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Soixante-troisième année
2018
C e n t r e d ’ é t u d e s I s t in a
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ISTINA LXIII (2018) p. 5-25 5
Amphilochios M iltos
Nous pourrions séparer les auteurs en deux catégories : ceux qui rejettent
totalement la notion de collégialité et ceux qui ne s’opposent pas claire
ment au terme en tant que tel ou qui en proposent même une définition
Theological Review, 10 (1964), p. 15-36, est son rapport adressé à la Commission exécutive
du Conseil Œcuménique des Églises en février 1964 à Odessa, sur sa participation en tant
qu’observateur à la deuxième session du Concile. Ces réflexions sont reprises dans les deux
articles suivants : « Die Ekklesiologie des Zweiten Vatikanischen Konzils in orthodoxer
Sicht und ihre oekumenische Bedeutung », Kerygma undDogma, 10 (1964), p. 153-168, et
« Is the Vatican Council really Ecumenical », The Ecumenical Review, 16 (1964), p. 357-
377. Le dernier, après la troisième session et la promulgation de De Ecclesia : « The main
Ecclesiological Problem of the Second Vatican Council and the Position of the Non-Roman
Churches Facing it », Journal o f Ecumenical Studies, 2 (1965), p. 31-62.
14. N. N issiotis, « Ecclesiology and Ecumenism », art. cit., p. 21.
15. N. N issiotis, Ibid., p. 21-22.
16. N. N issiotis, « Is the Vatican Council really Ecumenical », art. cit., p. 363.
17. N. N issiotis, « Die Ekklesiologie des Zweiten Vatikanischen Konzils », art. cit.,
p. 157.
18. Sans modifier sur le fond sa position, il parle de la collégialité comme d’un concept
évident (!) : « Therefore, those outside Rome have to pray that the collegiality of the bishops,
though in itself a self-evident concept, should at least shake a little the papal centralism » :
N. N issiotis, « The main Ecclesiological Problem », art. cit., p. 48. C f « We do not say that
it is wrong for the Council to discuss collegiality; indeed, in the view of the situation created
by Vatican I, it is for Rome, but only for Rome, a healthy and necessary discussion. But
from the point of view of the real catholic ecclesiology of the ancient apostolic Church it is
a wrong approach, attempting to build on a wrong basis » : p. 47.
19. N. A fanassieff, « Réflexions », art. cit., p. 7.
10 A MPH1L O CH I OS MILTOS
20. Ibid. L’auteur admet que les apôtres composait un groupe stable à part mais refuse
de reconnaître qu’il s’agissait d ’un collège (p. 7-8).
21. Cf. « Du point de vue historique, on ne peut trouver l’existence, non seulement du
collège des apôtres mais encore de celui des évêques » : N. A fanassieff, « Réflexions », art.
cit., p. 9. Dans notre thèse à paraître, nous résumons les arguments d’Afanassieff.
22. R N ellas, « Collégialité épiscopale : Un problème nouveau ? », Le Messager
orthodoxe, n° 24-25 (1964), p. 13.
23. P. N ellas, « Collégialité épiscopale », art. cit., p. 15.
24. P. N ellas, Ibid., p. 13.
25. I. K armiris , « Τό Δογματικόν Σύνταγμα “περί ’Εκκλησίας” τής Β ' Βατικανείου
Συνόδου » [La Constitution dogmatique “sur l’Église” du Concile Vatican II] dans
Επιστημονική Έπετηρίς τής Θεολογικής Σχολής Αθηνών, Athènes, 1971, ρ. 37. Il renvoie à
Afanassieff et à Nellas.
26. Pierre L’Huillier (1926-2007) archevêque de New York (Orthodox Church of
America) et professeur de droit canon à l’Institut catholique de Paris (1966-1978) et à
l’Institut Saint-Vladimir (New York). Auteur du livre The Church o f the Ancient Councils,
The Disciplinaiy Work o f the First Four Ecumenical Councils, New York, St. Vladimir’s
Seminary Press, 1996.
LA COLLÉGIALITÉ ÉPISCOPALE, REGARDS ORTHODOXES 11
48. K. W are , « Primacy, Collegiality, and the People of God », Eastern Churches
Review, 3 (1970), p. 26. Notons qu’avant ce passage, Ware remarque que dans le domaine
de la collégialité a lieu pour lui le progrès le plus remarquable dans les rapports entre
orthodoxes et catholiques.
49. Il est largement reconnu que les contradictions caractérisent non seulement Lumen
gentium mais l’ensemble des textes du Concile. Voir par exemple le commentaire d ’un
historien : « En réalité, la plupart des textes finaux de Vatican II, soumis au vote en session
plénière, sont assez embrouillés, flous. Ils semblent dire une chose puis son contraire.
Selon l’expression d’un historien allemand, ils procèdent d’un “pluralisme contradictoire”
(O. H. P esch , Das Zweite VatikanischeKonzil, 1962-1965, Würzburg, Editer, 1993, p. 151),
faits de compromis entre les différentes forces en présence. Ils ne portent pas une révolution
évidente » : G.-R. H orn , « Vatican II, La poussée à gauche de l’Église », Histoire, n° 411
(mai 2015), p. 11.
50. À titre indicatif : B. K rivocheine, « La constitution dogmatique », art. cit., p. 477 :
« L’impression générale que fait sur un Orthodoxe la Constitution dogmatique de Vatican II
16 AMPHILOCHIOS MILTOS
orthodoxes sont perturbés par le fait que le texte présente plusieurs points
de la tradition commune, grâce à son ressourcement, qui pourtant semblent
incompatibles avec d’autres points.
Meyendorff repère ici à la fois la force et la faiblesse du D e E cclesia
pour un lecteur orthodoxe : « En lisant ces textes, on ne peut que redé
couvrir à nouveau toute l’étendue et la profondeur authentique de notre
commune appartenance à l’unique tradition de l’Église primitive, celle des
conciles et des Pères. Et pourtant, la Constitution contient aussi un certain
nombre de choix assez clairement exprimés qui placent des notions qui, à
première vue, paraissaient communes - collégialité, primauté, infaillibilité
de l’Église - dans un contexte différent. Et les mots eux-mêmes changent
de sens »51. Ainsi, la Constitution adopte des notions prometteuses d’un
côté, mais, elle rejette les conséquences de ces « prémisses »52 de l’autre.
Deux exemples qui, d’après Meyendorff, montrent une certaine inco
hérence sont la question de l’Église locale et l’absence de l’interdépen
dance entre le collège épiscopal et le pape53. A propos de l’Église locale,
le Concile, ayant recours à une ecclésiologie eucharistique, a su recon
naître formellement que la communauté chrétienne réunie autour de son
évêque et de la table eucharistique est « l’Église une, sainte, catholique
et apostolique »54. Malgré cette affirmation, on trouve d’autres passages,
qui, parlant des Églises particulières en tant que « parties », à l’image de
l’Église universelle, « rejettent clairement les conséquences, apparemment
nécessaires, de ces prémisses »55. De même, étant donné que la papauté et
l’épiscopat sont tous les deux d’origine divine et détiennent le même pou
voir, Meyendorff se demande s’il y a une interdépendance, ou seulement
Lumen Gentium est somme toute assez contradictoire ». N. A rseniev, « The Second Vatican
Council’s “Constitutio de Ecclesia” », St. Vladimir's Seminary Quartetly, 9 (1965), p. 16 :
« being at the same time aware of the possibility of different and even contradictory
influences that may have contributed to its shape ». De même, I. K armiris, « Τό Δογματικόν
Σύνταγμα », op. cit. p. 35-36, η. 1, où il cite un autre théologien grec N. Mouratidis.
51. J. M eyendorff , « Vatican II », op. cit., p. 145.
52. Ibid., p. 146.
53. La contradiction dans le rapport entre le collège et le pape sera abordée dans le
paragraphe qui traite de la primauté papale.
54. C ’est son jugement après la promulgation de Lumen gentium. Cependant, avant la
troisième session, il écrivait que « La théologie de l’Église locale - comme plénitude de grâce
et manifestation totale du Corps du Christ dans un lieu donné - reste apparemment absente
de la pensée qui guide actuellement les travaux conciliaires à Rome », J. M eyendorff,
« Papauté et Collégialité », art. cit., p. 6.
55. J. M eyendorff, « Vatican II », op. cit., p. 146. Il faut souligner ici que Meyendorff
ne prend pas en compte l’option très claire et significative du Concile en faveur du terme
« portion » à plusieurs reprises {LG 23 et 28, CD 11 et 28). Néanmoins, il est aussi vrai que
le mot « partie », partes, est également utilisé une seule fois, associé à l’Église locale, dans
CD 6. L’idée d ’un tout est par ailleurs présente, lorsque par exemple nous parlons du corps
mystique comme « un corps d ’Églises » {LG 23).
LA COLLÉGIALITÉ ÉPISCOPALE, REGARDS ORTHODOXES 17
tion, d’après lui, est présente dans tout le troisième chapitre68, puisque un
observateur objectif constate que le collège n’a pas été réellement valorisé
mais qu’il reste finalement dépourvu d’autorité sans le pape.
Dans ce qui précède nous avons dressé un tableau des réactions ortho
doxes à la doctrine de la collégialité épiscopale. La présentation analytique
des remarques critiques des théologiens orthodoxes mentionnés n’est pas
possible dans le cadre de ce propos69. Pour cette raison nous nous conten
tons par la suite de proposer une certaine classification de leurs arguments.
Dès lors, nous avons réuni les différentes opinions dans quatre catégories
thématiques qui concernent la formulation de la doctrine de la collégialité
et de son contenu par rapport à la succession apostolique, à la primauté
papale et à l’Église locale. Les trois derniers points nous semblent aptes à
désigner une typologie.
Cette typologie vise à justifier les trois convictions fondamentales que
partagent tous les auteurs. C’est un lieu commun que la doctrine de la
collégialité épiscopale, comme elle a été formulée dans Lum en gentium ,
n’est pas acceptable par la théologie orthodoxe. Tous, par ailleurs, seront
d’accord que Vatican II n’a pas réussi à équilibrer Vatican I et que l’ab
sence d’une cohérence théologique caractérise l’énoncé de la collégialité.
Malgré les différentes argumentations de chaque théologien, leurs raison
nements se résument plus ou moins autour de ces trois types d’arguments :
les arguments concernant la papauté, les arguments sur la compréhension
de l’apostolicité et les arguments à l’égard de l’Église locale.
riger et non pas simplement compléter Vatican I71. Certes, comme l’admet
Meyendorff, une telle éventualité était hors de question. Quoi qu’il en
soit, Vatican I reste un obstacle72, car il oblige la doctrine sur l’épiscopat
à se situer effectivement dans le contexte des prérogatives de la primauté
papale, et non pas l’inverse. La doctrine est formulée en termes juridiques
(notamment celui de pouvoir). Les limites posées à l’action du collège
(surtout par la Note préliminaire) éliminent forcément un rapport de réci
procité et d’interdépendance que les orthodoxes exigent entre le pape et
les évêques. Le problème crucial n’est donc pas la dépendance en tant que
telle de la collégialité envers la papauté, mais le fait que cette dépendance
n’est pas réciproque73. D’où le constat que dans les faits Vatican II n’a en
rien modifié Vatican I74.
Nellas avait posé ces deux questions : « Mais pouvons-nous faire une
telle distinction dans l’Église et parler avec une telle emphase du corps et
du collège des évêques ? Et sur quoi cette notion de la collégialité épis
copale, assez récente d’ailleurs, comme réalité et même comme terme, se
fonde-t-elle ? »75. La collégialité se fonde sur une conception de la suc
cession apostolique qui identifie, en quelque sorte, exclusivement l’apos-
tolicité à l’épiscopat76. Les arguments de ce type sont nombreux : la dif
férence fondamentale entre l’apostolat et l’épiscopat ; l’apostolicité ne se
limite pas au ministère épiscopal ; la collégialité ne prend pas en compte
la dimension ecclésiale de la succession apostolique, etc. Même si on peut
prouver l’existence d’un collège, compris comme un groupe stable, des
apôtres ou des évêques (y participant à titre personnel), les théologiens ont
Ayant évoqué d’une manière très synthétique les critiques que la doctrine
de la collégialité épiscopale a suscitées chez les théologiens orthodoxes, il
importe de procéder à une brève évaluation, en guise de conclusion. Toutes
les réactions des théologiens orthodoxes envers la collégialité épiscopale
de Vatican II furent particulièrement critiques. Or, au-delà d’une simple
polémique, les arguments développés témoignent d’une réflexion théolo
gique stimulante et d’un intérêt œcuménique sincère. Ainsi, la critique ne
se contente pas d’une controverse stérile contre la papauté81, mais pro
pose parallèlement un diagnostic des problèmes que la collégialité pose à
l’ecclésiologie orthodoxe. Les arguments à propos de la succession apos
tolique et de la notion de l’Églisè locale le démontrent.
Avant de clore ce bref bilan, il est à signaler que plusieurs des auteurs
abordés, à l’encontre des positions fermées d’autres, ont laissé une porte
ouverte : l’application ultérieure de la doctrine. Ils accordent de l’impor
tance aux réalisations de la collégialité et considèrent que leur jugement