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« Romain GARY »
Séminaire relatif au
« Dialogue social »
Juillet 2004
Exemplaire personnel de : M.
Sommaire
INTRODUCTION......................................................................................................................... 2
1.1 L’EMERGENCE DU SALARIE COMME PARTIE PRENANTE SPECIFIQUE DANS LES THEORIES
DE LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ............................................................................................. 4
1.1.1 LE MODELE ACTIONNARIAL DE GOUVERNANCE .................................................................... 4
1.1.2 LES LIMITES DU MODELE ACTIONNARIAL ............................................................................. 6
1.1.3 LA RECONNAISSANCE DU SALARIE COMME PARTIE PRENANTE SPECIFIQUE........................... 8
1.2 EN PRATIQUE, LE CHAMP DU DIALOGUE SOCIAL S’OUVRE AUX QUESTIONS DE
GOUVERNANCE .............................................................................................................................. 13
1.2.1 UN MODELE FRANÇAIS SPECIFIQUE, ENTRE GOUVERNANCE D’ENTREPRISE A L’ANGLO-
SAXONNE ET CO-DETERMINATION A L’ALLEMANDE........................................................................ 13
1.2.2 UN ELARGISSEMENT DU CHAMP DU DIALOGUE SOCIAL AUX QUESTIONS DE GOUVERNANCE
DIVERSEMENT ACCUEILLI ............................................................................................................... 19
CONCLUSION............................................................................................................................ 49
ANNEXES………………………………………………………………………………………51
1
INTRODUCTION
Dans un sens large, de plus en plus répandu aujourd’hui et retenu par le présent
rapport, la notion de gouvernance pose la question de l’organisation politique de l’entreprise et
celle de l’exercice du pouvoir. Elle traduit un mode d’agencement de pouvoirs entre l’ensemble
des parties prenantes au devenir de l’entreprise (stakeholders : actionnaires, dirigeants, salariés,
etc.), entre lesquelles il s’agit d’assurer la coopération. A cet équilibre interne des pouvoirs
correspond l’idée d’une responsabilité de l’entreprise élargie à l’ensemble des risques
économiques, sociaux, financiers, politiques et environnementaux que son activité implique.
Dans le débat public, la « bonne gouvernance » de l’entreprise est devenue indissociable de sa
capacité à rendre compte, non seulement à ses actionnaires, mais également à ses employés, à la
société civile et aux autorités publiques.
Le présent rapport a pour objet d’examiner comment ces deux réalités (la question
du partage du pouvoir économique et la question sociale dans l’entreprise) évoluent l’une à la
1
Alain Supiot (2001).
2
rencontre de l’autre, et comment cette rencontre fait évoluer le champ du dialogue social « à la
française ». Il s’attache à examiner les enjeux de pouvoir dans l’entreprise à l’aune d’un
questionnement sur la place et la légitimité du salarié comme acteur de la gouvernance. Son
champ d’étude n’est pas limité aux seules sociétés cotées (seules concernées par la
problématique de la gouvernance au sens strict), car la culture et les normes de la gouvernance
d’entreprise ont des effets sur l’ensemble du tissu économique et social français. Il prendra en
considération les pratiques et les expériences étrangères (Allemagne, Etats-Unis, Grande-
Bretagne, Québec).
3
1 TANDIS QUE LES THEORIES DE LA GOUVERNANCE
COMMENCENT A RECONNAITRE LE SALARIE COMME UNE
PARTIE PRENANTE SPECIFIQUE, LE DIALOGUE SOCIAL
S’OUVRE AUX QUESTIONS DE STRATEGIE
2
Entretien avec Patrick Suet.
3
Adolf Berle et Gardiner Means (1932).
4
Raghuram Rajan et Luigi Zingales (2003).
4
1.1.1.2 La diffusion des règles de gouvernance d’entreprise
L’ambition d’assurer l’adéquation entre les objectifs poursuivis par les dirigeants
et les intérêts des actionnaires est à l’origine du développement d’un corpus de règles de
gouvernance. D’origine anglo-saxonne, ces règles, qui se sont exprimées sous forme de soft law
(rapport Cadbury paru en 1992 au Royaume-Uni) ou de droit positif (loi Sarbannes-Oxley votée
en 2002 aux Etats-Unis), régissent la relation entre actionnaires et dirigeants, sans prendre en
compte l’intérêt des salariés. La multiplication des « affaires » (Crédit Lyonnais, Enron, Vivendi
etc. ) a accéléré cette tendance à la définition de règles formelles de conduite, réaffirmant
notamment le rôle clef que doit jouer le conseil d’administration dans le contrôle des dirigeants.
Or, l'application de ces normes dépend des spécificités nationales. Le rôle des
structures de financement de l'économie est traditionnellement mis en évidence dans la formation
des systèmes de gouvernance d'entreprise. Un système de contrôle par le marché (outsider ou
market-based), caractéristique des pays anglo-saxons, est à distinguer d'un système à contrôle
interne (insider ou blockholder) courant en Europe continentale. Alors que dans le système
outsider, la dispersion de l'actionnariat offre une légitimité à la défense des intérêts des
actionnaires, la concentration du capital, ainsi que le poids des participations croisées et du
financement interbancaire, caractéristiques du modèle insider, fondent une vision partenariale de
la firme, conçue comme une "entité sociale" ou communauté productive.
5
Ainsi de l’Association française de la gestion financière (AFG), ayant actualisé ses recommandations en 2004.
6
A ce contexte particulier s’ajoute une tradition culturelle et juridique ancrée qui énonce le primat de l’actionnaire.
Dès 1919, la Cour suprême du Michigan donne une reconnaissance juridique à la conception actionnariale en
énonçant que « l’organisation et le fonctionnement de la société commerciale doit se faire d’abord au profit de ses
actionnaires ».
5
1.1.2 Les limites du modèle actionnarial
Dès lors que le modèle shareholder s’inscrit dans une logique de partage de la
valeur, la prise en compte croissante des intérêts des actionnaires peut se faire au détriment de
ceux des autres parties, à commencer par les salariés. Actionnaires et salariés sont alors
concurrents. Pour autant, comme le montre Jacques Barthélémy « les salariés participent à la
libre entreprise grâce aux mutations du travail induites du passage de la civilisation de l’usine à
celle du savoir (…). Dans cette perspective, l’objet de la négociation sociale sera de moins en
moins le partage de la marge bénéficiaire, mais les moyens de la constituer »8.
Or, la porosité entre ces deux situations (risque pour l’actionnaire, sécurité pour le
salarié) est de plus en plus manifeste, en raison de l’interdépendance croissante des différents
7
Peter Kostant (1999).
8
Jacques Barthélémy (2003).
9
Philippe d’Iribarne (1993).
10
Bradford Cornell et AC Shapiro (1987).
6
marchés, biens et services, travail et capital. La financiarisation de l’économie a conduit à insérer
des mécanismes de marché dans les équilibres de pouvoirs internes à l’entreprise, que la société
soit cotée (la fameuse « tyrannie » des marchés financiers) ou non (du fait de la croissance de la
private equity). Le marché « importe alors ses propres régulations dans l’entreprise »11. Les
nouveaux modes d’intégration des logiques financières et industrielles produisent une forte
déstabilisation du monde salarial. Les investisseurs institutionnels ont importé le respect de
normes financières de rentabilité au sein de l’entreprise et contribué ainsi aux fortes ruptures
dans des identités collectives longtemps fondées sur la permanence et la stabilité. Les
appréciations de titres de sociétés cotées lors de l’annonce de restructurations, ou encore la
pratique de licenciements qualifiés parfois de « boursiers », sont à ce titre significatives. Des
manifestations plus habituelles de ce report du risque résident dans le recours croissant à
l’intérim, à la sous-traitance ou à l’externalisation. Ceci permet aux entreprises de faire assumer
une partie du risque social à des entreprises de taille plus réduite.
Or cette épargne, qui appartient aux salariés dont elle ne constitue qu’un revenu
différé, est gérée par des prestataires privés. A cet état de fait s’oppose de plus en plus, au sein
des organisations syndicales, une conception régulationniste et négociée de l’épargne salariale
dont le rapport Balligand/de Foucauld s’est en 2000 fait l’écho en France. En ce sens, le salarié a
vocation à définir lui-même l’équilibre entre les deux exigences de sécurité et de rentabilité,
l’épargne salariale devenant l’instrument d’une démocratisation de la gouvernance, au niveau de
l’entreprise comme au niveau macroéconomique.
11
Marie-Anne Frison-Roche (2002).
7
1.1.3 La reconnaissance du salarié comme partie prenante spécifique
Le modèle stakeholder se définit avant tout, par le périmètre des parties prenantes
qu’il retient12. Trois cercles sont à distinguer en fonction du degré de proximité et d’engagement
des parties prenantes dans l’entreprise13. Un premier cercle regroupe les fournisseurs de capital,
actionnaires, et les fournisseurs de travail, salariés. Un deuxième cercle rassemble les parties
prenantes qui entretiennent des relations contractuelles avec l’entreprise et dont les droits sont
reconnus par la législation civile et commerciale (fournisseurs, clients, créanciers etc.). Un
troisième cercle inclut les individus et groupes susceptibles d’être affectés par les activités de
l’entreprise. Ce dernier cercle plus large et diffus soulève en particulier la question des relations
entre l’entreprise et la société civile.
12
Bernad Brunhes (2001).
13
Michel Capron (2003).
14
Commission européenne (2001).
8
et régi par le droit du travail. Le dialogue sociétal peut du reste porter un risque d’éviction des
problématiques sociales dans l’entreprise15. Il ne constitue pas la matière de cette étude
consacrée à la gouvernance, entendue dans le sens d’organisation du pouvoir et non dans celui de
bonnes pratiques sociales et environnementales.
Il semble fondé de considérer que certaines parties prenantes ont une légitimité
supérieure à d’autres à prendre part à la gouvernance d’entreprise. Comme le met en évidence
Margaret Blair, la substitution de l’objectif de « maximisation de la création de richesse » à celui
de la maximisation de la valeur actionnariale17 appelle à introduire dans la gouvernance
15
Myriam Descolonges et Bernard Saincy (2004).
16
La part de l’ISR demeure marginale au sein de la gestion d’actifs. Elle s’élèverait à 7,6 milliards d’euros en
France en 2004, mais représenterait aux Etats-Unis, 2200 milliards de dollars, soit 1/8ème des encours investis en
gestion collective.
17
Margaret Blair (1995).
9
d’entreprise les seules parties prenantes qui contribuent à la création de valeur, c’est à dire les
apporteurs de capital et de travail.
Toutefois, cette approche sélective des parties prenantes, qui fait du salarié un
acteur légitime de la gouvernance d’entreprise, se heurte à la réalité de l’éclatement du salariat.
L’apporteur de travail n’est pas le seul salarié relié au dirigeant par un lien clair de
subordination. La croissance des contrats dits atypiques, le développement de la sous-traitance
modifient la nature et le champ du dialogue social, en élargissant le périmètre fonctionnel de
l’entreprise. La difficulté à faire participer un salariat divers et éclaté à la gouvernance
d’entreprise soulève la question de la définition du « personnel » et de la représentation des
travailleurs dans l’entreprise contemporaine.
18
Seules les parties prenantes qui apportent un investissement particulier, « central asset », (capital, travail) à la
création de richesse, peuvent légitimement participer au gouvernement de l’entreprise, sans préjudice de ce que la
finalité de l’entreprise puisse inclure les intérêts des autres parties prenantes.
19
Jean-Louis Beffa (2002).
20
Est constitutif d’un lien de subordination « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le
pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son
subordonné » (CCass, Société Générale, 13 novembre 1996).
21
Jean-Pierre Chauchard et Anne-Chantal Hardy-Dubernet (dir.) (2003).
22
Emmanuel Dockès (2004).
10
régulation conjointe entre forces autonomes d’expression syndicale et pouvoirs de contrôle
émanant des fonctions hiérarchiques, sont de moins en moins adaptées aux changements vécus
par l’entreprise23.
De leur création en 1999 à leur actualisation en 2004, les principes de l’OCDE ont
reconnu le rôle des parties prenantes dans la gouvernance d’entreprise et ont fait du salarié un
acteur privilégié. Si les principes de l’OCDE, issus de la diversité des pratiques nationales,
relèvent largement d’une approche shareholder (droits des actionnaires, traitement équitable des
actionnaires minoritaires, transparence et diffusion de l’information, responsabilité du conseil
d’administration), ils comportent un chapitre relatif au « rôle des différentes parties prenantes
dans le gouvernement d’entreprise ». La spécificité du salarié apparaît dans les différentes
modalités de la participation salariale, à travers « la représentation des salariés au conseil
d’administration, et les dispositifs de gouvernement d’entreprise, notamment les comités
d’entreprise, permettant de prendre en considération le point de vue des salariés pour certaines
décisions importantes »24.
Lors de la révision de ces principes en 2004, l’âpreté des débats autour du chapitre
consacré aux parties prenantes a révélé la difficulté d’une convergence internationale en matière
de gouvernance d’entreprise. La mobilisation unitaire des syndicats français, relayés par la
commission consultative syndicale auprès de l’OCDE (TUAC) est significative de l’intérêt que
ces acteurs portent à cette question.
23
Jean-Daniel Reynaud (1997).
24
OCDE (2004).
25
Directive n°94/45/CE du 22 septembre 1994, JOCE 30 septembre 1994, n°L254, p.64.
26
Directive n°2002/14/CE du 11 mars 2002, JOCE 23 mars 2002, n°L 80, p.29
27
La SE est issue de deux actes juridiques complémentaires du 8 octobre 2001, à savoir le règlement CE
n°2157/2001 relatif au statut de la SE et la directive 2001/86/CE relative à l’implication des travailleurs dans la SE,
qui doit être transposée au plus tard le 8 octobre 2004, date d’entrée en vigueur du règlement.
28
Jean-Pierre Bertrel (2004).
11
considérée comme un « boulet social » qui serait attaché à la cheville de la société
européenne »29.
L’information
Le point de départ étant la décision unilatérale de l’employeur, le mode le plus atténué d’intervention consiste en une
simple information des salariés sur cette décision, son contenu, éventuellement ses motifs ou sa portée.
La consultation
L’employeur conserve sa liberté de décision mais il sollicite l’avis de salariés ou de leurs représentants, avis qu’il pourra,
ou non, prendre en compte.
La cogestion Le contrôle
Les salariés acceptent de partager avec Les syndicats ont le pouvoir, sans assumer la
l’employeur la responsabilité des décisions, responsabilité des décisions, d’effectuer sur elles
généralement sous la forme d’un droit de veto. une surveillance, en s’appuyant éventuellement
Telle est la conception, par exemple, des sur un tiers extérieur et impartial (juge, marchés
syndicats allemands. …).
L’autogestion
Système dans lequel l’équilibre initial est complètement inversé puisque le pouvoir appartient désormais aux
travailleurs et à eux seuls.
29
Didier Poracchia, & al (2004).
30
Marie Anne Frison Roche (2001).
31
D’après Jacques Fournier et Nicole Questiaux (1989).
12
D’après la directive la participation du salarié est facultative mais son information
nécessaire. Toutefois, l’innovation majeure de la SE dans le champ social réside dans la liberté
de négociation des modalités d’implication des travailleurs. La création par la directive d’un
groupe spécial de négociation (GSN) pourrait permettre une réelle représentation de la
collectivité des salariés, dotée d’un pouvoir large de négociation, qui définira la composition, le
fonctionnement et les compétences de l’organe de représentation des travailleurs et qui pourrait
s’étendre à des sujets de gouvernance d’entreprise.
Faire entrer la question sociale dans la gouvernance de l’entreprise n’est pas une
préoccupation nouvelle des acteurs sociaux. Ils ont hésité depuis le 19e siècle entre la prise de
contrôle du capital par le travail et l’association entre le capital et le travail comme une 3ème voie
entre capitalisme et collectivisme. Ces conceptions sont présentes dans la culture politique et de
gestion française, comme le montrent des courants aussi divers que le socialisme utopique, le
32
En juillet 2004, l’examen de ces propositions de loi n’était pas encore inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Il
semblerait que le gouvernement intègre cette transposition dans une réforme plus vaste du droit des sociétés, dans le
cadre des propositions que formulera le Conseil Stratégique de l’Attractivité après sa première réunion le 26 avril
2004 sous l’égide du Premier ministre.
33
Jacques Fournier et Nicole Questiaux (1989).
13
saint-simonisme libéral, le catholicisme social, le personnalisme dans l’entre-deux-guerres, le
gaullisme social ou le socialisme gestionnaire.
34
Pierre Karila-Cohen et Bernard Wilfert (1998).
35
Patrick Guiol (2000).
14
commun de placement (FCPE) Valauchan. 98 % des 55 000 salariés d’Auchan France sont
actionnaires de l’entreprise et 25 % d’entre eux possèdent 1 an de salaire en actions, débloqué
après 5 ans minimum, souvent dans une logique patrimoniale (épargne salariale, projets
d’investissement, retraite…). Ne peuvent être actionnaires que les salariés de l’entreprise et ses
retraités dans les 5 ans qui suivent leur départ de l’entreprise. En 2003, l’abondement de
l’actionnariat salarié par le groupe a pesé pour 17 % de la masse salariale.
Il s’en suit que les relations de travail qui découlent de ce modèle d’actionnariat
sont fortement typées. Elles ne sont pas étrangères, en définitive, à une version actualisée du
paternalisme social, qui fait participer les salariés aux résultats, sans leur octroyer pour autant
une forme de pouvoir dans l’entreprise. Les conditions de sortie du FCPE sont rigoureuses, et les
représentants des salariés actionnaires assistent au conseil de surveillance de l’entreprise sans
voix délibérative.
15
nationalisées de 1945 à 1982. En France, en Allemagne, et en Grande-Bretagne, à la sortie de la
Seconde Guerre mondiale, les salariés, à travers leurs représentants, se sont trouvés en position
de participer à la gestion des entreprises. L’économie de guerre avait en effet entraîné une
montée en puissance de l’Etat dans l’appareil productif pour assurer la défense nationale. L'Etat
avait alors imposé au patronat la présence des salariés dans les organes de gestion. Parallèlement,
les patronats français et allemands sont sortis largement discrédités du conflit. L’affirmation des
salariés dans la gestion des entreprises est apparue comme un contre-pouvoir protecteur de la
démocratie. Le modèle de co-détermination allemande y a répondu tandis qu’en France, une
partie du contrôle des entreprises est passée à la compétence des comités de gestion. Cette
période correspond également à la création des comités d’entreprise (CE).
Si, à leur création en 1945, les comités d’entreprise se sont vus confier, outre la
gestion des oeuvres sociales (rebaptisées « activités sociales et culturelles » en 1982), un pouvoir
de consultation sur les aspects économiques (bilan social, réorganisations ou restructurations
productives), la limite était posée d’emblée : les attributions du comité d’entreprise ne vont pas
au-delà du pouvoir consultatif, malgré les protestations de la CFDT et de la CGT36. Ces comités,
vus par ces deux syndicats comme le prolongement en temps de paix des comités de gestion, leur
apparaissaient comme un moyen effectif de contre-pouvoir face au patronat, via le contrôle sur
les prix et le ravitaillement. Néanmoins, le pouvoir de décision continuait à relever de la
compétence des chefs d’entreprise. Le droit de veto des IRP sur les grandes orientations
stratégiques (comme en Allemagne), maintes fois évoqué, notamment dans le programme
commun de la gauche en 1981, n’a pas été introduit en droit. Pourtant, au fil des années, le
législateur a progressivement renforcé les prérogatives en matière économique et élargi le champ
des questions sur lesquelles les CE doivent être consultés37.
36
Jean Magniadas (1995).
37
Annexe 5 « Les attributions économiques du comité d’entreprise ».
16
entreprises de plus de 2 000 salariés (environ 500). Dans ces entreprises, la prééminence des
actionnaires est assurée par le fait que, lorsque la majorité des deux tiers nécessaire à l’élection
du président du conseil de surveillance n’est pas atteinte, ce dernier est élu par les seuls
représentants des actionnaires, tandis que ceux des salariés élisent le vice-président. Dans les
entreprises comprenant entre 500 et 2 000 salariés, les représentants des salariés constituent un
tiers des membres du conseil de surveillance. Par leur faiblesse numérique, les représentants des
salariés ne peuvent alors guère influencer les décisions du conseil de surveillance.
38
Le Rapport Auroux ne fixait-il pas pour objectif au nouveau dispositif que « tous les principes essentiels de notre
droit du travail qui (pouvaient) fonder durablement le développement d’une démocratie économique (seraient)
réaffirmés, cependant que les droits et les devoirs de chacun (seraient) mieux définis par les textes (…). Citoyens
dans la cité, les travailleurs (devaient) l’être aussi dans leur entreprise ».
17
L’ampleur du chantier législatif39 paraît telle à certains commentateurs, que le
projet Auroux exprimerait « la tentation athénienne d’exaltation de la passion citoyenne et
civique, de reconstitution du corps social et politique autour d’intérêts partagés d’allure
communautaire »40. Pour reconstituer ce corps social et politique dans l’entreprise, il a semblé au
législateur nécessaire de ressourcer à la fois la démocratie participative, par l’amélioration du
droit d’expression directe et collective des salariés sur le contenu, l’organisation et les conditions
de travail, et la démocratie représentative, par le renforcement des compétences des IRP et du
rôle des syndicats, aux moyens accrus et aux membres mieux protégés41. Le dialogue social dans
l’entreprise trouvait alors un cadre équilibré et modernisé.
Vingt ans après, les dispositifs d’expression des salariés centrés sur les groupes et
les accords d’expression semblent cependant avoir été un succès en demi-teinte. Les pratiques
d’expression directe et collective prévues par la loi se sont effritées dans la durée, probablement
en raison du « caractère trop formalisé et somme toute artificiel du dispositif qui n’a pas
répondu aux attentes des intéressés »42. Pour d’autres, le principal facteur d’essoufflement des
groupes d’expression directe se situe dans le « déficit d’articulation entre le niveau de
l’expression et de la participation directe et celui du dialogue social et de la négociation
collective »43. Les relais institutionnels (dirigeants et représentants des salariés) n’auraient pas su
intégrer l’expression directe et collective dans une perspective de long terme, qui soit celle du
dialogue social dépassant le cadre du collectif de travail immédiat.
Plus largement, ces dispositifs destinés à faire du salarié citoyen, par une parole
libérée et protégée, un acteur du changement dans l’entreprise se sont heurtés à deux obstacles :
Il ressort paradoxalement des lois Auroux, sur leur volet de citoyenneté sociale,
que les progrès principaux concernent l’expression individuelle des salariés. Celle-ci passe
notamment par les cercles de qualité, les groupes d’idées, toutes modalités d’expression plus
souples que les groupes d’expression collective, et qui sont garanties par la première loi du 4
août 1982 relative aux libertés. La parole du salarié citoyen est de moins en moins médiatisée par
les instances de la démocratie représentative.
39
Quatre lois relatives aux libertés, aux institutions représentatives du personnel, à la négociation collective et à
l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail.
40
Jacques Le Goff (2003).
41
Pour le détail des mesures des lois Auroux, voir notamment Michel Coffineau (1993).
42
Jacques Le Goff (2003).
43
Matthieu de Nanteuil (dir.) (1998).
44
Dominique Mothé (1982).
18
1.2.2 Un élargissement du champ du dialogue social aux questions de
gouvernance diversement accueilli
45
Entretien du 14 juin 2004.
46
Un accord d’entreprise pourra ainsi déroger à un accord de niveau supérieur, sous deux conditions de forme
(l’accord de niveau supérieur ne doit pas se dire impératif ; l’accord d’entreprise doit être majoritaire) et une
condition de fond (selon l’art. 42, les accords de branche restent impératifs dans quatre domaines : les salaires
minima, les classifications, les garanties collectives de protection sociale complémentaire et le financement de la
formation professionnelle).
19
terme de « coopération conflictuelle ». Tel est également l’argumentaire présenté par la CFTC. A
l’inverse, Force Ouvrière, notamment certaines de ses fédérations (FO-Métallurgie), continue
d’inscrire l’action syndicale dans le conflit de logiques. Elle exprime ainsi une attitude assez
indifférente, voire hostile, au principe même de la participation et se défend de toute idée de
« collaboration de classes ».
De manière plus surprenante, la CGT a adopté au début des années 1980 une
approche plus participative, en rupture avec la tradition anarcho-syndicale dont elle a longtemps
été héritière. Alain Obadia, alors secrétaire confédéral de la CGT, déclarait : « Le débat sur les
choix stratégiques est déterminant. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises sont prêtes à aller loin
pour changer l’organisation du travail, mais considèrent que les grands choix stratégiques sont
fixés uniquement par la direction, même si on peut parler de leurs conséquences »47. La même
philosophie est exprimée, d’une manière différente, par l’actuel secrétaire confédéral Bernard
Thibault : « (...) C’est dire que si la contestation est toujours indispensable, elle n’est jamais
qu’un moment de l’action ! (...) La proposition est un acte militant : comment pourrions-nous
convaincre les salariés qu’il existe une autre voie que celle du libéralisme si devant chaque
situation concrète nous confondions fermeté et immobilisme ? »48.
47
Jean Lojkine (1994).
48
Discours d’ouverture du 46ème Congrès de la CGT, 1999.
49
Jean-Christophe Le Duigou (2000).
50
Jean-Christophe Le Duigou (2000).
20
serait le non-respect par les administrateurs salariés désignés par les syndicats de la règle de
confidentialité des travaux du conseil d’administration. Le MEDEF ne traite pas à proprement dit
de la gouvernance dans un sens de participation à la gestion, fixant le sujet de la gouvernance
entre les deux bornes du gouvernement d’entreprise et de la responsabilité sociétale de
l’entreprise51.
51
MEDEF (2004).
52
CJD (2004).
21
2 DANS LE CADRE D’UNE NOTION ELARGIE DE L’INTERET
SOCIAL, UNE GOUVERNANCE D’ENTREPRISE PLUS
PARTICIPATIVE EST POSSIBLE
La combinaison du dialogue social et de la gouvernance d’entreprise soulève la
question de la conciliation des intérêts dans l’entreprise. La notion d’intérêt social constitue à cet
égard un cadre de réflexion privilégié. En pratique, la conciliation des intérêts divergents des
acteurs sociaux peut tenter de passer par différentes modalités de coopération. La participation
financière (2.2) et la participation à la gestion (2.3.) en constituent les deux modalités
principales.
En droit français, la notion d’intérêt social a d’abord été définie par le droit des
sociétés54, en tant que mécanisme de régulation des relations entre associés et dirigeants.
Annonçant les théories du gouvernement d’entreprise, l’intérêt social a ainsi été défini par sa
fonction : véritable « boussole » des dirigeants sociaux, « contrepoids nécessaire au contrôle »,
il « répond naturellement à une inquiétude que les associés ont toujours connue face au pouvoir
des dirigeants »55. Il y a lieu de s’interroger sur l’orientation concrète que donne cet outil aux
acteurs du droit des sociétés. Pour les partisans de la société « contrat », l’intérêt social ne peut
être que celui de ses actionnaires, tenant compte le cas échéant de l’intérêt des autres parties
prenantes56. A l’opposé, les partisans de la société « institution » considèrent que l’intérêt social
n’est autre que l’intérêt de l’entreprise elle-même. Le rapport Viénot le définit comme « l’intérêt
supérieur de la personne morale elle-même, c’est-à-dire de l’entreprise considérée comme un
agent économique autonome poursuivant ses fins propres, distinctes notamment de celles de ses
actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui
correspondent à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et la continuité de
l’entreprise ».
53
Antoine Pirovano (1997).
54
La loi du 24 juillet 1966 fait référence à la notion d’intérêt de la société (ou intérêt social) à quatre reprises : art.
13 pour le gérant de la SNC et art. 49 pour le gérant de la SARL, lesquels peuvent « faire tous les actes de gestion
dans l’intérêt de la société » ; art. 425 et 437, selon lesquels sont coupables d’abus de biens sociaux les dirigeants
qui « auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt social ».
55
Antoine Pirovano (1997).
56
Comme on l’a vu, il est de l’intérêt des actionnaires que le dialogue social dans l’entreprise soit de bonne qualité
de manière à diminuer le risque supporté par l’actionnaire.
22
En résumé, ces théories diffèrent en ce que, selon la première, les collectivités ont
un intérêt commun, l’intérêt de l’entreprise dont la maximisation de la valeur actionnariale est un
indicateur simple et fiable, tandis que selon la seconde, l’intérêt de l’entreprise ne peut résider
qu’en la conciliation d’intérêts catégoriels divergents57.
2.1.1.2 Une part croissante de l’intérêt des salariés dans la conception française de l’intérêt
social
Cette conception, si elle a été traduite dans les textes par les interventions récentes
du législateur, semble avoir des racines plus anciennes dans la culture politique et judiciaire
française. Dès 1965, la cour d’appel de Paris avait déjà intégré l’intérêt des salariés dans la
logique sociétaire par son arrêt Fruehauf, en mettant sur le même plan le risque de ruine
définitive de l’équilibre financier et de crédit moral de la société, atteinte à l’intérêt social et le
risque de licenciement de 600 ouvriers. Plus récemment, le législateur a mâtiné la traduction en
droit français de la corporate governance de dispositions favorables à l’intérêt des salariés. A
titre d’exemple, la loi NRE étend et systématise les mécanismes d’information des salariés et
offre la possibilité à deux salariés désignés par le comité d’entreprise d’assister aux assemblées
générales, en leur donnant le droit, à leur demande, d’être entendus lors de toute délibération
requérant l’unanimité des associés60.
Le législateur, depuis les lois Auroux déjà, a ainsi défini un nouvel équilibre dans
les relations entre parties prenantes : « les uns doivent prendre en compte les besoins sociaux et
l’exigence de protection du plus faible ; les autres doivent admettre les exigences nées des
nécessités économiques »61. Est remis en cause à cette occasion le recours à l’intérêt de
l’entreprise entendu comme pouvoir discrétionnaire d’une partie prenante, employeur ou
actionnaire notamment.
57
Jacques Barthélémy (2003).
58
Le sénateur Marini a proposé que soit généralisé le droit de retrait des minoritaires normalement réservé aux
sociétés faisant appel public à l’épargne. La disposition visait à favoriser les apports de capitaux et donc les
actionnaires investisseurs. Cette règle a été écartée par l’Assemblée nationale.
59
Lucien Rapp (2001).
60
Annexe n°5.
61
Jacques Barthélémy (2003).
23
2.1.2 La participation comme modalité d’expression de l’intérêt social
Si l’intérêt des salariés est mis en avant par les dispositions nouvelles du droit des
sociétés, aucun « équilibre global de la protection des intérêts catégoriels »62 n’est consacré. Les
intérêts protégés par le législateur ne sont pas envisagés de manière globale, mais par touches
successives. Or, lorsqu’il est question d’intérêt social ou d’intérêt de l’entreprise, il est question
de synthèse des intérêts. Si l’intérêt social est une boussole, le concept ne permet pas de
distinguer entre plusieurs actes possibles. « La boussole fournit la direction du pôle, mais non la
route à suivre pour l’atteindre »63.
62
Jacques Paillusseau (1995).
63
Philippe Bissara (1999).
64
Jean Peyrelevade (1999).
65
Antoine Rebérioux (2003).
24
Selon les pratiques des entreprises, les degrés de participation diffèrent, allant en
matière de participation financière, de l’intéressement à l’actionnariat salarié et en matière de
participation à la gestion, de l’information et de la consultation à la co-détermination des choix.
La loi fixe néanmoins le seuil de participation obligatoire.
L’exemple de Ford
La culture d’entreprise comme mode d’association du salarié
La stratégie d’entreprise tient compte chez Ford de quatre parties prenantes : les
salariés, les clients, les apporteurs de capitaux (organismes financiers et actionnaires) et l’Etat.
Les intérêts de ces parties prenantes peuvent être contradictoires, la stratégie de l’entreprise doit
s’efforcer pourtant de les concilier.
Ce faisant, chaque salarié de Ford peut individuellement influer sur les pratiques
de l’ensemble des salariés, qui partagent les mêmes objectifs et les mêmes méthodes de travail.
Ce mécanisme participe de la création, fondamentale aux yeux de la direction, d’une
communauté des salariés du groupe, au-delà des clivages nationaux. De fait, les salariés de Ford
ont le sentiment d’appartenir à une « famille » dont ils partagent les valeurs. De cette culture
d’entreprise découle une prise en compte par les salariés des contraintes économiques qui
pourraient peser sur le groupe.
En février 2001, Getrag et Ford ont fusionné pour créer GFT. Le site de
Blanquefort de GFT compte 800 salariés, dont 700 initialement salariés de Ford, attachés à
l’entreprise et souvent déstabilisés par la restructuration. Pour répondre à l’inquiétude des
25
salariés se sentant parfois « trahis par Ford qui les aurait vendus à une entreprise concurrente »,
il s’est alors agi de faire adhérer les personnels de Ford et de Getrag à l’existence même de la
nouvelle entreprise, d’établir une relation de confiance et de créer une identité d’entreprise
rassemblant la communauté des salariés autour d’un projet commun.
2.2.1 Des atouts pour l’entreprise et un dispositif légal complet mais stratifié
66
Jean Chérioux (1998-1999).
26
En outre, ces mécanismes semblent être un véritable facteur d’incitation et de
cohésion pour les salariés, en faisant dépendre une partie de leurs revenus de la réussite de
l’entreprise. Ce phénomène concerne au premier chef les secteurs fortement demandeurs de
capital humain (nouvelles technologies, ingénierie, services financiers, etc.) et plus
particulièrement, les groupes transnationaux. « Tous les jours, les milliers d’actionnaires
salariés de Total suivent l’évolution du cours de l’action » 67.
L’actionnariat salarié ne peut pas à lui seul remplir cet objectif ambitieux, il peut
toutefois compléter l’action des investisseurs institutionnels, des fonds de réserve des retraites et
de l’actionnariat des ménages. Les autres actionnaires peuvent craindre, quant à eux, une alliance
entre les salariés et les dirigeants au détriment de la valorisation de leurs titres. Mais ils peuvent
également considérer que cette association permet d’assurer à leur investissement une meilleure
rentabilité et une plus grande pérennité.
67
Entretien avec Jean-Jacques Guilbaut, Directeur des ressources humaines de Total.
68
Indice Actionnariat salarié (IAS) mis en place par la FAS, Euronext et Hewitt.
69
Douglas L. Kruse et Joseph R. Blasi (2000).
70
Commissariat général au Plan (2004).
27
L’ordonnance du 7 janvier 1959 sur l’intéressement des salariés a mis en place un
mécanisme facultatif visant à associer les salariés aux performances de l’entreprise en fonction
d’objectifs choisis par la voie d’un accord collectif d’une durée de trois ans. Ce dispositif
d’intéressement concerne aujourd’hui plus de trois millions de salariés, dans près de 15 000
entreprises71. L’intéressement peut être perçu immédiatement (dans ce cas, il est imposable) ou
placé dans un plan d’épargne (dans ce cas, il est exonéré d’impôt sur le revenu). L'ordonnance du
17 août 1967 relative à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise a créé un second
mécanisme de participation, obligatoire cette fois, pour les entreprises de plus de 100 salariés et,
depuis 1980, de plus de 50 salariés. Les sommes dues au titre de cette participation ne sont pas
versées directement aux salariés mais épargnées, pendant cinq ans, en contrepartie d’une
défiscalisation totale et d’une exonération des charges sociales. Cette épargne est soit placée sur
un compte courant commun (pour un tiers en 2002), soit placée en actions de l’entreprise, au
travers d’un Fonds commun de placement d’entreprise (FCPE). Ce second mécanisme de
participation concerne à lui seul environ cinq millions de salariés et près de 20 000 entreprises72.
71
DARES (2003).
72
DARES (2003).
73
Conclusions du colloque « La participation financière des salariés en Europe » 28 et 29 avril 2004, Europe &
Société.
28
existe dans près de 40% des entreprises de plus de 200 salariés, contre 30% en moyenne en
Europe : 20% en Allemagne, moins de 15% en Italie, en Espagne ou au Portugal. En valeur, le
constat est le même : un peu plus de 3% du capital des entreprises cotées françaises est détenu
par leurs salariés, chiffre légèrement au-dessus de la moyenne continentale, mais nettement en-
deçà des chiffres anglo-saxons (10% aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne). Si les fortes
décotes supportées récemment par les salariés de plusieurs groupes français (Alcatel, Bull,
France Telecom, Vivendi Universal) conduisent les actionnaires salariés français à réorienter
leurs investissements vers des placements sécurisés au sein du PEE, l’actionnariat salarié ne
semble pas devoir durablement en pâtir, la plupart des grandes entreprises réfléchissant à la mise
en place de fonds en actions à capital garanti.
Salarié de son entreprise, l’actionnaire salarié est fondé, plus encore que les autres
actionnaires, à exercer un contrôle sur la gestion de l’entreprise : droit de vote et de participation
aux assemblées générales, droit à l’information, éventuellement droit de représentation au
conseil d’administration (ou au conseil de surveillance) et droit d’ester en justice. La loi sur
l'épargne salariale du 19 février 2001 oblige les entreprises, où les salariés détiennent au moins
3% du capital, à soumettre au vote de l'assemblée générale une résolution tendant à leur réserver
un ou plusieurs sièges d'administrateur (en plus de ceux occupés, le cas échéant, par les salariés
non actionnaires), ou un membre du conseil de surveillance sur proposition des actionnaires
salariés.
74
Annexe n°3 « épargne salariale et actionnariat salarié ».
29
La loi de modernisation sociale (LMS) du 17 janvier 2002 est allée plus loin. Un
administrateur les représentant doit obligatoirement être nommé75. Une marge d’appréciation
substantielle est actuellement laissée aux dirigeants dans la procédure de désignation du
représentant des administrateurs salariés au conseil d’administration. Dans de nombreuses
entreprises (telles que Alcatel, Vivendi, Total) c’est le président du FCPE qui siège au CA. du
groupe76.
Cependant, deux types de faiblesses demeurent. D’une part, les titres peuvent être
soit peu ou pas liquides (c’est souvent dans le cas des entreprises non cotées), ce qui prive les
salariés du droit de sortie, appelé droit de vote « par les pieds », soit dépourvus de droits de vote
(dans le cas des actions à dividende prioritaire).
Ainsi, par exemple, dans le cas d’une société non cotée disposant d’un fort
actionnariat salarié, il peut arriver que les salariés actionnaires ne disposent ni du droit de sortie
(vente des titres), ni du droit de contrôle liés aux titres (via le conseil d’administration voire à
l’assemblée générale). Cette passivité totale semble contraire à l’esprit de la participation
financière.
Cependant, la pratique des conseils de surveillance des FCPE est encore peu
satisfaisante. Plusieurs facteurs nuisent à leur efficacité. D’une part, il s’agit d’instances qui se
réunissent annuellement hors circonstances particulières et sont souvent pléthoriques. C’est
surtout le cas des FCPE créés dans le cadre des Plan d’épargne interentreprises car l’AMF exige
que toutes les entreprises y soient représentées. Par ailleurs, la formation économique, financière
et juridique des membres des conseils de surveillance des FCPE ne peut excéder cinq jours, ce
qui semble insuffisant. D’autre part, ne pouvant s’appuyer sur une expertise suffisante, les
conseils de surveillance tendent à laisser aux dirigeants le choix du gestionnaire du fonds, ce qui
contribue à faire de l’épargne salariale l’un des éléments de la relation globale entre l’entreprise
et sa banque.
31
resserré, désigné ou élu conformément aux règles de représentativité du droit du travail et
susceptible de se réunir de manière plus régulière et informelle.
2.2.2.2 L’actionnariat salarié, un champ peu investi par des syndicats partagés
Cette initiative paraît prometteuse à plus d’un titre. Elle constitue une étape
significative dans la convergence entre différents syndicats sur la question de la participation
financière (même Force Ouvrière a participé aux discussions préparant la création du CIES).
Contribuant à l’acquisition d’un savoir-faire financier, elle devient par ailleurs une sorte de
laboratoire du contrôle de la gestion des fonds. A ce titre, elle préfigure peut-être l’émergence
d’une nouvelle génération de fonds « éthiques », ouverts, gérés par les syndicats.
78
Michel Huc (2000).
79
Pierre Alanche (CFDT).
80
Pierre Alanche (CFDT).
32
2.2.3 La perspective d’une participation des syndicats à la gestion des fonds de
pension
2.2.3.1 L’influence croissante mais limitée des syndicats sur la gestion des fonds de pension
américains
2.2.3.1.1 Une influence croissante des syndicats anglo-saxons sur la gestion des fonds de pension
Au regard des résultats encore peu significatifs qu’ont à ce jour produits les
stratégies syndicales en matière de gestion des fonds de pension, il semble difficile de conclure à
une révolution dans la gestion de l’épargne salariale, susceptible de réconcilier le capital et le
travail. Si l’activisme des syndicats est certain, il s’agit souvent de faire respecter des droits
sociaux de base, voire de pointer du doigt certaines lacunes en matière de gouvernance
d’entreprise.
83
Entretien avec Janet Williamson, Policy adviser, TUC.
84
Entretien avec Ron Blackwell, Head of department Corporate governance, AFL-CIO.
34
L’expérience américaine de contrôle de certains fonds de pension par l’AFL-CIO
semble donc à ce titre peu concluante aux observateurs85. L’exemple de Ethos, principal fonds de
pension privé suisse, conduit à des réflexions similaires86.
2.2.3.2 Le modèle québécois : vers des fonds d’épargne longue contrôlés par les syndicats ?
Cette réflexion se fonde sur le constat des insuffisances des « fonds éthiques »
évoquées plus haut. L’exemple du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ)88, est
intéressant dans la mesure où il est parvenu à dépasser la plupart de ces carences. Ce fonds, créé
dans les années 1980 par la principale fédération syndicale du Québec, et bénéficiant
d’avantages fiscaux plus étendus que la plupart des fonds de pension, repose sur une double
philosophie. D’une part, le fonds investit la majeure partie de son actif à long terme dans des
PME89, ce qui lui permet d’influencer durablement les choix de ces entreprises. D’autre part,
cette influence prend la forme de pactes d’actionnaires qui prévoient systématiquement des
objectifs précis, en termes d’embauches notamment.
L’un des aspects les plus novateurs du FTQ est la présence obligatoire, dans
chacune des conventions d’actionnaires signées entre le fonds et une entreprise, d’une clause
prévoyant le versement par l’employeur d’un montant forfaitaire, annuel, destiné à la formation
économique des salariés90. Le succès d’un tel fonds suppose que soient définis des critères
d’investissement précis, à la fois économiques (viabilité et rentabilité) et sociaux (respect de la
législation, conditions de travail, promotion de l’emploi etc.). Une telle réflexion est déjà
engagée en France, au sein non seulement des agences de notation sociale mais également du
CIES.
Dans le cas québécois, la gestion du fonds FTQ est assurée par la seule Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec91. Le débat sur la nature du gestionnaire du fonds reste
toutefois ouvert. Il pourrait être géré directement par un ou plusieurs syndicats, mais également
par des mutuelles ou d’autres spécialistes, avec présence syndicale au conseil de surveillance. En
85
Philippe Arondel, spécialiste de l’épargne salariale à la CFTC, remarque que, mise à part certains
« coups d’éclat » (comme le renvoi du directeur de la Communication du fonds Calpers), l’AFL-CIO n’a
visiblement pas pu imprimer de biais social à la politique d’investissement des fonds en question.
86
Ethos est issu de la caisse des fonctionnaires de Genève.
87
En effet, les risques liés à un tel placement doivent être limités au maximum dans le cas de l’épargne-retraite. Les
fonds investis dans sa propre entreprise (« fonds fermés »), s’ils ont pu sembler rassurants quand l’entreprise est de
grande taille, sont par nature inadaptés aux entreprises de taille modeste. Ils ne semblent plus aussi rassurants depuis
la faillite d’Enron.
88
Le fonds avait perdu environ un dixième de sa valeur après l’éclatement de la bulle financière en mars 2002 mais
a aujourd’hui rattrapé son niveau d’alors. Voir http://www.fondsftq.com
89
Le FTQ est tenu par la loi d’investir 60 % de son actif net moyen de l’année précédente sous forme de capital de
développement auprès de PME québécoises. Il bénéficie d’importantes aides publiques (sous forme d’exonérations
fiscales).
90
C’est une filiale du Fonds, la FEFE (Fondation d’éducation et de formation économique), qui gère ces sommes et
conduit des actions de formation des salariés au langage financier et à la connaissance de leur entreprise.
91
400 000 Québécois, sur une population de 7000000, sont actionnaires du fonds, qui gère plusieurs milliards
d’euros d’actifs investis dans quelques 1400 entreprises, et estime avoir préservé plusieurs dizaines de milliers
d’emplois directs ou indirects.
35
tout état de cause, l’organisation du fonds devrait être fortement territorialisée, comme c’est le
cas au Québec. La formule des « fonds de prévoyance mutuels »92 proposée par la CGT, s’inscrit
dans cette réflexion générale. Techniquement, ces fonds pourraient prendre la forme de fonds de
pension, mais également d’OPCVM nourriciers (« fonds de fonds », créés en 2003) à long terme.
De tels fonds devraient être en principe facultatifs, mais proposés aux salariés par l’intermédiaire
des FCPE.
Plus que les décisions courantes de gestion, les grandes orientations stratégiques
d’une entreprise s’inscrivent dans un jeu coopératif. En effet, la stratégie s’entend comme un
ensemble de décisions échelonnées, connues, acceptées, et qui visent à anticiper des événements
futurs93. Pour cette raison, la définition des grands choix économiques peut constituer un espace
de dialogue dans l’entreprise. Ce dialogue est à la fois gage de compréhension réciproque des
dirigeants et des salariés et facteur de réussite puisqu’il peut contribuer à fédérer les différentes
parties prenantes de l’entreprise. Un dialogue étendu aux questions stratégiques présente un
triple avantage : l’élargissement du champ des acteurs concourant à leur définition, la
légitimation par les salariés de la stratégie d’entreprise et une meilleure prise en compte par les
salariés de la contrainte économique.
Dans le tissu économique français, les entreprises n’ont pas massivement importé
ce modèle, ou a minima, des pratiques de démocratie participative. Dans le monde des PME, il
s’agit de distinguer entre les entreprises de l’ancienne « nouvelle économie » et les entreprises
familiales. Dans les premières, la gestion participative est facilitée à la fois par le haut degré de
92
Cette formule, qui a été proposée par la CGT Finances comme une alternative aux fonds « éthiques » ou
socialement responsables, consistait à limiter au maximum la part des fonds investis en actions de sociétés cotées ou
en obligations pour affecter la majeure partie des fonds à la Caisse des dépôts et consignations et à des
investissements créateurs d’emploi.
93
Blaise Ollivier et Renaud Sainsaulieu (2001).
36
qualification des salariés et les convictions sociales des dirigeants (parfois membres de structures
associatives, tels le CJD ou Croissance Plus). Dans les secondes, la participation des salariés à
l’élaboration de la stratégie correspond rarement à l’approche patrimoniale des entreprises par
leurs dirigeants. La gestion participative semble donc pour l’essentiel ne pas avoir dépassé le
stade d’un management participatif timide, surtout destiné à renforcer, dans une logique de
gestion des ressources humaines, l’implication et la fidélisation des salariés dans l’entreprise.
L’exemple de Norsys
Un dialogue social sur la stratégie à moyen terme de l’entreprise
Norsys est le lieu d’une concertation permanente entre salariés et direction sur la
stratégie de l’entreprise. Société de services en ingénierie informatique (SSII) de taille modeste
(140 salariés, pour un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros94) sise à Ennevelin dans le Nord,
Norsys est dirigée par Sylvain Breuzard, ancien président du Centre des jeunes dirigeants (1999-
2004). L’entreprise souhaite associer l’ensemble des salariés à la définition de la stratégie de
l’entreprise à moyen terme (quatre-cinq ans). Ce mode de management passe notamment par
l’organisation de groupes de projet, qui sont l’occasion d’un échange informel et quotidien et se
distinguent à la fois des comités de direction ou de gestion et du mouvement autogestionnaire.
Par ailleurs, Norsys a créé une université d’entreprise, lieu de formation continue des salariés. En
faisant du développement humain une condition de la participation, la direction de l’entreprise se
donne les moyens d’une stratégie concertée et mobilisatrice. Le lieu de synthèse de la stratégie
est un « conseil d’entreprise », structure qui réunit l’ensemble des représentants du personnel.
Dans ce conseil d’entreprise est discuté puis conclu, avec la direction, un accord d’entreprise
dépourvu de valeur juridique, relatif aux objectifs économiques et à la stratégie à moyen terme.
94
Cf. http://www.norsys.fr
37
2.3.2 La représentation des salariés au conseil d’administration des grandes
entreprises publiques et privées : un facteur d’enrichissement réciproque
L’accès des représentants des salariés aux organes de gestion de l’entreprise a été
conçu par le législateur comme le moyen d’introduire, jusqu’ici surtout dans les entreprises
privatisées, le principe de participation, inspiré du droit allemand. Selon le législateur, participer
ne devait pas signifier pour les représentants des salariés être seulement consultés, mais aussi
exercer avec voix délibérative une forme de co-détermination dans les organes sociaux de
l’entreprise.
95
Réal Labelle et Bernard Raffournier (2001).
96
Hans Böckler Foundation and ETUI (ed.) (2004).
97
Ordonnances, respectivement, du 7 janvier 1959 et du 17 août 1967.
98
Les candidats peuvent être présentés soit par les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, soit par
3 % des salariés de la société, soit, si le nombre des salariés est supérieur à 2 000, par 100 d’entre eux.
38
Par ailleurs, l’article L. 225-27 précise que « le nombre de ces administrateurs
(élus par le personnel de la société et de ses filiales dont le siège social est fixé sur le territoire
français) ne peut être supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux
négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le tiers du nombre des autres
administrateurs ». La cogestion « à la française », si l’expression devait avoir un sens, serait
donc nécessairement inégalitaire, les administrateurs salariés élus ne pouvant en tout état de
cause représenter, en nombre et en voix, plus du quart du conseil.
L’incitation par l’ordonnance du 21 octobre 1986 ne paraît pas avoir été mise en
œuvre dans les entreprises du secteur privé. Le Lamy social note que « ce système est peu entré
dans les entreprises ». Caractéristique du secteur public, il a été en quelque sorte « exporté »
dans le secteur privé par le biais des privatisations, pour en atténuer le choc dans les entreprises.
Pour Marc Viénot par exemple, l’intérêt de la représentation des salariés au conseil
d’administration de la Société générale a seulement été « une espèce d’alibi » pour mener à bien
la privatisation de la banque. C’est en partie cet héritage qui explique, réciproquement, les
réticences de certaines entreprises à faire entrer des représentants des salariés dans leurs conseils
d’administration, pour traiter de questions de stratégie qu’ils estiment leur revenir. Les reproches
le plus souvent adressés par ces dirigeants aux administrateurs salariés ont trait à leur légitimité
(dérogatoire du droit commun qui prévoit l’élection par l’assemblée générale) et au risque de non
respect des règles de confidentialité applicables aux délibérations du conseil d’administration
(compte-rendu à leurs mandants syndicaux).
99
Bénédicte Bertin-Mourot et Marc Lapôtre (2003).
100
Bénédicte Bertin-Mourot et Marc Lapôtre (2003).
39
potentiels101. Par la présence d’administrateurs salariés au conseil, la direction peut capter un
certain nombre de signaux en marge des relations sociales, particulièrement les « signaux
faibles »102 qui pèsent sur le climat social et la productivité.
La question des pratiques de participation ne se pose à proprement dit que dans les
entreprises publiques et les entreprises privatisées régies par les lois du 6 août 1986 et du 25
juillet 1994, car les dispositifs incitatifs dans le secteur privé n’ont pas produit les effets
escomptés par le législateur. « Est-ce à dire que la participation simplement incitée par le
pouvoir politique n’a que peu de chances de se concrétiser ? »103 La revendication d’une
participation obligatoire est faite par certains universitaires104 et parlementaires (Alain Vidalies,
PS) pour lesquels l’absence des salariés des conseils d’administration est une carence qui n’a pas
facilité le dialogue social en France, à plus forte raison dans les phases de restructuration.
Or c’est précisément à ce titre de défenseurs des intérêts des salariés qu’ils sont
critiqués par d’autres, dont Marc Viénot ou Philippe Bissara105 : ce faisant, ils sortiraient de leur
rôle d’administrateur entendu au sens strict comme mandataire de l’intérêt social de l’entreprise.
La présence de représentants des salariés au conseil d’administration produirait une segmentation
du conseil, préjudiciable à la bonne marche de la société. Pour le MEDEF, « il n'est pas
souhaitable de multiplier au sein du Conseil des représentants de telle ou telle catégorie
d'intérêts spécifiques, d'une part parce que le Conseil risquerait d'être le champ clos
d'affrontements d'intérêts particuliers au lieu de représenter collectivement l'ensemble des
actionnaires et d'autre part parce que la présence d'administrateurs indépendants est un gage
suffisant de ce que tous les intérêts susceptibles d'être pris en compte l'auront été »106.
Dans ce sens, les seuls représentants des salariés au conseil ne pourraient être que
ceux des salariés actionnaires. Cela semble être la voie souhaitée par certaines entreprises
privatisées, qui envisageraient de substituer à terme les administrateurs représentant les salariés
actionnaires aux administrateurs salariés. Elles rejoindraient en cela les pratiques des principaux
pays partenaires (Belgique, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni) dont les législations
n’organisent pas de participation des représentants des salariés au conseil d’administration
(board). Une tendance est en outre à observer dans les pratiques de certaines sociétés françaises
101
Aline Conchon (2004).
102
Entretien avec Christian Husson.
103
Catherine Malecki (2002).
104
Gilles Auzero (2000).
105
Délégué général de l’Association nationale des sociétés par actions.
106
MEDEF (2003).
40
cotées, privatisées depuis 1986 : la sortie des administrateurs salariés à l’occasion des opérations
de fusion ou d’acquisition. Ces opérations font évoluer la structure des conseils des sociétés
cotées. Les administrateurs salariés, membres du conseil du Crédit Lyonnais, n’ont pas été
reconduits dans la structure issue du rachat par le Crédit agricole. Il en est allé de même pour
ceux de l’entreprise Péchiney rachetée par Alcan Inc. ou pour ceux d’Elf Aquitaine lors du
rapprochement avec Total.
Cette approche semble imparfaite car elle est susceptible d’affaiblir les conseils
d’administration. Les administrateurs nommés selon ces critères (universitaires, juristes, chefs
d’entreprises sans lien direct avec la société dont ils sont administrateurs) n’auraient pas d’intérêt
à la prospérité de la société. Par ailleurs, ils n’auraient souvent qu’une connaissance imparfaite
de l’entreprise ou du groupe. De manière significative, la mission d’information de l’Assemblée
nationale sur la réforme du droit des sociétés tend à rapporter la problématique de
l’indépendance à celle de la compétence. La mission note que « le débat anglo-saxon sur
l’administrateur indépendant correspond au débat français sur la diversification de la
composition du conseil d’administration et des comités créés en son sein. Il pose une vraie
question, sous la mauvaise forme : comment garantir que le conseil sera composé
d’administrateurs suffisamment compétents pour diriger l’entreprise avec le président et
suffisamment courageux pour contrôler ce dernier ? » 109
107
En France, « l’administrateur indépendant » est la traduction imparfaite, faite par le rapport Viénot I, de l’anglais
« non-executive » du rapport Cadbury de 1992. Or ce terme trouvait à s’appliquer dans le contexte britannique où les
boards étaient dominés par les représentants de l’équipe dirigeant l’entreprise. Dans le contexte français, marqué par
la place des participations croisées ou circulaires, conséquence de la politique dite du « noyau dur », la question de
l’indépendance s’appliquait, contrairement au cas britannique, aux actionnaires de référence.
108
Rapport Winter (2002).
109
Assemblée nationale (2003).
41
en raison de leur seule qualité de salarié. Pour Michel de Virville, « il n’y a pas d’ambiguïté : les
administrateurs salariés sont des administrateurs indépendants »110.
Cette réflexion conduirait à une redéfinition, qui pourrait être consacrée par la loi
et s’inscrirait dans le cadre d’une réflexion élargie sur les « bonnes pratiques », qui associerait,
sous l’égide de l’Autorité des marchés financiers, des entrepreneurs mais également des juristes.
Cette réflexion pourrait prendre en compte les problématiques spécifiques aux représentants des
salariés.
A la différence de l’Allemagne ou des Pays-Bas dont « les lois donnent aux IRP
un réel pouvoir de codécision dans plusieurs domaines et la possibilité de contester devant les
tribunaux certaines des mesures prises par l’employeur »111, la France ne dispose pas de tels
dispositifs. Par ailleurs, aucune centrale syndicale ne revendique l’introduction d’un modèle de
cogestion qui impliquerait, au moins, un pouvoir de veto circonscrit. Le regard porté par certains
experts est pessimiste : « Cela ne marcherait pas »112.
Les comités de groupe et les CEE ont permis de créer une culture commune,
dépassant les cultures salariales et syndicales, en prise avec les contraintes économiques
globales. Pour Jean-Emmanuel Ray, « A l’heure où la gouvernance d’entreprise répond de plus
en plus à des enjeux transnationaux, le CEE a vocation à instaurer une représentation du
personnel et un lieu de dialogue social à l’échelon pertinent. Les membres du CEE pourraient
ainsi peser au bon niveau sur les choix stratégiques de la firme »114. La maturation de cette
culture commune est d’autant plus nécessaire que comités de groupe et CEE, mettant en relation
des salariés de pays aux normes sociales différentes, peuvent être le lieu d’intérêts concurrents,
le représentant salarié le plus « socialement favorisé » pouvant être incité à modérer ses attentes
au regard de la situation des autres salariés du groupe.
113
Accord intervenu entre la direction américaine du groupe Ford, la management européen de Ford et de Visteon,
le Comité d’entreprise européen de Ford Ford-EBR et les représentants salariés de Ford en Europe, dans le cadre de
l’externalisation d’une partie des activités de Ford Europe au sein d’une nouvelle entité Visteon, transformée à
l’occasion en société indépendante cotée en bourse. Cf. Liaisons sociales Europe n°8, 19 avril-16 mai 2000.
114
Jean-Emmanuel Ray (2003).
43
L’exemple du comité d’entreprise européen de Total
Pouvoirs et limites d’un CEE
Le CEE de Total est largement l’héritier du CEE d’Elf qui avait été créé dès 1991,
en amont de la directive de 1994. Lors de la fusion Total-Fina-Elf en 2000, la création d’un CEE
n’était pas parmi les priorités du groupe. Le CEE est néanmoins devenu un lieu d’échanges sur
les enjeux du groupe entre dirigeants et représentants des salariés. Le Président Directeur
général, Thierry Desmaret, se livre régulièrement en son sein à l’analyse des enjeux
économiques et des grandes lignes de la stratégie d’entreprise.
La cession de la branche peinture du groupe Total illustre le rôle joué par le CEE
dans les évolutions de périmètre du groupe. Sans véritable marge de manœuvre sur la décision de
cession, le CEE a toutefois contribué à élaborer une solution sociale acceptable. Après avoir été
informé et consulté, le CEE a obtenu la signature par la direction du groupe et par le repreneur
américain d’une lettre d’engagement relative au reclassement de certains personnels au sein de
Total.
Cette tendance apparaît également, encore plus nettement, dans l’évolution du rôle
dévolu par la loi NRE au comité d’entreprise en cas d’OPA ou d’OPE. Le code du travail dans
son article L. 432-1 comportait déjà des dispositions destinées à protéger et informer les salariés
en cas de changement de contrôle. Sous peine de délit d’entrave était obligatoire l’information du
comité d’entreprise « dès que le chef d’entreprise [avait] connaissance du dépôt d’une OPA ou
d’une OPE dont son entreprise fait l’objet »115. Le comité d’entreprise pouvait également inviter
l’auteur de l’offre à venir exposer son projet. La loi NRE systématise et détaille les obligations et
droits du comité d’entreprise et de l’auteur de l’offre. Le mécanisme d’information est étendu au
comité de groupe lorsque l’OPA ou l’OPE porte sur l’entreprise dominante d’un groupe. Dès le
dépôt d’une OPA ou d’une OPE, le chef de l’entreprise cible doit réunir « immédiatement » le
comité d’entreprise. Le CE peut au cours de cette réunion demander à entendre l’auteur de
l’OPA ou de l’OPE sous quinzaine. Ce dernier est tenu d’adresser dans les trois jours suivant sa
publication la note d’information visée par l’AMF qui contient désormais « les orientations en
matière d’emploi ». Réuni pour analyser ce document, le CE entend, s’il en a exprimé la
demande, l’auteur de l’offre.
115
Loi du 2 août 1989.
45
Fait significatif, la sanction de ces obligations nouvelles est alourdie. Il est prévu
que tout refus de l’auteur de l’OPA ou OPE de se rendre à la convocation soit sanctionné par la
perte des droits de vote attachés aux titres de la société cible qu’il détient déjà.
Ainsi que l’a montré la mission de réflexion de la COB présidée par Chantal
Cumunel sur la communication financière des sociétés cotées vis-à-vis des salariés117, droit
boursier et droit du travail ont pour objectif de renforcer l’information du public en général et
des salariés en particulier. Ces deux droits s’inscrivent néanmoins dans des logiques différentes
et ont eu tendance à se développer de manière autonome, au risque de se rendre parfois
inconciliables. Les évolutions du capitalisme, marquées par une accélération et une plus grande
technicité des opérations financières et le besoin accru de maîtrise de l’information, semblent
avoir rendu le conflit de droit plus sensible. Les sociétés françaises cotées doivent alors arbitrer
entre plusieurs options :
116
Ainsi que le note Jean Emmanuel Ray (2003) , « le constant renforcement de ses attributions depuis 1982 aboutit
à une évolution sensible : de la consultation, le comité d’entreprise passe aux propositions, puis à une négociation
informelle qui peut donner lieu à des engagements patronaux. Alors que l’interlocuteur obligatoire du chef
d’entreprise est en droit français le syndicat, il arrive de plus en plus souvent qu’à l’occasion des réunions
mensuelles du comité, une négociation s’ébauche, brouillant les frontières définies par le Code ».
117
Chantal Cumunel (1998).
46
- favoriser l’information des salariés au risque d’une diffusion non maîtrisée de
l’information, pouvant nuire à l’intérêt de l’entreprise (dans ses rapports de
confiance avec les investisseurs) ;
118
Art L. 432-7 du code du travail : « Les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus
à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme
telles par le chef d'entreprise ou son représentant ».
119
Décret du 20 février 2002, notamment.
47
comprendre. Un lien fort entre information et formation est alors à faire. D’une part, il s’agit
d’améliorer la formation économique et financière des représentants personnels, en jouant par
exemple sur le budget en jours de formation. Il serait également utile de leur donner accès aux
conseils d’experts en stratégie d’entreprise, comme c’est le cas aujourd’hui, pour les experts-
comptables ou pour les experts en nouvelles technologies. Comme le résume Christian Blanc120,
ancien président d’Air France et de la RATP : « Le dialogue social met en jeu les connaissances
des salariés de l’entreprise. Ce ne sont pas seulement les compétences techniques qui sont en
question mais aussi la connaissance de l’environnement économique mondial dans lequel les
entreprises cherchent à se développer. Cela suppose un effort pour approfondir les
connaissances des enjeux de la compétitivité. Les entreprises doivent favoriser au maximum leur
formation.». D’autre part, l’information économique doit s’étendre sur certains points, encore
négligés. L’information économique et sociale relative aux entreprises sous-traitantes devrait être
notamment étoffée, et des contacts organisés entre représentants du personnel de l’entreprise
cliente et des principales entreprises sous-traitantes.
120
Entretien.
121
Art. L. 434-10 du code du travail.
122
En dehors de la mise à disposition de l’expert-comptable, la loi laisse actuellement toute latitude aux entreprises
et groupes dans l’attribution d’un budget concernant l’expertise économique.
123
L’administration américaine de la santé (OSHA) a mis en ligne, de cette manière, les informations relatives aux
enquêtes de ses inspecteurs (www.osha.gov/pls/imis/establishment.html pour l’entrée par établissement)
48
CONCLUSION
Affectant le droit des sociétés, elle doit se traduire par des mesures incitatives et
prudentielles plus que contraignantes. Une réforme du droit des sociétés ne saurait durablement
aller à contre-courant des tendances structurelles de l’économie en la matière. S’agissant d’un
champ fortement internationalisé en raison de la globalisation des marchés financiers, une telle
réforme ne saurait, sans risque de délocalisations juridiques des entreprises, que s’inscrire dans
une réflexion européenne, prélude à une harmonisation des règles en vigueur.
Supposant une évolution du rôle et de la culture des syndicats et des IRP, elle ne
peut être que progressive. Les acteurs syndicaux sont au cœur de ces changements. Eux seuls
sont fondés à assurer, soit au niveau des organes de gestion de l’entreprise, soit dans l’épargne
socialisée, la synthèse des différents intérêts, économiques, sociaux et financiers des salariés. Ce
rôle nouveau implique que se poursuive l’aggiornamento actuel des syndicats. A côté de leur rôle
de défense des intérêts sociaux des salariés (dans l’entreprise ou à travers la négociation
collective) se dessine ainsi une seconde fonction, plus coopérative, dans laquelle les syndicats
deviennent à la fois parties prenantes à la définition de la stratégie de l’entreprise et force de
contrôle et de contre-proposition stratégique. La puissance publique doit favoriser le
développement de cette fonction régulatrice, facteur d’équilibre et de stabilité économique.
Ce n’est donc qu’au prix d’un certain pragmatisme que pourra se réaliser la
nécessaire convergence entre les intérêts des différentes parties au processus de production. Cette
convergence d’intérêts, en résorbant certaines des contradictions de l’entreprise, partagée entre
droit des sociétés et droit des relations sociales, préfigurera, peut-être, l’émergence d’un droit
intégré de l’entreprise, donnant raison, avec quelque retard et dans un nouveau contexte, à
Charles de Gaulle qui déclarait : « Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une œuvre
économique commune (…), il s'agit que tous forment ensemble une société, une société où tous
49
aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct. Cela implique
que soit attribuée, de par la loi, à chacun une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle
investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d'une
manière suffisante de la marche de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront
tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts,
leurs points de vue et leurs propositions »124.
124
Discours de Saint-Etienne, 4 janvier 1948.
50
ANNEXES
51
LISTE DES ANNEXES
d’entreprise……………………...62
Bibliographie………………………………………………………………………………..73
52
1 ANNEXE N°1 : LISTE RESUMEE DES PROPOSITIONS
Participation financière
53
Proposition n°10 : redéfinir, dans la loi, la catégorie d’administrateur
indépendant au sens du rapport Cadbury, comme « non executive », à savoir n’appartenant pas à
l’équipe dirigeante. Requalifier l’administrateur salarié comme administrateur indépendant, au
regard à la fois de ce critère et du critère de connaissance de l’entreprise.
54
2 ANNEXE N°2 : ETUDE DE CAS RENAULT : DE LA « VITRI NE
SOCIALE » AU LABORATOIRE DE LA GOUVERNANCE
D’ENTREPRISE
1
Christian Husson, Directeur juridique.
2
En avril 2005, les fonctions de Président et de DG de Renault seront séparées.
55
Les contre-pouvoirs ne doivent toutefois pas entraver les marges d’action du management, d’où
l’importance du « réglage optimal » de la composition du conseil d’administration (sur dix-sept
membres du CA, trois élus administrateurs salariés et un élu des actionnaires salariés
représentant les quatre grandes centrales syndicales).
Cette analyse converge avec celle recueillie auprès des quatre administrateurs
salariés du groupe. La crédibilité des administrateurs salariés serait assurée par leur triple
légitimité : individuelle, de représentation (élection à l’international) et syndicale3. Leur
connaissance de l’entreprise, de ses métiers et du climat social dans l’ensemble du groupe leur
permettrait d’apporter une valeur ajoutée dans les débats4. Ils sont des vecteurs de la culture
d’entreprise5.
Outre le CA, le comité central d’entreprise (CCE), composé de quarante représentants est
également associé à la gestion de l’entreprise. Les membres du comité exécutif du groupe (PDG,
directeurs et directeurs généraux) y présentent des informations stratégiques et confidentielles
(nouveau véhicule). Mais le CCE demeure une instance de consultation, d’expression et non de
négociation. Dans l’hypothèse d’un votre négatif, le projet ne s’arrêterait pas. Mais le CCE peut
toutefois demander à ce que soit désigné un expert comptable. Le dialogue social qui s’instaure à
travers le CCE permettrait néanmoins de sensibiliser le management au risque social.
3
Pierre Alanche, Administrateur des salariés actionnaire (CFDT)
4
Michel Barbier, Administrateur salarié (FO)
5
Alain Champigneux, administrateur salarié (CFE-CGC)
6
Alain Champigneux, administrateur salarié (CFE-CGC)
7
Michel Barbier, Administrateur salarié (FO)
8
Michel Barbier, Administrateur salarié (FO)
56
restreint », qui est composé de huit membres. La fonction du comité de groupe est d’abord celle
d’un relais d’informations entre les syndicats des différents pays et qui permet de transmettre
l’information à la direction. Pour le secrétaire du comité de groupe9, plus qu’un espace de
revendication celui-ci est un lieu de coordination, d’échanges et de concertation.
9
Philippe Lebret, secrétaire du comité de groupe Renault (FO).
10
Christian Husson, Directeur juridique.
11
Christian Husson, Directeur juridique.
57
3 ANNEXE N°3 : EPARGNE SALARIALE ET ACTIONNARIAT
SALARIE
3.1 La participation financière en Europe
(source : Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 2001)
58
3.3 Encours des Fonds communs de placement en entreprise
(source : COB/AMF, 2003)
60
50
40
30
20
10
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Actif net en
millions 28 277,8 100 35 340,6 100 50 545 100 54 768 100 53 189 100
d'euros
dont Actions
de 9 838 34,8 13 426,8 38 22 500 44,5 26 753 48,8 24 828 46,7
l'entreprise
59
3.4 Epargne salariale et actionnariat salarié
PEE PERCO
Participation
ment du
FCPE Intéressement FCPE
4 diversi- du diversi-
fié PERCO fié
PEE
Transferts d’une
autre entreprise
FCPE ou FCPE ou
SICAV SICAV
d’actionna- d’actionna-
riat salarié Transferts du PEE riat salarié
vers le PERCO
FCPE
solidaire
60
ANNEXE N°4 : NOMBRE D’ADMINISTRATEURS SALARIES ET
D’ADMINISTRATEURS REPRESENTANT LES ACTIONNAIRES
SALARIES DANS LES SOCIETES DU CAC 40
61
5 ANNEXE N°5 : LES ATTRIBUTIONS ECONOMIQUES DU COMI TE
D’ENTREPRISE
5.1 L’INFORMATION
• Rapport annuel :
L’employeur doit présenter au moins une fois par an au CE un rapport d’ensemble
(introduit par un exposé du chef d’entreprise). Ce rapport porte sur l’activité de l’entreprise,
(chiffre d’affaires, bénéfices, pertes), l’affectation des bénéfices réalisés, les investissements, la
sous-traitance, les aides publiques et avantages financiers, l’évolution de l’emploi, des
qualifications, de la formation et des salaires et les perspectives économiques pour l’année à
venir.
• Information trimestrielle sur la situation de l’entreprise :
Tous les trimestres, l’employeur doit communiquer au CE des informations sur la
situation de l’entreprise (évolution générale des commandes, situation financière, exécution des
programmes de production, éventuels retards de paiement par l’entreprise de cotisations sociales
ou de retraite) (C. trav. art. L. 432-4).
• Information trimestrielle sur l’évolution des entreprises et des méthodes d’exploitation
• Information trimestrielle ou semestrielle sur la situation de l’emploi :
Tous les trimestres (pour les entreprises de plus de 300 salariés) ou tous les
semestres (pour les autres), l’employeur doit fournir au CE des informations relatives à la
situation de l’emploi : évolution des effectifs et des qualifications par sexe, nombre de CDI,
CDD, temps partiel, travail temporaire et salariés d’entreprises extérieures. Il doit en outre
présenter les motifs de recours aux formes d’emploi autres que les CDI.
62
Pour les entreprises de moins de 300 salariés
5.2 LA CONSULTATION
La consultation du CE, qui lui permet d’émettre un avis motivé, doit être
préalable. Le principe de la consultation suppose que l’opération n’est pas conclue avant la
consultation. Ainsi, le défaut de consultation ou la consultation irrégulière (délais suffisants pour
permettre au CE de se prononcer) peut être constitutif d’un délit d’entrave. L’avis motivé ne lie
pas l’employeur, cependant certaines consultations donnent lieu à un avis conforme ou
requièrent une absence d’opposition.
63
La loi NRE a considérablement renforcé les compétences du CE lors du dépôt
d’une OPA/OPE sur son entreprise. Dès le dépôt de l’offre, le chef d’entreprise de l’entreprise
cible est tenu de réunir « immédiatement » son CE pour l’en informer. Lors de cette réunion le
CE peut décider d’entendre l’auteur de l’OPA/OPE. Dans tous les cas, l’auteur de l’offre
communique au CE la note d’information remise à l’AMF dans les trois jours de sa publication.
Opérations de concentration
64
5.3 AUTRES ATTRIBUTIONS ECONOMIQUES
La loi NRE est venue renforcer les prérogatives du CE en lui permettant d’être
représenté à l’AG et de requérir l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour. Par
ailleurs, le CE peut désormais demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de
convoquer l’AG « en cas d’urgence ».
65
LISTE DES PERSONNES RENCONTREES
1. Parlement
2. Administration
3. Personnalités qualifiées
M. Philippe BISSARA, Délégué général de l’Association nationale des sociétés par actions
M. Pierre BOLLON, Délégué général de l’Association française de la gestion financière (AFG),
membre de l’International Corporate Governance Network
M. Bernard FIELD, Secrétaire Général et Secrétaire du Conseil d’Administration de Saint-
Gobain
M. Gérard FILOCHE, ancien Inspecteur du travail, membre du bureau national du Parti
socialiste
M. Henri GUAINO, ancien Commissaire général au Plan
M. Michel PRADA, Président de l’Autorité des marchés financiers
M. Bernard RICHARD, Directeur général de Korn Ferry International Paris
Me Alain SAURET, Président du directoire du cabinet Barthélémy et Associés
M. Marc VIENOT, Président d’honneur de la Société Générale
4. Partenaires sociaux
Organisations syndicales
66
M. Claude CAMBUS, Vice-président (CFE-CGC) du Conseil supérieur de la participation,
Secrétaire général de la Confédération européenne des cadres
M. Michel COTILLION, Secrétaire général adjoint de la CFTC
M. Claude COURTY, Secrétaire national de la CFE-CGC
M. Marc DELUZET, Secrétaire confédéral à la CFDT
M. Pierre HABBARD, Membre de la commission syndicale consultative auprès de l’OCDE
(TUAC)
M. Michel HUC, Secrétaire général de FO-Métallurgie
M. Bernard SAINCY, Responsable national des cadres et techniciens à la CGT (UGICT),
représentant de la CGT au sein de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE
(TUAC)
M. Walter CERFADA, secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats
(CES)
Organisations patronales
5. Entreprises
Air France
67
Dassault system
EADS
France Telecom
Ford
Gaz de France
Renault
Société Générale
M. Philipe PERAIN, Direction des ressources humaines, responsable des relations sociales
M. Patrick SUET, Secrétaire général adjoint
68
Total
M. Francis GIRAULT, ancien conseiller du Président Directeur général de Total, maître des
requêtes au Conseil d’Etat
M. Jean-Jacques GUILBAUT, Directeur des ressources humaines et de la communication
M. Peter HERBEL, Directeur juridique et financier
M. Marc BLANC, Secrétaire (CFDT) du Comité d’entreprise européen
7. Chercheurs
8. Société civile
69
9. International
OCDE
Commission européenne
M. Dominique BE, Chef adjoint d’unité pour le dialogue social interprofessionnel, les relations
industrielles et l’adaptation au changement, Direction générale Emploi et Affaires sociales
M. Dominique THIENPONT, Administrateur, Direction générale du Marché intérieur
M. Alexander SCHAUB, Directeur général, DG Marché intérieur
Grande-Bretagne
70
LISTE DES SIGLES UTILISES
72
BIBLIOGRAPHIE
1. Ouvrages
73
• LEPINEUX François, PERIER Frédéric, WIEDEMANN-GOIRAN Thierry,
Développement durable et gouvernement d’entreprise : un dialogue prometteur, Editions
d’Organisation, 2002.
• LIKERT Rensis, Le gouvernement participatif de l’entreprise, Dunod, 1993.
• LOJKINE Jean, Le tabou de la gestion. La culture syndicale entre contestation et
proposition, Editions ouvrières, 1996.
• MAATI Jérôme, Le gouvernement d’entreprise, De Boeck Université, 1999.
• MIELLET Dominique, RICHARD Bertrand, La dynamique du gouvernement
d’entreprise, Editions d’Organisation, 2003.
• de NANTEUIL Matthieu (dir.), La participation des salariés aux changements du
travail, une contribution au dialogue social, Editions Liaisons, 1998.
• OLLIVIER Blaise, SAINSAULIEU Renaud (dir), L’entreprise en débat dans la société
démocratique, Presses de Sciences-Po, 2001.
• PAILLUSSEAU, Jacques, La modernisation du droit de sociétés commerciales, Dalloz,
1995.
• PAPILLON Jean-Claude, Economie de l'entreprise : de l'entrepreneur à la gouvernance,
Editions Management et Société, 2000.
• PARRAT Frédéric, Le gouvernement d’entreprise, Dunod, 2003.
• PASTRE Olivier, VIGIER Michel, Le capitalisme déboussolé : après Enron et Vivendi :
soixante réformes pour un gouvernement d'entreprise, La Découverte, 2003.
• PEYRELEVADE Jean, Le gouvernement d’entreprise ou les fondements incertains d’un
nouveau pouvoir, Economica, 1999.
• PLIHON Dominique, PONSSARD Jean-Pierre (dir.), La montée en puissance des fonds
d’investissement : quels enjeux pour les entreprises, La Documentation française, 2002.
• PLOIX, Hélène, Le dirigeant et le gouvernement d’entreprise, Village mondial, 2003.
• RAY Jean-Emmanuel, Droit du travail, droit vivant, 12ème édition, Editions Liaisons,
2003.
• REYNAUD Jean-Daniel, Les règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale,
3ème édition, Armand Colin, 1997.
• ROBE Jean-Philippe, L’entreprise et le droit, QSJ, PUF, 1999.
• ROE Mark J., Political determinants of corporate governance : political context,
corporate impact, Oxford University Press, 2003.
• SAINSAULIEU Renaud (dir.), L’entreprise, une affaire de société, Presses de la FNSP,
1992.
• VIDAL Dominique, Droit des sociétés, 4e édition, LGDJ, 2001.
• WILLIAMSON Oliver E., The economic institutions of capitalism, The Free Press, 1985.
2. Rapports
74
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l’AFEP et le MEDEF, septembre 2002.
• Centre des jeunes dirigeants (CJD), Dialogue social : instaurer une culture de
négociation dans les entreprises, avril 2003.
• CHERIOUX Jean, L’actionnariat salarié : vers un véritable partenariat dans
l’entreprise, Rapport d’information n°500, Sénat, session 1998-1999.
• CLEMENT Pascal, La réforme du droit des sociétés, Rapport d’information n°1270,
Assemblée nationale, 2 décembre 2003.
• COFFINEAU Michel, Les lois Auroux, dix ans après, Rapport au Premier ministre, La
Documentation française, février 1993.
• Commissariat général au plan, Mondialisation et recomposition du capital des
entreprises européennes, mars 2004.
• Conseil supérieur de la participation, La participation financière, Rapport annuel pour
2002, La Documentation française, 2003
• CUMUNEL Chantal, La communication financière des sociétés cotées vis-à-vis des
salariés, Commission des opérations de bourse, mars 1998.
• DEMINOR, Trends and Ratings 2003, février 2004.
• Global Reporting Initiative, Gaining momentum, Annual review 2003.
• Hans Böckler Foundation, European Trade Union Institute, Workers’ participation at
board level in the EU-15 countries, 2004.
• Institut Montaigne, Mieux gouverner l’entreprise, 2003.
• Korn Ferry International, Gouvernement d’entreprise, Etude mondiale, 2003.
• MARINI Philippe, Rapport sur projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques, n° 5, Sénat, octobre 2000.
• OCDE, Principes de gouvernement d’entreprise, avril 2004.
• OCDE, Tour d’horizon des évolutions en matière de gouvernement d’entreprise dans les
pays de l’OCDE, 2003.
• OYAUX Morgan, L’épargne salariale : un analyseur de l’évolution du mouvement
syndical en France, DEA, CNAM, 2002.
• PEROTIN Virginie, Participation aux bénéfices et actionnariat salarié : les éléments du
débat, Direction générale des Etudes, Parlement européen, 2003.
• Sénat, La participation des salariés à la gestion des entreprises, Document de travail,
n°LC 58, juin 1999.
• VIENOT Marc, Le conseil d'administration des sociétés cotées, AFEP, MEDEF, juillet
1995.
• VIENOT Marc, Rapport du comité sur le gouvernement d’entreprise, AFEP, MEDEF,
juillet 1999.
• WINTER Jaap, Un cadre européen moderne pour le droit européen des sociétés, Rapport
pour la Commission européenne, novembre 2002.
75
4. Articles
Droit communautaire
• BERTREL Jean-Pierre, La société européenne. Entre son passé et son avenir, Dossier
spécial Droit et Patrimoine, n°125, avril 2004.
• CATHIARD Catherine, DUMARCHE David, La Société européenne : l’enjeu pour la
France ou l’urgence de légiférer, Petites affiches, n°106, 27 mai 2004.
• FRISON ROCHE, Marie-Anne, La société européenne, Recueil Dalloz, n°3, 2001.
• SOUWEINE Marie-Pierre, SIBILLE Jérôme, La Société européenne : une incitation à
réformer notre droit des sociétés, Petites affiches, n°106, 27 mai 2004.
Droit français
• BISSARA Philippe, L’inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des
entreprises et aléas de solution, Revue des sociétés, n°108, décembre 1990.
• BISSARA Philippe, Les véritables enjeux du débat sur la gouvernance d’entreprise,
Revue des sociétés, Dalloz, janvier-mars 1998.
• BISSARA Philippe, Qui dirige la firme ? La réponse du gouvernement d’entreprise,
Problèmes économiques, n°2606, 3 mars 1999.
76
• CHARLETY Patricia, Le gouvernement d’entreprise : évolution en France depuis le
Rapport Viénot de 1995, Revue d’économie financière, n°63, automne 2001.
• COLSON Jean-Philippe, Le gouvernement d'entreprise et les nouvelles régulations
économiques, Petites affiches, n°166, 21 août 2001.
• GERMAIN Michel, MAGNIER Véronique, Vers un gouvernement d’entreprise à la
française ?, L’Année sociologique, 49, n°2, 1999.
• HAMON Jacques, Le gouvernement d'entreprise : la répartition des droits de vote, leur
exercice et l’efficacité économique, Revue d'économie financière, n°63, automne 2001.
• JACOMET Thierry, Le gouvernement d’entreprise : alternatives du droit français et
suggestions, Analyse financière, n°112, septembre 1997.
• LAMETHE Didier, L’approche française du « gouvernement d’entreprise », Revue
internationale de droit comparé, n°4, octobre-décembre 1999.
• Le Courrier Juridique des Finances et de l’Industrie (CJFI), Les principes du
gouvernement d’entreprise : nouvelles applications dans le secteur privé et le secteur
public, n°12, novembre-décembre 2001.
• PEZARD Alice, Pourquoi la France se met au gouvernement d’entreprise ?, Analyse
financière, septembre 1997.
• RAPP Lucien, Les nouvelles régulations économiques, AJDA, 20 juin 2001.
• RUBINSTEIN Marianne, Le débat sur le gouvernement d’entreprise en France : un état
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• RUIMY, Michel, La loi sur la sécurité financière, Regards sur l’actualité, n°297, janvier
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• Annales des mines, Gérer et comprendre, Corporate governance et emploi : les attentes
des marchés financiers, n°69, septembre 2002.
• d’ARCIMOLE Charles-Henri, Relations sociales et évaluation d’entreprise, Analyse
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d’économie publique, n°112, juillet-août 2002.
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• CAPRON Michel, Plus d’audace et d’originalité dans les propositions de nouveaux
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management of labour : a conceptual and comparative analysis, British Journal of
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• LIARD Jean Philippe, Les salariés, première partie prenante de l’entreprise, Entreprise
Ethique, n°19, octobre 2003.
• MAGNIADAS Jean, L’intervention des travailleurs sur la gestion, un long et complexe
parcours des luttes, Analyses et documents économiques, n°65, juin 1995.
• MALECKI Catherine, La loi de modernisation sociale et la nouvelle donne de la
participation des salariés à la gestion de l’entreprise, JCP, La Semaine Juridique
Entreprise et Affaires, n°24, 13 juin 2002.
• MARTORY Bernard, Audit social, pratiques et principes, Revue française de gestion,
n°147, 2003.
• PARKINSON John, Models of the Company and the Employment Relationship, British
Journal of Industrial Relations, n°41-3, septembre 2003.
• PEREZ Roland, Management et société, contribution pour l’encyclopédie des ressources
humaines, Cahier de l’ERFI, n° 23, novembre 2001.
• QUAIREL Françoise, Les dynamiques relationnelles entre la firme et ses parties
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• REBERIOUX Antoine, European style of corporate governance at the cross-roads : the
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• REBERIOUX Antoine, Evolution de la gouvernance d’entreprise et financiarisation du
rapport salarial : Etude sur des données françaises et interprétation conventionnaliste,
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• REBERIOUX Antoine, Les marchés financiers et la participation des salariés aux
décisions, Travail et Emploi, n°93, janvier 2003.
• REBERIOUX Antoine, The micro-foundation of the shareholder system, FORUM,
Université de Paris X-Nanterre, février 2003.
• REMOND Antoine, Quelle représentation pour les salariés-actionnaires ?, Revue de
l’IRES, n°40, 2002-2003.
• ROTURIER Patrick, SERFATI Claude, Enron, la « communauté » et le capital financier,
Revue de l’IRES, décembre 2002.
78
• WILLIAMSON Janet, A Trade Union Congress perspective on the Company Law
Review and corporate governance reform since 1997, British Journal of Industrial
Relations, n°41-3, septembre 2003.
79
4.9. Comparaisons internationales
Etats-Unis et Grande-Bretagne
Allemagne
5. Dossiers de périodiques
80
• Le gouvernement d’entreprise, Revue d’économie financière, n°3, 2001.
• Sociétés et loi NRE, Dossiers pratiques Francis Lefebvre, 2002.
• Splendeurs et misères du gouvernement d’entreprise, Petites affiches, n°31, 12 février
2004.
• La société européenne, Droit et patrimoine, n° 125, avril 2004.
• L’entreprise face à ses actionnaires et aux marchés financiers, L’Expansion
Management Review, juin 2001.
• Le gouvernement d’entreprise : quelle constitution ?, Analyse financière, n°112,
septembre 1997.
• Corporate governance and worker involvment, Journal of Common Market and Studies,
n°1, march 2003.
• La démocratie dans l’entreprise : une utopie ?, Panoramiques, n°46, mai-juin 2000.
• Travail et citoyenneté, Cités, n°10, 2002.
• Employment Relations and Corporate Governance, British Journal of Industrial
Relations, n°41, 3 septembre 2003.
• L’éthique au sommet : par quel gouvernement ou gouvernance d’entreprise, Entreprise
éthique, n°19, octobre 2003.
• La gouvernance, Sciences Humaines, mars-avril 2004.
6. Communications de colloques
81