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Les composites en construction

ferroviaire

par Jean-Michel GUILLEMOT


Ingénieur du Conservatoire National des Arts et Métiers,
société ALSTOM Transport
et Yves-Henri GRUNEVALD
Ingénieur des Arts et Métiers
Directeur de la société DDL Consultants

1. Grandes fonctions ferroviaires à respecter...................................... AM 5 650 - 2


1.1 Principe d’une démarche globale............................................................... — 2
1.2 Établissement d’un cahier des charges fonctionnel ................................. — 2
1.2.1 Sécurité ................................................................................................ — 2
1.2.2 Performances ...................................................................................... — 3
1.2.3 Durabilité ............................................................................................. — 3
1.2.4 Confort des voyageurs ....................................................................... — 3
1.2.5 Coût ...................................................................................................... — 3
2. Méthodologie générale de conception composite ......................... — 4
2.1 Démarches fonctionnelle, globale, intégratrice et inversée..................... — 4
2.1.1 Démarche intégratrice ........................................................................ — 6
2.1.2 Démarche fonctionnelle et globale.................................................... — 6
2.1.3 Démarche inversée ............................................................................. — 8
2.2 Limites de cette démarche et de ces concepts.......................................... — 8
2.3 Principaux avantages de cette démarche et de ces concepts .................. — 10
3. Composites pour pièces de garnissage ............................................. — 11
3.1 Généralités ................................................................................................... — 11
3.2 Exemples d’applications industrielles ....................................................... — 12
4. Composites pour pièces de structure ................................................ — 12
5. Conclusion ................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. AM 5 650

n construction ferroviaire, pour concurrencer les matériaux métalliques, on


E cherche à aboutir à des structures composites multifonctionnelles et plus
performantes en jouant sur la nature, l’ordonnancement des strates, la structure
ou la mise en œuvre du composite mais aussi en ajoutant en cours de fabrication
d’autres éléments (charges, tissus métalliques, etc.). C’est la raison pour
laquelle, on parle plutôt de multimatériaux à base composite.
Dans cet article, nous présentons les principales spécificités du cahier des
charges de structures ferroviaires.
Puis, nous exposons l’aspect conception ou plutôt méthodologie de concep-
tion radicalement différente de celle des matériaux métalliques et qui doit per-
mettre la meilleure réponse économique et technique au cahier des charges.
L’accent est surtout mis sur les aspects économiques et industriels qui sont
fondamentaux car ils conditionnent le choix ou non des matériaux composites
pour un type d’application.

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LES COMPOSITES EN CONSTRUCTION FERROVIAIRE __________________________________________________________________________________________

Nous terminons par un large tour d’horizon des composites utilisés dans
l’industrie ferroviaire en distinguant deux domaines fondamentalement
différents : les pièces non structurelles et les pièces de structure.
Donnons tout d’abord les raisons essentielles du passage aux composites :
— la grande liberté dans le choix des formes et la facilité d’obtention de géo-
métries complexes ;
— l’aspect ;
— l’absence de corrosion ;
— le coût plus faible par rapport à la tôle emboutie.

1. Grandes fonctions —

les performances ;
la durabilité ;
ferroviaires à respecter —

le confort ;
le coût.

1.1 Principe d’une démarche globale 1.2.1 Sécurité

Le processus de fabrication industrielle d’une structure composite Ce facteur est bien évidemment primordial. Il regroupe en fait
passe par la réalisation d’un certain nombre d’étapes qui, tout en deux notions :
suivant un ordre logique, interagissent entre elles dès le départ du — la résistance aux sollicitations normales et exceptionnelles ;
projet et peuvent mener à un certain nombre d’itérations : — la sécurité incendie (comportement au feu et résistance au
— l’établissement d’un cahier des charges fonctionnel ; feu).
— la conception, le dimensionnement, les calculs ; Concernant l’aspect mécanique des structures, il faut savoir que
— le contrôle, les essais, la réception ; les véhicules ferroviaires sont soumis à des efforts importants, répé-
— l’analyse industrielle. tés et extrêmement variés. La notion de fatigue des structures est
La structure ferroviaire ainsi conçue doit être bien sûr plus perfor- donc à prendre en considération.
mante mais l’être au meilleur coût. Les contraintes économiques Le véhicule doit être également conçu pour résister à une collision
sont intégrées dès le départ du projet et prises en compte à chacune éventuelle ou pour résister à des surcharges exceptionnelles.
des étapes du processus de réalisation. Les structures sont donc calculées afin que :
— à aucun moment de leur durée de vie, elles ne subissent de
déformations plastiques ou d’endommagements propagatifs, en
1.2 Établissement d’un cahier des charges particulier sous l’effet de sollicitations exceptionnelles ;
— aucune rupture en fatigue du matériel ne se produise dans les
fonctionnel structures durant les trente-cinq années de service ;
— les fréquences propres des différents équipements et sous-
ensembles soient suffisamment découplées des fréquences de
La conception est menée à partir d’un cahier des charges fonc-
fonctionnement.
tionnel afin de profiter au maximum des propriétés intrinsèques des
composites : La sécurité incendie est également un paramètre extrêmement
— des propriétés spécifiques parmi les plus performantes ; important qui va limiter, dans bien des cas, le choix du matériau
— de la capacité d’allégement ; composite. En France, la sécurité incendie ferroviaire regroupe
— de l’anisotropie ; essentiellement trois notions :
— de la remarquable résistance en fatigue ; — la réaction au feu ;
— de l’intégration des fonctions ; — la résistance au feu ;
— des nombreuses possibilités de mise en œuvre. — les fumées.
Le succès, en terme économique et technique, est largement con- ■ Réaction au feu (classement M)
ditionné par cette approche fonctionnelle.
Elle définit l’aptitude du matériau à favoriser ou non la combus-
Le cahier des charges est donc réalisé à partir d’une analyse fonc- tion. La détermination de la réaction au feu résulte de la mesure de
tionnelle où les différentes fonctions de services et de contraintes plusieurs paramètres tels que :
sont recensées, caractérisées, puis hiérarchisées. Il est important de
— l’inflammabilité ;
souligner que le cahier des charges ne doit pas faire l’objet de spé-
— la vitesse de propagation de la flamme ;
cifications trop rigides, ou trop inspirées par les propriétés des
— la production éventuelle de particules enflammées.
matériaux métalliques, empêchant ainsi de tirer parti au maximum
des avantages potentiels des matériaux composites. L’essai de réaction au feu est précisé dans la norme FDP 92-507.
Comme tous les matériaux traditionnels, les matériaux composi- Cet essai permet d’établir un classement des matériaux du point de
tes doivent contribuer à respecter un certain nombre d’exigences vue du risque au feu. On détermine six classes de matériaux symbo-
propres à l’industrie du transport en général et à celle du ferroviaire lisés M0 à M5 et NC (non classé) (M0 étant le meilleur classement).
en particulier. ■ Résistance au feu
Ces principaux paramètres, qui régissent la conception, sont : La résistance au feu se définit comme le temps pendant lequel un
— la sécurité ; élément de construction donné est susceptible de remplir le rôle qui

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lui est dévolu malgré le développement de l’incendie. Ce rôle est 1.2.2 Performances
apprécié en fonction des critères suivants :
— la résistance mécanique ; Ce critère englobe la notion d’allégement. Les enjeux d’une
réduction des masses sont nombreux :
— l’étanchéité aux flammes et aux gaz inflammables ;
— la réduction de l’usure des voies et des organes de roulement ;
— l’isolation thermique.
— l’accroissement de la capacité de transport (matériel à deux
Les éléments classés « pare-flammes » doivent respecter les critè- étages notamment) ;
res mécaniques et d’étanchéité. Les éléments classés « coupe-feu » — l’augmentation de la vitesse d’exploitation (domaine de la
possèdent les trois caractéristiques. Ces essais de résistance au feu grande vitesse) ;
sont décrits dans la norme ISO 834. — la diminution des énergies de traction et de freinage (le secteur
particulièrement concerné est le matériel urbain et suburbain).
■ Fumées (classement F)
La réglementation française prend en compte l’opacité et la toxi- 1.2.3 Durabilité
cité des fumées (normes NF X 10-702 et 70-100).
L’aptitude à l’endurance est évidemment recherchée. La durée de
La mesure d’opacité des fumées est réalisée par la méthode dite
vie du matériel est fixée à environ 35 ans.
de la chambre NBS (National Bureau of Standard). On mesure la
densité optique spécifique maximale Dm au cours des 20 min de Le matériel doit donc être fiable longtemps dans un environne-
l’essai et la valeur d’obscurcissement due à la fumée pendant les ment vibratoire complexe (le nombre de cycles vibratoires est supé-
quatre premières minutes de la pyrolyse VOF4. rieur à 109 cycles) et de plus, il est soumis à des conditions
climatiques variables.
On détermine également un indice de toxicité conventionnel ITC,
à l’aide d’un four tubulaire, en mesurant les concentrations de sept
gaz (CO, CO2, HCl, HBr, HF, HCN et SO2). 1.2.4 Confort des voyageurs
Cette notion englobe un certain nombre de paramètres subjectifs
100 × t i
ITC = ------------------- (esthétique) et quantifiables (isolation acoustique, vibratoire, clima-
cc i tique).

avec ti mesure du gaz i en mg par g de gaz brûlé, 1.2.5 Coût


cci concentration maximale dans l’air pour le gaz i,
pouvant être supportée durant 15 min sans La contrainte économique est fondamentale aussi bien pour le
atteintes biologiques irréversibles. constructeur ferroviaire que pour les réseaux clients. Ces coûts
englobent essentiellement trois notions :
Les trois paramètres ainsi obtenus Dm, VOF4 et ITC permettent de
— les coûts de réalisation CR de la fonction de la pièce incluant
calculer un indice de fumées IF à l’aide de la formule :
les contrôles ;
— les coûts d’investissements CI ;
D m VOF4 ITC — les coûts d’exploitation et d’entretien CEE.
IF = ---------- + ---------------- + ---------- .
100 30 2 En pratique, nous recherchons des solutions pour minimiser ces
Six classes de matériaux sont ainsi établies vis-à-vis du danger trois postes.
des fumées : La forte tendance des clients n’est pas d’accepter un surcoût de
fabrication compensé par un gain économique sur les frais d’exploi-
tation et d’entretien. En effet, même si on parvient à avoir un gain au
CLASSE IF niveau des coûts d’exploitation et d’entretien, cela n’entraîne nulle-
ment les clients à accepter un surcoût de fabrication. En d’autres ter-
F0 <5 mes, la notion de taux d’échange n’existe pas dans le ferroviaire.
F1 < 20 À performances bien entendu, au moins égales, le coût global
F2 < 40 d’acquisition de la fonction doit être évidemment favorable.
Dans la très grande majorité des cas, cet élément économique est
F3 < 80
déterminant pour le passage ou non au composite.
F4 < 120
F5 > 120 Toutefois, cette notion de coût doit être précisée ; en effet,
lorsqu’on fait une étude des coûts comparés de pièces composi-
D’un point de vue purement philosophique, la protection contre tes et métalliques, il est fondamental de faire une évaluation en
l’incendie dans les véhicules ferroviaires du matériel français est terme de fonction équivalente et non de pièce. En effet, l’utilisa-
réalisée par : tion des composites et leurs techniques de mise en œuvre per-
— la sélection des matériaux constitutifs du véhicule (normes mettent de réaliser, en une seule fois des pièces multifonc-
NF F 16-101 et NF F 16-102) ; tionnelles.
— un certain nombre de dispositions constructives répertoriées
dans la norme NF F 16-103. Cette notion d’intégration des fonctions est à rechercher dès le
À noter également que ce domaine incendie va subir un certain début de la phase conceptuelle du projet.
nombre de bouleversements puisqu’au niveau européen de nouvel- On le voit donc, l’évaluation économique doit donc être établie de
les normes de sécurité incendie ferroviaires sont en cours d’élabora- manière globale en prenant en compte aussi les effets induits sur les
tion par le groupe JWG (Joint Working Group) du CEN TC 256 et du coûts de montage et de maintenance.
Cenelec TC 9X.
L’atteinte d’un bilan avant tout économiquement favorable passe
À terme, nous devrons donc avoir en Europe une approche uni- nécessairement par le respect d’une démarche conceptuelle, très
que pour garantir la sécurité des passagers en cas d’incendie à bord. spécifique des composites, que nous allons préciser.

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FOURNISSEUR CLIENT
Liaison permanente
Stratégie du groupe ou de la société à toutes les phases Stratégie du groupe ou de la société
du projet
Interne Externe Interne Externe

Aspects sociaux Aspects Aspects Aspects sociaux


commerciaux commerciaux
Évolution du savoir Évolution du savoir
faire du personnel Accroissement de Acheter moins faire du personnel
ou/et maintien de la réactivité vis-à-vis cher un produit ou/et maintien de
marchés de des clients 1 plus performant marchés de
transition transition
Accroissement de Expression du besoin Réduire les coûts
Acquisition d'un la capacité à être Cahier des charges technique d'exploitations Acquisition d'un
nouveau savoir concurrentiel sur le nouveau savoir
faire qui pose le plan vente mais Capacité à faire (le plus
problème de la aussi sur le plan 2 comprendre la souvent en
définition des fonctionnement et philosophie de ses intégration et
Établissement d'un cahier
missions réelles maintenance clients (attentes maintenance)
des charges fonctionnel (fig. 2)
de l'entreprise non clairement
Capacité à exprimées…) Aspects financiers
Aspects financiers comprendre la
3
philosophie du Investissements
Investissements client (fonctions Définition des tables de en moyens de
en moyens de secondaires) pondération, définition des contrôle
fabrication et en interfaces physiques (fig. 2) (maintenance)
moyens de
contrôle Retour sur
(fabrication et 4 investissements
recette)
Définition des concepts Accroissement
Retour sur potentiels, pondérations- des marges et/ou
investissements choix du meilleurs compromis (fig. 3) réduction des
coûts d'exploitation
Accroître les
marges 5
Analyse fine du concept retenu
Définition du produit industriel

Évolution du Protection
projet : 6 industrielle
itération Prototypage final
suivante

Mise en fabrication industrielle

8
Commercialisation, exploitation,
retour sur information

Figure 1 – Méthodologie générale de développement d’une structure complexe en matériaux composites

2. Méthodologie générale 2.1 Démarches fonctionnelle, globale,


intégratrice et inversée
de conception composite
L’ordre d’énumération des démarches dans le titre est extrême-
Le succès du développement d’une structure composite repose ment important et ne doit pas être modifié lors de la mise en place
essentiellement sur la mise en place et le suivi d’une méthodologie du cycle de réflexion. Par contre, pour en expliquer simplement la
dédiée. Les figures 1, 2 et 3 illustrent les grandes lignes de cette raison, il convient de commencer par commenter la notion de
méthodologie. démarche intégratrice.

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Définition des fonctions Critères


de service et des contraintes d'acceptation
Étude biblio Brainstorming
économiques et techniques

Création d'un cahier des charges


fonctionnel

Hiérarchisation analytique des Critères économiques et stratégiques


fonctions

Définition des interfaces


Définition des tables de pondération
Tableau de bord (i)
Pondération Sol 1 Sol 1 Sol 1
Critère 1 8

Critère i 4

Critère k 1

Meilleur compromis

Figure 2 – Établissement d’un cahier des charges fonctionnel. Table de pondération. Définition des interfaces

- Stratégie de développement - Stratégie interne - Sélection ordonnée des matériaux


- Stratégie marketing et commerciale - Sélection ordonnée des procédés
- Objectifs financiers internes et clients - Stratégie de fabrication
- Définition des architectures possibles - Sélection des moyens de contrôles fabrication
- Sélection des moyens de contrôles maintenances (int./ext.) - Prédimenssionnement global et précis
- Définition des interfaces - Évaluation précise des coûts / solutions

Concept n° 1 Concept n° i Concept n° k

Critères Critères Critères

Économiques OK Économiques OK Économiques OK

Industriels OK Industriels OK Industriels OK

Techniques OK Techniques OK Techniques OK

Définition des tables de pondération


Tableau de bord (i)
Pondération Sol 1 Sol 1 Sol 1
Critère 1 8 5 4 1
… … … … Protection industrielle
Critère i 4 1 7 3
… … … …
Critère k 1 1 2 2

Meilleur compromis 2 1 5

Choix d'un concept

Figure 3 – Définition des concepts potentiels. Pondération. Choix du meilleur compromis

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2.1.1 Démarche intégratrice


Catalyseurs, durcisseur, accélérateurs

Cette démarche va permettre d’intégrer des éléments ou des fonc-


Résine Adjuvants
tions à différents niveaux de la mise en œuvre du composite.
de base et charges
Dans une structure multimatériau à base composite, les niveaux
d’intégration sont au nombre de cinq. Pour illustrer les trois pre-
miers niveaux, nous utilisons une terminologie similaire à celle uti-
lisée en mécanique de l’endommagement.
■ Premier niveau, à l’échelle microscopique
L’intégration se fait en premier lieu par le choix de la nature de la
matrice (polymère thermodurcissable ou thermoplastique, matrice
organique ou minérale) puis par sa formulation et enfin par des élé-
ments d’addition (figure 4).
Ces derniers peuvent modifier plus ou moins fortement certaines
propriétés mécaniques, physiques et chimique de la résine. Ils se Voie humide : 100 g Voie sèche :
subdivisent en trois classes : imprégnation manuelle, préimprégnés
RTM, pultrusion,
— les charges renforçantes comme, par exemple les microbilles
enroulement filamentaire
creuses de verre, de carbone, phénoliques... ;
— les charges non renforçantes comme par exemple les carbona-
tes de calcium destinés à réduire le coût des matrices ou le trihy- Figure 4 – Principe de la microintégration
drate d’alumine destiné à améliorer le classement feu des matrices
thermodurcissables ;
— les adjuvants ou additifs comme les agents anti-retrait, les automatique des inserts, la suppression des surlongueurs, l’obten-
agents anti-UV... tion des ouvertures directement en moulage. Il est également possi-
■ Second niveau à l’échelle mézoscopique (figure 5) ble de travailler sur la modularité des outillages et sur leur fiabilité
dimensionnelle lors du cycle de cuisson, ce qui permet d’alléger les
C’est le niveau du ou des plis unitaires lors de leur imprégnation. gammes de contrôle.
L’intégration se fait en jouant sur la nature des renforts (nature du
matériau de renfort, structure, orientation, masse surfacique,
volume de fibre...) mais aussi par insertion d’éléments divers Nous voyons qu’en jouant sur l’ensemble de ces niveaux, le
comme par exemple les fibres optiques ou piézo-électriques (en concepteur peut avoir une approche très différente de celle qu’il
développement), pour étudier en fonctionnement les microdéfor- pourrait retenir pour des structures plus traditionnelles. Nous
mées du pli, les fils métalliques ou de carbone, pour assurer un voyons également que pour tirer pleinement parti de ces poten-
réchauffage local, ou les tissus métalliques, pour assurer un écran tialités, il convient de mettre en place bien plus qu’un simple
de protection vis-à-vis des perturbations électromagnétiques en cahier des charges technique d’où la notion de démarche fonc-
champ électrique essentiellement. tionnelle et globale.
■ Troisième niveau, à l’échelle macroscopique (figure 6)
C’est le niveau du stratifié en jouant sur l’ordonnancement des
couches (création de précontraintes d’origine thermique) ou en 2.1.2 Démarche fonctionnelle et globale
ajoutant des éléments ou couches ayant des fonctions bien particu-
lières comme par exemple : ■ Approche fonctionnelle
— certains élastomères, notamment le Smactane®, qui permet- Le cahier des charges ne doit définir que les fonctions de la
tent d’obtenir des structures à amortissement interne très élevé, ce structure et en aucun cas les solutions techniques éventuelles pour
qui permet de supprimer les amortisseurs ou réduire les niveaux satisfaire ces fonctions, cela afin de tirer le meilleur parti de l’appro-
sonores des bruits engendrés par les écoulements enveloppant la che globale et intégratrice.
structure... ;
— l’insertion de films métalliques qui permet d’assurer un écran ■ Approche globale
de protection vis-à-vis des perturbations électromagnétiques en Cette démarche vise le composite dans sa globalité, et plus seule-
champ électrique mais surtout en champ magnétique et cela même ment dans sa conception, en considérant sont environnement, son
pour une source proche ; cycle de vie dès le début de la phase marketing et sa maintenance.
— les âmes en mousse qui jouent un double rôle (mécanique
plus isolation thermique). Elle se justifie à plusieurs niveaux :
La liste est bien trop longue et les possibilités bien trop importan- — le choix du positionnement et la nature des interfaces avec
tes pour qu’il soit possible d’être exhaustif sur un tel sujet. l’environnement influencent directement la faisabilité et le coût de
la structure. Il n’est pas rare de voir le coût d’une pièce augmenter
■ Quatrième niveau, à l’échelle de la structure (figure 7) de façon très importante suite à un choix non judicieux concernant
L’intégration se fait en jouant sur les concepts (passage d’une la nature ou la position de l’interface comme le montre la figure 9 ;
structure coque nervurée à une structure sandwich), l’ordonnance- — le problème est le même pour le choix des procédés, le choix
ment des phases (cocuisson ou approche multiphase) en suppri- des matériaux et le choix des concepts. Tous ces paramètres sont
mant les assemblages et les usinages et en jouant sur la modularité étroitement liés et donc indissociables ;
des concepts. C’est à ce niveau que l’approche multimatériau per- — la comparaison des coûts entre deux solutions ne peut se faire
met d’obtenir la réponse la plus performante en terme de rapport que sur le coût total du cycle de vie de la pièce (LCC Life Cycle Cost).
qualité/prix. Il est donc nécessaire pour l’acheteur comme pour le concepteur de
considérer le produit dans son ensemble, ce qui est malheureuse-
■ Cinquième niveau, les outillages (figure 8) ment souvent délicat (ce dernier peut être très performant dans le
L’objectif est alors d’obtenir le moulage d’une pièce dont le degré domaine des matériaux composites et ne connaître que peu de cho-
de finition est le plus élevé possible, cela grâce au positionnement ses en ferroviaire) ;

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Historique Clinquant métallique


(protection contre les interférences
électromagnétiques / champ magnétique)
Les premières tentatives d’introduction d’éléments en com- Couche de surface
posite pour matériel ferroviaire remontent à une quarantaine (protection physico-chimique)
d’années.
En Angleterre, des portes en matière plastique renforcée de
fibres de verre (GRP pour Glass Renforced Plastic) ont été utili-
sées dans les années 1960.
En France, c’est en 1960 que les composites ont été employés Stratifié
pour la réalisation d’un capot de protection d’une locomotive structurel
diesel type 63000.
Leur utilisation était pratiquement limitée à l’époque à des
fonctions purement décoratives.
Depuis les matériaux composites ont été progressivement Ame
utilisés pour des applications semi-structurelles. (structurelle +
Désormais, leur utilisation est généralisée, voire privilégiée, isolation thermique)
dans le domaine des pièces de garnissage.
Pendant une longue période, les pièces ont été réalisées en
résine polyester insaturée renforcée de fibres de verre (sous
forme de mats). Le procédé de mise en œuvre était exclusive- Stratifié
ment le moulage au contact (procédé manuel). structurel
Depuis une quinzaine d’année les exigences de sécurité
incendie ont conduit à l’utilisation de résines polyester dites
« autoextinguibles » et de résines formophénoliques (type
Figure 6 – Intégration à l’échelle macroscopique
résol). Le procédé au contact reste encore le plus utilisé dans le
secteur des pièces non travaillantes, car bien adapté aux petites
séries du ferroviaire et par là même aux exigences de coûts.
Depuis une dizaine d’années, les composites hautes perfor-
mances pour pièces structurelles telles que caisses et bogies, Version métallique
sont entrés dans une phase active de développement et de réa- 4 phases
lisation.
Phase n° 1 : Fabrication de la tôle

Fibres de carbone ou
fils métalliques Stratifié Fibre optique Fibres structurelles
Phase n° 2 : Fabrication des renforts

Phase n° 3 : Assemblage tôle + renforts

Température Phase n° 4 : Ajout d'une protection contre la corrosion


Signal optique

Intensité lumineuse
Enregistreur Version composite
1 phase
Figure 5 – Intégration à une mézoéchelle

— la comparaison des stratégies d’introduction et de mainte-


nance des structures de ce type conditionne le succès commercial
de l’opération. En effet, l’usage de structures multimatériaux à base
de composite implique souvent une remise en cause de la formation Fabrication simultanée de la plaque externe
des ensembliers, du personnel chargé de l’entretien, de la mainte- et des renfort en position
nance et même des organismes certificateurs qui se trouvent sou- (suppression de trois renforts grâce à une structure sandwich)
vent démunis face à l’usage des composites. Il convient donc de
considérer le problème dès le départ si l’on ne veut pas aboutir en
final à un échec ou une catastrophe. Figure 7 – Intégration à l’échelle de la structure

2.1.3 Démarche inversée mécanique et l’industrialisation de l’ensemble selon un ou plusieurs


procédés qui peuvent très bien être très différents de ceux retenus
Dans la conception métallique, on travaille souvent sur la prédé- pour le prototype. La phase étude commence en général relative-
finition d’un concept, la réalisation d’un prototype de validation ment doucement pour culminer en début d’industrialisation et

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ment de la structure est donc directement lié au choix de ces asso-


Réalisation de trous ciations de matériaux et à leur capacité à fonctionner harmonieu-
directement au moulage sement.
Enfin les coûts de série sont eux aussi liés aux procédés retenus
Positionnement Structure et donc à la conception série du produit.
des inserts composite
Exemple : le drapage automatisé de préimprégnés permet de trai-
ter plusieurs dizaines de kg/h et même parfois beaucoup plus alors que
le drapage manuel ne permet pas de dépasser, en cadence maximale,
2 à 3 kg/h ; par contre la machine ne peut pas travailler dans des zones
complexes, c’est donc au concepteur d’adapter (quand il le peut) sa
Bordurage définition pour pouvoir utiliser les bons procédés industriels.
"à la côte"
En résumé, le concepteur doit, dès le départ, raisonner sur le
concept de série et donc faire une démarche inversée par rapport à
celle des métaux, et cela de façon assez poussée. Le prototypage est
là pour valider la tenue mécanique et surtout la faisabilité indus-
Moule
trielle du concept. Comme il est très rarement possible d’investir ini-
tialement dans des outillages de série pour le prototype, le
concepteur doit raisonner au niveau de ce dernier par homothétie
globale en partant sur un procédé de fabrication bien adapté à la
fabrication unitaire. L’inconvénient majeur de cette approche est
Figure 8 – Intégration au niveau des outillages l’augmentation du risque en amont, l’avantage principal est, en
général, une réduction du temps et du coût global de développe-
ment. Cela à condition d’adjoindre au raisonnement une notion de
gestion de la limite de compétence car il devient très rapidement
extrêmement coûteux de vouloir fabriquer une structure multimaté-
riau en cherchant d’abord à dépasser ses limites dans le domaine.
La figure 10 illustre la comparaison de la répartition des dépenses
Choix d'un Choix d'un entre une approche traditionnelle et une approche multimatériau à
ensemble ensemble base de composites.
de matériaux de procédés

2.2 Limites de cette démarche


Choix des Choix d'une
et de ces concepts
interfaces conception

Depuis toujours, le métier d’ensemblier ferroviaire est intime-


ment lié aux métiers de la métallurgie. Il peut en résulter plusieurs
difficultés :
Prix de fabrication — au niveau des structures, la définition du besoin est souvent
fondée sur une approche métallurgique et les cahiers des charges
sont trop directifs en ce qui concerne la solution à retenir. De plus,
de par l’organisation interne très sectorisée de la plupart des maî-
Figure 9 – Liaisons interfaces, procédés, matériaux et conception
tres d’ouvrages et maîtres d’œuvres, il n’y a pas d’interaction fonc-
tionnelle directe entre les aspects mécaniques, thermiques,
électriques, électroniques. Enfin, l’usage des métaux fait que certai-
retomber avant le lancement de la série. Cette démarche n’est pas nes fonctions comme le retour de courant de traction ou la mise à la
forcément la bonne mais elle donne néanmoins souvent satisfaction masse sont « naturellement » satisfaites depuis des décennies sans
et offre l’avantage non négligeable de limiter les risques financiers que personne ne cherche à remettre en question l’approche du pro-
en amont du projet. Elle est possible car les caractéristiques des blème. Si l’on n’y prend pas garde, les cahiers des charges peuvent
matériaux sont, en général, moins influencées par le procédé de n’être ni fonctionnels ni globaux ;
mise en œuvre que dans le cas des matériaux composites et qu’il est — il n’existe pas de matériau composite standard et, si il veut être
toujours possible de rajouter de la matière, de réaliser des usinages, compétitif économiquement, le concepteur doit, pour chaque struc-
bref de modifier la géométrie de la structure sans altérer fortement ture étudiée, personnaliser son approche. Il ne peut donc plus y
ses caractéristiques. avoir de produits « catalogue » ;
Dans la conception composite et encore plus dans la conception — l’anisotropie, l’hétérogénéité, la sensibilité aux effets de bords,
multimatériau à base de composite, cela est impossible. Il n’existe aux efforts tranchants, le traitement des interfaces des matériaux
aucun matériau standard et les propriétés mécaniques, physiques, composites compliquent sérieusement le dimensionnement et obli-
chimiques, électriques... sont intimement liées au procédé de mise gent le concepteur à travailler avec des coefficients de sécurité éle-
en œuvre. Cela va même plus loin puisque deux entreprises utilisant vés si il ne veut pas dépasser son enveloppe de compétences ;
le même procédé peuvent obtenir en final des produits aux caracté- — le choix des interfaces (position, nature...) des matériaux
ristiques sensiblement différentes en fonction de leur degré de maî- métalliques avec les autres éléments (structures, aménagements,
trise du processus global de fabrication ou du choix des concepts. équipements...) sont implicitement imposés, limitant considérable-
ment l’approche globale et intégratrice. La figure 11, issue d’un
De même, la notion de multimatériau introduit une notion d’inter- exemple industriel réel, illustre la différence entre deux approches,
face entre les matériaux quelque soit la nature de cette interface celle de la conception d’une pièce métallique et l’autre, plus compo-
(micro ou macromécanique), cela introduit également la notion de site. Nous voyons immédiatement le gain apporté par une solution
transfert de flux d’efforts et donc de raideurs relatives. Le comporte- réellement composite ;

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Gain de masse par rapport à la pièce tout en acier


Conception métallique
Investissements en moyens La masse et les coûts
4
proviennent de cette région
T
Longeron composite

Solution
Prise de 3 St3 Gain de masse > 50 % demandée
risques 2
Poutre
longitudinale
St1 1 St2 (acier
Temps
Conception composite
T
Investissements en moyens

2 Première
3 4 optimisation :
Prise de Gain de masse > 60 %
risques réduction
1 des coûts > 60 %

Sn2 Sn3
Sn1
T
Temps

1 : Fin de la faisabilité On vérifie pour les surfaces St et Sn :


Deuxième
2 : Fin de la réalisation et du Sn1 >> St1 optimisation :
Sn2 > St2 Gain de masse > 70 %
développement des prototypes réduction
Sn3 << St3
3 : Fin de la période d'adaptation Sn1 + Sn2 + Sn3 < St1 + St2 + St3 des coûts > 70 %
Intégration
des prototypes
de la poutre
4 : Fin de l'industrialisation longitudinale
(suppression
des assemblages)
Investissements nécessaires pour démontrer la faisabilité
T : moment de torsion
Investissements nécessaires pour valider le concept

Investissements nécessaires pour fabriquer le concept


Figure 11 – Exemples d’approches potentielles pour traiter
une interface acier/composite

Figure 10 – Répartition des dépenses en fonction du temps entre


une approche traditionnelle métallique et une approche
Si ce raisonnement peut être mis en défaut, c’est de toute façon
inversée à multimatériaux à base composite
au prix d’une démonstration complexe et coûteuse qui mettrait en
évidence le gain de masse, l’intégration de fonctions, la réduction
des temps de cycles, etc.
— de même, la conception, le dimensionnement, la mise en — le cycle de développement « inversé » implique un raisonne-
œuvre, l’utilisation et la maintenance de ces matériaux nécessitent ment « série » ainsi que l’existence d’un cahier des charges global et
une approche spécifique. Il est donc nécessaire de former l’ensem- fonctionnel dès le départ. Comme le montre la figure 10, cette
ble du personnel de l’industrie et des opérateurs ferroviaires à approche a l’inconvénient de nécessiter un investissement amont
l’usage de ces nouveaux matériaux. L’absence de formation consti- un peu plus important. Ce sont des matériaux « nouveaux » ayant
tue d’ailleurs le seul véritable frein lié à l’usage de ces concepts. pour les plus anciens environ 50 années d’existence industrielle soit
L’usage des matériaux composites et l’association avec d’autres moins de deux fois la durée de vie des équipements ferroviaires. Le
matériaux posent également quelques problèmes propres : retour d’expérience est donc encore faible même si il existe et com-
mence à être très instructif. Les concepts multimatériaux sont
— les coûts des matières sont pratiquement toujours plus élevés encore plus récents (moins de 20 ans pour les premiers si l’on exclut
que pour la plupart des matériaux traditionnellement utilisés actuel- les inserts). Enfin, le traitement industriel des interfaces effraie sou-
lement dans le ferroviaire (figure 12). Cela ne signifie en rien que le vent le concepteur, ce qui peut constituer un autre frein psychologi-
produit final sera plus cher si l’on applique la méthodologie explici- que.
tée précédemment (§ 2.1) mais, par contre, cela constitue une bar-
rière psychologique importante.
Exemple : un chaudron (infrastructure d’un wagon) en acier coûte La démarche structures multimatériaux à base composite ne peut
moins de 100 F/kg une fois fini ; un kilogramme de préimprégné car- être qu’une démarche volontaire. En effet, un grand nombre de
bone HR résine époxyde classe 120 ˚C coûte à l’achat au minimum défauts cités précédemment peuvent devenir des avantages si le
200 F/kg et il faut rajouter à ce prix le coût de la transformation. concepteur fait l’effort supplémentaire d’en tirer parti.

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F/ kg Approche métallique
transformé
Moule

1200
Phase n° 1
Moulage
1100

1000 Structure de caisse


Carbone HM
Résine époxyde
900
Phase n° 2
800 Découpage

700

600
Carbone IM
Résine époxyde Phase n° 3
500 Bordurage

400
Carbone HR
Résine époxyde Aciers, 2,356 mm
300 aluminium
courants Phase n° 4
Verre E Contrôle
200 Résine
polyester
100
Verre E
Résine époxyde
0
Approche composite
Figure 12 – Coûts des matières
Moule 2,356 mm

2.3 Principaux avantages de cette


démarche et de ces concepts
Cadre Positionneur Structure de caisse
Nous pourrions citer de façon non exhaustive les avantages sui-
vants. Toutes les opérations sont réalisées en une seule phase

■ L’hétérogénéité, l’anisotropie et la nature intrinsèquement multi- Figure 13 – Exemples d’approches potentielles pour réaliser une baie
matériau des composites permet au concepteur de mettre réelle- et son cadre
ment « le bon matériau au bon endroit et pour les bonnes
fonctions ». De plus, il existe des moyens de calcul performants
comme, par exemple, le logiciel de calculs par éléments finis
SAMCEF®, très bien adapté à l’approche composite grâce, entre par exemple, sans compter que la plupart des matériaux composi-
autre, à une importante bibliothèque d’éléments finis dédiés aux tes sont insensibles à la corrosion ;
matériaux anisotropes et multicouche. Ces matériaux peuvent de — l’aspect économique en intervenant à deux niveaux :
plus être sensibles aux efforts tranchants et avoir un comportement • l’intégration des fonctions et donc la suppression de maté-
nonlinéaire, ce qui couvre déjà un nombre élevé de cas. En ce qui riaux et éléments complémentaires rapportés par la suite ; par
concerne les effets de bords, le logiciel KEOPS® permet le traite- exemple, une mousse isolante thermiquement et phoniquement,
ment d’un nombre important de problèmes. Ce logiciel utilise les un traitement anticorrosion, la mise en place d’amortisseurs ou
résultats provenant du code de calcul par éléments finis MEF même de suspensions...
MOSAIC®, et plus particulièrement de son module composite COM- • l’intégration d’opérations par suppression d’usinages,
POSIC® pour réaliser son post-traitement. Le traitement des effets d’assemblages, de phases de contrôle. Par exemple, suivant la
de bords, la sensibilité à l’effort tranchant, le choix des interfaces technologie retenue, il est possible d’obtenir un cadre de baie
peut donc être généralement résolu lors de la conception même. complet directement lors du moulage du chaudron supprimant
ainsi les reprises d’usinage, l’assemblage des éléments et le con-
■ La nature des matériaux et la très grande variété des procédés de trôle de la géométrie de la baie (figures 13 et 14). Pour retenir une
mise en œuvre associés permettent de réaliser une intégration mul- telle approche, il convient de disposer d’un moule fiable et très
tiniveau (microscopique, mézoscopique, macroscopique, structu- stable dimensionnellement. Si cela est le cas, la reproductibilité
relle et au niveau des outillages). Les matériaux deviennent du concept et la satisfaction des contraintes dimensionnelles et
naturellement et sans effort supplémentaire, multifonctionnel. Il est géométriques sont assurées. Il n’est donc plus nécessaire de con-
alors possible d’optimiser : trôler ces éléments sur la baie.
— l’aspect technique ; par exemple, un même multimatériau peut ■ Les choix judicieux d’interfaces et l’approche globale favorisent la
assurer simultanément l’isolation phonique et thermique, la tenue réduction des temps de fabrication (flux tendus, flexibilité accrue,
structurelle de la pièce, l’esthétique et une fonction amortissante nombre de sous-ensembles réduits...). Dans le cadre du ferroviaire,

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■ Enfin, il n’existe pas de verrou technologique majeur risquant de


Coûts comparés limiter à court terme l’usage de ces matériaux et de ces concepts
dans le ferroviaire et les voies de développement sont extrêmement
Comparaison des coûts par pièce
prometteuses.
90

80

70
3. Composites pour pièces
de garnissage
60

50
3.1 Généralités
40

Très schématiquement, nous pouvons distinguer deux grandes


30
natures de pièces :
20
— les pièces travaillantes (ou de structure) supportant des sollici-
tations importantes pour lesquelles l’aspect sécurité est fondamen-
tal. Ce secteur concerne les composites hautes performances ou
10
structuraux (cf. § 4) ;
— les pièces non travaillantes ou semi-travaillantes (ou encore
0 appelées pièces de garnissage) qui sont réalisées avec des compo-
Outillage Découpe Cadre Contrôle Total
Bordurage sites dits « de grande diffusion ».
Solution métallique C’est dans ce dernier domaine que le taux de pénétration des
Solution composite
composites est le plus important. La figure 15 donne, à titre indica-
tif, le pourcentage en masse des composites par rapport à la masse
de la caisse équipée, pour différents matériels (TGV, métros, tram-
Figure 14 – Coûts comparés des deux solutions de la figure 13
ways, locomotives...).
On constate que le pourcentage maximal de pénétration des com-
posites peut atteindre 20 %.
cela facilite également l’approche « voiture modulaire et donc per-
sonnalisable rapidement », ce qui commence à constituer une forte Ce graphe peut être considéré comme assez représentatif de
demande des opérateurs. l’ensemble du marché ferroviaire actuel. Il faut signaler toutefois
que ce type de représentation en masse pénalise les composites qui
Exemple : certains sièges nécessitent des fixations capables de sont par nature légers.
reprendre des efforts très importants. Il est possible de définir une telle
fixation en un point précis au niveau d’un plancher sandwich si l’insert De plus, si l’on fait le rapport de la masse des composites à la
est mis au montage. Il devient beaucoup plus difficile de changer la masse des habillages intérieurs et extérieurs, ces pourcentages sont
position du siège par la suite car la mise en place d’un insert structurel nettement plus élevés (le taux maximal peut représenter 40 % de la
par l’extérieur est toujours une opération industriellement complexe du masse d’aménagement du chaudron).
moins à des niveaux de coûts compatibles avec les exigences de Dans la grande majorité des cas, les composites utilisés sont des
l’industrie ferroviaire. Si le concepteur souhaite une modularité future, composites à base de résines thermodurcissables renforcées
il peut dès le départ poser un rail sur lequel pourront se fixer les sièges, de fibres de verre.
ce qui n’est, au demeurant, pas plus difficile ni plus coûteux que de Deux types de résines sont majoritairement utilisées :
mettre les inserts au départ. Par contre, le gain final est sensible puis-
que selon le concept retenu, l’opérateur peut faire évoluer son véhicule — les polyesters insaturés ;
très rapidement pour transformer un aménagement de première en — les formo-phénoliques.
aménagement de seconde, ou un transport de passagers en transport ■ Les résines phénoliques choisies sont obtenues par polycon-
de fret à l’image des avions de l’Aéropostale dont les équipements sont densation du phénol et du formaldéhyde. Elles sont du type résol,
démontés chaque soir. c’est-à-dire que le rapport phénol/formaldéhyde est inférieur à 1 et
le pH du catalyseur est basique. La chimie, de même que la transfor-
■ Il est souvent reproché aux composites de manquer de fiabilité. mation, des résines phénoliques est bien plus complexe que celles
Dans la plupart des cas, cela résulte d’une approche inadaptée à ces des résines polyesters. La réalisation de pièces phénoliques néces-
nouveaux matériaux. Mais cela n’est pas réellement un problème. site donc un savoir-faire bien particulier. Par exemple, une mise en
En effet si, comme nous le disions précédemment, le concepteur rai- œuvre non maîtrisée peut conduire à des problèmes de vieillisse-
sonne dans une enveloppe de connaissances « restreintes » ou du ment de pièces (fissurations, déformations) et donc générer des sur-
moins dont les limites sont parfaitement connues, il peut appliquer coûts. Les stratifiés phénoliques sont essentiellement utilisés
des coefficients de sécurité et investir relativement peu en dévelop- lorsque les exigences de feu/fumées sont particulièrement draco-
pements, ce qui lui permettra de satisfaire les exigences économi- niennes. On peut citer par exemple les impositions des normes
ques et techniques imposées par le marché. Bien entendu, ce anglaises (BSI BS 6853) et américaines (ASTM E 162 et ASTM E 662).
raisonnement a une limite car l’enveloppe des connaissances mini-
males est déjà relativement importante. Notons toutefois que ■ Mise à part ces cas extrêmes de sévérité, les résines polyesters
l’expérience que nous pourrons acquérir et une connaissance sans autoextinguibles permettent de répondre à la plupart des exigences
cesse accrue de ces matériaux permettra dans le futur une nouvelle de comportement au feu. Il faut savoir également qu’un certain
optimisation significative. nombre de développements sont en cours pour améliorer sensible-
ment les caractéristiques feu/fumées des résines polyesters. Ainsi
■ En terme de formation, les compétences et les moyens existent et par exemple, des recherches ont conduit à la mise au point de rési-
même si les coûts associés sont non négligeables, ils sont très lar- nes polyesters insaturées chargées ayant des propriétés feu/
gement compensés par les gains. fumées, selon les normes françaises, égales voire supérieures à cel-

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R (%)
Métros, train de banlieue, tramway,
véhicules automatiques légers Trains à grande vitesse Locomotives

(2157)
20

15
(1195)
(746)

(1039)
10
(776)

(807)

5 (864)
(245)
(200) (268)

MP89 V2N Tram VAL Métro TGV A TGV A TGV TGV BB36000 Matériel
LYON D deux PBKA
niveaux

( ) = masse composite en kg Motrices grandes vitesses

Masse de composite
R (%) =
Masse de la structure sans les bogies, les équipements électriques et sans les
équipements tels que les blocs moteurs, moteurs pour motrices et locomotives

Figure 15 – Pourcentage en masse de composites pour différentes natures de matériel ferroviaire

les des résines phénoliques (jusqu’à un classement qui peut attein- — des intérieurs de voiture ;
dre M1F0 selon la norme NF F 16-101). Cette amélioration est due à — des coques de sièges ;
un procédé original de greffage de charges minérales sur le réseau — des planchers ;
polyester. Ces résultats prometteurs doivent être cependant suivis — des portes.
par une analyse de la mise en œuvre de cette nouvelle résine.
Dans le domaine des équipements électriques, on peut citer :
Au niveau des procédés de transformation, le plus utilisé est le
procédé manuel au contact qui est bien adapté aux séries de pièces — des bacs de batteries ;
ferroviaires (généralement inférieures à 1 000 pièces). — des portes de blocs moteurs ;
Il est important de signaler que la qualité des stratifiés va être tri- — des cartes électroniques.
butaire du sérieux de l’opérateur, c’est-à-dire du respect de la À noter enfin qu’au niveau du pantographe, les cornes d’archets
gamme opératoire et des règles de l’art. sont réalisées en polyester renforcé verre.
Pour des applications particulières, nous retrouvons les technolo-
gies suivantes :
— la projection de résine (capotage) ;
— la compression à chaud de SMC polyester (ex. : coques de siè- 4. Composites pour pièces
ges, masques de baies) ;
— le drapage sous vide de tissus préimprégnés (ex. : planchers) ; de structure
— le procédé RTM (ex. : coques de sièges) ;
— le moulage sous presse à plateaux (ex. : planchers).
Le secteur des grandes pièces de structure (caisses, bogies), qui
concerne donc les composites hautes performances, est actuelle-
ment en plein développement depuis pratiquement dix ans.
3.2 Exemples d’applications industrielles
Au niveau des matériaux, c’est le domaine réservé aux résines
époxydes. En effet, elles possèdent de bonnes propriétés mécani-
Typiquement, les pièces réalisées en composites dans le secteur ques et répondent, pour certaines d’entre elles, aux exigences de
de la mécanique (figure 16) sont : comportement au feu.
— des carénages avant ; Les renforts utilisés sont, la plupart du temps, des tissus de
— des pupitres ; verre et/ou de carbone.

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CITADIS
Aménagements intérieurs

Figure 18 – Caisses de tramway : pièces sandwichs obtenues


Istanbul Métropolis par enroulement filamentaire (fabrication Schindler Technik)
X TER

Le ratio du volume de carbone au volume de verre est fonction


des types d’applications et bien sûr des objectifs de réduction des
coûts à atteindre.
Deux types de technologies sont utilisées sans la construction des
pièces structurales.

Pupitre SYBIC 1/2 plancher VAL 256 ■ Pièces monolithiques


Elles sont obtenues par superposition de couches de tissus secs
(technologie RTM ou infusion) de préimprégnés avec des orienta-
tions préférentielles mais également par enroulement filamentaire
(figure 17).
■ Pièces sandwichs
Elles se composent d’une âme en nid d’abeilles ou en mousse
rigide prise en sandwich entre deux peaux dont la technologie de
mise en œuvre est celle des pièces monolithiques, mais générale-
TGV 2N TGV Sud Est TGV réseau Singapour ment d’épaisseurs plus faibles. Ce type de matériaux sandwich offre
Métropolis une grande rigidité en flexion et en flambage en même temps
qu’une grande légèreté.
Par contre, elles sont dans certains cas sensibles aux chocs et
Figure 16 – Pièces de garnissage en composite (fabrication ALSTOM) poinçonnements et/ou au efforts tranchants (sensibilité accrue aux
cisaillement).
Les technologies de mise en œuvre utilisées sont généralement :
— l’enroulement filamentaire (figure 18) ;
— le drapage de préimprégnés et la cuisson en étuve (figure 19) ;
— le RTM.

5. Conclusion
On peut aujourd’hui affirmer que plus les structures étudiées sont
multifonctionnelles plus les concepts multimatériau à base de com-
posite sont concurrentiels techniquement et économiquement.
Ces concepts permettent d’obtenir :
— un gain technique en fournissant des solutions réellement plus
performantes en terme de confort, de caractéristiques mécaniques,
d’allégement... ;
— dans le cas particulier du ferroviaire et en ce qui concerne les
trains à grande vitesse, une diminution d’au moins 20 % des prix de
revient des voitures équipées, cela sans prendre en compte les
effets induits comme :
• la réduction des délais de fabrication. À titre d’exemple, la
fabrication complète d’un chaudron intégré de véhicule grande
Figure 17 – Réservoirs : pièces monolithiques obtenues ligne comprenant l’isolation thermique, les cadres de baies et de
par enroulement filamentaire portes, les conduits de ventilation, les supports d’équipe-

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ments... représente de l’ordre de 150 h et peut être automatisée — des retours sur investissements tout à fait compatibles avec
à plus de 50 %, les exigences des nouveaux marchés, cela même en incluant l’évo-
• la réduction des surfaces de production car il est alors beau- lution profonde des formations.
coup plus aisé de travailler en flux tendu et de réduire à la fois la Cette approche est donc économiquement et techniquement justi-
taille de la chaîne et celle des stocks. La réduction des stocks fiée, même si celle-ci remet en cause certains côtés « traditionnels »
induisant elle même une réduction des frais financiers, du métier d’ensemblier ou d’opérateur ferroviaire qui, de toute
• la réduction des prix des matériaux de hautes performances façon, risquent d’être bouleversés par l’évolution internationale des
suite à l’accroissement de la demande, marchés.
• une réduction des coûts d’exploitation, grâce à plus de modu-
larité, et de maintenance, grâce aux propriétés spécifiques de
ces concepts ;

Extrémité
porteuse

Transmission Jacquemin pour locomotive Tronçon


central Extrémité
supportée
Fabrication : ACX Industries

Figure 19 – Pièces sandwichs obtenues par drapage de préimprégnés

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