les
partenaires. Ici, Nestlé n’avait pas la volonté de se développer aux États-Unis, mais souhaitait
rattraper son retard sur le marché des céréales pour petit-déjeuner, un domaine dans lequel
GMi possédait une expertise et des marques fortes. Le groupe américain, quant à lui, désirait
se développer à l’international, sans pour autant avoir les moyens d’acquérir Nestlé.
L’alliance offrait aux deux partenaires l’opportunité de réaliser un objectif stratégique, sans
entrer dans un processus complexe, délicat et coûteux de fusion.
Les contributions, les positions
et les gains des deux partenaires vous semblent-ils équilibrés ?
Cereal Partners Worldwide (CPW) est une alliance complé- mentaire (voir figure 11.8 p.
466) : les positions et contribu- tions de chaque partenaire sont par nature déséquilibrées.
En position de l’allié A, GMi apporte à l’alliance sa compé- tence dans le domaine des
céréales, alors que Nestlé, l’allié B, détient l’accès au marché. On ne peut pas supposer que
ces contributions soient équilibrées à 50/50, même si le capital de la co-entreprise est
partagé à égalité. Sur le plan finan- cier, nul doute que le contrat signé entre les partenaires
tient compte de ces déséquilibres et les compense.
D’un point de vue stratégique cependant, chaque allié y trouve son compte. Nestlé, groupe
très orienté produit, n’avait pas trouvé le bon business model dans les céréales, produits
simples à concevoir et à produire mais dont le succès repose essentiellement sur une
approche marketing appropriée. Quant à GMi, l’alliance lui offrait l’opportunité de rattraper
son retard sur Kellogg’s à l’international.
À terme, qu’est-ce qui pourrait conduire à une rupture ? Quelle autre issue serait
envisageable ?
Une alliance complémentaire repose sur l’intérêt que chaque partenaire trouve à collaborer.
Si un des groupes parvient à faire tout seul ce que l’alliance est destinée à produire, cette
dernière perd sa raison d’être. La rupture peut donc se produire si Nestlé estime qu’il dispose
désormais du savoir- faire et du business model nécessaires pour pouvoir se lancer seul dans
les céréales de petit-déjeuner, sans les marques de GMi, ou si GMi considère qu’il est en
position de se lancer seul à l’international.
Comme l’essentiel de l’activité opérationnelle de l’alliance est assuré par les filiales de Nestlé,
on peut estimer que la rupture serait plus difficile pour GMi. Nestlé, qui maîtrise désormais
le business model, pourrait se développer seul sur ce marché à condition d’investir
suffisamment. Pour se lancer seul, GMi, en revanche, devrait disposer des compé- tences
(marketing, logistique, etc.) et ressources requises dans chacun des pays couverts, qui sont
certainement plus difficiles à acquérir. La continuation de l’alliance semble toutefois indiquer
que les deux partenaires s’en trouvent toujours satisfaits, ou qu’aucun ne pense pouvoir faire
mieux en se séparant de l’autre.
On pourrait toutefois esquisser d’autres hypothèses d’évo- lution de l’alliance. Le joint-
venture pourrait prendre son autonomie et être introduit en Bourse ou vendu à un fonds
d’investissement. Ou alors, un des deux partenaires pour- rait décider de racheter l’activité
de l’autre pour l’intégrer. GMi pourrait, par exemple, faire de CPW sa filiale internatio- nale.
On pourrait enfin imaginer en théorie qu’un des deux groupes finisse par racheter l’autre, si
ce n’est que les parte- naires se sont interdit cette issue par contrat au moment de la
création de CPW.
De plus, dans la configuration CFM, chaque allié reste maître de ses investissements puisqu’il
n’y a pas d’actifs en joint-venture. C’est ce qui a permis notamment à Safran d’utiliser
l’alliance pour développer un réseau commercial en propre.
Principal inconvénient : personne n’assume la responsabilité globale du projet, dont la
réussite repose, paradoxalement, sur une forte entente entre les partenaires. Bien que l’al-
liance prévoie une séparation totale des activités, sa réussite dépend d’une collaboration
étroite entre les deux entre- prises. De plus, chaque partenaire gérant ses propres coûts,
aucun ne sait ce que dépense ni ce que gagne l’autre, et personne ne sait à quel point les
coûts et les investissements sont globalement optimisés. Enfin, le mode d’organisation
adopté favorise les duplications : les chaînes d’assemblage et de test des moteurs sont
dupliquées (en France et aux États-Unis) et la force commerciale de Safran sur sa zone
duplique celle de GE qui commercialise les moteurs 100 % GE comme le CF6 ou le CF34.
On pourrait donc rationaliser l’alliance et améliorer sa profi- tabilité en la mettant sous une
autorité unique et en suppri- mant les duplications. Mais en réalité, aucun partenaire
n’accepterait de le faire. Vis-à-vis des compagnies aériennes et des avionneurs, chaque allié
veut apparaître comme un motoriste à part entière et non pas comme un vulgaire sous-
traitant. Il est donc hors de question de renoncer à l’assemblage final, à la commercialisation
des moteurs et à son autonomie de décision dans l’alliance.
En quoi l’alliance franco-russe PowerJet diffère-t-elle de l’alliance franco-américaine CFM ?
Dans le cadre de l’alliance CFM, Safran se voit interdire l’accès au marché américain, un des
plus vastes du monde, puisque celui-ci reste la chasse gardée de GE. Safran doit donc, pour
exister en dehors de GE et être considérée comme un constructeur de moteur à part entière,
déve- lopper d’autres produits que l’entreprise française pourra commercialiser de manière
autonome dans le monde entier, y compris aux États-Unis. C’est ce qui a motivé le projet
SaM146, développé en coopération avec UEC-Saturn. Dans cette alliance, Safran est
responsable du corps haute pres- sion alors que UEC-Saturn fournit la partie basse pression.
C’est donc un accord miroir par rapport à CFM. Safran joue le rôle que GE jouait au départ
dans CFM. Cet arrangement permet à Safran de développer l’équivalent d’un moteur
complet à travers les deux projets, au lieu de se spécialiser dans la basse pression. Encore
une fois, il s’agit de démon- trer que Safran possède toutes les compétences d’un moto- riste
à part entière. Malheureusement, PowerJet n’a pas eu le succès escompté.
Quelle stratégie devrait adopter Safran pour devenir un des leaders mondiaux des moteurs
d’avions de ligne ?
Du point de vue stratégique, Safran chemine sur une voie étroite. Une part significative de
son activité provient de l’alliance CFM, qui la lie industriellement à GE et lui ferme
commercialement les portes du marché américain. Si l’en- treprise ne parvient pas à
s’émanciper et à s’imposer sur le marché comme motoriste d’avion reconnu, l’activité
pourrait finir par être absorbée par GE. La probabilité de cette issue dépend évidemment de
la stratégie de Safran, conglomérat
formé par la fusion de Snecma et de Sagem sous le regard bienveillant de son actionnaire
principal, l’État.
Une autre issue serait de développer un projet autonome dans une gamme de moteurs non
couverte par le contrat CFM. Le problème est que l’accord d’exclusivité couvre un spectre
très large, qui n’exclut que les très gros moteurs, où la concurrence fait rage, et les moteurs
de jets régionaux, segment en croissance où Safran a décidé d’investir avec PowerJet, sans
succès jusqu’ici. L’ironie de la situation est que le principal concurrent de Safran dans les
petits moteurs est le CF34 de GE, un moteur qui ressemble étrangement à un CFM56 en
modèle réduit. Safran pourrait essayer de prendre son allié/concurrent de vitesse en
développant un petit modèle inspiré du LEAP, mais il y a fort à parier que GE n’apprécierait
guère cette initiative. De toute manière, la commercialisation sur le continent américain
poserait problème. C’est pourquoi Safran a essayé de s’abriter derrière des alliances sur
d’autres marchés (le marché des avionneurs russes avec PowerJet) pour s’émanciper de GE
sans lui faire frontalement concurrence.
Qui utilise la coopération comme un cheval de Troie : les constructeurs occidentaux pour
entrer sur le marché chinois ou les constructeurs chinois pour développer leur propre activité
?
Les deux, évidemment. Tant que l’enjeu de ces alliances est cantonné au marché chinois, il
est difficile de dire qui a le plus de chances de tirer son épingle du jeu. En revanche, le jour
où les constructeurs chinois seront en mesure d’expor- ter massivement sur les marchés de
leurs partenaires occi- dentaux, il est clair qu’ils auront marqué un point décisif dans la
course à l’apprentissage.
À terme, qui dominera l’industrie mondiale ? Quel rôle les alliances jouent- elles dans ce jeu
international ? Quel rôle jouent les fusions-acquisitions ?
C’est la question que tout le monde se pose. Les alliances permettent d’accélérer les
transferts de compétences et de faire émerger de nouveaux concurrents sur les marchés en
forte croissance. Les fusions-acquisitions ont l’effet inverse : elles permettent de concentrer
l’industrie au niveau mondial et de rationaliser la production sur les marchés saturés.
Cependant, comme dans d’autres industries, certaines alliances peuvent conduire à des
acquisitions. La prise de contrôle partielle de PSA par son partenaire chinois en est un signe
avant-coureur.
Quels sont les avantages et les risques d’appliquer cette démarche de certification et de
commerce équitable à une aussi grande échelle ?
En s’engageant sur la voie de la certification, Unilever cherche à gagner un avantage
stratégique sur ses concur- rents. En jouant le rôle de pionnier dans ce domaine, le groupe
Unilever s’assure un avantage durable sur d’éventuels
« suiveurs » et donne un contenu concret et « perceptible » aux valeurs de responsabilité
sociétale qu’il professe. Pour autant, l’existence d’un avantage compétitif repose sur un pari :
il présuppose que les consommateurs vont accorder une valeur suffisante à la certification «
agriculture respon- sable » lors de l’achat de leur sachet de thé. Si les coûts de la certification
et le différentiel du prix d’approvisionnement en thé (de 10 à 15 %) ne se traduisent pas, en
retour, par un accroissement de la valeur perçue par les consomma- teurs, l’innovation
pourrait tourner au désavantage d’Unile- ver. Heureusement, dans le cas du thé, la matière
première représente un pourcentage très faible dans la structure de coût, ce qui permet d’en
augmenter le coût sans affecter significativement le prix de vente. Le packaging (sachets,
ficelle, boîte), le transport, la distribution et le marketing ont un poids bien plus important
que la matière première. Ainsi, pour un paquet payé 2,50 euros TTC, le thé lui-même n’a
coûté que 3 à 5 centimes, alors que la distribution et le marketing représentent plus d’un
euro. Cette stratégie serait beaucoup plus risquée avec des produits ayant une structure de
coût différente.
Quelles sont les principales difficultés de mise en œuvre qu’Unilever et Rainforest ont pu
rencontrer ?
Au-delà des questions économiques, différents obstacles peuvent survenir sur la voie de ce
partenariat. L’ambition du groupe était de certifier l’ensemble de sa production sous la
marque Lipton en 2015 ; les deux partenaires, Unilever et Rainforest, ont d’abord dû trouver
des sources d’appro- visionnement suffisantes au regard du volume requis. Cela implique de
convertir un grand nombre d’exploitants agri- coles à un mode de culture socialement
responsable et respectueux de la nature. Cette conversion requiert un travail sur le terrain
qui peut s’avérer long et compliqué car il va à l’encontre de l’intérêt de certains grands
acteurs en place. Par ailleurs, si des concurrents d’Unilever venaient à suivre la même
démarche, la demande en thé « responsable » pourrait excéder l’offre disponible sur le
marché, condui- sant à une hausse des coûts d’approvisionnement. Enfin, la démarche de
certification repose sur un strict contrôle des engagements pris et de la qualité des produits,
qu’il convient donc de contrôler de manière régulière et indépendante, sous peine de
décrédibiliser la certification même.
Les actionnaires peuvent également créer des tensions significatives en exigeant de meilleurs
résultats financiers à court terme aux dépens des choix sociétaux et environne- mentaux des
dirigeants de Danone. Ainsi, les fonds activistes (hedge funds), dont l’exemple est cité dans
l’étude de cas, s’attaquent en général à des entreprises qui distribuent peu de dividendes et
affichent des résultats trimestriels perçus comme décevants, parce qu’elles privilégient le
long terme, par exemple en dépensant davantage que les concurrents en recherche et
développement. Ces fonds prennent des parts de capital et tentent d’imposer une stratégie
qui maximise le profit à court terme en coupant dans des coûts considé- rés comme
superflus ou en forçant la direction à saisir des opportunités de business immédiates,
contraires à sa vision de long terme. L’affichage d’une vision à long terme comme celle de
Danone peut rendre l’entreprise vulnérable à ce genre d’attaque. Les activistes peuvent en
effet penser que Danone néglige des possibilités de profit à court terme pour respecter sa
vision de long terme, ce qui peut suggérer des potentiels de gains conditionnés à un
changement de stra- tégie.
Ces tensions se renforcent mutuellement. La pression du marché financier pour la
performance économique se réper- cute sur les salariés et peut créer un sentiment
d’inconfort ou même d’incompréhension par rapport au discours sociétal de l’entreprise.
Pourquoi dit-on de son approche qu’elle est « intégrée » ?
La stratégie RSE de Danone est dite intégrée car elle n’est pas séparée de la stratégie de
l’entreprise ; elle en fait partie intégrante. C’est bien la démarche RSE qui contribue à la
création d’un nouvel avantage concurrentiel, fondé sur un écart significatif et durable entre
valeur perçue et coûts.
Pour reprendre des termes familiers de l’industrie automobile, quels seront les potentiels
moteurs et freins d’un tel changement de modèle économique ?
Les moteurs et les freins sont de plusieurs ordres. D’abord, la faible rentabilité des modèles
de moyenne gamme peut inci- ter les constructeurs à chercher une alternative, ce qui pour-
rait les pousser vers la location et l’économie circulaire. De plus, la montée des cours des
matières premières peut égale- ment constituer un bon moteur, car si de nombreuses pièces
parviennent à être recyclées grâce à l’économie circulaire, le coût global des matières peut
baisser pour le constructeur. Les changements de la part des consommateurs, pour qui
l’image « statutaire » de la voiture est de moins en moins importante, constituent également
un élément favorable.
En revanche, l’économie circulaire remet totalement en cause la chaîne de valeur du
constructeur, qui doit comprendre qu’il peut réaliser davantage de profits avec moins de
véhi- cules. Cela peut freiner le changement. Le design doit donc être pensé pour un véhicule
qui conviendrait au plus grand nombre (robuste, facile à entretenir et aisément recyclable),
alors qu’aujourd’hui, style et look sont les plus importants. Le marketing, lui aussi, serait
totalement différent, puisqu’il ne s’agirait plus tant de faire rêver le consommateur que de lui
expliquer les vertus de la consommation collaborative. L’ensemble de l’orthodoxie du secteur
devra donc être remis en cause, ce qui est généralement difficile à obtenir d’un acteur en
place (voir chapitre 5).
Pourquoi BMW s’engage-t-il sur le partage de voiture ?
BMW s’est engagé dans le programme Drive Now pour plusieurs raisons. D’abord,
l’entreprise est convaincue que lorsque l’on a conduit une BMW, on ne rêve plus que d’en
acheter une. Drive Now est donc vu en partie par les équipes marketing de la marque
comme un prétexte pour mettre une BMW entre les mains de consommateurs qui ne
peuvent ou
ne veulent peut-être pas tout de suite s’en offrir une. Ensuite, dans sa flotte de véhicules,
Drive Now propose sa i-BMW, sa voiture électrique, lui permettant ainsi de faire découvrir
cette gamme particulière. Enfin, il semble que Drive Now affiche la conviction de BMW que
l’avenir des constructeurs passe par des offres de service de mobilité. Cette prise de position
semble confirmée par le joint-venture créé avec Mercedes en 2019 pour mettre en commun
toutes leurs activités liées aux nouvelles mobilités (partage de voiture, VTC, agrégateurs tels
que ReachNow…). Mais il reste à mettre en place une vraie chaîne de valeur circulaire !
Quels sont les facteurs de succès historiques de l’industrie automobile qui pourraient être
utilisés en tant que force pour garantir le succès de la transition circulaire de l’industrie ?
Les constructeurs pourraient s’appuyer sur leurs conces- sions et leurs garages pour assurer
la commercialisation et la maintenance des voitures en partage. Leur marque pourrait
également constituer un atout, comme on le voit dans le cas de Drive Now de BMW.
Quels types d’alliance stratégique permettraient de réduire les risques d’une telle transition ?
Le joint-venture de BMW et Mercedes (donc entre concur- rents) illustre bien la nécessité de
devenir un acteur domi- nant localement de manière à emporter la mise. Une alliance avec
un loueur professionnel permettrait d’obtenir des compétences complémentaires : c’est
d’ailleurs ce qu’a fait BMW au départ en s’associant à Sixt pour créer Drive Now. Les
constructeurs pourraient également s’associer à des entreprises gérant d’autres formes de
consommation colla- borative telles que JCDecaux pour les Vélib’ (performance du système
d’information, de la géolocalisation et des relations avec les collectivités) ou Airbnb (gestion
de la réputation des hôtes par exemple).
Pourquoi demande-t-on aux emprunteuses de s’engager sur des principes moraux et des
règles de vie ?
L’action de la Grameen Bank a pour objectif de rompre le cercle vicieux qui condamne les
familles du Bangladesh à la pauvreté. Le microcrédit est un outil de cette stratégie. En
formant des groupes d’emprunteuses, la banque crée de nouvelles solidarités, cimentées par
l’adhésion à des prin- cipes moraux et à des règles de vie différentes. Tout en leur offrant
l’opportunité d’accroître le revenu de leurs familles, la banque cherche ainsi à affranchir les
emprunteuses de certaines coutumes (les dots, par exemple) qui perpétuent la misère dans
la société du Bangladesh. Par cette approche, la Grameen Bank renverse les pratiques
bancaires tradition- nelles en éliminant le besoin de garanties (nantissement ou
hypothèque). Le système de microcrédit ainsi institué substitue à ces garanties financières
des garanties morales collectives reposant sur la confiance mutuelle, la responsa- bilité, la
participation et la créativité des emprunteurs. Mais la stratégie de la Grameen Bank s’inscrit
avant tout dans une démarche de progrès socio-économique selon laquelle le
développement économique n’est rien s’il ne s’accompagne pas de progrès dans le domaine
de la nutrition, de la santé et de l’éducation de la population. La lutte contre la pauvreté est
au cœur de son action. Pour son fondateur, le professeur Muhammad Yunus, cette lutte
passe par le développement de l’initiative économique au sein des classes défavori- sées : «
These millions of small people with their millions of small pursuits can add up to create the
biggest development wonder1 »
Comment expliquer que cette banque qui prête aux pauvres ait un des meilleurs taux de
remboursement du monde ?
Même si la maximisation du profit n’est pas au centre du projet, la banque doit, pour
perpétuer son action, tenir des objectifs économiques. Comme tout établissement de prêt,
elle se doit de maintenir un taux de recouvrement le plus élevé possible (96,7 %). Elle obtient
de bons rembourse- ments car le groupe et la pression sociale sont au cœur de son dispositif.
Les femmes savent que si le projet d’une de leurs co-emprunteuses n’est pas viable, elles
devront rembourser l’emprunt pour elle. En prêtant à un groupe de femmes du même
village, de manière solidaire, Grameen s’assure que ces femmes vérifient la qualité de leurs
projets respectifs. Les projets retenus doivent en effet générer un revenu, condition sine qua
non de la réussite du modèle (par exemple, l’achat d’une vache génère un nouveau revenu
grâce à la vente de lait, ces ventes permettant à la fois d’assurer un meil- leur niveau de vie
et de rembourser le crédit). Si le projet échoue, les autres membres du groupe remboursent
le prêt. Ce dispositif de vérification et de caution solidaire assure un très haut niveau de
remboursement pour Grameen, alors que les femmes ne peuvent offrir aucune garantie
classique (hypothèque, etc.).
Source : gramen-info.org.
Quelle identité à la mort du Chef : le cas Bernard Loiseau (2003) (p. 545)
Concernant la phase de
« rapprochement », pour quelles raisons une telle stratégie de gestion de l’identité a-t-elle
été adoptée ?
Le rapprochement a été géré en juxtaposant les deux iden- tités et en laissant les
organisations se rapprocher progres- sivement. Cette approche collaborative était facilitée
par le contexte économique. Le marché étant porteur, il n’y avait pas d’urgence à réduire les
coûts par l’intégration. De plus, la réglementation obligeait à conserver deux compagnies
nationales, ce qui incitait à la juxtaposition. Ainsi, le choc identitaire de la fusion a été évité.
Ce contexte est exception- nel. Dans la plupart des fusions, la pression pour l’intégration est
beaucoup plus forte.
En vous appuyant sur votre vécu d’étudiant, comment décririez-vous la structure de votre
institution
d’enseignement supérieur ? Quels étaient ou quels en sont les avantages
et les inconvénients ?
Si vous êtes passé par deux institutions différentes, comparez leurs structures
et faites un bilan des conséquences stratégiques et opérationnelles des choix
organisationnels qui ont été faits.
Dans le cadre de cette étude de cas, les étudiants sont amenés à porter un regard sur la
structure de l’institution à laquelle ils appartiennent et à s’interroger sur sa pertinence au
regard de la stratégie choisie. Une institution d’ensei- gnement supérieur ne peut échapper
au caractère multidi- mensionnel lié à sa double mission d’enseignement d’une part,
matérialisée par différents cursus et diplômes, et de recherche d’autre part, conduite au sein
des différentes disci- plines scientifiques. Cette dualité se traduit par une structure
matricielle, les membres de l’organisation se voyant confier, dans le même temps, des
missions liées aux programmes d’enseignement (par exemple : master, MBA, etc.) et des
Quelles sont les croyances qui empêchent Polaroid de réussir le tournant du numérique ?
Les croyances partagées au sein de Polaroid se sont consti- tuées au cours de la longue
histoire de l’entreprise et se sont consolidées au fur et à mesure des succès qu’elle a rempor-
tés. À l’orée des années 1980, ces croyances sont essentiel- lement les suivantes : la
technologie prime, le succès de l’entreprise se bâtit par de grandes inventions, le consom-
mateur valorise l’instantanéité et la qualité de la photo, et la rentabilité se fait sur les
consommables et non sur le maté- riel. Les premiers pas de Polaroid dans l’imagerie
numérique s’inscrivent dans cette lignée : le projet Printer in the Field mise sur
l’instantanéité, le projet Helios parie sur la qualité. Dans les deux cas, l’innovation
technologique est au cœur du projet. À l’heure d’un bouleversement technologique majeur,
les croyances accumulées à l’ère de la photographie argen- tique se révèlent inadaptées à
l’ère numérique, empêchant l’entreprise d’amorcer ce tournant.
Comment ces croyances provoquent- elles l’échec des deux nouveaux projets (appareil
numérique sans tirage instantané et système se substituant aux rayons X destiné aux
radiologues) ?
Bien que disposant des capacités requises, Polaroid ignore les opportunités qui lui auraient
permis de se développer sur le marché des imprimantes numériques. Jugées impropres à
séduire un public avant tout attentif à la qualité de l’image, les technologies de jet d’encre et
de sublimation thermique sont négligées. Pourtant, certaines des croyances de l’entreprise
évoluent. À partir des années 1990, la primauté accordée à la technologie cède le pas et la
priorité est donnée au marché. Mais ces idées, qui sont avant tout portées par de nouvelles
équipes, se heurtent à l’incompréhension de la direction géné- rale. Les nouveaux projets
misent sur la vente de matériels tech- niques, une hérésie au regard du business model
traditionnel de Polaroid, axé sur la vente de films et fondé sur un savoir-faire unique en
imagerie chimique. Insuffisamment soutenus par la direction ou mal conduits, ces projets
échouent. La proliféra- tion de nouveaux produits (notamment les appareils jouets), lancés
suite à l’arrivée d’un nouveau dirigeant en 1996, écorne la croyance dans les grands projets
technologiques, mais cette nouvelle stratégie reste en dissonance avec les croyances rela-
tives au modèle économique. En dépit de compétences réelles, notamment technologiques,
l’entreprise Polaroid s’est révé- lée incapable de penser le nouveau paradigme concurrentiel
imposé par la technologie numérique et n’a pas su retrouver un business model rentable.
Quels biais cognitifs peut-on soupçonner d’être à l’œuvre dans les décisions stratégiques de
Ron Johnson ?
Le cas de J.C. Penney, bien qu’extrême, n’est pas unique : il n’est pas rare que des
actionnaires ou des conseils d’admi- nistration, face à une situation qui semble désespérée,
aillent chercher à l’extérieur de l’entreprise un « homme providen- tiel » chargé de mettre en
œuvre une stratégie de rupture. On peut voir dans ce réflexe une manifestation de plusieurs
biais de modèle mental, comme l’effet de halo, voire l’erreur d’attribution : les succès passés
dont est auréolé le « sauveur » lui sont entièrement attribués, souvent sans tenir compte des
circonstances. Dans le cas de Ron Johnson, il est frappant de constater que le succès des
Apple Stores était entièrement mis à son crédit personnel. Or, si les Apple Stores ont
introduit des innovations importantes dans la distribution de matériel électronique, la
rapidité de leur croissance doit beaucoup aux lancements, pendant les neuf années où
Johnson les a dirigés, de trois produits au succès phénoménal : l’iPod, l’iPhone, et l’iPad.
Il semble clair que Johnson a été victime de biais d’action, et notamment d’un excès
d’optimisme sur au moins un point : le temps nécessaire pour que sa stratégie de
repositionne- ment radical porte ses fruits. Le changement d’assortiment, le nouveau design,
et surtout l’abandon des promotions ont très rapidement fait fuir une partie de la clientèle
tradition- nelle de J.C. Penney ; mais les nouvelles clientes que ce repo- sitionnement devait
attirer ont tardé à se manifester. Bien des années plus tard, Johnson estimait encore que, si
on lui en avait laissé le temps, sa stratégie aurait fonctionné, avec l’arrivée de cette nouvelle
clientèle… mais, à raison d’un milliard de dollars de pertes par an, on ne peut guère s’éton-
ner que son conseil d’administration ait choisi de mettre un terme à l’expérience.
Et dans les choix de son conseil d’administration ?
Plus fondamentalement, on peut s’interroger sur le réalisme d’une stratégie qui entendait
rendre à J.C. Penney sa gran- deur passée. Pas plus que Johnson, ses successeurs ne sont
parvenus à redresser la barre : après avoir perdu la moitié de sa valeur pendant le passage
de Johnson, le prix de l’action a de nouveau été divisé par deux pendant les deux ans où son
successeur, Mike Ullman, a dirigé la société, et encore divisé par trois sous la houlette de
Marvin Ellison, successeur de ce dernier (2014-2018). J.C. Penney était-il déjà condamné à un
déclin inéluctable par l’évolution du secteur et des consom- mateurs ? Se croire capable de le
sauver relèverait alors de l’illusion de contrôle.
Il est surprenant que Johnson, pendant les 17 mois où il a dirigé l’enseigne, n’ait jamais
semblé remettre en cause sa stratégie, alors même que les résultats commerciaux étaient,
dès le départ, désastreux. Au contraire, il a accéléré le déploiement de la plupart de ses
initiatives, sans les tester au préalable à petite échelle. Des biais d’inertie (coûts irré-
cupérables, aversion à la perte) peuvent expliquer cette escalade de l’engagement. La
volonté de Johnson de s’en- tourer de cadres qui partagent sa vision a en outre créé les
conditions d’un puissant biais de groupe : en se séparant de ceux qui exprimaient des
réserves sur sa stratégie, et en les remplaçant par des cadres qui partageaient son
expérience et sa culture, le P-DG a rapidement dissuadé toute forme de critique.
On peut donc soupçonner qu’au moins quatre des cinq familles de biais ont joué un rôle ici.
Quant aux biais d’intérêt, on pourrait penser qu’ils ne jouent aucun rôle, puisque les intérêts
de Johnson, largement rémunéré en stock-options, semblaient alignés avec ceux des action-
naires. La réalité est toutefois plus compliquée. À son arri- vée, Johnson a investi quelque 50
millions de dollars en warrants, lui donnant le droit d’acheter des actions à un prix
légèrement inférieur au cours de marché d’alors. Dès la mi-2012, avec l’apparition des
premiers résultats de sa stratégie, le cours de l’action était inférieur au prix d’exer- cice de ces
warrants, ce qui rendait leur valeur nulle. Johnson n’avait donc plus rien à perdre (au moins
en ce qui concerne la valeur de ces warrants) ; mais pouvait toujours espérer un profit
considérable en cas de rebond de l’action. La struc- ture des incitations de Johnson était donc
bien différente de celles des actionnaires ordinaires, qui, eux, avaient encore un capital
(même amoindri) à préserver. Quand on n’a rien à perdre, il est parfaitement rationnel de
prendre tous les risques : c’est précisément ce qu’a fait Johnson, en ignorant tous les signaux
d’alerte pour persévérer dans sa stratégie de rupture.
Embraer, Li & Fung et Cisco (p. 652) 65
Procter & Gamble (p. 655) 66
Domino’s Pizza : une entreprise de technologie qui fait des pizzas (p. 665) 67
Changement organisationnel et culturel chez Oticon (p. 669) 68
Best Buy, le retournement par les valeurs (p. 672) 69
Comparez les trois exemples : qu’est-ce qui les rapproche et qu’est-ce qui
les différencie en termes de réseau ?
On retrouve au sein des trois entreprises décrites une forte dimension réseau. Mais ces
réseaux se déploient de manières très différentes. Embraer s’appuie sur un maillage de
grandes entreprises (Bombardier, Honeywell, GE, etc.), qui disposent de technologies
sophistiquées. De fait, les technologies assemblées via le réseau vont souvent au-delà de
celles que maîtrise l’avionneur. Ce dernier maîtrise le produit final mais ne contrôle pas
toutes les composantes technologiques de la chaîne de valeur. Par contraste, Li & Fung
domine entiè- rement la chaîne : l’entreprise est beaucoup plus sophisti- quée que les
fournisseurs composant son réseau et à qui elle transfère du savoir-faire. Cisco, enfin, est une
entreprise très décentralisée : son réseau est essentiellement composé de filiales, auxquelles
s’ajoutent des partenaires extérieurs avec lesquels le groupe a formé des alliances.
En quoi la confiance constitue-t-elle un élément essentiel du capital social et, en définitive,
du surcroît de valeur créé par le réseau ?
Les contrats de partenariat sont par nature incomplets : tous les cas de figure ne peuvent
être prévus à leur signa- ture. Se posent donc au sein de chaque réseau les questions du
contrôle et de la résolution des conflits. La confiance qui se construit au fur et à mesure que
les relations entre partenaires se développent permet de réduire les coûts de transaction au
sein du réseau en allégeant les procédures de contrôle. Elle permet, in fine, de limiter les
risques de conflit :
les relations sont plus transparentes et les problèmes sont débattus et traités rapidement. La
confiance crée donc de la valeur en contribuant au capital social du réseau. Cette forme
particulière de capital, qui réside dans les relations entre partenaires, n’appartient à aucun
des membres du réseau en particulier mais bénéficie à tous.
Dans quelles conditions les trois entreprises peuvent-elles être amenées à substituer à
certains partenariats
un contrôle direct, et vice versa ?
Les entreprises peuvent être amenées à prendre le contrôle de partenaires quand ceux-ci
sont défaillants. Li & Fung, par exemple, rachète certains fournisseurs qui se trouvent en
difficulté. L’entreprise a développé la capacité de réor- ganiser les partenaires défaillants
pour ensuite les revendre. Ces derniers rejoignent alors le réseau de fournisseurs et
contribuent à le renforcer. Cisco, qui a démontré son savoir- faire en matière d’intégration
des activités acquises, peut également prendre le contrôle d’un partenaire stratégique
défaillant. Dans ce cas, l’entreprise acquise vient s’ajouter au réseau interne de Cisco. Le cas
d’Embraer est différent. Ses fournisseurs étant de grandes multinationales, le groupe ne peut
envisager d’en faire l’acquisition. Même s’il en avait les moyens (ce qui n’est pas le cas), cela
n’aurait pas de sens d’un point de vue stratégique. À défaut, l’avionneur est capable, dans
une certaine mesure, de pallier les défaillances de ses fournisseurs en mettant en place des
équipes dédiées en interne. Dans ce cas, les « contrats de risque » mis en place avec les
partenaires de l’entreprise exposent ces derniers à de fortes pénalités financières.
Domino’s Pizza : une entreprise de technologie qui fait des pizzas (p. 665)
Quels sont les leviers de la transformation du groupe Best Buy entre 2012 et 2019 ?
Il faut distinguer les leviers stratégiques des leviers liés au leadership développé lors de cette
période, et en montrer la complémentarité.
Les leviers stratégiques reposent sur 3 principes forts :
La suppression de l’intérêt économique de l’achat en ligne : par la suppression du différentiel
de prix entre Amazon et Best Buy, le client perd l’intérêt économique en prix et en temps à
acheter sur Amazon.
L’utilisation de l’espace des magasins comme points relais pour la démonstration des
produits et le dispatchage des produits achetés en ligne sur Best Buy ou en magasin. Ce qui
était une source de coût (le mètre carré inexploité) devient une source de revenus en
travaillant sur l’entre- posage et la réexpédition des produits aux clients finaux.
L’importance du service : à partir du moment où le facteur prix est annihilé, chaque
expérience en magasin devient une opportunité pour présenter les produits, les offres
commerciales, et les futures nouveautés. Le lien humain représente une valeur pour une
partie de la clientèle qui dès lors peut être fidélisée autrement que par l’attrac- tion pour les
produits au prix les plus bas (souscription de plan annuel pour tout service sur les
équipements du foyer ; aides à domicile pour le remplacement et la mise en service de
nouveaux appareils, etc.).
Les leviers liés au leadership correspondent à ces leviers stratégiques :
La valorisation des efforts de chacun et l’esprit d’avoir réchappé à une mort certaine a
cimenté les relations au sein de l’entreprise et mis en avant la fragilité de la perfor- mance
économique.
La baisse du turnover a permis une exploitation plus fine des actifs de l’entreprise et la
compréhension que le salut n’existe que dans la performance économique conquise chaque
jour, autour d’une raison d’être clairement expri- mée : « enriching lives through technology
». Les vendeurs doivent intégrer que la vente d’un produit inadapté au problème de leur
client n’est pas bonne pour l’entreprise, et que les notions d’aide, d’ajout de quelque chose
de posi- tif pour le client doivent être privilégiées.
Le client doit être satisfait, et toute l’organisation est à son service : l’idée est que l’employé
Best Buy au contact du client est la personne la plus importante car elle symbo- lise la valeur
de l’entreprise vis-à-vis de ce client. Toute l’organisation doit donc faciliter son travail pour
offrir la meilleure expérience possible en fonction des problèmes exprimés par le client,
depuis le remplacement d’un simple
téléphone jusqu’à la création d’une nouvelle cuisine tout équipée dans un logement.
La complémentarité entre ces leviers stratégiques et de leadership explique les gains en
efficacité opérationnelle et économique accumulés au cours du temps.
Le rôle de l’équipe de direction s’est avéré fondamental dans l’orientation stratégique initiale
et dans l’incarnation des principes de leadership pour permettre à l’organisation, trau-
matisée par les événements du tournant des années 2010, de reprendre progressivement
pied et d’adhérer au nouveau système de valeur mis en place.
En quoi les valeurs défendues par le dirigeant et son équipe permettent-elles l’exécution de
la transformation de Best Buy ?
Dans un secteur très marqué par les départs récurrents, l’absentéisme, et la faible
motivation, l’ampleur du projet de transformation a été fondamental pour réinstituer la
confiance au sein de l’organisation.
En incarnant lui-même les principes qu’il a prônés, H. Joly a permis non seulement à l’équipe
dirigeante mais progressive- ment à l’ensemble de son réseau de distribution de déléguer et
faire plus confiance à chacun de ses employés. La démarche de confiance a a priori permis,
dans les temps les plus durs, de s’assurer d’une loyauté des employés, pour lesquels l’or-
ganisation a déployé en retour des moyens supplémentaires afin de mieux répondre à leurs
besoins (en termes de soins de santé, d’aménagement des horaires, d’éducation, etc.).
En outre, la volonté de miser sur la richesse individuelle des multiples collaborateurs
s’exprime au travers de principes mis clairement en pratique : les relations interindividuelles
sont valorisées ; le chef d’équipe, le directeur de magasin, et ainsi de suite à chaque niveau
hiérarchique, n’est pas en situation de direction parce qu’il ou elle est supposément plus
intelli- gente que les autres mais parce que permettant l’expression de l’intelligence
collective ; la compréhension des motivations de chacun et le questionnement entre finalité
individuelle et raison d’être de l’entreprise sont régulièrement abordés.
Mis bout à bout, ces différents éléments permettent :
à la circulation d’information entre unités d’être plus fluide ;
à chacun d’exprimer des idées d’amélioration opéra- tionnelle ;
d’agir en tant que personne au sein de l’entreprise comme à l’extérieur et donc d’être
reconnue pour soi- même ;
de développer une relation de plus grande confiance avec le management ;
d’accroître la performance économique de l’entreprise.