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Étude Linéaire Prologue Juste La Fin Du Monde
Étude Linéaire Prologue Juste La Fin Du Monde
Etude 1 - Prologue
Introduction
La didascalie initiale (la seule de la pîèce) indique un lieu précis : maison d’enfance avec
retour du personnage dans la maison natale dans laquelle vivent encore sa mère et sa sœur.
Oriente l’action sur les rapports familiaux avec une liste restreinte des personnages dans un
lieu unique : huis clos familial. Temps précis également «un dimanche » : temps du rituel
des réunions familiales, mais là encore, ironie de l’adverbe « évidemment » (uniquement pour
le lecteur), mais ce temps se complexifie par la suite « ou bien encore durant une année
entière » : temps brouillé, élastique.
Prologue : issu de la tradition antique (pro logos : avant le discours) : fréquent dans les
tragédies et précédant l’intervention du Chœur. Pose les enjeux de la pièce en rappelant des
faits antérieurs qui permettent au spectateur de comprendre l’action à venir
Verset : formé poétique proche de la prose mais avec des retours à la ligne fréquents, qui
instaurent un souffle et un rythme.
Motif biblique du retour du fils prodigue : épisode qui illustre l’amour paternel mais aussi
la rivalité entre deux frères (Antoine et Louis). Dans la Bible, c’est le cadet qui est parti et qui
revient, démuni, après avoir gaspillé tout ce qu’il possédait, pendant que l’aîné est resté
travailler auprès de son père.
Auteur : Comédien, dramaturge et metteur en scène français . De son vivant, est surtout
célèbre pour ses mises en scène du répertoire. Il connaît la postérité comme dramaturge (qui
écrit des pièces) après sa mort. Actuellement, est en France l’auteur le plus joué. Lorsqu’il
écrit sa pièce à Berlin en 1990, il se sait déjà séropositif, donc condamné. Thèmes de la
maladie et de la disparition déjà présents dans son œuvre mais qui prend dans notre pièce un
écho particulier.
Pièce : Titre paradoxal avec un mélange entre l’euphémisme et l’hyperbole puisque la fin du
monde renvoie à l’apocalypse (tragédie et néant) mais l’adverbe « juste » vient minimiser
ironiquement son impact. La pièce n’est pas construite sur la division classique en actes : elle
présente un prologue /des parties séparées par un intermède /épilogue.
Extrait : prologue (cf définition dans l’encadré). Louis annonce sa mort à venir et son retour
dans la maison natale (mythe du fils prodigue). Mais parole difficile, heurtée : écriture en
versets et nombreuses épanorthoses (figure de style qui consiste à se corriger, à exprimer
les hésitations)
•Problématiques possibles : Comment le dramaturge met-il en place dans son prologue la
crise personnelle et familiale de la pièce ? ou Comment ce prologue joue-t-il avec les
attentes du lecteur/spectateur ?
•Mouvements : une seule longue phrase donc difficile à repérer.
De la ligne 1 à 11 : l’annonce de la mort (« vous détruirait aussitôt »)
De la ligne 12 à 27 :l’annonce du retour (« irrémédiable »)
De la ligne 28 à fin : une volonté de s’affirmer (« propre maître »)
Ligne 9, discrétion qui est presque déjà une disparition « à peine » (verset très bref qui mime
le sens de la locution) + « imperceptiblement » (l.10) donnent l’impression que Louis
s’empêche de vivre en attendant la mort.
Ligne 10, Menace mortelle particulièrement sensible à partir de la comparative « comme on
ose bouger parfois » (l.8) hyperbole « danger extrême » « vous détruirait aussitôt », « trop »
Ampleur du danger mimé par la longueur du verset (en contraste avec le verset
précédent)« L’ennemi » dont il est question = allégorie de la maladie ou de la mort. Ici,
esquisse d’un registre épique ; maladie comme un prédateur, victime qui se cache pour ne pas
être repérée. Adverbe « aussitôt » en opposition avec les retours « l’année d’après » =
irruption violente de lm’ennemi/mort.
Bilan : le monologue permet au lecteur/spectateur d’être complice du personnage +
énonciation « on » (l.8) et « « vous » (l.11) qui permet d’associer perso et public. A noter que
le lecteur/spectateur restera le seul à connaître le secret de Louis.
-Parole de plus en plus difficile, ce que traduit l’écriture en verset avec les retours à la ligne
après quelques mots seulement (blancs typographiques comme des silences ou des temps de
respiration). Parole qui piétine avec les répétitions « malgré tout » (l.13 et 16), « l’année
d’après » (l.12 et 17) + rupture de construction l.14 « la peur » = intrusion brutale du
sentiment de Louis dans sa vie comme dans son propos.
Ligne 15, prolongement du registre épique avec la prise de « risque » (ligne 15) pourrait faire
penser à un acte héroïque, mais ce risque est dans l’annonce qu’il veut faire à la famille
puisque certitude de mourir : « sans espoir jamais de survivre » avec mise en valeur de
l’adverbe « jamais » = Annonce à la famille comparable au fait d’affronter la mort.
Combat perdu d’avance, difficultés pour exprimer ce retour et l’aveu préfigurent pièce
dont le sujet est justement la difficulté de dire.
-A partir de la ligne 18, proposition principale : « je décidai…. » plus ample avec révélation
du projet en 4 temps « retourner… », « revenir… », « aller sur… », « faire le voyage ».
Projet d’un retour en arrière, marqué par les préfixes itératifs [re]. Gradation du retour
« voir », « pas » « traces » = le retour devient quasiment voyage initiatique. D’ailleurs
ambiguïté sémantique de l’expression « faire le voyage » = euphémisme pour mourir ?
Mais révélation aussi sur relations entre Louis et sa famille à travers déséquilibre entre
« je » sujet singulier et « les » COD. Semble être isolé dans sa propre famille »
-Ligne 19, but du retour = annoncer sa mort prochaine à sa famille avec proposition
infinitive de but : « pour annoncer ».
-A partir de la ligne 19 à 26, c’est alors que la parole se détraque à nouveau pour révéler
difficultés de l’aveu, avec multiplication de digressions : il faut attendre 8 lignes pour avoir le
complément du verbe annoncer, « ma mort prochaine ». Ces digressions sont constituées
d’une énumération d’adverbes et groupes prépositionnels « lentement, avec soin, avec soin et
précision », « lentement, calmement, d’une manière posée » qui sont redondantes.
Les propositions entre parenthèses lignes 20 et 22 ralentissent aussi la révélation du but du
retour. Propos nettement modalisé « je crois » + question ligne 22 sur l’image qu’il a tjs
renvoyée aux autres montrant hésitations et incertitude.
La parole finit même par reculer, revenir sur elle-même avec les épanorthoses (figure
stylistique consistant à reprendre ce que l’on vient de dire pour le modifier, le compléter) :
« avec soin, avec soin et précision », « dire, seulement dire » (l.25 et 26). Derrière l’emploi de
ce verbe très neutre, volonté du personnage de ne pas dramatiser une annonce déjà tragique
(cf plus haut ; refus d’un excès de lyrisme)
Après tous ces retardements, « ma mort prochaine et irrémédiable » sonne alors comme un
couperet = registre tragique.
Ligne 28, reprise du verbe « annoncer » mais tentative pour prendre le dessus sur la situation
et revendiquer un certain pouvoir avec le pronom emphatique « moi-même » + adjectif
« unique ».
On peut aller plus loin en prenant en compte le sens métatextuel des termes (c’est-à-dire que
le texte de théâtre parle alors de lui-même) : L’illusion renvoie au monde du théâtre ;
Louis n’est-il pas en train de se mettre en scène, d’être le metteur en scène et le comédien
principal de l’annonce de sa mort ? Emploi, d’ailleurs, du mot « messager » (ligne 28) = dans
les tragédies antiques, personnage fréquent, chargé d’annoncer les morts (qui ne pouvaient
être représentés sur scène)
Ligne 33 : énonciation particulière avec jeu des pronoms « toi, vous, elle, ceux-là » =
désignent famille de Louis mais aussi spectateurs : rupture du 4ème mur par cette
apostrophe : public et famille confondus par ce jeu sur les pronoms = renforce l’idée de mise
en scène de soi par Louis. Rompre le 4ème mur, c’est rompre l’illusion théâtrale, puisqu’on
en montre les ficelles.
Brouillage déroutant pour le spectateur puisque univers de la salle/univers de la scène
confondus et qui prolonge brouillage temporel du début.
Conclusion
-Bien insister sur la fonction du prologue : confidence au spectateur + annonce des thèmes : la
parole et la difficulté à dire, les relations avec la famille.
Réactualisation du tragique (prologue , héritage du théâtre antique + thème de la mort
inéluctable) mais distance ironique qui ôte la solennité du propos.
Ouverture sur les mises en scène du prologue (activité personnelle faite en ½ groupes.