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LE CRÉPUSCULE D'UNE IDOLE ET APOSTILLE AU CRÉPUSCULE,

DE MICHEL ONFRAY
Charles Boyer

Vrin | « Le Philosophoire »

2011/1 n° 35 | pages 147 à 158


ISSN 1283-7091
ISBN 9782353380381
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Les Livres Passent en Revue
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Le crépuscule d’une idole et Apostille
au Crépuscule, de Michel Onfray
Charles Boyer

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Michel Onfray, Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Paris,
Grasset, 2010.
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Michel Onfray, Apostille au Crépuscule. Pour une psychanalyse non freudienne,


Paris, Grasset, 2010.

C
omme on le sait, on doit à Michel Onfray deux essais
complémentaires sur (et contre) Freud et la psychanalyse
(freudienne). En ce qui concerne le premier, Le crépuscule d’une
idole, précisons d’emblée qu’il n’est guère possible de rendre compte en
totalité d’un ouvrage de 600 pages, quoique l’auteur répète inlassablement
les mêmes griefs à l’égard de Freud – personnage fort peu sympathique
à ses yeux, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous n’insisterons pas
sur ce point puisqu’Onfray reprend à son compte Le livre noir de la
psychanalyse  – en particulier les articles de Mikkel Borch-Jacobsen
lequel a été, dit‑il, « le déclencheur de ma lucidité » (Le crépuscule
d’une idole, p. 587). Dans ces conditions, nous nous contenterons de
mettre l’accent sur un certain nombre de contradictions qui parcourent
son ouvrage – sans prétendre, bien sûr, à l’exhaustivité – et qui le rendent
fort problématique – beaucoup plus problématique que Le livre noir,
qui lui, au moins, soulevait un véritable problème, à savoir celui du

. Le livre noir de la psychanalyse. Vivre, penser et aller mieux sans Freud (2005), Paris,
10/18, 2007.

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statut de la psychanalyse . Quant au second, l’Apostille, il reprend pour


l’essentiel le premier puisque Onfray nous prévient que « Les chapitres
impairs résument ce qu’il faut savoir de Freud pour envisager les enjeux
des chapitres pairs qui proposent des pistes pour une psychanalyse non
freudienne » ; des pistes pour une psychanalyse non ou post-freudienne
en s’appuyant sur Politzer, Sartre, Deleuze et Guattari, Robert Castel,
Derrida, l’éthologie, les neurosciences, la biologie moléculaire ou sa
version comportementale (Présentation, p. 32). Bref, il s’agit de sauver
la psychanalyse du naufrage freudien. Mais comment ? C’est ce que nous
examinerons dans un second temps.
Commençons donc par celui qui a fait l’objet d’une couverture médiatique
sans précédent pour un ouvrage de ce genre. On sait que Michel Onfray se
proclame « nietzschéen de gauche » depuis longtemps  ; or, dans ce livre il

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tient un discours positiviste  (sommaire ?), reprochant à Freud de proposer
« moins une psychanalyse scientifique issue d’une méthode expérimentale
avec des concepts universellement valables qu’une psychologie littéraire
issue d’une autobiographie avec des notions créées sur mesure pour lui-
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même, extrapolées ensuite à la totalité de l’humanité » (p. 104, Onfray


souligne). Critique connue, sous différente formes, de Popper au Livre noir
de la psychanalyse, mais qui, sous la plume d’un nietzschéen (de gauche)
pose problème. En effet, si Onfray considère que « le freudisme est un
nietzschéisme » dans le sens où « Freud illustre la thèse de Nietzsche en
vertu de laquelle toute philosophie – car selon lui, la psychanalyse est une
philosophie et non une science – est confession autobiographique de son
auteur » (p. 68-69), il n’en écrit pas moins (p. 374-375) que « s’il existait
une seule interprétation pour un même fait psychique et si tous les psycha‑
nalystes se retrouvaient systématiquement, sans se concerter, sur une même
interprétation, alors on pourrait parler de vérité, de science, de certitude puis
envisager l’inscription du travail de Freud et des psychanalystes dans la
lignée des découvertes définitives de Copernic en astronomie, ou de Darwin
en sciences naturelles ». Et de poursuivre que, comme « un même fait
psychique relève d’une multiplicité de lectures, [cela] plaide pour penser la

. Sur ce Livre noir, nous nous permettons de renvoyer à notre article Que faire de Freud ?,
Philosophoire, n° 34, Automne 2010.
. Sur le sens de cette étiquette, cf. par exemple son essai Physiologie de Georges Palante.
Pour un nietzschéisme de gauche (2002), Paris, Librairie Générale Française, 2005.
. Ce que le psychanalyste Jacques-Alain Miller a, lui-aussi, pointé : « Vous êtes une
créature étrange, un nietzschéen positiviste, qui rend un culte aux soi-disant “faits”, à ce
que Nietzsche appelait “l’histoire antiquaire”. La psychanalyse apprend à ne pas céder à
cette illusion », Philosophie magazine, n° 36, Février 2010.

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psychanalyse comme un perspectivisme (de type nietzschéen…) et non une


discipline scientifique ». Et plus loin (pp. 397-398), Freud ayant écrit que la
psychanalyse est un art de l’interprétation, Onfray ajoute « donc autre chose
qu’une science… Nous voilà donc bien loin de la science, de ses méthodes,
de son objectivité, de ses découvertes des lois universelles, vérifiables par
le répétition des expériences ayant permis de les obtenir, loin de formules
résumant les trouvailles de façon définitive, pour la durée des temps, à la
manière du principe d’Archimède ou du théorème d’Euclide ».
Certes, mais le problème est que pour Nietzsche il n’y a pas de vérité
scientifique objective, il n’y a que des interprétations, des perspectives
précisément. C’est ainsi, par exemple, que dans Le Gai Savoir , on peut
lire, aphorisme 373, à propos de la croyance des savants matérialistes,
« la croyance à un « monde de la vérité » qu’il serait possible de saisir

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de façon définitive au moyen de notre étroite petite raison humaine »,
que c’est là une façon de réduire l’existence « à un servile exercice de
calcul », « la dépouiller de son caractère ambigu ». C’est pourquoi,
poursuit‑il, « Une interprétation “scientifique” du monde, telle que vous
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l’entendez [vous, les savants mécanistes], resterait par conséquent l’une


des plus stupides, c’est-à‑dire l’une des plus pauvres en significations de
toutes les interprétations imaginables… ». Et de conclure l’aphorisme
en y opposant la richesse, en la matière, de la musique. L’aphorisme 374
introduit « le caractère perspectiviste de l’existence ». C’est pourquoi
« Nous ne pouvons regarder au‑delà de notre angle. » Et plus loin, « Le
monde au contraire nous est redevenu “infini” une fois de plus : pour
autant que nous ne saurions ignorer la possibilité qu’il renferme une infi-
nité d’interprétations ». Autre exemple, dans la troisième dissertation de
la Généalogie de la morale , § 24, il y dénonce « ces soi-disant esprits
libres » qui ont foi en la vérité, qui en restent « au factuel, au factum
brutum », ce fatalisme des « petits faits (ce petit faitalisme*, ainsi que je
le nomme) », « cette renonciation générale à l’interprétation… ». C’est
là, pour lui, l’expression de l’idéal ascétique. Et d’expliquer qu’il n’y a
pas de « science “sans présupposé”… il faut toujours qu’existe d’abord
une philosophie, une “croyance”… » ; il renvoie alors son lecteur à son
Gai Savoir (Livre V, aph. 344) : celui qui a foi dans la science, « affirme
en cela un autre monde que celui de la vie, de la nature et de l’histoire »,

. Nietzsche, Le Gai Savoir, trad. fr. P. Klossowski, Folio Gallimard, 1985, rééd. 2003,
Livre V.
. Nietzsche, Généalogie de la morale, trad. fr. P. Wotling, Paris, Librairie Générale
Française, 2000, rééd. 2007.
* En français dans le texte.

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et par là, nie « nôtre » monde. Dit autrement, il affirme « que Dieu est la
vérité et que la vérité est divine… ». C’est pourquoi, poursuit Nietzsche,
« À partir du moment où l’on nie la croyance au Dieu de l’idéal ascé‑
tique, il existe également un problème nouveau : celui de la valeur de
la vérité ». Ensuite, au § 25, il reprend le lien étroit entre la science et
l’idéal ascétique car les deux surestiment la vérité et supposent « un
certain appauvrissement de la vie ». Par conséquent, les victoires de la
science ont fortifié l’idéal ascétique : c’est ainsi que depuis Copernic
« l’autorapetissement de l’homme, sa volonté d’autorapetissement » est
en continuel progrès. « Depuis Copernic, l’homme semble se retrouver
sur un plan incliné – il s’éloigne désormais de son centre en roulant
toujours plus vite – pour aller où ? Au néant ? au “sentiment taraudant de
son néant” ? … Très bien ! Voilà qui serait justement le chemin menant

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tout droit – à l’ancien idéal ? … ». Ainsi peut‑il ensuite écrire :
Toute science […] vise aujourd’hui à extirper de la tête de l’homme
le respect qu’il a eu jusqu’a présent pour lui-même, comme si
celui‑ci n’avait rien été d’autre qu’une présomption bizarre ; on
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pourrait même dire qu’elle met son orgueil propre, sa forme


propre, austère, d’ataraxie stoïcienne à maintenir ce mépris de
soi de l’homme, acquis avec peine, en en faisant son titre ultime,
le plus sérieux, au respect pour soi-même…

On pourrait, bien sûr, prendre d’autres exemples, mais poursuivons.


C’est dans le chapitre 4 de la troisième partie – Méthodologie. Un château en
Espagne… Thèse n° 3 : la psychanalyse n’est pas un continuum scientifique,
mais un capharnaüm existentiel. – que Michel Onfray va aller jusqu’au bout
de sa critique en parlant, titre de ce chapitre, de « la fiction performative de
l’inconscient ». Il y explique que Freud, ayant tourné le dos « à la médecine,
à l’anatomie, à la physiologie, aux neurologues, aux médecins, au cerveau,
au système nerveux, au laboratoire… », a fourbi « une arme extraordinaire :
un inconscient psychique invisible mais omnipotent… Copernic et Darwin
s’éloignent pour laisser place à un mixte de Christophe Colomb et de Mesmer ».
Ainsi incapable de « travailler sur le somatique », il « décide de travailler
sur le psychique » c’est-à‑dire « sur l’invisible, l’impalpable, l’immatériel,
l’incorporel, l’imperceptible, le spirituel donc ». Or, « La science exige en
effet une méthode expérimentale qui suppose l’observation, donc l’usage des
cinq sens, de la totalité de son corps, de son cerveau, de son intelligence ».
Il en résulte donc que « l’inconscient freudien » n’est qu’une pure et simple
invention de Freud pour faire carrière ou, dit autrement, « Freud crée l’in‑
conscient en prononçant son nom », c’est dire qu’il s’agit d’une affirmation

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performative, que Freud demande « au lecteur de croire sur parole ». Il en


résulte ainsi, ce qu’il développe dans la quatrième partie – Thaumaturgie.
Les ressorts du divan. Thèse n° 4 : la technique psychanalytique relève de la
pensée magique – que Freud est un charlatan qui a inventé un monde magique,
qui a « soigné sur le principe de la causalité magique » (p. 369) ; d’où son
intérêt pour l’occultisme . Ainsi, « Freud inscrit donc sa psychanalyse dans
un long lignage de thérapie magique et de guérison rituelle, il descend en
droite ligne du chaman des temps préhistoriques » (p. 448). Si donc la théorie
freudienne n’est pas une théorie scientifique, elle relève de l’idéologie. Ce
qu’Onfray aborde dans sa dernière partie intitulée : Idéologie. La révolution
conservatrice. Il s’agit de la thèse n° 5 : la psychanalyse n’est pas libérale,
mais conservatrice. Il y dénonce le conservatisme freudien en reprenant à
son compte la critique freudo-marxiste, pour affirmer ensuite (p. 577) qu’il va

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examiner « la malheureuse compatibilité entre nombre de thèses freudiennes
et une politique fasciste » ; ce qu’il fait au chapitre 6 intitulé Le surhomme
freudien et la horde primitive, par quoi s’achève l’ouvrage. Il commence par
reprendre les critiques de Freud à l’égard du projet communiste en Russie,
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pour lui reprocher ensuite de n’être pas « philosophe des Lumières autrement
dit désireux d’une souveraineté populaire démocratiquement incarnée, mais
penseur de l’antiphilosophie associant le pouvoir à la figure unique de l’homme
qui le personnifie – hier le roi, aujourd’hui, du moins dans l’aujourd’hui de
Freud… le dictateur ». Comme quoi, Freud annexerait « le surhomme [de
Nietzsche] à sa propre cause – un tropisme courant dans les milieux fascistes
et autoritaires à cette époque » ; surhomme freudien coïncidant avec le chef
de la horde primitive de Totem et tabou. Ainsi, selon Onfray, le chancelier
Dollfuss, le Duce et le Führer incarneraient le « schéma idéal freudien »
(p. 544). Il lui reproche ensuite de se faire des illusions sur Mussolini voire
sur le nazisme et que le III e Reich n’a pas interdit la psychanalyse en tant
que telle, pour en déduire que « la psychanalyse n’était pas par essence
l’ennemie du national-socialisme » (p. 549) ; preuve l’exclusion de Wilhelm
Reich en juillet 1933.
Le problème, c’est que dans la première partie, Symptomatologie. Déni
soit qui mal y pense. Thèse n° 1 : La psychanalyse dénie la philosophie,
mais elle est elle-même une philosophie, Onfray fait de la psychanalyse
une philosophie voire un nietzschéisme. Une philosophie c’est-à‑dire « une
vision du monde privée à prétention universelle » comme « le spinozisme,

. Sur ce point, cf. Ch. Moreau, Freud et l’occultisme, Toulouse, Privat, 1976 ; W. Granoff,


J.‑M. Rey, L’occulte, objet de la pensée freudienne, Paris, PUF, 1983 (on y trouve le texte
et la traduction de Psychanalyse et télépathie de Freud).

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ou le nietzschéisme, le platonisme ou le cartésianisme, l’augustinisme ou


le kantisme », conclut‑il sa préface. Et de préciser : « La psychanalyse
constitue l’autobiographie d’un homme qui s’invente un monde pour
vivre avec ses fantasmes – comme n’importe quel philosophe… ». C’est
pourquoi, il ne peut être « un homme de science, il n’a rien produit qui
relève de l’universel… » (p. 50). Un nietzschéisme, comme nous l’avons
déjà noté, puisqu’il « illustre la thèse de Nietzsche en vertu de laquelle
toute philosophie est confession autobiographique de son auteur »
(p. 68-69). Ainsi, si nous avons bien compris, le freudisme n’est pas une
science mais il est une philosophie (au sens de Nietzsche) à savoir une
autobiographie tout en étant une idéologie conservatrice compatible avec
l’idéologie nazie. Reste, bien sûr, à concilier ces affirmations : si toute
philosophie est par nature autobiographie comment peut-elle aussi relever

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de l’idéologie ? Il est vrai que Michel Onfray a déjà prétendu que Kant
était un précurseur d’Eichmann  parce que ce dernier se réclamait de
ce philosophe. On attend donc un « Spinoza nazi », un « Platon nazi »,
un « Descartes nazi », un « Augustin nazi », un « Nietzsche nazi ». Or,
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on ne sait pourquoi, Nietzsche échappe à la règle : Onfray écrit (p. 55)


qu’après le fameux épisode de Turin , « Nietzsche va vivre ses dix
dernières années dans la prostration et le silence, entouré par sa mère,
puis sa sœur qui s’emparent de lui pour travestir son œuvre, sa pensée
et conduire le penseur dans la direction du national-socialisme ». Certes,
mais encore faudrait‑il expliquer pourquoi les nazis ont pu se réclamer
de sa pensée. 10
Mais le cas Nietzsche nous amène à aborder une autre critique d’Onfray
à l’égard de Freud et de la psychanalyse : il affirme (p. 202) que « L’une
des plus étranges perversions de Freud aura été en effet d’effacer toute
frontière entre le normal et la pathologique ». Ceci à propos de Totem
et tabou qui « inaugure cette étrange et fort dommageable confusion
entre le sauvage, le primitif et le malade, le névrosé, avant d’assimiler
tout ce monde à l’homme du commun ». Il le répète (p. 461) et parle de
« cette dangereuse révolution nihiliste opérée par Freud et les siens qui
s’acharnent à détruire la différence entre le normal et le pathologique »,
pour conclure ironiquement que par conséquent « Gilles de Rais, Sade
et Lacenaire peuvent en effet devenir des héros positifs – et les autres,
leurs victimes par exemple, se diriger vers le cabinet d’analyste le plus

. M. Onfray, Le songe d’Eichmann, Paris, Galilée, 2008.


. Cf. E.F. Podach, L’effondrement de Nietzsche, Paris, Gallimard, 1978.
10. Sur ce point délicat, cf. J. Derrida, Otobiographies, Paris, Galilée, 1984, chap. III.

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proche ». Cela ne l’empêche pas dans la conclusion de son livre, à propos


du « succès de Freud, du freudisme et de la psychanalyse pendant un
siècle » d’expliquer que la première raison de ce succès est que « Freud
fait entrer le sexe dans la pensée occidentale », seule raison positive
sur les cinq raisons qu’il avance. Ainsi, il considère que les Trois essais
sur la théorie sexuelle est « le texte le plus révolutionnaire de Freud »
qui l’inscrit « dans le sillage de Nietzsche » puisque Freud regarde la
sexualité « en face, sans la morale moralisatrice ». Ce qui est exact, mais
le problème est que Freud n’y affirme pas moins la continuité du normal
au pathologique.
En effet, et en s’en tenant qu’au premier essai 11, Freud passe en
revue les différentes théories de son époque pour expliquer ce qu’on
appelait alors l’inversion, puis aborde la question des pédophiles et des

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zoophiles. Et d’ajouter que « pour des raisons esthétiques, on voudrait
pouvoir rapporter à la maladie mentale de tels cas d’égarements graves
de la pulsion sexuelle. Mais cela n’est pas possible ». Freud insiste entre
autre sur le fait que l’on trouve de nombreux pédophiles « chez les maitres
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d’école et les surveillants, amenés à cela par les facilités qui leur sont
offertes ». Il conclut ce passage en écrivant : « Ces rapports curieux entre
les différentes variations sexuelles, qui peuvent former une série allant
de l’état normal à la maladie mentale, sont en vérité pleins d’enseigne‑
ments » (je souligne). À savoir que si celui qui est considéré « comme
anormal au point de vue social et moral […] est toujours anormal dans
sa vie sexuelle », la réciproque n’est pas vraie car il existe « beaucoup
d’anormaux sexuels » qui sont normaux socialement et moralement
parlant. Plus loin, à propos des perversions, il explique qu’on ne peut les
considérer « comme des symptômes de maladie ou de dégénérescence »,
car ces déviations se rapportant au but sexuel, « au moins quand il s’agit
des cas les moins graves, sont rarement absentes dans la vie sexuelle
des sujets normaux… ». C’est pourquoi, Freud va conclure ce premier
essai en affirmant que nous sommes « amenés, devant cette fréquence
de la perversion, à admettre que la disposition à la perversion n’est pas
quelque chose de rare et d’exceptionnel, mais est partie intégrante de la
constitution normale ». Et si « dans toutes les perversions, il y a en effet
un facteur congénital, […] ce facteur se retrouve chez tous les hommes,
qu’il peut en tant que disposition varier dans son intensité, et que pour
se manifester il a besoin d’impressions venues de l’extérieur ». Ainsi ce

11. S. Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1. Les aberrations sexuelles, trad. fr.
B. Reverchon-Jouve, Paris, Gallimard, 1980.

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que « nous appelons une vie sexuelle normale » se situe entre les deux
extrêmes que sont les dispositions innées et les symptômes morbides
dus à un refoulement insuffisant. Reste que c’est chez l’enfant qu’on
va trouver en germe toutes les perversions, et plus exactement que c’est
l’évolution de la sexualité infantile qui aboutira « soit à la perversion,
soit à la névrose, soit enfin à la vie sexuelle normale ».
Mais le comble est atteint lorsque Michel Onfray se met à analyser
Freud lui-même, c’est-à‑dire lorsqu’il pratique ce qu’on appelle la psy‑
chanalyse « sauvage », contre quoi Freud a mis en garde dans un texte
connu 12. Quoiqu’il en soit, c’est ce qu’il pratique en particulier dans la
deuxième partie, Généalogie. Le crâne de Freud enfant. Thèse n° 2 : la
psychanalyse ne relève pas de la science, mais d’une autobiographie
philosophique. C’est ainsi, par exemple, lorsqu’il écrit que l’analyse des

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textes de Freud conduit « vers la source noire de cette psychonévrose
de Freud : une haine de son père […] ; une mère désirée, sexuellement
convoitée […]. Cette pathologie n’avait pas de nom, elle deviendra sous
la plume de Freud le complexe d’Œdipe dont il fera une pathologie uni‑
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verselle dans le seul but de vivre moins seul avec elle… ». Par rapport
à sa mère (chapitre II), à propos d’un rêve que Freud rapporte, Onfray
écrit qu’il propose « une interprétation de l’interprétation, non pas comme
une vérité, une lecture se présentant comme vraie, la mienne, contre une
lecture fausse, celle de Freud, je n’ai pas cette présomption, mais, pour le
plaisir de la leçon épistémologique, une lecture hypothétique destinée à
montrer qu’en matière d’interprétation des rêves, il n’y a pas de science
ou de clé universelle… ». Il propose alors « une grille alternative » mais
dont on connait par avance le résultat puisque juste avant ce que nous
venons de citer, il écrivait que Freud « donne les clés de l’énigme, mais
ne veut pas s’en servir par peur, probablement, d’y découvrir le nœud de
vipère le montrant accouplé à sa propre mère ». Et par rapport au père
(chapitre IX), il écrit d’emblée : « Freud va passer sa vie à vouloir tuer
le père dès qu’il le pourra », et d’analyser des ouvrages de Freud pour
le montrer. Puis conclut ce chapitre par ceci : « Mesurons avec effroi
combien l’obsession du meurtre du Père génère chez Freud des prises
de position extravagantes, délirantes, incompréhensibles, antisémites
même, si on ne les met pas en relation avec ces règlements de comptes
libidinaux, ce combat d’une psyché travaillée dans son tréfonds par le
tropisme incestueux. Cette soumission de la théorie psychanalytique

12. S. Freud, La technique psychanalytique (1953), chap. IX, À propos de la psychanalyse


« sauvage », trad. fr. A. Berman, Paris, PUF, 1985.

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à l’impératif autobiographique guide Freud dans chacun de ses pas


d’aveugle – comme Œdipe… ». Il est vrai, reconnait‑il à la toute fin de
son travail, qu’il ne s’agit pas pour lui de « mépriser » l’œuvre de Freud,
« mais de la sortir de la légende pour l’inscrire dans l’histoire où elle a
tenu sa place un siècle durant en attendant d’autres propositions » qui,
elles aussi, seront un jour dépassées. Reste que le livre de Michel Onfray
prouve, malgré lui, qu’elle occupe toujours, aujourd’hui, une place (qu’on
lui conteste plus que jamais).
Preuve aussi, six mois plus tard, la suite, l’Apostille, dont le sous-titre
est « pour une psychanalyse non freudienne », comme si l’essentiel avait
été de se débarrasser de Freud. Il est vrai, écrit‑il d’emblée, que « La
psychanalyse est quasi morte d’avoir été exclusivement freudienne et
d’avoir pour ce faire transformé Freud en icône intouchable » (p. 31) ; c’est

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pourquoi, il peut exister « une autre psychanalyse que la seule formule
freudienne » (Onfray souligne, p. 55). Mais quelle autre ? À l’inconscient
immatériel de Freud – en fait « l’inconscient freudien est l’inconscient
de Freud » – Michel Onfray oppose l’inconscient matériel ; au monde
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virtuel de Freud qui vit enfermé dans sa bibliothèque, parmi les morts,
il oppose le monde réel ; à la pensée magique, préscientifique de Freud,
la pensée critique des philosophes comme Alain, Jaspers, Sartre, Popper,
Wittgenstein, Deleuze et Guattari, Derrida ; à la thérapie potentielle de
Freud puisqu’il n’a guéri personne, une thérapie existentielle. Sans entrer
dans le détail de ces oppositions, nous ne nous attarderons que ce sur
quoi il met lui-même l’accent.
D’abord, au chapitre 2, sur Nietzsche, bien sûr, pour fonder sa nouvelle
psychologie, puisqu’il fait du début (I, 12) de Par-delà le bien et le mal,
« le texte généalogique d’une psychanalyse non freudienne » (p. 85,
Onfray souligne), ce qui ne l’empêchera, pas au dernier chapitre, de faire
du sophiste Antiphon d’Athènes, l’inventeur de la psychanalyse. Quoiqu’il
en soit, alors que la psychanalyse freudienne « se déploie, écrit‑il, dans
la tradition idéaliste, spiritualiste, dualiste – pour tout dire : judéo-chré‑
tienne », Nietzsche propose une nouvelle psychologie « sous les espèces
d’une morphologie et d’une génétique de la volonté de puissance » ; il
veut « une physio-psychologie » susceptible de devenir « la reine des
sciences ». Et Onfray de se référer alors à Ainsi parlait Zarathoustra,
livre I, Des contempteurs du corps 13, dans lequel Nietzsche récuse le
dualisme âme-corps et écrit : « Je suis corps de part en part, et rien hors

13. Nous utilisons pour notre part la traduction de G.‑A. Goldschmidt, Paris, Librairie


Générale Française, 1983.

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cela ; et l’âme ce n’est qu’un mot pour quelque chose qui appartient au
corps ». Il ajoute que « Le corps est raison, une grande raison », et l’esprit
« ta petite raison », « un outil de ton corps, un petit outil, un petit jouet
de ta grande raison ». C’est pourquoi « Sens et esprit ne sont qu’outils
et jouets : derrière eux il y a encore le soi ». Le « soi » est « un maitre
impérieux, un sage inconnu », qui « habite ton corps, (qui) est ton corps »
et dont Onfray affirme qu’il est à l’origine du « ça » freudien car « Freud
refoule un nietzschéisme du socle de sa propre pensée ».
Or, on doit à Marcel Gauchet 14 une étude visant à replacer la décou‑
verte de l’inconscient dans son contexte, la seconde moitié du XIX e,
en insistant sur un aspect oublié ou méconnu, à savoir l’impact de la
physiologie nerveuse dans son émergence. Il s’agit, écrit‑il, d’intégrer
« l’inconscient cérébral dans la généalogie de l’inconscient tout court »

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même si l’inconscient freudien est d’une autre nature. En effet, « la mise
en évidence du fonctionnement réflexe du système cérébro-spinal dans
son ensemble ne dit rien sur la teneur de cette inconscience qu’elle oblige
à postuler. Mais elle crée les conditions pour une pensée en rupture avec
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le primat classique de la conscience ». C’est pourquoi, il consacre un


chapitre à « Nietzsche, ou la métaphysique de la psychophysiologie » et
montre que cette critique du sujet chez celui‑ci s’alimente à ce savoir
positif qui remet radicalement en cause la psychologie classique de
la volonté. Ainsi, cet inconscient cérébral, neurologique, c’est-à‑dire
cette critique psychophysiologique de la conscience développée par
les savants positivistes de cette époque, est à l’origine de la pensée de
Nietzsche. Mais Marcel Gauchet affirme que cet inconscient cérébral
de la neurophysiologie est aussi à l’origine de l’inconscient freudien
car la découverte de Freud appartient à son temps, elle tient et elle doit
« à l’impact anthropologique de ces autres découvertes capitales inter‑
venues dans le deuxième tiers du xix e siècle » c’est-à‑dire la théorie de
l’évolution et le « fonctionnement du système nerveux, du mécanisme
réflexe et de sa possible généralisation ». Certes, il n’y a pas de filiation
directe, Freud n’est pas un « crypto-neurologue » même s’il a travaillé
dans le laboratoire du physiologiste allemand Ernst Brücke (1819-1892).
Simplement ce nouveau modèle du fonctionnement cérébral a rendu
concevable l’inconscient freudien car « il a très efficacement sapé les
bases de la représentation classique du sujet conscient et de sa puissance
volontaire » quoiqu’en ait pu dire Freud par ailleurs. Ainsi « la psychana‑
lyse s’inscrit de ce point de vue dans la série des exploitations positives

14. M. Gauchet, L’inconscient cérébral, Paris, Seuil, 1992.

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d’un possible théorique dont le travail de subversion très involontaire


des spécialistes du système nerveux a été négativement l’un des princi‑
paux vecteurs ». Comme quoi, les choses ne sont pas aussi simples que
Michel Onfray l’affirme.
Puis, au chapitre 4, sur la définition de cette psychanalyse non freu‑
dienne qui « a le souci du présent concret de l’être et de son inscription
particulière dans l’histoire de son temps, plus que de son hypothétique
héritage phylogénétique… » (Onfray souligne). Elle « sera nominaliste.
Autrement dit : elle ne théorisera pas un inconscient idéal et idéel, noumé‑
nal et immatériel, mais un inconscient matériel et atomique, corporel et
historique. Histoire générale, bien sûr, histoire particulière, évidemment.
Non pas le produit phylogénétique d’une évolution psychique plurimil‑
lénaire, mais une résultante ontogénétique particulière ». Définition qui

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relève d’un point de vue matérialiste – l’inconscient matériel, corporel,
historique – mais qui surtout critique l’idée d’un héritage phylogénétique
cher à Freud. Ce que Frank Sulloway a justement appelé le « psycho‑
lamarckisme » de Freud 15 puisque celui‑ci reprenait à son compte la
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loi biogénétique fondamentale (récapitulation de la phylogénèse par


l’ontogénèse) de Haeckel (1834-1919) que suppose le transformisme
lamarckien et qui était très influente dans la biologie et les sciences
humaines à la fin du xix e siècle. On doit aussi à Paul-Laurent Assoun 16
d’avoir montré qu’en se réclamant, dans un texte célèbre, de Copernic
et de Darwin, Freud ne faisait que reprendre un schème haeckelien ; que
Haeckel se réclamait autant de Lamarck que de Darwin, comme Freud
d’ailleurs qui voulait écrire un ouvrage sur la relation du lamarckisme
avec la psychanalyse. Ajoutons que dans son Moïse 17 à la fin de sa vie,
Freud reconnaissait que la biologie « ne veut rien savoir de la transmis‑
sion des caractères acquis aux descendants. Mais nous avouons en toute
modestie, poursuit‑il, que nous ne pouvons malgré tout pas nous passer
de ce facteur dans l’évolution biologique ». Preuve qu’il avait alors bien
conscience de s’accrocher à une thèse scientifiquement dépassée.
Ensuite, au chapitre 6, sur la « psychologie concrète » de Georges
Politzer (p. 157-166). L’ennui, si j’ose dire, c’est qu’il « oublie » le texte
connu de Politzer qui condamne le freudo-marxisme – « Psychanalyse et

15. F. Sulloway, Freud biologiste de l’esprit, Paris, Fayard, 1981. Il est un des auteurs du
Livre noir de la psychanalyse.
16. P.-L. Assoun, Introduction à l’épistémologie freudienne, Paris, Payot, 1981.
17. S. Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste (1986), trad. fr. C. Heim, Paris,
Folio Gallimard, 1993, rééd. 2002, III, 1, E. Difficultés.

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marxisme : un faux contre‑révolutionnaire : le “freudo-marxisme” » 18


– alors même qu’il se réclame de Reich à qui il rend un vibrant hommage
à la fin du chapitre 4 (p. 123-134). Nous n’insistons pas.
Enfin, au chapitre 8, sur la thérapie existentielle qui va avec une psy‑
chanalyse non freudienne. Celle‑ci « est un exercice spirituel atomique :
un art de produire l’ordre du sens dans un chaos formel ». Or – nous
résumons schématiquement – comme « l’homme et sa psychè relèvent
de la matière » (Onfray souligne) et comme « la loi d’effacement ou de
conservation du matériau inconscient parait simple : elle est naturellement
hédoniste », alors « Je [Onfray] tiens en effet que la narration claire d’un
inconscient matériel génère de l’ordre mental là où règne le désordre.
Je crois également que cet ordre formulé, formalisé conduit à une cer‑
taine paix de l’âme ». D’où la référence aux exercices spirituels « de la

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méditation païenne antique », aux Essais de Montaigne et, surtout, à la
psychanalyse existentielle de Jean-Paul Sartre (p. 199-208).
Ainsi, si certaines critiques n’apportent rien qu’on ne savait déjà, reste
une conception de l’inconscient et de la psychanalyse que, nous l’avouons,
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nous avons du mal à saisir : qu’est‑ce au juste que cet « inconscient


matériel, moniste et nominaliste » si cette psychanalyse non freudienne
repose sur « la narration claire » de cet inconscient dans le but d’attein‑
dre l’ataraxie ? Bref, nous restons, à la lecture de ce complément, fort
perplexe.

18. G. Politzer, Écrits 2. Les fondements de la psychologie, Paris, Éditions Sociales,


1972.

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